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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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A. LES PRODROMES DE LA RÉVOLUTION.

 

V. La rentrée à Bruxelles. - Gendebien et le prince d'Orange.

 

(page 220) Nous arrivâmes à Bruxelles, le 1er septembre à 8 heures du soir. Je dis sommairement aux patriotes, réunis à l'hôtel de ville, le résultat de notre mission.

Je promis de leur faire, le lendemain, un rapport écrit. J'ajoutai que le Roi avait invité M. Joseph d'Hooghvorst et moi à aller, immédiatement après notre arrivée, nous entendre avec le prince d'Orange, sur les moyens de ramener le calme, sans effusion de sang ; (page 221) il y eut assentiment unanime, preuve d'une grande modération après le succès de la journée.

A 9 heures nous entrâmes au Palais du Prince, nous fûmes reçus immédiatement. En traversant l'antichambre, nous fûmes accueillis avec des marques équivoques de dédain de la part des officiers d'état­-major du Prince ; quelques-uns même s'appuyant sur leur sabre, le firent résonner sur le parquet.

Je leur rendis dédain pour dédain et je sus profiter de ces inconvenances.

Je m'attendais à être aussi mal reçu par le Prince que par ses valets, « tels valets, tel maître. » Pour prévenir une boutade, Je pris l'initiative et dis au Prince, en l'abordant : « Nous avons été insultés dans Votre antichambre par des hommes qui se croient supérieurs aux autres hommes, parce qu'ils portent au côté un morceau de fer ; faites-leur comprendre, Monseigneur, que le fer est impuissant et souvent ridicule, en présence de tout un peuple qui réclame des droits, et qui a aussi du fer pour les conquérir ».

L'à-propos eut un plein succès, le Prince me dit : « Calmez-vous, calmez-vous, vous vous êtes trompé, je suis persuadé qu'ils n'ont pas eu l'intention de vous insulter ; ils sont un peu irrités des dangers que j'ai courus aujourd'hui, ils ne sont, pas plus que moi, habitués au spectacle hideux de la populace menaçante ; des ouvriers bouchers couverts de sang, et portant sur l'épaule les instruments de leur métier, qui me faisaient, comme à eux, l'effet d'instruments de supplice. Cet horrible spectacle ne sortira jamais de ma mémoire. » Il répéta souvent la même chose, pendant notre entrevue, qui fut longue.

« Je suis content de vous voir tous les deux, dit-il, je suis enfin en pays de connaissance. Voyons, que me venez-vous apprendre ? »

M. J. d'Hooghvorst lui dit : « Le Roi nous a prié de venir vous voir et de vous donner les conseils que vous pourriez nous demander. »

« Oh ! des conseils, il y a longtemps qu'on aurait dû nous en donner, dit le Prince, nous ne soupçonnions pas, personne à La Haye, le Roi lui-même ne se doutait pas de la gravité des événements qui se sont préparés dans l'ombre, et qui vont éclater et peut-être se noyer dans le sang. Tout le monde a conspiré, personne ne nous a donné un avis, un avertissement, un conseil. Vous même, Frère Gendebien (frère maçon) que j’ai toujours traité avec la distinction que vous méritez, vous avez oublié vos devoirs de Frère : au lieu de m'avertir, au lieu de me montrer le précipice où nous marchions, vous avez aidé à creuser le précipice, vous nous avez fait bien du mal.» Il avait les larmes aux yeux, (page 222) en parlant haut. « Quel mal vous ai-je fait, Monseigneur ? » - « Pas à moi personnellement, mais au Roi, au gouvernement, dit le Prince. Vos écrits dans le Courrier, dans le Belge, votre plaidoyer dans le procès de De Potter, le scandale que vous avez fait devant la cour de cassation où vous avez insulté le président que vous avez forcé de quitter son siège ; le scandale que vous avez fait au procès de Claes où vous avez encore insulté toute la magistrature, causé de vives émotions, et provoqué des récriminations violentes ! » - « Ah ! Monseigneur, on vous a trompé ». - « Je n'entends rien à tout cela moi, je sais seulement que Van Maanen voulait vous faire condamner, et je crois avoir contribué à arrêter les poursuites, en faisant savoir à Van Maenen, qu'il se ferait, et au gouvernement, plus de mal, qu'à vous-même. Je savais que vous étiez homme à soutenir la lutte avec vigueur et votre condamnation m'eût fait mal. » -« Monseigneur, mes écrits dans le Courrier et dans le Belge, ne peuvent pas avoir produit toute l'influence que vous leur attribuez, puisqu'aucun n'a été poursuivi en justice. » - « C'est précisément pour cela qu'ils nous ont fait tant de mal : ils étaient d'autant plus dange­reux qu'ils étaient modérés, en apparence, et à l'abri de toute répression ». Je repris : « Le procès de De Potter a, sans doute, produit beaucoup de scandale et de formidables irritations, mais à qui la faute ? à ceux qui devraient toujours donner l'exemple de la modération ; à ceux qui recherchaient toutes les occasions de donner des preuves de leurs mauvais instincts, de leurs passions haineuses pour les Belges ; à ceux qui les considèrent comme des colons taillables et corvéables, selon leur bon plaisir.

Le procès était absurde : accuser de conspiration des hommes qui publient dans les journaux un projet d'association, d'assurance mutuelle, ce n'est pas seulement absurde, c'est odieusement ridicule.

Puis, méconnaissant le respect qu'on doit au secret des lettres, méconnaissant les plus simples notions de convenances sociales, ils ont imprimé et distribué, avec profusion, les lettres intimes de deux amis, dans l'espoir de leur attirer des inimitiés implacables.

Ce n'est pas tout : Van Maanen a ordonné à l'avocat général S... d'accuser les Belges d'ingratitude envers leur Roi. .

       Enfin, feignant de se tromper sur la signification du mot « Pédarchie », ils en ont fait sortir une accusation infâme. (Note de bas de page : Ce fut plutôt un incident grotesque, provoqué par l'ignorance surprenante de l'avocat-général Spruyt, qui prononça son réquisitoire dans les séances des 19, 20 et 21 avril 1830. De Potter avait écrit, le 18 octobre 1829, dans une lettre à Tielemans : « Je me sépare entièrement de la pédarchie - De Potter, bon helléniste, avait forgé ce mot pour qualifier un groupement de quelques jeunes journalistes assez présomptueux pour aspirer au gouvernement - ; je romps tout engagement et ne veux rien avoir rien de commun avec ce tripot-là... ». Confondant pédarchie avec pédérastie, l'avocat général demanda pardon à la Cour de prononcer ce mot ordurier 1!... Nous devons ces détails à l'amabilité de M. L. Laudy).

(page 223) Notre devoir, l'honneur du pays nous ont imposé l'obligation de repousser énergiquement toutes ces absurdes calomnies, chacun de nous a rempli loyalement sa tâche.

J'ai répondu à l'accusation d'ingratitude : j'ai démontré que le million consacré à l'industrie avait souvent servi à corrompre, à faire des créatures serviles et dévouées. J'ai démontré qu'il avait nui à la véritable industrie, en soudoyant des mains avides et inintelligentes qui tuaient l'industrie indépendante par une concurrence ruineuse pour tout le monde et pour le gouvernement lui-même.

J'ai démontré que la création des canaux serait peu profitable à l'industrie, à cause de la hauteur des péages, j'ai prouvé que le but de cette création était de procurer au syndicat d'Amsterdam, en peu d'années, un gros revenu dont les Belges feraient tous les frais.

Enfin, Monseigneur, j'ai prouvé que le million de l'industrie avait très grassement soudoyé un forçat libéré chargé d'insulter, de calomnier, chaque jour, la Belgique et ses plus nobles enfants.           ,

Je crois m'être justifié du reproche que Votre Altesse Royale m'a adressé. Il me serait facile de compléter ma démonstration. » - « Cela n'est pas nécessaire, dit le Prince, je vous ai compris. De quelque part qu'il soit venu, le mal est fait. Il faut maintenant chercher un remède ; on en veut beaucoup à Van Maanen ; je ne l'aime pas, si j'en avais le pouvoir, je n'hésiterais pas à le renvoyer.

Je sais qu'il fait beaucoup de mal. Si mon père le renvoyait, et le remplaçait par Dotrenge ou Reyphins  (Reyphins (1767-1838) fut député de la Flandre Occidentale à la seconde chambre des Etats-Généraux de 1815 à 1828. Plus anticlérical enco.re que Dotrenge, il fut, comme lui, élevé, en 1828, à la dignité de Conseiller d'Etat) ou un autre Belge, calmerait-il les esprits ? »

- « Il y a six semaines, cette mesure eût eu, sans doute, d'excellents effets ; elle ne suffit plus aujourd'hui, les défiances sont grandes ; on exigera des garanties contre son retour. On ne s'arrêtera pas là : on exigera la réparation des griefs, qui sont nombreux ; on exigera une représentation aux Etats-Généraux, en raison du nombre des habitants dans les deux parties du Royaume.

C'est je pense, la seule mesure qui puisse conjurer la révolution, parce qu'elle réparerait toutes les iniquités, et donnerait des garanties certaines contre le retour des abus dont on se plaint. »

(page 224) - « Ce que vous me demandez est impossible, le Roi n'y consentira pas, dit le Prince, et, s'il l'accordait, une révolution éclaterait immédiatement en Hollande, dans quelles complications votre proposition nous jetterait ! »

- « Ce que vous considérez comme une complication, me paraît, au contraire, simplifier la question qui se réduit à choisir entre une révolution de 2,000,000 d'habitants qui n'ont pas souffert dans le passé, et une révolution de 4,000,000 d'hommes qui ont été humiliés, exploités, et qui sont très irrités. Le choix ne me semble pas difficile. Conjurez d'abord la révolution des 4,000,000. Lorsque vous leur aurez accordé la justice qu'ils réclament, ils vous aideront à comprimer la révolution des 2,000,000 d'enfants gâtés, si, ce que je ne crois pas, la majorité de ces enfants gâtés se refusait à comprendre qu'elle n'a rien à gagner en s'insurgeant, et qu'elle a des libertés :, acquérir, en faisant cause commune avec les Belges. N'oubliez pas qu'il y a en Hollande un parti républicain nombreux et puissant, qui se rangerait nécessairement du côté de ceux qui aiment la liberté. Donnez des libertés ; beaucoup de libertés, c'est le seul moyen d'éviter la révolution dans le Nord et d'arrêter la révolution dans le Midi.

- « Oh ! dit le Prince, vous m'effrayez, et vous appelez cela une simplification. »

- « Sans doute, vous m'avez demandé un remède pour éviter une révolution dans le Midi, j'en ai hasardé un, vous m'avez fait une objection, j'ai essayé de la résoudre. Je persiste à croire le remède bon, bien entendu, pour résoudre l'alternative d'une révolution dans le Midi ou dans le Nord. Le remède que je demande c'est le moyen de terminer votre révolution sans effusion de sang. Si le Roi refuse les concessions qu'on lui demande, la révolution se fera avec ou sans effusion de sang. Elle se fera, je la considère comme faite. » - « A quoi cela aboutira-t-il ? » ­« A une séparation du Midi et du Nord, administrativement peut-­être, et plus probablement une séparation complète. »

- « Vous voulez donc la dissolution du Royaume.» - « Oui, au moins momentanément, jusqu'à votre avènement au trône. »

- « Comment entendez-vous cela ? Expliquez-vous. »

- « Monseigneur, la séparation est inévitable, vous ne pouvez le méconnaître ; eh bien, acceptez la charge d'administrer la Belgique comme Vice-Roi, ou plutôt comme Roi ; cela sera mieux agréé par la Belgique. A la mort du Roi, votre père, les deux parties aujourd'hui si profondément divisées, se réuniront sans difficultés ; les intérêts (page 225) réciproques bien compris feront ce que la diplomatie n'a pu faire. Les 4,000,000 de Belges cesseront d'être considérés comme un accessoire inféodé à 2,000,000 de Hollandais, la première cause de la morgue hollandaise et de l'humiliation de la Belgique cessant, la fusion se fera complète, dans l'intérêt de tous. Si les Hollandais se refusent à ce nou­veau pacte d'union, vous aurez au moins conservé la plus grande et la plus importante part du Royaume des Pays-Bas. » - « Mon père ne consentira jamais à cette combinaison.» - « Eh bien, il perdra pour lui et pour ses successeurs les deux tiers de son royaume. » - « Mais puis-je honorablement, consciencieusement, détrôner mon père ; cela n'est pas possible. D'ailleurs mon beau-frère, l'empereur Nicolas (empereur de Russie) ne le souffrira pas ; il réunit son armée, et avant trois mois il sera en Belgique. »

- « Ne comptez pas sur son arrivée, elle sera arrêtée en Pologne qui ne peut manquer de faire sa révolution ; puis elle rencontrera de graves événements en Allemagne. L'Allemagne n'a pas oublié les déceptions de 1813-1814 ; elle jette ses regards vers la France de Juillet ; elle a compris que la liberté ne peut lui venir du Nord, mais du Midi. Si l'armée russe voulait passer le Rhin, la France se lèverait en masse pour la repousser. »

- « Il y a du vrai dans ce que vous dites, répliqua le Prince, si je pouvais le faire comprendre à mon père, s'il adoptait vos idées, s'il consentait à abdiquer en ma faveur, croyez-vous que la Belgique adopterait ces idées ? »

- « Demain, oui, j'en réponds, Monseigneur ; dans trois jours, je ne répondrais plus de rien ; demain, si vous voulez aujourd'hui signer un compromis qui stipule toutes les conditions de votre avènement au trône, où vous ne monteriez qu'après avoir juré la Constitution qu'un Congrès serait appelé à voter librement pendant votre absence ; car vous prendriez l'engagement de quitter la Belgique pendant le temps nécessaire pour voter la Constitution ; si le compromis est accepté, signé, avec engagement d'honneur de l'exécuter, je prends l'engagement de vous faire proclamer demain, à midi, Roi des Belges. Je n'y mets pour moi qu'une condition, c'est d'être libre de n'accepter aucune fonction. »

- « Tout cela est très bien imaginé et serait même raisonnable si vous me donniez le temps de consulter mon père ; sans son consentement, je ne puis, je ne veux rien faire. » - « J'ai déjà eu l'honneur de vous le dire : ce qui est possible demain sera probablement impossible dans trois jours. Les idées, les événements marchent rapidement en temps de révolution. » - « Indiquez-moi un autre remède d'une plus (page 226) facile exécution, dit le Prince, vous avez l'habitude de démêler des affaires compliquées, vous devez avoir des ressources inépuisables, donnez-moi une alternative qui peut me permettre de faire un choix. »

- « J'ai déjà eu l'honneur de vous offrir deux alternatives, je ne connais pas de moyen terme. »

Comme il insistait, je lui dis : « Vous exigez une alternative nouvelle,. Monseigneur, eh ! bien, voici mon dernier mot : Demain, à midi, Roi des Belges, aux conditions que j'ai indiquées, ou otage de la ville de Bruxelles pour la sécurité de la Belgique. »

Le Prince recula deux pas et dit : « Comment, votre prisonnier ? - « Non, otage. » --- « Mais c'est violer la promesse donnée, la foi jurée, vous voulez donc me faire assassiner ! »

- « Ah ! vous n'en croyez rien et vous me faites une bien grave injure. Je réponds sur ma tête de votre sécurité ; dans deux heures, cent, deux cents jeunes gens veilleront à votre sûreté, et moi je me coucherai en travers de la porte de votre appartement. Vous ne serez en réalité otage que pour le Roi seul ; vous aurez le temps de le consulter sur le parti à prendre. Nous ferons courir le bruit que vous insistez pour obtenir du Roi la séparation administrative, ce qui sera un acheminement à l'exécution du seul parti sérieux que j'ai eu l'honneur de vous proposer. Vous voyez que je ne veux pas vous faire assassiner, mais que je travaille dans l'intérêt de tous, le vôtre compris. »

Le Prince me donna une affectueuse poignée de main et me dit : « Vous m'aviez effrayé, ou plutôt vous m'avez fait grand chagrin », puis il ajouta : « Puisque nous n'avons rien pu conclure ce soir, venez demain au conseil extraordinaire que j'ai convoqué.» - « Je m'y rendrai, si vous l'exigez, mais je dois vous prévenir que je ferai les mêmes propositions que j'ai développées ce soir. »- « Oh ! cela n'est pas possible ! » ­

« Eh bien, je m'abstiendrai de m'y rendre. » Le prince insista, je persistai dans mon refus. - « Dites-moi quelques noms que je pourrais convoquer. » me dit-il. - «Cela est assez difficile, ne connaissant pas les éléments dont se composera votre conseil. »

Il me cita quelques noms très aristocratiques. - « Des grands seigneurs ! c'est très bien, si vous voulez des avis conformes au vôtre, que pouvez-vous espérer d'hommes, très honorables sans doute, mais qui ne connaissent pas la situation des esprits et des choses ? S'ils le savaient, ils n'oseraient peut-être pas vous le dire, dans la crainte de vous désobliger. Pour établir une discussion utile, appelez à votre conseil : Rouppe, Van de Weyer, Teichman, l'ingénieur. » - « Ils sont vos (page 227) amis ? » - « Oui, mais je ne leur dirai pas les propositions que j'ai faites ; je promets de ne les influencer d'aucune manière. »

- « Puisque vous ne voulez pas prendre place au conseil, venez me voir, vous serez reçu à toute heure de jour et de nuit ; je vais donner des ordres. » - « Et à vos officiers, Monseigneur, d'être convenables et polis, si c'est possible. » - « Vous y pensez encore ! soyez tranquille, vous serez bien reçu par tout le monde ici, au revoir» (Note de bas de page : Le prince d'Orange était brave, bon, généreux, mais il avait les défauts de ses qualités. Entré très jeune au service de l'Angleterre, il avait passé sa jeunesse dans les camps, où il avait contracté des habitudes de frivolité, de légèreté, dont il se serait affranchi, si son père l'avait associé à ses travaux. Toutes les fois qu'il me rencontrait, il me donnait une poignée de main, s'informait de la santé de mon père qu'il estimait beaucoup, disait-il.

Aux banquets maçonniques, il m'invitait souvent à prendre place près de lui. En qualité d'orateur, j'avais souvent parlé de l'égalité, de la nécessité pour tous, gouvernement et gouvernés, de s'en rapprocher autant que possible.

Il me dit : « Vous êtes sans doute républicain.» - « Oui, lorsque les rois voudront sincèrement l'égalité, je serai royaliste. » Je définis ce que j'entendais par l'égalité. ­« Je pourrais donc être roi et républicain, car j'aime beaucoup l'égalité.» «Vous êtes dans le vrai, Vénérable (président de loge) ; la royauté n'est possible, au XIXe siècle, qu'à la condition d'être républicaine, c'est-à-dire égalitaire. »,

Dix-huit mois avant la révolution, je quittai la loge pour n'être pas en contradiction avec les principes de l'union catholique libérale.

J'aimais le prince d'Orange, je l'ai combattu à regret, j'ai toujours placé le devoir au-dessus de mes sympathies, au-dessus de toute considération. (Note de Gendebien.))

Nous prîmes congé, il était bien près d'une heure. M. J. d'Hooghvorst était mon voisin, nous cheminâmes ensemble. « Il y a du bon chez le Prince, me dit-il, il a écouté, sans se fâcher, des vérités bien dures.» ­- « Dures, non, mais sévères, utiles, nécessaires même pour lui, autant que pour la Belgique. Figaro n'a-t-il pas dit : « La nécessité rapproche les distances.» - « Je n'ai pas voulu vous contredire, mais les choses ne sont pas aussi avancées que vous le croyez. » - « C'est précisément pour les faire avancer que j'en ai parlé, comme si elles étaient arrivées au point. J'ai voulu le prémunir contre les endormeurs de son conseil extraordinaire, ils ne savent pas qu'il n'y a pas un moment à perdre ; qu'une résolution énergique peut seule éviter ou clore honorablement une révolution. Je voudrais comme vous l'éviter, parce qu'elle entraînera de grandes souffrances, des ruines peut-être ; mais je suis convaincu qu'on ne peut l'éviter ou la clore immédiatement, qu'en prononçant immédiatement la séparation, un divorce complet. »

- « Le Roi est entêté et n'y consentira pas, dit M. d'Hooghvorst. » : - « Nous nous passerons de son consentement, et la révolution suivra son cours ; elle est inévitable, vous devez le reconnaître. 4,000,000 d'hommes une fois mis en mouvement, ne s'arrêtent pas. »

(page 228) ­- « Je le crois aussi, mais nous ne devons pas moins faire tout ce qui est possible pour éviter ce grand malheur. » - « Sans doute, mais je regrette que nous ne soyons pas d'accord sur les moyens : si nous montrons de la faiblesse, nous sommes perdus, c'est la guerre civile ; si nous montrons de l'énergie, de la détermination, nous pouvons conjurer la révolution par l'intimidation ou par la défaite de nos ennemis. »

Sur ce, nous nous séparâmes.

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