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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 juin 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chamber des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1299) M. Maertens procède à l'appel nominal à 9 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Henri-Adolphec-Hubert Mulhens, propriétaire à Liège, né à Puppelsdorf (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Les sieurs Gain et de Marbaix, cultivateurs à Soignies, demandent que le gouvernement fasse abattre les peupliers du Canada qui longent la grande route de Mons à Bruxelles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des membres du conseil communal des Isnes demandent la mise en exploitation de la partie du chemin de fer du Luxembourg, comprise entre Bruxelles et Rhisnes. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Lize demandent que des hameaux de la commune de Seraing en soient séparés et forment une commune distincte sous le nom de Lize. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les employés du service actif de la douane à Welkenraedt demandent une augmentation de traitement. »

« Mêmes demandes des préposés des douanes de la brigade de Wervicq et des employés des douanes à Froidchapelle. »

- Même renvoi.


« Le sieur Henri-Conrard Vermeulen, demeurant à Maeseyck, né à Heythuysen (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« M. le vicomte Vilain XIIII demande un congé d'un jour pour assister en Flandre à l'anniversaire célébré à l'occasion de la mort de sa mère. »

- Ce congé est accordé.


« M. le président de la chambre de commerce de Mons adresse à la Chambre deux rapports sur la situation du commerce et de l'industrie de l'arrondissement pendant les années 1853 et 1854. »

« M. Ducpetiaux fait hommage à la Chambre de son ouvrage intitulé : « Budget des classes ouvrières. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi accordant des crédits extraordinaires au budget du ministère de la guerre

Formation du comité secret

La Chambre se forme en comité secret à 9 heures et demie. La Chambre se sépare à midi et demi pour se réunir de nouveau à 2 heures.

La séance est reprise à 2 heures et un quart.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. Thiéfry a déposé l'amendement suivant :

« Supprimer les deux premiers articles et les remplacer comme suit :

« Art. 1er. Le budget de la guerre pour l'exercice 1855 est augmenté de 2,435,000 fr. à répartir sur les articles suivants ;

« Art. 5. Dépôt de la guerre, fr. 35,000

« Art. 20. Matériel de l'artillerie, 1,086,000

« Art. 21. Matériel du génie, 1,244,000

« Art. 27. Transports généraux, 70,000.

« Les articles 3 et 4 du projet de loi formeront les articles 2 et 3. »

M. Thiéfry. - Messieurs, les projets de loi sur lesquels nous sommes appelés à délibérer concernent les dépenses pour le matériel de l'artillerie et du génie, et celles relatives au camp retranché d'Anvers.

Aucune objection n'a été présentée sur l'utilité des premières, c'est qu'en effet, personne n'ignore que pendant de longues années, on a porté au budget de la guerre des sommes insuffisantes pour le matériel ; il en est résulté l'impossibilité de renouveler une infinité d'objets confectionnés de 1818 à 1821, et dont le temps de durée était expiré. Heureusement que les Chambres ont enfin compris le danger qui pouvait résulter de cette imprévoyance, et que depuis quelques années, on a consacré d'importantes sommes pour mettre le matériel en bon état.

Si la nécessité des dépenses proposées n'a suscité aucune réclamation, le même accord n'a point existé, quant à la forme sous laquelle le crédit est pétitionné. On s'étonne avec raison que les crédits ne soient point portés au budget, il est plus extraordinaire encore qu'on n'indique pas dans le projet de loi les articles auxquels les sommes devront être appliquées.

Chaque fois que le département de la guerre sollicite un crédit extraordinaire pour le matériel, il a soin de dire dans l'exposé des motifs : « Comme il n'est pas possible de déterminer d'avance la répartition exacte de la somme demandée, le ministre de la guerre s'engage à faire cette répartition, au moyen d'arrêtés royaux, entre les divers articles du budget. »

C'est là une phrase stéréotypée pour toutes les demandes de fonds de l'espèce, et cependant rien n'est moins exact que cette déclaration, car j'ai vu, et tous ceux qui ont fait partie de la grande commission, ont vu comme moi des tableaux très détaillés où toutes les dépenses sont indiquées ; M. le ministre de la guerre, dans l'annexe jointe à l'exposé des motifs des projets de loi, les spécifie lui-même aux articles auxquels elles se rapportent.

Pourquoi, dès lors, ne pas augmenter les articles du budget pour lesquels ces sommes sont destinées ? Je ne m'expliquerais l'opposition du département de la guerre, que s'il voulait se réserver la faculté de faire d'autres dépenses que celles reprises dans l'annexe. La confiance que m'inspire M. le ministre ne me permet pas une semblable supposition. Je cherche seulement à ce que l'on rentre dans les prescriptions voulues par la loi sur la comptabilité ; car la Chambre, qui consent à affecter des sommes importantes pour le matériel, et non pour autre chose, doit avoir la certitude que les crédits votés recevront la destination qu'elle a voulue.

Pour atteindre ce but, j'ai proposé l'amendement dont il vient d'être donné lecture ; rien n'est changé au projet de loi, quant aux chiffres et à leur destination.

La section centrale qui a examiné le projet de loi pour le crédit des 9 millions, a admis le principe qui m'a guidé ; elle a aussi divisé le crédit selon les dépenses qui doivent être faites.

Avant d'aborder la question principale, celle du camp retranché d'Anvers, je dois combattre une opinion émise dans le rapport de la section centrale, opinion que j'ai malheureusement trop respectée une seule fois, vous saurez tout à l'heure, messieurs, en quelle circonstance ; je veux parler de la compétence de la Chambre pour juger des travaux de fortifications ; il semble d'après un passage imprimé à la page 2 du rapport, que nous n'avons à connaître que la portée financière de nos votes. C'est là une grave erreur qui, si elle n'était relevée, acquerrait certaine importance, par suite de son insertion dans le rapport de la section centrale.

Je demanderai d'abord, s'il est possible de réunir 108 députés ayant des connaissances spéciales sur toutes les matières traitées dans cette enceinte. Cependant par nos votes, nous décidons l'exécution de travaux fort importants ; quelquefois aussi, ceux, qui, comme moi, n'ont point fait une étude particulière des lois, sont obligés de se prononcer entre des opinions qui divisent les premières cours du royaume. Nous écoutons alors les raisonnements de nos collègues, qui ont la pratique de ces sortes d'affaires, et nous votons selon l'impulsion de notre bon jugement.

Bien qu'on ait déjà parlé des fortifications de Paris, je rappellerai encore ce qui a eu lieu dans les chambres françaises à cette occasion, et remarquez-le bien, messieurs, la France, quoique nation de 36 millions d'âmes, est, dans mon opinion, aussi exposée à un envahissement que la Belgique. Le projet de fortifier Paris avait une bien plus grande importance sous le rapport des fortifications et des résultats financiers, il avait pour but, comme les travaux qu'il conviendrait de faire à Anvers, de sauvegarder la nationalité dans les moments les plus périlleux. Le rapporteur de ce projet de loi n'appartenait même pas à l'armée, c'était l’honorable M. Thiers, qui, allant au-devant de l'objection que je combats, s'exprimait de la manière suivante dans son rapport :

« Tous les jours vous avez à résoudre, quand il s'agit ou des travaux publics ou des travaux de la guerre, des questions tout à fait spéciales, que ces ingénieurs sembleraient seuls pouvoir traiter devant une assemblée d'ingénieurs. Cependant il faut juger vous-mêmes. Comment faites-vous ? Vous appliquez à ces questions spéciales les lumières du bon sens ; vous saisissez les raisons principales, décisives, et vous votez d'après elles.

« C'est ce que nous avons fait ici. Nous avons entendu les hommes (page 1300) spéciaux avec une religieuse attention ; et puis nous nous sommes décidés comme le doivent faire des hommes politiques, par les raisons saillantes qui sont saisissables pour toutes les intelligences. »

Savez-vous, messieurs, ce que les chambres françaises ont alors discuté ? D'abord la question de savoir s'il fallait fortifier Paris ; puis si les fortifications devaient consister èn une enceinte continue, s'il fallait une seule ligne de défense, ou si une deuxième était nécessaire ; si enfin cette deuxième ligne devait être composée de forts détachés.

Voilà toutes questions essentiellement du domaine militaire ; elles ont été résolues par les chambres françaises, et l'idée n'est venue à personne de contester ni les connaissances, ni la compétence de la législature.

Du reste, je trouve une certaine contradiction entre le raisonnement de la section centrale et les conclusions qu'elle a prises. Elle dit dans son rapport, page 2 : « L'appréciation de ces travaux suppose des connaissances spéciales que la plupart d'entre nous ne peuvent pas raisonnablement s'attribuer. » Elle veut donc par là établir l'incompétence de la Chambre. Et, d'un autre côté, elle propose l'ajournement du crédit, par suite de doutes sur la question de savoir « si le système de défense exécuté sur la rive droite de l'Escaut était le plus efficace et le plus correct que le gouvernement pût adopter. » Elle s'est donc reconnue ici capable de juger le système de défense, et ne vous y trompez pas, messieurs, vous saurez tous, en temps utile, très bien apprécier quels seront les travaux les plus avantageux à la défense nationale.

J'arrive maintenant au camp retranché d'Anvers.

Le moment n'est pas venu d'exprimer mon opinion sur le système le plus avantageux à la défense nationale ; aussi, après le remarquable discours de l'honorable général Goblet, qui vous a exposé si clairement la situation des choses, et l'ajournement accepté par le ministère, je n'eusse pas pris la parole sur ce sujet, si je n'avais à expliquer à la Chambre comment, et par qui, le système de défense a été changé ; s'il n'était pas aussi de mon devoir de protester contre la forme employée pour obtenir le crédit nécessaire à la construction des réduits en maçonnerie.

L'honorable ministre de la guerre, qui siège sur ces bancs, a dit en section centrale, qu'il n'avait pas à se prononcer sur la marche suivie par ses prédécesseurs, qu'il livrait cela à notre appréciation. Eh bien, à chacun sa tâche ; la mienne est de faire connaître ce qui a eu lieu ; la Chambre jugera ensuite.

L'utilité du camp n'est pas contestable, tous les militaires ont reconnu la nécessité d'assurer à l'armée une forte position où, en certaines circonstances, elle pourrait attendre l'occasion de combiner ses opérations avec celles d'une armée de secours.

Le comité de la commission de défense, nommé en 1847, a été réuni de nouveau en 1851 ; il arrêta un projet, et c'est d'après ses plans et le mémoire à l'appui, que la grande commission a délibéré sur le camp retranché d'Anvers.

Voici ce qui est dit dans le rapport du 2 décembre 1851 :

La commission, après avoir pris connaissance des délibérations du comité de défense de 1851, reconnaît la nécessité :

1° Des travaux projetés pour la défense de la Tête-de-Flandre ;

2" De l'établissement d'un camp retranché sous Anvers.

Je ne rappellerai point les principes d'après lesquels il était établi, car on pourrait me dire que je m'écarte de la décision prise en comité secret ; je me bornerai à faire remarquer que le terre-plein et la gorge des forts détachés devaient être exposés au feu d'ouvrages en arrière, ou bien à celui des batteries élevées dans une position convenable.

Le général Joly, directeur du génie à Anvers, en 1848, reçut l'ordre de dresser le devis des dépenses des quatre forts qui constituent le camp dit Borgerhout, comme étant la partie la plus importante qui, dans la plupart des circonstances, suffirait pour abriter l'armée. Il en estima les expropriations et la construction à 593,000, c'est cette somme qui a été indiquée par l'honorable M. Frère, ministre des finances, lors de la discussion en comité secret du crédit de 4,700,000 demandé le 26 mars 1852. Cette dépense s'est élevée à 742,179 fr. en raison de l'augmentation sur l'évaluation des expropriations. Si l'on avait construit le camp retranché d'après les plans arrêtés par le comité de défense, la dépense totale ne se serait pas élevée au-delà de 15 cent mille francs, y compris un corps de garde défensif dans chacun des fortins.

Le 16 novembre 1852, M. le ministre de la guerre du cabinet qui avait succédé à celui du 12 août, présenta à la Chambre une demande de crédit de 8,450,000 fr. ; l'exposé des motifs était d'un laconisme vraiment remarquable. Toutes les sections réclamèrent des renseignements ; la section centrale adressa plusieurs demandes à M. le ministre de la guerre, je citerai la troisième.

N'y aura-t-il pas encore d'autres crédits supplémentaires à voter pour l'achèvement des travaux, et quel en sera le montant approximatif ?

La section centrale demande la production des plans et devis.

Voici la réponse du ministre :

« Les sommes demandées pour les travaux de la place d'Anvers ont été calculées de manière à pouvoir couvrir exactement les dépenses. Il n'est pas impossible cependant que les difficultés du terrain, notamment à la Tête de Flandre, et d'autres circonstances extraordinaires donnent lieu à des frais imprévus ; en ne pense pas qu'ils s'élèvent à plus de 200,000 à 300,000 francs.

« Le ministre de la guerre est disposé à mettre sous les yeux de la section centrale les plans des divers travaux en cours d'exécution. »

Ainsi donc, M. le ministre de la guerre déclarait alors de la manière les plus positive, qu'il ne réclamerait pour les travaux d'Anvers que 200,000 à 300,000 fr. au plus pour dépenses imprévues ; il n'en fallait réellement pas davantage, d'après les plans du comité de défense. Et voilà qu'on nous présente deux projets de loi où 6,602,000 fr. sont demandés pour cet objet.

Permettez-moi, messieurs, de m'écarter un moment de mon sujet, pour rappeler ce qui s'est passé il y a un an, en février 1854, à l'occasion d'un crédit extraordinaire de 1,736,000 fr.

La section centrale a demandé à M. le ministre de la guerre, quelles étaient les dépenses encore à faire pour que l'on n'ait plus besoin de crédits extraordinaires ? M. le ministre a répondu par une note écrite où il indique le chiffre de 6,887,000 fr. pour le matériel du génie, et dans les deux projets que nous discutons, il y a 8,144,000 fr. Il est donc impossible de savoir au juste ce qu'il y a encore à dépenser. J'ajouterai qu'il est déplorable de voir un ministre de la guerre marcher dans une voie qui finit par inspirer certaine défiance à la Chambre.

Je veux bien accepter la déclaration du nouveau ministre de la guerre qui a donné l'assurance que le crédit pétitionné suffira à payer toutes les dépenses, j'espère seulement que cette fois, ceux qui ont été chargés de lui transmettre des renseignements à cet égard ont apporté plus d'exactitude et de franchise dans leur travail.

Examinons maintenant quels sont les motifs des crédits supplémentaires réclamés pour le camp retranché.

La section centrale de novembre 1852 reçut en communication les plans des travaux ; je remarquai sur-le-champ que les forts n'étaient pas constitués conformément au système adopté par le comité de défense.

La section centrale, après avoir entendu M. le ministre de la guerre, et sur l'invitation de ce haut fonctionnaire, délégua l'honorable M. Desmaisières et moi pour prendre connaissance au département de la guerre des motifs qui avaient amené ces changements. Je ne puis pas donner ici le détail des pièces que nous avons lues ; mais il m'est permis d'affirmer qu'il résultait des plans fournis à la section centrale, qu'il y avait deux systèmes en présence ; l'un formant un camp retranché, arrêté par toute une commission, après de longues et laborieuses études, et l'autre une ligne de défense, au moyen d'un système n'appartenant ni aux camps retranchés, ni aux forts détachés, et qui avait été proposé par un seul officier ; aucun rapport d'hommes compétents ne nous a été fourni, pas même de la direction du génie attachée au département de la guerre.

Voici les conclusions de notre rapport remis par écrit à la section centrale ; j'en possède encore l'original.

« Il nous a paru que cette question (la différence entre les deux systèmes) n'avait pas été, en dernière analyse, suffisamment examinée par des hommes speciaux, et comme ces forts peuvent être appelés à jouer un très grand rôle sur les destinées de la Belgique, nous ne voulons pas assumer la responsabilité qui pèserait sur nous si nous vous cachions nos impressions.

« Rien n'est encore adjugé, il n'y aurait, par conséquent, aucun inconvénient à suspendre l'allocation des fonds, jusqu'à ce que nous soyons convaincus que leur emploi recevra une bonne destination ; nous répondrons ainsi aux vœux exprimés par toutes les sections. »

L'honorable M. Desmaisières était d'autant plus apte à se prononcer en cette circonstance, qu'il avait étudié tout particulièrement cette question, alors qu'en sa qualité d'officier du génie, il avait fait un mémoire qui correspondait aux décisions du comité de défense.

Des débats très vifs eurent lieu en section centrale, en présence des ministres de la guerre et des affaires étrangères. Je présentai des objections très sérieuses sur les changements apportés au camp. Je ne les répéterai pas, pour me conformer à la décision prise en comité secret. Je me bornerai à dire que M. le ministre de la guerre déclara alors, de la manière la plus positive, qu'il ferait examiner par des hommes compétents les objections que j'avais présentées et surtout la question de savoir si la gorge des forts devait être fermée par des réduits en maçonnerie. C'est après cette déclaration formelle que le crédit a été voté de confiance.

Trois semaines après on adjugeait les réduits, sans que la promesse faite par le ministre en section centrale eût été tenue, personne n'a été consulté.

Voilà, messieurs, l'époque à laquelle le changement de système des fortifications du camp retranché a eu lieu.

Je prie M. le ministre de prendre noie de la date de la déclaration de son prédécesseur et de celle de l'adjudication, il verra que je suis dans le vrai.

La construction des réduits a occasionné une dépense supplémentaire de 1,851,500 francs, et si l'on adoptait les changements que l'on a en vue, ce serait un accroissement de 7 millions.

Cependant la hauteur du chiffre n'est point cause de ma critique ; car je veux, comme vous tous, messieurs, le maintien de la nationalité belge ; j'y attache trop de prix pour ne pas être disposé aux plus grands sacrifices, et à faciliter, en cas d'attaque, les moyens de faire une défense rigoureuse. Ce que je ne veux pas, ce sont les dépenses inutiles ou dangereuses.

(page 1301) On s'est servi des fortins à gorges ouvertes, ouvrages de fortification passagère destinés à un camp retranché pour les transformer en ouvrages de fortification permanente.

Je suis loin de prétendre que ce dernier système est moins avantageux pour la défense, bien au contraire, si j'avais dû émettre un avis à ce sujet, je me serais certainement prononcé pour les fortifications permanentes ; mais ce que je ne puis admettre, c'est l'emploi de ce genre de fortifications à la plupart des positions admises pour les fortins du comité.

Le plan qui a reçu un commencement d'exécution n'a été, comme je viens de le dire, soumis à aucun examen ; on peut voir la date à laquelle la grande commission a terminé ses travaux et celle à laquelle on a présenté les plans.

Cependant, des considérations puissantes imposaient l'obligation de consulter des hommes spéciaux ; il est vraiment inouï qu'on ait exécuté des travaux de cette importance, sur les propositions d'un seul homme, sans avoir l'avis de qui que ce soit ; c'est là un fait sans exemple dans les annales militaires.

On peut consulter ce qui s'est passé en France, en Allemagne, en Angleterre ou ailleurs. On ne verra jamais qu'on ait exécuté le plus petit ouvrage de fortification, sans qu'au préalable une commission spéciale en ait examiné les plans et apprécié les conséquences. On devait d'autant plus suivre cette marche, que les travaux proposés étaient contraires à l'opinion unanime du comité de défense.

Et qui a tranché la question ? Qui dans ce conflit s'est établi juge de la bonté du système ? C'est un homme que nous connaissons tous pour un très bon général de cavalerie, mais nous pouvons dire, sans rien diminuer de son mérite, ni blesser sa délicatesse, qu'il n'a pas fait une étude particulière des fortifications.

Et aujourd'hui devons-nous avoir une confiance aveugle dans l'auteur du projet ? Quant à moi, il m'est impossible d'assumer une telle responsabilité, parce que je crois son plan défectueux. Pour abandonner le système de défense du comité, et admettre les forts détachés, il fallait des études plus approfondies, d'autres dispositions, un autre emplacement pour certains forts.

Le rapport de la section centrale contient, sur l'exécution des travaux, un pasaage auquel je ne puis m'associcr entièrement, le voici :

« Deux membres de la section centrale disent qu'ils ont visité les travaux du camp retranché, de la citadelle et du fort de la Tête-de-Flandre, et ils se font un devoir de déclarer que les exagérations auxquelles on s'est livré sur ce point n'ont pu être inspirées que par la malveillance. Des soins minutieux ont présidé aux divers travaux dont il s'agit ; la maçonnerie paraît aussi bonne qu'elle pourrait l'être dans les conditions obligées où les officiers du génie ont opéré, et ceux-ci n'ont mérité que des éloges. »

Oui, messieurs, il y a de l'exagération quelque part, mais elle se trouve dans les lignes que je viens de lire, et je crois, sans être malveillant, qu'il est de mon devoir de rectifier les erreurs contenues dans le rapport, afin que, par la suite, on apporte plus de soins dans les travaux, la manière dont ils ont été exécutés, et l'importance de ceux qui restent encore à faire m'imposent d'ailleurs l'obligation d'éclairer M. le ministre de la guerre.

De même que les deux membres de la section centrale qui ont été voir les ouvrages d'Anvers, je les ai aussi visités, et plusieurs fois ; comme eux, je donnerai des éloges mérités aux officiers qui ont dirigé l'exécution de certains ouvrages, surtout dans l'intérieur de la citadelle ; mais mes honorables collègues avoueront avec moi que toutes les précautions n'ont pas été prises pour l’établissement des fondations des constructions à la Tête-de-Flandre ; cela est encore très visible. La mauvaise qualité du terrain imposait cependant l'obligation d'employer des moyens pour empêcher l'affaissement des bâtiments.

J'ai remarqué, parmi les pièces déposées sur le bureau, que la section centrale avait demandé si le fort de la Tête-de-Flandre est construit dans de bonnes conditions.

M. le ministre a répondu :

« On a pris toutes les précautions possibles ; des tassements, d'abord assez considérables ont diminué peu à peu ; aujourd'hui presque insensibles, on pense qu'ils s'arrêteront cette année.

« Quant aux maçonneries, elles ont été faites sur de larges bases ou sur sable damé, les petits inconvénients remarqués n'ont rien de compromettant, ils diminuent tous les jours, on aurait bien moins réussi à bâtis sur pilotis. »

Cette réponse est déjà bien accablante ; néanmoins, je suis obligé d'entrer dans quelques détails, pour justifier mes observations sur le passage du rapport de la section centrale que j'ai cité.

M. le président. - M. Thiéfry, vous vous écartez de la décision prise en comité secret.

M. Thiéfry. - La proposition de M. Devaux n'a eu pour but que d'interdire la discussion publique de l'ensemble des travaux, du système de défense. Quand on s'occupe de ceux exécutés par le département des travaux publics, on examine comment ils sont construits ; je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas user du même droit pour les travaux exécutés par le département de la guerre.

M. le président. - Ces travaux ont précisément été indiqués dans la proposition que vous invoquez qui a pour but d'écarter de la discussion publique tout ce qui concerne les travaux exécutés à Anvers.

Vous allez vous-même juger combien vous vous écartez de la décision prise en comité secret.

M. Thiéfry. - M. le président, je vous prie de consulter la chambre sur la question de savoir si j'ai mal interprété sa décision.

M. le président. - C'est ce que je me propose de faire. Dans le comité secret on a décidé qu'on ne s'occuperait pas en séance publique des travaux de défense exécutés devant Anvers et qu'on ne discuterait en séance publique que les seuls faits indiqués dans le rapport de la section centrale. Je prie la Chambre de vouloir se prononcer sur la question de savoir si c'est bien là la décision qu'elle a entendu prendre.

M. Thiéfry. - Je ne veux parler que d'une caserne et ensuite d'un magasin à poudre qui s'est enfoncé d'un mètre.

M. le président. - S'il en est ainsi, continuez ; je suis convaincu que vous voulez respecter la décision de la Chambre, que, de mon coté, il est de mon devoir de ne pas permettre de perdre de vue.

Nous allons entendre M. Thiéfry sur la construction d'une caserne et d'un magasin à poudre.

- Plusieurs voix. - Mais, non ! mais, non !

M. le président. - Je déclare que mon intention est de rappeler à la question ceux qui s'en écarteraient, Je viens de rappeler la pensée qui a dicté la proposition de M. Devaux, nous allons voir si l'orateur s'en écarte.

M. Thiéfry. - Je vais, je le répète, m'occuper de la construction d'une caserne et d'un magasin à poudre.

Je disais que ces larges bases ont été impuissantes pour supporter la maçonnerie ; les officiers du génie, connaissant les localités, avaient fait remarquer qu'il fallait établir les fondations sur pilotis, on ne les a pas écoutés, et les larges bases, tant préconisées, n'ont pas empêché que les murs d'un magasin à poudre, à peine élevés à la hauteur de 2 mètres se soient crevassés, enfoncés sur toute leur étendue. M. le ministre pourrait nous dire quelle a été la dépense faite pour chercher à rendre cette maçonnerie stable, ce que l'on a payé pour les nombreux pilotis, palplanches, etc., etc., enfoncés dans le sol, et encore toutes ces précautions n'ont pas suffi.

On avait projeté et adjugé des fondations à larges bases pour la caserne et le pavillon pour officiers, à l'épreuve de la bombe, dans l'intérieur du fort de la Tête-de-Flandre. Les fouilles étaient faites, on allait mettre la main à l'œuvre pour la maçonnerie, lorsque les accidents que j'ai signalés se sont produits ; ce n'est qu'alors qu'on a senti la nécessité d'ajouter des fondations supplémentaires eu sable, dont le coût s'est élevé à plus de 70,000 fr., et malgré cela, on n'a pas encore aujourd'hui toutes les garanties désirables. On aurait moins bien réussi, dit-on, à bâtir sur pilotis.

C'est là une grave erreur, puisque le génie militaire a construit une écluse d'inondations sur pilotis, dans l'avant-fossé du fort de la Tête-de-Flandre, et elle n'a pas fait le moindre mouvement. Or, je vous laisse à penser, messieurs, combien de piloris et de grillages on eût pu faire au moyen des 70,000 fr. dépensés pour fondations supplémentaires, et on aurait ainsi obtenu un ouvrage très solide.

Ce genre de construction est le seul dont on doive faire usage dans ces sortes de terrains, et la preuve, c'est qu'on a proposé toutes fondations sur pilotis pour les nouveaux ouvrages.

La comparaison de ce qui existe est toute en faveur des fondations sur pilotis. On a en effet, d'un côté, des ouvrages qui n'ont pas bougé, et de l'autre un magasin à poudre qui s'est enfoncé dans le sol de 3 à 4 pieds et son mouvement n'est pas encore arrêté.

Je dirai encore à mes deux honorables collègues, que s'ils ont été bien renseignés, ils doivent savoir que les fossés qui entourent les fortins étaient creusés, avant qu'il ne fût question de la construction des réduits en maçonnerie ; on connaissait donc le niveau d'eau, et si des soins minutieux ont présidé aux divers travaux, comment expliqueront-ils l'inondation de l'étage inférieur ? Pourquoi faut-il aujourd'hui relever assez fortement le pavement des casemates, et diminuer ainsi le volume d'air respirable, nécessaire à l'hygiène des troupes ? Que ces messieurs me permettent de le leur dire, c'est là un oubli des principes les plus élémentaires, quand on construit des locaux destinés aux logements des hommes.

Aujourd'hui M. le ministre a compris la nécessité d'appeler des hommes spéciaux à se prononcer sur l'utilité et la bonne conception des travaux avant de faire procéder à leur exécution. J'approuve d'autant plus cette résolution que M. le ministre évitera ainsi au gouvernement des embarras considérables et aux membres de cette Chambre la pénible obligation de critiquer des dépenses inutiles. Je voterai donc l'ajournement du crédit de 5,440,000 fr. demandé pour l'achèvement du camp retranché.

M. le président. - M. Thiéfry vient de développer la proposition d’ajournement qu'il a déposée sur le bureau.

- Cette proposition est appuyée.

Projet de loi accordant un crédit de 2,580,000 fr. au budget du ministère de la guerre, pour le couchage des troupes

Rapport de la section centrale

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, vous venez de renvoyer le projet de loi demandant un crédit de 2,580,000 francs pour le (page 1302) département de la guerre modifié par le Sénat, à la section centrale primitivement chargée de l'examen de ce projet. Le temps a manqué à la section centrale pour vous soumettre sur cette question très importante un rapport écrit. Je suis donc obligé de faire un court rapport verbal.

Le Sénat a modifié le projet de loi qui avait été adopté par vous, en ce sens qu'il a fixé les prix maxima auxquels le gouvernement pourra contracter avec une compagnie particulière, à 15 fr. pour les lits à une place et 20 fr. pour les lits à deux places, au lieu de 16 fr. 50 et 23 fr. 50 c. que la Chambre avait fixés.

Vous vous rappellerez qu'en section centrale deux opinions se sont produites ; l'une en faveur de la régie, l'autre en faveur de l'exploitation par l'industrie privée. Les partisans de ces deux systèmes croyaient les uns et les autres que le principe qu'ils défendaient était le meilleur au point de vue de l'administration comme au point de vue des intérêts du trésor.

Cette question pouvait être sujette à controverse, il est vrai, mais elle n'est pas jusqu'ici résolue dans un sens ou dans l'autre.

On n'est donc pas fondé à dire avec le rapport de la commission du Sénat : « Loin d'encourager le gouvernement dans ses velléités d'économie ; loin de le suivre dans la voie de bonne administration dans laquelle il était disposé à s'engager, elle (la section centrale) a cru devoir modifier, etc. »

La section centrale regrette que cette appréciation se soit trouvée dans un document ofliciel émané de l'autre assemblée, que l'on tranche ainsi d'une manière absolue une question à laquelle la Chambre, à l'unanimité, avait donné une autre solution, et qu'on laisse ainsi peser sur elle le reproche de ne pas vouloir encourager le gouvernement dans ses velléités d'économie et de ne pas le suivre dans la voie de bonne administration où il est entré.

La seetion centrale qui a examiné le projet de loi s'est demandé s'il ne serait pas possible de l'ajourner jusqu'à la session prochaine. M. le ministre de la guerre, consulté sur ce point, a cru ne pouvoir se rallier à la proposition d'ajournement, par ce motif que s'il ne pouvait pas traiter avec une compagnie dans l'intervalle des deux sessions, le temps lui manquerait dans les six dernières semaines de l'année pour organiser convenablement la régie et faire d'une manière opportune la reprise du matériel de couchage appartenant à la société.

La section centrale n'a pas admis la proposition d'ajournement.

Un membre a proposé de retrancher le dernier paragraphe du projet adopté par la Chambre en laissant au gouvernement la faculté d'accepter les offres au prix maximum de 16 fr. 50 c. et de 23 fr. 50 c., mais sans l'y obliger.

Le gouvernement aurait ainsi eu une très grande latitude, et s'il ne pouvait contracter avec une compagnie, il aurait, s'il le jugeait indispensable, pu, sous sa responsabilité, prendre toutes les mesures qu'il aurait jugées utiles pour organiser même au besoin le service de la régie de l'Etat.

Cette proposition équivalait à un ajournement ; c'est-à-dire qu'on laisserait une latitude pleine et entière au gouvernement qui restait maître de faire tout ce qu'il jugeait utile, et la Chambre prenait l'engagement tacite de ratifier les mesures adoptées. Cette proposition a été rejetée par 5 voix contre 1.

La section centrale regrette la position dans laquelle elle s'est trouvée. Elle aurait désiré rencontrer toutes les observations qui ont été faites dans le rapport adressé au Sénat. Mais le temps manque ; le service du coucher de la troupe doit être assuré ; la session se prolongera peu, et, en présence de ces nécessités, la section centrale se borne à vous proposer, à la majorité de 5 voix contre 1, l'adoption du projet amendé par le Sénat.

- La Chambre décide qu'elle s'occupera de ce rapport après l'objet en discussion.

Projet de loi accordant des crédits extraordinaires au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. Goblet. - Messieurs, un de nos honorables collègues vous disait hier dans le comité secret, qu'il ne concevait pas la possibilité d'agiter utilement la question dont nous nous occupons, dans l'état où elle se trouve en ce moment. Il n'y voyait même aucun sujet de discussion immédiate.

Certainement s'il s'agissait de résoudre sur-le-champ les difficultés relatives au camp retranché d'Anvers, je partagerais son opinion ; mais il me semble que l'on peut se livrer à certaines considérations générales en présence d'un rapport d'une section centrale, aussi rempli d'objets d'une grande importance que celui qui vous est présenté sur le crédit des 9,400,000 fr.

Le germe des questions les plus générales de notre système de défense y a été déposé. On y demande entre autres choses, si ce que le gouvernement nous propose de compléter est en harmonie avec l'ensemble et la situation de nos places fortes et en même temps si quelques-unes de ces dernières ne doivent pas disparaître.

Ce n'est pas là, messieurs, le seul point important, soulevé par ce rapport ; il touche en outre à la question financière, à la légalité de la marche suivie, dans tout ce qui s'est fait jusqu'à ce jour et enfin aux intérêts anversois, auxquels on ne peut pas refuser de la gravité.

On doit donc être naturellement porté à entrer dans des considérations générales, indispensables à l'appréciation de ces questions. Je suis personnellement d'autant plus désireux d'exprimer mes opinions, à certain point de vue, qu'éloigné de cette Chambre depuis 1846, je n'ai pu y prendre part à aucune des discussions sur l'organisation défensive du pays.

Il est un second motif qui m'a déterminé à réclamer la parole ; je ne veux pas que du vote approbatif que je donnerai à une partie des demandes de fonds, l'on puisse conclure que je sois partisan de toutes les dispositions de notre système défensif ; il est, au contraire, certaines de ces dispositions qui ont fait l'objet de mon opposition et je dois déclarer que le temps n'a pas changé mes convictions à leur égard.

C'est assez dire que je n'ai pas la prétention d'émettre des idées nouvelles, pour ceux de mes honorables collègues qui ont compulsé les nombreux documents communiqués à la législature, lors de la discussion sur l'organisation de l'armée ; mais, messieurs, il est des considérations dont l'importance justifie la persistance que l'on met à les reproduire ; d'ailleurs ces considérations pourront contribuer à la bonne appréciation des nécessités auxquelles doivent pourvoir les crédits que l'on discute en ce moment.

Il n'y pas longtemps encore que des voix éloquentes ont parfaitement résumé devant vous, messieurs, la nature et le caractère de la neutralité de la Belgique ; son principe ne pouvait être mieux défini qu'il ne l'a été.

Il en est, cependant, de ce principe comme de beaucoup d'autres ; il ne suffit pas de l'avoir posé, il faut encore tomber d'accord sur ses conséquences ; il faut se rendre compte de la manière la plus efficace de le mettre en pratique ; il faut, enfin, tirer de la neutralité le parti le plus rationnel, et pour cela, il faut mettre le système défensif du pays en parfaite harmonie avec le caractère de cette neutralité.

A ce point de vue, je n'ai jamais douté de l'importance qu'il fallait attacher à nos établissements permanents de défense, à leur bonne disposition, à leur entretien et à leurs approvisionnements de toute nature.

Aussi, ai-je vu longtemps avec douleur l'espèce d'abandon dans lequel on laissait le matériel de l'artillerie et du génie ; je n'ai pas attendu que des événements extérieurs vinssent émouvoir le pays, pour attirer l'attention de cette Chambre sur un état de choses dont les conséquences pouvaient être si fatales.

Je puis rappeler ce que je disais à ce sujet, dans la séance du 3 février 1846, et justifier ainsi, en grande partie, les demandes de crédits considérables, qui ont été, depuis quelque temps et successivement réclamés, soit pour restaurer les places fortes, soit pour augmenter et améliorer leur matériel. A cette époque, de tous les budgets, celui de la guerre était considéré comme le plus élastique ; l'on croyait pouvoir lui imposer une limite qui n'était fixée par d'autres considérations que celle de niveler le montant des budgets de tous les départements ministériels aux recettes générales de l'Etat.

Il en résultait que, dans l'entretien des places fortes, on était obligé d'abandonner toute espèce d'amélioraiion, en se bornant aux simples réparations qu'exigeaient impérieusement la sécurité publique, la santé de la troupe et la conservation du matériel de l'artillerie. L'on remettait à d'autres temps tout ce qui, à la rigueur, pouvait être différé et l'on agissait ainsi, sans s'arrêler à la pensée, que certains objets doivent être créés et réunis à loisir, si l'on veut ne pas être surpris par les événements. Le matériel de l'artillerie se trouvait dans une situation analogue ; en 1843, il présentait un déficit d'une valeur d'environ 14 millions de francs, et cela, sans même y comprendre les objets qui étaient à renouveler, comme ayant atteint la limite de durée qui leur est généralement assignée.

Il était donc évident que, pour l'artillerie comme pour le génie, les sommes, réclamées jusqu'à l'époque dont il s'agit, étaient tout à fait inférieures aux besoins réels.

Nous sommes enfin sortis de cette quiétude, qui nous faisait oublier l'importance que nous devions attacher au bon état de nos moyens de défense. Cette importance n'est maintenant niée par personne, non plus que la nécessité d'adopter de bonnes combinaisons, pour satisfaire aux exigences de notre existence nationale ; l'essentiel, c'est de bien apprécier et de bien définir ces conditions, afin d'en déduire logiquement, le genre de précautions le plus propre à garantir notre sécurité.

A cet effet il est indispensable de se faire une juste idée de la situation militaire de la Belgique, dans ses rapports avec les actes internationaux, qui ont régularisé son indépendance. On se convaincra facilement alors, que cette position, tout exceptionnelle, doit exercer beaucoup d'influence sur l'organisation du matériel et du personnel de la force publique.

« C'est l'équilibre des forces militaires, dit Carnot, qui rend les Etats indépendants les uns des autres ; mais, cet équilibre n'existant pas, il faut l'établir par des obstacles, soit naturels, soit artificiels, qui prêtent un point d'appui au plus faible, jusqu'à ce que les autres puissances, intéressées au maintien de cet équilibre, aient réuni leurs efforts, pour contre-balancer ceux de la puissance prépondérante. »

Il est encore, messieurs, d'autres considérations qui ne permettent pas d'établir de comparaison entre la défense des grands et des petits Etats. Une nation de premier ordre peut accumuler, vers les points menacés de son territoire, des forces proportionnées à sa nombreuse population, ainsi qu'à toutes les ressources qu'offre une vaste contrée. Dans ce cas, la défense s'exerce librement et de la manière la plus efficace, sans que la perte d'une première bataille puisse venir compromettre la nationalité, sans que toutes les provinces soient à la fois (page 1303) exposées aux fléaux de la guerre, et, dès lors, quel que soit le système adopté, les revers essuyés au début des opérations peuvent être suivis de succès réparateurs.

La situation défensive d'un Etat, renfermé dans d'aussi étroites limites que la Belgique, n'a point d'analogie avec celle dont nous venons de parler ; aucune de ses parties n'a de ressources à fournir à d'autres plus en péril, parce que, à tout moment, elles peuvent, elles-mêmes, être menacées. L'existence d'un Etat de cette nature ne peut reposer que sur un bon système de politique extérieure, combiné avec une organisation défensive qui soit en parfait accord avec ce système ; ce serait en vain qu'on chercherait ailleurs des garanties que, seules, ces deux conditions peuvent lui assurer.

Dès que nous fûmes en possession de notre indépendance, il parut urgent de réaliser cet accord indispensable. Les parties du système général de défense des Pays-Bas, restées en notre pouvoir, n'offraient plus à la Belgique des garanties suffisantes. Les grandes puissances, intéressées à notre nationalité, le sentirent elles-mêmes et il en résulta la convention du 14 décembre 1831, qui put être considérée comme la base fondamentale du système défensif du nouveau royaume.

L'esprit de cette convention est facile à saisir ; d'abord elle tendait à diminuer le nombre des points fortifiés ; on admettait que, dans l'impossibilité où se trouvait la Belgique, d'avoir, préalablement, recours aux puissances voisines, si elle entrevoyait à l'horizon quelques nuages politiques, les forteresses devaient se trouver en rapport, par le nombre et l'étendue, avec les forces, qu'il serait possible de commettre à leur garde. En second lieu, le pays, étant en contact avec de puissants voisins, fut considéré comme pouvant être facilement envahi, et, dès lors, il fallait adopter une combinaison qui pût contribuer, le cas échéant, à forcer l'agresseur, dès l'arrivée des secours étrangers, à une prompte évacuation du territoire ; or pour obtenir de tels résultats, on reconnut qu'une ligne de forteresses, parallèle aux frontières, était moins favorable que des lignes transversales à ces mêmes frontières, et disposées de manière à favoriser immédiatement des marches de flanc, très menaçantes pour l'envahisseur.

L'acte du 14 décembre ne fut pas d'abord compris du pays, il y fut même fort mal interprété ; le gouvernement lui-même recula longtemps devant des mesures, dont le mérite, dans l'intérêt du pays, me paraissait tellement incontestable, que je ne laissais échapper aucune occasion d'en faire valoir les principes et d'en développer l'esprit et les avantages ; j'étais d'autant plus impatient de les voir discuter, que, dût-on ne pas les appprouver entièrement, j'étais au moins convaincu que la discussion conduirait toujours à une situation préférable à celle dont nous avions hérité des Pays-Bas.

Il y avait d'ailleurs, chaque jour, de nouveaux motifs d'urgence, les travaux de la paix avaient successivement fait perdre de leur valeur à nos positions fortifiées ; l'industrie, le commerce et l'agriculture étaient les seuls objets qui eussent le privilège de fixer l'attention publique ; le département de la guerre était impuissant à protéger les intérêts exclusivement militaires ; il paraissait même avoir reconnu qu'il lutterait en vain pour faire adopter des résolutions, qui limiteraient, autant qu'on devait le désirer, les bienfaits de la paix, en vue des éventualités de la guerre, et avec son consentement, ou même sans l'avoir consulté, les frontières furent sillonnées d'un grand nombre de voies de communication, indépendantes des positions fortifiées, tandis qu'à l'étranger toutes ces mêmes voies allaient aboutir à des forteresses soigneusement entretenues. Il n'y avait sous le royaume des Pays-Bas, que deux chaussées, qui, de la mer à Liège par Namur, traversaient la frontière sans être commandées par des places fortes et déjà en 1847, vingt grandes communications, indépendantes de tout obstacle, pénétraient à l'intérieur du pays.

Partisan d'un système que ne devaient pas amoindrir toutes ces communications, j'étais loin de blâmer d'une manière absolue des travaux destinés à accroître le bien-être de la nation, je les voyais même généralement établir sans regret ; intimement convaincu que j'étais, qu'on finirait par se rallier aux idées qui avaient été élaborées dans les véritables intérêts du pays.

Cependant plus on portait atteinte à la valeur de ce qui existait, plus il était urgent de sortir d'une situation qui ne pouvait inspirer aucune confiance. Il fallait, par de bonnes dispositions, d'une part, s'efforcer d'éloigner les probabilités d'une violation de notre territoire, et, de l'autre, rendre les conséquences d'un tel événement aussi peu fatales que possible.

Tel était en effet le double but que la convention du 14 décembre 1831 avait eu en vue. Aussi cette convention fut-elle enfin comprise, et, si elle ne reçut pas une exécution complète, la voie dans laquelle on est entré en démolissant les places d'Ypres, de Menin, d'Ath, de Philippeville et de Marienbourg, prouva que l'on avait fini par admettre qu'il ne fallait plus, comme en 1815, préparer en Belgique un champ de bataille de l'Europe contre la France, mais bien réserver sur son sol des éléments de succès, dans une lutte que le pays aurait à soutenir, de concert avec l'une ou l'autre des grandes puissances, dans le cas d'une violation de son territoire.

Dans une telle situation, quel que puisse être l'espoir du succès de nos armes, il fallait, dans l'établissement du système de défense, admettre la possibilité des circonstances les plus critiques, des éventualités les plus malheureuses. C'est dans ce but que ce système devait impérieusement rcmpJir trois conditions ; il devait préserver le pouvoir de toute désorganisation en mettant en sûreté le centre d'action du gouvernement ; il devait assurer à l'armée, obligée de se retirer devant des forces supérieures, une position de retraite qui ne la privât pas de ses relations avec le pouvoir, et enfin ce même système devait favoriser, d'une manière décisive, les opérations des armées de secours.

La première de ces conditions est d'une nécessité incontestable ; la perte de la capitale ne doit point porter atteinte à l'existence du pouvoir national, il faut que le chef de l'Etat, restant en sûreté sur le sol de la patrie, puisse y attendre un retour de fortune, que les puissances intéressées à notre salut ne tarderaient pas à provoquer.

La Belgique ne pouvait donc se passer d'une capitale militaire qui suppléerait à la capitale administrative, dépourvue de tout moyen de résistance.

La seconde des conditions n'était pas d'une nécessité moins évidente. Il serait de la dernière imprudence de négliger aucune des mesures propres à garantir les forces nationales d'une destruction dont elles pourraient être menacées par la puissante armée de l'une des grandes nations voisines.

Enfin, la troisième condition est le résultat de nos engagements internationaux. La Belgique doit apporter à ses alliés éventuels des facilités d'opération en même temps qu'une augmentation de forces en rapport avec ses propres ressources.

Dès que l'on eut admis les nécessités dont je viens de vous entretenir, l'on rechercha, dans l'ensemble des établissements existants, une combinaison qui pût y satisfaire. C'est à ce point de vue, qu'en l'absence de fortifications autour de Bruxelles, on décida qu'Anvers pourrait être le refuge du gouvernement, menacé dans sa résidence ordinaire. Pour remplir convenablement cette haute destination, cette forteresse réclamait quelques améliorations, indispensables d'ailleurs, pour lui donner toute la valeur due à l'importance de sa position. Ces améliorations sont réalisées ou en cours d'exécution.

Après avoir ainsi pourvu à la sûreté du gouvernement, il fallait assurer à l'armée une bonne position de retraite, qui ne la privât pas de ses relations avec lui, et, dans ce but, l’établissement d'un camp retranché, sous les murs de cette même forteresse, était indispensable. Il y avait longtemps que l'idée de ce camp était admise, mais il ne fut commencé qu'en 1852 et depuis lors l'on n'a cessé d'en augmenter l'importance par des travaux, qui ont été de ma part l'objet d'assez nombreuses observations dans le comité secret.

Il restait enfin, messieurs, à prendre en considération la troisième des conditions jugées indispensables à notre sécurité ; il fallait décider quels étaient les établissements permanents propres à favoriser nos opérations, combinées avec celles d'une armée de secours. Ici, messieurs, a-t-on été aussi loin qu'on le devait ? N'a-t-on pas perdu de vue une partie des considérations, qui, dans notre propre intérêt, avaient motivé la convention du 14 décembre 1831 ? Je suis très porté à le penser ; j'en suis même convaincu.

La première idée de cette convention surgit, comme je l'ai déjà dit, de l'opinion que les forteresses étaient trop nombreuses, pour que les Belges pourvussent convenablement à leur entretien, à leur dotation en matériel et approvisionnements de toute nature et enfin à leur défense. A cette époque la crainte de l'insuffisance de nos ressources faisait une forte impression ; on voulait que notre situation fût, autant que possible en rapport avec nos moyens d'action, dans l'isolement où avant toute agression nous plaçait notre neutralité.

Nous devions accueillir cette pensée avec d'autant plus d'empressement, que nous ne tardâmes pas à reconnaître l'urgence de nouveaux ouvrages défensirs sur la ligne du Démer. N'y avait-il pas, dans cette considération, un motif impérieux de faire disparaître, sur d'autres points, des forteresses dont l'utilité pouvait être contestée et d'aller au moins aussi loin, quant aux places à supprimer, que l'admettait la convention du 14 décembre 1831 ?

Cependant on n'est pas complètement entré dans cet ordre d'idées en conservant la place la plus considérable, la place de Mons dont l'étendue réclame de grands moyens de défense et une très nombreuse garnison. J'ai toujours été fortement opposé à la conservation de cette forteresse ; j'en ai développé les motifs en plusieurs circonstances, et je puis dire que mon opinion ne fut pas même ébranlée par les décisions contraires, qui, à deux reprises différentes, ont été admises. Selon moi, la place de Mons est pour la Belgique un pesant fardeau, et je ne désespère pas voir un jour le gouvernement partager mes convictions à cet égard.

En effet, s'il y avait de puissants motifs de faire disparaître la place de Mons, avant que l'on ne donnât à la forteresse d'Anvers les développements qu'elle vient de recevoir, il y en a de bien plus graves encore dans l'état actuel des choses. En composant le camp retranché d'Anvers, d'ouvrages de défense d'une haute valeur, on semble vouloir adopter le système d'une grande place centrale, système que l'on avait regardé antérieurement comme irréalisable, en présence de la nécessité, où nous nous trouvions de garder et de défendre un assez grand nombre de positions.

Il serait donc rationnel, maintenant que cette grande place a été créée, d'accorder au pays quelque allégement en diminuant eucore autant que possible, le nombre des autres forteresses.

Certes, si, en 1831, l'on considérait la Belgique comme ayant trop de places fortes pour les bien garder et les bien défendre, on doit (page 1304) admettre qu'ayant jugé indispensable d'en créer de nouvelles, il faut ne conserver aucune des anciennes qui soit d'une utilité contestée.

En général, messieurs, il faut bien se garder de tenir à un trop grand nombre de forteresses ; les ressources nationales pourraient leur faire défaut et alors, le pays, loin de trouver en elles des garanties de sécurité, aurait à craindre que les remparts, élevés à grands frais, ne devinssent des instruments redoutables d'oppression.

Au point de vue financier il est également une considération d'une sérieuse importance. Une forteresse n'eût-elle qu'un mérite contesté ; n'offrirait-elle qu'une surcharge, qu'un danger même pour le pays, doit cependant encore être entretenue et sauvegardée avec autant de soin que toute autre, aussi longtemps que l'on n'a pas mis la main à l'œuvre, pour la démanteler ; sans valeur pour nous, elle ne le serait pas pour l'ennemi, qui. en s'en emparant, y trouverait un point d'appui, en même temps qu'un matériel précieux, pour ses opérations ultérieures. C'est ainsi que je me vois forcé d'accorder la somme comprise dans le crédit de 2,435,000 francs et destinée à la place de Mons, quoique je sois d'opinion que l'existence de cette place est contraire aux intérêts bien entendus du pays.

Je borne ici, messieurs, les observations que j'avais à présenter relativement au premier des crédits qui nous sont demandés.

Quant à ce qui concerne celui de 9,400,000, je n'ai rien à ajouter aux observations que j'ai eu l'honneur de vous présenter en comité secret.

Je tiens, messieurs, à constater, en terminant, l'importance de la voie où vous venez d'entrer.

Le rapport de la section centrale me paraît établir qu'un nouvel esprit anime la Chambre. Vous voulez tous, j'aime à le croit e, sinon approfondir certaines questions au point de vue de l'art, du moins, en apprécier désormais les conséquences et la portée.

La représentation nationale a quelquefois renoncé à son droit d'examen en déclinant en quelque sorte sa compétence d'une manière absolue ; si j'en juge par ce qui vient de se passer, il n'en sera plus ainsi. Dès lors j'ai cru que chacun de nous devait se faire un devoir de produire tout ce qui pouvait faciliter des investigations dont le résultat serait, en définitive, aussi profitable au pouvoir exécutif lui-même, qu'aux intérêts généraux du pays. Encouragé par cette pensée, je vous ai soumis des considérations, qui ont trait à des principes généraux, dont on fera sans doute application dans des discussions ultérieures. Mon seul mobile, en les produisant, n'est autre que le dévouement absolu aux intérêts publics, qui n'a cessé de m'animer, en toute circonstance, dans ma longue et laborieuse carrière.

M. Loos. - Après les discussions qui ont eu lieu ce matin, en comité secret, je crois pouvoir me borner a peu d'observations. Je remercie d'abord le cabinet de s'être rallié à la proposition de la section centrale, en consentant à l'ajournement du crédit de 5,440,000 francs destiné à fortifier le camp retranché en avant d'Anvers. Je remercie l'honorable ministre de la guerre des assurances qu'il nous a donnés en comité secret, dont tous nous avons pu prendre note, et dont, peur ma part, j'ai pris acte pour les lui rappeler en toutes circonstances.

Par suite de l'ajournement du crédit de fr. 5,440,000, je crois pouvoir ajourner aussi les observations que je comptais présenter à la Chambre pour m'opposer à ce que cette somme reçût la destination projetée, me réservant de faire valoir ultérieurement les considérations qui doivent déterminer le gouvernement à adopter un système de défense moins désastreux pour la ville d'Anvers, moins compromettant pour les intérêts du commerce belge. Je me réserve, quand plus lard des crédits nous seront demandés pour les fortifications d'Anvers, de discuter les plans qu'on voudrait exécuter.

Je dois dire, à cet égard, que si la Chambre ne peut raisonnablement exiger d'être initiée à tous les projets médités par le département de la guerre pour la défense du pays, elle a le droit incontestable d'examiner si les projets que le gouvernement veut réaliser et pour lesquels il demande que la nation s'impose des sacrifices, répondent bien réellement au but qu'on se propose ; si, en dehors des sacrifices d'argent, l'exécution de ces projets n'entraîne point à de plus grands sacrifices encore, à des servitudes grevant le présent autant que l'avenir, comprenant les éléments les plus essentiels de la richesse publique.

Qu'on ne nous dise pas que nous sommes incompétents pour apprécier le mérite des travaux de défense et que les dépenses qu'ils exigent doivent être votés de confiance. Ce n'est pas là le rôle que la Constitution assigne à la législature ; sa compétence ne peut être contestée, son libre examen ne peut être méconnu toutes les fois qu'elle exerce d'une de ses prérogatives essentielles, le vote de subsides. Si nous n'étions pas compétents pour discuter ces questions, comment serions-nous compétents pour les résoudre ? Ces discussions n'ont pas seulement l'avantage de nous éclairer mutuellement, mais elles doivent avoir pour but aussi d'éclairer le pays, et sous ce rapport elles peuvent avoir le meilleur résultat.

D'ailleurs, messieurs, l'essai que nous en avons fait ce matin n'a-t-il pas été des plus satisfaisants à tous égards ; quelqu'un pourrait-il le regretter ? Quand ces questions nous sont exposées avec autant de clarté qu'elles l'ont été hier soir et ce matin, le bon sens ne suffit-il pas pour les apprécier et les résoudre en parfaite connaissance de cause ? Si nous avons à regretter quelque chose, c'est peut-être d'avoir jusqu'à présent agi comme si réellement nous étions incompétents en ces matières, comme si notre bon sens n'était point un guide suffisant pour apprécier convenablement un système de défense.

Si l'on doit donc admettre que le bon sens (qui, en définitive est la raison de tout le monde) permet de juger des projets qui sont clairement exposés, il ne s'en suit pas cependant que la législature puisse imposer au gouvernement, pour la défense du pays, un système qu'il n'approuverait pas et dont il n'accepterait pas toute la responsabilité.

Il s'agit pour le moment de la défense d'une place qui est, avant tout, la métropole du commerce du pays, rôle qu'elle doit pouvoir remplir et dans lequel elle ne saurait, je pense, être remplacée par aucune autre ville, tandis qn'on pourrait très convenablement, je crois, choisir d'autres places du pays pour être converties en boulevard de la nationalité belge.

Il faut donc que la défense que l'on veut organiser à Anvers ne puisse en aucun cas gêner le développement de sa prospérité commerciale, empêcher la création d'établissements maritimes et autres que les besoins du commerce pourront réclamer ; que l'accroissement de sa population, résultat de sa prospérité, ne puisse jamais être un embarras pour la défense ; qu'il lui soit donc, à cet effet, réservé l'espace et la sécurité indispensables.

N'oublions pas, messieurs, que pour une place de commerce la première condition est la sécurité ; que l'état de paix est l'état permanent et la guerre l'exception ; qu'il faut que les travaux militaires, en vue de cette exception, ne viennent pas à peser trop lourdement et d'une manière permanente sur l'état de paix, sur l'état régulier et normal.

Le talent des ingénieurs militaires doit donc consister, non pas à entasser des forts et des canons partout, mais à les placer judicieusement et de façon, tout en assurant un bon système de défense, à n'empêcher nulle part le mouvement commercial et son développement facile et régulier.

A ces conditions et quelsque soient toujours les dangers inséparables de la position qu'on veut lui faire, Anvers acceptera le périlleux honneur qu'on lui destine, et le cas échéant, les habitants sauront mettre leur patriotisme à la hauteur des sacrifices que les circonstances pourraient lui imposer ; sous ce rapport, le passé vous répond de l'avenir.

Si l'on veut concilier tous les intérêts, il importe que l'autorité civile prenne part aux débats qui concernent les travaux militaires. Ces questions livrées exclusivement à l'aulorité militaire ne sont jamais envisagées qu'à un seul point de vue et envisagées ainsi, elles donnent lieu à des exagérations comme celles qui récemment ont provoqué tant d'irritation à Anvers.

Ce que nous demandons pour Anvers, je l'ai déjà dit, c'est qu'elle soit fortifiée de manière que le commerce n'en éprouve aucune gêne permanente, c'est, qu'en un mot, on agisse à son égard comme un pays voisin a cru devoir agir à l'égard de sa capitale, laissant de l'espace à son développement, éloignant les dangers de la défense comme on l'a fait à Paris, à 4,000 mètres de son enceinte Alors la question des fortifications d'Anvers sera résolue dans cette Chambre sans opposition, et de fasse ntiment de la population anversoise.jy

Messieurs, je ne sais quelles pourront être, au point de vue financier, les conséquences d'un pareil système de défense ; mais je crois avoir le droit de faire que s'il devait en résulter quelques sacrifices plus importants que ceux qui nous étaient demandés, ce n'est pas une question d'argent qui pourrait arrêter la Chambre pour faire une position convenable à la ville d'Anvers.

Je suis amené à vous tenir ce langage quand je lis dans le rapport de la section centrale à propos de l'agrandissement de la ville d'Anvers au nord :

« Entrant dans cet ordre d'idées, M. le ministre de la guerre a déclaré que loin de s'opposer au projet d'agrandir la ville du côté nord, par le déplacement des fortifications actuelles, il avait, de concert avec ses collègues, arrêté le principe de cette amélioration, pourvu qu'aucune charge n'en résultât pour le trésor public…

« M. le ministre et la section centrale ont appris avec satisfaction que l'industrie privée a conçu un plan ingénieux, d'après lequel tous les avantages que nous venons d'indiquer pourraient être obtenus sans frais pour l'Etat. »

Ainsi, c'est seulement à la condition que l'agrandissement d'Anvers puisse être obtenu sans frais pour l'Etat, en d'autres termes, sans bourse délier, que, dans l'opinion de la section centrale, cet agrandissement serait désirable et possible. Je ne puis admettre, pour ma part, une condition aussi absolue. Je crois qu'alors même qu'il devrait en résulter quelques sacrifices pour l'Etat, ce ne serait pas un motif suffisant pour s'y arrêter.

Car en définitive, Si Anvers ne peut s'agrandir comme Bruxelles, comme Gand, comme Liège, comme la plupart des villes du pays, c'est que dans l'intérêt de la défense du pays elle est entourée de murs et que c'est le déplacement de ces murs qui seul donne lieu à la dépense qui doit résulter de son agrandissement. Eh bien, s'il s'agit de faire disparaître ou de déplacer cette enceinte militaire, je crois que le gouvernement ne devrait pas être arrêté par la seule considéraiion qu'il pourrait en résulter pour lui un léger sacrifice d'argent.

Qu'adviendra-til, en effet, s'il faut s'en rapporter exclusivement à l'industrie privée du soin d'agrandir Anvers ? Atl-on bien réfléchi aux conséquences qui en résulteraient ? Si l'industrie privée se charge d'agrandir Anvers, en déplaçant les fortifications, c'est à la condition, sans doute, d'y trouver son profit. On ne se lance dans des entreprises de ce genre qu'après les avoir bien méditées et s'être parfaitement assuré des avantages qu'on peut en recueillir. Je suis donc autorisé à dire que si l'industrie privée trouve des profits à agrandir Anvers, l'Etat ne doit pas craindre de se livrer lui-même à cet agrandissement.

(page 1305) Je prévois les objections qui peuvent m'être faites ; on me dira que si c'est l'industrie privée qui se charge de l'opération, les prétentions d'Anvers viendront échouer devant cet intérêt privé, tandis que l'Etat ne pourrait pas y opposer la même résistance et devrait céder aux justes exigences qui pourraient se produire pour disposer des terrains des anciennes fortifications. Je reconnais qu'il y a quelque chose de fondé dans cette objection, mais je crois aussi qu'on pourrait se prémunir contre les conséquences qu'on redoute en convenant d'avance d'un plan et en le faisant sanctionner par un vote de la Chambre.

Au surplus je crois qu'en ce qui concerne les destinées d'Anvers comme place de commerce et place de guerre, on devrait envisager les choses d'une manière plus large, parce que ces deux intérêts sont véritablement des intérêts généraux, ceux de la défense aussi bien que ceux du commerce, et c'est comme tels qu'ils devraient être traités dans cette Chambre et par le gouvernement.

Par suite de la discussion qui a eu lieu en comité secret, je crois devoir borner à ce que je viens de dire les considérations que j'avais encore à soumettre à la Chambre. Les sentiments de bienveillance qui ont été manifestés à l'égard d'Anvers, tant par la Chambre que par le gouvernement, me donnent l'entière confiance que les intérêts de la métropole commerciale seront traités désormais avec tous les ménagements qu'ils méritent.

M. Vervoort. - Messieurs, les utiles et conciliants débats du comité secret abrègent considérablement la tâche que je m'étais imposée. Il me reste, cependant, à adresser à M. le ministre de la guerre quelques interpellations dont je veux faire comprendre la portée et au ministre et à la Chambre.

Le rapport de la section centrale envisage le crédit demandé pour le développement des fortifications d'Anvers sous le triple rapport de la défense nationale, des finances et de l'avenir de la ville d'Anvers.

Quant à la défense nationale, on a définitivement résolu de réunir au jour du danger nos forces militaires, et de faire de la forteresse d'Anvers le boulevard de notre nationalité. Celle défense est d'une telle importance qu'on doit y donner l'attention la plus sérieuse, et l'organiser promptement afin que ce boulevard devienne une réalité, ce qu'il n'est pas jusqu'à ce jour.

Après les observations que j'ai présentées dans le comité secret, je puis me borner à ce peu de mots sur la question de défense.

En ce qui concerne la question financière, on n'a pas présenté la répartition des dépenses que se propose de faire le ministre dans des articles de loi. Or les plans qui doivent être suivis ne sont jpas définitivement approuvés.

Lorsque le caractère indispensable d'une dépense est reconnu, la question d'argent peut être placée au deuxième plan, car il faut employer les moyens d'arriver au but qu'on se propose.

Mais quand l'utilité d'un travail est incertaine et contestée, la question financière vient en premier ordre parce qu'une dépense inutile est ruineuse et peut faire écarter des travaux d'un avantage incontestable. C'est ce qui se présente ici ; certaines dépenses ont été contestées, leur utilité a été mise en question.

En présence du débat qui s'ouvrira plus tard sur la nécessité des dépenses ; il est indispensable que le gouvernement spécifie, dans des articles de la loi qu'il nous proposera, les différentes dépenses pour lesquelles il demandera des allocations. Déjà 28 millions ont été obtenus ou demandés depuis trois ans par le ministère de la guerre. Des crédits extraordinaires d'une telle importance imposent à la législature le devoir de n'en plus voter qui ne soient spécifiés et d'une utilité démontrée.

J'arrive à la partie du débat qui concerne l'avenir de la ville d'Anvers. J'ai entendu dire dans le comité secret et un honorable membre vient de répéter il y a quelques instants qu'il faut à la Belgique une deuxième capitale. Oui, nous posséderons désormais deux capitales ; celle des temps prospères, la capitale de la paix, des jours heureux, et puis la capitale des jours néfastes, la capitale de la patrie menacée ou du sol envahi !

Au nom de cette capitale, je puis vous déclarer qu'elle accepte avec résignation et fierté ce rôle patriotique. Dans une pétition émanée du meeting qui a appelé l'attention d'honorables membres et adressée au Roi dans le courant du mois de mars, je lis ;

« Anvers, la métropole commerciale, est devenue en même temps le boulevard de notre nationalité. Au jour d'un péril, que V. M. supplie avec nous la Providence d'écarter de nos têtes, Anvers doit être la sauvegarde des droits de la Be'gique, et renfermer dans ses murs le dépôt sacré de ses institutions. Le Roi, la famille royale, le gouvernement, les chambres, les administrations, l'armée établiront chez nous les quartiers généraux de la défense nationale.

« A Anvers appartiendrait l'honneur et le danger de maintenir le dernier le drapeau de 1830 et de rallier dans son sein toutes les forces vives de la patrie.

« Cet honneur et ce péril, Anvers ne les repousse point. Il acceptera avec orgueil et patriotisme tous les devoirs qui lui imposerait une situation critique, et pas une plainte ne surgira du sein des intérêts compromis, quand il s'agira de préserver le plus sacré de lous, l'indépendance, la liberté ! Mais ce dévouement demande qu'on le soutienne, ce sacrifice a droit à un appui, nous devons vouloir que les moyens du moins soient proportionnés au but glorieux qu'il s'agit de servir. »

Oui, telles sont les paroles, messieurs, qu'adressait au Roi cette cinquième section, la plus intéressée de toutes, la cinquième section, plus intéressée que les habitants de l'intérieur des murs d'Anvers. Vous voyez qu'en vous parlant du soutien qu'Anvers veut prêter à la liberté et à l'indépendance du pays, je ne subis pas une illusion de mon patriotisme personnel, mais que je suis l'interprète de sentiments vrais, solennellement exprimés.

Mais, messieurs, Anvers qui court, en temps de guerre de suprêmes périls, ceux de la dévastation et de l'incendie, Anvers subit en temps de paix la nécessité de sacrifices ruineux et de servitudes militaires. Quand partout la valeur des terres se développe, quand partout on construit autour des villes, quand les villes s'étendent, Anvers se trouve soumis à une loi contraire ; c'est-à-dire qu'en temps de paix, au milieu de la prospérité générale, ses environs sont sur une grande étendue frappés de stérilité et dépréciés.

Depuis plus de trente ans on avait encouragé, malgré l'existence de la forteresse et de la citadelle, le développement des constructions. Trois mille maisons ont été construites sous la protection d'arrêtés royaux, en vertu d'une certaine tolérance, si l'on veut, mais enfin au vu et au su de l'autorité et sous sa sage protection.

Les environs avaient pris un développement considérable ; puis tout à coup, en 1848, des dangers venant à surgir pour la Belgique, on construit des forts au milieu de cette cinquième section où tant d'intérêts se trouvent engagés, et dans laquelle doit se réfugier une partie des habitants de la ville devenue insuffisante.

Mais si ces importantes localités sont, par leur situation topographique, par le voisinage d'un grand fleuve, par l'existence d'anciennes fortifications, vouées à la défense des intérêts généraux du pays, s'il s'agit de leur apporter un mal certain et permanent, dans la prévision d'une éventualité, il est du devoir du gouvernement et du pays de mitiger le mal et d'amoindrir les sacrifices.

Si Anvers doit, pour la défense de tous, porter en tout temps, même au milieu des bienfaits de la paix, sa pesante armure, il faut du moins lui en alléger le poids.

Eh bien, a-t-on jusqu'à présent suffisamment eu en vue ces nécessités, ce devoir de conscience qui incombe au pays ? Nullement. On n'a pas consulté, jusqu'à présent, les intérêts d'Anvers. C'est depuis que les sollicitations sont venues de toutes parts, depuis qu'on s'est adressé au souverain et à ses ministres, qu'on a trouvé des sympathies et de l'appui et qu'on a pu recueillir l'espérance fondée d'obtenir enfin la conciliation des intérêts divers.

Le ministère actuel, et c'est une justice à lui rendre, s'est empressé de reconnaître qu'il y avait nécessité et qu'il y avait possibilité de concilier ces différents intérêts.

Il est bien résolu, ainsi qu'il nous l'a démontré, à mettre en œuvre les moyens de défendre notre nationalité, et il a senti qu'il y avait quelque chose à faire pour ce boulevard auquel est imposée la nécessité de devenir le centre de la défense suprême du pays. Je ne parle pas de la partie technique, de la défense, ce point important me semble avoir été amplement traité, et il n'appartient plus, d'après votre décision, aux débats publics.

Je ferai seulement remarquer qu'en éloignant quelques forts, en donnant plus de profondeur au camp où doit agir notre armée, on réduit l'importance de graves questions. Ainsi tout ce qui touche au rayon stratégique, aux servitudes et aux indemnités qui peuvent en être la conséquence acquiert moins de gravité. Mais si la plupart de ces forts devaient conserver leur emplacement actuel, alors il faudra résoudre de sérieuses difficultés, et qu'il me soit permis d'appeler votre attention sur ce point.

Les servitudes militaires s'exercent par l'établissement des forts. Lors de l'expropriation, le propriétaire du sol reçoit le remboursement de ce qu'on lui enlève. Mais à côté de la propriété du sol envahi par les constructions se trouve la propriété du sol frappé.par les servitudes.

Ainsi, par exemple, quelqu'un a acquis un terrain pour y bâtir ou des terres qui auront bientôt cette destination ; tout à coup la défense nationale exige que l'on pose un fort au milieu du terrain. Autour de ce fort s'exerceront les servitudes militaires qui empêchent que le terrain ne reçoive la destination.

Vous comprenez combien est importante la question de savoir si l'on peut ainsi priver un propriétaire de l'usage de sa propriété. C'est une question très grave sous notre législation. Or, une loi doit être représentée, et incontestablement cette question doit faire l'objet de l'examen de ceux qui auront à rédiger le projet de loi.

On vient de vendre en vente publique, au prix de 9,000 francs, un hectare acquis pour 40,000 francs, avant l'établissement des forts ! C'est une dépréciation de près des trois quarts, essuyée dans l'intérêt du pays.

J'appelle donc l'attention sérieuse du gouvernement sur la nécessité d'examiner tout ce qui touche aux servitudes militaires. J’aurai l'honneur de lui rappeler qu'en Hollande en 1853, on a porté une loi qui admet l’indemnité en matière de servitudes nécessitées par les constructions du genre de celles qui nous occupent.

Il faut que toutes ces difficultés soient mûrement examinées, il faut que nous sortions de l’inconnu et du provisoire ; mais les questions reçoivent une solution différente, selon le point de vue auquel on se place. Ainsi le génie se placera au seul point de vue militaire et dans l'hypothèse de l’état de guerre.

Cependant il faut examiner aussi les difficultés au point de vue financier, administratif, civil et commercial, et pour le temps de paix.

Mais on ne peut pas exiger des officiers du génie, quelque vastes que soient leurs connaissances, quelque grande que soit leur impartialité, qu'ils se placent à la fois à tous ces points de vue.

(page 1306) Il est donc indispensable de les mettre en contact avec des hommes qui représentent les autres intérêts pour amener entré ces grands intérêts (une combinaison de nature à les satisfaire et à faciliter vos décisions.

L'élément commercial et financier, l'élément administratif, doivent être représentés dans le comité qui s'occupe de la défense du pays ; et je dirai avec l'honorable M. Thiéfry, que je n'admets pas non plus l'incompétence absolue de ceux qui n'ont pas fait d'études spéciales pour décider entre des plans qui nous seraient soumis.

A Paris, on avait soumis, en 1830, la question des fortifications à un comité et plus tard à une autre commission composée de militaires et d'ingénieurs.

Eh bien, messieurs, il a fallu qu'en 1836 on créât ce comité mixte dont faisait partie M. Thiers, et qui, en définitive, a proposé à la Chambre un plan dont M. Thiers a été le principal défenseur. Il consistait à combiner les propositions des deux comités précédents, et il a été adopté.

Pour terminer sur ce point, messieurs, je dirai que si nous n'étions point compétents pour juger ces questions nous devrions à chaque instant décliner notre compétence.

Le conseil des ministres lui-même, qui doit adopter les plans, devrait s'abstenir et s'en rapporter exclusivement au ministre de la guerre, ce qui n'est pas admissible.

Ce comité, doit donc, je pense, se composer non seulement d'ingénieurs et d'officiers supérieurs, mais encore de membres de l'administration communale, de membres de la Chambre des représentants et même de membres de la chambre de commerce d'Anvers. La section centrale, messieurs, s'est exprimée à cet égard dans des termes que je crois devoir rappeler, car ce point me paraît extrêmement important. La section centrale dit, en ce qui concerne les servitudes militaires :

« Des membres réservent, d'ailleurs, la grave question de savoir si les servitudes nouvellement établies par suite de la construction des forts détachés donnent droit à l'indemnité juste et préalable garantie par la Constitution de 1831. La solution définitive de ce problème se trouvera sans doute dans le projet de loi annoncé par le gouvernement. »

Et plus loin :

« Elle prie instamment M. le ministre de la guerre, à qui elle reconnaît volontiers qu'aucun reproche ne peut être adressé de ce chef, de profiter de l'indépendance de sa position personnelle dans la question pour en examiner à loisir et combiner équitablement tous les intérêts que font valoir, et les hommes de l'art, et les défenseurs du trésor, et la population anversoise ; enfin, elle entend que l'ajournement proposé par elle implique, de la part de M. le ministre, l'engagement de s'enquérir des diverses améliorations à introduire dans l'exécution des plans militaires, et elle réserve pleinement la liberté parlementaire pour les décisions à venir. »

Suivant la section centrale, l'adhésion au projet de loi implique de la part de M. le ministre l'engagement de s'enquérir de ces diverses améliorations, c'est-à-dire d'entendre les hommes de l'art, les défenseurs du trésor et les organes de la population anversoise.

Il nous faut, messieurs, tout le monde le reconnaîtra, il nous faut ces garanties.

Il faut songer aussi à l'époque intermédiaire, pour la fixation provisoire du rayon dans lequel on pourra bâtir ; car, enfin, il s'agit d'une cité et d'une population importantes qui sont justement alarmées et qui méritent tout votre intérêt.

Il s'agit d'une ville qui exerce sur les destinées du pays une influence décisive. Je ne parlerai pas de l'éclat qu'elle peut jeter par les arts, de son utilité par le commerce et les grandes entreprises, je me bornerai à rappeler qu'en 1830 et 1832, elle a conquis par des souffrances cruelles, mais glorieuses, le droit au respect et à la sympathie du gouvernement, des Chambres et du pays tout entier.

Après ces courtes observations, j'adresserai à M. le ministre de la guerre les questions suivantes :

En acceptant le projet de la section centrale, le gouvernement se propose-t-il d'instituer une commission composée d'hommes spéciaux : d'officiers du génie et d'autres officiers supérieurs, de membres de la Chambre de commerce et du conseil communal d'Anvers et de membres de la Chambre des représentants, avec mission de préparer un plan définitif de défense dans lequel les intérêts militaires, l'intérêt financier et l'intérêt de la ville et des faubourgs seront conciliés ?

Le gouvernement fera-il étudier les questions relatives aux servitudes militaires et aux indemnités qu'elles peuvent entraîner ?

Se propose-t-il de continuer, dans l'intervalle, la tolérance sous la protection de laquelle la cinquième section d'Anvers s'est développée, et cela en réservant aux remparts et à la partie extérieure des forts, un rayon de 300 mètres à partir de la crête du rempart ou du glacis ?

M. Frère-Orban. - Je comprends toute l'impatience de la Chambre ; mais dans le comité secret, elle m'a réservé le droit de donner quelques explications publiques sur des actes de l'administralion dont j'ai fait partie. Ces explications sont nécessaires, messieurs, pour répondre à une accusation imméritée dirigée contre nous et que nous rencontrons dans un passage du rapport de la section centrale qui est ainsi conçu ;

« Le droit des Chambres, dit le rapport, est de connaître au moins la portée financière des votes qu'elles sont invitées à émettre. Or, elles n'ont jamais été mises à même de se prononcer à ce sujet en connaissance de cause. Pour ne citer que des faits posés dans cette enceinte, nous n'avons pas été avertis, en 1852, lors de la première allocation de fonds pour le camp retranché, que des dépenses beaucoup plus élevées en seraient la conséquence ; nous n'avons pas été éclairés davantage à cet égard les années suivantes, quand nous fûmes encore appelés à voter des crédits pour la même destination ; aussi ne pouvons-nous admettre qu'en ratifiant les premières dépenses, nous ayons contracté l'obligation morale de consentir à toutes celles qui doivent les compléter. Pourquoi le pouvoir exécutif n'a-t-il pas partagé avec la représentation nationale la responsabilité et l'honneur du grand projet que des intentions louables lui avaient inspiré ? »

La section centrale dit encore ailleurs :

« En somme, la section centrale n'a pu approuver la marche suivie depuis trois ans relativement aux fortifications anversoises ; elle s'est convaincue que cette marche a été irrégulière, notamment au point de vue des prérogatives de la législature, qui n'a pas été mise à même de se prononcer en connaissance de cause ; elle regrette que les faits accomplis aient amoindri et, pour ainsi dire, enchaîné la liberté du parlement ; elle espère que des faits semblables ne se reproduiront plus. »

Déjà, messieurs, les renseignements qui ont été donnés en comité secret soit par M. le ministre de la guerre, soit par moi-même, ont fait comprendre à la Chambre qu'il y avait, dans le reproche de la section centrale, une grande inexactitude en ce qui concerne les actes du ministère du 12 août.

Lorsque le gouvernement prit, à la fin de l'année 1851, l'initiative de l'exécution des mesures destinées à assurer une bonne défense nationale, le gouvernement réalisait un plan proposé depuis longtemps, mûrement délibéré, examiné avec soin par les hommes les plus compétents et qui venait d'être soumis à la commission mixte, à la grande commission militaire instituée quelque temps auparavant. Les procès-verbaux de cette commission, qui ont été publiés, attestent qu'au mois de décembre 1851, les plans d'un camp retranché sous Anvers lui furent communiqués et furent approuvés par elle.

C'est ce plan, messieurs, que nous eûmes eu l'honneur de soumttre à la Chambre au mois de mars 1852, en réclamant un bill d'indemnité, parce que nous avions pris, sous notre responsabilité, la résolution de faire commencer l'exécution de ces travaux.

Je fus alors chargé par mes collègues, et spécialement par M. le ministre de la guerre, de faire connaître à la Chambre l'ensemble des mesures qu'on croyait nécessaire de réaliser. La plupart d'entre vous se rappelleront que j'exposai à cette époque qu'il s'agissait de faire des travaux à la Tête-de-Flandre, de construire une caserne blindée dans la citadelle, et enfin d'établir un camp retranché. J'eus l'honneur d'exposer alors en détail... L'honorable M. Coomans fait un signe de dénégation.

M. Coomans. - Sur les mots « en détail ».

M. Frère-Orban. - Je dis « en détail », et j'y insiste.

J'eus l'honneur d'exposer en détail l'objet de ce plan ; je dis à la Chambre, qu'il comprenait sept forts pour le camp retranché ; que nous avions fait mettre la main à l'œuvre pour en construire quatre et qu'ils devaient coûter 593,000 francs. C'était l'objet d'un premier crédit. Plusieurs honorables membres, l'honorable M. Osy, en particulier, ont pris note, sous ma dictée de ces divers détails.

M. Coomans. - Moi aussi.

M. Frère-Orban. - Ainsi, c'est bien exact.

Je disais donc alors à la Chambre, que la construction des quatre forts devait coûter 593,000 francs. Je fis observer, en même temps, que les sept forts devaient donner lieu à une dépense de quinze cent mille francs ; je donnai, en outre, les indications nécessaires sur les travaux à exécuter à la Tête-de-Flandre ; je dis que ces travaux devaient coûter un million et qu'en ce qui concernait la caserne blindée, la dépense en était évaluée à 1,200,000 ou à 1,400,000 fr.

Le crédit demandé en ce moment là était un premier crédit. Il comprenait également une somme destinée à la remonte de la cavalerie et au matériel de l'artillerie. Les arrêtés royaux, qui furent pris en exécution de la loi qui alloua le crédit de quatre millions sept cent mille francs, attestent et confirment ce que j'ai l'honneur de rappeler à la Chambre. Ainsi, on y trouvera qu'on prit sur ce crédit 470,000 fr. pour la remonte de la cavalerie et 1,200,000 fr. pour le maiériel de l'artillerie ; on appliqua aussi un premier crédit d'environ 2 millions pour les travaux d'Anvers.

Les détails donnés à la Chambre à cette époque, l'ont donc mise à même d'examiner d'une manière approfondie les travaux qu'il s'agissait d'exécuter. Il était bien exclusivement question de faire un camp retranché, suivant un plan soumis à la grande commission et approuvé par elle le 2 décembre 1851.

Ce plan fut critique dans cette Chambre ; il le fut par l'honorable M. Osy. L'honorable membre prétendit que les travaux en terre que nous discutions ne seraient pas convenables, seraient insuffisants ; qu'il faudrait établir d'autres forts que ceux qui étaient proposés, construire des réduits, des revêtements eu maçonnerie.

J'eus l'honneur de répondre à l'honorable M. Osy que nous proposions un plan qui avait été formulé par des autorités compétentes, que nous nous en tenions aux travaux indiqués par des hommes spéciaux et qui répondaient au but que l'on voulait atteindre.

(page 1307) Au mois de juillet 1852, nous donnâmes notre démission ; mais par des circonstances que la Chambre connaît, cette démission ne fut pas acceptée immédiatement.

Vers ce même temps, et à raison des circonstances, nous prîmes encore sous notre responsabilité d'autoriser l'exécution des trois forts pour compléter le nombre de sept ; quatre forts avaient été compris dans le crédit de 4,700,000 francs. Les travaux relatifs à ces forts furent adjugés au mois d'août ou de septembre 1855.

Il fut question vers cette époque de changements à introduire dans les projets qui avaient été arrêtés et qui avaient été communiqués à la Chambre. Nous n'avons pas pris de résultat quant à ces modifications. C'est à une époque postérieure à la retraite du cabinet du 12 août, qu'elles ont été décrétées et exécutées. En effet, la Chambre sait que ces modifications consistent principalement dans la construction de réduits à la gorge des forts. Or, ces ouvrages ont été mis en adjudication à la date du 22 décembre 1852. C'est encore un fait public ; et, d'ailleurs, les documents qui reposent au département de la guerre ne peuvent laisser aucun doute à cet égard.

Ces réduits ont donné lieu à une dépense nouvelle d'environ deux millions de francs, et rendent nécessaires, si l'on continue à exécuter les modifications entreprises, les nouveaux crédits que réclame le gouvernement. Mais il est clair qu'elles ne sont point la conséquence du plan proposé en mars 1852, et que nous n'avons pu, lors de la première allocation de fonds, faire pressentir seulement des dépenses de cette nature.

Elles ne pouvaient être dans nos prévisions ; elles sont nées de modifications ordonnées après notre retraite. Ce n'est donc pas à nous que peut s'adresser le reproche de la section centrale.

Mais la Chambre a-t-elle ignoré que ces modifications étaient introduites dans le plan ?

La Chambre fut saisie, au mois de novembre 1852, par le cabinet qui nous succéda, d'une proposition de crédit de 8,400,000 francs. Ce crédit comprenait 6 millions applicables aux travaux des fortifications d'Anvers.

Je ne sais, messieurs, en dehors des débats publics, ce qui se passa à cette époque ; je n'étais pas à la Chambre, j'étais absent ; mais tout à l'heure l'honorable M. Thiéfry a rappelé que deux des membres de la section centrale qui avait été chargée d'examiner la proposition de crédit, furent délégués pour se rendre au département de la guerre et y acquirent la conviction que des modifications étaient introduites dans le plan.

La discussion eut lieu, elle fut publique et je puis en parler. Elle atteste que la Chambre a eu connaissance des changements opérés dans les plans primitifs, et que s'il ne lui a pas convenu d'approfondir alors les conséquences de ces innovations, c'est que, peut-être, beaucoup d'honorables membres plus préoccupés du soin d'accuser le cabinet qui venait de se retirer, que de s'éclairer sur les actes qui leur étaient soumis, négligèrent de réclamer des explications complètes de la part du gouvernement. C'est à eux qu'ils doivent imputer en grande partie l'erreur dans laquelle ils sont tombés.

L'honorable M. Osy prit part à cette discussion ; il rappela quelques-uns des faits que je viens de citer et il sembla triompher, parce qu'il croyait y trouver une occasion d'accabler l'ancien cabinet. Mais hélas ! ils e trouve qu'il approuvait et qu'il provoquait à faire ce qui maintenant cause une si vive émotion dans la ville d'Anvers. Voici comment s'exprimait l'honorable M. Osy.

« Je vous disais... au mois d'avril, lorsque nous avons discuté le projet, qu'on voulait construire quatre forts. Eh ! bien, messieurs, quand on nous demandait quatre forts, je disais que ce n'était pas assez et j'avais raison, car le gouvernement a dû faire une ceinture autour de la ville d'Anvers ; au lieu de quatre forts nous faisons aujourd'hui sept forts et une lunette et il y a, de plus, une partie de la ville qui sera couverte par les inondations. »

M. Osy constatait de la sorte que l'on avait discuté le projet présenté au mois de mars 1852. Il avait le tort seulement de se faire un mérite d'avoir indiqué la nécessité de sept forts, car le plan comprenait bien positivement sept forts, mais on n'avait demandé de crédits que pour en construire d'abord quatre.

M. Osy continuait en ces termes :

« Je disais encore qu'il était insuffisant de faire des ouvrages en terre... Je soutenais qu'il faudrait faire beaucoup de choses en maçonnerie ; plusieurs forts, des casernes à l'abri de la bombe, des poudrières, etc... ».

M. Lebeau. - Qui dit cela ?

M. Frère-Orban. - L'honorable M. Osy, toujours l'honorable M. Osy ! Et ce n'est pas assez ; il ajoutait : « Eh bien ! j'ai vu les plans et les explications que fournit le Moniteur, et ce que je demandais se fait, de manière que j'ai au moins la satisfaction de voir que les dépenses ne sont pas inutiles. »

Voilà donc que ce qui devait faire le désespoir d'Anvers, plongeait l'honorable M. Osy dans le ravissement !

M. Osy. - On permettait de bâtir ; on l'a fait jusqu'en 1853.

M. Frère-Orban. - On continuait provisoirement à tolérer des bâtisses. Mais la conséquence de la construction de pareils forts était inévitable. Il est clair qu'il en résultait la nécessité d'admettre le rayon de servitude nécessaire pour la défense.

Vous le remarquez donc ; au moins l'honorable M. Osy a connu ce que l'on faisait ; il a vu les plans, il était le principal intéressé à les discuter ; à lui, du moins, on n'a rien caché ; il les a examinés, il a été convaincu... et d’autant plus vite, qu'il s'imaginait que l'on exécutait des plans que nous avions combattus, ce qui lui procurait un nouveau grief à charge du méchant ministère du 12 août. Aussi que sa joie est grande : « Ce que je demandais, dit-il, c'est ce que l'on fait ; c'est ce que l'on exécute ! J'ai au moins la satisfaction de voir que les dépenses ne sont pas inutiles ! »

Et de peur de ne pas assez frapper ces pauvres ministres du 12 août, il exaltait leurs successeurs et les engageait à poursuivre des projets qui devaient bientôt agiter si profondément Anvers. « J'engage le gouvernement, s'écriait-il dans la ferveur de son zèle et l'ardeur de ses rancunes, j'engage le gouvernement à vouloir continuer avec fermeté la marche que le nouveau cabinet a entamée, et à ne pas faire comme le ministère précédent, à ne pas voir autre chose que la défense du pays. »

Si quelqu'un peut se plaindre, ce n'est assurément pas l'honorable M. Osy. Il s'est chargé d'éclairer les Chambres ; il n'y a peut-être pas réussi. Mais décidément ce n'est pas la faute du ministère du 12 août. Si les éloges prodigués au mois de décembre 1852 contrastent avec les critiques actuelles de l'honorable M. Osy, ce n'est pas à nous qu'on peut en faire un crime.

Il faut bien reconnaître, pour rester dans la vérité, que ce que le ministère est venu annoncer au mois de mars 1852 est précisément ce qu'on a exécuté jusqu'au jour où il a quitté les affaires. Je ne me prononce pas sur la question de savoir si on a eu tort ou raison de changer le projet primitif ; je me borne à dire que des modifications ont été introduites à ce projet, à une époque postérieure à notre sortie du ministère et que les fonds demandés au mois de novembre 1852 étaient applicables à ces modifications. Les fonds réclamés aujourd'hui ne sont que le complément des fonds nécessaires à l'exécution des changements implicitement approuvés à cette époque. Le ministère dont j'ai fait partie, qui revendique l'honneur et la responsabilité d'avoir commencé ces travaux, ne peut pourtant accepter cet honneur et cette responsabilité pour des actes qui lui sont étrangers et que d'ailleurs je n'entends ni critiquer ni discuter aujourd'hui. Un nouvel examen va se faire ; nous-en attendrons les résultats.

Au mois de décembre 1852, quand a eu lieu la discussion que je viens de rappeler, il exista une véritable confusion dans la discussion. On se préoccupa bien plus d'accabler le ministère qui avait été renversé que de la question même qui était soumise à la Chambre. On vit une demande de crédits supplémentaires considérable ; on partit de la supposition que tous les fonds étaient destinés à payer les travaux entrepris précédemment. C'était une erreur ; une partie seulement du crédit était destinée à couvrir ces travaux. Ainsi les quatre forts qui avaient été estimés 593,000 fr., coûtèrent davantage, non du chef de la construction, car elle fut faite à un prix inférieur au devis, mais les acquisitions de terrain dépassèrent de 200,000 fr. les évaluations. J'avais averti, du reste, en mars 1852, que l'allocation de ce chef serait probablement insuffisante. Les travaux entrepris pour les trois autres forts exigeaient un supplément de crédits. Mais on savait qu'ils devaient être exécutés et c'est tout au plus si on arrive à un million en réunissant les dépenses supplémentaires auxquelles ont donné lieu les travaux décrétés sur notre proposition. On partit de la supposition que toute la somme était applicable à des travaux faits, tandis qu'elle était destinée en très grande partie à des travaux à faire. C'est ce qui est démontré maintenant de la manière la plus irréfragable, et c'est ce qu'il nous importait de constater.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je ne comptais pas prendre la parole, la question, à mon point de vue, ayant été épuisée dans le comité secret. Mais l'honorable M. Vervoort m'ayant adressé quelques questions, je crois devoir y répondre, malgré la fatigue très naturelle de la Chambre et celle que j'éprouve moi-même.

L'honorable M. Vervoort m'a demandé si le ministre de la guerre était disposé à introduire dans le comité consultatif des membres étrangers à l'armée. Je m'en réfère sur ce point à la réponse que j'ai eu l'honneur de faire ce matin.

Quant à la ville d'Anvers, je me hâte de proclamer bien haut ce que j'ai déjà dit en comité secret ; le gouvernement reconnaît la nécessité de l'agrandissement d'Anvers du côté nord, il est décidé à continuer les études commencées sur cet objet, ce travail sera promptement terminé.

En ce qui concerne les servitudes militaires à Anvers, le département de la guerre vient d'admettre une zone de 300 mètres, à partir de la crête des glacis de la place. Ce même principe sera appliqué aux forts détachés, mais d'une manière moins absolue, c'est-à-dire en modifiant la zone d'après les nécessités du système défensif.

Le gouvernement ne tardera pas à présenter une loi générale sur les servitudes militaires, et, en développant devant la législature cette question si importante, il s'efforcera de concilier, autant que possible, les intérêts des localités avec les conditions imposées par les exigences militaires.

Maintenant, messieus, un dernier mot relativement à la discussion qui nous a si laborieusement occupés. Il ne sera pas nécessaire, je pense, de rappeler à la Chambre que la Prusse, neutre de fait comme nous le sommes de droit, ne se contente pas des ressources qu'elle trouve sur son territoire, mais qu'elle recourt aux ateliers étrangers pour (page 1308) multiplier ses armements ; que l'Allemagne fait appel à nos établissements de construction pour constituer définitivement ses moyens de défense ; que la Bavière vient de contracter un emprunt national uniquement dans le but de garantir son territoire ; en un mot, messieurs, toutes les puissances de l'Europe se préparent à la guerre ou y sont préparées, serions-nous seuls à manquer de prévoyance ?

La nécessité de fortifier le siège éventuel du gouvernement n'est pas non plus une pensée nouvelle. Vauban, l'immortel auteur de la ligne de forteresses qui constitue vers le nord le boulevard de la France, Vauban en mourant, n'avait qu'un regret, c'est que les fastueuses prodigalités de Versailles l'eussent privé des trésors qu'il aurait voulu consacrer à la défense de Paris.

Napoléon s'en préoccupait au bivac d'Austerlitz, et, d'Austerlitz même, envoyait l'ordre de préparer les plans nécessaires pour fortifier sa résidence impériale. A Ste-Hélène, il regrettait amèrement que ces travaux n'eussent pas été exécutés ; ils auraient, disait-il, sauvé la France des désastres de 1814 et de 1815. Ses plus vastes plans (on peut le constater par ses mémoires) auraient été en défaut s'il avait trouvé fortifiées et défendues les capitales dans lesquelles il est entré en vainqueur.

Après cela, messieurs, il me reste peu de choses à dire quant aux principes qui ont dirigé le gouvernement dans l'établissement du système défensif d'Anvers. J'emporterai de ma carrière ministérielle un amer souvenir si je n'ai pas été doué d'une parole assez puissante pour faire passer dans vos âmes les convictions de la mienne ! Mais je me rassure ; si mes collègues et moi nous ne voulons pas léguer à nos enfants le triste héritage d'une patrie envahie et conquise, vous, messieurs, les représentants de la Belgique, vous l'élite d'un nation qui marche à la tête de la civilisation politique et de la liberté, vous ne voudrez pas laisser à vos neveux le droit de vous maudire en disant que vous les avez perdus.

- La clôture est demandée.

M. Coomans (contre la clôture). - Messieurs, il serait sans exemple que dans un débat de cette importance et alors que le rapport a été accusé d’inexactitude, le rapporteur n'eût pas l'occasion de défendre le travail de la section centrale.

L'honorable M. Frère a accusé d'une grave inexactitude le rapport de la section centrale. C'est sur ce point, sur ce point seulement, si la Chambre le veut, que je demande à répondre. Voilà trois séances que l'on attaque le rapport et le rapporteur n'a pas encore ouvert la bouche. Au nom du respect que vous devez à votre section centrale, je demande qu'il me soit accordé deux minutes pour répondre.

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'ai déposé un amendement, je crois avoir le droit de le développer.

M. le président. - Votre amendement concerne l'article 2 du projet des 9 millions. Vous aurez la parole lorsqu'il s'agira de cet article.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Si c'est ainsi entendu, je n'insiste pas.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Article premier (amendement de M. Thiéfry)

M. le président. - Nous nous occupons d'abord du projet de crédit de 2,435,000 fr.

M. Thiéfry. - Je prie M. le ministre de la guerre de nous dire s'il se rallie à l'amendement que j'ai déposé.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je m'y rallie.

M. le président. - Cet amendement est ainsi conçu :

« Supprimer les deux premiers articles elles remplacer comme suit :

« Art. 1er. Le budget de la guerre pour l'exercice 1855 est augmenté de 2,435,000 francs, à répartir sur les articles suivants :

« Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 35,000.

« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 1,086,000.

« Art. 21. Matériel du génie : fr. 1,244,000.

« Art. 27. Transports généraux, 70,000.

« Les articles 3 et 4 du projet de loi formeront les articles 2 et 3. »

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

Articles 2 et 3

« Art. 3 (devenu 2). Ce crédit sera couvert au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.


« Art 4 (devenu 3). La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble de la loi

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 73 membres qui prennent part au vote.

Trois membres (MM. Vander Donckt, Van Renynghe et David) se sont abstenus.

Ont voté l'adoption : MM. Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Mercier, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Veydt, Wasseige, Anspach, Boulez, Brixhe, Coomans, Dautrebande, de Baillet-Lalour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos et Delehaye.

M. Vander Donckt. - L'intérêt de la défense du pays m'a empêché de voter contre le projet de loi ; la situation financière m'a mis dans l'impossibilité de l'adopter.

M. Van Renynghe. - Je me suis abstenu, ne voulant pas voter contre le crédit, parce qu'une partie doit en être employée pour faire droit à de justes réclamations, faites par les administrations communales des places condamnées.

M. David. - Dans tous les discours que j'ai prononcés, et dans toutes les observations que j'ai faites dans diverses sections, contre les budgets de la guerre et contre la loi sur l'organisation de l'armée, j'ai toujours soutenu que le système de la concentration de nos forces militaires, était le système qui convenait à la petite Belgique, à la Belgique ouverte sur toutes ses frontières. On entre dans ce système et par conséquent je n'ai pas voulu voter contre la loi. Mais avec ce système, on peut très bien introduire des économies au budget de la guerre. Comme je ne vois pas qu'il soit question de ces économies, il m'a été impossible de voter pour le projet.

Projet de loi accordant des crédits extraordinaires au budget du ministère de la guerre

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - Nous passons au projet de loi sur lequel M. Coomans a fait rapport.

L'article premier est ainsi conçu ;

« Il est ouvert au département de la guerre un crédit extraordinaire de 2,1500,000 fr. pour le matériel de l'artillerie. »

M. Coomans. - L'honorable M. Frère a qualifié d'inexact le passage du rapport de la section centrale dans lequel on exprime le regret que les Chambres n'aient pas connu, en 1852, la portée des votes qu'elles ont été appelées à émettre.

Si l'honorable membre veut dire seulement que les faits dont se plaint justement la section centrale n'ont pas été posés par lui, je puis, dans cette mesure, admettre sa justification. Mais lui-même a avoué que les plans primitifs ont été considérablement modifiés sans l'intervention régulière des Chambres. Dès lors, il reconnaissait le fondement de l'observation générale émise dans le rapport.

Je me bornerai à cette remarque, puisque la Chambre est pressée de terminer la discussion. Si le débat continuait, je démontrerais aisément que le rapport entier de la section centrale est conforme à la vérité.

M. Tesch. - Je maintiens en leur entier toutes les explications données par l'honorable M. Frère.

- L'article premier est adopté.

Article 2

« Art. 2. Il est ouvert au même département un crédit extraordinaire de 1,460,000'fr. pour compléter le système défensif des rives de l'Escaut et pour la construction de bâtiments destinés au service de l'artillerie. »

M. le président. - M. de Brouwer de Hogendorp a déposé l'amendement suivant ;

« Je reprends le chiffre primitif demandé par le gouvernement. »

M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, je ne prends la parole que pour exprimer mon regret de voir le ministère dans une question vitale (je puis bien la qualifier de vitale puisqu'elle touche à tout ce qu'il y a de plus cher à un peuple), de voir, dis-je, le cabinet renoncer à ses propositions primitives.

Je ne puis pardonner à MM. les ministres d'avoir eu si peu de confiance dans le dévouement des Chambres. Ils auraient dû se rappeler que chaque fois que des fonds ont été demandés pour assurer la défense du pays, ces fonds ont été votés avec un patriotique empressement.

Le cabinet accepte donc l'ajournement de la partie du crédit destinée à l'achèvement des travaux du camp retranché d'Anvers.

Tout retard apporté à l'achèvement de ces travaux est déplorable, il peut en résulter des malheurs incalculables pour le pays. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, mais ce qui est possible, la guerre générale venait à éclater, si la Belgique était envahie, que l'agresseur vienne de l'est ou du midi, c'est le camp retranché d'Anvers qui seul pourra sauver notre honneur, notre nationalité.

Quelque illusion que nous nous fassions, dans notre amour-propre national, nous ne pouvons nous flatter d'être en état de lutter d'égaux à égaux, en rase campagne, contre nos puissants voisins. Nous pourrons assurément leur résister quelque temps ; mais quelque soit le courage de notre armée, le nombre finira par étouffer ses efforts. Que faudra-t-il faire alors ? Faudra-t-il se soumettre ? Faudra-t-il laisser incorporer nos soldats dans les bataillons de nos envahisseurs, nous séparer de notre Roi, laisser rayer le nom de la Belgique de la carte de l'Europe ? Messieurs, si nous sommes prudents, nous n'en serons pas réduits à cette honte.

Il y a une chose qui peut rendre la lutte moins inégale, qui peut nous aider à suppléer au nombre qui nous manque, à établir l'équilibre entre notre armée et celle de nos ennemis. Cette chose, c'est le camp retranché d'Anvers. Appuyée à une place aussi heureusement située, à un fleuve qui ne nous laissera jamais perdre toutes nos communications, couverte par des forts régulièrement construits, affermie dans son moral par la conscience qu'elle aura de la force de la position qu'elle occupe, notre armée, malgré la disproportion du nombre, sera invincible.

(page 1309) Assurément l'ennemi pourra parcourir nos plaines, occuper même notre capitale. Mais la famille royale, mais le gouvernement, mais le trésor seront à couvert, notre drapeau continuera à flotter glorieusement au milieu de nos soldats, la Belgique existera encore et vaudra la peine d'être secourue.

C'est une vérité hors de toute contestation qu'en cas de guerre la Belgique est à Anvers et non pas ailleurs. (Interruption.)

Cette vérité admise, et qui la contestera ? je dis qu'il est profondément regrettable que des travaux, auxquels se rattachent d'aussi grands intérêts, ne soient pas achevés depuis longtemps. Mais ce qui est plus déplorable encore, c'est le nouveau retard que cet achèvement va subir, ce sont les circonstances dans lesquelles ce retard est accepté par le cabinet, ce sont les motifs par lesquels la section centrale essaye de le justifier. On a fait à Anvers une opposition très bruyante au projet de loi. Je n'en fais de grief à personne ; c'étaient des intérêts privés qui se défendaient. Sauf la calomnie, sauf les accusations outrageuses portées contre des officiers aussi savants que dévoués, sauf l'outrage fait au corps du génie tout entier, sauf ces infamies, dont je ne rends pas solidaires les habitants d'Anvers.... (Interruption.) Je parle des infamies débitées par des journaux d'Anvers. J'ai le droit de parler et je parlerai. On a parlé pour le public ; je veux à mon tour lui dire la vérité. La méthode de faire céder l'intérêt public devant l'intérêt privé est toute trouvée, (Interruption.)

Vous ne m'empêcherez pas de parler. Le bruit que vous faites ne m'émeut pas. (Interruption.)

Je continuerai quand le bruit aura cessé.

Je suis persuadé que le cabinet n'a pas cédé devant l'opposition des meetings. Mais ce que je lui reproche, c'est d'avoir péché par un excès de modération ; le cabinet a poussé trop loin l'esprit de conciliation. Il a cédé devant les observations banales de la section centrale. (Interruption.)

M. le président. - Bornez-vous, M. de Brouwer, à défendre votre amendement.

M. de Brouwer de Hogendorp. - C'est ce que je fais, M. le président. Je dis que ce sont les considérations de la section centrale qui ont fait renoncer le cabinet à sa proposition primitive que j'ai reprise. La section centrale reproche au système adopté de ne pas avoir réuni l'unanimité des suffrages compétents ! Je réponds que si cette raison pouvait être admise il n'y aurait jamais rien de possible, parce que le meilleur de tous les systèmes de défense, dont pas plus que moi, messieurs de la section centrale, vous n'êtes des juges sérieux (interruption) ne réunira l'unanimité des suffrages. (Interruption.) Je parle des membres de la section centrale, et je n'excepte personne. (Interruption.)

M. le président. - M. de Brouwer, votre expression est inconvenante. Si vous ne la révoquez pas, je serai forcé de vous rappeler à l'ordre.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Elle n'est pas inconvenante, M. le président ; je déclare simplement que je ne puis accepter aucun des membres de la section centrale comme juge dans cette question. Au surplus, si on pouvait la considérer comme injurieuse pour la Chambre, je retire le mot « sérieux » et je continue.

Est-ce que vous croyez que les campagnes les plus glorieuses des plus habiles capitaines, si elles avaient été soumises à l'examen d'une nombreuse commission, eussent réuni cette unanimité ? N'y a-t-il pas eu divergence d'opinion sur les fortifications de Paris ? Est-on unanime sur la valeur des tours maximiliennes du camp retranché de Linz ?

Je sens, messieurs, le besoin de protester hautement contre cette assertion erronée de la section centrale que les nations les plus riches et les plus préoccupées d'accroître leurs richesses soient aussi les plus puissantes par les armes. Le mot que, pour faire la guerre, il faut de l'argent, de l'argent et encore de l'argent, est bien vrai et sera éternellement vrai ; mais il est plus vrai encore qu'une nation exclusivement occupée à gagner de l'argent et ne sachant sacrifier aucun intérêt mercantile à sa dignité et à sa sûreté, ne sera jamais qu'une proie bien tentante pour les peuples plus puissants et ambitieux.

Voilà ce que nous enseigne l'histoire, ce que nous dit le bon sens. (Interruption.)

J'irai jusqu'au bout, messieurs, je dirai ce que je m'étais proposé de dire.

Pour effrayer la Chambre, la section centrale a additionné les dépenses de l'artillerie et du génie depuis un certain nombre d'années, et vous présente un total de 15 millions.

Chiffre effrayant, en vérité, quand on le compare aux nombreux millions votés pour les services civils pendant la même période ! Nous voilà donc revenus à ces vieilles déclamations contre les dépenses improductives, dent je croyais que les mécomptes récents de l'Angleterre, dans la guerre de Crimée, nous auraient délivrés pour longtemps.

J'ai dit qu'en cas de guerre, la Belgique est à Anvers et non pas ailleurs. C'est vous dire, messieurs, que je ne voterai qu'à regret le crédit mutilé, et que je voterais avec empressement le crédit primitivement demandé.

- L'amendement de M. de Brouwer n'est pas appuyé ; il ne fera pas partie de la discussion.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, l'honorable préopinant a lancé contre le cabinet une accusation que je considère comme très grave ; il nous accuse d'avoir sacrifié les intérêts du pays en nous ralliant à la proposition de la section centrale.

Je dois, au nom du cabinet, protester contre une pareille accusation. Nous n'avons nullement sacrifié les intérêts du pays ; nous avons, au contraire, la conscience, de les avoir servis.

Les débats auxquels nous venons de nous livrer ont confirmé tout le monde dans la pensée, qu'il est nécessaire d'entreprendre de grands travaux dans l'intérêt de la défense du pays. Plus on étudiera les questions qui s'y rattachent, mieux on acceptera les sacrifices que cette défense peut exiger.

Un autre résultat important a été obtenu, c'est d'avoir fait cesser, par la certitude d'un nouvel examen de notre système défensif, les inquiétudes qui régnaient dans une partie du pays, et surtout dans notre métropole commerciale. Ces résultats considérables, il faut s'applaudir de les avoir obtenus. Le gouvernement en se ralliant à l'ajournement proposé par la section centrale, ajournement qui, du reste, n'est qu'un appel à des lumières nouvelles, a rendu par là un hommage à l'intelligence et au dévouement de la Chambre ; il a posé en même temps un acte utile au pays.

- De toutes parts. - Aux voix ! aux voix !

- La discussion sur l'article 2 est close.

Cet article est mis aux voix et adopté.

Articles 3 et 4

« Art. 3. Ces crédits, à répartir, par des arrêtés royaux, entre les exercices 1855, 1856, 1857 et 1858, seront couverts au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.


« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

70 membres répondent à l'appel nominal.

67 répondent oui.

3 (M. Vander Donckt, Van Renynghe et David) s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Mascart, Mercier, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Veydt, Wasseige, Anspach, Boulez, Brixhe, Coomans, Dautrebande, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, Deliégc, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Rudderc de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Jausscns, Julliot et Delehaye.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Vander Donckt. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai fait valoir lors du vote précédent.

M. Van Renynghe. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Vander Donckt.

M. David. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que sur le précédent projet de loi.

Motion d'ordre

M. Verhaegen. - Messieurs, j'ai reçu ce matin une longue lettre de M. le juge d'instruction Ambroes, par laquelle ce magistrat cherche à se justifier de certains reproches dont il aurait été l'objet de ma part, dans la séance d'hier, au sujet de l'instruction judiciaire qu'il a dirigé contre les sieurs Jacquin, et il fait un appel à ma loyauté pour me prier de donner lecture de cette lettre à la Chambre.

Comme M. Ambroes s'est exprimé en termes très convenables et qu'en agissant comme il le fait, il témoigne de son respect pour la liberté de la tribune, je n'hésite pas à répondre à son appel et je viens prier la Chambre de me permettre de donner lecture de sa lettre ou tout au moins de la faire insérer dans les Annales parlementaires.

- Des voix. - Oui ! oui ! l'insertion aux Annales parlementaires !

M. le président. - La lettre sera insérée aux Annales parlementaires.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je demande à la Chambre de voter d'abord sur le projet de loi relatif à l'enregistrement des contrats d'adjudication.

M. le président. - La Chambre a décidé qu'elle s'occuperait du projet de loi amendé par le Sénat.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Ce projet, si la Chambre (page 1310) l'adopte, ne doit pas aller au Sénat, tandis que celui pour lequel je demande la priorité doit lui être soumis.

- Plusieurs voix. - Ce n'est qu'un appel nominal.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je n'insiste pas.

Projet de loi, amendé par le sénat, accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la guerre, pour le couchage des troupes

Vote de l’article unique

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à contracter, soit de gré à gré, soit par adjudication publique, un nouveau bail pour la fourniture et l'entretien des lits nécessaires au coucher des troupes, aux prix maxima de quinze francs (fr. 15) par lit à une place, et vingt francs (fr. 20) par lit à deux places.

« Néanmoins, le gouvernement, s'il ne peut contracter à ces prix, pourra, pour compte de l'Etat, compléter et reprendre le matériel servant de couchage à la troupe. »

M. Coomans. - Retenu dans cette Chambre comme rapporteur, je n'ai pu assister à la dernière séance tenue tantôt par la section centrale. Je fais cette déclaration, parce que je ne puis émettre un vote aflîrmatif sur les conclusions qui vous sont présentées.

- La discussion est close.

Il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat =

70 membres répondent à l'appel.

64 répondent oui.

4 répondent non.

2 s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre adopte. Le projet de loi sera soumis à la sanction royale.

Ont répondu oui : MM. Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Mascart, Mercier, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Veydt, Wasseige, Anspach, Brixhe, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Perceval, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Lambin et Delehaye.

Ont répondu non : MM. Vander Donckt, Boulez, David et Julliol,

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Coomans. - J'aurai voulu que le gouvernement eût la faculté de traiter librement avec les compagnies ; c'est pour ce motif que je me suis abstenu.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je me suis abstenu ; 1° parce que le projet de loi modifié par le Sénat, et diamétralement contraire au premier vote unanime de la Chambre, soulève des questions importantes qu'il était impossible de discuter sérieusement au dernier moment de notre session ; 2° parce que les modifications introduites par le Sénat ont évidemment pour but (si elles n'ont pas pour résultat, comme je l'espère encore) de forcer le gouvernement à substituer la régie à l'intervention de l'industrie privée ; or, j'ai l'intime conviction que ce système ne réaliserait pas les économies que ses partisans annoncent pompeusement en s'appuyant sur des données tout à fait hypothétiques.

Motion d’ordre

Tarif des concessions ferroviaires

M. David (pour une motion d’ordre-. - Je prends un instant la parole pour signaler à M. le ministre des travaux publics une infraction commise par la société du chemin de fer de Namur à Liège à certaines conditions de son cahier des charges.

Voici ces conditions :

« Tous changements apportés dans les tarifs devront être approuvés par un arrêté du ministre des travaux publics, pris sur la proposition des concessionnaires et annoncés au moins un mois à l'avancé par voie d'affiches et de publications. »

Or, messieurs, la société a augmenté son tarif des marchandises, et elle n'a prévenu personne de cette augmentation' ; il n'y a pas eu d'arrêté ministériel pour l'approuver.

Je demande à M. le ministre des travaux publics s'il à pris des mesures pour rappeler la société à ses obligations.,

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Il n'était pas nécessaire que mon attention fût appelée par l'honorable membre sur ce fait. Il m'avait déjà été signalé. Mais il n'est pas prouvé que le tarif ait été élevé dans le sens que le dit l'bonorable membre. J'ai écrit à la compagnie pour lui demander des explications. Si le fait qui m'a été signalé était exact, des mesures seraient immédiatement prises pour réprimer l'abus.

Projet de loi établissant un droit sur les contrats d’entreprise payé par le gouvernement

Vote de l’article unique

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je me rallie à l'amendement, proposé par la section centrale.

La section centrale propose d'appliquer également le droit de fr. 1-70 aux adjudications au rabais et marchés pour constructions, opérations, entretien, approvisionnements et fournitures dont le prix doit être payé par les administrations provinciales et communales on par des établissements publics. Je me rallie à cette proposition y d'abord parce qu'il s'agit d'actes qui concernent des objets pour lesquels l'Etat accorde ordinairement des subsides ; en second lieu parce que l'administration n'évalue qu'à 20,000 fr. la perte qui en résultera pour le trésor ; et en troisième lieu, parce qu'il dépend de l'Etat de réduire ses subsides dans la même proportion s'il le juge utile.

M. le président. - L'article unique du projet proposé parla section centrale est ainsi conçu ;

« Article unique. Sont sujets au droit fixe d'enregistrement d'un franc 70 centimes :

« 1° Les adjudications au rabais et marchés pour constructions, réparations, entretien, approvisionnements et fournitures dont le prix doit être payé par le trésor public, ou par les administrations provinciales et communales, ou par des établissements publics.

« 2° Les cautionnements relatifs à ces adjudications et marchés. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet de loi est adopté par 65 voix (1 membre, M. Vander Donckt, s'étant abstenu).

Les membres qui ont voté l'adoption sont : MM. Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Mercier, Orts, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Wasseige, Anspach, Boulez, Brixhe, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Deliége, Della Faille, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin et Delehaye.

M. le président. - La parole est à M. Vander Donckt pour motiver son abstention.

M. Vander Donckt. - Il m'a été impossible d'émettre un vote sur un objet qu'il ne m'a pas été possible d'examiner convenablement.

Rapports sur des pétitions

M. Rousselle. - Je demande que les pétitions comprises dans les derniers feuilletons de pétitions sous les n°255 et 256 soient renvoyées à M. le ministre des finances. Puisqu'il va faire une enquête sur notre système douanier, il peut se trouver dans ces pétitions des points qui feront utilement l'objet de son examen.

M. de Moor. - Je crois devoir appuyer la motion faite par l'honorable M. Rousselle, et de plus, je prie la Chambre de vouloir bien ordonner le renvoi à M. le ministre des finances de la pétition qui nous a été adressée aujourd'hui même par les brasseurs de l'arrondissement de Mons.

- Ce renvoi est prononcé.

Ajournement indéfini de la chambre

M. Tesch. - Je propose à la Chambre de s'ajourner indéfiniment.

M. le président. - Il y avait encore un projet de loi à l’ordre du jour ; mais comme le rapport n'a pas été distribué, l'ordre du jour peut être considéré comme épuisé. Je propose donc à la Chambre de s'ajourner indéfiniment, sauf à être ultérieurement convoquée s'il y et lieu.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 5 heures et trois quarts.