Accueil        Séances plénières         Tables des matières         Biographies         Livres numérisés     Bibliographie et liens      Note d’intention

 

« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

Chapitre précédent                         Retour à la table des matières                          Chapitre suivant

 

C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

XXI. La proclamation de l'Indépendance nationale et ses heureux effets.

 

(page 360) Après avoir rassuré les populations de Luxembourg, de Maestricht et d'Anvers sur les conséquences de la déclaration d'indépendance, on sentit la nécessité de faire comprendre aux nombreux partisans de la réunion à la France, que la déclaration d'indépendance n'excluait pas la possibilité de cette réunion éventuelle. M. Charles Le Hon fut un de ceux qui se chargèrent de cette besogne.

« Ce que j'entends par indépendance de la Belgique, dit-il, c'est d'abord la rupture de tous liens qui l'attachaient à la Hollande. - C'est ensuite le droit absolu de disposer d'elle-même comme il lui conviendra.

« Il importe peu que vous vous placiez sous le protectorat d'une puissance étrangère, car ce que vous feriez alors, vous le feriez à titre de peuple indépendant.....

« Si on veut nous violenter, nous demanderons la protection de nos puissants voisins ; notre décision dépendra de la nécessité où l'on nous placera.

« Je crois répondre ici à quelques honorables membres qui demandaient si notre déclaration était exclusivement de tel ou tel avenir : elle embrasse tout et n'exclut rien. »

« Ce discours est accueilli par des bravos.

Les paroles énergiques de M. Vilain XIIII fils méritent d'être reproduites : « L'immense majorité qui va prononcer notre indépendance nationale, rassurera les puissances qui craignent notre réunion à la France ; cependant que leur sécurité ne soit pas trop complète ; qu'elles sachent que, si elles voulaient intervenir dans nos affaires et se mêler de notre ménage, nous nous jetterions dans les bras de la France, plutôt que de le souffrir.

(page 361) Elles auraient beau s'être concertées avec le ministre français ; à un signal de notre part, l'armée, la garde nationale, tout un peuple de volontaires volerait à notre secours. Que les puissances étrangères se pénètrent bien que ce n',est pas seulement notre sort, mais leur propre avenir qu'elles vont décider. »

Ce discours et beaucoup d'autres très énergiques, ont fait un heureux contraste avec les tergiversations pusillanimes et les arrière-pensées d'éventualité de retour du pouvoir déchu.

La prise de la forteresse de Venloo et le rapport du général Daine, chef de cette expédition hardie, rassurèrent les timides, enthousiasmèrent les vrais patriotes et ne contribuèrent pas peu au vote unanime qui proclama l'indépendance.

C'était plus qu'un éclatant succès, c'était la conquête d'un point stratégique de la plus haute importance pour nos opérations militaires.

CENT QUATRE-VINGT-HUIT MEMBRES votèrent pour la proposition d'indépendance.

Le Président dit d'une voix solennelle :

« L'indépendance du peuple belge est proclamée A L'UNANIMITÉ DES VOIX, par le Congrès national. »

Des bravos unanimes approuvèrent cette importante et patriotique proclamation.

L'unanimité des votes produisit le plus heureux effet.

A l'intérieur, il calma les défiances que les premiers actes du Congrès et la présence de quelques hommes suspects d'orangisme avaient inspirées aux patriotes.

L'insolente proposition de M. Meulenaere (Note de bas de page : Meulenaere devint De Meulenaere, grand homme d'état, décoré, redécoré, enrubanné, stigmatisé du titre de Comte ! Il avait bien mérité de la Royauté : bassesse pour elle ; dédain, insulte pour les hommes courageux qui l'avaient bravée et vaincue. (Note de Gendebien.)) de faire introduire, par un huissier, le Gouvernement provisoire qui venait l'installer, avait exaspéré les meilleurs patriotes au point que plusieurs et des moins exaltés, nous conseillaient de ne pas déposer nos pouvoirs et d'accepter la lutte, si insolemment, si témérairement provoquée par un ex-serviteur du roi Guillaume, signataire du message du 11 décembre 1829, d'odieuse mémoire.

Nous fûmes plus modérés, plus sages, plus hommes d'Etat, que le futur coryphée de celui qui prit la place de son ancien maître.

A l'extérieur, le vote unanime du Congrès produisit une immense surprise et les plus salutaires effets. Il donna un solennel démenti aux diplomaties hollandaise et anglaise qui affirmaient que notre (page 362) révolution était le résultat de la coalition de quelques mauvaises têtes ; qu'elle était désavouée, condamnée par l'immense majorité de la nation.

Ce vote unanime fut vivement applaudi par le peuple français et inspira au roi Louis-Philippe et à son gouvernement, confiance et protection ; protection qui sauva deux fois la Belgique, malgré les dédains, malgré les insultes de nos apprentis doctrinaires, ingrats envers la France notre seule amie, et les très humbles serviteurs du séduisant Ponsonby et de ses audacieuses et incessantes intrigues.

Chapitre suivant