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« Histoire de la révolution belge de 1830 », par Charles White, (traduit de l’Anglais, sous les yeux de l’auteur, par Miss Marn Corr).

Bruxelles, Louis Hauman et Cie, 1836

 

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TOME 1

 

 

CHAPITRE SEPTIEME

 

Caractère du roi des Pays-Bas. - Le prince d'Orange. - Le prince Frédéric. - Vol des diamants de la princesse d'Orange. - État de la société à Bruxelles. - Conduite des habitants de cette ville envers les étrangers.

 

(page 171) C'est une tâche difficile et délicate pour l'historien, de parler du caractère personnel des souverains contemporains, et de porter un jugement sur leurs actes comme sur le caractère et la conduite des membres de leurs familles. Mais l'écrivain peut-il se dispenser de retracer des faits généralement connus, et qui, se liant intimement à l'époque historique dont il s'occupe, ont sur elle une si grande influence ? Et par exemple, en ce qui concerne les événements dont nous nous occupons, ne devons-nous pas établir, que si malgré les fautes de sa politique et l'irritation qu'elle faisait naître dans le cœur des Belges, le roi Guillaume conserva longtemps une grande popularité, il le dut à ses vertus et à son admirable conduite privée. Tandis que d'un autre côté, les (page 172) bruits fâcheux qui se répandirent sur la conduite du prince d'Orange, pendant les dernières années de l'union des deux pays, contribuèrent beaucoup à lui faire perdre une couronne que sans cela ses partisans eussent réussi peut-être à lui conserver.

La conduite des princes fait d'ailleurs partie du domaine public ; il n'est pour eux ni vie privée, ni intérieur domestique ; toute leur existence est livrée à la représentation. A peine peuvent-ils disposer d'un moment pour se recueillir, et c'est une des misères qui accompagnent leur position élevée, que le public, non content de les suivre pas à pas dans leur vie officielle, soit encore constamment occupé d'interpréter selon ses vues leurs actions les plus insignifiantes, et de les poursuivre jusque dans les derniers retranchements de la vie privée, pour déchirer le voile de leur pensée. Bacon a dit : « Of all menkind, God is the least beholden to kings, for he doth most for them, and they do ordinarily the least for him. »

On peut ajouter d'un autre côté, au moins en ce qui regarde les rois constitutionnels, que de tous les hommes, ce sont ceux envers qui les peuples sont le plus injustes ; car dans un pays de liberté, eux seuls sont esclaves ; ils n'ont le pouvoir ni d'agir, ni de penser, ni de rien décider par eux- mêmes, n'ayant dans le fait d'autre volonté que la volonté publique. Ils jouissent, il est vrai, (page 173) d'un pouvoir apparent et sont entourés de l'éclat d'une splendeur artificielle ; ils vivent de ce qu'on est convenu d'appeler les sueurs du peuple, c'est-à-dire que chaque individu contribue pour sa part à leur splendeur ; mais cette contribution est destinée à maintenir la gloire de la couronne, et non à assurer le bien-être du roi. Aussi le contribuable n'est-il pas mille fois plus à son aise que lui ; car même « plus le roi est dans un état élevé, plus il assume de soins importants et devient le serviteur du peuple. » Notre tâche, au reste, n'est pas d'écrire un traité des tourments de la royauté, mais de peindre la conduite et le caractère du souverain des Pays-Bas, et de montrer sur quels fondements était basée la popularité dont il jouissait, ainsi que sa famille.

Convaincu que la puissance et la grandeur d'une nation dépendent en grande partie de l'extension et de l'activité de son commerce et de son industrie, et prenant pour type le peuple de marchands dont l'influence colossale dérivait principalement de cette source, le roi Guillaume dévoua toute l'énergie de son esprit à donner l'impulsion aux fabriques et au commerce dans toutes les branches. L'objet de son ambition, ambition fondée sur les plus sages principes d'économie politique, était de donner aux produits industriels des Pays-Bas, le rang que leur assurent l'abondance et la variété des productions (page 174) de leur sol. Il ne négligea ni travail, ni soins, ni dépenses, pour éveiller l'émulation et la diriger vers ce grand but. Les projets, les spéculations se succédaient avec une rapidité incroyable ; et si toutes ses tentatives n'eurent pas un résultat heureux, on put en compter plus des deux tiers qui furent couronnées de succès, ou qui promettaient des résultats avantageux. Les théories favorites du roi, ses méditations continuelles étaient exclusivement tournées vers les affaires commerciales et l'emploi des capitaux. Il brillait moins par des sentiments élevés et de grandes pensées politiques, que par ces idées positives et mathématiques qui résultent d'une application constante à l'étude des branches pratiques d'économie politique. Sa pensée dominante pouvait être comparée à un prix-courant susceptible seulement d'être influencé par la hausse ou la baisse des produits coloniaux et industriels, ou des fonds publics. Les inventions de Watt et Bolton étaient à ses yeux plus dignes d'admiration que les hauts faits de Frédéric et de Napoléon ; et l'écrit le plus insignifiant sur des sujets d'économie politique et de philosophie pratique, lui paraissait beaucoup plus dignes de son attention que ceux de Byron ou de Chateaubriand. Il protégeait les arts, moins par admiration que par politique, et encourageait la littérature, non par amour pour les lettres, mais sous le point de vue des (page 175) transactions commerciales. Le bruit des ateliers de Gand, le retentissement monotone des forges du Luxembourg, étaient pour ses oreilles une musique plus douce que les chants les plus mélodieux de Rossini et de Beethoven ; les fourneaux vomissant des nuages de fumée au-dessus des fabriques étaient à ses yeux des travaux d'architecture plus brillants que les colonnes du Parthénon ou le dôme de St.-Pierre ; en sorte que son esprit n'était accessible à aucune inspiration classique ou chevaleresque, et que tout était chez lui matériel, positif et mathématique.

Les affaires étaient son élément, ses plaisirs ; il considérait les amusements comme une perte de temps, un vol de ce qu'il devait à son peuple ; aussi, dans les banquets et dans les fêtes, il était continuellement absorbé par sa pensée dominante, recherchant ceux avec lesquels il pouvait le plus utilement s'entretenir de son objet favori, et leur communiquer ou recevoir d'eux des informations sur les diverses questions d'intérêt national. C'est ainsi qu'il aimait à s'entourer d'hommes pratiques, et gagnait l'affection et la confiance de l'aristocratie commerciale et financière, par l'attention qu'il prêtait à ceux qu'il recevait individuellement ou en corps.

Sobre, matinal, simple dans ses habitudes, ennemi de toute ostentation, esclave de ses engagements, d'une extrême minutie dans la (page 176) distribution de son temps, il parvenait à terminer une masse d'affaires telle que cela paraîtra incroyable à ceux qui n'ont pas pu observer le nombre et la diversité de ses occupations journalières. Il existait à peine une affaire de la nature la plus insignifiante, concernant des relations étrangères ou d'administration intérieure, dont il ne prît pas connaissance, et qui ne reçût une solution conforme à sa manière de l'envisager. Ce qui faisait surtout ressortir cette aptitude au travail, c'était la connaissance intime qu'il avait des plus petits rouages du mécanisme de l'état, ainsi que des lois internationales, et des sources diverses d'où les autres nations tiraient leur force et leur prospérité ; son accès facile, sa brusque franchise, et ses qualités domestiques irréprochables, sont choses connues de tous, excepté peut-être de quelques libéraux comme M. de Potter, qui, exprimant son opinion non seulement sur le roi Guillaume, mais sur tous les souverains, disait dans la 53e lettre produite lors de son procès : « J'éprouve avec tous les peuples passés, présents et futurs, la plus profonde aversion pour ces tyrans à prétention, sous lesquels les lois nous ont condamné, nous condamnent et nous condamneront toujours à vivre » (Procès de de Potier et Tielemans, etc., v. 1, p. 125. Bruxelles, 1830). Mais quoique peu de personnes aillent aussi (page 177) loin que M. de Potter, qui déclarait modestement que dans sa pensée « il croit valoir un roi et un poco mas, qu'il se sent plus d'honneur et de conscience à lui seul qu'il n'y en a dans l'âne de tous les rois et de leurs valets réunis ; qu'il ne voit dans les rois que les ennemis nés de toute dignité humaine, et qu'ils ne sont bons à rien, si ce n'est à prodiguer des faveurs et ce que l'on appelle des honneurs à la troupe d'esclaves qui se prostitue à leurs caprices.»

On accusait généralement le roi d'une froideur flegmatique dans ses manières, d'un trop grand amour de l'argent, et de ne pouvoir jamais oublier sa double qualité de Hollandais et de protestant. Dans le fait, il réunissait en lui tous les préjugés de son pays et de sa religion. Ajoutez à cela qu'il avait une persistance d'opinion allant jusqu'à l'obstination ; de sorte que quand il avait adopté un système, ce qu'il ne faisait pas, il est vrai, sans beaucoup de réflexions, il n'était pas d'argument qui pût l'en faire dévier.

Un autre défaut saillant du caractère du roi, c'était le penchant qu'il avait à employer mal à propos des mesures énergiques ; c'est toujours mal à propos et hors de saison qu'il eut recours à la force : ce fait a été prouvé d'une manière frappante dans les différentes phases de la révolution. Depuis la nuit du 26 août 1830, jusqu'à l'incendie de l'entrepôt et de l'arsenal d'Anvers, par l'invasion de la Belgique, en 1831, et par son obstination à (page 178) conserver les forts de Lillo et de Liefkenshoek en 1833. Ce qui le prouve bien plus, c'est ce dernier trait d'obstination qui fut la plus incroyable faute en politique qu'il pût commettre, puisque ses adversaires, à qui elle devait profiter, ne demandaient pas mieux qu'il la commît. Le fait est que quand des mesures énergiques, promptement et vigoureusement appliquées, auraient pu produire de grands résultats, il eut recours à la temporisation, et que lorsque le déploiement de la force ne fut qu'une perte inutile de sang et de trésors, ce fut alors qu'il abandonna les négociations.

Il est incontestable, cependant, que si le bien-être et le bonheur de la nation eussent dépendu des soins laborieux et du dévouement continuel du souverain aux affaires, la Belgique eût jouit d'un bonheur aussi réel que sa prospérité, et son roi eût compté parmi les monarques les plus populaires de l'Europe, d'autant plus qu'il n'en est pas qui ait été plus efficacement secondé par la reine et sa famille.

Le prince d'Orange, dont la valeur chevaleresque dans les combats ne pouvait être comparée qu'à sa courtoise affabilité et à l'enjouement qu'il apportait dans le rapports de la vie sociale, fut pendant longtemps le favori des provinces méridionales, jusqu'à ce qu'enfin une série de circonstances fatales vint lui enlever l'estime publique.

Aimant la Belgique et le peuple belge, (page 179) dont les habitudes moins graves s'accordaient mieux avec la vivacité de son caractère, que le flegme gourmé des Hollandais, préférant son splendide palais de Bruxelles, sa belle résidence de Tervueren et les plaisirs de la capitale de la Belgique à la cour monotone et formaliste de La Haye, il était plus désireux par inclination et par politique de captiver la bienveillance de ce peuple sur lequel aussi il était destiné à régner, et sans l'amour duquel la réunion ne pouvait être durable, ni le trône solidement affermi. S. A. R. montrait une prédilection marquée pour les provinces méridionales ; elle était si peu déguisée, que la jalousie des Hollandais ne se faisait pas faute de critiquer sa conduite. Passionné pour les plaisirs de la jeunesse, on le voyait toujours à la tête des amusements qui rendaient Bruxelles si attrayant pour les étrangers, et en faisaient une résidence si agréable pour l'aristocratie du pays. Ces manières lui avaient attaché la jeunesse belge, et l'usage qu'il faisait de sa fortune le rendait l'idole des marchands et le sujet de l'admiration des classes inférieures, qui aimaient à parler de l'éclat de ses fêtes, de la beauté de ses chevaux, de la magnificence de ses équipages.

Trop franc pour pouvoir déguiser sa préférence pour les Belges, ou pour ne pas désapprouver le système suivi par les ministres de son père, il avait, dit-on, souvent sur ce sujet fait les plus fortes représentations (page 180) au roi, et c'était là la cause de cette froideur habituelle qu'on remarquait entre eux et qui plus d'une fois déjà éclata en rupture ouverte. On dit même qu'une fois les choses ont été portées au point que le prince s'étant en vain opposé à l'adoption de quelques mesures concernant le département de la guerre, dont il était le ministre alors, et ayant déclaré qu'il ne voulait pas être responsable de ce qu'il regardait comme un acte d'injustice, il éclata en reproches, et dans un moment d'oubli, sortit du cabinet du roi, arracha ses épaulettes, et se retira des affaires. Cette anecdote, vraie ou fausse, fut crue par le public et servit à le rendre plus cher encore à l'armée et au pays. Le prince était en outre un protecteur généreux et éclairé des arts. Les excellents tableaux des grands maîtres qui ornent le beau palais de Bruxelles, prouvent suffisamment qu'il joignait à une noble générosité un jugement consommé et un goût exquis.

La princesse d'Orange, quoique possédant au plus haut degré cette dignité réservée que donne l'éducation impériale de Saint-Pétersbourg, était remarquable par sa grâce, sa douceur et son extrême bienveillance. D'une conduite irréprochable, d'un esprit cultivé, elle ne prenait aucune part aux intrigues de cour, et se dévouait entièrement à ses devoirs d'épouse et de mère ; elle déploya dans plusieurs occasions difficiles, beaucoup (page 181) de prudence et de tact. Aussi les princesses de la famille royale offraient le modèle de tout ce qui fait honorer une princesse et respecter une femme. La reine, femme d'un jugement sain, possédant des talents et des connaissances littéraires étendues, présentait, sous le rapport du caractère et des manières, beaucoup d'analogie avec celles de son auguste frère, le sage et prudent roi de Prusse. Les vertus proverbiales de feu la reine de Prusse Louise-Augusta du Strelitz, semblaient revivre dans sa fille, la princesse Frédéric, tandis que la princesse Marianne, jeune et gaie, élevée avec le plus grand soin par la comtesse Bentinck, sous les yeux de la reine, réunissait tous les dons qu'un roi peut désirer dans sa fille, un prince dans sa femme (La princesse Louise-Augusta de Prusse épousa le prince Frédéric des Pays-Bas ; la princesse Marianne, le prince Albert de Prusse).

Telle est au moins l'opinion publique sur le compte de cette famille, opinion partagée par ceux même qui se montrent les plus opposés à l'ancien gouvernement ; car l'austérité, la bienveillance et la piété de ces personnes illustres, leur attachement à leurs devoirs domestiques leur avaient à la lettre conquis l'admiration publique. Je ne puis craindre d'avoir été trop loin dans ce que je viens de dire ; car même les plus violents catholiques ou ultra-libéraux rie se sont jamais hasardés à les calomnier, même (page 182) au milieu des haines de la révolution, et au moment où le prince Frédéric occupait le centre de la ville, et faisait inutilement verser le sang des citoyens et de ses propres soldats.

Malheureusement, le prince d'Orange n'observa pas toujours la prudence que commandaient sa position élevée et sa qualité de roi futur d'une nation jalouse et mécontente, dont la religion différait de celle de sa famille. L'extrême affabilité de ses manières convenait peut-être chez un peuple qui, comme les Anglais, sont accoutumés à voir les princes du sang royal, vivre au milieu de la société, sans pompe et sans ostentation, tantôt confondus parmi les citoyens dans les assemblées publiques, tantôt siégeant comme simples membres à la chambre des pairs, tantôt dans la société des personnes d'un rang ordinaire, où ils apportent cette courtoisie, cette urbanité qui les distingue si éminemment. Mais cette affabilité était peut- être mal adaptée aux usages et aux antécédents des Belges, qui, quoique réclamant la liberté, et jaloux d'une aristocratie jalouse, n'avaient connu de la famille impériale, tandis qu'ils étaient sous la domination de la maison d'Autriche, que les archiduchesses et les gouverneurs-généraux qui maintenaient l'étiquette avec toute la sévérité ordinaire aux cours des vice-rois, ou qui, sous le sceptre de Napoléon, mêlaient leurs idées de souveraineté au bruit du canon, au fracas du (page 183) sabre des mameloucks et aux regards sévères de ces phalanges immortelles qui portèrent les aigles victorieuses de l'empire dans toutes les capitales du continent européen. L'affabilité confiante d'un prince du sang devait être mal comprise par un peuple qui avait été soumis à de telles influences ; et par conséquent les manières franches et cordiales du prince d'Orange parurent trop familières et peu d'accord avec la dignité de son rang.

On a reproché au prince de n'avoir pas toujours choisi ses favoris avec toute la circonspection nécessaire, et d'avoir admis dans son intimité, des hommes qui n'étaient dignes ni par leur rang ni par leur caractère, ni par leur position sociale, d'être les compagnons habituels de l'héritier de la couronne. Des bruits sur des dissensions domestiques intérieures entre le prince et la princesse circulèrent dans le public, la régularité de sa conduite fut mise en question, et on propagea au dehors des suppositions injurieuses et outrageantes pour ses mœurs. Ces suppositions furent promptement relevées par les chefs de l'Union et la presse opposante, et furent répandues par quelques personnes de l'aristocratie qui, n'étant pas en faveur à la cour, appuyaient le prince avec ardeur, et sympathisaient avec lui dans toutes les circonstances où il se mettait en opposition avec le gouvernement.

Quelques-uns, néanmoins, saisissaient les occasions de le perdre dans l'opinion (page 184) publique ; car il y en avait parmi eux, qui, par des motifs de religion ou des motifs personnels, nourrissaient une antipathie invincible et directe contre toute la dynastie. Ainsi, tandis que quelques-uns se montraient choqués des indiscrétions qu'on lui prêtait, d'autres blâmaient ses dépenses excessives ; d'autres encore, prenant la gaieté de son caractère, pour une frivolité incorrigible, et son aversion contre le système ministériel pour une insouciance des affaires, l'accusaient de manque d'application, de faiblesse, de légèreté et d'instabilité dans les idées, enfin de tenir une conduite qui ne devait pas faire augurer favorablement de son règne futur. Mais comme on savait la froideur de ses relations avec son père, comme on n'ignorait pas que ce dissentiment avait pris sa source dans sa défense de la cause populaire. Comme il semblait être à dessein exclu de toute participation aux affaires publiques, et que sa prédilection pour les provinces du midi ne faisait qu'augmenter, le peuple, spécialement dans la capitale, attribuait la plupart de ces bruits défavorables à la malveillance, et continua de lui donner la préférence sur le prince Frédéric.

Ce prince différait considérablement de son frère aîné, tant pas son caractère que par ses manières. On supposait qu'il ne se mêlait pas des questions de politique intérieure ou extérieure, excepté celles ayant un rapport immédiat avec le (page 185) département de la guerre, dont il était directeur. Il n'était pas moins remarquable par son attention aux affaires, la ponctualité et la régularité de ses habitudes, que son père dont il était décidément le favori, et duquel il semblait tenir son amour prononcé pour l'économie, sa prudence et sa réserve flegmatique. Exclusivement dévoué aux soins de sa charge, et étant de ces personnes qui paraissent mieux aimer multiplier que simplifier le travail, qui jugent le mérite non pas tant par la nature que par la quantité d'affaires qu'ils peuvent terminer, ce prince s'astreignit lui-même et ses subordonnés à un travail multiplié dont il aurait souvent pu se dispenser ; et ainsi se donnait à peine le temps nécessaire pour les exercices indispensables à la santé, ou le loisir que, sans cela, il eût été heureux de dépenser au sein de sa famille ou dans le cercle intérieur de la reine. Ce prince aimait la retraite, était réservé, timide, préoccupé, froid et compassé dans ses manières, autant que son frère était brillant, gracieux et sans affectation. Mais il était bienveillant et estimé des officiers de l'armée, à cause de son assiduité aux affaires, de son exactitude à répondre et de la patience avec laquelle il écoutait leurs demandes.

Aidé par le chef d'état-major, le général Constant de Rebeque, qui avait servi dans l'armée anglaise en Espagne, comme aide-de-camp du (page 186) prince d'Orange, et qui, quoique faible en stratégie, avait la réputation d'un officier très versé dans l'administration militaire ; le prince était parvenu à mettre l'armée des Pays-Bas sur un pied en apparence respectable. Il introduisit un système général d'économie et de discipline ; et, quant à l'organisation générale et au mode de recrutement, il prit pour modèle le système de la landwher prussienne, autant que cela pouvait s'accorder avec les habitudes morales et constitutionnelles du pays. Le principal mérite du prince consistait dans l'attention minutieuse qu'il donnait aux détails de l'administration générale ; car il ne possédait ni un génie militaire élevé, ni des dispositions à être classé comme tacticien remarquable. Il entendait parfaitement tout ce qui a rapport à la discipline et aux exercices militaires ; mais tous ceux qui ont eu occasion de le connaître, lui refusent les qualités nécessaires à un général en chef et toute aptitude naturelle à l'étude des sciences militaires, prise sur une grande échelle. La malheureuse expédition de Bruxelles en 1830, réalisa ces prévisions de la manière la plus fâcheuse pour la réputation du prince comme soldat, et la plus fatale pour les intérêts de sa famille.

On doit cependant remarquer que le prince Frédéric avait su gagner le respect universel, par sa moralité, son intégrité, son aversion pour l'ostentation et le luxe, et par la possession (page 187) de toutes les vertus qui commandent l'attachement et le respect, vertus suffisantes dans un prince destiné à une position négative et secondaire dans l'état. Sans le choix impolitique que le roi Guillaume fit de son second fils, en le mettant à la tète des troupes destinées à marcher contre Bruxelles, et sans la fatale présomption qui lui fit accepter le commandement, son nom serait encore respecté par le peuple, et il aurait conservé cette réputation militaire négative qu'il a maintenant pour jamais perdue.

Un fâcheux événement, couvert d'un mystère dont on ne put soulever le voile, eut lieu vers la fin de 1829, et contribua beaucoup à perdre le prince d'Orange dans l'opinion publique ; ce fut le vol des diamants de la princesse, vol qui, par ses résultats déplorables, a les rapports les plus frappants avec la fameuse histoire du collier de l'infortunée Marie-Antoinette. Ce qu'il y eut de plus malheureux, c'est qu'il fut impossible de trouver légalement les moyens de dissiper le mystère qui couvrait ce vol et de détruire les imputations odieuses et improbables dont les ennemis du prince l'accablèrent à ce sujet, imputations qui furent si avidement accueillies par la crédulité publique.

Mais loin de nous ces atroces calomnies ! Même si l'arrestation et la condamnation du voleur Polari ne suffisaient pas pour détruire tout ce qui a été avancé, quel homme raisonnable, en plaçant (page 188) la main sur son cœur, pourrait dire qu'il a jamais ajouté la moindre foi à une pareille accusation. L'auteur de ce vol, Suisse nommé Carrara ou Polari, fut arrêté en Amérique et ramené en Hollande quelque temps après, pour y être jugé, reconnu coupable, et condamné à un emprisonnement perpétuel. La plus grande partie des diamants fut retrouvée. Que le prince ait été parfois léger dans sa conduite, et peu scrupuleux dans le choix de ses amis et de ses confidents ; que son bonheur domestique ait été par moments troublé, tout cela peut être vrai. Mais qu'on puisse croire un moment, qu'il ait pu directement ou indirectement prendre part à un vol commis dans son propre palais et au préjudice de sa femme, c'est une supposition monstrueuse que tout cœur généreux rejettera toujours avec indignation. Que ce vol ait été exécuté adroitement, que la dimension de la trace des pas reconnus dans le jardin, et d'autres circonstances aient malheureusement jeté des soupçons sur une personne innocente, mais mal vue du public qui savait qu'elle jouissait de la faveur du prince, c'est un fait possible ; mais les antécédents de la vie du prince, sa position, ses espérances, la facilité qu'il aurait eue de se procurer des fonds, s'il se fût trouvé dans des embarras d'argent, établissent suffisamment qu'il fut complètement étranger à toute cette affaire. Et d'ailleurs, puisque le (page 189) mystère qui enveloppait ce vol, ouvrait un vaste champ aux suppositions, n'aurait-il pas été tout aussi permis d'en accuser quelques-unes des personnes dans le secret de ces projets révolutionnaires qui, selon le comte de Hoogendorp, ont été préparés de si longue main.

Quoi qu'il en soit, l'effet que cet événement produisit sur l'esprit du public fut fatal aux intérêts du prince et semble avoir été destiné à coïncider avec toutes les circonstances fatales qui élevèrent plus tard une barrière insurmontable entre la dynastie des Nassau et la nation belge. Dès le commencement de la révolution, dès le moment où le prince se confia avec tant de bravoure et de magnanimité à la loyauté de la population de Bruxelles, pendant que l'expulsion de la famille des Nassau était discutée au congrès, et, en dernier lieu, quand des ouvertures furent faites au gouvernement provisoire, et des mouvements tentés en faveur du prince, cette malheureuse accusation fut reproduite et employée à exciter le peuple contre lui. Et comme s'il ne suffisait pas de propager cette calomnie par des paroles, on alla jusqu'à la tracer en gros caractères, et dans les termes les plus injurieux, sur les murs de son propre palais.

Telle était l'opinion générale relativement à la dynastie régnante. Le caractère de haute moralité de cette royale famille ne pouvait manquer de produire l'effet le plus avantageux dans un (page 190) pays dont la population est essentiellement religieuse, où les vertus domestiques sont non seulement appréciées, mais pratiquées plus généralement peut-être que dans tout autre état de l'Europe et où les théories anti-religieuses de la philosophie de Voltaire n'ont causé que très peu de ravages dans les classes moyennes. Ce fut cette réputation de bonté et de moralité qui contribua à conserver à la cour, pendant aussi longtemps, l'attachement de la multitude, et paralysa en partie les efforts des chefs révolutionnaires ; car la vie exemplaire de la famille royale, pour n'être pas immédiatement sous les yeux du public, n'en tombait pas moins sous les sens ; les bienfaits dont elle comblait les marchands, les classes laborieuses et les pauvres, étaient directement sentis, tandis que les fautes dont on chargeait la conduite politique du roi n'étaient appréciées en quelque sorte que par la réflexion et étaient principalement attribuées aux conseils d'un ministre qui, quoique jouissant en Hollande d'une réputation que lui assuraient ses capacités et son rang, n'en était pas moins accusé de tous les griefs de la nation, et semblait résumer toute la révolution dans sa personne ; d'un ministre qu'on peut en grande partie accuser de la dissolution du royaume et du renversement de la dynastie ; car s'il eût pu comprendre les symptômes qui menaçaient l'avenir, s'il eût été doué de ce don de seconde vue, de ce tact et de ce (page 191) patriotisme que lui attribuent ses panégyristes, il se fût retiré, et eût empêché ainsi un maître trop prévenu en sa faveur d'adopter des mesures repoussées par la voix unanime du peuple, mesures qui, d'après l'opinion universelle, et selon toutes les probabilités humaines, ont préparé les malheurs qui sont survenus depuis.

Après avoir essayé de tracer les caractères des personnes composant la famille royale, il peut être intéressant d'offrir un tableau abrégé de la vie sociale des classes élevées à Bruxelles, avant la révolution. Pour prévenir les jalousies, pour répartir également les avantages qui résultaient des dépenses de la liste civile, aussi bien que pour balancer les inconvénients et l'accroissement de la dépense résultant du déplacement des députés, lors des sessions législatives, l'article 98 de la loi fondamentale portait que le siège de la législature alternerait entre les villes de Bruxelles et de La Haye. La famille royale se transportait donc d'une de ces deux capitales dans l'autre, vers le commencement d'octobre de chaque année, pour que le souverain pût être prêt à faire l'ouverture des chambres, cérémonie qui toujours devait avoir lieu le troisième lundi de ce mois. Soit par des motifs d'économie, ou par des motifs de convenances personnelles, le corps diplomatique suivait rarement la cour en Hollande, à l'exception du ministre de Danemarck et de l'ambassadeur (page 192) d'Angleterre ; ce dernier recevait, à ce sujet, une augmentation considérable d'appointements, qui déjà étaient fort élevés et se montaient ainsi à une somme trois fois supérieure à ce qu'eût exigé la représentation près de la cour la plus fastueuse. Cette prodigalité inutile du trésor public avait été trop légèrement accordée à lord Clancarty, à une époque où le mariage projeté du prince d'Orange et de la princesse Charlotte, donnait à la mission de ce diplomate le caractère d'une ambassade de famille. Mais le chiffre trop élevé des appointements de l'ambassadeur avait dû être diminué par la suite ; car il n'y avait pas de motif plausible pour que la Grande-Bretagne maintînt dans les Pays-Bas un ambassadeur de première classe jouissant du traitement énorme du quatorze mille livres sterling par an, alors que la France, l'Autriche, la Russie, la Prusse et toutes les autres puissances de l'Europe se contentaient d'y envoyer des ministres plénipotentiaires de 1ère, 2ème et 3ème classe, dont les traitements s'élevaient à peu près au tiers de celui du représentant de la Grande-Bretagne (Ce traitement fut réduit dans la suite à la somme de 12,000 livres sterling, supérieure encore du double à ce qu'elle devait être).

 Outre le grand nombre de réfugiés politiques, dont nous avons parlé dans un précédent chapitre, des étrangers de toutes les nations affluaient (page 193) à Bruxelles, attirés par la beauté de cette ville, sa position centrale, son voisinage de la Grande-Bretagne, par l'abondance de ses marchés, le prix modéré des objets de luxe et de première nécessité, la salubrité de son climat et les avantages que cette ville offre pour l'éducation. Toute la partie supérieure de Bruxelles, qui forme les environs du parc et les boulevards adjacents, était presque exclusivement habitée par des familles respectables et nombreuses, la plupart anglaises et qui formaient une colonie de près de 5000 personnes de toutes classes, dont la dépense, calculée terme moyen à 10 fr. par jour, formait une somme annuelle de 18,259,000 fr. La plus grande partie de cette somme, dépensée pour les objets de première nécessité, contribuait naturellement à enrichir les petits commerçants, les ouvriers et le peuple des environs, et formait une addition notable au budget des recettes de la commune, montant à peu près au quinzième de la consommation totale de la cité. Ainsi la répartition de cette somme, que nous n'avons pas exagérée, était une source de bénéfices et d'avantages pour une classe nombreuse de petits détaillants, auxquels les étrangers payaient les denrées environ 10 p. c. de plus que les personnes du pays.

Quoique la cour encourageât beaucoup le séjour des étrangers et fît tout ce qu'il fallait pour (page 194) contribuer à leur amusement et à leur bien-être, autant que cela pouvait s'accorder avec l'étiquette et les habitudes retirées de la famille royale, excepté le prince d'Orange, il n'existait que peu de relations sociales entre les étrangers et les Belges. Un petit nombre d'entre eux, spécialement la jeunesse, fréquentaient avec empressement les sociétés anglaises où l'hospitalité cordiale des hôtes et l'amabilité des dames leur offrait de puissants attraits ; aussi ces invitations étaient toujours acceptées, quoique peut-être pas toujours suffisamment appréciées ; mais les lois de réciprocité, nous pourrions même dire, de la reconnaissance étaient souvent négligées ; car à peine ces personnes étaient-elles mariées et établies qu'elles semblaient avoir perdu le souvenir des relations passées. Les choses allèrent parfois si loin que, lorsque par exemple un Belge épousait une Anglaise, il était immédiatement séquestré de la société de ses concitoyens, et si parfois il acceptait une invitation, ils semblaient toujours craindre la loi du talion. Cette observation peut s'appliquer à presque toutes les familles belges qui, à l'exception des membres du corps diplomatique et quelques voyageurs de distinction visitant accidentellement le pays, admettent rarement les étrangers dans leur société. Il existait, il est vrai, des réunions publiques où une sorte de rapprochement était possible ; mais il n'allait guère (page 195) au-delà des politesses ordinaires, et n'entraînait ni devoirs ni dépenses. Ainsi, quoique les jeunes gens partageassent librement l'hospitalité anglaise, les femmes des deux pays se rencontraient rarement, excepté dans les réunions publiques où chacun pouvait être admis, et alors même il s'établissait une ligne de démarcation que nous pourrions comparer à celle qui existe entre le Rhin et la Moselle, au moment de leur jonction. Les maisons les plus riches et les plus influentes de la noblesse, du commerce et des finances, telles, par exemple, que celles des ducs d'Aremberg et d'Ursel, des princes de Ligne, de Chimay, de Gavre, des marquis de Treizegnies, d'Assche, de Lalaing, des comtes de Mérode, d'Aerschot, Vilain XIIII, d'Oultremont, de Mercy d'Argenteau, des barons de Sécus et de Stassart, et de MM. Engler, Meeus, Coghen et Mertens, toutes disposées de manière à pouvoir donner des fêtes brillantes, ouvraient rarement ou même presque jamais leur porte aux Anglais résidant à Bruxelles. Ce n'est donc pas sans quelque justice qu'ils furent accusés de manquer d'hospitalité et de sociabilité envers des étrangers respectables, si généralement accueillis dans les autres parties du continent, spécialement au-delà le Rhin (On pourrait cependant citer quelques notables exceptions, entre autres les nobles familles des d'Hoogvorst, Duval de Beaulieu et de Béthune).

(page 196) Les Belges se défendaient de cette accusation, au moins en ce qui a rapport aux Anglais, en objectant que leur colonie trop nombreuse les mettait dans l'impossibilité de les recevoir tous, et qu'il était difficile de tracer une ligne entre des personnes qui étaient supposées également respectables. « Nous ne pouvons, disaient-ils, fréquenter une famille, sans nous lier avec toutes, et être entraînés ainsi à adopter cette incroyable mode anglaise qui consiste à remplir les maisons jusqu'au point d'y étouffer. En outre les Anglais, essentiellement et exclusivement Anglais, portent partout avec eux leurs coutumes, leurs préjugés, leur division de la journée et diverses particularités qui, peut-être adaptées au climat et aux usages de la Grande-Bretagne, diffèrent de celles des nations du continent et rendent toute intimité presque impossible. » Quoique ces observations soient justes en partie, elles sont pourtant exagérées, et l'excuse perd de sa valeur si on observe qu'ils ne se relâchent pas plus de leur froideur envers les étrangers des autres nations.

Mais ce manque de cordialité ne frappait pas seulement les étrangers ; il existait jusque dans leurs relations entre eux. La société était divisée en coteries qui, sinon immédiatement hostiles entre elles, étaient évidemment jalouses les unes des autres. Ainsi, la plus ancienne aristocratie tolérait celle d'un rang inférieur plutôt que de (page 197) voir exposer ses privilèges. Celle-ci, de son côté, traçait une ligne de démarcation entre elle et la finance, le haut commerce et les fonctionnaires publics. Le barreau et les professions savantes semblaient aussi former une société distincte. Les militaires, excepté les jeunes gens de familles connues, et quelques officiers supérieurs, étaient rarement vus dans les sociétés.

Quoique presque toutes les familles nobles possédassent de grandes richesses, eussent les moyens de se procurer toutes les jouissances de la vie sociale, elles déployaient peu de magnificence, et paraissaient plus portées à économiser et à augmenter leur fortune, qu'a la dépenser dans les relations d'une hospitalité généreuse. Il est vrai que parfois, elles donnaient des banquets et des fêtes ; mais ces fêtes ressemblaient à des efforts cérémonieux, à des sacrifices à l'orgueil, à une contribution tirée sur eux par les devoirs du monde, à une obligation douloureusement remplie, plutôt qu'à des fêtes destinées au plaisir des convives et aux échanges d'une aimable cordialité.

Le défaut de liaison qui existait entre certaines classes de la société devint plus marqué à mesure que les doctrines de l'Union gagnèrent du terrain ; de sorte que durant le carnaval et le printemps qui précédèrent immédiatement la révolution, on peut dire qu'il existait un schisme absolu (page 198) entre l'aristocratie catholique, et celle qui était moins exagérée dans ses idées politiques et religieuses. La ligne de démarcation qui séparait ces partis n'est pas encore effacée même à cette heure ; car à l'exception du duc d'Aremberg, dont presque toutes les propriétés sont en Allemagne, et qui a toujours ostensiblement montré une neutralité politique, les grandes maisons aristocratiques, telles, par exemple, que les maisons de Ligne, de Chimay, de Gavre, d'Ursel, de Trazegnies, de Mercy, d'Argenteau, d'Assche, d'Outrelmont et autres égales en rang et en fortune, se tiennent tout à fait éloignées des de Mérode, des d'Aerschot, des Vilain XIIII, des d'Hoogvorst, des Chasteler, des Duval, des Stassart, qui forment le noyau du parti actuel.

Le schisme qui existait et qui existe encore, entre ces deux branches de l'aristocratie, est parfois très embarrassant pour le roi Léopold ; cet éloignement qui, avant la révolution, n'était que de la froideur, est maintenant une antipathie absolue, qui n'est peut-être pas entièrement exempte de jalousie de la part de ceux qui, quoique affectant d'éviter la cour, considèrent néanmoins en quelque sorte, ses places et ses distinctions, comme leur apanage exclusif ; tandis que ceux qui en jouissent maintenant ne peuvent envisager sans quelque anxiété, le temps où les dissidents viendront demander leur part dans les (page 199) faveurs qui sont maintenant leur propriété exclusive. Chaque jour élargit cette brèche et diminue les espérances d'une réconciliation ultérieure. Dans ce moment, ces deux partis peuvent à peine se rencontrer sous le même toit, étant tous deux également tenaces, et peu disposés à sacrifier leurs prétentions respectives. Il est probable que les derniers resteront encore longtemps exclus, à moins que les premiers n'abandonnent leur position. L'union, entre des éléments si dissemblables, ne peut être espérée. Mais il est temps que nous en revenions à la situation politique du pays qui précéda immédiatement la révolution française.

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