Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 22 novembre 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1872-1873)

(Présidence de M. Thibautµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 53) M. Woutersµ fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Hagemansµ lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Woutersµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Meerhout demande que le chemin de fer à construire d'Herenthals vers Gladbach passe au sud de Gheel.»

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Blamont demande la mise à la retraite des fonctionnaires du département de l'intérieur qui en ont atteint l'âge. »

- Môme renvoi.


« Le sieur Vanden Abeele propose des modifications au projet de loi concernant la caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Ozeray demande que la loi précise les servitudes qui grèvent les propriétés riveraines de la Semois. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif aux cours d'eau non navigables ni flottables.


« Le sieur Dufour, commissaire de police à Saint-Hubert, prie la Chambre d'améliorer la position des commissaires de police faisant fonctions d'officier du ministère public près les tribunaux de simple police et d'accorder aux fonctionnaires qui ont pris part aux combats de la révolution les dix années en plus pour la pension, comme la loi de 1838 l'accorde aux officiers de l'armée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la justice.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur Antony. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. d'Hane-Steenhuyse, empêché par des affaires urgentes, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.

Projet de loi révisant le code de commerce (livre I. Titre IX : Des Sociétés)

Discussion des articles

Section IV. Des sociétés anonymes

Paragraphe 4. De l’administration et de la surveillance des sociétés anonymes

Article 198quater

M. Eliasµ. - Je demande à la Chambre la permission de revenir sur des dispositions qui ont été votées hier à la fin de la séance. J'ai oublié de présenter à l'occasion de l'article 198quater les observations que je désire faire.

Dans la première discussion, en 1870, j'avais demandé, à l'article 164 relatif aux sociétés en commandite, la suppression de la disposition qui oblige les actionnaires commanditaires à rapporter, dans certains cas, les intérêts et dividendes qu'ils ont perçus lorsque les bénéfices résultant de comptes et bilans réguliers en la forme sont reconnus plus tard n'être pas réels et cela cinq ans après leur perception, et j'avais ajouté que si la Chambre n'adoptait pas mon amendement, je demanderais l'application de la même disposition aux sociétés anonymes.

La Chambre n'ayant pas adopté mon amendement, j'ai fait la proposition que je viens d'indiquer.

Ce second amendement, que je présentais uniquement comme conséquence de la disposition adoptée par la Chambre malgré mes observations, eut un meilleur sort que le premier ; il fut adopté.

Il me serait impossible délaisser passer sans protestation la disposition actuelle, d'autant plus que par les nouvelles dispositions proposées pour les sociétés en commandite par actions, l'article 198quater s'appliquera aussi bien à celles-ci qu'aux sociétés anonymes.

Il me semble, messieurs, que les actionnaires ne devraient pas être tenus à conserver par devers eux pendant cinq ans les intérêts reçus avant de pouvoir les considérer comme acquis. Qui ne sait que les actionnaires, lorsqu'ils ont versé leur capital, se contentent, en général, de ne faire attention qu'aux intérêts et dividendes qu'on leur distribue et ne s'occupent pas autrement de l'administration de l'entreprise ?

Tout ce qu'ils touchent de ce chef, ils le considèrent comme produits annuels de leur capital et le consomment dans cette conviction avec confiance.

Veuillez remarquer que, sous l'empire des dispositions qui vous sont soumises et que la Chambre votera certainement, il leur sera impossible de vérifier si ces bénéfices sont réels ou non.

L'actionnaire n'aura pas le droit de vérifier par les livres, par la connaissance et l'appréciation de toutes les clauses des contrats sociaux, la situation réelle au moment où le conseil d'administration propose l'allocation des intérêts et dividendes. En recevant, en consommant ceux-ci, il est évidemment de bonne foi.

Cette disposition consacrerait, de plus, une véritable injustice. Ceux qui possèdent des actions au porteur, n'étant pas connus et ne pouvant être recherchés, ne sauraient être astreints à rapporter les intérêts et les dividendes.

La disposition proposée sera inefficace à leur égard. Au contraire, les possesseurs d'actions nominatives sont parfaitement connus, leurs noms sont inscrits dans les livres de la société. Ils seront astreints à rapporter les intérêts et les dividendes, et ils seront dès lors dans une position tout à fait inégale, bien plus mauvaise que celle des propriétaires des actions au porteur.

Est-il possible de traiter ainsi les propriétaires des actions nominatives ? Ne faut-il pas placer sur la même ligne les possesseurs de toutes les actions ? Cela me paraît évident. Il y a plus, c'est que si la loi devait, favoriser une catégorie d'actionnaires, elle devrait accorder ses faveurs aux possesseurs d'actions nominatives, qui bien certainement sont les ; plus sérieux.

Il n'est donc pas possible de maintenir la disposition de l'article 198quater et j'en demande formellement la suppression.

MjdLµ. - Messieurs, le principe qui oblige les actionnaires à rapporter les intérêts et les dividendes qui n'ont pas été prélevés sur des bénéfices réels de la société, a été admis en 1870, et il a été consacré de nouveau sans aucune contestation dans une de vos séances précédentes.

L'article 164 ne s'appliquant, dans le système actuel, qu'aux sociétés en commandite simple, il était nécessaire d'en étendre la règle par une disposition spéciale aux sociétés anonymes et aux commandites par actions, si l'on voulait demeurer fidèle au principe dont l'honorable membre avait demandé et obtenu la consécration en 1870.

Je n'ignore pas que l'honorable membre, en faisant sa proposition, avait agi ab irato ; qu'en exigeant que le législateur se montrât logique dans sa sévérité, et l'appliquât aux sociétés anonymes et même aux sociétés coopératives, il avait pour but d'amener la prompte révocation d'une mesure qu'au fond il désapprouvait.

Mais la mesure n'en avait pas moins été adoptée par la Chambre, après d'assez vives discussions ; le gouvernement n'avait pas cru devoir, en reproduisant le projet, revenir sur la résolution prise par la Chambre en (page 54) 1870 ; seulement l'amendement de M. Elias avait été placé dans la section qui traite de la liquidation des sociétés.

Il formait le deuxième paragraphe de l'article 243. Il y était égaré au milieu de dispositions réglant une matière toute différente.

Je m'étais donc borné à lui donner la place qui logiquement lui revenait.

Aujourd'hui que l'honorable membre abandonne cette logique excessive dont il avait, il y a deux ans, exigé le respect, je suis tout prêt à le suivre dans sa conversion.

Les observations qu'il vous a soumises et que déjà le rapport avait fait valoir sont d'une incontestable justesse.

Il est parfaitement vrai que, dans les sociétés anonymes par actions au porteur, il sera en règle générale absolument impossible d'atteindre les actionnaires.

La disposition peut être considérée comme inopérante à leur égard. La preuve, si elle n'est pas absolument impossible, est au moins entourée de difficultés telles, que nul ne tentera d'intenter une action en quelque sorte désespérée. Cela étant, la question est de savoir s'il faut créer aux actionnaires au porteur une position meilleure que celle faite aux actionnaires en nom. Cette difficulté de preuve n'existe pas pour les actionnaires en nom. Ils sont toujours connus et aisément atteints.

L'honorable M. Pirmez, dans le rapport qui vous a été communiqué, a développé les considérations qui démontrent combien il serait à la fois injuste et peu prudent de soumettre l'actionnaire en nom à des rigueurs dont l'actionnaire au porteur serait affranchi.

Je n'insisterai donc pas, pour ma part, pour le maintien d'une disposition que son propre auteur, l'honorable M. Elias, abandonne.

MpTµ. - Je ne puis remettre aux voix l'article 198quater s'il y a une seule opposition.

M. Jacobsµ. - Il n'y en a pas.

MpTµ. - Je mets donc aux voix la proposition de M. Elias, à laquelle M. le ministre de la justice s'est rallié, et qui tend à la suppression de l'article 198quater.

- La suppression de cet article est prononcée.

Paragraphe 6. Des inventaires et des bilans

Article 202

« Art. 202. Chaque année, l'administration doit dresser un inventaire contenant l'indication des valeurs mobilières et immobilières et de toutes les dettes actives et passives de la société, avec une annexe contenant, en résumé, tous les engagements de la société en cours d'exécution, tels qu'endossements sur traites négociées, contrats, cautionnements.

« L'administration forme le bilan et le compte des profits et pertes dans lesquels les amortissements nécessaires doivent être faits.

« Il est fait annuellement, sur les bénéfices nets, un prélèvement d'un vingtième au moins, affecté à la formation d'un fonds de réserve ; ce prélèvement cesse d'être obligatoire lorsque le fonds de réserve a atteint le dixième du capital social.

« L'administration remet les pièces avec un rapport sur les opérations de la société, un mois au moins avant l'assemblée générale ordinaire, aux commissaires, qui doivent faire un rapport contenant leurs propositions. »

MpTµ. - M. le ministre de la justice a présenté un amendement au paragraphe premier de cet article : L'article serait ainsi conçu :

« Art. 202. Chaque année, l'administration doit dresser un inventaire contenant l'indication des valeurs mobilières et immobilières et de toutes les dettes actives et passives de la société, avec une annexe contenant, en résumé, tous ses engagements. »

(Le reste comme au projet.)

- L'article, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 203

« Art. 203. Quinze jours avant l'assemblée générale, le bilan, le compte des profits et pertes, ainsi que la liste des actionnaires indiquant le nombre de leurs actions et leur domicile, sont, au siège social, à l'inspection de ces derniers.

« Le bilan et le compte sont adressés aux actionnaires en nom, en même temps que la convocation, de même que le rapport des commissaires, s'il ne conclut pas à l'adoption complète du bilan. »

- Adopté.

Article 204

« Art. 204. L'assemblée générale entend les rapports des administrateurs et des commissaires et discute le bilan.

« Le conseil d'administration a le droit de proroger, séance tenante, l'assemblée à trois semaines. Cette prorogation annule toute décision prise. La seconde assemblée a le droit d'arrêter définitivement le bilan.

« L'adoption du bilan vaut décharge pour les administrateurs et les commissaires de la part de la société et des actionnaires qui ne s'y sont pas opposés, mais seulement en tant qu'il n'y ait pas réserve du contraire et que le bilan ne contienne ni omission ni indication fausse dissimulant la situation réelle de la société. »

MpTµ. - Le gouvernement propose de rédiger le paragraphe 3 comme suit :

« L'adoption du bilan vaut décharge pour les administrateurs et commissaires, en tant que le bilan ne contienne ni omission frauduleuse, ni indication fausse, dissimulant la situation réelle de la société. »

MjdLµ. - La commission a proposé une rédaction différente de celle qu'avait proposée le gouvernement. Après avoir entendu les explications de la commission, je crois pouvoir me rallier à la rédaction proposée par elle ; cette rédaction, en définitive, est, sauf quelques changements de forme, le maintien de la règle inscrite dans l'article 204.

M. Demeurµ. - Cet article porte que l'approbation du bilan vaut décharge pour l'administration, en tant qu'il n'y ait ni omission, ni indication fausse dissimulant la situation réelle de la société. La décharge donnée par l'assemblée générale des actionnaires est obligatoire pour tous les actionnaires qui ne s'y sont pas opposés, même pour les absents. Mais cela ne peut être admissible que pour les actes qui ont été accomplis par l'administration dans les limites des statuts.

M. Dupontµ. - C'est évident.

M. Demeurµ. - C'est ce que consacre la jurisprudence actuelle, et je ne pourrais pas admettre une dérogation à ce principe. Les statuts sont la loi de tous. L'assemblée générale peut les modifier, mais en suivant les formes établies par les statuts eux-mêmes, les formes protectrices des droits individuels.

Pour modifier les statuts, il faut que les actionnaires soient convoqués à cette fin ; il faut qu'un nombre déterminé d'actionnaires assiste à la réunion.

Or, l'approbation du bilan est donnée sans que les actionnaires aient été convoqués dans les formes voulues pour les modifications aux statuts ; elle est donnée par la majorité des membres présents, quel qu'en soit le nombre.

Si l'approbation du bilan pouvait entraîner l'approbation des actes faits par le conseil d'administration contrairement aux statuts, on arriverait aux résultats les plus graves.

MpTµ. - Vous ne proposez pas d'amendement, M. Demeur ?

M. Demeurµ. - Je demande à connaître l'opinion de M. le ministre de la justice et de l'honorable M. Pirmez.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Messieurs, je crois que la question est complexe et je demande à ne pas me prononcer immédiatement sur un point que je considère comme difficile.

Je reconnais d'abord qu'il est parfaitement vrai que la décision de l'assemblée générale est absolument sans effet quant aux créanciers.

Mais la question s'élève en ce qui concerne les actionnaires.

Remarquez bien qu'il ne s'agit pas de modifier les statuts d'une manière générale, d'autoriser des actes pour l'avenir ; il s'agit de savoir si l'assemblée peut donner un bill d'indemnité pour les actes accomplis, renoncer à une action pécuniaire.

Et cela est si vrai que, même pour les violations des statuts, les administrateurs sont déchargés après cinq ans.

Or, la prescription n'est qu'une décharge tacite.

Ne faut-il pas admettre que la décharge expresse a la même force que la décharge tacite ?

On voit donc qu'on ne résout pas la question en disant que l'assemblée ordinaire ne peut modifier les statuts. Mais continuons.

D'abord il est incontestable que lorsque les actionnaires ont donné leur approbation, il n'y a plus d'action.

M. Demeurµ. - On est d'accord sur ce fait. Ils sont non recevables.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Quant à ceux qui ont fait opposition, ils ont conservé leurs droits. Seulement, ils doivent agir dans le délai de trois mois, comme le veut la loi.

M. Demeurµ. - Dans une disposition qui n'est pas encore adoptée.

M. Pirmez, rapporteurµ. - La seule question est donc celle-ci : Faut-il maintenir le droit des actionnaires absents ? Eh bien, messieurs, pour ma part, sans me prononcer définitivement, je suis assez disposé à appliquer aux actionnaires absents la maxime : Vigilantibus jura scripta sunt. Je trouve que si certains actionnaires ne se rendent pas aux (page 55) assemblées générales, c'est qu'ils s'en réfèrent tacitement à ce que feront les actionnaires présents, Ne pas assister à une assemblée générale, c'est implicitement déclarer qu'on se rallie à ce qui sera décidé par la majorité.

Or, quand il ne s'agit pas de modifier les statuts, mais seulement de décider si on maintiendra une action contre les administrateurs, je ne vois pas pourquoi les actionnaires ne seraient pas censés, dans cette matière comme dans toutes les autres, s'en référer à ce qui a été décidé par la majorité ; l'assemblée peut prendre les décisions les plus importantes, approuver tous les actes faits par des tiers, pourquoi ne pourrait-elle pas le faire à l'égard de l'administrateur ?

On se figure, messieurs, qu'une violation des statuts est toujours une chose grave et importante.

Mais généralement, messieurs, la violation des statuts consistera dans une interprétation plus ou moins contestable du sens des statuts, dont les résultats seront généralement beaucoup moins sensibles à la société que des marchés très ordinaires. Je ne vois pas pourquoi l'assemblée ne pourrait pas statuer sur l'action qui peut en naître.

Je ne m'oppose cependant pas à un nouvel examen de cet article.

M. Baraµ. - On ne doit pas voter sur cet article sans être bien fixé sur le sens à lui donner.

Je ne suis nullement d'accord avec l'honorable M. Pirmez. Je crois que l'assemblée générale ne peut décharger les administrateurs que pour les actes légaux, pour les actes statutaires, et évidemment si les administrateurs ont enfreint les statuts, on ne peut pas obliger les actionnaires absents et qui n'ont confié à personne le mandat de donner décharge, à supporter les conséquences de l'infraction commise par les administrateurs.

Les administrateurs sont responsables vis-à-vis des actionnaires, et hier encore, l'honorable M. Pirmez disait qu'il voulait, pour les administrateurs qui avaient violé les statuts, la responsabilité la plus grande.

Il ne peut donc pas dépendre de quelques actionnaires de couvrir les administrateurs vis-à-vis des actionnaires absents, du fait d'avoir violé les statuts ; sans quoi, messieurs, si vous aviez la majorité des actions, vous pourriez constamment violer les statuts. (Interruption.) Le droit d'absence n'est pas inscrit dans la loi, mais enfin vous n'allez pas prononcer une pénalité contre un actionnaire qui n'aura pas pu assister à une assemblée générale. Le fait de s'abstenir n'est pas du tout consentir.

Les consentements ne se présument jamais ; ils doivent résulter d'actes formels, et les renonciations à un droit doivent aussi résulter d'actes formels et positifs.

De ce que je ne suis pas venu à une assemblée, cela ne veut pas dire que j'ai approuvé ce qui a été fait.

Sans cela, il faut inscrire dans la loi le vote obligatoire pour les actionnaires ; ainsi des statuts peuvent porter qu'on ne peut délibérer que quand la majorité est présente.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Du tout, il n'y a pas une société en Belgique pour laquelle cela soit exigé.

M. Baraµ. - Je crois que c'est une grave erreur.

Il est même certains objets sur lesquels on ne peut délibérer sans que plus de la moitié du capital ne soit représentée.

En tous cas, vous ne pouvez déduire de l'absence d'un actionnaire à une assemblée générale qu'il a consenti à renoncer à une action contre les administrateurs qui ont violé les statuts.

M. Jacobsµ. - Je n'ajouterai qu'un mot à ce que vient de dire l'honorable membre : C'est que d'après l'article 201 du projet, les statuts peuvent refuser aux actionnaires le droit d'assister aux assemblées, lorsqu'ils ne possèdent pas un nombre déterminé d'actions. Voilà donc un grand nombre d'actionnaires positivement exclus des assemblées générales. Il est impossible de compromettre les droits de ces actionnaires, les plus petits, par des actes commis en leur absence, alors que cette absence est forcée.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Le projet primitif ne contenait pas la disposition dont vient de parler l'honorable M. Jacobs, et je crois pour ma part qu'on eût mieux fait de maintenir le projet qui introduisait dans les sociétés le suffrage universel.

J'avais proposé ce système dans le rapport de la commission. Il a été changé par mon honorable ami, M. Bara.

Je ne demande pas mieux que de faire disparaître complètement l'objection, si on veut en revenir au projet primitif.

J'ai dit que la question même que nous discutons demande examen ; il faut prendre garde d'aller trop loin et je crois qu'on irait trop loin si l'on adoptait la solution que vient d'indiquer l'honorable M. Bara.

Il ne peut pas être douteux que, dans tout ce qui n'est pas violation des statuts, la majorité lie la minorité. La seule question à examiner est donc celle-ci : Est-ce que l'approbation donnée par la majorité de l'assemblée oblige les absents, quand il y a une violation des statuts ?

M. Demeurµ. - On pourrait ajouter un seul mol et dire : « de la part des actionnaires présents, qui ne s'y sont pas opposés, etc. »

M. Pirmez, rapporteurµ. - L'amendement de M. Demeur va tout à fait contre le but qu'il se propose, car il déclare que, quant aux actionnaires absents, il n'y a pas décharge. (Interruption.)

L'honorable membre dit qu'il n'y a décharge que pour les actionnaires présents ; par conséquent, il n'y a pas décharge pour les actionnaires absents, même pour les actes qui ne sont pas contraires aux statuts.

Je demande le renvoi à la commission.

- Le renvoi est ordonné.

Article 204bis (proposé par M. Elias)

« Les actionnaires qui refusent l'approbation d» bilan peuvent, s'ils possèdent le cinquième au moins des actions représentées à l'assemblée générale, demander au président du tribunal de commerce la nomination d'un ou de trois commissaires spéciaux ayant pour mission de vérifier les livres et comptes de la société.

« Cette demande doit être faite dans les dix jours de l'assemblée générale. Elle doit contenir énonciation des faits qui peuvent faire présumer que des fautes, irrégularités ou négligences graves, ont été commises dans la gestion.

« Le président pourra exiger un cautionnement ou la consignation d'une somme suffisante pour le payement des frais de vérification, lesquels seront supportés par les demandeurs, à moins qu'il ne résulte des faits révélés une condamnation à des dommages-intérêts ou une révocation des administrateurs.

« Les commissaires spéciaux auront tous les droits accordés aux commissaires ordinaires par l'article 197 du présent code.

« Dans le délai fixé par le président, délai qui ne pourra dépasser celui de l'article 250, ils seront tenus de déposer au greffe du tribunal de commerce un rapport sur la situation de la société et spécialement sur les faits énoncés dans la demande.

« Ce rapport sera dès lors à la disposition des actionnaires, qui pourront y puiser les éléments nécessaires à leur action contre les membres du conseil d'administration. »

M. Eliasµ. - La proposition que j'ai faite ne demande pas de grands développements pour en faire comprendre à la Chambre le but et les dispositions.

Elle est très simple : c'est de donner aux actionnaires qui refusent l'approbation du bilan le moyen de trouver dans les registres et les comptes de la société la preuve des faits, des présomptions qui les ont amenés à refuser leur approbation.

Voici pourquoi cet amendement arrive aussi tard. Messieurs, dans le projet de loi présenté à la Chambre par le gouvernement en 1870 et dans celui présenté par la commission à la même époque, les articles 54 et 55 de ces projets donnaient à chaque actionnaire le droit, non seulement d'examiner les livres et les comptes de la société, mais encore de se faire remettre les pièces d'après lesquelles les commissaires vérifient les comptes, notamment l'indication des valeurs, des dettes, les engagements de la société en cours d'exécution, tels qu'endossements, contrats, cautionnements et autres engagements quelconques.

On comprend dès lors qu'il était tout à fait inutile de donner aux actionnaires refusant l'approbation du bilan, des droits particuliers, d'autres moyens d'investigation.

Il n'en est plus de même aujourd'hui. Lors de la discussion de 1870, la Chambre, sur la proposition de l'honorable M. Jacquemyns, supprima toute cette énumération dont je viens de donner lecture et n'y laissa plus subsister que les mots « le bilan, le compte des profits et pertes, ainsi que la liste des actionnaires. » On voit que dès lors la communication de ce qu'on nomme ordinairement « les pièces à l'appui » leur fut refusée.

Je tiens à déclarer que ce changement se justifiait par de sérieux motifs ; il était dangereux de laisser à chaque actionnaire individuellement le droit de pénétrer ainsi dans le secret de toutes les affaires sociales.

Il est impossible d'admettre que le premier venu, un concurrent peut-être, qui ne sera devenu un instant actionnaire que dans un but déloyal, puisse venir voir les conditions particulières des divers contrats, et s'immiscer dans tous les détails des affaires d'une société rivale.

C'est donc à juste titre que la loi, dans son article 55, fut alors modifiée. Mais il me semble que la Chambre est allée trop loin ; il me semble (page 56) qu'elle ne devait pas priver ainsi éternellement toute une catégorie d'actionnaires du droit de vérifier la véracité des comptes et bilans leur soumis.

J'ai cherché un moyen terme et je n'ai pas eu de peine à le trouver. La loi anglaise de 1862 et la dernière loi italienne m'ont fourni un modèle.

Je crois avoir évité les dangers d'une intervention personnelle. D'après ma proposition, pour avoir le droit de faire vérifier les comptes et bilans, les actionnaires doivent être en certain nombre. Ce nombre, un cinquième des membres présents à l'assemblée, garantit la société contre les caprices individuels. Ces actionnaires doivent énoncer les faits qui font présumer qu'il y a des irrégularités. Je charge un magistrat qui a la confiance des industriels et des commerçants, le président du tribunal de commerce, d'apprécier les faits ; ce magistrat choisit lui-même les personnes qu'il charge de faire cette vérification, et il aura soin de ne confier cette mission qu'à des personnes honorables dont l'intervention dans les affaires de la société ne présentera aucun inconvénient.

En pratique mon amendement ne peut donner lieu à aucun danger pour les sociétés et j’espère que la Chambre ne se refusera pas à l'adopter. On pourrait le renvoyer a la commission, pour qu'elle lui donne une rédaction plus législative. Il est peut-être un peu long. J'ai dû en faire comprendre le mécanisme.

S'il est admis en principe, il recevra par la commission sa forme définitive.

- L'amendement de M. Elias est appuyé, il fait partie de la discussion.

MpTµ. – La Chambre entend-elle renvoyer l'amendement de M. Elias à la commission ?

M. Baraµ. - On pourrait adopter cet amendement, sauf à y revenir au second vote.

M. Jacobsµ. - Je ne m'oppose, pas au renvoi de l'amendement à la commission, mais je demande que la Chambre ne se prononce pas dès a présent sur le fond : je vois d'assez sérieux inconvénients à l'adoption de la proposition.

lI est certain que le jour où des mesures aussi graves que celles que propose M. Elias auront été prises, par rapport à une société, le crédit de cette société en sera fortement ébranlé.

Renvoyons cet amendement à la commission sans nous prononcer encore et, si elle croit que des mesures doivent être prises, elle les proposera de nature à ne pas nuire au crédit social.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je voulais faire, messieurs, la même observation que l'honorable M. Jacobs.

Je crois, comme lui, qu'il faut être prudent en cette circonstance, et le renvoi à la commission me semble fort nécessaire.

A première vue, il y a une ; mesure qui nie paraît fort dangereuse, et que je vous signale, c’est celle qui consiste à permettre de juger en n'entendant qu'une seule partie.

Je ne cite ce point que pour appuyer la demande de renvoi qui vient d’être faite.

- Le renvoi à la commission est ordonné.

Article 205

« Art. 205. Le bilan et le compte des profits et pertes doivent, dans la quinzaine après leur approbation, être publiés aux frais de la société et par les soins des administrateurs, conformément au mode déterminé par l'article 154. »

- Adopté.

Paragraphe 7. De certaines indications à faire dans les actes

Article 206

« Art. 206. Dans tous les actes, factures, annonces, publications et autres pièces émanées des sociétés anonymes, on doit trouver la dénomination sociale, précédée ou suivie immédiatement de ces mots, écrits lisiblement et en toutes lettres : Société anonyme.

« Si les pièces ci-dessus indiquées énoncent le capital social, ce capital devra être celui qui résulte du dernier bilan. »

M. Demeurµ. – C’est à propos des mots « capital social » que je demande à faire une observation.

Ainsi que je l'ai dit dans une séance précédente, le capital social n’est pas le capital versé.

Une société peut avoir reçu des sommes considérables qu'elle a perdues, en tout ou en partie.

Il est bien entendu que le capital social dont il est ici question est le capital social, déduction faite des pertes constatées par le dernier bilan.

MjdLµ. - Je pense que l'article fait droit à l'observation de l'honorable membre.

Le deuxième paragraphe dit en effet :

« Si les pièces ci-dessus indiquées énoncent le capital social, ce capital devra être celui qui résulte du dernier bilan. »

M. Pirmez, rapporteurµ. – C’est évident.

M. Demeurµ. - Nous sommes d'accord.

- L'article, mis aux voix, est adopté.

Article 207

« Art. 207. Toute personne qui interviendra pour une société anonyme dans un acte où la prescription de l'article précédent ne sera pas remplie, pourra, suivant les circonstances, être déclarée personnellement responsable des engagements qui y sont pris par la société ; elle sera, en cas d'exagération du chiffre du capital, tenue, à l'égard des tiers avec qui il a été traité, de compenser la différence entre le capital énoncé et le capital réel. »

MpTµ. - A la dernière partie de cet article, M. le ministre de la justice propose un changement, auquel la commission s’est ralliée.

L'article est donc proposé dans les termes suivants :

« Toute personne qui interviendra pour une société anonyme dans un acte où la prescription de l'article précédent ne sera pas remplie, pourra, suivant les circonstances, être déclarée, personnellement responsable des engagements qui y sont pris par la société. En cas d'exagération du capital, elle sera tenue, a l'égard des tiers avec qui il a été traité, et, a défaut, par la société, de bonifier une quotité proportionnelle à la différence entre le capital énoncé et le capital réel. »

M. Demeurµ. - Je ne comprends pas bien le changement que le gouvernement propose à la rédaction primitive de cet article.

En cas d'exagération du capital, dit le gouvernement, la personne qui sera intervenue dans l'acte où l'on trouve l'exagération, sera tenue, à l'égard des tiers avec lesquels il a été traité, et, à défaut de la société, « de bonifier une quotité proportionnelle à la différence entre le capital énoncé et le capital réel. »

J'avoue, ne pas bien comprendre ce que cela signifie. Cela veut-il dire que la personne qui aura violé la disposition de l'article 206 sera tenue de payer aux tiers avec qui il a été traité une partie seulement du dommage causé, de réparer ce dommage dans la proportion du capital réel avec le capital énoncé ?. Le dommage causé au tiers ne serait ainsi qu'incomplètement réparé.

La rédaction primitive ne laissait pas de doute.

Elle portait que l'auteur de l'exagération du chiffre du capital sera tenu, à l'égard des tiers avec qui il a été traité, « de compenser la différence entre le capital énoncé et le capital réel. »

Ainsi, voici une société dont le capital réel est d’un million ; les administrateurs mettent dans leurs actes que le capital est de 2 millions ; il arrive que la société fait faillite et que les tiers, qui ont compté sur un capital de 2 millions, sont lésés.

Eh bien, les administrateurs doivent, d'après la rédaction primitive, payer aux tiers la différence entre le capital de deux millions énoncé et le capital réel, soit un million.

Cela était clair.

Mais je ne comprends pas la rédaction proposée par M. le ministre de la justice.

A la vérité, je préférerais voir supprimer l'ensemble de l'article et je vais dire pourquoi.

D'abord, il est incomplet. Cet article apporte une sanction a l'article 206 qui exige que les mots « société anonyme » figurent dans tous les actes, factures, annonces, publications et autres pièces émanées, de la société et que, si ces pièces énoncent le capital, ce capital soit celui qui résulte du dernier bilan.

L'article 207 prévoit la violation de l'article 206 et il permet de rendre l'auteur de cette violation responsable du dommage qui en sera résulté ; mais, tandis que l'article 206 parle des actes, factures, annonces et autres pièces émanées des sociétés anonymes, l'article 207 n'établit de sanction que pour le cas où la prescription de l'article 206 est violée dans un acte.

II me semble, en outre, que cette disposition est inutile en présence de l'article 196, qui établit la responsabilité des administrateurs, à raison de tous les dommages qui peuvent résulter pour les tiers des infractions aux dispositions du présent titre.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Messieurs, je crois que la rédaction de l'amendement laisse beaucoup à désirer. Quant à moi, je préfère de beaucoup l'ancienne rédaction du projet : « Elle sera, en cas d'exagération du capital, tenue à l'égard des tiers avec qui il a été traité, de compenser la (page 57) différence entre le capital énoncé et le capital réel. » Je trouve cette rédaction bien meilleure que celle proposée par M. le ministre de la justice et à laquelle la commission s'est ralliée.

M. Demeur me paraît dans une complète erreur lorsqu'il suppose que toutes les pièces d'une société anonyme sont signées par les administrateurs.

A peu près aucune pièce émanant d'une société anonyme n'est signée par les administrateurs.

il n'y a que les pièces très importantes, mais les engagements ordinaires de la société sont toujours signés par le directeur. La sanction portée contre celui qui signe une pièce sans la mention prescrite par l'article 206 doit donc atteindre surtout le directeur. L'article 194 ne s'applique qu'aux administrateurs ; si on supprime l'article 207, toute sanction disparaîtra donc à l'égard des directeurs.

M. Demeurµ. - L'article 207 porte, en effet : « toute personne qui interviendra pour une société anonyme. » A ce point de vue, il est plus général que l'article 194, qui ne s'occupe que des administrateurs et des commissaires. Mais l'article 207 ajoute les mots : « dans un acte. » Or, je pense que les personnes qui interviennent dans les actes pour les sociétés anonymes sont sinon toujours, au moins en général, les administrateurs.

M. Pirmez, rapporteurµ. - L'honorable M. Demeur est dans une erreur complète.

Dans le plus grand nombre des sociétés anonymes, c'ait le directeur qui signe tous les actes contenant obligation.

Ainsi tous les effets de commerce qui, dans certaines sociétés, montent à un chiffre énorme, sont signés non par les administrateurs, mais par le directeur.

Or, il est évident que les administrateurs ne peuvent pas être responsables de ce que le directeur, qui a la signature, n'aura pas fait la mention dont il s'agit.

MjdLµ. - Je n'insisterai pas sur la nécessité du maintienne l'article. Elle a été suffisamment démontrée par l'honorable M. Pirmez. Je veux examiner seulement s'il faut préférer, dans la partie finale de l'article, la rédaction proposée par le gouvernement et adoptée par la commission à la rédaction primitive du projet. A cet égard, il importe de s'entendre. Je crois que l'amendement du gouvernement et le projet primitif n'expriment pas exactement la même idée.

Quel est le but que l'on veut atteindre ? C'est d'obliger celui qui sera intervenu pour une société anonyme dans un acte où le capital aura été exagéré, à tenir le tiers, avec lequel le contrat a été fait, indemne de la perte qui pourrait résulter pour lui de la fausse énonciation qui a été faite. Nous sommes d'accord sur ce point.

Or, la rédaction de la loi va bien au delà de ce but.

Supposons une société dont le capital est de 4 millions.. On indique dans l'acte un capital de 5 millions. Si je prends le texte du projet de loi, l'obligation de celui qui aura fait la mention du capital exagéré sera de compenser la différence entre le capital énoncé et le capital réel.

M. Pirmez, rapporteurµ. - A l'égard du tiers.

M. Baraµ. - En ce qui concerne sa dette.

MjdLµ. - Il sera donc obligé de le rembourser intégralement, sans aller au delà du montant de la créance sans doute, mais à concurrence, toujours sous cette réserve, de la différence entière entre le capital énoncé et le capital réel.

Je pense, messieurs, que c'est là une exagération. La perte que l'inexactitude commise dans l'indication du capital a fait éprouver aux tiers n'a pas cette importance. Il ne faut pas obliger celui qui a fait l'indication exagérée à supporter plus qu'une quotité de la dette proportionnelle à la différence entre le capital énoncé et le capital réel.

Ainsi, dans le cas que je viens de poser, il ne devrait être tenu à combler la différence que dans la proportion d'un cinquième, et encore n'y devrait-il être tenu que dans le cas où la société elle-même ne remplirait pas l'engagement.

Le projet de loi ne fait ni l'une ni l'autre de ces distinctions ; que la société remplisse l'engagement pris en son nom, ou qu'elle ne le remplisse point, celui qui aura pris l'engagement devra personnellement couvrir la différence. Et il devra la couvrir tout entière, bien que l'inexactitude commise ne soit que d'un cinquième.

M. Baraµ. - Messieurs, je pense qu'il faut conserver la rédaction telle qu'elle a été adoptée par l'ancienne Chambre. Nous sommes d’accord avec M. le ministre que c'est à défaut de la société que l'on peut actionner la personne qui se trouve dans le cas de l'article en discussion. Mais, sur le second point, la rédaction primitive nous paraît préférable. Le mot « bonifier » n'appartient pas du reste au langage juridique.

MjdLµ. - Je ne suis pas d'accord avec l'honorable préopinant quant au dernier principe qu'il vient d'énoncer.

Il n'y a pas lieu à « compenser » (puisqu'on tient au mot que l'on détourne le son sens juridique) l'intégralité, mais seulement une quotité proportionnelle.

Du reste, la Chambre pourrait renvoyer l'article à la commission.

- Cette proposition est adoptée.

En conséquence, l'article 207 est renvoyé à la commission.

Paragraphe 8. De l'émission des obligations

Article 208

« Art. 208. Les sociétés anonymes ne peuvent émettre d'obligations remboursables par voie de tirage au sort à un taux supérieur au prix d'émission, qu'à la condition que les obligations rapportent 5 p. c. d'intérêts au moins ; que toutes soient remboursables, par la même somme, et que le montant de l'annuité comprenant l'amortissement et les intérêts soit le même pendant toute la durée de l'emprunt.

« Il ne peut être émis d'obligations de cette nature qu'après la constitution de la société.

« Le montant de ces obligations ne pourra, en aucun cas, être supérieur au capital social versé. »

- Adopté.

Article 209

« Art. 209. En cas de liquidation, ces obligations ne seront admises au passif que pour une somme totale égale au capital qu'on obtiendra, en ramenant à leur valeur actuelle, au taux de 5 p. c, les annuités d'intérêts et d'amortissement qui restent à échoir. Chaque obligation sera admise pour une somme égale au quotient de ce capital, divisé par le nombre ides obligations non encore éteintes. »

M. Demeurµ. - Je propose de remplacer dans l'article 209 les mots « en cas de liquidation », par les mots « en cas de faillite. »

L'article donne la solution d'une question qui peut avoir une très grande importance, qui ne s'est jamais présentée en Belgique, mais qui s'est une présentée notamment en France et qu'il est utile de prévoir.

La compagnie du chemin de fer de Beziers est tombée en faillite après avoir émis, au taux de 140 francs, des obligations remboursables, dans une période de 99 ans, à 250 francs.

Les porteurs d'obligations se sont présentés au passif de la faillite. Pour quel chiffre fallait-il les admettre ?

La question a été portée jusqu'à la cour de cassation.

Il n'y avait pas de texte de loi résolvant cette question ; à la rigueur, chaque obligation devait être admise au, passif pour 250 francs, puisque le porteur était créancier de 250 francs- ; c'est ce qu'a décidé le tribunal de commerce de la Seine ; mais il y avait à cela une évidente injustice : il eût été contraire à l'équité de mettre les porteurs d'obligations, qui n'avaient droit à 250 francs qu'à une époque très reculée, sur le même pied que les créanciers dont la créance était exigible. La cour de Paris a décidé que les obligations seraient admises pour une somme égale au taux de l'émission.

Le pourvoi en cassation contre cet arrêt a été rejeté. C'est une solution analogue qui est reproduite dans l'article en discussion. Cet article porte que les obligations seront admises au passif, non au taux du remboursement prévu, mais pour une somme égale à celle que l'on obtiendra en ramenant à leur valeur actuelle, au taux de 5 p. c, les annuités d'intérêt et d'amortissement qui restent à échoir.

Cela est équitable, mais cela n'est admissible qu'en cas de faillite. La faillite est un mode de liquidation, c'est la liquidation forcée ; lès curateurs de la faillite ne peuvent payer les créanciers qu'au marc le franc de leurs créances, et, s'il y a des créances non exigibles, on comprend que la loi ne les mette pas sur le même pied que les créances exigibles.

Mais admettre cette modification à la convention que les parties ont conclue librement, pour tous les cas de liquidation autres que la faillite, cela me paraît impossible.

Voilà une société qui a émis des obligations remboursables dans une longue période à un taux supérieur au taux de l'émission.

Ces obligations sont remboursables, par exemple, dans le délai de trente ans ; au bout de dix ans, la société se met en liquidation ; quelle est sa position vis-à-vis des porteurs d'obligations ? Elle doit, payer le porteur au taux stipulé dans la convention.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Mais non.

(page 58) M. Demeurµ. - Comment non ?

Il vous plaira de vous mettre en liquidation et vous, qui m'avez promis de rembourser mes obligations à 500 francs, vous me répondrez : Je me suis mis en liquidation et je ne vous admets au passif de ma liquidation que pour une somme inférieure.

Mais c'est la violation des engagements que vous consacreriez là !

Vous avez promis de rembourser des obligations, émises à 300 francs, par 500 francs et vous ne m'offrez que 300, 350 ou 400 francs ; vous manquez donc à vos engagements et vous êtes couvert par la loi en vous mettant en liquidation.

Je comprends cela en matière de faillite ; il s'agit là de maintenir l'égalité entre tous les créanciers.

Cela n'est pas admissible pour les sociétés qui se mettent en liquidation.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Nous sommes d'accord qu'en cas de faillite la somme due aux obligataires doit être fixée à la valeur vraie des obligations en les ramenant par le calcul de l'annuité à leur import réel.

Je pense que la liquidation volontaire doit jouir des mêmes avantages que la liquidation forcée, et que ce qui est indispensable en cas de faillite ne doit pas être refusé quand il s'agit de liquidation amiable.

Mais il est une autre raison qui se trouve à l'article 244 et qui porte ceci : « Les liquidateurs payeront toutes les dettes de la société proportionnellement et sans distinction entre les dettes exigibles et les dettes non exigibles sous déduction de l'escompte pour celles-ci. »

Il faut donc bien fixer quel est le chiffre de la dette, des obligations qui sont remboursables à primes. L'honorable M. Demeur considère une obligation de 500 francs à 3 p. c. comme valant effectivement 300 francs. Or, ce capital n'est qu'un mot. L'honorable membre ne voit que le chiffre 500 inscrit sur l'obligation et il perd de vue que cette obligation n'est émise qu'à 250 ou 300 francs, et remboursable avec une prime après un grand nombre d'années.

Que vaut cette prime qui, d'après le jeu de l'amortissement, n'est payée à presque toutes les obligations qu'après un grand nombre d'années ? Mais peu de chose : la différence entre le remboursement à 500 francs et le remboursement à 300 francs est, à cause du grand nombre d'années du terme, très peu importante. Cela est tellement vrai que l'annuité des obligations de 500 francs, portant 15 francs de rente, n'est que de 10 fr. 13 c. intérêt et amortissement compris.

Quand une société doit se liquider, est-il juste d'attribuer immédiatement cette prime aux porteurs d'obligations sans tenir compte du terme après lequel elle est payable ?

L'honorable M. Demeur me répondra certainement que cela n'est pas juste ; il reconnaîtra que, sous prétexte de la forme qu'a prise l'obligation, ce serait forcer la société à payer une somme beaucoup supérieure à celle qu'elle doit réellement et surtout à celle qu'elle a reçue.

Il faut donc, en cette matière comme en toute autre, s'attacher plus au fond qu'à la forme des choses ; et appliquer à l'obligation, quelle que soit sa forme, les mêmes principes qu'aux autres titres de créance.

- L'amendement de M. Demeur est appuyé. Il fait partie de la discussion.

M. Demeurµ. - Aucun doute n'est possible quand il s'agit de liquidations qui se font à l'amiable entre les créanciers et les débiteurs. Il ne faut pas de loi pour cela.

Du moment que des créanciers acceptent une liquidation à l'amiable et consentent à réduire leurs créances, la convention qui intervient fait loi entre parties.

La question n'est pas de savoir s'il peut intervenir des conventions amiables ; il s'agit de savoir si l'on peut contraindre des créanciers à qui l'on a promis le remboursement au taux de 500 francs à ne recevoir qu'une somme moindre.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je lui fais le payement en déduisant l'amortissement.

M. Demeurµ. - Il s'agit, d'après l'article, d'obligations remboursables par voie de tirage au sort, à un taux supérieur au prix de l'émission.

Grâce à cette promesse, la compagnie a obtenu la faveur de payer un intérêt moindre. La question est donc celle-ci.

En se mettant en liquidation, la société peut-elle contraindre ses créanciers à accepter une somme moindre que celle qu'elle s'est engagée à leur payer ?

M, Pirmez, rapporteurµ. - Ils pourront attendre.

M. Demeurµ. - Vous dites : « Ces obligations ne seront admises au passif que pour une somme totale égale au capital qu'on obtiendra, en ramenant à leur valeur actuelle, aux taux de 5 p. c, les annuités d'intérêts et d'amortissement qui restent à échoir. »

M. Pirmez, rapporteurµ. - Veuillez relire l'article 244. Il y est dit :

« Les liquidateurs, sans préjudice aux droits de créanciers privilégiés, payeront toutes les dettes de la société, proportionnellement et sans distinction entre les dettes exigibles et les dettes non exigibles, sous déduction de l'escompte pour celles-ci. »

On offre donc à tous les créanciers un payement proportionnel. Mais si l'on paye immédiatement les créanciers à terme, on ne peut leur payer que sous déduction des intérêts et de l'amortissement à échoir.

S'ils ne veulent pas recevoir, on attendra le terme, mais on devra bien payer les créances exigibles.

Ils supporteront la conséquence.

Comment ! ils profiteront des avantages du terme qu'ils réclament ? Je crois qu'on ne rencontrera jamais un créancier qui fera cela.

M. Demeurµ. - Si une société agissait comme vient de le dire M. Pirmez, il n'y aurait qu'une chose à faire : le tribunal devrait d'office la déclarer en faillite. Si elle est solvable, elle doit payer ses créanciers.

On ne peut admettre qu'elle remboursera à ses créanciers une somme moindre que celle qu'elle a promise.

De deux choses l'une : ou la disposition de l'article 209 a un caractère obligatoire ou elle n'a pas de caractère obligatoire pour le créancier. Si elle n'est pas obligatoire, elle est sans valeur. Si elle est obligatoire, c'est une faveur injuste accordée à la société qui se met en liquidation.

Je persiste donc dans mon amendement.

M. Baraµ. - Messieurs, je crois que cet article ne s'applique qu'au cas où le capital est insuffisant.

Ce qui a donné lieu à cet article, c'est le concours des obligataires à créances exigibles avec d'autres à créances à terme. Dès lors il est évident pour moi que cela ne peut arriver que dans un cas de liquidation où le capital est insuffisant pour payer tous les créanciers.

Lorsque le capital est insuffisant, il n'est pas nécessaire de faire déclarer la faillite : on peut faire prononcer la dissolution de la société et procéder à la liquidation. Mais ce n'est que pour le cas, je le répète, où le capital est insuffisant pour payer tout le monde et alors encore les créanciers à terme pourront ne pas toucher la somme qui leur sera offerte, et les liquidateurs seront tenus de consigner cette somme.

Je crois que c'est comme cela que l'article doit être interprété. Mais je ne pense pas qu'en cas de liquidation pour une autre cause que l'insuffisance du capital, on puisse obliger le créancier à recevoir moins que le montant de sa créance. Sous ce rapport, l'article me paraît douteux. Il faudrait l'examiner.

M. Demeurµ. - L'article ne dit pas cela.

M. Baraµ. - C'est le sens de l'article : « Ces obligations ne seront admises au passif que pour une somme totale égale au capital qu'on obtiendra en ramenant à leur valeur actuelle, au taux de 5 p. c, les annuités d'intérêt et d'amortissement qui restent à échoir. » Vous voyez donc qu'on règle les intérêts en présence qui veulent se satisfaire sur un capital insuffisant.

La société n'a pas été déclarée en faillite ; elle se liquide selon les règles du code de commerce. Si vous le voulez, on peut ajouter : en cas de liquidation provenant de l'insuffisance du capital, puisque ce n'est, pour moi, que dans ce cas que l'article doit être appliqué.

MjdLµ. - Je pense qu'il faut maintenir l'article tel qu'il est. Au fond, l'honorable M. Bara ne s'éloigne guère des idées exprimées par l'honorable M. Pirmez. Pour le cas de faillite, point de doute. Pour le cas de liquidation, l'article 244 règle la situation des créanciers : « Les liquidateurs, sans préjudice aux droits des créanciers privilégiés, payeront toutes les dettes de la société, proportionnellement et sans distinction entre les dettes exigibles et les dettes non exigibles, sous déduction de l'escompte pour celles-ci. »

Or, voici le porteur d'un titre de créance non exigible. Rien n'autorise ce créancier à demander hic et nunc un payement intégral. Il ne serait pas équitable qu'il le reçût.

Il y aurait, dans les cas ordinaires, à déduire l'escompte. Cette déduction n'est guère possible à cause de l'incertitude du terme d'exigibilité.

Il faut régler cette hypothèse. L'article y pourvoit, et il y pourvoit d'une manière avantageuse au créancier plutôt que désavantageuse pour lui. Il n'oblige pas le porteur d'obligation à recevoir le remboursement. Libre à lui de demeurer indéfiniment le créancier de la société en (page 59) liquidation. Mais si, comme son intérêt le commande, il préfère un remboursement immédiat à de lointaines espérances, c'est d'après les bases fixées par la disposition qui nous occupe qu'il le recevra. Et de quoi se plaindrait-il ? Son titre ne vaut assurément pas le capital nominal. Il ne le vaudra qu'après un nombre plus ou moins considérable d'années. Qu'il n'invoque donc ni la justice, ni l'équité pour exiger au delà de ce que vaut sa créance.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je pense que nous pouvons encore mieux préciser la question. Je suppose une société qui, par une circonstance quelconque, est obligée de se mettre en liquidation. Elle n'a manqué à aucun engagement, et on peut supposer qu'elle payera toutes ses dettes.

Si notre article 244 n'existait pas, que faudrait-il faire ? Payer toutes les dettes à mesure de leur exigibilité et attendre, pour les obligations, les désignations du sort pendant quatre-vingt-dix ans.

Mais nous avons pensé que cela n'est pas possible, que lorsqu'on liquide on ne peut attacher cette importance à l'exigibilité ou à la non-exigibilité des créances.

On réunira donc les créanciers, on leur offrira le payement proportionnel, mais, évidemment, on n'offrira pas aux créanciers qui ont droit à une prime au bout de 90 ans, on ne leur offrira pas cette prime immédiatement ; on réduira cette prime à la valeur du jour. Si le créancier ne veut pas recevoir la valeur actuelle de son titre, il est dans tous ses droits. Seulement il ne doit pas trouver mauvais que l'on paye les créances exigibles.

Qu'arrivera-t-il en fait ? C'est que tous les créanciers accepteront le payement immédiat à la valeur du jour.

C'est réellement une offre avantageuse que l'on fait aux créanciers. (Interruption.)

Il n'y a guère d'obligations qui se payent au prix qu'indique notre article et certainement ce ne sont pas les obligations d'une compagnie en liquidation qui auront un cours semblable sur le marché.

Bien loin d'être désavantageux aux obligataires, la position qui leur est faite est toute dans leur intérêt ; nous comprendrions qu'on réclamât si on les obligeait à attendre l'échéance de leurs titres ; nous ne le comprenons pas quand, pour sauvegarder leurs droits, on supprime le terme en leur tenant compte même de la prime et en la réduisant seulement à sa valeur actuelle.

M. Demeurµ. - Messieurs, la discussion que la Chambre vient d'entendre démontre qu'il y a une distinction à faire entre les cas de faillite et les autres cas de liquidation.

En cas de liquidation volontaire, le créancier ne sera pas obligé d'accepter les conditions ; en cas de liquidation forcée pour cause de faillite, comme dans l'affaire de la compagnie française de chemin de fer dont j'ai parlé tout à l'heure, il sera tenu d'accepter les conditions.

Je demande que l'article 209 soit renvoyé à la commission pour un nouvel examen.

M. Boucquéauµ. - Messieurs, l'article 244 ne modifie en rien mon observation relative à l'article 209. Je crois que cet article peut être modifié de manière à indiquer sa véritable portée, qui ne peut être de modifier le contrat existant entre la société et ses obligataires. Il suffirait de dire :

« En cas de liquidation, les obligations seront, si le porteur le désire, admises au passif pour une somme égale au capital qu'on obtiendra en ramenant à leur valeur actuelle, au taux de 5 p. c, les annuités d'intérêts et d'amortissement qui restent à échoir, chaque obligation étant admise pour une somme égale au quotient de ce capital, divisé par le nombre des obligations non encore éteintes. »

De cette manière, le remboursement immédiat de l'obligation est indiqué comme un droit pour les obligataires et non pas comme une offre qu'ils sont obligés d'accepter ; par conséquent, l'ambiguïté disparaît. (Interruption.)

Pour quelle raison dit-on ici qu'en cas de liquidation les obligations seront admises ? Parce que pendant la longue période fixée pour le remboursement avec prime le sort des obligations peut devenir précaire ; on leur donne donc le droit, si la société modifie son organisation ou son but primitif, de réclamer la liquidation immédiate de leur créance. Mais il faut aussi que ce droit ne soit pas une obligation. Or, d'après la rédaction primitive, ne disant pas que c'est de la part de l'obligataire une simple faculté, vous paraissez inscrire dans la loi la faculté pour un débiteur de violer son contrat.

En effet, vous ne pouvez obliger un obligataire qui avait compté sur la perception d'une rente annuelle au bout de laquelle il devait trouver une prime, ce qui se concilie ses idées de père de famille, vous ne pouvez, dis-je, obliger cet obligataire à recevoir, au lieu de sa rente annuelle, un capital quelconque dont il aura de nouveau à chercher le placement.

Je persiste donc dans mes observations et je demande que l'article 209 soit rédigé de manière à ne pas laisser croire qu'une société solvable puisse de son seul gré modifier ses engagements et sa position vis-à-vis des obligataires.

MpTµ. - Si M. Boucquéau propose un amendement, je le prierai de l'envoyer au bureau.

M. Baraµ. - Nous sommes tous d'accord que si le capital est insuffisant, il faut payer, et de suite.

Je crois que M. Demeur lui-même sera de mon avis.

M. Demeurµ. - Non.

M. Baraµ. - En payant au marc le franc ?

M. Demeurµ. - Mais non ; on ne peut obliger un créancier à recevoir moins que ce qui lui est dû.

M. Baraµ. - Du tout.

M. Demeur admet ce fait en cas de faillite ; mais je ne vois pas pourquoi il faudrait ne pas admettre la même règle en cas de liquidation à l'amiable pour insuffisance du capital. Faut-il qu'on soit obligé à déclarer la faillite ? (Interruption.)

Est-ce là que vous voulez arriver ? Evidemment non.

Si le capital est insuffisant, il faut évidemment qu'on rembourse les obligations à terme, et pour en fixer la valeur je crois, pour ma part, que le mode de calcul indiqué par l'article en question peut être admis.

C'est même un très grand avantage qui est fait aux obligataires à terme, puisqu'on les rembourse à raison de 315 francs par obligation.

Ainsi donc, il n'y a de difficultés que lorsque le capital est suffisant, que la société est. solvable, et, selon moi, dans ce cas, le créancier en terme doit pouvoir exiger qu'on ne le rembourse pas de suite.

A cet égard, les observations de MM. Demeur et Boucquéau me paraissent fondées, et ces observations concernent aussi les articles relatifs à la liquidation.

C'est une question de savoir s'il faut admettre le droit pour les sociétés anonymes solvables de se dégager du terme en se mettant en liquidation.

L'article 214 dit que : « les liquidateurs payeront toutes les dettes de la société. »

Et l'article 245 : « Après le payement ou la consignation des sommes nécessaires au payement des dettes. »

Par conséquent, d'après le mode de liquidation que nous avons admis, les sociétés ont le droit de se dégager de leurs obligations à terme, en leur payant ou en consignant les sommes nécessaires à les acquitter selon l'article en discussion.

Je crois que ce mode est critiquable, et qu'on ne peut pas l'admettre pour une société solvable.

Qu'on l'admette pour les sociétés en faillite ou en liquidation, parce qu'elles ne peuvent pas payer, soit, je concède, mais il me paraît peu juste d'aller au delà.

Mais quand une société liquide volontairement, bien que ses affaires soient dans une bonne situation, je ne vois pas pourquoi le contrat ne serait pas rempli à l'égard des obligataires ; je ne vois pas pourquoi la société ne continuerait pas à satisfaire à toutes les obligations qu'elle a contractées. Les créanciers à terme, maîtres de leurs droits, restent libres d'accepter le mode de liquidation qui leur est offert ; s'ils ne le font pas, il faut que la société reste engagée vis-à-vis d'eux.

Les observations qui viennent d'être faites touchent non seulement à l'article en discussion, mais aussi aux articles relatifs à la liquidation, je crois qu'il convient de renvoyer l'article à la commission pour qu'elle puisse examiner les diverses questions soulevées.

- Le renvoi de l'article à la commission est ordonné.

Article 210

« Art. 210. Les porteurs d'obligations ont le droit de prendre connaissances des pièces déposées en conformité de l'article 205. »

MpTµ. - M. le ministre de la justice, d'accord avec la commission, propose la suppression de la partie finale de l'article qui était ainsi conçue :

« Ils peuvent assister aux assemblées générales, mais avec voix consultative seulement. »

M. Baraµ. - Je demande au gouvernement et à la commission pourquoi on a supprimé le dernier paragraphe de l'article primitif, qui permettait aux obligataires d'assister aux assemblées générales avec voix consultative seulement.

Je l'ai déjà dit plusieurs fois et je dois le répéter encore, il y a beaucoup de sociétés et il y en aura beaucoup encore dans lesquelles les (page 60) obligataires ont et auront des intérêts beaucoup plus considérables que les actionnaires.

Or, les obligataires ne sont jamais en rapport avec les actionnaires, ils ne les connaissent pas ; désormais ils pourront les rencontrer une fois par an et savoir ce qui se passe dans leurs assemblées.

Dans le projet voté, ils avaient une garantie admise et, j'ajoute, sans observation, en 1870 par la Chambre ; on a compris alors que, dans la situation des choses, il fallait donner aux obligataires le moyen d'être en contact avec les actionnaires et d'émettre leurs idées et de faire leurs réclamations en assemblée générale.

On a observé en 1870 les principes de droit, et pour séparer la qualité d'actionnaire de celle d'obligataire, on a reconnu que l'actionnaire devait seul avoir le droit de décision, mais on a cependant permis à l'obligataire d'assister aux assemblées générales pour y faire entendre ses observations ou ses plaintes.

M. le ministre de la justice se place dans cet ordre d'idées, que l'associé est celui qui est intéressé pour les bénéfices et les pertes.

Ce principe, vrai au fond, n'empêche pas qu'on n'étende les droits des obligataires. Il suffit qu'on ne leur donne pas le droit de décider.

Si vous ne tenez pas compte des faits dans vos lois, celles-ci ne seront pas conformes aux besoins sociaux.

Il y a des sociétés, où les administrateurs ont toutes les actions sur lesquelles il a été très peu versé ou qu'on a rachetées presque pour rien et où le capital réel se constitue des obligations. Dans ces sociétés, les obligations sont les véritables et presque les seuls intéressés.

Je pense donc qu'il y a lieu de maintenir la disposition qui a été adoptée au premier vote.

J'appellerai ensuite l'attention de M. le ministre et de la commission sur un point très important, c'est l'action que les créanciers peuvent avoir contre les actionnaires d'une société anonyme ou en commandite par actions qui n'a pas complété son versement.

On émet des actions de 1,000 francs ; mais il n'y a que 500 francs versés. Un beau jour, la société se trouve dans de mauvaises affaires. On décide qu'il n'y aura plus d'appel de fonds et les créanciers n'ont aucun moyen de se faire payer. Il y a là quelque chose à faire.

Il faut que le créancier puisse faire faire un appel de fonds.

L'honorable M. Sainctelette me dit : Et si la société n'est pas en faillite ?

Mais il n'est pas toujours de l'intérêt des créanciers de faire déclarer la faillite de leurs débiteurs.

Vous voulez que chaque fois qu'il y a mauvais vouloir de l'administrateur on aille compromettre les intérêts de la société par une mise en faillite immédiate. Cela ne doit pas être.

Eh bien, messieurs, si les actionnaires doivent de l'argent, il faut qu'on puisse forcer la société à faire des appels de fonds.

Pourquoi, messieurs, lorsque le capital d'une société n'est pas entièrement versé, et qu'il y a des créanciers, tolérerait-on que les administrateurs n'obligent pas les actionnaires à se libérer ? Ils ne le font pas, parce que les actionnaires et les administrateurs sont intéressés à ne pas le faire.

Ils laissent la chose à l'abandon et ils ne payent pas leurs créanciers.

Il faut donc donner aux obligataires, aux créanciers, le droit d'obliger les administrateurs à faire des appels de fonds lorsqu'ils ne veulent pas payer, lorsqu'ayant obtenu jugement contre la société, la société ne veut prendre aucune mesure pour les payer.

C'est ce qu'on fait en matière communale ; lorsqu'une commune ne veut pas payer des dépenses obligatoires, on inscrit d'office ces dépenses à son budget. Par conséquent, quand une société anonyme ne veut pas payer ses dettes et que les actionnaires ne sont pas libérés, qu'on donne aux obligataires le droit de forcer les administrateurs à faire des appels de fonds. Bien plus, si les administrateurs sont condamnés à faire ces appels de fonds et qu'ils s'y refusent, il faut donner aux obligataires le droit d'actionner eux-mêmes les actionnaires en payement de leur dette jusqu'à concurrence de l'import de leurs actions.

On admet ce droit pour les créanciers d'une société en commandite simple, parce que dans les sociétés de ce genre les commanditaires sont tenus de payer les dettes de la société. C'est un engagement qu'ils ont pris dans l'acte social, mais la cour de cassation a dénié ce droit pour les sociétés anonymes, qui sont des associations de capitaux ; il en résulte que les créanciers ne peuvent pas actionner directement les actionnaires. Je demande donc que l'on puisse faire condamner les administrateurs à faire des appels de fonds, et qu'en cas de condamnation, s'ils ne font pas ces appels de fonds, on autorise les créanciers à actionner directement les actionnaires pour les forcer à payer les sommes qui restent à verser.

Quant à l'article en discussion, je demande le rétablissement des mots supprimés.

M. Pirmez, rapporteurµ. - La première observation de l'honorable M. Bara est relative au droit pour les obligataires d'assister à l'assemblée générale des actionnaires.

Ce droit n'existait pas dans le projet primitif. On l'a introduit dans la discussion en 1870 ; je m'y suis rallié.

M. le ministre de la justice a proposé de le supprimer ; j'ai encore accepté.

L'honorable M. Bara propose de le rétablir ; j'accepte encore le rétablissement. Je suis à cet égard de la meilleure, composition du monde, car, pour moi, cela n'a aucune espèce d'avantage et n'a aucune espèce d'inconvénient.. Je crois donc que si l'on y voit une garantie quelconque, il ne faut pas hésiter à accorder aux obligataires le droit d'assister aux assemblées générales. Je ne crois pas qu'il s'en rencontrera beaucoup, car ils n'auront absolument rien à dire et ils connaîtront beaucoup plus facilement et beaucoup mieux la situation de la société par les publications qui sont obligatoires. Mais, je le répète, si quelques obligataires tiennent à ce droit, qu'on le leur accorde.

L'autre question qu'a soulevée l'honorable M. Bara est beaucoup plus importante, est certainement une des questions les plus difficiles que présente la matière des sociétés. Cette question m'a préoccupé dès la rédaction du premier rapport. J'avais pensé qu'on pourrait la laisser résoudre par la jurisprudence.

Depuis lors, j'y ai réfléchi ; j'ai constaté la variété et les hésitations des tribunaux et j'estime qu'il y a quelque chose à faire.

Nous aurons, je crois, à déterminer deux points.

Nous aurons d'abord à régler l'action directe que l'on est assez d'accord pour accorder aux créanciers contre les associés en nom collectif et contre les associés en commandite simple ; cette question est déjà renvoyée à la commission.

Nous aurons ensuite à déterminer les conditions de l'action que les créanciers peuvent avoir contre les actionnaires, dans les sociétés en commandite par actions et dans les sociétés anonymes.

J'ai préparé, à cet égard, une rédaction qui, je crois, devra figurer dans un des titres qui n'ont pas encore été discutés.

Je crois qu'il est inutile de développer aujourd'hui ces amendements, et qu'il est beaucoup plus simple que je les soumette à la commission qui les examinera. Probablement, mes honorables collègues y apporteront des changements. Je crois qu'il vaut mieux présenter à la Chambre une rédaction qui ait été revue ; nous compliquerons moins les débats.

MjdLµ. - Messieurs, j'ai proposé la suppression de la partie finale de l'article 210 qui accorde aux obligataires le droit d'assister aux assemblées générales avec voix consultative, et le motif en est simple : il ne faut pas s'écarter des règles du droit sans une absolue nécessité. Or, la disposition dont je demande la suppression est en contradiction flagrante avec les principes de droit les plus certains.

On fait une confusion complète entre deux situations essentiellement différentes : la position des actionnaires, qui sont des associés, et la position des obligataires, qui sont des créanciers.

Qu'est-ce que c'est que l'assemblée générale ? C'est la réunion des propriétaires du patrimoine social, la réunion des mandants qui viennent demander compte à leurs mandataires, et discuter les moyens les plus efficaces de faire fructifier leur patrimoine commun.

Que les créanciers aient le droit de venir s'immiscer dans l'administration de ce patrimoine qui, pour être leur gage, n'est pas leur chose, c'est ce que, juridiquement, je ne saurais admettre.

Je ne vois pas, d'ailleurs, pourquoi l'on ferait une distinction entre l'obligataire et le créancier ordinaire ; le créancier ordinaire peut avoir un intérêt beaucoup plus considérable que le porteur de quelques titres de 300 francs.

Et cependant, il ne vient à l'idée de personne d'admettre les créanciers ordinaires à l'assemblée générale, pas plus qu'il ne vient à la pensée de personne d'admettre le créancier d'un particulier à l'examen des dispositions qu'il croit devoir prendre pour la gestion de sa fortune.

Telles sont, messieurs, les considérations de droit qui m'ont porté à proposer la suppression de la disposition.

Maintenant, quant au danger qu'elle peut présenter, je suis très porté à partager l'opinion de l'honorable M. Pirmez. J'espère que les obligataires seront plus sages que la loi elle-même et qu'ils feront un usage discret d'une faculté dont l'abus serait si facile.

Je me réfère au surplus à la décision de la Chambre. Je n'attache à la (page 61) question d'autre importance que celle que j'ai indiquée tout à l'heure ; le respect des principes.

M. Drubbelµ. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour faire l'observation qui vient d'être parfaitement développée par M. le ministre de la justice. J'ajouterai un mot seulement. Il me semble qu'en accordant aux obligataires, qui ne sont que des créanciers en définitive, le droit absolu d'assister aux assemblées générales, on crée une anomalie dans la loi, parce que certains actionnaires eux-mêmes n'ont pas droit d'y assister, d'après un article précédent qui a été, il est vrai, renvoyé à la commission.

D'après cet article, les statuts déterminent le nombre d'actions qu'il est nécessaire de posséder pour être admis dans l'assemblée générale ; de sorte que les actionnaires qui n'auront qu'un nombre restreint d'actions en seront exclus.

Je ne saurais admettre, pour ma part, que des obligataires, c'est-à-dire des créanciers, auraient, dans tous les cas, le droit d'assister aux assemblées générales, tandis qu'on le refuserait à certains actionnaires eux-mêmes.

Que si la partie finale de l'article 210, dont le gouvernement et la commission proposent la suppression, était conservée, il faudrait, à mon avis, mettre cette disposition en harmonie avec celle de l'article 201 et permettre à tous les actionnaires indistinctement d'assister aux assemblées générales de la société,

M. Baraµ. - Messieurs, je ne sais s'il est des actionnaires qui ne peuvent assister aux assemblées générales. Au surplus, c'est une question à examiner ; du reste, je ne m'oppose nullement à ce qu'on admette tous les actionnaires à assister aux assemblées générales. Mais de ce qu'il y a des omissions dans la loi, cela ne doit pas faire rejeter un amendement tendant à autoriser les obligataires à assister aux assemblées générales.

Un mot maintenant à M. le ministre de la justice. Il dit que ma proposition est contraire aux principes. Il n'en est rien. Nous avons parfaitement le droit de faire en cette matière tout ce qui est nécessaire pour satisfaire aux besoins sociaux. Nous ne pouvons pas méconnaître cette vérité, c'est que souvent la société anonyme est une chose anomale et qui n'est pas toujours conforme aux principes. Ainsi, dans la société anonyme, on suppose un capital actions, et il en est dont le capital actions n'est plus rien ; dès lors il faut garantir les obligataires qui ont fait, eux, le vrai capital,

Est-ce que vous ne pourriez pas prescrire la publicité des assemblées générales ? Vous le pourriez ; vous avez prescrit la publication de l'acte social ; ce n'est certainement pas pour les actionnaires que vous l'avez fait ; vous pourriez donc prescrire aussi la publicité des assemblées générales.

Je ferai remarquer que dans l'ancienne législation où les obligataires n'assistaient pas à l'assemblée, il y avait un commissaire du gouvernement qui y assistait. C'était là une garantie, car si les actionnaires avaient voulu prendre une position qui pût nuire aux intérêts des obligataires, celui-ci pouvait intervenir et provoquer près du gouvernement le retrait de l'arrêté d'autorisation ; mais actuellement il n'y a plus de commissaire. Les premiers venus peuvent s'associer pour constituer une société anonyme ; dès lors il faut une garantie pour les obligataires ; il faut leur laisser faire l'office de commissaire du gouvernement en ce qui concerne leurs intérêts.

N'oublions jamais que nous ne nous trouvons pas ici dans le droit naturel, mais dans un droit conventionnel, en vue de favoriser les intérêts du commerce et de l'industrie. Nous créons des êtres qui sont,ce qu'on appelle en droit philosophique, des monstres, des fictions ; c'est pourquoi nous devons aussi créer des garanties et, en les demandant, je ne contrarie en rien les principes.

- L'article est adopté avec le rétablissement des mots ; « ils peuvent assister aux assemblées générales, mais avec voix consultative seulement. »

Paragraphe 9. – De la durée et de la dissolution des sociétés anonymes

Article 211

« Art. 211. Les sociétés anonymes qui ont pour objet l'exploitation d'une concession accordée par le gouvernement peuvent être formées pour la durée de la concession.

« La durée des autres sociétés ne peut excéder trente ans. S'il est stipulé une durée plus longue, elle est réduite à ce terme.

« La société peut être successivement prorogée dans les formes prescrites pour les modifications aux statuts, pour un nouveau terme expirant dans les trente ans de la prorogation. »

MpTµ. - Vient ensuite un quatrième paragraphe ainsi conçu, proposé par le gouvernement et auquel la commission se rallie :

« La dissolution peut être prononcée avant le terme convenu par une décision de l'assemblée générale réunissant les voix de plus de la moitié des actionnaires représentant les trois quarts du capital social. »

M. Demeurµ. - Je demande comment le quatrième alinéa de cet article pourra être mis en pratique. Il exige la présence de plus de la moitié des actionnaires, mais lorsqu'il y a des actions au porteur, comment pourra-t-on constater que les actionnaires présents forment plus de la moitié des actionnaires ?

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je crois que l'observation de M. Demeur est exacte ; mais je tiens à faire une autre observation.

Les dispositions qui se trouvent à l'article 211 sont des dispositions impératives, tandis que la disposition proposée par M. le ministre est simplement supplétoire du silence des parties.

Si tel en est le sens, je crois qu'il serait nécessaire de dire qu'il n'y a rien d'obligatoire à cet égard ; et, peut-être le mieux serait de ne pas faire cette addition d'une disposition interprétative au milieu de dispositions impératives,

MjdLµ. - Messieurs, la rédaction de l'article est empruntée à l'article 239, qui emploie exactement les mêmes termes.

Je ne vois pas de nécessité absolue à ce que la loi prévoie une hypothèse, dont le règlement peut être abandonné aux statuts. Je ne fais donc pas de difficulté pour renoncer à l'amendement.

- L'article 211 est adopté.

Articles 212 et 213

« Art. 212. En cas de perte de la moitié du capital social, les administrateurs doivent soumettre à l'assemblée générale la question de dissolution de la société. Si la perte atteint les trois quarts du capital, la dissolution pourra être prononcée par les actionnaires possédant un quart des actions représentées à l'assemblée. »

- Adopté.


« Art. 213. La dissolution doit être prononcée sur la demande de tout intéressé, lorsque six mois se sont écoulés depuis l'époque où le nombre des associés a été réduit à moins de sept. »

- Adopté.

Section IV. Des sociétés en commandite par actions

Articles provisoirement non numérotés

MpTµ. - Ici, la commission, propose une section IV intitulée : « Des sociétés en commandite par actions » et dont les dispositions trouveraient place après l'article 213.

« I. La société en commandite par actions est celle que contractent un ou plusieurs associés responsables et solidaires avec des actionnaires qui n'engagent qu'une mise déterminée. »

- Adopté.


« IL La société existe sous une raison sociale qui ne comprendra que le nom d'un ou de plusieurs associés responsables. Il peut y être ajouté une dénomination particulière ou la désignation de l'objet de son entreprise. »

- Adopté.


« III, Les dispositions relatives aux sociétés anonymes sont applicables aux commandites par actions, sauf les modifications indiquées dans la présente section. »

- Adopté.


« IV. Les associés gérants sont nécessairement indiqués dans l'acte constitutif et sont responsables comme fondateurs de la société. »

- Adopté.


« V. Les actions sont signées par les gérants et par deux commissaires. »

- Adopté.


« VI. La gérance de la société appartient à des associés désignés par les statuts et dont les droits sont aussi fixés par les statuts. »

- Adopté.


« VII. La surveillance de la société est confiée à trois commissaires au moins. »

- Adopté.


« VIII. Le conseil de surveillance peut donner ses avis sur les affaires que les gérants lui soumettent et autoriser les actes que les statuts lui ont réservés.

« L'actionnaire qui prend la signature sociale autrement que par procuration, et dont le nom figure dans la raison sociale devient, vis-à-vis des tiers, solidairement responsable des engagements de la société. »

M. Demeurµ. - Je demande s'il n'y a pas une faute d'impression (page 62) dans cet article. Il exige deux conditions pour que l'actionnaire devienne responsable ; il faut qu'il prenne la signature sociale autrement que par procuration et que son nom figure dans la raison sociale.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Il y a évidemment une faute d'impression ; il faut lire : « ou dont le nom », au lieu de « et dont le nom ».

- L'article, ainsi rectifié, est adopté.


« IX. Sauf disposition contraire des statuts, l'assemblée générale des actionnaires ne fait et ne ratifie les actes qui intéressent la société à l'égard des tiers ou qui modifient les statuts, que d'accord avec les gérants.

« Elle représente les actionnaires vis-à-vis des gérants. »

- Adopté.


« X. Si la société prend une dénomination particulière dans tous les actes, factures, annonces, publications et autres pièces, on doit trouver la dénomination sociale précédée ou suivie de ces mots : Commandite par actions. »

- Adopté.


« XL Sauf stipulation contraire, la société prend fin par la mort d'un gérant. »

- Adopté.

Section V. Des sociétés coopératives

Paragraphe premier. De la nature et de la constitution des sociétés coopératives

Articles 214 et 215

« Art. 214. Il peut être créé, sous le nom de sociétés coopératives, des sociétés dans lesquelles on aura la faculté de stipuler :

« 1° Que le nombre des associés et le capital social peuvent augmenter et diminuer dans les conditions prescrites au paragraphe 2 de la présente section ;

« 2° Que tout associé peut être exclu de la société dans les cas prévus par les statuts ;

« 3° Que les associés s'engagent solidairement ou divisément sur tout leur patrimoine ou jusqu'à concurrence d'une somme déterminée seulement ;

« 4° Que les gérants ou administrateurs ne s'engagent pas au delà de leur mise, quelle que soit l'étendue de la responsabilité des associés ;

« 5° Que la société sera constituée et pourra commencer ses opérations sans que les associés aient personnellement versé tout ou partie du capital. »

M. Pirmez, rapporteurµ. - Messieurs, il n'y a aucune matière dans la loi qui ait donné lieu à d'aussi longs travaux et à un aussi long examen que ce qui concerne les sociétés coopératives,

Il s'agit, en effet, d'une société tout à fait nouvelle dans notre pays et dont il faut fixer le caractère juridique.

La plus grande difficulté a été d'en donner une définition,

Le projet de loi ne dit pas en quoi la société coopérative se distingue des autres sociétés.

Il n'impose ni stipulation, ni de mode de gestion essentiel à cette société. Il se borne à dire qu'il y a des sociétés où l'on peut convenir de certaines dispositions sans qu'on doive en stipuler aucune.

Je crois que si l'on voulait prendre le projet à la lettre, on arriverait, au moyen des sociétés coopératives, à faire absolument tout ce qui est défendu dans les autres espèces de sociétés. Il suffirait de changer le nom de la société pour que toutes les prohibitions de la loi s'évanouissent complètement. Ainsi, par exemple, pour les sociétés coopératives, on n'exige aucun nombre d'associés déterminé ; on peut créer une société coopérative de deux personnes. On peut stipuler qu'aucune des deux personnes ne sera tenue au delà d'une certaine somme et l'on peut aussi arrêter que les deux personnes seront en même temps gérants de la société.

Or, messieurs, si l'on fait cela, on crée une société en commandite où il n'y a que des commanditaires qui gèrent sans responsabilité solidaire.

Evidemment on n'a pas voulu donner au projet cette portée, qu'il a cependant réellement.

Il me paraît qu'il est impossible de ne pas entrer dans une détermination plus précise que celle qui consiste à accorder des facultés de stipulations sans dire en quoi consistent ces sociétés et quel sera le point obligatoire qui autorisera ces stipulations prohibées ailleurs.

Je reconnais que la difficulté est très grande. Je me suis beaucoup occupé, avec mon collègue, M. Bara, de cette question lorsque le gouvernement a présenté le projet, mais nous n'avions rien trouvé qui nous satisfît.

Convaincu qu'une définition est absolument nécessaire, j'ai réexaminé depuis quelques jours cette question et je pense qu'elle n'est pas insoluble, qu'on peut parfaitement déterminer le caractère d'une société coopérative.

En quoi consistent les sociétés coopératives ? , Les sociétés coopératives sont d'abord nécessairement des sociétés de personnes ; elles ne sont pas des sociétés de capitaux. Et cela est si vrai, qu'il est absolument interdit dans ces sociétés de céder son intérêt. L'associé peut se retirer et se faire remplacer par un autre associé ; il peut y avoir substitution d'un associé à l'autre, moyennant certaines formes déterminées, mais il n'y a pas, à proprement parler, de cession d'intérêt ; il y a une retraite et une admission d'associés.

Les sociétés coopératives ont un autre caractère bien plus essentiel encore : c'est la variabilité de leur personnel et de leurs capitaux. Leurs membres peuvent se retirer, de nouveaux sociétaires être admis ; les capitaux engagés, les engagements pris peuvent augmenter ou décroître. Voilà ce qui les caractérise surtout.

Je crois que si vous n'avez pas ces caractères essentiels et fondamentaux, il est impossible qu'il y ait société coopérative.

Sans qu'il y ait là un caractère juridique essentiel, il me paraît nécessaire d'exiger, pour qu'il y ait une société coopérative, qu'il y ait un certain nombre de personnes ; on ne peut pas constituer une semblable société entre deux personnes seulement. Si l'on exige sept membres pour une société anonyme, à plus forte raison faut-il exiger ce nombre d'associés pour les sociétés coopératives.

Voilà donc les caractères essentiels qui me semblent devoir être introduits dans la loi, qui détermineront en quoi consistent les sociétés auxquelles peuvent être appliquées les dispositions dont nous allons nous occuper.

Voici donc comment je propose de remplacer les articles 214 et 215 :

« Art. 214. La société coopérative est celle dans laquelle les associés s'engagent indéfiniment ou jusqu'à concurrence d'une certaine somme, mais dont le personnel ou le capital peuvent être modifiés par l'admission ou la retraite d'associés, ou par l'augmentation ou la diminution des engagements ou des versements.

« Art. 215. La société coopérative n'existe pas sous raison sociale ; elle est qualifiée par une dénomination particulière,

« Les parts des intérêts dans la société sont incessibles,

« La société doit être composée de sept personnes au moins,

« Elle est administrée par un ou plusieurs mandataires, associés ou non associés qui ne sont responsables que du mandat qu'ils ont reçu.»

Vous remarquerez que la définition que je donne comprend les facultés indiquées dans l'article 214.

Ainsi elle permet que le nombre des associés et le capital social augmentent ou diminuent ; qu'un associé puisse être exclu de la société dans les cas prévus par les statuts ; que les associés s'engagent solidairement ou divisément sur tout leur patrimoine ou jusqu'à concurrence d'une somme déterminée seulement ; que les gérants ou administrateurs ne s'engagent pas au delà de leur mise, quelle que soit l'étendue de la responsabilité des associés ; enfin que la société sera constituée et commence ses opérations sans que les associés aient personnellement versé tout ou partie du capital. Ce dernier point est une faculté qui n'a pas besoin d'être inscrite, puisque, en l'absence d'une prohibition spéciale, elle est de droit. (Interruption.)

Dans les sociétés en nom collectif, est-ce qu'il est nécessaire, pour que la société existe, qu'il y ait un capital versé ? (Interruption.)

Ne confondons pas, il faut qu'il y ait des engagements pour constituer une société en nom collectif.

Je forme avec l'honorable M. Demeur une société en nom collectif dans laquelle nous nous engageons à verser chacun 100,000 francs ; la société existe sans que nous ayons versé un centime, l'engagement forme le fonds social.

Or, ce qui est vrai pour les sociétés en nom collectif est vrai pour les sociétés coopératives. Tels sont, messieurs, les motifs des amendements que je présente,

M. Baraµ. - On pourrait renvoyer à la commission.

MjdLµ. - Messieurs, il serait certainement utile d'avoir une bonne définition des sociétés coopératives, mais toute définition est périlleuse et je crois qu'il n'en est guère de plus difficile que celle des sociétés de cette nature.

Le législateur français a reculé devant la difficulté, le législateur allemand a cru pouvoir la vaincre : il a fait une définition, mais il a joint à sa définition une énumération de diverses espèces de sociétés qu'il entend autoriser.

Or, il se trouve que, dans cette énumération, sont comprises certaines formes qui ne rentrent pas dans la définition qui les précède dans le même article.

(page 63) Je félicite l'honorable M. Pirmez du courage qu'il a de tenter de donner une définition nouvelle, mais il sera essentiel d'en bien peser les termes pour n'exclure des faveurs de la loi aucune forme utile de la coopération.

Je demande donc le renvoi à la commission. La question est très importante.

- Le renvoi à la commission est prononcé.

M. Demeurµ. - Je demande que les amendements soient immédiatement imprimés. (Appuyé.)

Article 216

MpTµ. - La Chambre reprend le projet de loi ; elle est arrivée à l'article 216. Cet article est ainsi conçu ;

« Art. 216. L'acte constitutif de la société doit déterminer, à peine de nullité, les points suivants :

« 1° La dénomination de la société, son siège, sa durée qui ne peut excéder trente ans ;

« 2° L'objet de la société ;

« 3° La désignation précise des associés, et, s'il y a lieu, les conditions de l'admission, de la démission et de leur exclusion ;

« 4° La manière dont le fonds social est ou sera ultérieurement formé, le minimum de celui-ci ;

« 5° Comment et par qui les affaires sociales seront administrées et contrôlées, et, s'il y a lieu, le mode de nomination et de révocation du gérant, des administrateurs et des commissaires, l'étendue de leur pouvoir et la durée de leur mandai ;

« 6° Les droits des associés, le mode de convocation, la majorité requise pour la validité des délibérations, le mode de votation ;

« 7° La répartition des bénéfices et des pertes ;

« 8° L'étendue de la responsabilité des associés, s'ils sont tenus des engagements de la société solidairement, ou divisément sur tout leur patrimoine, ou jusqu'à concurrence d'une somme déterminée seulement. »

M. Demeurµ. - Messieurs, il a été introduit dans l'article 216 un changement à la rédaction primitive proposée par le gouvernement. L'article indique, dans une longue énumération, les points que l'acte constitutif de la société doit déterminer, et, par une addition au texte primitif, le texte en discussion porte que l'acte doit contenir cette énumération à peine de nullité, de manière qu'à défaut d'exactitude dans les énonciations de l'acte constitutif de la société, cet acte est nul.

Eh bien, je suis frappé d'une chose. Le projet, dans les articles que nous avons votés, a effacé un grand nombre de nullités qui étaient édictées par le projet primitif du gouvernement. On a même écarté des nullités prononcées par le code de 1808, pour omission des mentions que ce code exige dans l'extrait qui doit être déposé au greffe, pour les sociétés collectives et en commandite.

Parmi les extraits ainsi déposés, il y en a un grand nombre qui renferment des causes de nullité ; ce sont en général des actes sous seing privé faits par des négociants ; or, les négociants n'ont pas toujours une connaissance bien complète de la loi, et, souvent même, il est arrivé que des actes, rédigés par des jurisconsultes, ont été annulés faute des mentions exigées par la loi.

Eh bien, je me demande ce qui arrivera lorsqu'il s'agira d'actes dressés par des ouvriers et dans lesquels les énonciations sont bien plus nombreuses que celles exigées par les extraits des actes de société en nom collectif et en commandite ?

Ces mots : « à peine de nullité » me font peur.

Je reconnais qu'il faut une sanction à l'obligation, imposée par cet article, d'indiquer, dans l'acte constitutif, les éléments essentiels de la société ; mais je crois que si la peine de nullité était maintenue dans toute sa rigueur et dans toute sa généralité, cela entraînerait de très nombreuses difficultés.

Je ne propose pas d'amendement ; je me borne à demander, comme M. Pirmez l'a demandé pour ses amendements, le renvoi de l'article à la commission.

MjdLµ. - Je ne m'oppose pas au renvoi proposé.

Je tiens seulement à faire observer à l'honorable membre qu'il se trompe lorsqu’il dit que les mots : « « peine de nullité » auraient été introduits par le gouvernement dans ce nouveau projet.

M. Demeurµ. - Non, je n'ai pas dit cela.

MjdLµ. - C'est la commission de 1870 qui en est l'auteur.

- Le renvoi à la commission est ordonné.

Article 217

« Art. 217. Toute société coopérative doit tenir un registre contenant à sa première page l'acte constitutif de la société, et indiquant à la suite de cet acte : 1° les noms, professions et demeures des sociétaires ; 2° la date de leur admission, de leur démission ou de leur exclusion ; 3° le compte des sommes versées ou retirées par chacun d'eux.

« Ce livre sera coté, parafé et visé, soit par un des juges du tribunal de commerce, soit par le bourgmestre de la commune, et sans frais.

« La mention des retraits de mise est signée par le sociétaire qui les a opérés. »

- Adopté.

Paragraphe 2. Des changements dans le personnel et du fonds social

Articles 218 à 225

« Art. 218. L'admission des sociétaires est constatée par l'apposition de leur signature, précédée de la date, en regard de leur nom, sur le registre de la société. »

- Adopté.


« Art. 219. Lorsque les statuts donnent aux associés le droit de se retirer, ils ne peuvent donner leur démission que dans les six premiers mois de l'année sociale. »

- Adopté.


« Art. 220. La démission est constatée par la mention du fait sur le titre de l'associé et sur le registre de la société, en marge du nom du a la démissionnaire.

« Ces mentions sont datées et signes par l'associé et par celui qui à la gestion et la signature sociale. »

- Adopté.


« Art. 221. Si le gérant refuse de constater la démission, elle est reçue au greffe de la justice de paix du siège social.

« Le greffier en dresse procès-verbal et en donne connaissance à la société par lettre recommandée, envoyée dans les vingt-quatre heures.

« Le procès-verbal est sur papier libre et enregistré gratis. »

- Adopté.


« Art. 222. L'exclusion de la société résulte d'un procès-verbal dressé et signé par le gérant. Ce procès-verbal relate les faits établissant que l'exclusion a été prononcée conformément aux statuts : il est transcrit sur le registre des membres de la société et copie conforme en est adressée au sociétaire exclu, dans les deux jours, par lettre recommandée. »

- Adopté.


« Art. 223. L'associé démissionnaire ou exclu ne peut provoquer la liquidation de la société ; il a droit à recevoir sa part telle qu'elle résulte du dernier bilan avant sa démission, dans les délais fixés par les statuts. »

- Adopté.


« Art. 224. En cas de décès, de faillite, de déconfiture ou d'interdiction d'un associé, ses héritiers, créanciers ou représentants recouvrent sa part de la manière et dans le délai déterminés par l'article 223.

« Il ne peuvent provoquer la liquidation de la société. »

- Adopté.


« Art. 225. Tout sociétaire démissionnaire ou exclu reste personnellement tenu, dans les limites où il s'est engagé et pendant cinq ans à partir de sa démission ou de son exclusion, de tous les engagements de la société contractés à cette époque, sauf le cas où des prescriptions plus courtes sont établies par la loi. »

- Adopté.

Article 226

« Art. 226. Les droits de chaque associé sont représentés par un titre nominatif qui porte la dénomination de la société, les noms, prénoms, qualité et demeure du titulaire, la date de son admission, le tout signé par le titulaire et par celui qui a la gestion et la signature sociale.

« Il mentionne, par ordre de date, les versements et les retraits de sommes par le titulaire. Ces annotations sont, selon le cas, signées par le représentant de la société ou par le titulaire et valent quittance.

« Il contient les statuts de la société. »

MjdLµ. - Lorsque cet article a été discuté pour la première fois à la Chambre, on s'est demandé si le titre nominatif serait exempt du timbre et de l'enregistrement. La question a été réservée à cette époque ; je pense qu'il y a lieu de la résoudre, A cet effet, je propose d'ajouter à l'article un paragraphe final ainsi conçu : « Il est exempt du timbre et de l'enregistrement. »

M. Demeurµ. - L'observation que vient de faire M. le ministre de la justice, je voulais la faire à propos d'autres articles que nous allons voter tout à l'heure. Il est indispensable de faire en sorte que ces sociétés ne soient pas grevées de fortes dépenses surtout à leur origine.

Or, d'après un article que nous avons déjà voté, les statuts de ces sociétés doivent être publiés, aux frais de la société, par la voie du Moniteur, absolument comme pour les sociétés anonymes.

(page 64) Nous ne savons à combien s'élèveront ces frais.

Après la publication au Moniteur, vient le dépôt de l'acte de société en mains des fonctionnaires préposés à cet effet.

Je pense que, malgré les principes d'égalité qui dominent dans nos lois d'impôt, on ne placera pas les sociétés coopératives absolument sur le même pied que les sociétés anonymes, au point de vue des frais.

L'honorable ministre de la justice vient de proposer l'exemption du droit d'enregistrement pour les pièces prévues par l'article 226. Mais, indépendamment des titres nominatifs d'action dont parle cet article, indépendamment de l’acte de société qui sera inséré au Moniteur, la loi prévoit différents actes qui doivent être une source de dépense pour la société.

Ainsi, chaque année, le bilan doit être déposé au greffe du tribunal de commerce. C'est l'article 231 qui le dit.

Faut-il que ce bilan soit sur timbre, qu'il soit enregistré ?

Tous les six mois, la société doit déposer au greffe du tribunal de commerce la liste de ses membres (article 232).

S'il y a 300, 400, 600 membres, et que la liste doive être sur timbre, le dépôt peut entraîner une dépense relativement considérable.

Je mentionnerai aussi l'acte constatant les pouvoirs du gérant qui, aux termes de l'article 233, doit être déposé par extrait au greffe du tribunal de commerce. Il faut donc un acte et un extrait.

Si toutes ces pièces doivent être faites sur timbre et enregistrées, aucune société coopérative ne pourra profiter de la loi que nous allons voter.

Je fais ici ces observations parce qu'elles se lient à l'amendement que vient de proposer l'honorable ministre de la justice, et dont je le remercie.

Je lui demanderai s'il n'y aurait pas lieu de faire, pour les différents actes dont je viens de parler, une seule et unique disposition, en les exemptant du droit de timbre et d'enregistrement.

J'appelle sur ce point l'attention de la Chambre. Elle pourrait se prononcer sur l'amendement de M. le ministre de la justice en même temps que sur la proposition que je viens de faire. Le tout pourrait être l'objet d'un seul et même article.

MjdLµ. - Je pense que rien n'empêche d'adopter l'amendement que je propose.

On pourra, d'ici au second vote, examiner s'il y a lieu d'introduire la même faveur pour d'autres actes.

La plupart, ou du moins plusieurs des actes que l'honorable membre a signalés, pourront être exonérés de tous droits sans qu'il soit nécessaire de recourir à des mesures législatives. Ainsi, pour ce qui est de la publication, du dépôt au greffe, l'article 54 donne au gouvernement le droit de régler, non seulement la forme, mais les conditions du dépôt et de la publication ; d'autre part il est l'éditeur du Moniteur, il pourra donc, sans que la loi prescrive rien à cet égard, prendre les mesures les plus larges, les plus généreuses en faveur des sociétés coopératives.

L'honorable membre a signalé ensuite les listes dont il est fait mention dans l'article 232, mais il a déjà été entendu que les listes imprimées ne seraient pas soumises au timbre. Il ne reste, en somme, que les actes constitutifs et leurs extraits, et j'avoue que j'hésiterais à soumettre à la Chambre une mesure générale d'exemption à cet égard, Il y a là, indépendamment des droits que perçoit le fisc, droits qui sont très minimes, car c'est exactement le timbre sur lequel l'acte est écrit et le droit fixe de 1 fr. 60 c, il y a, dis-je, les honoraires de notaires que nous ne pouvons atteindre.

Cependant je veux bien, d'ici au second vote, examiner s'il y a quelque chose à faire à cet égard,

MpTµ. - M. le ministre propose d'ajouter un quatrième paragraphe ainsi conçu : « Il est exempt de timbre et d'enregistrement. »

Article 227

« Art. 227. Les droits d'un associé dans l'actif d'une société coopérative ne peuvent être cédés que pour autant que le cédant remplisse les formalités prescrites pour pouvoir se retirer de la société et que le cessionnaire se soit fait admettre dans la société.

« Ses créanciers personnels ne peuvent saisir que les intérêts et dividendes lui revenant et la part qui lui sera attribuée à la dissolution de la société. »

MjdLµ. - Je pense que cet article peut être simplifiée et que le paragraphe premier peut être rédigé comme suit :

« Les droits d'un associé dans l'actif d'une société coopérative ne peuvent être cédés. »

En effet, la restriction que l'on pose consiste à dire que la cession n'est pas une cession, que la cession consiste dans la retraite d'un associé et dans l'adjonction d'un nouveau membre.

- L'article, rédigé comme le propose M. le ministre de la justice, est adopté.

- Des membres. - A mardi !

MpTµ. - D'ici à mardi, la commission aura pu examiner les amendements. Si donc on est d'accord, la séance est renvoyée à mardi. Nous aurons à l'ordre du jour le rapport de la commission et la suite de la discussion du titre des Sociétés.

- La séance est levée à 5 heures.