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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 21 novembre 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1872-1873)

(Présidence de M. Thibautµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 41) M. Woutersµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Hagemansµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Woutersµ présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Les membres du conseil communal de Saint-Gérard demandent que le chemin de fer d'Athus à Charleroi passe le plus près possible du centre de la population de la commune de Saint-Gérard, »

M. Lelièvreµ. - Je demande que cette requête soit renvoyée à la commission des pétitions, qui sera priée de faire un prompt rapport. Je ne puis du reste qu'appuyer les réclamations des pétitionnaires.

- Adopté.


« Le sieur De Kerf demande une enquête sur les faits qui ont donné lieu à sa révocation des fonctions de commissaire de police de la ville de Binche. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Braine-l'Alleud demandent le prompt achèvement du chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi. »

M. Snoyµ. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de renvoyer cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'appuie cette proposition.

- La proposition est adoptée.


« Le sieur Pavot, combattant de la révolution, demande un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La demoiselle Tobias réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir de la commune de Jupille ce qui lui est dû en qualité d'institutrice communale. »

- Même renvoi.


« Le sieur Baillot demande que les miliciens sachant lire, écrire et calculer, qui travaillent dans l'industrie, soient ajournés à la condition de payer, pendant la durée du service, une taxe à déterminer selon les professions. »

- Même renvoi.


« Le sieur Aloys Hanin, négociant à Marche, né dans cette ville, demande la grande naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Par dépêche du 20 novembre 1872, M. le ministre des finances adresse à la Chambre les états sommaires des adjudications, contrats et marchés passés par les divers départements ministériels pendant l'année 1871. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« M. A. Simonis, retenu chez lui pour affaires, demande une prolongation de congé. »

- Accordé.

Projet de loi révisant le code de commerce (livre I. Titre IX : Des Sociétés)

Discussion des articles

Section IV. Des sociétés anonymes

Paragraphe 4. De l’administration et de la surveillance des sociétés anonymes

Article 192

La discussion continue sur l'article 192 et l'amendement y relatif.

La parole est à M. le ministre de la justice.

MjdLµ. - Messieurs, dans la séance, d'hier, les honorables MM. Pirmez et Sainctelette ont déposé un amendement qui a pour but de simplifier les formalités à observer, lorsque l'intérêt d'un administrateur se trouve en conflit avec celui de la société, sans diminuer cependant ni les garanties auxquelles les actionnaires ont droit, ni la responsabilité de l'administrateur lui-même.

Je crois pouvoir me rallier à cet amendement.

Aucune disposition, non seulement du titre des Sociétés, mais du code de commerce tout entier, n'a donné lieu à de si longues et de si vives discussions que l'article 192.

Le premier projet proposé par le gouvernement, empruntant littéralement le texte de la loi française de 1863, interdisait aux administrateurs de prendre ou de conserver un intérêt direct ou indirect dans une opération quelconque faite avec la société ou pour son compte, à moins qu'ils n'y fussent autorisés par l'assemblée générale pour certaines opérations spécialement déterminées.

On sentit bientôt en France la nécessité de revenir de cette rigueur excessive et la loi de 1867 diminua d'une manière notable les restrictions prescrites par la loi de 1863 ; il fut permis aux administrateurs d'intervenir dans tous actes autres que les marchés et les entreprises.

C'est après la promulgation de la loi française de 1867 que la Chambre aborda pour la première fois la discussion du projet de loi soumis encore à vos délibérations.

De nombreux amendements surgirent ; on fut presque unanimement d'accord pour reconnaître que les rigueurs excessives dont l'expérience avait démontré les graves inconvénients en France ne pouvaient se trouver dans la législation nouvelle qu'il s'agissait d'introduire en Belgique.

Après une première et longue discussion, le projet fut renvoyé à la commission.

Un rapport fut fait, une nouvelle discussion eut lieu, de nouveaux amendements furent présentés, un second renvoi fut ordonné, la proposition revint encore en séance publique ; il fallut une troisième fois la renvoyer à la commission ; c'est enfin, après quatre examens successifs de la commission, après des discussions qui absorbèrent plusieurs séances que le projet fut enfin voté par la Chambre, le 8 avril 1870. Le vote même ne fut pas moins laborieux que la discussion elle-même. Il fallut une double épreuve ; ce qui démontre que la division la plus profonde n'avait cessé d'exister,

M. Baraµ. - Il n'y avait que deux propositions en présence.

MjdLµ. - Ce n'était donc pas, le vote le démontre, une transaction acceptée par les partisans des deux opinions.

Les partisans de l'une des opinions étaient battus par les partisans de l'autre opinion. La discussion qui s'est renouvelée à cette Chambre vous a prouvé de quelle humeur les vaincus de 1870 entendent supporter leur défaite. Il ne leur a pas suffi de deux ans pour maudire leurs juges.

Je ne crus pas cependant devoir proposer de modifications au texte, qui avait réuni les suffrages de la majorité.

Je pensai que le mieux est parfois l'ennemi du bien et qu'en renouvelant sans cesse les débats sur une question épuisée, on courrait risque de ne voir jamais le titre des Sociétés, dont tout le monde s'accordait à proclamer l'urgence, prendre place dans notre législation.

J'aurais conservé cette attitude, si la Chambre s'était montrée disposée à adopter la même règle. Mais un amendement a été produit ; toute la discussion de 1870 a été renouvelée ; tous les arguments développés alors ont été produits de nouveau.

Dans ces conditions, il n'y a pas de motifs pour que je ne dise pas, à mon tour, quelle est la disposition qui doit, selon moi, obtenir les suffrages de la Chambre.

(page 42) Je pense, messieurs, que c'est celle proposée hier par MM. Sainctelette et Pirmez,

Il est un point sur lequel les partisans de toutes les opinions sont d'accord : c'est la nécessité d'exiger certaines garanties des administrateurs dont l'intérêt se trouve en opposition avec celui de la société. Mais quelles doivent être ces garanties ? C'est sur ce point que la division s'est constamment établie. Après les mesures d'une rigueur excessive, après l'interdiction presque absolue de la loi française de 1863, après tous les amendements et toutes les mesures proposées à la Chambre dans la première discussion, on est arrivé au système, fort mitigé, je dois le reconnaître, de l'article 192.

Je n'hésite pas à dire qu'à mon avis les honorables MM. Pirmez et Sainctelette, dans l'intérêt de leur thèse, ont un peu exagéré les inconvénients que peut présenter cet article.

La vérité est cependant qu'il y a un inconvénient réel, sinon aussi considérable qu'ils veulent bien le dire, du moins assez notable cependant pour apporter de sérieuses entraves à la gestion utile, fructueuse des sociétés qui ont entre elles des rapports d'affaires. Ces entraves résultent dans la nécessité d'obtenir l'autorisation préalable des commissaires.

Si nous parvenions, messieurs, à faire disparaître les entraves sans diminuer les garanties des actionnaires et en conservant intacte la responsabilité des administrateurs, nous serions aisément d'accord. Je pense que ce problème est heureusement résolu par l'amendement que nous discutons.

Quelle est, en effet, messieurs, la sanction des mesures proposées par l'article 192 et de celles que proposent MM. Pirmez et Sainctelette ?

C'est la responsabilité de l'administrateur. Mais cette responsabilité ne s'éloigne pas, en principe et abstraction faite des questions de solidarité, de la responsabilité consacrée par le droit commun.

En effet, l'associé, aux termes de l'article 1850 du code civil, le mandataire, aux termes de l'article 1992 et partant l'administrateur, associé et mandataire tout à la fois, est responsable de toute faute, non seulement de la faute légère comme on dit sur les bancs de l'école, mais même de la faute très légère. Or, il est incontestable que l'administrateur qui oublie ses devoirs à ce point d'intervenir dans des marchés nuisibles à la société dont il doit défendre les intérêts, et cela en vue soit de favoriser son intérêt personnel, soit de favoriser l'intérêt d'une autre société, à l'administration de laquelle il participe également, il est incontestable, dis-je, que cet administrateur commet une faute grave.

Ce n'est donc pas sur le principe de la responsabilité que les partisans des deux opinions s'éloignent du système introduit par le droit commun. Ils s'en écartent, plutôt sur une question de preuve.

En effet, messieurs, il n'est pas toujours facile de prouver que tel fait a été posé par les administrateurs, que ce fait a eu telles conséquences dommageables.

Or, que fait-on dans les deux systèmes pour aplanir cette difficulté ? On érige le fait de l'administrateur dans un acte où il a un intérêt opposé à celui de la société en une infraction à la loi sociale, et cette infraction constitue une faute par elle-même. Elle élève contre lui une présomption qui dispense les intéressés de toute preuve autre que celle du fait même.

Il suffit de le signaler pour en faire découler immédiatement et directement l'obligation de réparer le dommage, de répondre de la perte occasionnée.

Seulement, cette infraction, dans le système de la loi, peut résulter de deux faits : celui de n'avoir pas averti le conseil de surveillance de l'intérêt que l'on peut avoir et celui d'avoir agi sans autorisation.

De ces deux faits, l'amendement de MM. Sainctelette et Pirmez n'en maintient qu'un seul : le défaut de déclaration préalable.

Je ne parle pas des prescriptions relatives au compte à rendre de l'opération : elles sont communes aux deux systèmes.

Je pense que ce second système est non seulement suffisant, mais que même il est plus efficace que celui du projet de loi.

En effet, l'autorisation donnée par les administrateurs et les commissaires, que l'honorable M. Bara proclame toute-puissante pour prévenir les abus, a pour conséquence nécessaire de légitimer l'opération pour laquelle cette autorisation a été obtenue.

Quelque désastreuse que cette opération puisse être, quelque considérables que soient les pertes qu'elle entraînera, la société, dès l'instant où l'administrateur aura réussi à obtenir l'assentiment du conseil, le contrat qu'il aura conclu sera un acte parfaitement régulier, il sera déchargé de toute responsabilité. Or, comment l'honorable M. Bara qui a une défiance invincible, incurable, dirai-je, pour tout ce qui est commissaire administrateur d'une société anonyme ; comment l’honorable M. Bara a-t-il pu préconiser et défendre une pareille mesure ? N’est-il pas évident en effet pour ceux qui partagent ces défiances, et l'honorable M. Bara l'a dit lui-même, qu'il arrivera, sinon toujours, du moins très fréquemment qu'administrateurs et commissaires s'entendront parfaitement et se passeront, comme il l'a dit encore, la casse et le séné ?

La garantie que l'on réclame est donc purement illusoire ; loin de profiter aux actionnaires, elle tourne à leur détriment et n'a d'autre conséquence que de permettre de légitimer les opérations les plus désastreuses.

Le système de M. Bara va directement à l’encontre du but qu'il veut atteindre.

Ce système présente un autre inconvénient.

Vous avez entendu hier l'honorable membre définir l'étendue de cette responsabilité qu'il veut imposer aux administrateurs. Ils seront responsables des pertes que l'opération aura causées à la société. Mais de quelles pertes ? Et l'honorable membre n'a pas hésité à répondre : Les pertes qui se produisent immédiatement, au moment de l'opération même, de la différence qui existerait, par exemple, entre le cours du marché et le prix fixé par le contrat.

Or, qui ne voit que si de telles pertes peuvent se concevoir, elles seront nécessairement rares et peu importantes, à moins qu'on n'aille jusqu'à supposer des faits d'une gravité et d'une maladresse telles, que non seulement les dispositions du code civil, mais celles du code pénal viendraient atteindre les administrateurs qui s'en rendraient coupables.

Le système des honorables MM. Sainctelette et Pirmez évite ces inconvénients.

Dans aucun cas, aucune autorisation quelconque ne pourra couvrir les fautes de l'administrateur. Sa responsabilité demeurera toujours entière, quelque assentiment qu'aient pu lui donner ses collègues. Il déclarera au conseil d'administration l'intérêt qu'il a ; mais la déclaration qu'il aura ainsi faite ne le déchargera ni de la responsabilité édictée par l'article 194, ni de celle qui résulte du droit commun.

J'ajouterai que la disposition proposée est conforme au système général de la loi nouvelle,

Ce système est un système de large publicité et de parfaite responsabilité.

Or, l'amendement des honorables MM. Sainctelette et Pirmez donne toutes les garanties de publicité et de sincérité. Qu'exige-t-il en effet ? Il veut que l'administrateur déclare au conseil d'administration qu'il a un intérêt opposé à celui de la société.

Croit-on qu'un administrateur qui combinerait quelque fraude, qui voudrait, dans son intérêt personnel, entraîner la société dans quelque opération fâcheuse, sera bien désireux d'appeler sur cette opération, par la déclaration qu'il fera, l'attention spéciale du conseil de surveillance ?

Mais là ne s'arrêtent pas les garanties. Lorsque l'opération aura été faite, l'administration en rendra spécialement compte à l'assemblée générale. L'assemblée générale, les actionnaires, gardiens de leurs propres intérêts, seront là pour examiner l'acte, pour le discuter, pour le critiquer, pour révoquer et punir l'administrateur, s'il y a lieu.

Je pense, messieurs, que ces considérations, jointes à celles que les honorables auteurs des amendements ont développées hier, doivent déterminer la Chambre à adopter l'amendement.

Je crois que tout renvoi à la commission serait inutile ; l'article a été renvoyé quatre fois déjà. De part et d'autre tous les arguments ont été produits, les opinions doivent être faites.

Je proposerai seulement une amélioration de forme. Le paragraphe 2 de l'amendement serait rédigé comme suit :

« II est spécialement rendu compte à la première assemblée générale, avant tout vote sur d'autres résolutions, des opérations dans lesquelles un des administrateurs aurait eu un intérêt opposé à celui de la société, »

M. Saincteletteµ. - Messieurs, pour ménager les moments de la Chambre, je me suis abstenu, hier, d'entrer dans certaines considérations qui sont de nature à faire toucher du doigt la difficulté que nous signalons. Je suis, messieurs, bien désintéressé dans le débat ; je ne fais pas du tout profession d'être administrateur de sociétés anonymes, mais deux circonstances de ma vie, ma profession d'avocat d'abord, et, en second lieu, les fonctions que j'ai exercées pendant quinze ans de secrétaire de la chambre de commerce de Mons, m'ont donné la conviction profonde que, sans les sociétés anonymes, la Belgique ne serait jamais arrivée au degré de prospérité dont elle jouit aujourd'hui. J'ajoute que si l'ensemble des affaires faites par les sociétés anonymes depuis trente ans avait été fait par des mains particulières, vous n'auriez pas manqué d'y rencontrer bien plus de choses répréhensibles que l'on n'en a pu trouver dans les sociétés anonymes.

(page 43) Incontestablement, on a abusé des sociétés anonymes ; mais on abuse des meilleures choses.

De même que les plus grands esprits ont leurs ombres, de même que les plus grands caractères ont leur grain de défaut, de même les meilleures institutions peuvent être détournées de leur but, si, par malheur, elles tombent dans les mains de coquins.

Mais il faut savoir considérer comme exceptionnels des faits qui vraiment sont exceptionnels et savoir en dominer l'influence. Il ne faut pas vouloir gêner le développement des affaires de tout un pays parce que quelques personnes ont faussé une institution.

C'est à cela cependant que vous allez arriver si vous maintenez la disposition que nous discutons.

Elle a été acceptée, je le sais, en 1870, par un grand nombre de membres ; affaire de lassitude.

D'ailleurs, qu'est-ce que cela prouve ? Le point est de savoir si elle sera contraire au développement des affaires industrielles et commerciales.

Pour moi, je la considère comme extrêmement funeste.

Qu'importe que nous ayons voté la loi ? Il fallait bien en finir avec une discussion qui avait duré six semaines. Mais plus on y réfléchit, plus on entend les hommes familiarisés avec la pratique des affaires et plus on découvre de défauts dans cette loi.

La disposition que nous discutons en ce moment est une de celles qui doivent nuire le plus considérablement au développement industriel du pays, parce qu'elle tend à empêcher le patronage des grandes sociétés financières en Belgique.

Voyons en quelques mots quelle est la véritable situation de la question,

Chaque fois qu'il y aura opposition d'intérêts dans la personne d'un même individu entre sa fonction d'administrateur dans une affaire et sa qualité d'actionnaire dans une autre affaire, il devra non seulement s'abstenir, mais remplir toute une série de formalités, à péril de la plus sévère responsabilité.

Et d'abord, quelle sera en pratique l'importance du conflit entre les intérêts divers ou, si vous voulez, contraires de cette même personne ?

Les administrateurs généralement n'ont guère plus d'actions que n'en comporte le cautionnement, soit 25,000 francs ; c'est d'ailleurs le chiffre d'actions que l'on prend le plus souvent dans les affaires industrielles.

Supposons donc un administrateur ayant 20 actions dans une société, 85 actions dans une autre. Pour que cet administrateur ait un intérêt de 500 francs à avantager une société plutôt qu'une autre, savez-vous quel est le chiffre de bénéfice que doit comporter l'affaire ? Il faut qu'elle comporte un bénéfice de plus de 100,000 francs, c'est-à-dire que, pour qu'un homme en arrive à vendre de la sorte son honneur et l'honneur des siens pour 500 francs, il faut encore que l'affaire engagée entre les deux sociétés ait une telle importance, que l'une puisse gagner à l'autre cent mille francs.

Cette situation est-elle comparable à celle dont parlait M. Bara ?

L'honorable M. Bara vous a parlé du tuteur et du pupille, du bourgmestre et de la commune. Mais là il s'agit d'un intérêt personnel, direct, immédiat, considérable.

Je suis le premier à reconnaître que l'administrateur ne peut pas plus vendre personnellement à la société ou acheter personnellement de la société que le tuteur ne peut acheter de son pupille ou vendre à son pupille, que le bourgmestre ne peut acheter de la commune ou ne peut vendre à la commune.

L'administrateur qui, directement, traiterait avec la société d'une affaire qui lui serait propre, ne serait rien moins qu'un misérable, mais il s'agit de savoir si l'on ne peut pas être très loyalement à la fois administrateur dans une affaire et actionnaire dans une autre et prendre part aux actes qui interviennent entre les deux.

C'est ce qui arrive fréquemment dans la catégorie d'affaires faites par les sociétés anonymes et vous allez le comprendre. Quels sont les groupes qui ont le plus contribué au développement des affaires industrielles et commerciales ? Ce sont les groupes qui ont, à leur tête, une grande institution financière, et, sous cette institution financière, tout un ensemble de sociétés industrielles, mines, établissements métallurgiques, établissements de constructions, verreries, etc. Alors, nécessairement, les mêmes capitalistes, les mêmes actionnaires se retrouvent dans plusieurs affaires.

Prenez le groupe de la Société Générale par exemple.

Je cite la Société Générale, parce qu'elle est à la fois non seulement l'une des plus importantes, mais encore l'une des plus honnêtes maisons de commerce de l'Europe. Il y a, je le répète, peu de maisons aussi considérables sous le rapport de l'importance des affaires et de la loyauté des transactions que la Société Générale de Belgique.

Les hommes qui sont actionnaires de la Société Générale ont donc, selon leurs ressources, des actions dans toutes ou quelques-unes des affaires fondées par elle.

Les administrateurs de ces affaires sont à la fois administrateurs de la Société Générale et administrateurs des sociétés patronnées. Et c'est précisément un des grands avantages de ces institutions que de fonder toute une catégorie d'hommes spéciaux occupés de l'administration des affaires industrielles, y apportant des traditions, une suite dans les idées et les projets, faisant respecter tout un ensemble de règles de précaution et de contrôle.

Voici qu'il s'agit de traiter une des questions qui se présentent le plus fréquemment dans l'industrie, une question d'intérêts de compte courant. La Société Générale est naturellement le banquier des sociétés fondées par elle. Deux ou trois directeurs de la Société Générale sont administrateurs de chacune de ces sociétés. Elle ouvre à une société patronnée un compte courant et, dans une année comme celle-ci, le taux de l'intérêt peut, à raison de la crise monétaire, varier tous les deux ou trois mois.

Il sera impossible de délibérer sur une question aussi simple que celle-là ; il sera impossible de trouver un état-major qui soit tout à fait désintéressé de l'un et de l'autre côté et qui puisse dire : Vous devez emprunter à 3 1/2, au lieu de 4, 5 et 5 1/2.

Il en sera de même pour les opérations les plus simples.

On a cité, dans la discussion de 1870, ce fait que si l'administration de la Société Générale avait à acheter pour le chauffage de son hôtel deux waggons de charbon, il faudrait convoquer deux assemblées générales d'actionnaires ou deux collèges des commissaires, l'assemblée générale de l'acheteur et l'assemblée générale du vendeur.

(erratum, page 64) M. Baraµ. - De pareils actes ne sont pas soumis aux délibérations du conseil.

La même difficulté se présentera en matière d'achats de rails pour chemin de fer, de commandes de machines pour les mines.

M. Baraµ. - De pareils actes ne sont pas soumis aux délibérations du conseil.

M. Saincteletteµ. - Je vous demande pardon. Je ne crois pas que la loi définisse quelque part quels sont les actes qui sont soumis aux délibérations du conseil d'administration. Partant, tous y sont soumis.

D'ailleurs, la fixation du taux de l'intérêt dans un compte courant peut produire une différence de 4,000 ou 5,000 francs par an. Ce n'est point là une mince opération, je pense.

Voilà donc, messieurs, la difficulté qui se présente.

Voyons quelles sont les règles qu'on veut y appliquer.

Permettez-moi de faire remarquer d'abord que quand on nous dit : Nous n'appliquons aux sociétés que le droit commun, on se trompe étrangement.

Voici un petit aperçu qui vous donnera une idée des dérogations qu'on a apportées au droit commun en matière de sociétés, dérogations qui, je m'empresse de le dire, ont, d'ailleurs, été acceptées par tout le monde.

En premier lieu, et ceci est très important, on proclame la solidarité des administrateurs.

Lorsque plusieurs mandataires sont chargés par un même acte d'une seule et même opération, d'une mission commune, ils ne sont solidaires que pour autant que l'acte l'exprime. Ici, on ne s'est pas contenté de rappeler que les statuts d'une société pourront stipuler la solidarité des administrateurs ; on l'impose de droit, de telle sorte que les sociétés ne peuvent pas même déroger à cette obligation. Ainsi, première exception et exception considérable au droit commun ; solidarité complète entre les administrateurs.

On a organisé la plus grande publicité, et cela, messieurs, on l'a fait (j'en appelle aux souvenirs de mon honorable ami), on l'a fait, avec le concours de tous les membres de la Chambre.

Il ne s'est trouvé personne ici pour soutenir que les sociétés anonymes ne devaient pas être des maisons de verre ; tout le monde a été d'accord, du moins sur nos bancs, pour reconnaître que tout devait être publié, largement publié.

M. Baraµ. - Et le registre des actionnaires ?

M. Saincteletteµ. - Le registre des actionnaires ! on ne l'a fermé qu'aux intéressés non actionnaires et j'ai voté avec vous.

Maintenant on a introduit, et je me permettrai de rappeler que j'ai eu l'honneur d'en faire la proposition, dans la loi sur les sociétés, une règle qu'un des jurisconsultes les plus distingués de la Chambre a soutenu en être la meilleure disposition. Désormais, la preuve contre les administrateurs de sociétés anonymes se fera absolument comme contre les fonctionnaires publics, par toutes les voies de droit.

Mais cela ne suffit pas.

(page 44) On veut ajouter à tout cela une responsabilité exorbitante qui, en fait, n'atteindra que les honnêtes gens et à laquelle échapperont les fripons.

Voici ce qui arrivera si l'article 192 est interprété comme il doit l'être d'après son texte.

Je suppose que l'administrateur, ce coupable que l'on condamne d'avance, ait voté contre l'opération ; si la mention prescrite par l'article 192 n'a pas été faite, il sera responsable, même quand la perte sera tout à fait indépendante de sa conduite, même quand il n'aura en rien influé sur ses collègues, même quand il aura agi pour rendre à ses collègues un service sollicité par eux.

Messieurs, en réalité, c'est comme cela que les choses se passent. Dans le commerce et dans l'industrie, on considère comme une excellente chose d'avoir beaucoup de relations ; on recherche les hommes qui ont beaucoup de relations pour les mettre à la tête des affaires, afin précisément d'utiliser ces relations et l'on ne croit pas le moins du monde qu'il y ait là un danger.

Il peut se présenter dans les affaires une foule de circonstances où il soit utile d'avoir dans un conseil quelqu'un en position de faire certaine négociation.

Aujourd'hui, par exemple, les établissements métallurgiques considèrent comme une chose excellente de pouvoir traiter avec une mine par l'intermédiaire d'un membre de la société houillère.

Les administrateurs de chemins de fer ont un grand avantage à être directement en relation avec des établissements métallurgiques.

Il n'est pas inutile non plus de compter un banquier dans un conseil d'administration.

Il y a d'autre part beaucoup de banquiers qui demandent, et cela très sagement, à intervenir dans le conseil d'administration des affaires auxquelles ils font de grands crédits.

La première des garanties quand on prête de l'argent à une société, c'est de pouvoir surveiller l'emploi des fonds qu'on lui prête.

Il n'y a donc rien que de très naturel dans cette intervention d'une même personne dans deux affaires en apparence opposées.

D'après le texte, la responsabilité de l'administrateur sera parfaitement indépendante de sa conduite ; quand même il aura agi de la façon la plus loyale, quand même il aura agi par obligeance, il sera responsable de la perte.

Il faut encore savoir ce que l'on entend ici par perte.

Il est difficile de l'apprécier. Supposons qu'il s'agisse de faire un grand marché de charbons. Dites-moi, je vous prie, quel est dans la Chambre ou dans le pays l'homme en état de dire quel est aujourd'hui le cours du charbon et surtout du coke. On dira 80 francs, mais est-ce là un cours ? Non, car il ne se vend à ce prix que des parcelles homéopathiques, deux ou trois waggons ! Il n'y a certainement pas trois industriels sérieux qui oseraient affirmer que le prix du coke, pour des marchés de quelque importance et de quelque durée, est aujourd'hui ou sera demain de 45 francs plutôt que de 50 ou 55 francs. Et cela peut changer avant qu'il soit huit jours. Tel événement qui pourrait se produire dans un pays voisin ferait tomber toutes les matières premières, tous les produits manufacturés de plus de 25 p. c. en quelques heures.

Quand y aura-t-il perte en matière de commander des machines ? Des offres sont faites à un conseil d'administration par plusieurs constructeurs de machines.

Les administrateurs donnent la préférence à une société dans laquelle l'un d'eux est intéressé, mais qui demande le prix le plus élevé. Et cela pourquoi ? Parce que l'adjudication publique, si elle vous donne le prix le plus bas, ne vous donne pas toujours le meilleur entrepreneur, et aussi parce que, lorsqu'il s'agit d'employer une machine à une fonction très importante où très urgente, il importe de s'adresser à un constructeur sérieux et ponctuel, quoique même un peu cher,

La perte dans ce cas n'est qu'apparente. On l'alléguera cependant, et si les formes prescrites par l'article 192 n'ont pas été remplies, si l'employé chargé de faire les procès-verbaux a négligé d'insérer la déclaration prescrite, l'administrateur intéressé sera déclaré responsable jusqu'à concurrence de l'écart entre le prix donné et l'offre la plus basse. Sera-ce juste ? je vous le demande !

Un administrateur pourra être responsable d'avoir vendu du charbon à trop bas prix, d'avoir acheté du coke trop cher, d'avoir commandé une machine à une maison un peu plus chère dans ses prix que ses concurrents ; et, non seulement, il sera responsable, s'il est intéressé dans l'affaire, mais ses collègues seront responsables avec lui, puisque l'article 191, qui stipule la responsabilité, est applicable au cas prévu par l'article 192 absolument comme à toutes les autres dispositions du projet

De telle sorte que la moindre distraction coûtera ou pourra coûter à quatre ou cinq honnêtes gens une partie de leur fortune. Eh bien, je le demande, croyez-vous qu'il soit de l'intérêt du commerce, de l'intérêt dé l'industrie, et je dirai de l'intérêt de la morale publique, d'écarter des affaires les hommes timides, les hommes scrupuleux, les hommes qui veulent bien peut-être exposer dans les affaires une certaine partie de leur avoir, mais qui ne veulent pas y passer tout entiers ?

La société anonyme offre précisément cet avantage qu'on n'y est engagé que jusqu'à concurrence de ce qu'on y met.

C'est une formule qui a été très judicieusement trouvée pour attirer les capitaux et appeler l'intervention des gens timides, des gens scrupuleux, des gens méticuleux en affaires et qui ne veulent pas mettre leur fortune, leur honneur, leur réputation à la merci du premier venu. Trouve-t-on qu'il soit fort adroit d'écarter de la société anonyme ce personnel distingué et honnête ? Evidemment non. Eh bien, avec la loi telle qu'elle a été votée, je prédis une chose, sans crainte de me tromper, c'est qu'on écartera les honnêtes gens et que les conseils d'administration ne seront plus composés que de deux catégories d'hommes : les hommes riches qui entreront dans les sociétés par vanité, qui y entreront pour se faire une situation, pour se faire une position dans le monde, et puis des malins.

Je persiste donc plus que jamais dans l'amendement que nous avons présenté hier, mon honorable ami, M. Pirmez, et moi, et qui me paraît donner toutes les satisfactions désirables à ceux qui, tout en voulant faire respecter la morale, le droit, la probité la plus scrupuleuse, veulent cependant que les affaires continuent à rester possibles.

M. Baraµ. - Je n'ai aucun espoir de faire maintenir l'article qui a été voté par la Chambre à l'unanimité, comme je le démontrerai tout à l'heure, puisque le gouvernement vient de déclarer qu'il se rallie à l'amendement de mes honorables amis, MM. Sainctelette et Pirmez, Cependant, messieurs, je tiens à justifier l’œuvre de l'ancienne Chambre, à établir que cette œuvre est morale et juste et que ce que l'on va faire porte atteinte à un des principes essentiels du projet de loi sur les sociétés.

Quand on a présenté, messieurs, ce projet, on répondait à un grand besoin de la société, Le code de commerce était insuffisant contre les abus commis par les administrateurs, abus nombreux et considérables.

Déjà, en France, en 1863, on avait fait une loi qui défendait de la manière la plus complète aux administrateurs d'une société de faire des traités avec d'autres sociétés dans lesquelles ils étaient aussi administrateurs, sans l'autorisation de l'assemblée générale.

En 1867, quand on a réformé cette législation, on n'en a exclu que les opérations de banque et, au corps législatif, pas une seule voix ne s'est élevée pour protester contre le principe admis en 1863.

Depuis 1867 il n'y a pas eu non plus la moindre réclamation en France.

Nous trouvons donc à nos portes un pays ayant une législation draconienne plus sévère que celle qui est proposée, contre les administrations,

M. Saincteletteµ. - Il n'y a jamais eu plus d'agiotage.

M. Baraµ. - Il ne s'agit pas d'agiotage.

Vous nous parlez constamment de charbonnages, mais est-ce qu'il n'y a pas de charbonnages en France ?

Quand nous voyons des administrateurs de sociétés de hauts fourneaux ne pas pouvoir livrer des fontes aux sociétés de chemins de fer dont ils sont administrateurs, et cela sans que l'industrie en souffre, pouvons-nous dire que l'article voté par l'ancienne Chambre va paralyser tout essor industriel ?

Faut-il que dans notre pays les administrateurs puissent agir ici comme ils le veulent, secrètement, dans l'intérieur de leurs réunions, sans même que les commissaires puissent intervenir ?

Qu'on ne vienne pas nous dire que c'est la mort de la société anonyme, que tout ce que les sociétés anonymes ont pu faire en Belgique est à jamais perdu, si on maintient cette disposition.

La France a cette disposition depuis dix ans, aucune réclamation ne s'est élevée au corps législatif contre cette loi dont le principe a été revoté en 1867. (Interruption.)

La loi n'a pas été défendue en France par des avocats seulement ; mais elle l'a été par des industriels, et notamment par M. Jules Brame, un des plus grands industriels du département du Nord. Allons-nous tolérer chez nous des abus qui ont été énergiquement combattus en France sous la régime impérial et repousser une loi juste et morale qui a été unanimement approuvée en France et l'est encore ?

Il est donc inutile de faite entendre ces lamentations. Au surplus si réellement cette disposition doit avoir pour effet de détruire les sociétés anonymes, je ne comprends pas que depuis 1870, année où elle a été (page 45) votée, il n'y ait pas eu la moindre agitation. Les chambres de commerce ont-elles réclamé, elles qui sont embarrassées de trouver des desiderata à mettre dans leurs rapports ? Il y avait là un vœu excellent à émettre ; pas une n'a songé à le faire ; aucune observation n'a été présentée contre la disposition. Et c'est tellement vrai, que personne ne s'est aperçu des défauts de la disposition et qu'il a fallu que les honorables MM. Pirmez et Sainctelette s'entendissent pour présenter un amendement, et déclarassent que la société anonyme est morte en Belgique si cet amendement n'est pas adopté.

Le gouvernement aurait pu modifier la disposition depuis deux ans qu'elle est votée, il n'en a rien fait, et aujourd'hui par des motifs bien difficiles à donner, il est tout à coup illuminé, et se range avec un empressement inexplicable du côté des honorables MM. Sainctelette et Pirmez.

Voyons quel est le but de la loi. Il est une vérité incontestable : c'est qu'on ne peut être à la fois vendeur et acheteur.

Mes honorables amis ne parlent jamais que d'administrateurs qui n'ont qu'un faible intérêt dans une société et qui font un marché avec une autre société.

Mais, messieurs, il peut y avoir des administrateurs qui auraient des établissements à eux seuls, il peut y avoir des propriétaires de houillères dans une administration de hauts fourneaux ; cela est possible ; nous connaissons des personnes qui sont propriétaires de la presque totalité d'une houillère.

Vous ne prévoyez pas ces cas-là. Et remarquez-le, cela est d'autant plus nécessaire que les abus ont été nombreux. Est-ce que nous n'avons pas vu, dans différentes sociétés, des administrateurs qui se cèdent leurs propres affaires ; est-ce que nous n'avons pas vu circuler une traite où il y avait quatre signatures de la même personne intervenant à quatre titres différents ? Et cette traite était de la valeur d'un million ! (Interruption de M. Sainctelette.)

M. Sainctelette me dit que, parce qu'il y a eu un abus, il n'en résulte pas que tous les administrateurs en commettront. Mais les administrateurs qui ne veulent pas commettre d'abus, en quoi sont-ils gênés par ma disposition ?

Les abus sont possibles, ils se sont produits hier, ils se produiront demain, ils sont flagrants et il faut s'en préoccuper. Or, il est certain qu'on se montrera moins difficile sur les conditions quand on traitera avec un collègue qu'avec un étranger ; voilà pourquoi il ne faut pas que le vendeur ou l'acheteur soit administrateur.

Quel est le mécanisme que nous proposons ? Le gouvernement demandait tout d'abord l'approbation de l'assemblée générale. Nous ne voulions pas que de pareilles opérations fussent permises sans l'autorisation de l'assemblée générale. C'est par transaction que l'honorable M. Dupont et la commission ont proposé l'article en discussion et que le gouvernement d'alors a dû l'accepter.

Cette rédaction, je l'ai encore combattue et c'est ici que la narration de M. le ministre de la justice est inexacte. Il s'imagine que la disposition en discussion a été rejetée par une moitié de la Chambre. C'est une erreur. Il n'y avait que deux dispositions en présence, celle de la commission et celle du gouvernement, qui voulait l'approbation de l'assemblée générale.

Ceux qui étaient partisans de cette approbation ont voté contre l'amendement de la commission. Mais l'autre partie de la Chambre a voté tout entière pour la proposition de la commission.

Il est donc certain que l'unanimité de la Chambre a approuvé la disposition en discussion. Nous l'avons approuvée, nous, parce que nous n'avons pu obtenir plus.

Et au vote définitif de la loi qui devait être la mort des sociétés anonymes, toute la Chambre l'a approuvée, sauf un seul membre. Quelle est cette disposition contre laquelle on vient tardivement faire une opposition si vive ?

Eh bien, l'administrateur qui se trouve dans le cas indiqué doit demander l'approbation des commissaires, pour le marché dont il s agit. Est-ce difficile ?

L'honorable M. Sainctelette a dit lui-même : C'est impossible ; comment réunir ces commissaires. Il a répondu lui-même à cette objection. L'honorable membre, en 1870, admettait l'approbation du conseil de surveillance et trouvait qu'il était facile de convoquer les commissaires.

M. Saincteletteµ. - Comme pis-aller.

M. Baraµ. - Soit, comme pis-aller ; vous n'y trouviez pas alors de graves inconvénients. Mais, dit-on, l'administrateur est exposé à des responsabilités considérables. Ici il existe une contradiction complète entre M. le ministre de la justice et M. Sainctelette. M. le ministre de la justice prétend que l'article que nous avons à voter est moins fort vis-à-vis des administrateurs que la proposition de M. Sainctelette. L'honorable membre qui vient de se rasseoir prétend, au contraire, que nous exposons les administrateurs à des responsabilités énormes et inconnues.

M. le ministre de la justice s'est complètement trompé. Par la disposition qui est actuellement en discussion, l'administrateur est responsable du chef de tout marché qui est dommageable pour la société, Le contrat eût-il été fait de la meilleure foi du monde, l'administrateur est responsable par le seul fait de n'avoir pas prévenu le conseil d'administration, Aux termes du droit commun, il ne serait pas responsable, parce qu'il n'y a pas de faute de sa part. En effet, si j'achète du charbon à un ou deux francs de différence, il peut n'y avoir pas faute de ma part, parce que la prix du charbon n'est pas fixe, précis.

Aussi avons-nous dit, et cela se trouve écrit dans le rapport de l'honorable M. Dupont, comme cela a été dit par M. Tesch, nous avons dit : Vous êtes en faute par le seul fait de n'avoir pas annoncé au conseil d'administration que vous étiez intéressé ; et vos collègues, s'ils ont connu le fait, sont responsables.

Ainsi, dans le système de l'amendement défendu par M. le ministre de la justice, il n'y a pas de responsabilité à moins qu'il n'y ait faute.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je demande la parole.

M. Baraµ. - Quand vous avez fait un marché, fût-il onéreux, le marché est parfaitement conclu et ce n'est qu'en cas de faute que vous êtes responsable.

Pour que vous soyez responsable sans faute, il faut que vous le disiez dans la loi et c'est ce que nous avons fait.

Permettez-moi de vous rappeler à ce sujet ce que disait l'honorable M. Dupont, d'accord en cela avec tous les orateurs qui alors admettaient la responsabilité des administrateurs qui ne remplissaient pas les formalités prescrites.

« La commission a donc maintenu sa manière de voir sur ce point et elle n'a pas été ébranlée par les observations de M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre de l'intérieur a dit que le droit commun suffisait pour cette éventualité. Mais nous pensons qu'il a oublié que, d'après le droit commun, on n'est responsable que de ses fautes ; que le droit commun, en matière de société, se trouve dans l'article 1850 du code civil ; que, d'après cet article, les administrateurs sont responsables même d'une faute légère, il est vrai, mais que dans la position spéciale de l'article 44, lorsqu'il n'y a pas eu de faute, il n'y aurait pas de responsabilité, bien que l'opération eût été désastreuse ; tandis que pour empêcher les actes de ce genre, pour attirer une lumière complète sur les actes que les administrateurs intéressés viendraient à poser, nous voulons que la responsabilité existe du moment qu’ils sont intervenus sans l’accomplissement des formalités légales. Il y aura faite dès que l’on n’aura pas remploi les formalités de l’article 44. »

Cela est clair.

M. Saincteletteµ. - Il sera donc responsable dans tous les cas ?

M. Baraµ. - Certainement. Etes-vous donc obligé de vous vendre à vous-même, vous administrateur, au détriment des actionnaires ?

Je vous dis que vous pouvez le faire, en prenant l'autorisation du conseil de surveillance, mais cette lisière que je vous mets n'est pas si gênante.

Quant à la signification du mot « perte », il n'y a jamais eu le moindre doute. Ce n'est pas celle que l'opération causera, c'est celle qu'elle aura causée. On doit apprécier l'opération au moment où elle est faite.

M. Saincteletteµ. - Alors elle ne signifie rien.

M. Baraµ. - Vous allez voir. L'honorable M. Pirmez a admis comme nous le sens du mot « perte ».

M. Pirmezµ. - Je n'ai pas dit cela.

M. Baraµ. - Vous allez l'entendre : « Pour moi, disait-il, il est incontestable que dans les principes du droit commun, celui qui, étant chargé da gérer les intérêts d'une société, aura géré ses propres affaires *u détriment de celles de la société, est responsable des pertes qu'il a causées. »

Aujourd'hui, l'honorable membre dit : On ne peut apprécier la perte. La perte ne peut dépendre d'événements incertains. Cela est évident.

M. Pirmez, rapporteur.- Messieurs, j'ai dit en 1870 et je maintiens aujourd'hui que, quand un administrateur agit pour servir ses propres intérêts, au lieu de chercher l'avantage de la société, il est en faute et, par suite, responsable des pertes qu'il occasionne.

Aucun texte spécial n'est nécessaire pour consacrer ce résultat ; cela existe en vertu des principes généraux du mandat.

Mais notre amendement a une tout autre portée, que je tiens à préciser.

Cet amendement prononce l'interdiction formelle pour l'administrateur (page 46) de faire les actes dans lesquels son intérêt personnel diffère de l'intérêt social,

De même qu'il est interdit à l'administrateur de faire des opérations qui sortent des statuts, il lui sera interdit de délibérer dans des cas où personnellement il a un intérêt différent de celui de la société. De même que lorsqu'il aura violé les statuts, par cela seul qu'il aura violé la prescription de la loi, il sera en faute. Et par ce fait seul, sans qu'on ait à examiner les mobiles de son acte, il est passible des pertes qui résulteront de l'opération qu'il aura illégalement ainsi imposée à la société, quand même elles viendraient d'un cas fortuit,

Et la raison en est simple : c'est que la société ne peut avoir à subir les conséquences d'un acte qui n'a pas été fait régulièrement pour elle.

On voit immédiatement la différence qui existe entre la sanction qui s'attache, selon moi, à la violation de la prohibition légale, et celle qu'admet mon honorable ami. Il la restreint à la perte qu'on peut évaluer au moment où l'opération est décidée, indépendamment des faits postérieurs, sans qu'on puisse imputer à l'administration les conséquences des faits qui la rendent désastreuse. Or, c'est rendre la sanction purement illusoire, et réduire à rien la responsabilité qui découle des infractions à la loi et aux statuts.

M. Baraµ. - Vous allez voir, messieurs, que l'honorable M. Pirmez admettait complètement le système de la loi, même le système de la loi avec l'approbation des commissaires et avec les conséquences des responsabilités.

« D'après le droit commun, disais-je en 1870, les administrateurs qui ont fait un traité comme celui que nous supposons et ont constitué la société en perte ne sont responsables que s'il y a eu faute grave de leur part.

« Dans le cas contraire, ils n'encourent aucune responsabilité.

« Tandis que dans notre système, nous disons : Si vous n'avez pas prévenu la société de l'intérêt que vous aviez dans l'affaire et si vous n'avez pas eu l'autorisation du conseil de surveillance, vous êtes présumé en faute, et, partant, vous supporterez la perte dont vous aurez été la cause,

« M .Pirmez, - C'est aussi mon système, »

Voila donc quel était le système de M, Pirmez.

C'est le projet de loi. Ce que je disais alors, c'est l'article tel qu'il est rédigé aujourd'hui, et vous disiez : C'est aussi mon système. Nous étions donc alors parfaitement d'accord.

Il s'agit maintenant de définir ce qu'il faut entendre par perte. C'est l'honorable M. Tesch qui, le premier, a introduit une proposition soumettant l'administrateur à des dommages-intérêts dans le cas qui nous occupe.

Il faut, en effet, dans la loi un article spécial le disant formellement, il n'y a pour l'administrateur de responsabilité qu'en cas de faute.

Que veut dire le mot « perte » dans le cas spécial de notre article ?

Il est clair que c'est la perte qui résulterait de l'opération au moment où elle a été faite. Ainsi le coke est à tel prix ; une société en achète à un de ses administrateurs à 2 ou 3 francs plus cher, il sera responsable. Mais il est évident que les pertes qui, dans ce marché, résulteront de circonstances ultérieures ne peuvent avoir aucune influence sur l'appréciation du dommage. L'administrateur ne peut en être responsable ; il n'est responsable que du fait qu'on peut lui imputer, la conclusion du marché à un prix désastreux pour la société, Une crise arrive qui augmente la valeur de l'argent, des malheurs de toute espèce amènent des pertes, font que des marchés ne peuvent être exécutés, irez-vous rendre l'administrateur, responsable ? Evidemment non, vous ne le rendrez responsable que de l'acte qu'il a posé au moment où il a traité, et tous les jours pareils faits sont soumis aux tribunaux. Si vous croyez qu'il y a le moindre doute à cet égard, mettez « de la perte à apprécier au moment où l'acte est posé. » Si vous voulez modifier la rédaction en ce sens, vous pouvez le faire.

Mais lisez les rapports de l'honorable M. Dupont, lisez les discussions et vous verrez qu'il n'y a pas de doute là-dessus. Et si la disposition devait avoir des conséquences aussi exorbitantes, l'honorable M. Pirmez et l'honorable M. Sainctelette, qui ont beaucoup parlé sur cette matière en 1870, n'auraient pas manqué de s'en faire un argument. Mais ils n'en ont pas dit un mot, parce que tout le monde était convaincu qu'il s'agissait de la perte au moment où le contrat est passé.

J'arrive à l'amendement qui vous est proposé.

L'honorable M. Pirmez et l'honorable M, Sainctelette remplacent l'article en discussion par celui-ci :

« L'administrateur qui a un intérêt opposé à celui de la société, dans une opération soumise à l'approbation du conseil d'administration, est tenu d'en prévenir le conseil et de faire mentionner cette déclaration au procès-verbal de la séance. Il ne peut prendre part à cette délibération.

« Il est rendu compte à la première assemblée générale des délibérations où des administrateurs auraient eu des intérêts. »

Ainsi, messieurs, la garantie que nous obtenons est dans la non-présence de l'administrateur intéressé à la délibération sur le marché.

Nous étions partis de la disposition qui voulait interdire complètement aux administrateurs de faire ces opérations sans autorisation de l'assemblée générale ; nous arrivons à ceci : on pourra faire toutes ces opérations, mais l'administrateur intéressé se retirera avant le vote.

L'honorable M. Pirmez est très caustique et je crois qu'il n'a pas pu faire cet amendement sans rire.

Vous connaissez tous la demande en mariage, La jeune fille refuse ? Mais son non veut dire oui.

Or, l'administrateur refuse aussi et se retire, mais au fond il désire de tout son cœur la conclusion du marché.

L'administrateur qui a à vendre des fontes ou du charbon fixe le prix de sa marchandise. On lui demande s'il faut conclure, il répond : Oh, non, je suis intéressé. Mais il n'en a pas moins donné ses prix, et il livrera si le marché est conclu.

Est-ce sérieux ? (Interruption.) Notez que l'administrateur n'est pas obligé de vendre. (Interruption.) Certainement. Supposons le propriétaire d'une houillère administrateur d'une société pour faire de la fonte, est-il obligé de vendre du charbon à cette société ? N'est-ce pas une plaisanterie de lui demander s'il veut, comme administrateur, approuver un marché, lui faire dire non ou le faire retirer, et puis, quand ses collègues ont fait le marché, lui permettre de livrer ? C'est une petite comédie et rien de plus, mais cela ne constitue aucun obstacle sérieux aux opérations que nous voulons empêcher dans l'intérêt des actionnaires.

L'honorable M. Sainctelette dit :

« Figurez-vous un administrateur qui refuse de vendre, qui n'assiste pas à la délibération ou qui vote non, et il sera responsable. »

Je voudrais savoir comment ce cas pourrait se présenter ; si l'administrateur refuse de vendre, il n'a qu'à ne pas vendre. Comment peut on amener quelqu'un à vendre, quand il ne veut pas vendre ?

Donc votre hypothèse n'est pas admissible. (Interruption.)

M. Saincteletteµ. - Mais s'il n'est qu'un des administrateurs ?

M. Baraµ. - Les honorables membres se placent dans ce seul cas (nouvelle interruption) et ils oublient qu'il y a des cas où l'administrateur est seul ou très fort intéressé dans l'établissement avec lequel le marché est conclu.

Voilà donc déjà que vous reconnaissez que votre disposition prête à des abus dans les cas que vous passez sous silence.

Mais je n'admets pas de distinction, parce que la limite de l'intérêt qu'il faut avoir dans une affaire, pour que l'article soit applicable, est très difficile à fixer.

Il y a des administrateurs qui ont un intérêt considérable dans des affaires de charbonnages.

L'appréciation de l'importance de cet intérêt sera extrêmement difficile à déterminer, et surtout de l'influence qu'elle peut avoir sur le marché.

Ce langage est très net et répond au discours de M. le ministre de la justice.

La disposition est donc nécessaire et je crois qu'il y a lieu pour la Chambre de maintenir son premier vote, car si nous ne le maintenons pas nous aurons une législation de beaucoup inférieure à celle de la France ; nous n'aurons élevé aucune digue contre les abus signalés et je crains fort que nous allons subir une réaction contre le projet qui a été voté. Comme premier indice, hier la Chambre a voté la fermeture pendant un jour pour les obligataires du registre des actionnaires ; chose bien minime cependant, le droit pour les débiteurs de connaître les actionnaires non libérés ; demain elle votera la disposition relative aux assemblées générales ; la Chambre avait voté le droit des obligataires d'y prendre part ; le projet du gouvernement approuvé par la commission centrale le supprime et en résumé nous allons tomber dans les mêmes abus qu'autrefois ; la loi sera sous certains rapports sans résultat ; elle ne produira pas cette lumière qui était désirée par tout le monde en matière de société anonyme. Je ne puis empêcher cette réaction que nous devons à la majorité cléricale, je n'ai que le pouvoir de protester.

On oublie toujours que la société anonyme est un privilège et qu'aujourd'hui tout le monde pourra faire des sociétés anonymes.

M. Saincteletteµ. - Tout le monde trouvera-t-il des actionnaires ?

M. Baraµ. - Certainement. M. Sainctelette semble vraiment ignorer (page 47) les faits qui se sont produits sous ses yeux. On trouve toujours des actionnaires, même les sociétés les plus véreuses. (Interruption.)

Mon avis est que quand on concède un privilège on peut bien aussi imposer quelques règles et quelques restrictions et je crois que ce n'est pas trop des restrictions que nous avons posées. Le privilège extraordinaire déformer des sociétés anonymes sans aucune espèce d'autorisation, vaut bien qu'on prenne quelques règles pour garantir les actionnaires contre les administrateurs.

Or, quand nous avons dans un pays voisin onze années d'expérience qui ont démontré qu'une disposition plus rigoureuse n'a donné lieu a aucun inconvénient ni à aucune réclamation, je ne vois pas pourquoi nous ne voterions pas une disposition qui a déjà été adoptée à l'unanimité par l'ancienne Chambre.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je présenterai quelques observations qui me paraissent indispensables.

Permettez-moi d'abord, messieurs, de rectifier un point de ce débat. Mon honorable ami, M. Bara, disait hier que j'avais voté l'article que je combats aujourd'hui. J'ai vainement cherché trace de ce vote. J'ai constaté au contraire, dans le rapport de la section centrale, que j'ai combattu cet article et que c'est en repoussant mes observations que l'article a été voté.

Je tiens toutefois à dire que je n'attache aucune importance à ce point ; bien loin de me croire lié par ce que j'ai dit, je suis prêt à changer tous les articles que j'ai votés et que j'ai défendus, à voter et à défendre des textes différents que de nouvelles études me démontreront être meilleurs,

A entendre l'honorable M. Bara, on croirait qu'il est l'adversaire le plus décidé des administrateurs, et qu'il nous propose des mesures d'une souveraine énergie pour proscrire les abus.

Je me propose de vous montrer que l'honorable membre est à leur égard, non pas dans la forme, tant s'en faut, mais au fond, le plus doux de tous les législateurs et que la disposition qu'il défend est, en créant des formes gênantes, la plus élusive de toute espèce de responsabilité sérieuse qu'on ait jamais imaginée.

Je vous démontrerai, messieurs, que l'amendement que mon honorable ami, M. Sainctelette, et moi, avons présenté, tout en rejetant les entraves inutiles, est infiniment plus rigoureux pour les administrateurs.

Je ne veux pas attacher à ce débat une importance qu'il ne comporte pas. Si l'article de M. Bara passe, j'estime que les sociétés anonymes continueront à bien fonctionner, et je ne crois pas que nous en soyons les sauveurs par l'amendement que nous présentons.

Il ne s'agit que d'un point secondaire.

Tâchons de le bien préciser.

Première question : S'agit-il dans la pensée de quelqu'un d'autoriser les administrateurs à statuer sur les affaires qui les concernent personnellement, dans lesquelles ils ont un intérêt contraire à celui de la société ?

Seconde question : S'agit-il de tenir caché aux yeux des actionnaires qu'il y a eu des opérations faites où quelque administrateur de la société était avec elle en opposition d'intérêts ?

Tout le discours de mon honorable ami repose sur cette idée que nous voulons autoriser les administrateurs à voter et à délibérer dans ces affaires, et que nous voulons cacher aux actionnaires ce conflit d'intérêts. Voilà ce qu'il combat.

Or, notre amendement fait disparaître l'objectif de ses attaques. Il déclare que l'administrateur ne peut prendre part aux délibérations dans lesquelles il a un intérêt, qu'il doit le faire connaître et que l'assemblée générale doit être informée de toutes les opérations dans lesquelles un administrateur a un intérêt différent de celui de la société.

Ainsi, ces deux points du discours de mon honorable ami disparaissent complètement.

Comme lui, nous voulons l'interdiction, pour l'administrateur, de traiter des affaires dans lesquelles il a un intérêt opposé à celui de sa société.

Comme lui, nous voulons que les associés sachent quand un de leurs mandataires est en contradiction d'intérêts avec la société qu'il a charge de gérer.

Cela écarté, il ne reste rien des objections de mon honorable ami.

Quel est donc le point où nous différons d'avis ? Le voici :

M. Bara ne se contente pas d'interdire à l'administrateur de délibérer sur des affaires dans lesquelles il est personnellement intéressé, et étend cette interdiction à ses collègues, qui n'ont aucun intérêt différent de celui de la société.

Or, nous ne voulons pas qu'on mette tous les administrateurs d'une société en suspicion parce qu'il se rencontrerait que l'un d'eux est intéressé dans une affaire spéciale.

Nous disons que c'est là une mesure anomale, exorbitante, sans analogue dans aucune matière, et qui sans motifs, ni théoriques ni pratiques, inscrit dans la loi la défiance contre une catégorie de personnes.

Mon honorable ami a une idée fixe : c'est que les administrateurs s'entendent toujours parfaitement ; que, par cela seul qu'ils travaillent à une œuvre commune, ils ne sont jamais en désaccord et que si l'un d'eux veut faire une opération indélicate, contraire, aux intérêts de la société, ses collègues ne trouveront rien de mieux que faire plier leur conscience pour lui sacrifier ces intérêts.

Cette appréciation est celle de beaucoup de gens à l'égard des avocats. Un plaideur voit son conseil, au sortir de l'audience, parler amicalement à son adversaire, il se dit : J'ai été bien mal inspiré en lui confiant mon affaire ; j'ai bien peur qu'il se laisse séduire par son confrère.

M. Ortsµ.- On dit : Il s'est vendu à l'adversaire.

M. Pirmez, rapporteurµ. - J'adoucissais. Il n'y a pas de limite à cette espèce de soupçons : les rapports d'amitié ou de bonne confraternité deviennent des preuves convaincants de la collusion.

Mon honorable ami nourrit les mêmes préventions à l'égard des administrateurs.

J'ai pratiqué la profession d'avocat pendant bon nombre d'années et je puis en parler en connaissance.

J'ai aussi été administrateur d'un grand établissement financier pendant quelque temps et je ne vois aucune raison de frapper d'une injurieuse défiance plutôt les administrateurs que les avocats ou les avocats que les administrateurs,

Je ne comprends pas qu'il y ait plus de tentation à sacrifier à un collègue les intérêts d'une société que l'on administre qu'à sacrifier à un confrère le succès d'une cause.

Si vous voulez inscrire dans la loi des dispositions issues de cet esprit de défiance, généralisez-les.

Pourquoi permettez-vous aux conseillers communaux de siéger quand l'un deux a un intérêt dans l'affaire en discussion ?

Les conseillers communaux sont généralement plus liés entre eux que les administrateurs. Souvent ils ont lutté et luttent encore pour la défense d'idées communes ; ils sont en relations continuelles.

Vous allez plus loin.

Je prends un tribunal composé de trois juges ; l'un deux a un procès civil ; les deux autres, avec un suppléant qui est encore un collègue, peuvent le juger. Il n'y a pas là de cas de suspicion d'après la loi.

Cette situation n'est-elle pas cependant plus dangereuse ? Et cependant l'honorable M. Bara, qui a fait la loi sur l'organisation judiciaire, n'a pas cherché à l'interdire et je ne crois pas que cette situation ait fait naître des abus.

Les commerçants qui siègent dans les tribunaux de commerce ont des contestations commerciales. Va-t-on frapper tout le tribunal de suspicion, parce qu'un juge est intéressé dans un procès ? Non, encore une fois.

Pourquoi donc n'avoir cette défiance qu'en matière de sociétés ?

Mais, dit l'honorable M. Bara, il y a eu des abus. Une traite a été signée, dit-on, par une seule personne, au nom de trois ou quatre sociétés.

Prenez garde de n'écrire vos lois qu'en considération d'un fait ou de quelques faits exceptionnels. C'est le plus sûr moyen de faire de mauvaises lois. Il n'y a pas une liberté qui résisterait à l'application de ce système. On a abusé de tout ; vous proscrirez tout, si vous proscrivez tout ce dont on a parfois abusé.

Savez-vous où vous conduit ici votre crainte des abus ? A donner des moyens de les commettre en permettant, par certaines précautions, de tout sauvegarder.

Quand vous aurez fait intervenir les commissaires qui, la plupart du temps, connaissent peu la gestion des affaires, vous aurez rendu la position de l'administrateur plus facile, en mettant sa responsabilité à couvert.

Vous faites-vous bien illusion sur cette intervention des commissaires nommés par la même assemblée que l'administrateur et dépendant souvent de celle-ci ? Pourquoi seraient-ils investis d'une vertu que vous refusez, aux administrateurs ? Ne savez-vous pas que c'est détruire la responsabilité que de l'éparpiller sur beaucoup de têtes ?

Votre système ne change rien à la possibilité de la fraude ; il permet seulement de mieux la couvrir.

Mais ce n'est pas là, messieurs, que je redoute la théorie de l'honorable M. Bara. Ce que je crains surtout, c'est ce que je signalais tantôt en l'interrompant, c'est l'atténuation des conséquences des infractions pour ceux qui les commettent.

C'est ici, messieurs, que vient la question sérieusement importante. C'est ici que la Chambre doit bien peser ce qu'elle va faire.

(page 48) Permettez-moi de bien préciser notre différend par l'étendue de la responsabilité des administrateurs.

Je prends d'abord une espèce autre que celle qui nous occupe.

Il est interdit par la loi à l'administrateur de faire des actes autres que ceux pour lesquels la société est constituée ; je suppose que le conseil d'administration fasse un acte.

D'après M. Bara, s'il est conséquent avec ce qu'il vient de dire, il faudra apprécier quel est le préjudice causé par l'acte au moment où il a été posé. Or, presque toujours, l'acte sera bon au moment où il aura été fait, parce qu'on ne sera sorti des statuts que pour faire quelque chose qu'on croit avantageux pour la société. Bien que par le cours des événements l'opération devienne mauvaise, entraîne une perte pour la société, il ne faudra, d'après vous, apprécier l'acte au moment où il aura été décidé et réduire à presque rien la responsabilité de l'administrateur.

M. Baraµ. - Ce n'est pas ce cas-là ; cela n'enlève pas la responsabilité d'autres chefs.

M. Pirmez, rapporteurµ. - D'après nous, au contraire, la responsabilité comprendra toutes les conséquences préjudiciables de l'acte et les dommages et intérêts consisteront à réparer la perte matérielle qui aura été le résultat de l'opération faite contrairement aux statuts.

Voici l'exemple que je voulais signaler tantôt, quand vous m'avez empêché d'user plus largement dit droit d'interruption.

Si je ne me trompe, une société avait établi un service de transports entre Anvers et New-York. Croyant, au moment de la guerre d'Orient..

M. Jacobsµ. - De la guerre des Indes.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Peu importe ; croyant qu'il y avait avantage à changer ce service, l'administrateur affréta ses navires pour les pays vers lesquels la guerre réclamait des bâtiments. Les administrateurs, fort honnêtes gens, avaient cru faire une bonne affaire ; mais il arriva qu'elle se traduisit par des pertes. A-t-on apprécié le dommage au moment où l'opération nouvelle a été décidée ? Pas du tout ; on a constaté un acte interdit par les statuts et on a rendu l'administrateur responsable de toutes les conséquences de l'opération.

M. Baraµ. - Ils avaient changé l'objet de la société.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Un instant ; laissez poser les prémisses, les conséquences viendront après.

Voici donc les principes admis : quand un acte est interdit par une disposition des statuts, ses auteurs en sont responsables, et la responsabilité consiste à réparer tout le dommage qu'il a causé.

Appliquez ces principes à notre matière.

La loi interdit aux administrateurs de prendre une résolution quand ils ont un intérêt opposé à celui de la société.

En violation de cette défense, une opération est décidée par le concours d'administrateurs intéressés.

Le cas est absolument semblable à celui que je rappelais ; que l'acte soit fait contrairement aux statuts ou contrairement à la loi, c'est exactement la même chose puisque les statuts sont censés reproduire la loi.

Quelle sera donc la responsabilité encourue par les administrateurs coupables ? Celle de réparer toute la perte subie par la société par suite de cet acte fait en violation de la loi.

Si l'opération n'existe que grâce à cette violation de la loi, la société ne peut avoir à en souffrir, et l'opération ne fût-elle devenue désastreuse que par suite de naufrages ou d'incendies, que la société n'en a pas moins le droit d'être mise au même état que si l'opération n'avait pas été faite.

Vous voyez, messieurs, la différence profonde qui existe entre ce système et celui de l'honorable M. Bara. Les idées que je défends sont bien plus rigoureuses ; elles créent une répression efficace par une responsabilité complète.

Cette répression ne s'évanouit-elle pas dans une responsabilité illusoire, si l'administrateur ne répond que du préjudice qu'il inflige au moment du contrat, et, si malgré sa faute, malgré la violation de la loi, c'est la société et non pas lui qui subit les pertes que le marché des affaires peut faire découler de ce marché illégalement décidé à son profit ?

Voyez-vous, par exemple, un administrateur ayant acheté du charbon à cinquante centimes au-dessous du prix courant, condamné, si le charbon monte de 15 francs, comme nous l'avons vu récemment, condamné à restituer les 50 centimes et autorisé à conserver les 15 francs ?

Cela n'est pas possible, la restitution doit être entière.

Tel est notre système opposé au sien.

Mon honorable ami a cru que je blâmais cette sévérité, c'est une erreur complète. Cette sévérité est juste et nécessaire ; tous ceux qui ont violé la loi ou les statuts sont responsables du dommage qu'ils ont causé.

Si vous n'admettez pas que ces infractions engagent la responsabilité et obligent à une réparation complète, votre loi ne renferme plus aucune espèce de garantie ; on pourra impunément, violer toutes les dispositions légales ; les prescriptions imposées aux fondateurs, les interdictions faites aux administrateurs, les obligations des commissaires, tout disparaît faute de sanction sérieuse.

Je le répète, messieurs, toute la loi repose sur ce principe que celui qui n'obéit pas à ses prescriptions répond du préjudice qu'il a causé. C'est une sanction sévère, mais elle est indispensable.

En résumé qu'est-ce que nous demandons à la Chambre ?

Nous lui demandons de ne pas imposer des formalités vaines, nuisibles, à la marche des affaires, n'offrant aucune garantie, et ne pouvant servir qu'à couvrir plus facilement des abus.

Nous lui demandons de conserver la prohibition de l'intervention des intéressés, sans l'étendre, par une injustifiable défiance, à ceux qui ne le sont pas.

Nous lui demandons surtout de conserver intact le principe de la responsabilité pleine et entière contre tous ceux qui violent ses prescriptions.

M. Baraµ. - L'honorable M. Pirmez se trompe lorsqu'il pense que j'ai contesté l'étendue de la responsabilité dans les autres cas d'infraction prévus par le projet. En aucune manière, messieurs ; quand un administrateur pose un acte contraire aux dispositions essentielles de la société, l'étendue de la responsabilité est telle que l'a définie l'honorable membre. Il en est ainsi, par exemple, quand vous changez l'objet social ; mais il n'est pas exact de dire, que l'infraction à chacune des conditions de la société a pour effet d'entraîner une responsabilité aussi grande.

Mais dans le cas spécial dont nous nous occupons, la responsabilité ne peut aller au delà de la perte du moment où l'acte est posé. On déroge dans ce cas au droit commun en constituant en faute l'administrateur.

Nous voulons, notez-le, plus que le droit commun. Dans le droit commun, il n'y a aucune responsabilité pour l'administrateur qui, étant de bonne foi, fait un marché dans les conditions que vous indiquez.

Quel obstacle apportez-vous aux actes mauvais que nous voulons empêcher ? Permettez-moi de le dire, c'est un obstacle en papier, absolument comme on en use dans les cirques. Vous dites qu'il suffit à l'administrateur de se retirer de la délibération. Est-ce sérieux ? Est-ce là une barrière ? Quel administrateur se refusera à se retirer ? En quoi cela le gênera-t-il ? Au contraire, il sera plus à l'aise. J'aimerais mieux le voir délibérer, il éprouverait peut-être des scrupules, Nous, nous exigeons l'approbation des commissaires, et quoique ce soit peu, c'est quelque chose.

- La discussion sur l'article 192 et l'amendement y relatif, est close.

MpTµ. - M. le ministre de la justice s'est rallié à l'amendement de MM. Pirmez et Sainctelette, sauf qu'il propose une nouvelle rédaction pour le second paragraphe.

Le premier paragraphe est ainsi conçu :

« L'administrateur qui a un intérêt opposé à celui de la société, dans une opération soumise à l'approbation du conseil d'administration, est tenu d'en prévenir le conseil et de faire mentionner cette déclaration au procès-verbal de la séance. Il ne peut prendre part à cette délibération. »

Le deuxième paragraphe, amendé par M. le ministre de la justice, est ainsi conçu :

« Il est spécialement rendu compte à la première assemblée générale, avant tous votes sur d'autres résolutions, des opérations dans lesquelles un des administrateurs aurait eu un intérêt .opposé à celui de la société. »

Je crois qu'il convient de voter par division et de mettre d'abord aux voix le paragraphe premier de l'amendement, à moins que MM. Sainctelette et Pirmez ne se rallient au sous-amendement de M. le ministre de la justice...

M. Pirmez, rapporteurµ. - Nous nous y rallions, M. le président.

MpTµ. - Dans ce cas, je mettrai aux voix l'amendement de MM. Pirmez et Sainctelette sous-amendé par M. le ministre de la justice.

- Cet amendement est adopté.

Article 193

« Art. 193. Les administrateurs ne contractent aucune obligation personnelle relativement aux engagements de la société. »

- Adopté.

Article 194

« Art. 194. Les administrateurs sont responsables, conformément au droit commun, de l'exécution du mandat qu'ils ont reçu et des fautes commises dans leur gestion.

« Ils sont solidairement responsables, soit envers la société, soit envers les tiers, de tous dommages et intérêts résultant d'infractions aux dispositions du présent titre, ou des statuts sociaux. Ils ne seront déchargés de cette responsabilité, quant aux infractions auxquelles ils n'ont pas pris part, que si aucune faute ne leur est imputable et s'ils ont dénoncé ces (page 49) infractions à l'assemblée générale la plus prochaine après qu'ils en auront eu connaissance. »

M. Lelièvreµ. - Cette disposition me paraît excessivement rigoureuse. En effet, le paragraphe 2 rend les administrateurs responsables non seulement des infractions auxquelles ils ont pris part, mais même des infractions qui ne peuvent leur être imputées, et il ne les décharge de cette responsabilité que dans certaines hypothèses qui sont propres à faire naître des contestations sérieuses.

La loi que nous discutons est une réaction contre l'ancien état de choses, et comme toutes les réactions, elle dépasse le but.

Savez-vous ce qui résultera de la responsabilité excessive qu'on fait rejaillir sur les administrateurs ? C'est qu'on rencontrera difficilement des hommes sérieux qui consentiront à se charger d'une mission aussi délicate et pouvant entraîner des conséquences aussi exorbitantes. A mon avis, il ne faudrait rendre les administrateurs responsables que de faits personnels d'infractions auxquelles ils auraient pris part.

Aller plus loin, c'est exagérer la responsabilité, c'est nuire en réalité aux sociétés qu'on veut protéger, c'est écarter de bons administrateurs en créant à ceux-ci une position intolérable.

Je partage également l'opinion de l'honorable M. Sainctelette qui considère comme exorbitante la responsabilité solidaire que prononce notre disposition contre les administrateurs.

Pourquoi s'écarter des principes du droit commun sur ce point ? Mais le code civil a toujours satisfait aux intérêts légitimes et je ne vois pas à quel titre on exagère cet état de choses, qui est encore propre à écarter des administrateurs en les effrayant relativement aux conséquences que leur gestion peut avoir à leur préjudice.

Il y a plus, obliger un administrateur à dénoncer la moindre infraction qu'aurait commise, un autre administrateur, c'est créer entre les administrateurs des divisions fatales qui seront préjudiciables à la société. Comment peut-on forcer un administrateur à dénoncer la moindre infraction que son collègue pourrait commettre ? Tout cela, à mon avis, n'est pas pratique et n'est pas susceptible en fait de recevoir exécution.

Je ne puis que m'élever contre un régime qui sera loin de produire de bons fruits et qui ne tient pas suffisamment compte de la réalité des faits.

M. Demeurµ. - Je propose de supprimer dans l'article les mots : « Soit envers la société, soit envers des tiers. »

Voici quelle est la portée de ma proposition :

D'après le projet, la responsabilité solidaire des administrateurs, à raison d'un dommage résultant de la violation des statuts, existe envers la société et envers les tiers.

Elle n'existe pas envers les actionnaires considérés individuellement.

Cela est contraire à la jurisprudence actuellement établie, en l'absence de tout texte de loi spécial sur la matière. Il faut maintenir cette jurisprudence. Mon amendement n'a pas d'autre portée.

Si ces mots : « Ils sont solidairement responsables soit envers la société, soit envers des tiers, » ne signifient pas que les actionnaires individuellement n'auront pas d'action en responsabilité solidaire contre les administrateurs, alors nous serions parfaitement d'accord et mon amendement n'aurait pas de raison d'être ; mais on peut interpréter ces mots : « soit envers la société, soit envers des tiers » comme entraînant l'exclusion de l'action individuelle des actionnaires.

Le rapport de l'honorable M. Pirmez, en 1866, m'avait confirmé dans cette idée. En effet, à la fin de son commentaire sur l'article en discussion, il dit que le projet ne s'occupe pas ici de la responsabilité des administrateurs envers les actionnaires. Mais, je le répète, si l'on était bien d'accord que l'action des actionnaires est entièrement réservée par le projet de loi, mon amendement n'aurait plus de but.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Il ne peut y avoir aucun doute à cet égard.

Si on a introduit dans l'article que, lorsqu'il s'agit d'infractions aux statuts, les administrateurs sont responsables soit vis-à-vis de la société, soit vis-à-vis des tiers, c'est qu'on a voulu assurer le droit des tiers à réclamer la réparation du préjudice que les infractions peuvent leur causer.

L'honorable M. Demeur nous parle de l'action individuelle des associés. Remarquez que l'action individuelle des associés est la même que celle de la société. C'est la même action mandati qui peut être exercée soit par la société collectivement, soit par les actionnaires individuellement.

Il y a deux textes qui consacrent l'action individuelle ; le premier la suppose à propos de l'approbation des bilans.

Le second, au chapitre des prescriptions, est ainsi conçu :

« L'action individuelle des actionnaires contre les liquidateurs ou administrateurs d'une société anonyme ne pourra être intentée que dans les trois mois... »

Il ne peut donc y avoir aucune espèce de difficulté et je crois, dès lors, que l'amendement indiqué par l'honorable M. Demeur ne présente aucune utilité.

M. Demeurµ. - Je n'insiste pas.

- L'article est adopté.

Articles 195 et 196

« Art. 195. La gestion journalière des affaires de la société, ainsi que la représentation de la société, en ce qui concerne cette gestion, peuvent être déléguées à des directeurs, gérants et autres agents, associés ounon associés, dont la nomination, la révocation et les attributions sont réglées par les statuts.

« La responsabilité de ces agents, à raison.de leur gestion, se détermine conformément aux règles générales du mandat. »

- Adopté.


« Art. 196. La surveillance de la société est confiée à un ou plusieurs commissaires, associés ou non.

« La nomination est faite, pour la première fois, par l'acte qui constituée définitivement la société ; et ensuite, par l'assemblée générale des actionnaires.

« La durée de leur mandat ne peut excéder six ans ; ils sont toujours révocables par l'assemblée générale.

« Le nombre des commissaires est fixé par les statuts, mais il peut être modifié par l'assemblée générale.

« L'assemblée générale fixe les émoluments des commissaires, lesquels ne peuvent être supérieurs au tiers de ceux d'un administrateur.

« Si le nombre des commissaires est réduit, par suite de décès ou autrement, de plus de moitié, le conseil d'administration doit convoquer immédiatement l'assemblée générale pour pourvoir au remplacement des commissaires manquants. »

- Adopté.

Article 197

« Art. 197. Les commissaires ont un droit illimité de surveillance et de contrôle sur toutes les opérations de la société. Ils peuvent prendre connaissance, sans déplacement, des livres, de la correspondance, des procès-verbaux et généralement de toutes les écritures de la société.

« Ce droit de contrôle et de surveillance peut être exercé par un ou plusieurs commissaires à ce délégués par le collège des commissaires.

« Il leur est remis, chaque semestre, par l'administration un état résumant la situation active et passive. Les commissaires doivent soumettre à l'assemblée générale le résultat de leur mission avec les propositions qu'ils croient convenables, de lui faire connaître le mode d'après lequel ils ont contrôlé les inventaires.

« L'étendue et les effets de leur responsabilité sont déterminés d'après les règles générales du mandat. » .

M. Demeurµ. - Messieurs, d'après l'article 197, tel qu'il est rédigé actuellement sur la proposition du gouvernement d'accord avec la commission, les commissaires conservent le droit de surveillance et de contrôle sur toutes les opérations de la société.

Ils peuvent prendre connaissance, sans déplacement, des livres, de la correspondance, des procès-verbaux, etc. ; mais, si je comprends bien, ce droit appartient aux commissaires réunis en collège, et non à chacun des commissaires individuellement.

S'il en était autrement, je ne m'expliquerais pas la disposition introduite par le gouvernement et portant : « Ce droit de contrôle et de surveillance peut être exercé par un ou plusieurs commissaires à ce délégués par le collège des commissaires. »

Eh bien, ce système est contraire à celui qui est suivi dans la plupart des sociétés existantes.

Les statuts portent presque toujours :

« Les membres du conseil de surveillance, collectivement ou individuellement, ont le droit de prendre connaissance des affaires de la société, etc. »

Je comprends que l'on adopte dans une société le principe que le gouvernement veut consacrer par l'article 197. Mais, ce que je ne comprends pas, c'est qu'on veuille défendre aux sociétés de donner aux commissaires, individuellement, le droit de prendre connaissance des opérations de la société. (Interruption.)

On me dit : Cela n'est pas défendu.

Il faut le dire, dans ce cas.

La disposition est impérative.

(page 50) Je crois qu'il n'est pas entré dans votre pensée d'interdire une pareille stipulation. Cependant cela résulte du texte que vous proposez.

Pourquoi, puisque telle n'est pas votre intention, avez-vous modifié le texte primitif qui portait :

« Les commissaires sont investis du droit de prendre communication de toutes les pièces et écritures de la société, d'examiner ses opérations et de contrôler ses comptes, ses inventaires et ses bilans. »

A ce texte primitif, on ajoute que le droit de contrôle et de surveillance peut être exercé par un ou plusieurs commissaires de la société, à ce délégués par le collège des commissaires.

Il s'ensuit donc qu'individuellement les commissaires n'auraient pas le droit de prendre connaissance des livres.

Pour conclure, je demande que l'on supprime cet alinéa.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Les observations de M. Demeur sont justes. Ce nouveau paragraphe a été introduit par amendement. Je crois que l'intention de M. le ministre de la justice était plus d'étendre que de restreindre les droits des commissaires ; mais je reconnais que le texte n'atteint pas ce but et qu'il doit être fait droit aux observations de M. Demeur.

Du reste, je tiens a constater que les dispositions qui nous occupent ne sont impératives que dans un sens, c'est-à-dire que, tout en imposant un contrôle, elles n'empêchent pas d'établir, par les statuts, un contrôle plus étendu.

Ainsi, du maintien de ce second paragraphe, il serait résulté qu'il faut permettre la délégation d'un commissaire pour faire l'inspection des livres, mais cela n'eût pas empêché d'accorder, par les statuts, ce droit à chacun des commissaires.

- L'amendement de M. Demeur est adopté.

MjdLµ. - Il y a encore une erreur à redresser dans le dernier paragraphe.

il y est dit : « Les commissaires doivent soumettre à l'assemblée générale le résultat de leur mission avec les propositions qu'ils croient convenable de lui faire connaître, etc. » Il faut mettre : « et lui faire connaître. »

MpTµ. - L'article sera donc ainsi rédigé :

« Les commissaires ont un droit illimité de surveillance et de contrôle sur toutes les opérations de la société. Ils peuvent prendre connaissance, sans déplacement, des livres, de la correspondance, d.es procès-verbaux et généralement de toutes les écritures de la société.

« Il leur est remis chaque trimestre par l'administration un état résumant la, situation active et passive. Les, commissaires doivent soumettre à l'assemblée générale le résultat de leur mission avec les propositions qu'ils croient convenables, et lui faire connaître le mode d'après lequel ils ont contrôlé les inventaires.

« L'étendue et les effets de leur responsabilité sont déterminés, d'après les règles générales du mandat. »

- L'article ainsi rédigé est adopté.

- Adopté.

Article 198

« Art. 198. Les administrateurs et les commissaires forment des collèges qui délibèrent suivant le mode établi par les statuts et, à défaut de dispositions à cet égard, suivant les règles ordinaires des assemblées délibératives. »

- Adopté.

Article 198bis

Article 198bis. Les administrateurs et les commissaires réunis, si les statuts le décident ainsi, forment le conseil général.

« Le conseil délibère sur toutes les propositions faites, soit par l'administration, soit par un de ses membres ; il peut être consulté sur les affaires, les. plus importantes. »

M. Baraµ. - D'après les idées qui ont été développées tout à l'heure, les commissaires ne sont pas d'une grande utilité ; ils sont étrangers à toutes les affaires ; ils ne connaissent rien ; ils ne peuvent pas utilement délibérer. Voici maintenant qu'on veut en former un conseil général qui pourra délibérer sur toute espèce d'affaires. Nous nous occupions tout à l'heure d'une affaire qu'on pouvait leur soumettre, c'est celle des marchés faits par des administrateurs intéressés. On n'a pas voulu leur soumettre cette affaire. Je ne comprends pas qu'on veuille maintenant les faire entrer dans un conseil général.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Quant à moi personnellement, je ne suis pas partisan des conseils généraux. Je ne crois pas que ce soit une bonne institution.

Aussi, le projet de la commission ne mentionne plus les conseils généraux.

Le gouvernement a cru qu'il y avait à cet égard un usage ancien dont il fallait tenir compte et il a introduit un article pour permettre de créer des conseils généraux ; ceux qui n'en voudront pas n'en établiront pas.

Je crois qu'il faut laisser aux fondateurs de société toute liberté à cet égard.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 198ter et 198quater

« Art. 198 ter. Les commissaires fournissent en actions de la société le cautionnement fixé par les statuts.

« L'article 189, les deux derniers paragraphes de l'article 190 et l'article 191 sont applicables aux commissaires. »

- Adopté.


« Art. 198quater. La disposition de l'article 104, paragraphe 2, est applicable aux actionnaires, aux administrateurs et aux commissaires des sociétés anonymes. »

- Adopté.

Paragraphe 5. Des assemblées générales

Article 199

« Art. 199. L'assemblée générale des actionnaires a les pouvoirs les plus étendus pour faire ou ratifier les actes qui intéressent la société.

« Elle a le droit d'apporter des modifications aux statuts, mais sans pouvoir changer l'objet essentiel de la société.

« Lorsqu'il s'agit de délibérer sur les modifications aux statuts, l'assemblée n'est valablement constituée que si les convocations ont mis cet objet à l'ordre du jour et si ceux qui assistent à la réunion représentent la moitié, au moins, du capital social.

« Si cette dernière condition n'est pas remplie, une nouvelle convocation sera nécessaire et la nouvelle assemblée délibérera valablement, quelle que soit la portion du capital représentée par les actionnaires présents.

« Aucune modification n'est admise que si elle réunit les trois quarts des voix. »

M. Saincteletteµ. - Messieurs, il est certains actes très importants que les sociétés anonymes ont quelquefois à poser : il s'agit de donner mainlevée d'une hypothèque, de consentir une transaction, d'autoriser le conseil d'administration à compromettre ; ce sont des actes pour lesquels la loi exige un pouvoir spécial, et si vous ne donnez pas à l'assemblée générale le droit de poser ces actes ou de les faire poser par le conseil d'administration, dans l'opinion de jurisconsultes très considérables, dans le silence des statuts et de la loi, une assemblée générale ne peut pas les autoriser.

Je propose de modifier l'article 199 ainsi qu'il suit :

« Elle (l'assemblée générale) peut notamment autoriser l'administration à transiger, à compromettre, à constituer hypothèque, à donner mainlevée d'une inscription. »

Cet article viendra après le paragraphe premier.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je ne puis pas me rallier à l'amendement de l'honorable M. Sainctelette.

L'assemblée générale a les pouvoirs les pins étendus pour faire tous les actes qui concernent la société. Voilà le texte.

Il est impossible de trouver une expression plus générale. La conséquence de l'amendement serait de limiter, par une énumération nécessairement incomplète, les pouvoirs de l'assemblée générale.

M. Saincteletteµ. - Messieurs, contrairement à ce que vient de dire l'honorable préopinant, je crois que le conseil général et l'assemblée générale elle-même n'ont, en l'absence de dispositions expresses, que des pouvoirs d'administration.

Remarquez bien que l'article 1988 du code dit que le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Le mandat n'est pas conçu en termes généraux...

M. Saincteletteµ. - Les pouvoirs les plus absolus, c'est bien vague ! Quel notaire recevra un acte de vente où le vendeur mandataire ne justifierait que des pouvoirs les plus absolus ? Pour que le conseil puisse disposer ou aliéner, il faut lui en donner le pouvoir en termes exprès et spéciaux. Il faut que la stipulation soit contractuelle.

Je crois de même que pour autoriser une dérogation aussi considérable au droit commun que de compromettre, de transiger, il faut une disposition expresse dans les statuts et en l'absence d'un article statutaire dans la loi.

Je ne propose pas de conférer un pareil pouvoir aux conseils d'administration ni aux conseils généraux, mais je persiste à penser qu'en l'absence des stipulations conventionnelles, la loi ne peut donner à l'assemblée générale le pouvoir de disposer qu'à la condition de le faire en termes exprès et spéciaux.

(page 51) Pour qu'une assemblée générale puisse disposer, transiger, etc., il faut de deux choses l'une : ou que les statuts l'y autorisent ou que la loi l'y autorise ; or, la plupart du temps les statuts seront muets à ce sujet ; il faut donc que la loi dise nettement que l'assemblée générale peut compromettre, transiger, donner mainlevée d'hypothèques, etc.

- L'amendement de M. Sainctelette est appuyé, il fait partie de la discussion

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je crois que les textes que cite M. Sainctelette ne s'appliquent en rien à notre cas. L'honorable membre suppose que l'assemblée générale est mandataire, mais elle est bien plutôt mandant. (Interruption.)

D'ailleurs, peu importe ; ne discutons pas sur les mots ; ne parlons pas non plus de ce qui existe ; en l'absence du texte que nous votons, examinons la loi que nous faisons ; or, ne sommes-nous pas maîtres d'insérer dans cette loi quels sont les pouvoirs de l'assemblée générale, sans égard au droit antérieur ?

Or, messieurs, nous voulons que, sauf clause contraire des statuts, l'assemblée générale ait un pouvoir absolu, sans limites ; nous entendons que dès l'instant où l'on ne sort pas de l'objet de la société, l'assemblée générale puisse faire tous les actes qu'un particulier pourrait faire ; tel est le but de l'article ; nous avons certes le droit de le décider ainsi.

Trouvez-vous que les termes que j'indique ne sont pas assez larges ? Inventez-en qui le soient plus, mais de grâce n'énumérez pas, parce que votre énumération, nécessairement incomplète, ira contre vos intentions.

Restons dans les termes généraux ; les explications que nous échangeons suffiront pour lever tous les doutes quant à la portée de l'article.

- Des voix. - La clôture !

MpTµ. - La clôture étant demandée, je commencerai par mettre aux voix le premier paragraphe de l'article 199. Je consulterai ensuite l'assemblée sur l'amendement de M. Sainctelette, qui doit prendre place entre le premier et le deuxième paragraphes de cet article et qui est ainsi conçu :

« Elle peut notamment autoriser l'administration à transiger, à compromettre, à constituer hypothèque, à donner mainlevée d'une inscription. »

- Le premier paragraphe de l'article 199 est mis aux voix et adopté.

L'amendement de M. Sainctelette est mis aux voix et rejeté.

Les autres paragraphes de l'article 199 sont mis aux voix et adoptés.

Article 200

« Art. 200. Il doit être tenu, chaque année, au moins une assemblée générale dans la commune, aux jour et heure indiqués par les statuts.

« Le conseil d'administration et les commissaires peuvent convoquer l'assemblée générale. Ils doivent la convoquer sur la demande d'actionnaires représentant le cinquième du capital social.

a Les convocations pour toute assemblée générale contiennent l'ordre du jour et sont faites par des annonces insérées deux fois, à huit jours d'intervalle au moins, et huit jours avant l'assemblée, dans le Moniteur belge, dans un journal de Bruxelles et dans un journal de la province ou de l'arrondissement où se trouve le siège de la société.

« Des lettres missives seront adressées, huit jours avant l'assemblée, aux actionnaires en nom, mais sans qu'il doive être justifié de l'accomplissement de cette formalité.

« Quand toutes les actions sont nominatives, les convocations peuvent être faites uniquement par lettres recommandées. »

M. Demeurµ.- Qu'entend-on par les mots « dans la commune » ? C'est vraisemblablement dans la commune où se trouve le siège de la société. Cependant, il y a des sociétés qui ont leur siège social à Bruxelles, par exemple, et dont l'établissement se trouve dans une autre localité. Il pourra donc naître un doute sur le sens des mots « dans la commune », si la loi ne le précise pas.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Il me paraît évident que ces mots doivent s'entendre de la localité où est le siège de la société. II n'y aurait aucun inconvénient à dire « au siège social. »

M. Demeurµ. - On pourrait dire « dans la commune où se trouve le siège social. »

MjdLµ. - Je pense qu'il est plus naturel d'appliquer aux mots « dans la commune » la détermination : « indiqués par les statuts », qui suit les mots « aux jour et heure. » On peut parfaitement laisser aux statuts le soin de déterminer quelle sera la commune où se tiendra l'assemblée générale. Il n'y a pas lieu de régler ce point dans la loi.

M. Jacob»µ. - Il y a un grand nombre de sociétés, de sociétés de charbonnages notamment, dont le siège social est dans un village et dont les assemblées générales ont lieu à Bruxelles, à Liège ou à Mons. L'amendement de M. le ministre de la justice doit donc nécessairement être adopté.

M. Eliasµ. - On pourrait dire : « Aux jour, lieu et heure indiqués par les statuts. »

MpTµ. - On propose de remplacer les mots : « dans la commune » par ceux : « au lieu. »

M. Baraµ. - Il n'y a rien à changer. Les mots : « indiqués par les statuts » se rapportent à la commune, au jour et à l'heure.

C'est précisément pour faire droit aux observations qui viennent d'être présentées que l'on a adopté la rédaction proposée. Le texte primitif portait : « au siège social ; »

- L'article 200 est adopté.

Article 201

« Art. 201. Les statuts déterminent le mode de délibération, le nombre d'actions qu'il est nécessaire de posséder, soit à titre de propriétaire, soit à titre de mandataire, pour être admis dans l'assemblée générale, et le nombre de voix appartenant à chaque actionnaire eu égard au nombre d'actions dont il est porteur.

« Toutefois, nul ne peut prendre part au vote pour un nombre d'actions dépassant le tiers des actions émises ou les deux cinquièmes des actions représentées.

« Les décisions sont prises à la majorité des voix des actionnaires présents. »

MpTµ. - M. le ministre de la justice propose au premier paragraphe de substituer aux mots : « eu égard au nombre d'actions dont il est porteur », les suivants : « eu égard au nombre et a la nature de ses actions. »

- L'article 201, ainsi amendé, est adopté.


MpTµ. - Il s'agit de décider si nous continuerons demain la discussion du code de commerce ou si nous nous occuperons des prompts rapports et des feuilletons de pétitions.

M. Saincteletteµ. - Alors on ne s'occuperait que mardi des servitudes militaires.

- La Chambre décide qu'elle continuera demain la discussion du code de commerce.

MpTµ. - Maintenant, je dois vous donner connaissance de la composition des commissions auxquelles ont été renvoyés différents projets de lois :

Pour le crédit de 350,000 francs pour l'établissement d'un champ de manœuvres à Anvers : MM. d'Hane-Steenhuyse, de Macar, Van Overloop, Notelteirs, Guillery.

Pour le projet de loi relatif a la cession à la ville de Bruxelles de terrains de l'ancienne gare du Midi : MM. De Lehaye, Dansaert, Van Hoorde, Le Hardy, Beeckman.

Pour le projet de loi apportant des modifications à la loi sur la monnaie de nickel : MM. de Naeyer, Pirmez, Vermeire, Jamar, Jacobs.

Pour le projet de loi relatif au remboursement du solde de la dette de 5 p. c. : la commission des finances.

Pour le projet de loi sur les chèques et autres mandats de payement : MM. de Naeyer, Jamar, Jacobs, Van Iseghem, Vermeire, de Lhoneux et Cornesse.

Maintenant, il y a deux sections centrales à compléter. La Chambre entend-elle charger le bureau de ce soin ? (Oui ! oui !)

En ce cas, dans la section centrale chargée d'examiner la proposition relative aux dommages-intérêts et aux visites domiciliaires en matière de presse, M. Brasseur sera remplacé par M. Lelièvre, et dans la section centrale chargée de l'examen du projet de crédit d'un million pour travaux de construction d'un palais de justice à Bruxelles, M. Hayez sera remplacé par M. Beeckman.

- La séance est levée à 5 heures.