(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1872-1873)
(Présidence de M. Thibautµ.)
(page 29) M. Hagemansµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Woutersµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Hagemansµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Van Malcote demande que l'appel soit reçcevable pour toute somme inférieure à 2,000 francs due pour actes de propriété, et prie la Chambre de réviser et de faire publier le tarif des avoués et avocats près les tribunaux de première instance. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Vissenaeken présentent des observations en faveur du chemin de fer de Tirlemont à Diest par la vallée de la Velpe. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Comines demandent une loi déterminant la part contributive de l'Etat et des provinces dans les traitements des secrétaires communaux. »
- Même renvoi.
« Le sieur Coppin demande qu'il soit donné suite à sa plainte concernant un acte arbitraire posé à son égard par le procureur du roi de Tournai. »
- Même renvoi.
« Le sieur De Kegelaer réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnisé des dommages occasionnés dans sa maison, le 31 octobre 1871, par des artilleurs en garnison au fort Sainte-Marie. »
M. Van Overloopµ. - Je demanda le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Des habitants de Bernum demandent que ce hameau de Heyst-op-den-Berg soit réuni à la commune d'Itegem. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Amand Colson réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la dotation de combattant de septembre. »
- Même renvoi.
« Les membres des conseils communaux de Rosée, Corennes, Flavion, Anthée, Hastière-Lavaux, Hermeton-sur-Meuse, Serville et Falaën demandent la construction par l'Etat d'un chemin de fer direct d'Athus à Charleroi avec embranchement sûr la Sambre, en passant par Fosses.»
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer d'Athus vers Charleroi.
« Le sieur Blanchard, receveur des contributions directes et accises à Charleroi, demande une place de conseiller à la cour des comptes. »
« Même demande du sieur Casier, greffier de cette cour, qui prie, en outre, la Chambre de renouveler son mandat actuel si la place de conseiller ne lui était pas octroyée. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Le sieur Loicq réclame contre l'incorporation du milicien Mustin, de la commune de Carnières, qui n'a pas la taille voulue par la loi. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les brigadiers, sous-brigadiers et préposés des douanes, stationnés dans le contrôle de Mouscron, demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget du ministère des finances.
« Le conseil communal de Virton demande que le gouvernement fasse faire des études sur le tracé du chemin de fer d'Athus vers Charleroi par la vallée de la Vire. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer d'Athus vers Charleroi.
« Il est fait hommage à la Chambre :
« 1° Par M. le gouverneur du Luxembourg, d'un exemplaire de l'exposé de la situation administrative de la province de Luxembourg, soumis, cette année, au conseil provincial par la députation permanente ;
« 2° Par M. le procureur général près la cour d'appel de Liège, d'un exemplaire de son Discours de rentrée de l'année 1872 ;
« 3° Par M. J.-J. Masset, de 126 exemplaires d'un opuscule intitulé : De l'organisation du service médical dans les campagnes par les sociétés de secours mutuels.
- Distribution aux membres de l'assemblée et dépôt à la bibliothèque.
Les sections ont composé la commission de comptabilité comme suit : MM. Notelteirs, Vander Donckt, d'Hane-Steenhuyse, T'Serstevens, Lefebvre, Verbrugghen.
« M. Hermant, retenu par indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
M. Couvreur, dont les pouvoirs ont été validés dans une séance précédente, prête serment.
« Art, 171. Une société anonyme n'est définitivement constituée que si le nombre des associés est de sept au moins, si le capital social est intégralement souscrit, et si le vingtième au moins du capital consistant en numéraire est versé. »
- Adopté.
« Art. 172. La société peut être constituée par un ou plusieurs actes authentiques, dans lesquels comparaissent tous les associés et qui constatent l'existence des conditions indiquées en l'article précédent. »
- Adopté.
« Art. 173. La société peut aussi être constituée au moyen de souscriptions.
« L'acte de société sera préalablement publié à titre de projet.
« Les souscriptions doivent être faites en double et indiquer :
« La date de l'acte authentique de société et de sa publication ;
« L'objet de la société, le capital social et le nombre d'actions ;
« Les apports et les conditions auxquelles ils sont faits ;
« Les avantages particuliers attribués aux fondateurs ;
« Le versement, sur chaque action, d'un vingtième au moins de la souscription.
(page 30) « Elles contiennent convocation des souscripteurs à une assemblée qui sera tenue dans les trois mois pour la constitution définitive de la société. »
- Adopté.
M. Demeurµ. - La discussion du projet de loi, en ce qui concerne les sociétés anonymes, ne peut, je pense, porter que sur les questions de détail. En effet, le vote unanime du projet en 1870 démontre que la Chambre tout entière accepte le principe sur lequel il repose, l'abolition de toute intervention gouvernementale dans les sociétés anonymes. Désormais la loi elle-même édictera les règles auxquelles sont soumis les fondateurs, les administrateurs et les actionnaires, les règles qui doivent servir de garantie à tous et tenir lieu de l'intervention du gouvernement.
Le paragraphe qui nous occupe établit les modes de constitution des sociétés anonymes. Après avoir indiqué que les sociétés peuvent être constituées par un ou plusieurs actes authentiques, il porte que les sociétés peuvent l'être aussi au moyen de souscriptions.
Préalablement à la souscription, le projet de société doit être publié. On ne se contente pas de cette garantie. On exige que les souscriptions soient faites en double et indiquent les éléments essentiels relatifs à la société, notamment la date de l'acte authentique, de sa publication, l'objet de la société, le capital social, le nombre d'actions, les apports et les conditions auxquelles ils sont faits, etc., etc. Le but de ces dispositions est de prémunir ceux à la souscription desquels on fait appel. A ce point de vue, je me rallie à la pensée qui les a dictées. Aussi ai-je demandé la parole à l'unique fin d'en connaître la sanction.
Si la souscription n'est pas faite en double, sera-t-elle valable ? La souscription écrite est-elle même nécessaire ? Je suppose une personne qui fonde une société dans les conditions du projet de loi et qui fait publier par le Moniteur le projet d'acte de société. Cette personne rencontre un négociant qui lui dit : Je m'engage à souscrire cent actions dans la société dont le projet a été publié hier au Moniteur. Voilà une convention verbale.
II n'y a pas de souscription dans les termes prévus par l'article ; est-ce que cette convention sera obligatoire ? Il me paraît impossible qu'on dise : Cette convention ne sera pas obligatoire ; et cependant si l'on prend le projet à la lettre, la souscription devrait réunir les conditions qu'il indique, nécessairement, à peine de ne pas exister. En est-il ainsi ?
Une personne reçoit une lettre dans laquelle elle est dit : Je souscris autant d'actions dans la société que vous formez. Cette lettre ne renferme pas les mentions qui sont indiquées d'une manière détaillée dans l'article ; elle ne mentionne pas, par exemple, le capital social ou le nombre d'actions ; mais enfin il y a une lettre disant : Je souscris autant d'actions dans la société dont le projet a été publié hier au Moniteur. Voilà une souscription qui ne remplit pas les conditions prescrites par l'article ; sera-t-elle valable ? entraînera-t-elle une obligation ? le souscripteur sera-t-il tenu de remplir son engagement ? Je voudrais savoir quelle est sur ce point la portée du projet.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Le projet indique deux modes de constitution de sociétés anonymes.
L'un consiste à constituer une société par un ou plusieurs actes authentiques, dans lesquels les associés comparaissent. Lorsque des associés, au nombre de sept au moins, ont constitué une société, ont souscrit toutes les actions et fait le versement pour une somme représentant au moins le vingtième du capital social, la société est définitivement et irrévocablement constituée.
On a reconnu qu'en pratique, ce mode n'est pas toujours applicable, et l'on a fréquemment recours à un projet de constitution de société auquel l'adhésion de souscripteurs vient postérieurement donner un corps.
Dans ces cas, il y a souvent des abus, on demande des adhésions en répandant des prospectus remplis de promesses qui ne se réalisent pas.
Le projet a pour but d'empêcher de pareilles conséquences et il introduit, à cette fin, une série de dispositions obligatoires.
Lorsqu'on veut organiser une société par souscription, il faut d'abord publier l'acte de société et, pour que la souscription soit valable, il faut qu'elle renferme certaines conditions.
Quelle est la sanction que demande l'honorable M. Demeur ?
C'est que si l'on ne fait pas, dans l'assemblée générale indiquée à l'article 174, des souscriptions parfaitement régulières et renfermant les conditions prescrites à l'article précédent, il sera impossible de déclarer la société valablement constituée et si l'assemblée générale déclarait, malgré cela, la société constituée, les fondateurs seraient responsables de toutes les conséquences de cette décision.
Cette sanction est donc suffisante. On empêche ainsi que des prospectus trompeurs induisent le public en erreur et l'on a la garantie que les souscripteurs connaissent les conditions principales de leurs engagements.
Le projet de loi a pour but d'introduire en cette matière la publicité, qui est la garantie la plus sûre de tous les intérêts.
M. Demeurµ. - Messieurs, la réponse qu'on vient de me faire n'est pas une réponse directe à la question que j'ai posée.
Je sais très bien que si, dans l'assemblée générale qui doit être tenue avant la constitution définitive de la société, les fondateurs ne présentent pas des souscriptions régulières, la société ne pourra pas être fondée ; ils ne pourront la constituer qu'à peine d’être solidairement responsables du dommage qui pourra en résulter pour les intéressés. Sur ce point l'explication est donnée par l'article 176 du projet. Mais ce que je demande c'est de savoir si celui qui, par correspondance ou verbalement, s'engage à souscrire des actions pourra prétendre que sa souscription est nulle, parce qu'elle n'aura pas été faite en double ou parce qu'il n'y aura pas été fait mention de l'une ou l'autre des conditions exigées par l'article 173, par exemple la date de l'acte authentique de société, etc.
C'est en ce point que le projet ne s'explique pas.
M. Pirmez, rapporteurµ. - La loi ne permet pas de constituer des sociétés par tous les modes de contrat ordinaires. Il s'agit d'un acte spécial sortant du droit commun.
La loi impose une série de conditions pour constituer une société ; en dehors des actes authentiques qu'indique la loi, on ne peut pas constituer une société. Ces actes sont donc substantiels.
Mais les mentions exigées pour les souscriptions sont-elles également essentielles ?
L'affirmative est certaine à l'égard des fondateurs. Et cela est si vrai que si les souscriptions étaient consommées par un versement, le souscripteur pourrait encore se prévaloir des vices de la souscription et recourir contre eux pour se faire restituer ce qu'il aurait versé.
Le souscripteur qui n'a pas souscrit un acte de souscription régulier peut donc s'en dégager vis-à-vis des fondateurs ; ce n'est que s'il laisse la société se constituer définitivement, sans se prévaloir des vices de la souscription, qu'il peut, vis-à-vis des tiers, être engagé.
M. Demeurµ. - Je m'étonne que ce que vient de dire M. le rapporteur ne soulève pas d'observations dans la Chambre ; cela me paraît avoir une portée excessive.
Comment ! voilà une personne qui prend l'engagement de souscrire des actions, qui écrit : Je souscris autant d'actions dans la société dont le projet a paru au Moniteur de tel jour ; et, parce que la lettre qui contient la souscription n'indique pas, par exemple, le nombre d'actions de la société, cette personne pourra, le lendemain du jour où elle aura souscrit, dire : Je ne remplirai pas mes engagements !
Il me paraît impossible que l'on inscrive dans la loi une monstruosité de ce genre. C'est la consécration de la mauvaise foi.
M. Cruytµ. - Je pense que la difficulté que signale l'honorable M. Demeur n'en est pas une. Si je comprends bien, il suppose le cas où une personne désire prendre part à une souscription qui est ouverte ; cette personne écrit à un correspondant, à un courtier, voire à un des fondateurs, et manifeste la volonté de s'intéresser dans la société pour un certain nombre d'actions. L'honorable membre demande si un engagement pris de cette façon, sans l'observation des formalités prescrites par l'article 173, aura ou non une valeur quelconque ? Messieurs, le tiers, à qui le capitaliste se sera ainsi adressé, sera un véritable mandataire ; s'il accepte le mandat et s'il souscrit, il devra remplir, lui, les formalités indiquées par l'article 173 ; sans cela il n'y aurait pas de souscription valable au point de vue de la société.
Entre le mandant et le mandataire, il y aura obligation parfaitement valable, encore que le mandant n'aura pas accompli de son côté les formalités prescrites par ledit article. Le mandataire sera tenu vis-à-vis de la société et le mandant sera tenu envers lui d'assumer les conséquences, de la souscription faite pour lui.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Nous disons, messieurs : il y a deux moyens de constituer une société anonyme ; le premier cas, c'est celui où tous les constituants comparaissent devant un notaire ; là la loi ne prend aucune garantie ; les personnes qui comparaissent devant le notaire prouvent, par leur comparution dans un acte notarié, qu'elles connaissent parfaitement les bases de la société. Mais il est un autre cas, c'est celui où les fondateurs de la société, qui sont quelquefois des « faiseurs », appellent le public à participer à la constitution de la société.
Faut-il dans ce cas n'exiger aucune espèce de garantie, permettre de souscrire en disant simplement : J'adhère à votre projet de société ? Mais (page 31) il est constaté par la pratique que très souvent ceux qui s'engagent dans une société ne connaissent pas les bases de la société, le nombre d'actions, les apports, les avantages conférés aux fondateurs ; la loi exige cette garantie que la souscription doive être faite en connaissance de cause.
Si l'honorable M. Demeur croit qu'il faut permettre de faire des souscriptions sans savoir à quoi l'on s'engage, qu'il demande la suppression de l'article, qu'il propose de rendre la souscription valable, même vis-à-vis des fondateurs coupables d'avoir violé la loi, par la seule constatation du consentement du souscripteur.
Mais M. Demeur aura ainsi fait disparaître à peu près la seule garantie qui existe dans le projet, contre les souscriptions faites sans examen suffisant.
Nous croyons qu'il est bien plus sage d'exiger de ceux qui fondent une société l'obligation d'obtenir des souscriptions régulières, des souscriptions faites par des personnes qui connaissent au moins les bases essentielles de la société.
Mais si l'on admet cela, il faut déclarer que celui qui a souscrit, sans remplir ces conditions, ne peut pas être considéré comme lié vis-à-vis de ceux qui avaient le devoir de l'éclairer.
Voilà, messieurs, la réponse que j'ai donnée à M. Demeur et je crois que, si j'avais répondu en sens opposé, l'honorable membre aurait été tout aussi étonné que maintenant ; car je remarque que l'honorable M. Demeur est toujours étonné des réponses qu'on lui fait.
Si j'avais donné la solution contraire, que nous eût dit l'honorable membre ? Singulière loi que la vôtre ! vous voulez que la souscription porte toutes les mentions et vous déclarez que, si elle ne les porte pas, ce sera exactement la même chose.
L'honorable M. Cruyt a fait une réponse judicieuse à l'honorable M. Demeur. Il est bien clair que si je charge un mandataire de souscrire pour moi, mon mandat ne doit pas mentionner toutes les conditions de la souscription ; ce sera mon mandataire qui examinera et souscrira pour moi, et mon mandat sera reçu comme mandat parfaitement valable ; c'est l'acte de mon mandataire qu'il faudra examiner comme souscription.
Je demande quel inconvénient il peut y avoir dans les idées que j'indique.
Je suppose que celui qui a déclaré souscrire s'aperçoit qu'il a mal fait, avant la constitution même de la société ; que, mieux éclairé, il regrette d'avoir souscrit ; je ne trouve pas grand mal à ce qu'il se retire d'une affaire dans laquelle on l'a fait probablement entrer en ne lui faisant pas bien connaître l'affaire.
Nous avons dit, du reste, que les droits des tiers n'avaient pas à souffrir de l'invocation de ces vices des souscriptions dont les conséquences pèsent sur les fondateurs.
Je pense qu'il y a lieu de maintenir les mentions indiquées dans la loi ; il ne faut pas qu'on ait peur de déclarer ce qu'il y a dans une société ; c'est une condition de moralité. Il n'y a là aucune entrave pour les sociétés sérieuses. Il faut donc maintenir des conditions qui assurent la vérité des affaires.
M. Baraµ. - Messieurs, je demande la parole pour voir si je suis d'accord avec l'honorable rapporteur. Quel est le système de la loi ?
La constitution d'une société anonyme peut se faire par acte authentique ou par souscription, soumis à certaines conditions, et moyennant de faire constater par une assemblée générale devant notaire la constitution définitive de la société.
Il est évident que dans ce cas les actes de souscription doivent, à peine de nullité, contenir, les énonciations indiquées à l'article 171, car ces souscriptions valent engagement de prendre des actions.
L'honorable M. Demeur demande quelle est la sanction de cet engagement.
Si, au jour de l'assemblée générale, la majorité des souscripteurs ne fait pas d'opposition à ce que la société soit constituée, la société est définitivement constituée.
Le souscripteur ne peut donc pas, entre la souscription et la réunion de l'assemblée générale, retirer sa souscription, il est définitivement engagé dès qu'il a souscrit.
Seulement il peut se faire qu'à l'assemblée générale la majorité des souscripteurs dise : Nous ne voulons pas de la constitution de la société. Dans ce cas, il n'y a rien de fait. Et savez-vous quel motif donnait M. Pirmez pour demander qu'il en fût ainsi ? Il disait : Si déjà lorsqu'il s'agit de passer l'acte définitif, on trouve la moitié des souscripteurs qui ne veulent plus de la société, mieux vaut empêcher la société de se constituer d'une manière définitive. Cette société ne promet rien de bon. Ainsi donc, de par les actes de souscription, les souscripteurs sont engagés ; seulement il y a une circonstance qui peut faire que la société ne se forme pas et que les souscripteurs soient dégagés. C'est quand, à l'assemblée générale, la moitié des souscripteurs déclarent vouloir se retirer. Mais si la moitié des souscripteurs ne s'oppose pas à la constitution de la société, celle-ci est bel et bien constituée, même pour les récalcitrants, pour ceux qui auraient voulu retirer leur souscription.
- L'article est adopté.
« Art. 174. Au jour fixé, les fondateurs présenteront à l'assemblée, qui sera tenue devant notaire, la justification de l'existence des conditions requises par l'article 171 avec les pièces à l'appui.
« Si la majorité des souscripteurs présents, autres que les fondateurs, ne s'oppose pas à la constitution de la société, les fondateurs déclareront qu'elle est définitivement constituée.
« Le procès-verbal authentique de cette assemblée, qui contiendra la liste des souscripteurs et l'état des versements faits, constituera définitivement la société. »
- Adopté.
« Art. 175. Lorsqu'une émission d'actions est faite soit en vertu d'une disposition des statuts, soit par une modification aux statuts, les souscriptions devront être faites en double et contenir les énonciations indiquées en l'article 173. »
- Adopté.
« Art. 176. Les fondateurs sont solidairement responsables envers les intéressés soit de l'absence ou de la fausseté des énonciations prescrites pour les actes de souscription, soit de la nullité d'une société constituée par eux et dérivant du défaut d'acte authentique ou d'une des conditions requises par l'article 171. »
- Adopté.
« Art. 177. Le capital des sociétés anonymes se divise en actions d'une égale valeur ou d'une égaie quotité de l'avoir social.
« Une action peut être divisée en plusieurs coupures.
« Les actions et les coupures d'actions portent un numéro d'ordre. »
MpTµ. - L'amendement proposé à cet article par la commission, conjointement avec M. le ministre de la justice, est conçu en ces termes. Il se trouve à la page 7 du rapport :
« Art. 177. Le capital des sociétés anonymes se divise en actions.
« Les actions peuvent être divisées en coupures qui, réunies en nombre suffisant, confèrent les mêmes droits que l'action.
« Les actions et les coupures portent un numéro d'ordre. »
- Adopté.
« Art. 178. II sera tenu, au siège social, un registre d'actionnaires, dont tout intéressé pourra prendre connaissance.
« Ce registre contiendra, pour chaque action :
« L'indication des versements effectués ;
« La désignation précise du propriétaire ;
« Les transferts avec leur date ou la conversion en titre au porteur, si les statuts l'autorisent. »
MpTµ. - L'article amendé par la commission, conjointement avec le gouvernement, est conçu en ces termes :
« Art. 178. Il est tenu au siège social un registre des actions nominatives ; ce registre contient :
« La désignation précise de chaque actionnaire et l'indication du nombre de ses actions ;
« L'indication des versements effectués ;
« Les transferts avec leur date ou la conversion des actions en titres au porteur, si les statuts l'autorisent. »
M, Baraµ. - A cet article je crois que l'honorable ministre de la justice, d'accord avec la commission, propose de remplacer les mots « dont tout intéressé pourra prendre connaissance » par les mots « dont tout actionnaire pourra prendre connaissance. » Je demande que l’on rétablisse le mot « intéressé » qui se trouvait dans l'ancien article 34 et qu'on le substitue au mot « actionnaire. » Je crois que les obligataires ont le droit de connaître les actionnaires de la société tout aussi bien que les actionnaires eux-mêmes.
Cela peut être très important pour eux. Je ne vois pas pour quel motif on a changé ce qui a été voté. Cela n'est pas indiqué dans le rapport, ni dans les amendements présentés par M. le ministre.
Je propose donc de revenir à la disposition votée.
(page 32) MpTµ. - M. Bara propose donc de rétablir le paragraphe premier de l'article 178, tel qu'il est formulé au projet.
M. Baraµ. - Je ne m'oppose pas à l'adoption de la rédaction pour le restant de l'article. Mais je demande qu'au mot « actionnaire » on substitue le mot « intéressé. »
M. Jacobsµ. - Il n'y a pas d'actionnaire.
MjdLµ. - Le gouvernement avait proposé la rédaction suivante :
« Il est tenu au siège de la société un registre des actions nominatives dont tout actionnaire pourra prendre connaissance. Ce registre contient, etc. »
L'intention de la commission n'a pas été, je pense, de supprimer les mots : « dont tout actionnaire pourra prendre connaissance. » C'est par une simple erreur typographique que ces mots ont été omis.
Mais autre chose est la substitution du mot « actionnaire » au mot « intéressé, » substitution que l'honorable M. Bara critique. Cette substitution est intentionnelle.
Le gouvernement a pensé qu'il n'était pas utile, qu'il était peu pratique, de permettre à tout créancier quelconque, obligataire ou autre, de venir, sous prétexte d'un intérêt si minime qu'il soit, inspecter à tout moment le registre des actionnaires. Il a semblé au gouvernement que les créanciers et les obligataires notamment trouvaient dans les autres dispositions du projet de loi des garanties assez nombreuses et assez puissantes pour qu'il soit permis de ne pas leur accorder un droit qu'aucune loi ne donne à aucun créancier : celui d'aller, quand il lui plaît, scruter la composition de la fortune de son débiteur, les garanties de solvabilité qu'il présente.
La publication annuelle d'une liste des actionnaires, sans parler des autres mesures que prescrit la loi, doit être considérée comme suffisante.
Tout autre est la position des actionnaires. Ils sont en quelque sorte les gens de la maison ; le registre est leur chose, ceux qui le tiennent sont leurs mandataires. Ils n'ont d'ailleurs aucun motif d'abuser d'un droit qui, entre les mains de tous autres intéressés, peut devenir une source d'intolérables vexations pour la société.
M. Jacobsµ. - Je pense qu'en présence du nouvel article 183 que propose la commission, le droit d'inspection du registre n'a plus d'utilité sérieuse pour personne. Chaque année, il sera publié, à la suite du bilan, un tableau de tous les actionnaires, constatant ce qu'ils ont versé et ce qu'ils doivent encore. La publication annuelle de ce tableau suffit amplement pour qu'actionnaires et créanciers sachent annuellement la véritable situation des versements de chacun.
Il n'y a donc plus d'intérêt sérieux même pour les actionnaires, mais à plus forte raison pour les créanciers, à se rendre constamment au siège de la société pour inspecter eux-mêmes les livres.
M. Baraµ. - L'article dont vient de parler M. Jacobs n'est pas voté et je ne sais pas si le gouvernement l'admettra. Avec les principes que l'honorable ministre de la justice vient de défendre, cela me paraît ne devoir pas être.
Il dit que les créanciers n'ont pas le droit de venir connaître les noms des actionnaires, que c'est s'immiscer dans les affaires sociales. Mais alors il faut aussi supprimer la publication annuelle au Moniteur, car c'est plus que de révéler les actionnaires aux créanciers, c'est livrer leurs noms à tout le monde.
Mon observation est donc très fondée, puisque je suis en droit de croire que M. le ministre doit combattre l'amendement de la commission.
J'attendrai donc que le gouvernement ait donné son opinion sur l'article suivant pour savoir si je dois maintenir ma proposition.
MjdLµ. - Je répondrai d'abord à l'honorable M. Jacobs. Je pense que le droit d'inspection des actionnaires doit être maintenu.
En venant au siège de la société pour connaître les noms de ceux dont ils sont les coassociés, ils exercent un droit qui dérive de leur titre même.
Quant aux obligataires, pourquoi leur accorderait-on un privilège que leur titre ne comporte point ? Pourquoi leur créer une position qui diffère de celle de tous les créanciers envers leurs débiteurs ?
L'honorable M. Bara m'objecte que je devrais, pour être logique, proposer également la suppression de la publication annuelle de la liste des actionnaires.
Eh bien, non ! J'ai dit tout à l'heure que les obligataires trouvaient dans cette publication annuelle une partie tout au moins de la garantie que l'honorable M. Bara veut rendre plus complète.
Et s'il y a manque de logique quelque part, c'est bien moins de mon côté que du côté de l'honorable membre qui, pour ne point obtenir le droit à l'inspection quotidienne, déclare inutile l'inspection annuelle.
Au surplus, la publication annuelle de la liste des actionnaires a une autre utilité, utilité toute particulière qui résulte des amendements introduits par la commission. Elle servira, en effet, à constater la retraite des associés par un mode plus facile que le mode prescrit actuellement dans l'article 154 du projet. La publication annuelle de la liste des actionnaires a une raison d'être, indépendante de la disposition qui est en discussion en ce moment, et l'on peut dès lors parfaitement maintenir l'une, sans admettre le droit permanent d'inspection que préconise l'honorable M. Bara.
M. Baraµ.- Messieurs, du moment que le gouvernement admet l'article 39 proposé par la commission, il est évident que le but qu'on poursuivait par l'ancien article 34 est presque atteint.
Toutefois, je ne vois pas pourquoi on ne maintiendrait pas pendant l'année le droit de tout intéressé de connaître les actionnaires.
Certes, on n'a jamais entendu dire que les obligataires pourraient assiéger le siège social à l'effet de voir à tout instant la liste des actionnaires. Cela ne se serait pas passé ainsi dans la pratique ; mais on a voulu donner aux intéressés le moyen de le faire à un moment donné.
Le gouvernement adoptant l'amendement de la commission spéciale, il leur est permis de savoir ce qu'il en est tous les ans.
Maintenant, je crois que le terme d'une année est trop long et je vous demande de maintenir le mot « intéressé » dans l'article en discussion.
Il est aussi très important de faire connaître les noms des actionnaires et voici pourquoi : il ne faut pas se dissimuler que le capital de la plupart des sociétés anonymes se compose d'obligations.
- Un membre. - Oh !
M. Baraµ. - Pour la plupart des sociétés anonymes de chemins de fer, il en est ainsi. Dans presque toutes les sociétés de chemins de fer qui se sont constituées depuis un certain temps, les actions ne sont rien du tout : c'est du papier qui se trouve entre les mains d'administrateurs. Depuis un grand nombre d'années, les choses se passent ainsi ; c'est parfaitement connu et si vous voulez faire une enquête, vous verrez qu'il en est ainsi.
- Un membre. - C'est une fraude.
M. Baraµ. - C'est une fraude, cela est autre chose ; je parle de faits, et le fait que je signale est constant.
M. Saincteletteµ. - Le capital des charbonnages est formé par des actions ; il n'y a presque pas d'obligations.
M. Baraµ. - L'honorable M. Sainctelette parle des charbonnages qui sont des sociétés civiles et non des sociétés anonymes. (Interruption.) Nous discuterons tout à l'heure cette question. (Interruption.)
Si certaines sont sociétés anonymes, c'est parce qu'elles introduisent dans leur acte de société des dispositions en vertu desquelles elles font le commerce de charbon ; mais d'elles-mêmes elles sont des sociétés civiles et tout à l'heure on va demander de leur conserver ce caractère. Mais je ne parle pas des sociétés charbonnières, je parle notamment des sociétés de chemins de fer, qui comprennent aujourd'hui une grande partie de la fortune publique, et je dis que, pour la plupart, leur capital est celui que créent les obligataires et non celui que créent les actionnaires.
M. Tackµ. - C'est un abus.
M. Baraµ. - C'est un abus, mais c'est un fait, et nous tâchons de remédier à cet abus en donnant aux obligataires le droit bien mince de connaître les actionnaires non libérés. En définitive, pourquoi les actionnaires doivent ils rester inconnus ? Pourquoi doivent-ils avoir un masque ? Pourquoi ne peut-on pas les connaître ?
Je demande donc qu'on maintienne le mot « intéressé ». L'abus que prévoit l'honorable ministre de la justice ne se présentera pas. Qui pourrait s'imaginer que les obligataires vont venir assiéger le siège social pour lire continuellement la liste des actionnaires ? Ce serait une lecture extrêmement fastidieuse ; on ne fera pas de pareille démarche sans intérêt, et non sérieusement.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Je n'attache aucune importance à ce qu'on décide dans un sens ou dans un autre.
Je crois que nous pouvons parfaitement donner satisfaction à l'honorable M. Bara, qu'il n'y a à cela aucun inconvénient, mais je crois que le résultat de son amendement sera également à peu près nul.
Rendons-nous bien compte de ce dont il s'agit.
Ainsi que l'honorable M. Jacobs l'a fait observer, on publiera la liste (page 33) des actionnaires débiteurs tous les ans, ce qui est fort suffisant pour la sauvegarde des créanciers.
J'ajoute que les changements qui se seront faits ne leur sont pas opposables avant la publication.
Mais je suppose que dans un cas très exceptionnel un créancier veuille, avant la publication annuelle, savoir quels sont les actionnaires ; il ne trouvera que les actionnaires en nom et ceux dont les actions ne sont pas libérées.
Or, dans les sociétés de chemins de fer, qui préoccupent mon honorable ami, toutes les actions sont au porteur et sont libérées.
Les cas d'inspection se présenteront donc très rarement ; mais par là même j'estime que l'on peut, sans inconvénient, permettre aux créanciers de consulter la liste des actionnaires ; qu'on se rassure, on ne fera pas queue à la porte des bureaux de société pour feuilleter le livre des actionnaires ; il est probable qu'il n'y aura pas dix inspections de ce genre par an dans toutes les sociétés de la Belgique.
MjdLµ. - Messieurs, l'abus que l'on annonce ne devoir se présenter jamais, abus qui pourrait rendre la situation d'une administration absolument intolérable, trouverait certainement ta justification dans le texte que l'honorable membre veut maintenir. Si sa prédiction vient à se réaliser, et qu'il ne se présente point d'abus, c'est que l'usage de la loi aura été meilleur que la loi elle-même. Or, il faut que la loi soit telle que son texte même rende toute vexation impossible.
N'y eût-il que ce-motif, il faudrait maintenir le mot « actionnaires ».
Mais une autre considération se joint à celle-là. Il ne faut pas déroger, sans une évidente nécessité, aux règles du droit ; or, est-il conforme au droit commun qu'un créancier puisse ainsi à chaque instant aller s'ingérer dans la constitution d'une société qu'il a librement acceptée comme débitrice ?
Il a su que les actionnaires pouvaient changer ; il sait aussi que ceux qui viennent à se retirer n'en demeurent pas moins tenus, à concurrence de leurs souscriptions, des obligations sociales antérieures à leur retraite. L'intérêt qu'il a à connaître les noms des actionnaires est donc bien minime. Et c'est pour ce minime intérêt qu'il faudrait à la fois déroger aux principes les plus certains et créer aux sociétés une position qui peut être rendue intolérable ? Il m'est impossible, je le déclare, d'admettre une telle opinion.
M. Baraµ. - Je crois que la thèse de l'honorable ministre de la justice n'est pas exacte. Au contraire, il est de règle, dans les sociétés, de faire connaître les actionnaires.
Dans la société en nom collectif, dans la commandite, on connaît les associés. Dans l'anonyme même, on sait quels sont souscripteurs d'actions et leurs noms doivent être publiés.
Je pense, en conséquence, que nous ne devons pas cacher aux créanciers les noms des associés. Quand on traite avec une société en nom collectif, on connaît les noms des débiteurs ; quand on traite avec une société en commandite, on connaît les noms des commanditaires et des commandités.
Ce n'est pas, du reste, un acte d'immixtion dans la gestion que de prendre connaissance de la liste des actionnaires. A moins que les actionnaires aient un intérêt, que je ne comprends pas, à garder l'incognito, je ne vois pas pourquoi leurs noms ne pourraient pas être connus des créanciers et des obligataires. (Interruption.)
L'honorable rapporteur me dit qu'en Angleterre, en payant un shilling, tout le monde a le droit de connaître ces noms. Mais s'il faut payer un shilling d'entrée, qu'on le dise dans la loi, mais qu'on maintienne pour tout intéressé le droit de lire la liste des actionnaires.
MjdLµ. - Messieurs, autre chose est la publicité, autre chose l'inquisition,
Nous ne voulons ni des actionnaires qui se cachent, ni des masques, ni d'illustres inconnus, pour parler comme l'honorable M. Bara.
Nous admettons une publicité qui peut suffire à tous les intérêts légitimes : c'est la publication annuelle d'une liste qui ne laisse aucun nom dans l'ombre.
Il ne faut pas aller au delà. Encore si vous mettiez, à la mode anglaise, la satisfaction de la curiosité de l'obligataire au prix d'un shilling, trouveriez-vous un frein, qui rendrait l'abus moins redoutable ? Mais vous êtes moins sévère. Vous voulez l'inspection gratuite, quotidienne.
Or, cette inspection-là, c'est plus que la publicité ; c'est, comme j'avais l'honneur de le dire, l'inquisition, et nous n'en voulons à aucun titre.
-L'amendement de M. Bara est mis aux voix par assis et levé ; une double épreuve étant douteuse, il est procédé au vote par appel nominal.
68 membres y prennent part.
31 répondent oui.
37 répondent non.
En conséquence, l'amendement de M. Bara n'est pas adopté.
Ont répondu oui :
MM. de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, Demeur, Descamps, Dethuin, Drubbel, Elias, Funck, Guillery, Hagemans, Jamar, Jottrand, Julliot, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Mineur, Mouton, Muller, Piedbœuf, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Thonissen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Bara, Boucquéau, Boulenger, d'Andrimont et Dansaert.
Ont répondu non :
MM. de Clercq, de Haerne, De Lantsheere, Delcour, De Lehaye, de Macar, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Jacobs, Kervyn de Volkaersbeke, Magherman, Meeus, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Pety de Thozée, Schollaert, Snoy, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Vanden Steen, Van Hoorde, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, A. Visart, Wasseige, Wouters, Biebuyck, Coremans, Cornesse et Cruyt.
« Art. 179. La propriété de l'action nominative s'établit par une inscription sur le registre prescrit par l'article précédent.
« La cession s'opère par une déclaration de transfert inscrite sur le même registre, datée et signée par le cédant et le cessionnaire ; les certificats constatant ces inscriptions seront délivrés aux actionnaires.
« La mutation, en cas de décès, est valablement faite à l'égard de la société s'il n'y a opposition, sur la production de l'acte de décès, du certificat d'inscription et d'un acte de notoriété reçu par le juge de paix ou par un notaire.
« S'il y a plusieurs propriétaires de l'action, la société a le droit de suspendre l'exercice des droits y afférents, jusqu'à ce qu'une seule personne soit désignée comme étant, à son égard, propriétaire de l'action. »
MpTµ. - La commission, d'accord avec M. le ministre de la justice, propose la rédaction suivante :
« Art. 179. La propriété de l'action nominative s'établit par une inscription sur le registre prescrit par l'article précédent.
« La cession s'opère par une déclaration de transfert inscrite sur le même registre, datée et signée par le cédant et le cessionnaire ou par leurs fondés de pouvoirs.
« Des certificats constatant ces inscriptions seront délivrés aux actionnaires.
« S'il y a plusieurs propriétaires d'une action, la société a le droit de suspendre l'exercice des droits y afférents, jusqu'à ce qu'une seule personne soit désignée comme étant, à son égard, propriétaire de l'action. »
- Adopté.
« Art. 180 (proposé par la commission). L'action au porteur est signée par deux administrateurs au moins.
« Elle indique :
« La date de l'acte constitutif de la société et de sa publication ;
« Le nombre et la nature de chaque catégorie d'actions, ainsi que la valeur nominale des titres ou la part sociale qu'il représente ;
« La consistance sommaire des apports et les conditions auxquelles lis sont faits ;
« Les avantages particuliers attribués aux fondateurs ;
« La durée de la société ;
« Le jour et l'heure de l'assemblée générale annuelle. »
- Adopté.
« Art. 181. La cession de l'action au porteur s'opère par la seule tradition du titre. »
- Adopté.
« Art. 182. Les cessions d'actions ne seront valables qu'après la constitution définitive de la société ; elles ne peuvent être inscrites sur le registre d'actionnaires qu'après versement du cinquième de l'import des actions.
« Les actions sont nominatives jusqu'à leur entière libération. »
- Adopté. '
MpTµ. - Ici le gouvernement propose un article 182bis ainsi conçu :
« Les actions ou coupures d'actions sont indivisibles à l'égard de la société.
« Les coupures peuvent être réunies pour acquérir et exercer le droit d'assister aux assemblées générales et d'y voter. »
MjdLµ. - Cet article devient sans objet ; il a été fondu dans l'article 177.
(page 34) « Art. 183. La situation du capital social sera publiée au moins une fois par année, à la suite du bilan.
« Elle comprendra :
« L'indication des versements effectués ;
« La liste des actionnaires qui n'ont pas encore entièrement libéré leurs actions, avec l'indication des sommes dont ils sont redevables. »
MpTµ. - La commission propose de rédiger l'article de la manière suivante :
« La situation du capital social sera publiée, au moins une fois par année, à la suite du bilan.
« Elle comprendra :
« L'indication des versements effectués.
« La liste des actionnaires qui n'ont pas encore entièrement libéré leurs actions, avec l'indication des sommes dont ils sont redevables.
« La publication de cette liste a, pour les changements d'actionnaires qu'elle constate, la même valeur qu'une publication faite conformément à l'article 156. »
. Le gouvernement se rallie-t-il à cette rédaction ?
MjdLµ. - Oui, M. le président.
M. Demeurµ. - Je pense que cet article pourrait être utilement examiné en même temps que l'article 202. Il exige la publication annuelle de la situation du capital à la suite du bilan.
Or, l'article 202 indique ce que le bilan doit contenir.
Il y a connexité entre ces deux dispositions.
L'article 183 pourrait être supprimé et former un paragraphe de l'article 202.
Pour le moment je propose de le réserver jusqu'à l'examen de l'article 202.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Je ne fais pas d'opposition à la proposition de l'honorable M. Demeur, mais je dois faire remarquer qu'il s'agit de choses complètement différentes.
Les articles 183 et 184 ont pour objet de régler des questions extrêmement importantes qui se rattachent à la durée des obligations des souscripteurs.
L'article 202 détermine la forme de la publication du bilan qui sera appliquée à la publication de la liste des actionnaires. Il n'y a donc entre ces articles qu'un rapprochement purement matériel.
M. Demeurµ. - Je crois que l'observation présentée par M. Pirmez repose sur une addition à l'article 183 qui a été proposée par la commission dans son dernier rapport, addition que je n'avais pas sous les yeux tout à l'heure. Aussi je n'insiste pas pour la jonction de l'article 183 à l'article 202 du projet.
La publication de la situation du capital social, telle que cette situation résulte des versements effectués, est souvent de nature à induire le public en erreur. Il en est ainsi pour la publication ordonnée par l'article en discussion, de même que pour la publication, prévue par l'article 206 du projet de loi, dans les actes, factures, annonces, etc., de la société anonyme. En effet, la société peut avoir éprouvé des pertes et, dans ce cas, il importe peu de savoir quel a été le capital versé. Ce qui importe au public, c'est de connaître la valeur réelle de l'avoir social actuel et c'est à cela surtout que nous devons tenir la main, puisque la société anonyme ne présente de garantie que dans ce capital. La question que je soulève se représentera au surplus à l'occasion de l'article 206.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Cela a été prévu dans l'article 296 :
« Si les pièces ci-dessus indiquées énoncent le capital social, ce capital devra être celui qui résulte du dernier bilan. »
Cette disposition répond à l'observation de l'honorable M. Demeur.
M. Saincteletteµ. - Je dois faire remarquer à l'honorable M. Demeur que les articles 202 et suivants du projet sont applicables à toutes les sociétés anonymes, même à celles dans lesquelles l'action est complètement libérée et est devenue par conséquent une action au porteur.
Ces articles 202 et suivants prescrivent la publication non pas seulement du bilan, mais encore de ce qu'on appelle en termes de commerce le compte de profits et pertes. Tout le monde sait ce que, dans les affaires, on entend par le compte de profits et pertes. C'est un compte qui énonce de la manière la plus claire et la plus formelle les bénéfices réalisés et les pertes subies. Quand le document produit sous le titre de compte de profits et pertes n'est pas rédigé de cette façon, quand il ne fait connaître les pertes que d'une façon voilée, quand il déguise une opération, ce n'est plus un compte de profits et pertes. Il n'est pas satisfait à la prescription légale.
Indépendamment et en sus de toutes ces garanties qui sont acquises à toutes les catégories de sociétés anonymes, nous avons proposé de prescrire la publication de la liste des actionnaires, lorsqu'il s'agit d'actions qui ne sont pas entièrement libérées.
De sorte que les tiers ont d'abord pour ces sociétés toutes les garanties qui résultent des articles 202 et suivants, mais encore la garantie supplémentaire de la publication de la liste des actionnaires indiquant pour quelle somme ils se sont engagés primitivement, quelle somme ils ont versée et quelle somme ils restent devoir.
Les tiers auront donc tous les moyens possibles de se renseigner sur la situation exacte de la société et je ne vois vraiment pas ce que l'on peut, pour eux, demander de plus.
- L'article est adopté.
« Art. 184. Les souscripteurs sont, nonobstant toute stipulation contraire, responsables du montant total des actions par eux souscrites.
« L'ancien propriétaire aura un recours solidaire contre celui auquel il a cédé son titre et contre les cessionnaires ultérieurs. »
La commission propose la rédaction suivante :
« Les souscripteurs d'actions sont, nonobstant toute stipulation contraire, responsables du montant total de leurs actions ; la cession des actions ne peut affranchir de contribuer aux dettes antérieures à sa publication.
« L'ancien propriétaire aura son recours solidaire contre celui à qui il a cédé son titre et contre les cessionnaires ultérieurs.
MpTµ. - M. le ministre de la justice se rallie-t-il à cette rédaction ?
MjdLµ. - Oui, M. le président, mais il y a une erreur typographique ; il est dit ; « La cession des actions ne peut affranchir », il faut dire : « ne peut pas affranchir. »
- L'article est adopté.
« Art. 185. Les sociétés anonymes sont administrées par des mandataires à temps, révocables, salariés ou gratuits. »
- Adopté.
« Art. 186. A défaut de disposition contraire dans les statuts, ces mandataires ont le pouvoir de faire tous actes d'administration et de soutenir toutes actions au nom de la société, soit en demandant, soit en défendant. »
- Adopté.
« Art. 187. Les administrateurs doivent être au nombre de trois au moins.
« Ils sont nommés par l'assemblée générale des actionnaires ; ils peuvent cependant, pour la première fois, être nommés par l'acte de constitution de la société.
« Le terme de leur mandat ne peut excéder six ans ; ils sont toujours révocables par l'assemblée générale.
« En cas de vacance d'une place d'administrateur et sauf disposition contraire dans les statuts, les administrateurs restants et les commissaires réunis auront le droit d'y pourvoir provisoirement. Dans ce cas, l'assemblée générale, lors de la première réunion, procède à l'élection définitive. »
M. Pirmez, rapporteurµ. - J'ai à présenter à l'article 187 deux observations qui me paraissent importantes.
La première est celle-ci : Généralement, dans les sociétés anonymes, les administrateurs sont nommés à la majorité des voix. Je pense qu'il doit être facultatif de changer ce système électoral en admettant, par exemple, qu'un certain nombre d'actionnaires pourraient être chargés de choisir les administrateurs.
Je tiens à constater que rien dans la loi ne s'oppose à ce qu'on introduise dans les statuts un mode d'élection qui conduirait à la représentation des minorités.
Voici ma seconde observation qui, je crois, doit entraîner un article additionnel au projet de loi.
Messieurs, depuis quelques années, il y a eu beaucoup de difficultés de la part des conservateurs d'hypothèques relativement aux actes émanant de sociétés anonymes.
Il est de principe que les actes touchant à la propriété foncière doivent être authentiques.
Dans les sociétés anonymes, ce sont généralement les administrateurs qui agissent ; les conservateurs des hypothèques ont prétendu que les administrateurs étant des mandataires, ces mandataires doivent avoir un pouvoir authentique et qu'il faut authentiquement constater leur nomination.
Il en est résulté de graves difficultés pratiques ; il est remarquable cependant que les exigences des conservateurs des hypothèques aboutissaient à (page 35) une formalité qui ne donnait aucune garantie nouvelle, car il est évident que quand on avait constaté d'une manière authentique la nomination des administrateurs, on n'avait pas constaté authentiquement la possession des actions par les actionnaires puisque les actions elles-mêmes sont des actes sous seing privé signés par des agents de la société, administrateurs ou commissaires.
On voit donc que par un respect des formes on en est arrivé à compliquer des actes sans obtenir aucune garantie.
Selon moi, les exigences des conservateurs, qui à première vue semblent fondées, reposent sur une erreur absolue et je voudrais indiquer à la Chambre quels sont les principes qui me paraissent méconnus pour qu'on puisse introduire dans le projet une disposition dont je signale la nécessité à M. le ministre de la justice, et aussi à M. le ministre des finances puisque la conservation des hypothèques fait partie de son administration.
Dans quel cas la loi exige-t-elle un mandat authentique ? Dans le cas où celui qui peut agir n'agit pas lui-même, lorsqu'il recourt à l'intervention d'un tiers. Mais les administrateurs de sociétés ne sont pas des tiers qui interviennent pour une société. D'après nos lois, les sociétés constituent des personnalités juridiques. Ces personnalités sont organisées par la loi ; quand les administrateurs interviennent, ce ne sont pas des tiers qui interviennent pour la société, c'est la société elle-même qui agit, par ses seuls organes légaux, par le seul mode d'action directe qu'elle possède.
Or, par cela seul que la loi a organisé des corps moraux, elle a déterminé leur représentation physique de manière que celle-ci ait pouvoir de faire tout ce qui est nécessaire à la fin pour laquelle ils existent.
Quand l'administration de la société agit, c'est la société elle-même qui agit, par la voie la plus directe ; c'est sortir de la vérité juridique que de la considérer comme agissant par des tiers.
Je viens de parler des administrateurs.
Mais il y a une autre difficulté : la loi permet aux sociétés en nom collectif, aux sociétés en commandite et aux sociétés coopératives de se constituer par acte sous seing privé.
On a prétendu qu'une société de ces espèces constituées par acte sous seing privée ne pouvait pas aliéner un immeuble, donner hypothèque ou mainlevée d'hypothèque.
Il y a là une erreur bien plus flagrante encore que dans le cas des administrateurs. La loi dit que l'on peut constituer une personne morale par acte sous seing privé, donc cette personne morale est apte par cette constitution légalement valable à faire, suivant son mode naturel d'action, tout ce que sa vie sociale requiert. L'acte de naissance est régulier, la personnalité juridique existe, c'est transporter dans une matière qui leur est étrangère les principes hypothécaires que de vouloir leur faire régir la constitution ou le mode d'action des sociétés commerciales, en ajoutant aux prescriptions du code de commerce.
Je crois avoir clairement exposé à la Chambre la question qui se présente ; je lui ai indiqué quelle en est, selon moi, la véritable solution ; je soumets la difficulté aux jurisconsultes pour qu'ils l'examinent. Je pense donc qu'il faudra adopter non pas spécialement pour les sociétés anonymes, mais pour toutes les sociétés, une disposition qui portera en substance que les sociétés sont représentées, régulièrement par ceux qui justifient par les actes que prescrit sa constitution du droit de la représenter.
MjdLµ. - Les observations par lesquelles vient de terminer l'honorable M. Pirmez sont d'une très grande importance.
Il s'agit non seulement de définir des droits qui tiennent à la nature intime, à l'essence même du contrat de société, mais encore aux lois qui ont établi notre régime hypothécaire.
J'espère que l'honorable membre voudra bien rédiger son amendement et le soumettre à la commission, qui pourra en faire rapport.
L'honorable membre a soumis à la Chambre une autre observation à laquelle il croit qu'il peut être donné satisfaction sans introduire un amendement au projet. Il suppose que les statuts peuvent assurer à la minorité une représentation dans le conseil d'administration. Je ne sais si je me trompe, mais je pense que le texte soumis à la Chambre n'admet point semblable mesure.
En effet, l'article 201, après avoir énuméré, dans son paragraphe premier, tout ce que les statuts peuvent régler : le mode de délibération, le nombre d'actions qu'il est nécessaire de posséder, etc., ajoute d'une manière absolue : « Ces décisions sont prises à la majorité des voix des actionnaires présents. »
Je pense donc que l'honorable membre, s'il veut réaliser l'idée qu'il émettait tout à l'heure, devrait également, pour cet objet, rédiger un amendement qui pourra, comme l'autre, être soumis à la commission.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Nous pourrons examiner à l'article 201 quelle est la portée du paragraphe que vient de signaler M. le ministre de la justice.
Mais je dois dire, dès à présent, que je n'y attachais pas la même portée que l'honorable ministre ; je crois que la disposition dont il s'agit n'est obligatoire que dans les cas où il n'y aurait pas de disposition contraire dans les statuts.
Mais j'insiste pour que M. le ministre de la justice et son honorable collègue des finances veuillent bien faire examiner la question hypothécaire que j'ai signalée tout à l'heure.
- L'article 187 est adopté.
« Art. 188. Sauf disposition contraire dans l'acte de société, les administrateurs sont rééligibles ; en cas de vacance avant l'expiration du terme d'un mandat, l'administrateur nommé achève le terme de celui qu'il remplace. »
- Adopté.
« Art. 189. Chaque administrateur affecte, par privilège, un certain nombre d'actions à la garantie de sa gestion. Mention de cette affectation est faite par le propriétaire des actions sur le registre d'actionnaires pour les actions nominatives. Les actions au porteur sont déposées dans la caisse de la société ou d'un tiers désigné par les statuts ou par l'assemblée générale. »
- Adopté.
« Art. 190. Chaque administrateur nommé par les statuts doit déposer un nombre d'actions représentant la cinquantième partie du capital social, sans que cette part doive s'élever au delà de 50,000 francs, valeur nominale des actions.
« Les statuts fixent le nombre d'actions à déposer par les administrateurs nommés par l'assemblée générale.
« Si les actions n'appartiennent pas à l'administrateur dont elles garantissent la gestion, le nom du propriétaire doit être indiqué lors du dépôt ; il en est donné connaissance à la première assemblée générale. »
M. Saincteletteµ. - Messieurs, dans la première discussion de ce projet, je me suis élevé contre la disposition aristocratique que l'on veut introduire ici.
On exige que l'administrateur nommé dans les statuts ait un cautionnement ou un intérêt équivalent au 50ème du capital.
Dans certaines affaires d'une grande importance, ce 50ème représentera facilement le minimum de 50,000 francs.
C'est là fermer la porte de l'administration des sociétés anonymes à une foule de gens qui, bien qu'appelés par leurs études antérieures ou par leurs aptitudes à rendre de vrais services, ne sont pas en position de placer 50,000 francs dans une même affaire.
Il a été question, dans ces derniers temps, d'une très grande affaire à organiser à Anvers.
Que l'agrandissement d'Anvers ait lieu sur la rive gauche ou sur la rive droite, le capital sera certainement de plus de 20 millions.
Il faudra donc que chaque administrateur ait dans cette affaire toute nouvelle, d'un genre tout spécial, un intérêt de 50,000 francs.
Trouvera-t-on tout un personnel composé d'hommes à la fois assez compétents et assez riches ?
Et ce qui pourra se produire dans cette affaire, se produira inévitablement dans beaucoup d'autres.
Je ne vois pas quel intérêt il peut y avoir à fermer la porte des conseils d'administration aux hommes compétents pour ne l'ouvrir qu'aux hommes riches.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Je tiens à faire remarquer que l'article n'a pas les conséquences qu'indique l'honorable M. Sainctelette. Il n'oblige pas l'administrateur à être propriétaire des actions.
M. Saincteletteµ. - Alors c'est pour lui une position sans dignité.
M. Pirmez, rapporteurµ. - C'est une erreur.
Je suppose que des actionnaires s'adressent à un homme d'affaires, à un ingénieur, à un avocat, pour l'engager à prendre part à la gestion d'une affaire, dans laquelle il n'a pas d'intérêt et ajoute : Comme nous avons pleine confiance en vous, nous déposerons nous-mêmes pour vous les actions qui vous sont nécessaires.
Comment sa dignité serait-elle blessée d'une pareille proposition ? Je pense, au contraire, que si l'on a assez de confiance pour garantir les (page 36) actes d'une personne et pour déposer des actions à cet effet, c'est qu'on la considère comme honnête et comme capable.
Du reste, je ferai remarquer à l'honorable M. Sainctelette qu'il ne s'agit ici que des administrateurs nommés par les statuts, et que, quant aux administrateurs nommés par l'assemblée générale, il y a une disposition qui porte que les statuts fixent un nombre d'actions beaucoup moindre.
Ces observations doivent parfaitement rassurer sur la portée de cette disposition.
« Art. 191. A défaut de s'être conformé aux conditions prescrites par les deux articles précédents, dans le mois de la constitution définitive de la société, s'il s'agit d'un administrateur nommé par les statuts, ou dans le mois de sa nomination ou de la notification qui devra lui en être faite, si elle a eu lieu en son absence et qu'il s'agisse d'un administrateur nommé par l'assemblée générale, tout administrateur sera réputé démissionnaire, et il sera pourvu à son remplacement par l'assemblée générale. »
- Adopté.
« Art. 192. L'administrateur qui a un intérêt opposé à celui de la société, dans une opération soumise à l'approbation du conseil d'administration, est tenu d'en prévenir le conseil et de faire mentionner cette déclaration au procès-verbal de la séance.
« Le conseil ne peut approuver l'opération sans l'autorisation des commissaires.
« Il est spécialement rendu compte à la première assemblée générale, avant tout vote sur d'autres résolutions, des opérations autorisées aux termes des paragraphes précédents.
« Si l'administrateur n'a pas fait connaître au conseil d'administration qu'il a un intérêt dans l'opération, il sera responsable des pertes qu'elle aura causées. Il en sera de même pour les administrateurs qui ont agi sans l'autorisation des commissaires.
« Ces règles ne sont pas applicables si l'opération a été conclue avec publicité et concurrence ou si l'assemblée générale, informée de la position de l'administrateur, a d'avance autorisé la convention.
« Cette autorisation peut être donnée même pour une année entière .et pour une catégorie d'opérations déterminées, sauf compte à rendre à l'assemblée générale à l'expiration du terme stipulé. »
M. Saincteletteµ. - Je voudrais demander à l'honorable M. Pirmez si cet article sera applicable à tous les cas, quelles que soient la nature et l'importance de l'affaire.
Ainsi, une même personne est intéressée dans une maison de fer et dans une mine de houille.
Il s'agit de faire, cela arrive tous les jours, un marché entre la mine et l'établissement métallurgique. Il s'agira, par exemple, de vendre deux waggons de charbon à l'établissement métallurgique. L'administrateur intéressé dans les deux établissements devra-t-il, pour une affaire d'aussi peu d'importance, se dénoncer lui-même au conseil des commissaires et provoquer toute cette longue série de mesures évidemment dictées par la défiance la plus étroite.
M. Pirmez, rapporteurµ. - La solution affirmative n'est pas douteuse le moins du monde. Lorsqu'il se trouve, dans le conseil d'administration d'un charbonnage, un administrateur d'un établissement métallurgique, il devra, pour faire le moindre marché de charbon avec cet établissement, avoir soin de déclarer qu'il est administrateur. Immédiatement, sur sa déclaration, quand il ne s'agirait que de deux tonnes de charbon, ses collègues sont frappés d'interdiction ; on convoquera les commissaires de la société et on leur exposera la grave question qui se présente.
Les commissaires diront probablement qu'on peut envoyer le charbon dont il s'agit.
Vous croyez que tout est fini ? Vous vous trompez. A l'assemblée générale, avant toute délibération, on devra l'informer qu'à un moment donné de l'année le charbonnage a vendu deux waggons de charbon à telle usine métallurgique dans laquelle M. un tel a un intérêt.
Messieurs, je donne le sens de l'article ; il est ainsi. Je crois, pour ma part, qu'il y a là une exagération considérable. Je ne sais pas si j'ai voté cet article, je crois bien que j'ai fini par le voter pour mettre fin à l'interminable conflit que cette matière a soulevé. Mais je sais qu'à cette époque mon honorable ami, M. Bara et moi, qui étions collègues, nous nous séparions au risque de voir dire que le cabinet n'était pas homogène.
Sur cet article il y a eu renvoi à la commission, discussions de toute espèce, amendements. Malgré cette longue élaboration, je dois le déclarer franchement à la Chambre, je crois que cet article est complètement inadmissible.
Il n'y a qu'une garantie sérieuse de la bonne gestion des administrateurs, c'est qu'ils sont responsables des fautes qu'ils commettent. Il est évident que si l'administrateur fait un marché avec une société dont il est également administrateur et si l'intérêt de la société a été sacrifié, il sera condamné à restituer le montant de la perte qu'il lui aura fait éprouver.
Quand on aura observé toutes les formalités de notre article, en fait, on n'aura obtenu aucune garantie nouvelle et l'on aura, en droit, détruit la responsabilité. Multiplier les contrôles, c'est les rendre illusoires : on fera pour les sociétés anonymes ce qui est arrivé pour les établissements d'aliénés où le nombre des surveillants était tel que personne ne surveillait plus.
Pour moi, il est plus efficace de dire aux administrateurs : Vous êtes responsables de vos fautes : Votre simple négligence est coupable et vous oblige ; à plus forte raison, les calculs déloyaux, et si vous avez sacrifié l'intérêt d'une société à celui d'une autre, vous en répondrez.
On se trompe si l'on croit que celui qui administre deux sociétés ne rend pas souvent les plus grands services à l'une et à l'autre.
L'honorable M. Bara n'a peut-être pas eu l'occasion de s'en convaincre, mais on a pu souvent constater par la pratique qu'un administrateur qui se trouve à la tête, par exemple, d'une société métallurgique et d'un charbonnage peut faire beaucoup de bien aux deux sociétés à la fois.
Il est des gens (et certes mon honorable ami, M. Bara, n'est pas dans ce cas) qui se figurent que dans les affaires il y a toujours perte d'un côté et bénéfice de l'autre ; que, comme on le dit dans je ne sais quelle comédie, les affaires c'est l'argent des autres.
Mais rien n'est plus faux.
Dans les opérations honnêtes qui doivent faire le fond du. commerce, il y a un bénéfice pour le vendeur et un bénéfice pour l'acheteur ; l'administrateur qui aura augmenté les relations de deux sociétés, qui les aura rendues plus faciles, plus régulières ; l'administrateur qui jouera le rôle d'intermédiaire utile, je demande que cet administrateur ne soit pas considéré précisément comme un malhonnête homme qui doive être soumis à une surveillance de tous les degrés et qu'on n'aille pas surtout jusqu'à regarder tous ses collègues comme rendus suspects par son contact.
M. Baraµ. - Messieurs, la question qui fait l'objet du débat actuel est très importante. Elle a soulevé de nombreuses observations dans cette Chambre ; c'est un des articles les plus importants du projet de loi. Ce, n'est pas une fois qu'on a essayé de le faire disparaître ; mais c'est 10, 15, 20 fois. En commission, à la Chambre, par des amendements successifs, on a constamment réagi contre le projet du gouvernement qui voulait une responsabilité sérieuse pour les administrateurs et pour leurs opérations une loyauté à l'abri de tout soupçon.
Mon honorable ami, M. Pirmez, revient à la charge et veut éliminer de la loi l'article en discussion. Il oublie, ou plutôt il s'en est un peu souvenu dans le cours de la discussion, qu'il a voté cette disposition et presque toute la Chambre l'a votée également. Le gouvernement lui-même a été en partie battu ; il voulait plus, il voulait (erratum, page 51) que les contrats dont il s'agit ne pussent se faire sans l'approbation de l'assemblée générale.
On a demandé de substituer les commissaires à l'assemblée générale. C'était quelque chose de beaucoup plus doux. Mais voici que les partisans des administrateurs, qui ont voté l'article, se lèvent et ne veulent plus même des commissaires.
L'article a été une transaction entre l'opinion du gouvernement et ceux qui la combattaient.
Messieurs, ne perdez pas de vue que cette disposition se trouve dans la loi française, qui fonctionne depuis nombre d'années sans inconvénient. Et savez-vous comment on essaye de vous démontrer qu'elle est mauvaise ? En la ridiculisant. Mais les honorables membres qui ridiculisent la proposition prouvent qu'ils ne l'ont pas lue.
L'honorable M. Sainctelette nous dit : Voyez un peu le grave inconvénient : je suis marchand de fer, je fais partie de l'administration d'une houillère, j'ai besoin d'une tonne de charbon pour mon haut fourneau et je ne puis l'avoir sans faire approuver le marché par les commissaires. Je réponds d'abord à l'honorable membre que cette approbation n'est pas bien difficile à obtenir, mais je me hâte d'ajouter que la loi ne défend pas à l'administrateur de faire ce marché sans l'approbation des commissaires ; il peut le faire, seulement elle le rend responsable de la perte, si perte il y a. Voilà tout.
M. Pirmezµ. - Il n'y a jamais de perte au moment où l'on traite l'affaire.
M. Baraµ. - Pardon, et je vous citerai des cas en matière de chemin de fer ; je vous citerai des directeurs de hauts fourneaux qui sont entrés (page 37) dans des sociétés de chemins de fer, avec la condition de fournir des rails à des prix qui n'étaient pas les prix courants du marché.
Eh bien, voici ce que je dis quand vous traiterez avec une société dont vous êtes un administrateur : Il faut que votre marché soit à l'abri de toute critique ; il faut qu'il soit certain (erratum, page 51)que vous ne vous êtes pas passé d'aller chez un tiers pour vous faire un avantage à vous. Et si vous avez contracté un marché onéreux pour la société, alors que vous pouviez en contracter avec des tiers à meilleur compte, vous serez responsable.
L'administrateur n'est responsable que de la perte, mais si on démontre qu'il y a perte, pourquoi ne voudriez-vous pas la lui faire supporter ? (Interruption.)
(erratum, page 51)Il ne s'agit pas de faire supporter la responsabilité des pertes résultant d'événements futurs et incertains.
Eh bien, je dis que dans le cas que je viens d'indiquer, il y a évidemment plus qu'une faiblesse des administrateurs. Comment ! voila un marché où il y a une perte. La loi oblige l'administrateur à faire connaître qu'il est intéressé dans la société et à demander l'approbation des commissaires. Il ne demande pas cette approbation. Plus tard, on constate une perte. L'administrateur dit : Ah ! moi, je ne m'en occupe pas ; cela m'est égal, le contrat a été bel et bien conclu.
Est-ce possible ? Est-ce de la loyauté en affaire ?
On peut supposer d'autres cas qui méritent votre attention.
Une société de chemin de fer se forme ; un propriétaire de haut fourneau prend des actions, se fait nommer administrateur et puis un beau jour le conseil d'administration lui prend toute une fourniture de rails, sans adjudication publique, à un prix excessivement rémunérateur, à un des plus hauts prix du marché. On aurait pu obtenir cette fourniture à de bien meilleures conditions si on l'avait mise en adjudication publique et même si l'on s'était adressé à des tiers, et vous trouvez cela moral, honnête ?
Pour ne pas prémunir les actionnaires contre de pareils actes, vous citez la petite difficulté qui peut résulter de ce que l'on est obligé de consulter les commissaires pour une livraison de charbons, par exemple. Ce n'est pas discuter.
Vous prendrez cette livraison de charbon sous votre responsabilité ; vous la ferez au taux ordinaire du marché ; il n'y aura pas de difficultés, parce qu'il n'y aura pas eu de perte au moment où vous avez fait le contrat.
Si, messieurs, vous faisiez droit à ce que demandent les honorables membres, vous consacreriez de nouveau cette féodalité financière et industrielle qui consiste à avoir, dans un grand nombre de sociétés, les administrateurs de différents établissements et d'autres sociétés, des personnes qui peuvent se passer la casse et le séné au détriment des actionnaires.
L'un vend du fer, l'autre de la houille et ils font des opérations entre eux. Ils sont dans ces marchés (erratum, page 51) vendeurs et acheteurs.
Evidemment, cette situation n'empêche pas ces sociétés de marcher. Mais qui dit qu'on ne pourrait parfois, si l'on achetait le charbon et le fer à de meilleures conditions, distribuer des dividendes, plus considérables aux actionnaires ?
Le principe de l'article en discussion a été, je le répète, admis dans la législation française ; il fonctionne sans inconvénient. On n'y a fait d'observations que pour les banquiers parce qu'on a dit qu'il y avait succession d'affaires et qu'il fallait une autorisation générale. Nous avons fait droit, dans les derniers paragraphes de l'article, à ces observations.
Je ne comprendrais pas que la Chambre, après des discussions si nombreuses, pût revenir sur une disposition votée par presque tous ses membres en parfaite connaissance de cause.
Et je dis que ces membres sont consciencieusement engagés à la voter ; car, en définitive, cette question est déjà bien ancienne et parfaitement connue ; et je ne comprends pas qu'on vienne la soulever de nouveau et à l'improviste. Ni la commission ni le gouvernement (et j'espère que le gouvernement restera de mon avis) n'ont proposé aucun changement à cet article ; j'ai donc le droit de m’étonner de la discussion qu'on vient soulever.
C'est une batterie qu'on démasque à l'improviste pour enlever de vive force, et sans que nous puissions la défendre, une position que nous avons conquise.
Si l'on veut revenir sur ce qui a été décidé, qu'on fasse une proposition et je demande qu'on en remette la discussion à un autre jour.
M. Saincteletteµ. - Il faut se rendre compte de ce qui se passe aujourd'hui.
Généralement, on sait parfaitement quelles sont les différentes sociétés anonymes dont un même administrateur fait partie. Ainsi, quand une maison de fer traite avec une maison de construction, ou avec une mine de houille, ou avec une société de chemin de fer, cette maison sait parfaitement quel est le personnel de chacune des autres. D'autre part, les sociétés anonymes sont généralement administrées par des hommes qui se respectent. (Interruption.)
Sans doute, il y a de malhonnêtes gens partout ; sans doute, on peut abuser de la société anonyme. Mais, en général, les sociétés anonymes, dans notre pays, sont administrées par d'honnêtes gens ; les résultats sont là pour le prouver.
Eh bien, entre honnêtes gens on ne dissimule pas, on ne tait pas la situation.
Quand une affaire du genre de celle dont nous nous entretenons se produit dans un conseil d'administration, tout le monde sait quelle est, quant au vote, la situation de chacun ; tout le monde sait s'il y a un administrateur intéressé dans la maison avec laquelle on va traiter.
De telle sorte que les dispositions qui sont proposées n'ajouteront vraiment rien dans la pratique aux garanties que donne le droit commun. Mais voici ce qui arrivera : on omettra de remplir les formalités prescrites, à péril de responsabilité, et si une opération vient à tourner mal, des tiers viendront invoquer la loi elle-même contre un administrateur qui aura agi le plus loyalement du monde, au vu et au su de toutes les parties intéressées ! C'est une arme extrêmement dangereuse que vous voulez forger contre d'honnêtes gens.
Voilà quel est le danger de la situation et ce danger est très réel.
On dit, messieurs, que l'opération sera toujours jugée à sa date ;
S'il s'agit d'opérations aussi simples que celles que l'on vient d'indiquer, on peut évidemment en apprécier immédiatement les résultats ; mais, s'il s'agit d'une entreprise qui peut durer deux ou trois ans, il devient extrêmement difficile de savoir comment elle tournera. Les administrateurs qui seront intéressés des deux côtés s'abstiendront et les commissaires ne voudront pas substituer leur responsabilité à celle des administrateurs.
Avec le cortège de mesures et de difficultés dont on entoure la société, on en arrivera à faire que chacun se renfermera dans la stricte mesure de sa compétence et qu'il se gardera de toute démarche, même la plus loyale et la plus honorable du monde, si elle peut ajouter à sa responsabilité. Le résultat de la loi sera donc d'empêcher des affaires qui se font aujourd'hui au grand profit des deux parties contractantes,
Je dis donc qu'il faut rester dans le droit commun.
Je ne dis pas que certains des abus signalés par l’honorable M. Bara ne se soient pas produits, ou ne puissent se produire, mais aujourd'hui avec la publicité et surtout avec le droit de faire la preuve contre les administrateurs, par toutes les voies de droit, le droit commun suffit.
On a parlé de la législation française et on a affirmé que la disposition soumise à nos discussions existe dans la loi française. C'est possible. Mais ce n'est pas une raison de décider. Il faut se garder d'introduire dans la loi des dispositions impraticables, même empruntées à une législation étrangère.
C'est toujours une chose fâcheuse que l'antagonisme entre la loi et les usages.
D'ailleurs, la loi française n'est pas exécutée, les garanties qu'elle donne sont illusoires, vous en avez la preuve.
Les événements qui se sont produits pendant plusieurs années en France, les catastrophes de M. Mirés et d'autres financiers français prouvent que les lois sur les sociétés n'ont jamais pu être exécutées en France.
Voulez-vous qu'il en soit de même en Belgique ? Voulez-vous voir un état de choses qui ne puisse pas être accepté, pratiqué et qui expose une foule d'honnêtes gens à être continuellement en contradiction avec la loi ? Evidemment non : il vaut beaucoup mieux se contenter des garanties très sérieuses, très réelles du droit commun, laisser le procureur du roi faire son office contre les administrateurs qui auront posé des faits délictueux, et ne pas ajouter à cette garantie sérieuse une foule de précautions qui ne sont autre chose que des entraves apportées aux affaires.
M. Baraµ. - Messieurs, l'honorable M. Sainctelette a dit qu'il fallait laisser le procureur du roi faire son office. J'entends bien, messieurs, qu'il on soit ainsi et mon article n'a nullement pour but d'enlever ses droits au procureur du roi.
Au contraire. Nous ne nous trouvons pas ici en matière pénale ; si des administrateurs enfreignaient le code pénal, le procureur du roi agirait. Nous nous trouvons en matière civile, même en l'absence de tout dol ou de toute fraude ; il s'agit ici d'un contrat fait par un administrateur d'une société avec une autre société, dont il fait également partie. Il n'y a même dans ce cas ni dol ni fraude. Il importait de faire cette observation.
L'honorable M. Sainctelette dit que la loi n'est pas exécutée en France (page 38) et il en donne pour preuve qu'il y a eu en France des catastrophes très considérables.
Mais qu'est-ce que cela prouverait ? Cela prouverait que la loi n'est pus encore suffisante pour empêcher les catastrophes et qu'il faut la renforcer. Mais cela ne prouverait pas du tout que la loi n'est pas bonne. Si je voulais user du même argument, je dirais à l'honorable membre que nous avons aussi été témoins dans notre pays de catastrophes très nombreuses et que précisément les administrateurs des sociétés en pertes étaient intéressés dans d'autres sociétés.
Je ne veux pas lancer un mot brûlant dans la discussion, mais il est évident que dans ces sociétés on était administrateur de trois ou quatre côtés à la fois et qu'on traitait soi-même avec soi-même.
Voilà la vérité, voilà ce qui se passait. Eh bien, pouvons-nous, en présence de pareils faits connus, avérés, ne pas proclamer les bienfaits d'une législation qui essaye de combattre ces abus ?
L'honorable membre dit : Vous érigez tous les administrateurs de sociétés en malfaiteurs. Erreur ! Parce que l'assassinat est prévu par le code pénal, parce que le vol est prévu par le code pénal, toute la société à laquelle le code s'applique, ne se composera que d'assassins et de voleurs ! Nous espérons qu'il y aura le moins d'administrateurs possible tombant sous le coup de la loi. Mais il n'y a pas de raison, parce qu'en général les administrateurs sont honnêtes, qu'il ne puisse se trouver parmi eux non pas même quelques malhonnêtes gens, mais quelques personnes désireuses de faire une bonne affaire.
On dit : Vous sortez du droit commun. Mais, au contraire, nous y sommes en plein dans le droit commun. Notez que l'administrateur dans une société anonyme est un véritable tuteur des intérêts d'autrui ; c'est un mandataire ; il ne gère pas ses propres affaires. Eh bien, quand il gère les intérêts d'autrui, peut-il faire des marchés qui lui sont favorables ? Peut-il faire avec lui-même des marchés favorables à lui-même ?
Prenons le code civil et voyons les principes qu'il édicté en matière de tutelle. Le tuteur peut-il traiter avec le mineur ? Non ! Le tuteur, qui est souvent la mère de famille, un ascendant, une personne recommandable. Eh bien, qu'a fait la loi ? Elle a créé à côté du tuteur une institution ; elle a créée le subrogé tuteur qui est chaque fois obligé de venir défendre les intérêts de l'enfant, quand les intérêts de l'enfant sont en opposition avec ceux de son tuteur. C'est l’article 420 qui nous donne ce bon exemple que je prierai l'honorable M. Sainctelette de suivre en matière de sociétés anonymes. Nous voyons de pareilles prohibitions dans le mandat.
Eh bien, n'est-ce pas absolument la même chose dans le cas qui est ici prévu ? Un administrateur d'un haut fourneau se trouve être en même temps administrateur dans une société charbonnière. Il fait un marché de houille. Son intérêt, comme administrateur de haut fourneau, est d'avoir la houille au meilleur marché possible. Eh bien, je voulais qu'en cas semblable ce fût l'assemblée générale qui décidât, parce qu'il s'agit souvent de marchés importants qui ne se terminent pas en un jour. Mais, poursuivi de tous côtés, je me suis, par transaction, rallié à l'amendement qui proposait l'approbation des commissaires. Voulez-vous faire tomber cette faible garantie que nous avons conservée ? Je crois que la Chambre ne le fera pas. Sans cela, ce serait permettre les abus, ce serait autoriser le renouvellement d'abus qui, je le crois, ne seront pas complètement empêchés ; mais, au moins, nous aurons fait, dans une limite déterminée, quelque chose pour l'empêcher.
M. Jacobsµ. - Messieurs, je demande le renvoi de l'article à la commission.
En présence du désaccord qui se produit parmi nous, l'article me paraît devoir être modifié.
Je ne suis pas contraire à son principe, mais l'article ne me paraît pas convenablement rédigé.
Il semble exiger qu'à chaque opération il soit fait mention de l'intérêt de l'administrateur et que cette mention soit consignée au procès-verbal.
Or, nous nous trouvons souvent en présence de sociétés qui ont entre elles les rapports les plus suivis ; je citerai l'une des plus grandes sociétés du pays, la Société Générale ; elle a des filiales de toute espèce, dont chacune compte parmi ses administrateurs un ou plusieurs de ses propres administrateurs ; à chaque réunion, ces administrateurs devront donc venir dire : « Actez au procès-verbal que je suis administrateur de telle, telle et telle société. »
Ne suffirait-il pas qu'au 1er janvier, par exemple, l'administration fît acter au procès-verbal cette qualité d'administrateur et qu'ensuite à l'assemblée générale on rendît compte des rapports d'affaires qui ont existé pendant l'année entre la société qu'il administre et la société mère ? (Interruption)
La rédaction de l'article n'admet que l'autorisation globale, il n'admet pas la déclaration globale de la qualité d'administrateur ; il exige autant de déclarations que d'opérations.
L'autorisation peut être générale pour une année, la déclaration doit pouvoir l'être également.
Le deuxième paragraphe porte que le conseil d'administration ne peut passer outre sans l'autorisation du collège des commissaires ; ainsi, malgré l'urgence, il faudra réunir préalablement les commissaires, et il faudra autant de réunions des commissaires que de réunions du conseil d'administration !
Pourquoi ne pas permettre au conseil d'administration d'agir sans retard, sauf à obtenir la ratification postérieure des commissaires s'il reconnaît l'urgence ? (Interruption.)
Permettez ! Le conseil ne sera pas même à couvert par cette ratification postérieure ; il lui faut une autorisation préalable d'après la rédaction de l'article.
L'administrateur prévient de son intérêt ; vous défendez à l'administration de passer outre ; si elle passe outre, quelle est la responsabilité engagée ?
Evidemment, c'est celle du conseil d'administration, celle des membres de ce conseil qui décident de passer outre.
Il peut cependant, je le répète, se rencontrer des cas d'urgence qui ne permettent pas d'attendre la convocation, parfois difficile, du collège des commissaires.
Il faut permettre au conseil d'administration de marcher de l'avant, sous sa responsabilité, sauf à le décharger de tous risques s'il est ultérieurement couvert par l'approbation des commissaires.
La rédaction de l'article peut être utilement modifiée, et j'en demande le renvoi à la commission.
M. Guilleryµ. - Je viens supplier la Chambre de ne pas renvoyer l'article à la commission. Ce serait, de bon compte, le quatrième ou le cinquième renvoi. Je ne pense pas que la Chambre doive recommencer toujours les mêmes discussions sur le code de commerce. Si un argument nouveau s'était produit, je comprendrais qu'une situation nouvelle exigeât un examen nouveau. Mais il n'en est rien. L'honorable M. Bara a rappelé que cet article est une transaction, et c'est sur cette transaction qu'on veut revenir...
M. Saincteletteµ. - La Chambre n'est plus la même.
M. Guilleryµ. - Mais la question est exactement la même et le gouvernement ainsi que la Chambre paraissent avoir l'intention de voter, sauf quelques modifications, le projet de loi déjà adopté, dont nous ne reprenons la discussion que par suite d'une question de pure forme.
Or, je trouve que l'article en discussion ne présente aucun des inconvénients qui viennent d'être signalés. Cet article est très pratique, il ne manque pas de clarté.
Le principe fondamental du projet de loi que nous discutons est : publicité d'un côté et responsabilité de l'autre. C'est là que je trouve les véritables garanties pour le public.
Il n'y a pas autre chose dans la réforme du titre des Sociétés : publicité, responsabilité.
Si nous exigeons la responsabilité et la publicité, nous aurons donné toutes les garanties possibles ; ne comptons pas sur les poursuites correctionnelles, sur l'intervention du parquet, nous nous ferions une dangereuse illusion ; le parquet poursuit les crimes et délits qui lui sont dénoncés, les crimes et délits qui ont une forme apparente, mais il ne poursuit pas des abus qui peuvent se produire ou se cacher dans l'administration des sociétés. Il ne s'agit pas ici, du reste, de crimes ni de délits, et c'est à tort que l'honorable M. Sainctelette croit que l'intervention de la partie publique peut en rien nous empêcher de prendre des précautions dans l'ordre civil et commercial.
Que demande le projet ? Que lorsqu'un administrateur est personnellement intéressé dans une opération, il le dise ; faut-il mentionner sa déclaration dans tous les procès-verbaux ? C'est là une question de fait que les sociétés examineront ; c'est une question de fait.
On nous dit : Il peut y avoir des opérations urgentes ; je l'admets ; mais tout mandataire peut se trouver dans une situation qui l'oblige à aller au delà de son mandat ; il agit alors à ses risques et périls et l'homme intelligent obtient toujours alors la ratification de celui dont il a géré les affaires.
Les circonstances exceptionnelles ne peuvent pas être prévues par le législateur. Pour empêcher un incendie ou une inondation, on n'a besoin (page 39) de l'autorisation de personne ; le premier venu est autorisé à agir lorsqu'il s'agit de sauver une maison, une société d'un danger imminent.
Les circonstances dont on a parlé sont inventées à plaisir et d'ailleurs le projet de loi y pourvoit de la manière la plus claire et la plus pratique.
Nous trouvons dans l'article 192.
« Toutes ces règles ne sont pas applicables si l'opération a été conclue avec publicité ou concurrence ou si l’assemblée générale, informée de la position de l'administrateur, a d'avance autorisé la convention. »
Donc, des sociétés peuvent, lorsque l'assemblée générale est réunie, faire décider que, bien que l'administrateur fasse partie de telle ou telle société, comme on connaît sa position, comme cela existe au vu et au su et avec l'assentiment de l'assemblée générale, il est autorisé à faire tel genre d'opération.
« Cette autorisation peut être donnée même pour une année entière et pour une catégorie d'opérations déterminée, sauf à en rendre compte. »
Ainsi donc on peut autoriser toute une catégorie d'opérations déterminée.
Il y a une société métallurgique d'un côté et une société d'exploitation houillère de l'autre.
On autorise certaines catégories d'opérations telles que la fourniture des charbons à la société métallurgique.
M. Saincteletteµ. - Où les affaires se font-elles ainsi ?
M. Guilleryµ. - Elles se feront partout ainsi, c'est-à-dire qu'il est toujours facile de prévoir, dès le commencement de l'année, quelles seront, en thèse générale, les opérations à faire. Pour celles qui ne sont pas prévues, vous réunirez les commissaires, qui ne sont pas si difficiles à trouver.
Quoi de plus logique et de plus conforme à la saine raison que de dire à un administrateur : Vous êtes intéressé dans l'opération que vous concluez ; vous avez un double intérêt, deux intérêts contradictoires ; vous devez donc avoir l'assentiment d'un commissaire qui va être juge de la question de savoir si vous défendez bien l'intérêt de la société au nom de laquelle vous stipulez. Rien de plus logique. Il me semble que l'administrateur lui-même doit désirer cela.
Ayant à traiter une affaire dans laquelle il a un double intérêt, il doit désirer que les commissaires de la société pour laquelle il contracte viennent donner leur assentiment. Il peut, à ses risques et périls, ne pas demander cet assentiment ; s'il est convaincu de la bonté de l'opération, il peut s'en passer, mais il subira seul la responsabilité de son acte. Quoi de plus logique ? Où il y a indépendance, il y a responsabilité.
En résumé, messieurs, je vois une transaction conclue par la Chambre entre deux systèmes extrêmes.
On a pris comme moyen terme la ratification par les administrateurs.
Maintenant on prétend que la loi française n'est pas exécutée. Mais, messieurs, si elle ne s'exécute pas, c'est sous la responsabilité des administrateurs ; il en résultera pour eux une situation dont ils n'auront pas à se plaindre puisqu'ils en seront la première cause. Mais je suis convaincu que les administrateurs de sociétés anonymes, gens expérimentés, ne s'exposent pas, de gaieté de cœur, à substituer leur responsabilité à celle de la société.
Il y a donc eu une transaction ; elle a été convenue entre deux systèmes dans un sens pratique. On ne demande que la ratification des administrateurs qui sont toujours faciles à trouver, et on introduit dans la loi une véritable garantie de bonne foi.
Comme on l'a très bien dit, ce n'est pas douter de la bonne foi de qui que ce soif, que de faire des lois contre les abus. Elles profitent aux honnêtes gens et elles protègent les intérêts de tous.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! à demain !
M. Pirmez, rapporteurµ. - L'honorable membre vient, en terminant, d'énoncer un principe qui me paraît plein d'illusions : c'est que les formalités de garantie qu'on prescrit par la loi sont toujours redoutables aux hommes indélicats et favorables aux honnêtes gens. Je suis convaincu qu'il arrive presque toujours le contraire. Les honnêtes gens sont d'ordinaire les plus confiants ; ils ne songent guère, la plupart du temps, à se soumettre à ces minutieuses formalités ; ils marchent avec la sécurité de la droiture ; et ces formalités deviennent pour eux des pièges. Ceux, au contraire, qui ont quelque mauvais coup à faire, savent parfaitement se mettre en règle. Ils prennent d'autant plus de précautions qu'ils méditent une opération plus blâmable. Tout ce que vous faites ici aura les conséquences que je viens d'indiquer ; vous ouvrez un refuge assuré à la fraude sans créer aucune garantie sérieuse.
L'honorable M. Bara part d'idées bien contestables.
Ce que nous voulons empêcher, dit-il, c'est qu'il y ait une espèce de féodalité financière, d’associations d'administrateurs qui, par un mélange d'intérêts, absorbent les bénéfices de différentes sociétés.
J'avoue que je ne suis pas parvenu à comprendre comment on peut arriver ainsi à faire disparaître les bénéfices.
Je comprendrais qu'il y ait eu un déplacement, mais non une perte générale.
M. Baraµ. - Le bénéfice se sera trompé de poche.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Je constate simplement que, d'après votre système qui doit empêcher des abus que vous paraissez croire très étendus et constituer dans le moment présent une véritable plaie, on n'obtiendra aucun résultat général.
J'invoque le témoignage de tous ceux qui connaissent un peu les matières financières ; il n'y a pas une société en Belgique qui se soit enrichie par de pareils moyens ?
L'honorable membre me paraît d'ailleurs avoir détruit la sanction de la disposition qu'il défend. Cette sanction est de faire supporter les pertes, dans certaines circonstances, par ceux qui n'auraient pas fait connaître qu'un administrateur était intéressé dans une opération.
La loi dit que si l'opération se résout par une perte, l'administrateur doit la subir.
Or, l'honorable M. Bara nous dit qu'il faut considérer la perte au moment où l'on fait l'opération. Mais, messieurs, ce n'est pas là la perte : le bénéfice ou la perte c'est le résultat final de l'opération.
Messieurs, je ne défends pas l'administrateur qu'on nous signale et qui a caché l'intérêt qu'il avait dans une opération : je l'abandonne complètement aux actions civiles et, si l'on veut, à des poursuites correctionnelles ; mais je ne puis pas admettre l'article pour d'autres administrateurs qui, n'ayant aucune espèce d'intérêt, ont fait un marché en oubliant qu'ils avaient un collègue intéressé dans ce marché, collègue qui peut-être n'est pas présent à l'assemblée.
Voilà ceux auxquels je m'intéresse, voilà ceux que je ne veux pas rendre responsables des pertes qui, par suite d'événements imprévus, sont résultées du marché. Or, c'est là la portée de l'article.
M. Baraµ. - Voulez-vous permettre ?
M. Pirmez, rapporteurµ. - Parfaitement.
M. Baraµ.- J'achète des rails à tel prix, eh bien, le prix du marché est de 5 francs de moins, il y a une perte de 5 francs pour la société au moment de l'opération et les événements qui arrivent postérieurement ne font rien du tout quant au marché.
Il est constaté qu'au moment du marché vous avez fait subir une perte à la société.
- Un membre. - C'est un vol.
M. Baraµ. - Mais non, ce n'est pas un vol. Les prix ne sont jamais fixes, précis. Car tous les jours cela se fait.
On dit que les administrateurs ignorent souvent qu'un de leurs collègues est intéressé dans d'autres affaires. Cela n'est pas sérieux, on oublie que les administrateurs posent souvent des actes de complaisance les uns envers les autres.
Je ne m'oppose pas à ce que les administrateurs deviennent vendeurs ou acheteurs, mais en observant les formes voulues par l'article ou en adjudication publique.
Quant à la perte, je le répète, c'est la perte au moment où l'on fait l'opération, mais elle ne peut pas résulter d'un événement postérieur inconnu qui n'a pu en rien influer sur la conclusion du marché.
M. Pirmez, rapporteurµ. - L'honorable M. Bara, comme vous le voyez, est dans un monde autre que celui des affaires. Il vous parle de faire le commerce par adjudication. Réellement, mon honorable ami est en dehors de la vérité des faits.
M. Baraµ. - Lisez l'article, il parle d'adjudication.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Sans doute certaines fournitures peuvent être faites par adjudication, mais cela est-il applicable à la généralité des affaires ?
Je soutiens que l'honorable M. Bara est en dehors du sens du texte dans l'interprétation qu'il lui donne, il l'interprète dans un sens diamétralement contraire à ce qui s'y trouve. Je relis : « sera responsable de la perte que l'opération aura causée. »
Cela ne semble-t-il pas évidemment que c'est le résultat qui constitue la perte ? Je suppose qu'au commencement de cette année, j'ai vendu du charbon à 13 francs pour toute l'année. Il est aujourd'hui, je suppose, à 30 francs ; évidemment mon marché fait, à l'heure, qu'il est, perdre 17 franns à la société. Voilà ce que j'appelle une perte. Si vous voulez donner un autre sens à l'article, changez le texte. Car il n'est pas (page 40) discutable que l'article a bien la .signification que je lui donne. Quand on impose à un administrateur la perte que l’opération aura causée, ce n’est pas la perte au moment où l’opération aura été conclue, c’est la perte qui se réalise dans l’exécution de l’opération.
Si l'opinion de l'honorable M. Bara sur le sens qu'il donne au mot « perte » est fondée, je dois dire qu'alors l'article ne signifie absolument rien. Il ouvre même la porte à tous les abus.
Comment ! l'administrateur ne sera responsable que de ce qui sera perdu au moment où l'on contractera !
Mais les administrateurs qui font un marché, le font toujours au cours du jour. S'il n'en était pas ainsi, il y aurait une faute évidente ; et les principes généraux suffisent pour engager la responsabilité de l'administration.
Je suis disposé à voter une disposition sur les faits qui nous occupent ; mais je demande qu'on applique en cette matière les règles qui existent dans les autres situations, que l'honorable M. Bara a lui-même invoquées.
On défend aux conseillers communaux, par exemple, de prendre part aux délibérations dans lesquelles ils ont un intérêt. Je trouve cela fort bien et je trouverais fort bien de défendre à un administrateur de traiter pour des affaires dans lesquelles il a un intérêt. Mais je demande pourquoi vous permettez à tous les autres conseillers communaux de siéger, malgré l'intérêt de leur collègue, et pourquoi vous frappez d'incapacité tous les membres du conseil d'administration dans le même cas !
Je ne trouve qu'une seule raison, c'est qu'on admettra à priori que les conseillers communaux sont d'honnêtes gens et qu'il n'en est pas de même des administrateurs de sociétés.
Je présenterai un amendement qu'on pourra examiner et modifier ; il donnera un corps à mes observations. Il est ainsi conçu :
« Art. 192. L'administrateur qui a un intérêt opposé à celui de la société, dans une opération soumise à l'approbation du conseil d'administration, est tenu d'en prévenir le conseil et de faire mentionner cette déclaration au procès-verbal de la séance. Il ne peut prendre part à cette délibération.
« Il est rendu compte à la première assemblée générale, des délibérations où des administrateurs auraient eu des intérêts. »
- Plusieurs membres. - A demain !
M. Eliasµ. - Je désire présenter une disposition additionnelle ; je prie la Chambre de m'autoriser à la faire imprimer. (Adhésion)
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, dans une des dernières séances de la précédente session, j'ai posé à M. le ministre de la guerre la question de savoir à quel point en étaient les travaux de la grande commission militaire, nommée à la suite des événements de 1870.
L'honorable ministre, m'a répondu qu'il l'ignorait et j'ai dû me contenter de cette réponse. Six mois se sont écoulés depuis lors. L'honorable ministre, si les journaux ont été bien informés, a dû étudier complètement à l'étranger les questions relatives à l'organisation de l'armée.
Il est probable que, de son côté, la commission a aussi travaillé. Je viens donc aujourd'hui reproduire ma question ; je la reproduis tout au commencement de la session, afin que les membres de la Chambre puissent savoir si, de leur côté, ils doivent étudier de suite les questions militaires. Ces questions grossissent chaque jour. Les publications deviennent de plus en plus nombreuses. Il est évident que si l'on veut être prêt à soutenir la discussion, il faut avoir un temps suffisant devant soi.
D'autre part, des propositions de toute nature, des projets divers, des publications plus ou moins autorisées viennent, de temps à autre, jeter l'émotion dans les populations. Il est bon que nous sachions ce qu'il faut penser de ces propositions et de ces projets ; que nous sachions également s'ils rentrent dans les vues du gouvernement. Le pays doit savoir si ses alarmes sont fondées ou si sa sécurité est complète.
Je demande donc à l'honorable ministre de vouloir bien nous dire où nous en sommes et ce que nous devons faire pour nous préparer aux discussions qui nous sont annoncées.
MgGµ. - Messieurs, le gouvernement a le désir très sincère de voir les travaux de la commission terminés le plus tôt possible. Pendant l'été dernier, j'ai prié la commission de se réunir ; je l'ai invitée, un peu plus tard, à se réunir de nouveau, en lui annonçant que le gouvernement désirait vivement que son rapport fût prêt avant l'ouverture de la session législative. A la suite de ces convocations, la commission a eu plusieurs séances ; elle se réunira de nouveau le 20 de ce mois et le gouvernement compte que, dans les premiers jours de décembre, il sera mis en possession du rapport de la commission.
L'honorable membre a fait allusion à des publications qu'il a caractérisées d'autorisées. Je déclare de la manière la plus formelle et la plus péremptoire que ni le gouvernement, ni personnellement le ministre de la guerre, n'ont autorisé aucune publication et qu'ils déclinent la responsabilité de tout ce qui a paru ; les officiers ayant le droit, comme tous les citoyens, d'exprimer librement leurs idées.
MfMµ. - Je demande à la Chambre de vouloir bien revenir sur une résolution qu’elle a prise l'autre jour en ce qui concerne l'examen du projet relatif à la suppression de la prime sur les eaux-de-vie. Ce projet a été renvoyé à la section centrale qui avait examiné l'année dernière le projet sur les denrées alimentaires dans lequel se trouvait comprise la disposition relative aux eaux-de-vie.
Je prie la Chambre de le renvoyer aux sections pour qu'elles constituent une. nouvelle section centrale. Il ne faut pas renvoyer la question à une autorité qui l'a déjà jugée.
- Cette proposition est adoptée.
MfMµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :
1° Un projet de loi contenant le règlement définitif dit budget de l'exercice 1869 ;
2° Des projets de lois ouvrant des crédits supplémentaire -au budget de la guerre à concurrence de 1,835,000 francs ; au département des travaux publics à concurrence de 4,788,929 fr. 70 ; au département des affaires étrangères à concurrence de 91,000 francs.
MpTµ. - Il est donné acte à M. le ministre des finances du dépôt de ces projets de lois.
Je propose de renvoyer le projet de crédit au département de la guerre à la section centrale, qui examinera le budget de ce département.
M. Mullerµ et d'autres membres. - Non, non, il est trop important. Renvoyons-le aux sections.
- La Chambre décide que ce projet sera renvoyé aux sections.
MpTµ. - Le projet de crédit au département des travaux publias pourrait sans inconvénient être renvoyé ù la section centrale qui examinera le budget de ce département ; j'en fais la proposition.
- Cette proposition est adoptée.
MpTµ. - Je propose la même chose pour le crédit relatif aux affaires étrangères. (Adhésion.)
Quant au projet de loi portant règlement définitif du budget dé l'exercice 1869, il doit être renvoyé à la commission permanente des finances. (Adhésion.)
- La séance est levée à 5 heures.