(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 913) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction de cette pièce est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre/
« Le sieur Belche se plaint d'être, exclu du droit d'affouage. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Marbais demandent que les plans de la société concessionnaire du chemin de fer de Fleurus à Nivelles soient approuvés, au moins quant à l'établissement d'une station à Saint-Amand. »
« Même demande de l'administration communale de Tilly. »
M. Snoy. - Je prie la Chambre de renvoyer cette pétition à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, comme les prompts rapports se font assez lentement, je prierai l'honorable ministre des travaux publics de porter toute son attention sur cette pétition, qui est du plus haut intérêt pour plusieurs communes de mon arrondissement et de l'arrondissement de Charleroi.
Les pétitionnaires demandent que les plans du chemin de fer de Fleurus à Nivelles soient exécutés tels qu'ils ont été proposés. Je prie donc l'honorable ministre de ne pas approuver de changements aux plans sans un mûr examen.
J'appuie la motion de l'honorable M. Snoy.
M. Snoy. - Messieurs, j'aurais conclu comme vient de le faire l'honorable M. Le Hardy, si je n'avais su qu'il était contraire au règlement de renvoyer une pétition à M. le ministre des travaux publics ; elles doivent nécessairement être renvoyées tout d'abord à la commission des pétitions.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je me suis borné, selon mon droit, à appeler sur cette pétition l'attention du ministre.
—Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« M. de Smet, retenu par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
« MM. Hermant, Simonis et Pety de Thozée, obligés de s'absenter, demandent un congé. »
- Accordé.
M. Vleminckx. - Messieurs, le projet de loi soumis à vos délibérations a un haut degré d'importance, soit qu'on l'examine au point de vue des intérêts du trésor, soit qu'on n'ait en vue que les intérêts et le bien-être des soldats.
Le département de la guerre a besoin de 5,550 lits à une place. Je me hâte de vous dire que cela ne peut pas faire l'ombre d'un doute ; on n'a déjà que trop tardé de se les procurer. Le département de la guerre est tenu de fournir avant tout à nos soldats de bons vêtements, une nourriture saine et abondante et un bon couchage.
Il y avait trois moyens d'obtenir ces lits.
On pouvait les demander aux villes, mais il est à peu près certain qu'on ne les eût pas obtenus. La situation financière de la plupart d'entre elles ne leur permet pas de faire une pareille dépense.
Le département de la guerre pouvait les faire faire convenablement lui-même ; mais, pour des motifs que nous aurons à examiner tout à l'heure, il s'y refuse obstinément.
Il ne restait plus par conséquent qu'à les demander à une compagnie.
On s'adressa donc à la société actuelle dite des Lits militaires.
Celle-ci consentit tout de suite à les fournir, mais elle y mit pour condition essentielle que son contrat actuel, expirant le 31 décembre 1875, serait dès à présent renouvelé, à partir de cette dernière époque, pour un nouveau terme de vingt ans.
C'est ce renouvellement de contrat sur lequel le projet de loi vous appelle à statuer.
Messieurs, au sein de la section centrale, j'ai combattu de toutes mes forces la condition léonine imposée par la compagnie ; je viens la repousser avec non moins d'énergie et de conviction au sein de cette assemblée.
Veuillez me prêter un peu d'attention.
Le contrat de 1855, dont on demande aujourd'hui le renouvellement, est, à mes yeux, non moins onéreux pour le trésor que préjudiciable aux intérêts des soldats.
Les sommes payées annuellement à la compagnie, c'est-à-dire 15 francs par lit à une place et 20 francs pour un lit à deux places, sont de beaucoup supérieures à celles que coûterait la fourniture du couchage de l'armée, si cette fourniture était faite par les soins du département de la guerre.
La société possède aujourd'hui 1,200 lits à deux places et 24,450 lits à une place.
Ces lits ne coûtent, ceux à une place, que 100 francs ; ceux à deux places, 125 francs.
Je sais bien que la société les porte en compte, au prix de 125 francs pour les uns et de 175 fr. 95 c. pour les autres ; mais ce sont là les prix de vente, c'est-à-dire que si un régiment perd ou laisse voler des objets de literies, il doit les payer au prix du tarif que la compagnie, en bonne commerçante qu'elle est, a eu grand soin de faire fixer le plus haut possible.
Mais le coût net je le répète, ne dépasse guère 100 francs et 125 francs ; les informations que j'ai prises à cet égard chez plusieurs commerçants qui tiennent l'article « couchage » ne me laissent aucune incertitude à cet égard. Le département de la guerre, j'en suis bien persuadé, n'aurait guère de peine à trouver un adjudicataire aux prix que je viens d'indiquer.
Par conséquent, les 25,650 lits de la société lui coûtent 2,593,000 fr., tandis que l'Etat lui paye annuellement, pour les prendre en location, la somme de 390,730 francs, ce qui représente, bon an, mal an, un intérêt de 15 p. c.
Je comprends donc facilement que la compagnie tienne et tienne (page 914) fortement au renouvellement de son contrat et qu'elle ait saisi la balle au bond, lorsque le département de la guerre lui a demandé une extension de matériel ; mais ce que je comprends moins, ce que je désapprouve même formellement, c'est l'empressement qu'a mis l'administration militaire à souscrire, sous les plus futiles prétextes, aux exigences de la compagnie, alors que le contrat actuel ne doit expirer que dans quatre ans.
Je sais bien que je n'ai pas compris, dans les chiffres que je viens de citer, les frais d'exploitation et d'entretien, mais je fais remarquer à la Chambre qu'il existe dans l'armée un tarif de réparations, qui est un chef-d'œuvre du genre, et rien que l'existence de ce tarif est, selon moi, la condamnation formelle de la fourniture des objets de couchage adoptée pour l'armée.
Afin de ne pas passer sous les fourches caudines de ce tarif, le soldat devrait mettre, en quelque sorte, son lit sous verre, et ne jamais y coucher, car toutes les fois que le malheureux y couche, il est exposé à payer sa nuit, sous forme d'une réparation quelconque, qu'on inscrit a son livret.
Ces réparations représentent des sommes énormes ; elles se sont élevées en 15 ans, vous avez pu le constater dans le rapport de la section centrale, à près de 800,000 francs, de telle sorte que la société est mise en position de conserver à peu près l'énorme intérêt de 15 p. c. de son capital.
Je vous fais remarquer, en outre, messieurs, que ces sommes, pour dégradation, vont, chaque année, croissant : elles n'étaient que de 44,077 fr. 88 c, en 1862, par exemple : elles se sont élevées en 1869 à 65,144 fr. 76 c. et en 1870 à 88,849 fr. 70 c.
Nous ne connaissons pas celles de 1871, mais je suis convaincu qu'elles dépassent encore ce dernier chiffre.
Je n'ignore pas que la compagnie n'accuse qu'un bénéfice de 160,000 francs, soit 8 p. c, mais elle ne nous a pas révélé ce que, sur la somme de 390,750 francs qu'elle perçoit annuellement, elle porte à son fonds de réserve. Elle est trop bonne commerçante, pour ne pas rendre la liquidation finale féconde en résultats : elle s'est arrangée, croyez-le bien, de manière à faire toucher alors, à chaque actionnaire, une fois et demie au moins sa mise de fonds.
Une preuve évidente de l'acharnement que met la compagnie à constater et à faire payer des dégradations, c'est qu'elle accorde une prime de pour cent aux employés qui les découvrent et, quand on est quelque peu au courant de la manière dont se font les inspections, on conçoit facilement que ces agents, guidés par leur intérêt, voient et trouvent des dégradations partout et toujours.
Voulez-vous, messieurs, connaître une fait entre mille qui se passe tous les jours dans les casernes ? Lorsque l'employé des lits militaires passe une inspection et constate l'existence d'une tache, il appose sur l'objet taché un timbre humide portant le mot « vu ». La tache est payée par le soldat (et il y en a qui coûtent 1 franc). Mais la marque « vu » se sèche, s'efface, disparaît par l'usage, et à une prochaine inspection, le soldat paye de nouveau la même tache.
Ce fait est avéré, messieurs ; il m'a été affirmé par des officiers supérieurs et par des commandants de compagnie, qui m'ont déclaré que la masse des hommes est mangée par les réparations aux literies.
Voulez-vous une autre preuve de la rapacité de la compagnie (je ne puis pas me servir d'une autre expression) ? La voici : dans les garnisons où le couchage est fourni par les communes, les frais de réparation et de dégradation sont considérablement moindres que dans celles livrées à la société. Et pourquoi en est-il ainsi ? Mais parce que les administrations communales ne visent pas à gagner des dividendes, parce qu'elles ne donnent pas des primes à leurs employés pour les forcer à constater des dégradations souvent imaginaires.
Et puis, messieurs, veuillez prendre ceci en considération : il y a bien des taches, des dégradations que les pauvres soldats sont condamnés à payer, bien qu'il n'y ait pas de leur faute. Comment ! vous les colloquez dans des casernes détestables, où souvent l'espace est resserré à tel point qu'ils sont obligés de faire servir leurs lits à toutes sortes d'usages, et vous les rendez responsables des détériorations inévitables que cet état de choses doit amener ! Est-ce raisonnable, est-ce juste, est-ce humain ?
Messieurs, je pourrais vous en dire bien long sur ce chapitre, sur la manière de faire surtout de la compagnie qui, d'ailleurs, est dans son rôle. Comme toutes les sociétés, elle cherche à gagner le plus d'argent possible, mais ce n'est pas une raison pour que vous, les gardiens du trésor public, vous, les protecteurs de nos soldats, vous donniez la main à la conservation du détestable système dont je viens de vous donner un léger aperçu.
Evidemment vous ne le pouvez pas ; vous ne le ferez pas ; vous le ferez d'autant moins qu'il n'y a pas péril en la demeure et qu'il y aurait par trop d bonhomie à vous lier les mains pour un quart de siècle, alors qu'il y a d'autres moyens de remédier plus économiquement à l'insuffisance actuelle de notre couchage militaire.
Le moyen le plus simple et le plus facile de suppléer a notre manque de literies consisterait à allouer immédiatement au département de la guerre la somme jugée nécessaire pour lui faire faire l'acquisition des 5,550 lits manquants.
Mais ici, messieurs, nous rencontrons, de la part de l'honorable général Guillaume, une énergique résistance, il ne veut aucunement de cette combinaison ; elle lui susciterait, dit-il, beaucoup trop de difficultés.
Ecoutez, messieurs, ce qu'il oppose à la proposition : sa réponse est vraiment trop curieuse pour que je ne vous la lise pas tout entière :
« J'ai dit, dans l'exposé des motifs, que de graves difficultés administratives s'opposaient à ce que l'on fît confectionner les 5,550 lits nécessaires et qu'on les mît en service conjointement avec les literies de la compagnie, avant la reprise de celles-ci. En effet, des considérations d'ordre exigent que le matériel affecté à l'usage de la troupe soit uniforme, afin qu'on le reconnaisse facilement et que l'on évite ainsi les hésitations ou les contestations qui peuvent retarder la marche régulière du service. Suivant ce principe, il faudrait faire confectionner les 5,550 lits d'après les modèles de ceux de la compagnie.
« Or, ces derniers ne pouvant être repris que dans quatre ans, le matériel de l'Etat et celui de la compagnie se trouveraient inévitablement confondus ; de là naîtraient des embarras inextricables pour les recensements, surtout dans les circonstances urgentes, au moment du départ d'un régiment ou du renvoi d'une classe en congé. Quelles que soient les marques que l'on pourrait apposer sur les objets pour les distinguer de leurs similaires, ces marques, outre qu'elles s'enlèvent facilement, n'empêcheraient pas la confusion des deux services et il en résulterait des difficultés et des contestations fâcheuses pour l'ordre ainsi que pour la discipline.
« D'un autre côté, ce n'est pas sans peine que l'on formerait, pour la manutention des 5,550 lits, un personnel convenable, qui deviendrait peut-être inutile à la reprise du service de la compagnie. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la construction des lits entraînerait l'Etat à une dépense de plus de 700,000 francs. »
La Chambre constatera que tous les motifs possibles sont accumulés dans cette note pour faire repousser d'emblée une combinaison qui nécessairement, dans la situation actuelle, a dû venir à l'esprit de tout le monde. Le département de la guerre a parfaitement senti que c'est là que le bat le blessait. Aussi n'a-t-il rien négligé pour vous convaincre. Y a-t-il réussi ? Je ne crois pas. Il suffit de souffler sur cette réponse, comme on dit vulgairement, pour qu'il n'en reste plus rien, absolument rien.
Comment ! il ne serait pas possible de mettre en service conjointement avec les literies de la compagnie, avant la reprise de celle-ci, les 5,550 lits nécessaires ? Quoi ! des considérations d'ordre exigeraient que le matériel affecté à l'usage de la troupe soit uniforme, afin qu'on le reconnaisse facilement et que l'on évite ainsi les hésitations ou les contestations qui peuvent retarder la marche régulière du service ! Mais c'est de la fantaisie cela, et de la plus haute ! Est-ce que déjà vous n'avez pas 7,000 lits complets, mis à votre disposition par la ville ? Pourquoi donc, dans l'ordre des considérations que vous faites valoir, ne les repoussez-vous pas ?
Il y a plus, je suppose que les villes eussent pu vous fournir les 5,550 lits qui vous manquent, les auriez-vous refusés ? Auriez-vous osé le faire ? Auriez-vous osé, en présence d'une pareille offre, venir nous présenter votre projet de loi ? Qu'est-ce donc qui vous empêche de vous substituer en lieu et place des villes ? Qu'est-ce qui vous empêche de faire placer ces 5,550 lits que vous feriez vous-même dans une seule ville (Bruxelles ou Anvers par exemple), deux au plus, pour y rester à demeure, sans devoir jamais être dérangés ou transportés ailleurs, exactement comme s'ils appartenaient à ces localités ?
Vous voyez donc bien que votre argument ne vaut rien ! Dans cette combinaison que je vous indique, aucune confusion n'est possible et pas n'est besoin non plus de faire confectionner lesdits lits d'après les modèles de ceux de la compagnie. Au contraire, vous pouvez même profiter de la circonstance pour en faire faire de meilleurs. Il ne s'agit donc plus de ces embarras inextricables pour les recensements, surtout dans les circonstances urgentes au moment du départ d'un régiment ou du renvoi d'une classe ; il ne s'agit pas non plus « de marques à apposer sur les objets », puisque ces marques seraient complètement inutiles ; il ne s'agit plus enfin ni de difficultés, ni de contestations fâcheuses pour l'ordre ainsi que pour la discipline. Tout cela disparait comme une ombre. Il n'en reste plus rien, absolument rien.
Je constate, en passant, que le département de la guerre fait lui-même l'aveu que les marques s'enlèvent facilement. Vous vous rappelez que je l'ai dit tout à l'heure.
(page 915) Il n'y a donc aucun motif pour que l'Etat ne se charge pas lui-même de la fourniture des 5,550 lits manquants.
Ce serait même une excellente introduction a la réforme complète du système de fourniture de couchage que, d'après moi, le gouvernement doit prendre à sa charge, ù l'expiration du contrat actuel avec la société. Car, puisqu'il est question d'organiser convenablement l'intendance, nous sommes en droit de demander qu'on lui impose tous les devoirs inhérents à ses fonctions ; qu'elle fournisse le couchage comme déjà elle fournit la nourriture ; qu'elle fournisse surtout l'un et l'autre, sans donner lieu à la moindre plainte. Si l'intendance ne peut pas faire cela, eh bien, qu'elle disparaisse !
Est-ce que, d'ailleurs, le département de la guerre n'est déjà pas propriétaire de tout le matériel de couchage existant dans les hôpitaux militaires ? Or, il y a là plus de 5,000 fournitures complètes et excellentes, entretenues avec le plus grand soin et beaucoup plus économiquement que les lits de la société. Pourquoi donc l'administration de la guerre ne pourrait-elle pas entretenir ces 5,000 lits de plus, 10,000 au lieu de 5,000 ? Est-ce que déjà elle n'a pas d'ailleurs la charge des demi-fournitures ?
« Mais, dit le département de. la guerre, ce n'est pas sans peine que l'on formerait pour la manutention des 5,550 lits un personnel convenable. »
Ceci, messieurs, n'est pas sérieux. Mais est-ce qu'il vous a été si difficile de former le personnel chargé de la manutention des lits des hôpitaux, ainsi que de celle des demi fournitures ? Est-ce que, d'ailleurs, vous n'avez déjà pas ce personnel ? La mise sur le pied de guerre de l'armée ne vous a-t-elle pas donné un excédant de plus de 60 officiers et employés de l'intendance, dont vous ne savez que faire ? Cet excédant de personnel nous coûte et nous coûtera longtemps encore quelque chose comme une centaine de mille francs par an ; utilisez-le donc en partie du moins, et faites-le servir à la manutention de cette toute petite provision d'objets de couchage que vous vous procurerez. Il gagnera du moins son argent.
C'est vraiment à ne pas y croire ! Comment ! l'Etat pourvoit admirablement lui-même au couchage des prisonniers et il ne serait pas en état de faire jouir nos soldats de la même faveur !
Plus on y réfléchit, plus on s'étonne que le gouvernement n'ait pas éprouvé plus d'hésitation à nous présenter le projet de loi qui nous occupe.
Il y a des réclamations sérieuses et fondées ; le ministre de la guerre le reconnaît lui-même, et je crois avoir donné moi-même, messieurs, un petit aperçu de la manière dont on exploite, c'est le mot, nos soldats auxquels on fait payer indirectement leur logement ; et le département de la guerre n'hésite pas à vous proposer la prorogation de ce déplorable état de choses pendant vingt ans encore, après l’expiration du contrat actuel, à charge par la société d'acheter immédiatement 5,550 lits qui lui rapporteront 15 p. c. »
Et, après les élections (et je constate, en passant, qu'on a eu grand soin d'étouffer la question militaire), après les élections, pas avant, on viendra vous demander 100,000 francs, 200,000 francs peut-être, je n'en sais rien, pour augmenter le personnel administratif !! C'est là, en vérité, compter un peu trop sur notre insouciance à nous, ou plutôt sur notre ignorance présumée des choses qui touchent à l'administration de la guerre.
Laissez-moi vous rappeler en terminant, messieurs, ce qui s'est passé en 1854. L'Etat payait alors à la compagnie, pour les lits à une place, 20 fr. 50 c. au lieu des 15 francs actuels, et pour les lits à deux places, 20 fr. 50 c. au lieu de 20 francs.
Voulant maintenir la bonne aubaine dont elle était en possession, elle fit mine, en 1854, de faire un sacrifice énorme. Afin d'obtenir le renouvellement de son contrat, toujours pour vingt ans, elle consentit à abaisser ses prix respectivement à 18 fr. 50 c. et à 25 fr. 25 c, déclarant positivement qu'elle ne pouvait aller au delà. C'était une diminution de 2 francs par lit à une place et de 4 fr. 25 c. par lit à deux places.
La Chambre jugea que ce n'était pas encore assez et, après plusieurs péripéties, ne permit ledit renouvellement qu'aux prix maxima de 16 fr. 50 c. et 23 francs, c'est-à-dire 4 francs et 6 fr. 50 c. de moins qu'avant 1855.
La Chambre crut avoir fait merveille. Hélas ! elle fut bientôt détrompée. Le Sénat, venant après elle, réduisit ces prix maxima respectivement à 15 et 20 francs, c'est-à-dire à 5 fr. 50 c. et 9 fr. 50 c. en moins qu'avant 1855.
Et la compagnie s'empressa d'accepter, et non seulement elle fournit à ce prix les 5,050 lits de plus qu'on lui demandait alors, mais elle consent aujourd'hui même à y ajouter encore, aux mêmes conditions, 5,550 lits nouveaux.
Est-ce assez instructif, messieurs ? Et cela ne doit-il pas nous engager à user d'une grande circonspection ?
Craignons, messieurs, de tomber dans le même piège que nos devanciers de 1855. Sans le Sénat d'alors, nous aurions encore été plus malmenés que nous ne le sommes aujourd'hui. Et si, ce qui n'est pas impossible, le Sénat de 1872 rejetait encore une fois les conditions léonines qui auraient été acceptées par nous, n'est-il pas évident qu'il paraîtrait aux yeux de tous se montrer plus soucieux que nous des intérêts du trésor et du bien-être de nos soldats ?
Je ne voterai donc pas le projet de loi, rien ne pourra m'y déterminer : je ne donnerai pas les mains à la continuation d'un système que je considère comme détestable, à un système qui consacre, je le répète, l'exploitation de nos soldats.
Je ne veux pas de l'intervention de la société actuelle pour la fourniture des 5,550 lits qui nous manquent, s'il faut les obtenir à la condition de renouveler un mauvais contrat pour vingt ans, et j'ai en conséquence l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un amendement tendant à remédier à la situation, en nous laissant pour l'avenir toute notre liberté.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je m'associe complètement aux paroles que vous venez d'entendre, et, pour confirmer ces paroles, je pose à l'honorable ministre et à l'honorable rapporteur de la section centrale la question de savoir pourquoi on a refusé, dans l'ordre d'idées émis par l'honorable M. Vleminckx, la proposition qui a été faite au ministère par un industriel de la ville de Nivelles, M. Semai-Lacroix, qui offrait de fournir des lits qui ne seraient revenus qu'à 6 fr. 50 c. par an et par homme, y compris 10 p. c. d'usure et de frais d'entretien.
En présence de ces chiffres, messieurs, il me semble que les observations de l'honorable M. Vleminckx doivent être prises en sérieuse considération.
Moi non plus je ne voterai pas un projet de loi qui me paraît consacrer une exploitation trop grande des deniers des contribuables.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, j ai eu l'honneur de faire connaître à la Chambre, dans l'exposé des motifs et dans mes réponses aux observations de la section centrale, les motifs qui ont engagé le département de la guerre à ne pas adopter le système de la régie en matière d'objets de couchage.
La section centrale de cette année, comme celle de 1855, a reconnu que ces motifs étaient fondés, et elle a également repoussé le système de la régie.
Messieurs, je crois, comme les sections centrales de 1855 et de 1872, qu'on ne doit avoir recours à la régie que lorsqu'il y a un grand intérêt qui le commande, ou lorsqu'il y a un bénéfice certain pour l'Etat ou pour le soldat. Or, je ne crois pas que cela existe pour le couchage de la troupe.
L'honorable M. Vleminckx s'est prononcé très énergiquement pour le système de la régie et il vous a rappelé, imparfaitement, selon moi, ce qui s'était passé en 1855.
Les faits qui se sont passés en 1855 sont d'un grand enseignement ; ce sont ces faits qui m'ont décidé à donner la préférence au renouvellement du contrat de la compagnie des Lits militaires. En 1855, le département de la guerre, trouvant que la rétribution payée pour location à la compagnie était trop élevée, a institué une commission composée de membres des deux Chambres et de fonctionnaires du département de la guerre pour examiner si le loyer qu'on payait à la compagnie n'était pas trop élevé. Cette commission a fait un travail extrêmement intéressant, extrêmement remarquable et elle est arrivée à cette conclusion que le loyer pouvait être réduit à 15 francs par lit.
Le département de la guerre, après un vote de la Chambre, a mis eu adjudication, avec un prix minima de 15 francs, la fourniture des lits et il ne s'est pas présenté un seul adjudicataire. Le département de la guerre a offert alors aux villes de se charger du couchage de la troupe moyennant une rétribution annuelle de 18 fr. 25 c.
Eh bien, toutes les villes qui n'étaient pas en possession d'un matériel, - il y en avait dix-huit, - ont refusé ; quant à celles qui avaient le matériel nécessaire, elles ont continué à fournir le couchage ; mais quand ce matériel a été épuisé, elles ont trouvé qu'il n'y avait pas avantage pour elles à continuer cette opération et ces villes ont, à leur tour, refusé de continuer à fournir le couchage, alors cependant qu'on les payait sur le pied de 18 fr. 25 c. par lit.
Je me suis demandé si le prix minimum de 15 francs, qui avait été fixé en 1855 comme représentant la valeur de la location d'un lit pendant une année, pouvait encore être admis aujourd'hui que les prix de toutes les (page 916) matières premières et de la main-d'œuvre sont augmentés. Il est évident qu’aujourd'hui, si la commission de 1855 avait à examiner la même question, elle trouverait que le prix de 15 francs n'est plus suffisant pour faire face à la dépense qu'exige le couchage d'un homme pendant un an,
L'honorable M. Vleminckx a beaucoup exagéré, selon moi, les avantages que la société retire du contrat qui a été fait avec elle. Il a parlé de 15 p.c. de bénéfice outre les 700 à 800 mille francs qu'on fait payer aux soldats. Il y a là, je le répète, beaucoup d'exagération.
Les bilans de la société sont parfaitement connus. Ils accusent un dividende de 7 p. c. A cet égard, je dois dire à l'honorable rapporteur de la section centrale qu'il y a probablement une erreur de chiffre dans le rapport. C'est un fait positif que jusqu'à ces dernières années le dividende de la société avait été de 6 1/2 p. c. et qu'actuellement, depuis quatre ou cinq ans, il est de 7.
M. Vleminckx. - Et la réserve ?
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Elle s'élève actuellement à 500,000 francs. La réserve doit représenter le déchet du matériel, lorsque le contrat sera terminé.
Je crois donc, et très sérieusement, que l'Etat ferait une très mauvaise affaire d'entreprendre lui-même le couchage du soldat.
L'honorable M. Vleminckx s'est beaucoup élevé contre les dégradations qu'on fait payer aux soldats. Il est naturel, il est indispensable que le soldat paye les dégradations qui sont son fait. Les sommes qu'il a dû payer ont-elles grevé sa masse énormément, comme le prétend l'honorable M. Vleminckx ? Il résulte du tableau que l'honorable M. Vleminckx a cité lui-même, que la moyenne des dégradations, pour chaque soldat, est de 1 fr. 53 c. par an. On ne peut prétendre, me semble-t-il, que cela grève bien lourdement la masse du soldat.
Je ne tiens pas compte des pertes et des vols ; vous ne pouvez pas contester que ces choses-là doivent être payées.
Je dis, messieurs, que la régie ne doit être adoptée par le gouvernement que lorsqu'il y a un grand intérêt à sauvegarder ou un bénéfice certain à réaliser soit pour l'Etat, soit pour le soldat. Or, ici cela n'existe pas. Aujourd'hui les officiers défendent l'intérêt du soldat contre la compagnie, peut-on espérer que cet intérêt sera aussi efficacement défendu contre le gouvernement ?
L'honorable M. Vleminckx dit aussi, que, là où le couchage est fourni par les villes, le montant des dégradations est moins élevé, parce que les villes n'ont pas de dividendes à payer. Mais remarquez, messieurs, que les villes reçoivent 18 fr. 25 c. et que la compagnie, en réunissant les 15 fr. de location à 1 fr. 53 c. de dégradations que paye le soldat, ne reçoit en réalité que 16 fr. 53 c, c'est-à-dire moins que les villes.
Je crois que tout le monde reconnaîtra que la régie ne présenterait aucun avantage ; il est impossible que l'Etat administre avec autant d'économie que les compagnies, qui y ont un intérêt direct.
Je crois qu'on a bien fait d'organiser la régie pour tout ce qui tient à la subsistance du soldat, parce que, eu égard à la rapidité avec laquelle on fait la guerre de nos jours, il est indispensable que ces services soient organisés d'avance ; on ne peut pas y pourvoir, comme autrefois, au moment où une guerre éclate ; si donc l'Etat éprouve quelque perte de ce chef, il faut qu'il s'y résigne à cause de l'indispensable nécessité d'organiser ces services en temps de paix.
Mais cette nécessité n'existe pas pour les lits militaires. Lors de l'entrée en campagne, les soldats sont campés, bivaqués ou logés chez les habitants, et dès lors, il n'est pas nécessaire de s'imposer les sacrifices que l'on s'impose pour les subsistances.
La régie que nous avons faite pour la viande n'est pas une économie pour l'Etat : bien loin de là : la régie pour la viande n'a été, en définitive, qu'un avantage pour le soldat, en ce sens que le gouvernement a pris à son compte les traitements de tous les employés et que dès lors il peut donner la viande à meilleur compte.
Mais il n'en serait nullement ainsi, si on appliquait le système de régie au couchage des soldats.
Il n'en résulterait pour eux aucun avantage. Ainsi que je l'ai déjà dit, les intérêts du soldat sont mieux défendus par les officiers, vis-à-vis d'une compagnie, qu'ils ne le seraient vis-à-vis du gouvernement.
On parle des réclamations que font nos soldats. Il ne faut pas s'exagérer ces réclamations.
Je me permets d'invoquer mon expérience personnelle. J'ai eu l'honneur de commander une compagnie pendant dix ans. Je n'ai jamais entendu de réclamations de ce genre. On se plaint facilement dans notre pays, c'est dans notre caractère.
Mais il ne faut pas donner trop d'importance à ces plaintes ; il y a même du danger à exagérer des réclamations qui ne sont pas fondées.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a parlé d'une proposition qui a été faite au département de la guerre par un honorable industriel de Nivelles. L'honorable M. Snoy m'avait déjà entretenu de cette proposition.
Il s'agissait de matelas en crin végétal, de couvertures de coton et de faire coucher les soldats deux à deux. J'avoue que je n'ai pas considéré cette proposition comme sérieuse.
Messieurs, je me résume en disant que je n'ai pas cru devoir adopter le système de la régie, parce que je considère qu'il n'y a pas une nécessité impérieuse qui oblige l'Etat à faire cette entreprise.
Je crois très sincèrement que l'Etat ferait une mauvaise opération et que le soldat n'y gagnerait rien.
- M. Tack remplace M. Thibaut au fauteuil de la présidence.
M. Vleminckx. - Je ne doute pas de la sincérité de l'honorable ministre de la guerre, je ne doute pas non plus de ses convictions, mais il voudra bien admettre que nous en ayons d'autres. M. le ministre nous dit que l'on ne se plaint pas, mais nous recevons bien des plaintes que les ministres ne reçoivent pas.
Dans tout état de choses, je dois redresser quelques erreurs.
L'honorable ministre de la guerre nous a parlé de ce qui s'est passé en 1855 ; il nous a rappelé qu'à cette époque les prix de 15 et de 20 francs n'avaient pas obtenu d'adjudicataires. Mais je ferai remarquer que je ne propose pas de mettre comme alors les lits en location ; ce que je propose, c'est que le gouvernement fasse lui-même la fourniture.
En 1855, dit-on, on a mis les lits en adjudication à raison de 15 et de 20 francs et personne ne s'est présenté. Cela se conçoit aisément, il aurait fallu qu'une société fût prête à faire cette entreprise, et une société ne se forme pas du jour au lendemain.
L'honorable ministre de la guerre trouve que le prix de 1 fr. 55 c. par soldat pour dégradation n'est pas élevé ; mais je fais observer que c'est là une moyenne ; que chaque soldat ne paye pas 1 fr. 55 c. et qu'en réalité les dégradations ne frappent qu'un petit nombre. (Interruption.) Beaucoup de soldats n'ont jamais leur lit dégradé, mais il en est d'autres qui ne sont pas dans le même cas, et souvent par des circonstances indépendantes de leur volonté.
L'honorable ministre de la guerre vient de faire un aveu singulier. Les villes, dit-il, ne comptent pas autant pour dégradations que la compagnie, parce qu'elles reçoivent 18 fr. 25 c. Cela semblerait indiquer que la compagnie récupère par les amendes des dégradations ce qu'elle reçoit en moins pour prix de location, et en dernière analyse vous arrivez encore une fois à l'exploitation du soldat.
M. Defuisseaux. - Très bien.
M. Vleminckx. - Quoi que l'on en ait dit, et l'honorable ministre n'a pas répondu à cette observation, je demanderai pourquoi l'Etat ne fournit pas aux soldats de bonnes literies comme il en procure aux prisonniers ? Pourquoi ne pas faire pour les uns ce que l'on fait pour les autres ? Pourquoi le ministre de la guerre ne peut-il pas faire, pour les literies des casernes, ce qu'il fait déjà pour celles des hôpitaux et ce que le ministre de la justice fait pour celles des prisons ?
Il n'y aurait pas d'avantage à le faire, dit l'honorable ministre. Je ne suis pas de son avis ; je crois que l'Etat pourrait exploiter à meilleur compte que la compagnie et je suis convaincu que le soldat en souffrirait moins.
C'est pour ce double motif que je persiste à croire qu'il ne faut pas, dans les circonstances actuelles, alors que le contrat en cours doit encore durer quatre ans, en conclure un nouveau à partir de 1876, toujours pour 20 ans. Se lier pour un quart de siècle, alors que tant de choses peuvent surgir, c'est s'exposer à en avoir un jour un grand repentir.
Je vous l'ai dit : les ministres de 1855 ont exercé sur la Chambre toute l'influence dont ils disposaient pour lui faire adopter le projet de loi mettant les lits en location à raison de 16 et de 25 francs. C'était le dernier mot. On ne pouvait pas aller au delà.
Quelques jours plus tard, le projet de loi arriva devant le Sénat. On y fut d'avis que les membres de la Chambre avaient été induits en erreur et qu'il fallait fixer les prix à 15 et à 20 francs. La loi ainsi modifiée fut adoptée par le Sénat d'abord et par la Chambre ensuite. Si nous acceptons aujourd'hui les propositions de M. le ministre de la guerre, craignons que le Sénat ne défasse encore notre œuvre. Je continue donc à insister sur l'amendement que je prie M. le président de bien vouloir lire.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Vleminckx :
« Art. 1er. Un crédit spécial de 700,000 francs est ouvert au (page 917) département de la guerre pour achat de literies nécessaires à l'armée, par voie d'adjudication publique,
« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires et au besoin par une émission de bons du trésor. »
- Cet amendement est appuyé ; il fait partie de la discussion.
M. Van Overloop, rapporteur. - Je dois, messieurs, dire en peu de mots les motifs qui ont déterminé la majorité de la section centrale à adopter le projet du gouvernement.
M. Vleminckx. - Trois voix contre deux.
M. Van Overloop, rapporteur. - Peu importe, c'est toujours la majorité.
D'abord, nous avons été d'accord, minorité et majorité, qu'il était nécessaire d'augmenter le nombre de lits de 5,550.
En second lieu, s'est élevée une question capitale ; ici, minorité et majorité, nous nous sommes placés au point de vue surtout de l'intérêt du soldat. Cette question est celle-ci : Le couchage fourni par la compagnie des Lits militaires est-il satisfaisant ?
Sous ce rapport encore, nous avons été d'accord pour reconnaître que le couchage fourni par la compagnie des Lits militaires est satisfaisant.
Que reste-t-il donc et pourquoi changer un état de choses qui a produit de tels résultats ? La section centrale a pensé qu'ici, comme en beaucoup de choses, le mieux est souvent l'ennemi du bien et elle a été d'avis qu'il ne fallait pas innover.
Maintenant, la grande objection que l'on fait est celle-ci : Pourquoi nous lier dès aujourd'hui pour une nouvelle période de vingt ans ?
Mais, messieurs, d'abord veuillez ne pas perdre de vue que déjà, en 1855, d'après le travail de la commission, le coût de chaque lit s'élevait à 15 francs ; or, il est de toute évidence que, depuis lors, le prix du fer, du crin, de la laine, a notablement augmenté, et il est bien certain, par conséquent, que ce prix n'est plus aussi rémunérateur qu'en 1855.
Ensuite il ne faut pas perdre de vue non plus que si le gouvernement va être lié pendant vingt ans envers la compagnie des Lits militaires, celle-ci, de son côté, sera également liée envers le gouvernement. Or, il est probable que d'ici à l'expiration du nouveau contrat, le prix du fer, du crin, de la laine aura encore subi une certaine augmentation.
Le principe sur lequel la Chambre est appelée à se prononcer a été longuement discuté en 1855 ; il a fait l'objet d'un rapport très intéressant de l'honorable M. Vandenpeereboom et d'un examen approfondi de la part de la section centrale de 1855.
J'engage les honorables membres qui voudraient s'éclairer davantage sur ce point, à relire les documents publiés à cette époque, et notamment le travail de l'honorable M. Vandenpeereboom.
La section centrale de 1855 a été d'avis que le système de fournitures de couchage par l'industrie privée était infiniment préférable à celui delà régie.,
Il est d'ailleurs admis en principe par tout le monde que, sauf de rares exceptions, le système de l'industrie privée est préférable à celui de la régie.
Qui ignore que les institutions publiques administrent toujours d'une manière plus onéreuse que l'industrie privée ?
La seule question est donc de savoir si l'entreprise du couchage du soldat par l'industrie particulière a produit de mauvais résultats. Evidemment non. Dès lors, pourquoi changer de système ?
La section centrale a toutefois attiré l'attention du ministre de la guerre sur la nécessité de mieux veiller, dans l'intérêt du soldat, sur l'application du tarif par les agents de la compagnie.
Ainsi aujourd'hui, me dit-on, quand un officier émet un doute sur la légitimité d'une réclamation d'un agent de la compagnie, lorsqu'une contestation naît, il faut, aux termes du contrat, recourir à une expertise, dont les frais tombent à charge de la partie succombante. Or, il paraît que des chefs de corps ont parfois dit à des officiers qui repoussaient les prétentions de la compagnie ;
« C'est très bien, mais je vous déclare que si l'expertise tourne contre vous, vous en payerez les frais. »
Qu'en résulte-t-il ? C'est que l'officier, craignant d'avoir à supporter des frais, cède, au grand détriment du soldat.
La section centrale espère que, dans le nouveau contrat, il sera pris des mesures qui empêcheront les plaintes relatives à l'application du tarif qui existent aujourd'hui.
Au fond, elle estime que la Chambre agira sagement en faisant ce que la législature de 1855 a fait.
L'observation faite par M. le ministre de la guerre relative à une erreur de calcul est exacte,
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à passer dès à présent, avec la compagnie des Lits militaires, un nouveau contrat pour la fourniture et l'entretien des lits nécessaires au coucher des troupes, au prix maxima de quinze francs (fr. 15), par an pour chaque lit à une place et vingt francs (fr. 20) par an pour chaque lit à deux places.
« Ce contrat prendra cours à partir du 1er janvier 1870, date de l'expiration de celui qui a été passé le 6 août 1855 en exécution de la loi du 4 juin de la même année, n
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, je demande qu'on intercale trois mots au second paragraphe de l'article premier. Il s'agirait de dire : « Ce contrat prendra cours, au plus tard, à partir du 1er janvier 1876 », c'est-à-dire d'ajouter les mots : « au plus tard. »
Je fais cette proposition, parce qu'il peut arriver que l'on soit contraint de remplacer le contrat actuel par un nouveau contrat, et le nouveau contrat devrait prendre cours au moment de la suppression du contrat actuel.
Je demande donc qu'on intercale les mots « au plus tard. »
M. Vleminckx, - Il me semble que l'honorable ministre devrait s'expliquer d'une manière un peu plus claire. Ces mots « au plus tard » signifient-ils que le nouveau contrat prendra cours avant l'expiration de l'ancien contrat ? En d'autres termes, le gouvernement a-t-il l'intention de faire commencer le nouveau contrat avant le 1er janvier 1876 ?
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, il y aura nécessairement un nouveau contrat à dater du moment où le contrat actuel viendra à expirer. Mais il se pourrait qu'on dût le commencer avant la date du 1er janvier 1876, parce que, contrairement aux suppositions de l'honorable M. Vleminckx, la société des Lits militaires pourrait hésiter à accepter le renouvellement de son contrat. Il est probable qu'elle demandera la résiliation de gré à gré de la société, qui se constituerait alors à nouveau. Dans ce cas le nouveau contrat prendrait cours à partir de la reconstitution de la société.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à passer dès à présent, avec la compagnie des Lits militaires, un nouveau contrat pour la fourniture et l'entretien des lits nécessaires au coucher des troupes, au prix maxima de quinze francs (15 francs), par an pour chaque lit à une place et vingt francs (20 francs) par an pour chaque lit à deux places.
« Ce contrat prendra cours au plus tard à partir du 1er janvier 1876, date de l'expiration de celui qui a été passé le 6 août 1855 en exécution de la loi du 4 juin de la même année. »
- Adopté.
« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à stipuler que le nombre de lits à une place, fixé à 24,450 par le contrat du 9 août 1855, sera porté à 30,000 à partir de la date à déterminer par le nouveau contrat.
« Le loyer des 5,550 lits nouveaux que la compagnie fournira sera payé à partir du premier jour du mois qui suivra leur mise en service. »
- Adopté.
La Chambre décide de passer immédiatement au vote définitif du projet.
L'amendement apporté à l'article premier est définitivement adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi.
76 membres prennent part au vote.-
54 votent l'adoption.
22 votent le rejet.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. d’Andrimont, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, de Haerne, de Kerckhove, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Gerrits, Hayez, Jamar, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Mouton, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Pirmez, Reynaert, Rogier, Schollaert, Snoy, Tesch, Thonissen, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Wouters, Balisaux, Biebuyck et Tack.
Ont voté le rejet :
MM. Couvreur, Crombez, Dansaert, David, de Dorlodot, Defuisseaux, Delaet, de Lexhy, Demeur, de Vrints, Funck, Guillery, Hagemans, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Mascart, Sainctelette, Vleminckx, Ansiau, Bara, Boucquéau et Coremans.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je profiterai de la présence de l'honorable ministre de la guerre pour lui demander où en sont les travaux de la grande commission militaire qui a été instituée immédiatement après la guerre. Il paraît que, lors de la constitution de cette commission, nous courions de très grands dangers et que nous continuons encore à en courir de semblables aujourd'hui. Il est donc intéressant pour le pays de savoir quelle suite a été donnée aux travaux de cette commission. C'est d'autant plus intéressant que, si j'en crois le bruit public, il s'agirait d'augmenter notablement les charges militaires et notamment le contingent, qui serait augmenté de 3,000 hommes.
Je désirerais donc savoir, messieurs, si les travaux de la commission avancent et si le rapport pourra nous être présenté dans le cours de la présente session,
M. Dumortier. - Je crois, messieurs, que la motion d'ordre de l'honorable membre, motion d'ordre qui peut donner lieu a de longs débats, trouverait mieux sa place à une époque où la Chambre ne sera pas aussi pressée de faire certaines lois. Aujourd'hui, vous avez deux projets de lois qui doivent impérieusement être votés avant le 1er mai prochain, c'est la loi sur le rachat du chemin de fer de Dendre-et-Waes et la loi sur la libre entrée des denrées alimentaires. Ces deux lois doivent être votées avant le 1er mai, attendu que les dispositions actuelles expirent à cette époque.
M. le président. - M. Dumortier, nous pourrions discuter sur l'ordre du jour de la séance, à la fin de la séance ; la motion d'ordre de M. Le Hardy de Beaulieu se rapporte à toute autre chose.
M. Dumortier. - Si vous vouliez bien, M. le président, me laisser achever.
Je dis donc que voilà quelque chose de bien plus urgent que la proposition de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. Je fais un appel à la loyauté de l'honorable membre : il doit reconnaître que les lois que je viens d'indiquer sont d'une urgence incontestable et ne souffrent pas de retard.
La proposition qu'il fait peut donner lieu à une discussion d'un ou de deux jours, et rien, absolument rien, n'empêche que cette discussion vienne plus tard, tandis que les lois que j'ai indiquées, doivent être votées et promulguées avant six jours.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, j'ai l'honneur de répondre à l'interpellation de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
La commission est censée réunie, en ce sens qu'elle a nommé, dans son sein, un sous-comité, chargé de recueillir les renseignements sur ce qui se passe, en fait d'organisation militaire, dans tous les pays étrangers.
Quand la sous-commission aura réuni ces documents, elle fera son rapport à la commission et celle-ci formulera alors son travail.
Quand au bruit dont l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu s'est fait l'écho, je dois déclarer que je l'ignore complètement.
M. Malou, ministre des finances. - Je demande à la Chambre qu'elle veuille bien continuer son ordre du jour, en votant le projet de loi sur l'augmentation du personnel des tribunaux de Bruxelles et de Nivelles. Après cela, j'appellerai son attention sur l'ordre du jour tel que, selon moi, il devrait être réglé.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je désire compléter ou plutôt préciser ma question. L'honorable ministre de la guerre n'y a pas répondu d'une manière satisfaisante.
J'ai dit que le bruit courait qu'il était question d'augmenter de 3,000 hommes le contingent annuel.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - J'ai dit que je ne connaissais pas ce bruit.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Vous devez savoir quelles sont les intentions du gouvernement sur ce point. Je demande donc ce qu'il peut y avoir de fondé dans ce bruit.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je déclare l'incident clos. (Interruption à gauche.)
M. Delaet. - Que le gouvernement réponde.
Nous avons le droit de savoir si ses intentions sont d'augmenter le contingent.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - J'ai dit que j'ignorais complètement le bruit auquel l'honorable membre faisait allusion.
- L'incident est clos.
La discussion générale est ouverte.
M. Snoy. - Messieurs, l'accueil favorable fait à ce projet de loi par toutes les sections, puis par la section centrale, qui vous en propose l'adoption à l'unanimité, ne me laisse aucun doute sur le vote définitif de la Chambre.
Il ne me resterait donc qu'à remercier bien vivement M. le ministre de la justice de ce bienfait envers l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, si je n'avais quelques explications à donner à la Chambre au sujet d'une pétition de la ville de Wavre, qui vous est parvenue récemment et qui demande la création d'un tribunal de commerce au lieu d'une deuxième chambre du tribunal de première instance.
Voici, en peu de mots, ce qui s'est passé.
Lorsque les élections de 1870 eurent ramené mes amis politiques au pouvoir, je priai mon honorable ami, M. Cornesse, alors ministre de la justice, de mettre fin à un état de choses qui allait s'aggravant tous les jours et qui aurait fini par rendre l'administration de la justice illusoire pour les malheureux plaideurs.
Examen fait de la situation, M. le ministre de la justice me dit qu'il était désirable, au point de vue de l'économie qui en résulterait pour le trésor, de rechercher la possibilité d'instituer un tribunal de commerce soit à Nivelles, soit à Wavre.
Cette question fut examinée ; l'enquête administrative constata l'impossibilité de la création d'un tribunal de commerce. Les avis demandés aux diverses autorités judiciaires et administratives furent unanimement défavorables ; il fallut donc renoncer à cette idée, et le projet de loi allait vous être soumis lorsque éclatèrent les événements de novembre dernier ; l'honorable M. De Lantsheere a repris l'examen du projet à son arrivée au ministère. Je le remercie donc d'avoir bien voulu l'adopter à son tour et d'en avoir hâté la présentation.
M. M. de Vrints. - Ayant fait partie de la section centrale pour examiner le projet de loi augmentant le personnel des tribunaux de première instance de Bruxelles et de Nivelles, je désire prendre la parole pour donner quelques explications à la Chambre.
A notre dernière réunion en section, après la discussion générale close et pendant la lecture du rapport, nous avons reçu une pétition des membres du conseil communal de Wavre, qui réclament la création d'un tribunal de commerce dans cette ville.
Cette demande un peu tardive a été cause que M. le rapporteur a dû se contenter de mentionner le fait dans son rapport et que nous n'avons pas pu approfondir la question.
Depuis lors, j'ai examiné attentivement cette pétition, qui me semble fondée en toute justice. Appelé à défendre les droits et les intérêts des habitants de l'arrondissement de Nivelles en général, je dirai qu'entre les différentes villes de cet arrondissement, Wavre me semble indiqué tout naturellement pour être le siège d'un tribunal de commerce ; et voici en quelques mots pour quels motifs.
Wavre est la ville la plus commerçante et la plus centrale ; elle est située à quelques lieues de Jodoigne, Grez-Doiceau, Perwez, Genappe, Braine-l'Alleud et Waterloo.
L'établissement de ce tribunal de commerce serait peu coûteux pour le trésor public et les justiciables en retireraient une économie de temps et d'argent.
Comme la section centrale a reconnu à l'unanimité la nécessité de créer une nouvelle chambre à Bruxelles et à Nivelles, je crois superflu d'énumérer ici les avantages qui en résulteraient pour les intéressés. L'assemblée, j'en suis convaincu, ayant connaissance du dispositif du projet de loi, sera d'accord pour l'adopter.
Je ne veux pas fatiguer la Chambre par l’énumération des raisons qui ont valu au projet de loi l'approbation de la section centrale.
Je me permettrai cependant de vous donner quelques chiffres concernant le tribunal de Nivelles.
En 1850 on introduisait au tribunal de Nivelles 165 affaires civiles et 64 affaires commerciales.
En 1860,199 affaires civiles et 155 affaires commerciales.
En 1871, 269 affaires civiles et 202 affaires commerciales.
Vous le voyez, messieurs, la progression des affaires a amené un encombrement tel, que nous ne pouvons plus obtenir justice.
En 1871, le tribunal avait à son rôle 362 affaires civiles et 370 affaires commerciales auxquelles il faut ajouter toutes les affaires introduites depuis lors.
(page 919) Il y a donc 932 affaires ou causes à plaider en deux jours d'audience civile et commerciale par semaine.
Les deux autres audiences sont réservées aux affaires correctionnelles.
Les affaires commerciales augmentent d'une manière extraordinaire, et malgré la constitution de la deuxième chambre, il sera nécessaire, dans peu de temps, de créer un tribunal de commerce à Wavre.
Il faudra aux deux chambres deux à trois années pour vider l'arriéré civil, et puis les affaires civiles pourront être jugées régulièrement.
On plaide en moyenne trois affaires par audience, il y a même des affaires qui tiennent plusieurs audiences.
J'espère, messieurs, qu'après les détails et les explications que je viens de vous donner, et qu'en présence de l'éloquence de ces chiffres, vous serez de mon avis qu'il est indispensable d'établir :
1° Une chambre de plus au tribunal de Nivelles ;
2° Un tribunal de commerce à Wavre.
Je fais de cette dernière proposition l'objet d'un amendement que j'aurai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre.
M. Thonissen. - Je ne partage pas la satisfaction que manifestent les deux honorables préopinants. (Interruption de M. Snoy.)
Assurément, en présentant le projet de loi en discussion, l'honorable ministre de la justice a été guidé par des sentiments louables ; il est parti de l'idée que la justice doit être non seulement bien rendue, mais promptement rendue.
Malheureusement, je ne suis pas convaincu que, pour atteindre ce but, auquel il faut constamment viser, il faille de toute nécessité, en ce moment surtout, créer des chambres nouvelles.
En tout cas, il me semble que cette mesure devrait être précédée de la mise en vigueur de quelques titres du code de procédure civile, présenté, il y a trois ans, par l'honorable M. Bara.
Ce code, en effet, que la dissolution de la Chambre a fait disparaître de l'ordre du jour et que j'espère y voir replacer au début de la session prochaine, ce code, dis-je, non seulement simplifie, mais réduit considérablement le travail de la magistrature.
Permettez-moi, messieurs, de vous indiquer quelques points d'une manière très succincte.
D'abord le nouveau code élève la compétence des juges de paix de deux cents francs à trois cents francs. Or, tous ceux qui ont un peu décomposé les statistiques judiciaires savent que, dans les tribunaux de province surtout, les causes dont la valeur s'étend de deux cents à trois cents francs fournissent un contingent assez sérieux.
D'autre part, messieurs, ce code débute par un titre renfermant les lois sur la compétence réelle et sur la compétence personnelle.
Les nombreux avocats qui m'écoutent ici savent que la loi du 25 mars 1841 suscite un nombre considérable de controverses, controverses souvent résolues par les tribunaux et par les cours d'appel, mais toujours reproduites.
En tranchant toutes ces controverses par un texte formel de loi, le code belge diminuera donc, ici encore, le travail de la magistrature. Il mettra fin à une foule d'incidents inutiles.
Le code renferme, de plus, deux dispositions qui, si elles sont admises, enlèveront un grand nombre de causes au tribunal civil de première instance de Bruxelles.
La première de ces dispositions concerne les procès dirigés contre l'Etat.
Vous savez, messieurs, qu'aujourd'hui, suivant une jurisprudence constante, toutes les causes dirigées contre l'Etat, à très peu d'exceptions près, arrivent forcément au tribunal de Bruxelles.
Le nouveau code de procédure civile remédie à cet inconvénient. Il porte qu'en cas de contestation relative à un immeuble, l'action pourra être portée devant le tribunal du lieu de la situation, et que, dans les autres cas, le tribunal compétent sera celui de l'arrondissement où l'obligation aura pris naissance.
Voilà donc encore un nombre assez élevé de procès qui vont disparaître du rôle du tribunal de Bruxelles.
Une autre modification proposée concerne les sociétés commerciales. Les grandes compagnies ont aujourd'hui, à peu près toutes, leur siège à Bruxelles.
Il y a, par exemple, telle compagnie de chemin de fer qui, dans tel arrondissement, possède de grands établissements et même plusieurs kilomètres de chemin de fer, tandis que, à Bruxelles, elle ne possède qu'un mobilier sans importance. Et c'est cependant à Bruxelles que les créanciers qui habitent la province sont obligés d'aller plaider contre cette compagnie.
Le nouveau code, en faisant disparaître cette anomalie, déchargera da nouveau, dans une forte proportion, le rôle du tribunal de la capitale,
Mais le code ne se borne, pas à réduire le nombre des causes dont les tribunaux civils ont aujourd'hui à connaître. Il diminue encore leur besogne par la simplification de la procédure.
Je ne citerai qu'un point. Ce point est fort important et, au premier abord, il paraît très étrange. Le nouveau code de procédure civile supprime les répliques. Cette suppression est possible et même très praticable ; elle est tellement praticable que dans la commission extra-parlementaire, où siégeaient d'anciens présidents des tribunaux de Liège, de Gand et de Bruxelles, des magistrats aussi instruits qu'expérimentés, cette suppression a été votée à l'unanimité des suffrages.
Voici de quelle manière et moyennant quelles conditions cette innovation a été admise. Non seulement toutes les pièces devront être communiquées, mais toutes les conclusions devront être signifiées à la partie adverse un certain temps avant l'audience, et cela sous peine de nullité.
De plus, il sera sévèrement défendu de modifier ces conclusions à la barre, de telle sorte que désormais, quand une cause arrivera devant le tribunal, elle sera non seulement connue, mais pour ainsi dire définitivement fixée.
On me dira peut-être qu'il est possible que, malgré ces précautions, l'un des avocats allègue, dans le cours des débats, des faits nouveaux.
Eh bien, messieurs, le cas est prévu par le projet de code belge. Un de ses articles porte que, si cette éventualité se présente, le tribunal pourra inviter l'un des avocats à s'expliquer sur ces faits nouveaux.
Avec un tel système, vous n'aurez plus que des répliques strictement nécessaires. Vous n'aurez plus, comme aujourd'hui, une foule de répliques inutiles.
Actuellement, messieurs, quel est l'avocat qui ne répliqué pas ? Qui ne sait que, quand il n'a rien de nouveau à dire, il se contente de paraphraser sa première plaidoirie ? (Interruption.)
Je ne dis rien de blessant pour MM. les avocats, je pense ; je constate un fait connu de tout le monde. Je suis avocat, je me blesserais moi-même.
Quoi qu'il en soit, il est évident qu'on perd actuellement énormément de temps et que le régime nouveau aurait pour effet de réduire considérablement la durée des plaidoiries.
J'aurais donc voulu que, devant une telle perspective, on eût au moins retardé la présentation du projet.
Au surplus, même en présence de la législation actuelle, il ne me semble pas que, soit à Bruxelles, soit à Nivelles, la création de chambres nouvelles soit absolument indispensable. Je suis convaincu qu'en travaillant un peu plus, en travaillant comme le font les magistrats français, MM. les juges du tribunal de Bruxelles et de celui de Nivelles auraient bien vite évacué leur arriéré.
Je vais, messieurs, à l'appui de cette opinion, citer quelques chiffres empruntés à des documents officiels et qui, par conséquent, ne sont pas contestables.
Le tribunal de Bruxelles a rendu en 1869-1870, 812 jugements, y compris 247 jugements par défaut, ce qui fait 565 jugements contradictoires pour trois chambres, soit 189 affaires contradictoires par chambre.
En 1870-1871, il a rendu 858 jugements, y compris 249 jugements par défaut. Reste donc 609 jugements contradictoires pour trois chambres, ce qui fait, par chambre, 205 jugements contradictoires.
Le tribunal de Nivelles a rendu, en 1869, 186 jugements, dont 60 par défaut. Reste 126 jugements contradictoires, pour une seule chambre à la vérité. En 1870, il a rendu 76 jugements contradictoires et 39 par défaut.
M. Snoy. - Il en a rendu 288.
M. Thonissen. - Je ne parle que des matières civiles.
M. Snoy. - Oui, mais il y a aussi des procès en matière correctionnelle, jugés par la même Chambre.
M. Thonissen. - Je m'occupe, je le répète, des affaires civiles qui, seules, réclament des études sérieuses.
En chiffres ronds, le tribunal de Bruxelles rend en matière civile 800 à 900 jugements par an, y compris les jugements par défaut.
Voulez-vous, messieurs, savoir maintenant quel nombre de jugements rendent les tribunaux français ?
Je n'ai pas les chiffres de 1870, mais j'ai ceux de 1869 et vous allez voir comment on procède.
En 1869, le tribunal civil de la Seine, composé de six chambres, a rendu 16,440 jugements, ce qui fait, pour trois chambres, 8,220 jugements.
(page 920) Je sais bien qu'en France le personnel d'une chambre est plus considérable que celui d'une chambre belge. A Paris, il y a des chambres composées de huit juges, soit à peu près, pour être large, trois fois autant qu'à Bruxelles.
Prenons trois fois, et divisons 8,000 causes par 3 ; nous aurons plus de 2,600 causes par chambre !
A Bruxelles, il y en a 800 pour trois chambres !
On dira peut-être que les jugements rendus à Paris émanent d'une magistrature extraordinairement capable, telle qu'on n'en trouve pas dans le reste de la France. Il n'en est rien ! J'ai sous les yeux des chiffres appartenant à des tribunaux de province, où il n'y a pas de chambres de six ou huit juges, mais seulement des chambres de quatre ou de cinq juges.
Le tribunal de Lyon, composé de trois chambres civiles comme à Bruxelles, juge 5,055 causes civiles par an ; le tribunal de Marseille, également composé de trois chambres, en juge 2,56i. Entre ces chiffres et ceux qui figurent dans les documents qui nous ont été communiqués pour les tribunaux de Bruxelles et de Nivelles, la distance est énorme.
Maintenant, messieurs, je prendrai la liberté de vous présenter quelques considérations de fait, qui ne sont pas désobligeantes pour la magistrature. Je ne veux pas lui manquer de respect, mais j'ai incontestablement le droit et même le devoir de manifester une conviction qui me dit que, s'il y a un arriéré, ce n'est pas l'insuffisance du nombre des juges qui en est la seule cause.
Les audiences durent, en temps ordinaire, trois ou quatre heures au plus.
M. Guillery. - Quatre heures.
M. Thonissen. - Maximum quatre heures.
M. Guillery. - Minimum quatre heures.
M. Thonissen. - En voulez-vous cinq, comme à Paris ? Je vous le concède, quoique ce chiffre soit bien rarement atteint.
Tout le monde sait qu'une heure ou une heure et demie sont consacrées au règlement du rôle, à l'appel des causes ; de sorte qu'il ne reste que trois heures environ pour les plaidoiries.
Ne pourrait-on pas commencer une heure plus tôt pour régler le rôle ?
On dit que les audiences ne doivent pas être trop longues, que l'esprit se fatigue quand l'attention est trop longtemps soutenue.
Je l'admets, mais l'heure de plus que je demande pour le règlement du rôle ne saurait pas produire cet effet. C'est une besogne purement matérielle. En épargnant cette heure, on pourrait expédier un plus grand nombre d'affaires, et je n'y vois pas le moindre inconvénient.
Ensuite, en règle générale, il n'y a que trois audiences civiles. Pourquoi ne pas en tenir quatre, au moins pendant quelque temps, pour vider l'arriéré ? Ce n'est pas un travail mortel qu'une séance de plus par semaine. Dans la plupart des professions, on travaille tous les jours. (Interruption.)
Vous me direz qu'en dehors de l'audience il y a un grand travail à faire, un travail d'étude, des enquêtes, des visites des lieux. Je ne le nie pas ; mais, dans la plupart des professions, en dehors des heures de bureau, on travaille encore et l'on travaille considérablement. Et où sont les bureaux où l'on ne travaille que quatre heures par jour ? On pourrait donc, sans inconvénient, pendant quelques mois, siéger une quatrième fois par semaine.
Je ferai une autre observation. En France, la justice est bien rendue. J'ai entendu des plaintes sur certaines complaisances politiques des magistrats français ; mais quant aux affaires civiles, ces plaintes n'existent pas. Tout y marche régulièrement et ce qui le prouve, c'est que les recueils des jugements et des arrêts français sont aujourd'hui encore les plus prisés du monde entier. Eh bien, en France, on ne laisse pas une liberté à peu près absolue aux avocats dans leurs plaidoiries. On rappelle l'avocat aux faits et dès qu'il s'en écarte, on l'oblige à y rentrer. Je crois que, sous ce rapport, en se montrant plus sévère, on pourrait obtenir un très bon résultat.
Un exemple récent, emprunté à la Belgique, confirme ma manière de voir.
A Gand, il y a quelques années, sous l'administration de l'honorable M. Tesch, je crois, il y avait un arriéré considérable, et dans cette assemblée on vint demander avec instance la création d'une chambre nouvelle à la cour d'appel de Gand. Nous en avons tous gardé le souvenir. Eh bien, qu'est-il arrivé ? C'est que le gouvernement a résisté, et moins de quatre ans après il n'y avait plus d'arriéré. Si l’on avait écouté ceux qui, comme aujourd'hui, demandaient une chambre nouvelle, vous auriez une chambre de plus à la cour d'appel des Flandres et cette chambre n'aurait réellement pas de quoi s'occuper.
Je crois, messieurs, sans vouloir être désobligeant pour la magistrature, que nous avons le droit d'exiger qu'elle travaille de la manière la plus sérieuse.
Elle occupe une position privilégiée sous tous les rapports. Nous avons augmenté ses traitements à plusieurs reprises ; nous lui avons accordé le privilège exorbitant de l'éméritat, qu'elle possède seule parmi toutes les administrations du pays.
Je sais bien, messieurs, que mes observations seront inutiles aujourd'hui, mais j'espère que l'honorable ministre de la justice en tiendra compte pour l'avenir.
Ce que l'on demande aujourd'hui pour Bruxelles et pour Nivelles, on le demandera plus tard pour d'autres tribunaux, et j'espère qu'on voudra bien alors faire la comparaison entre le travail des tribunaux français et le travail des tribunaux belges.
M. le président. - L'amendement suivant vient d'être déposé sur le bureau :
« Il est établi un tribunal de commerce pour l'arrondissement de Nivelles.
« Son siège sera à Wavre.
« (Signé) De Vrints, Ad. Le Hardy de Beaulieu, Mascart. »
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Messieurs, la question de l'augmentation du personnel du tribunal de Bruxelles n'est pas nouvelle pour cette Chambre.
Je ne m'éloignerai pas de la vérité en disant que l'initiative du projet de loi appartient bien moins au gouvernement qu'à la Chambre elle-même.
Deux fois, en effet, à des époques fort différentes, la première fois en 1870, par l'organe de M. Guillery, la deuxième fois en 1871 par l'organe de M. Van Overloop, la section centrale chargée de l'examen du budget de la justice a signalé l'insuffisance du personnel du tribunal de Bruxelles et exprimé le vœu que le gouvernement portât remède à une situation devenue véritablement intolérable.
La section centrale, au surplus, ne faisait que porter devant vous l'expression des plaintes des justiciables, des vœux émis à différentes reprises par le conseil provincial du Brabant.
Il est un fait incontestable, et qui suffirait à lui seul à justifier le projet de loi, c'est l'accroissement régulier et permanent du nombre des causes introduites devant les tribunaux de Bruxelles et de Nivelles. Je n'abuserai pas des chiffres. Je n'en citerai que deux.
En 1859-1860, il a été introduit au tribunal de Bruxelles 701 causes ; en 1869-1870, il en a été introduit 1319. Le nombre des causes introduites a donc à peu près doublé durant cette période décennale. Et cependant le personnel n'a été augmenté que d'une chambre.
La situation n'est guère moins grave pour le tribunal de Nivelles. Les chiffres consignés au tableau qui accompagne l'exposé des motifs le démontrent.
Le nombre des causes arriérées devant l'une et l'autre de ces juridictions est devenu si considérable qu'une année entière ne suffirait pas à les expédier, alors même qu'aucune cause nouvelle ne vînt se joindre à celles qui figurent actuellement au rôle.
Et loin qu'on puisse espérer de voir cet arriéré disparaître dans un avenir plus ou moins rapproché, les deux tribunaux ne parviennent plus à juger chaque année un nombre de causes égal à celui qui est annuellement introduit.
Cette situation donc ne peut évidemment se prolonger. Il est aisé de comprendre le trouble profond qu'elle fait naître. La mauvaise foi, la chicane trouvent beau jeu, alors qu'elles sont assurées de trouver dans l'impuissance de la justice un refuge en quelque sorte inexpugnable.
D'impérieuses nécessités ne permettent pas toujours à celui qui est victime de quelque iniquité d'attendre patiemment pendant une année entière que l'heure de la justice soit enfin venue.
De là d'incessantes vexations, des transactions que l'équité réprouve, mais que le besoin impose ; de là aussi des démarches, des inquiétudes et des frais contre lesquels les populations ont le droit de réclamer votre protection.
Ce serait un véritable déni de justice, une iniquité flagrante que de reculer devant les mesures nécessaires pour assurer aux justiciables des arrondissements de Bruxelles et de Nivelles une justice aussi économique et aussi prompte que leurs concitoyens de tous les autres arrondissements du pays.
La justice n'est pas seulement un droit pour les justiciables ; elle est aussi un devoir pour le gouvernement. Ce droit, la Chambre n'hésitera pas à le reconnaître ; ce devoir, elle aura à cœur de le remplir.
(page 921) La nécessité de l'augmentation du personnel des tribunaux de Bruxelles et de Nivelles me paraît suffisamment démontrée par les faits que je viens de signaler.
Il me reste à rencontrer quelques-unes des objections qui viennent de vous être présentées.
L'honorable M. Thonissen trouve un remède à la situation dans les simplifications que va introduire le nouveau code de procédure.
Je crains bien que l'honorable membre ne se fasse illusion ; peut-être même est-il prématuré de parler d'un code qui depuis cinq ans figure à l'ordre du jour de cette Chambre et que nous ne sommes assurément pas à la veille de voir voter. Mais admettons que nous puissions espérer de voir le code de procédure en vigueur à une époque assez rapprochée. L'augmentation réclamée n'en sera pas moins indispensable.
Elle répond, il importe de ne pas le perdre de vue, à un accroissement continu, régulier, du nombre des causes.
Il est donc permis de prévoir que lorsque les simplifications introduites dans les lois de procédure auront porté leurs fruits, elles ne suffiront qu'à contrebalancer les effets de l'accroissement normal que je viens de signaler.
Je ne puis admettre, au surplus, que les dispositions du nouveau code produiront les effets merveilleux que semble en attendre l'honorable M. Thonissen.
Je ne méconnais pas, sans doute, que l'élévation du taux du ressort, les dispositions plus précises sur la compétence, l'attribution à tous les tribunaux du pays des causes qui concernent l'Etat, l'attribution au tribunal du siège de l'établissement de certaines causes qui concernent les sociétés, ne doivent amener certains résultats heureux et diminuer particulièrement la tâche du tribunal de Bruxelles.
Mais l'honorable membre ne vous a montré que le beau côté du code de procédure, au point de vue de la question qu'il a traitée.
L'honorable membre oublie qu'à côté de ces dispositions, il en est d'autres qui augmentent très notablement le service des audiences. Je citerai notamment celle qui exige que toutes les enquêtes se tiennent à l'audience.
On se tromperait donc gravement en cherchant, dans la simplification, des formes de procédure, un remède efficace à des inconvénients nés de causes auxquelles les lois de procédure sont étrangères.
Peut-on demander ce remède à une augmentation du travail des magistrats ? Je ne le crois pas davantage. Un premier fait à remarquer, c'est que la somme de travail du tribunal de Bruxelles n'est pas inférieure à celle des autres tribunaux du pays.
Jetez un coup d'œil sur les tableaux joints au rapport de la section centrale ; vous y verrez qu'aucun tribunal du pays, je n'en excepte pas celui de Gand, ne siège pendant un nombre d'heures aussi considérable que le tribunal de Bruxelles.
Or, je ne sais de quel droit on imposerait aux juges de Bruxelles un travail, une charge qui ne serait pas imposée également à leurs collègues des autres sièges.
Mais je ne veux pas m'arrêter à cette considération. Je sais que les juges des tribunaux de Bruxelles et de Nivelles ne marchanderaient pas leur dévouement s'ils pouvaient espérer de faire disparaître, au prix d'un travail plus opiniâtre, un mal dont les justiciables se plaignent avec raison.
Mais, messieurs, il est des limites qu'on ne peut raisonnablement franchir, des charges que nous ne pouvons équitablement imposer. Les juges de Bruxelles siègent non pas trois heures, ni quatre heures en moyenne, comme on s'est plu à vous le dire, mais quatre heures au minimum.
L'audience commence toujours à dix heures précises et ne se termine jamais avant deux heures.
L'honorable membre pense qu'une heure au moins est perdue par le règlement du rôle. C'est une erreur. L'honorable membre ne l'eût pas commise s'il avait fréquenté les audiences du tribunal de Bruxelles.
Tous ceux qui le fréquentent pourront attester que le règlement du rôle se fait avec une très grande célérité et ne prend guère qu'un quart d'heure ou vingt minutes.
Et ce qui démontre, messieurs, que le travail au tribunal de Bruxelles est aussi efficace, plus efficace même qu'ailleurs ; que les plaidoiries notamment n'y absorbent pas inutilement des instants précieux, c'est le nombre des jugements rendus par chaque chambre.
En 1859-1867, chaque chambre du tribunal de Bruxelles a rendu, en moyenne, 435 jugements civils, tandis que, la même année, le tribunal d'Anvers n'en rendait que 360, le tribunal de Liége 314 par chambre, et le tribunal de Gand 354.
A quelque point de vue donc qu'on se place, on voit que l'activité du tribunal de Bruxelles égale, si elle ne dépasse, celle des autres tribunaux du pays.
Pourriez-vous demander davantage encore à ces juges ? Je crois que cela est impossible. D'abord, demander à un juge qu'il écoute pendant plus de quatre heures, avec une attention toujours également scrupuleuse, des plaidoiries sur les sujets les plus divers et souvent les moins agréables, c'est demander plus que le cerveau de l'homme ne peut donner.
Encore si avec les heures d'audience cessait le travail des magistrats. Mais, après les audiences, viennent les enquêtes, les comparutions de parties, les expertises, les descentes de lieux, les audiences pour des pro Deo, les délibérés, mille travaux enfin qui occupent fructueusement les jours non consacrés au service des audiences.
L'honorable membre vous a cité l'exemple des tribunaux français, notamment ceux du tribunal de la Seine.
Il y a, messieurs, une différence complète d'organisation. L'honorable membre ne vous l'a pas dissimulé. Tandis que les chambres belges se composent de trois membres, les chambres du tribunal de Paris comptent jusqu'à huit juges effectifs.
Le nombre des juges est donc double de celui des juges de Bruxelles.
M. Thonissen. - J'ai admis qu'il est triple.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Mon observation n'en sera que mieux fondée.
Si l'on argumente, en effet, de l'organisation française, il faut bien qu'on la prenne tout entière. Or, dans le système français, ce n'est ni de deux ni de quatre juges que je devrais vous demander d'augmenter le tribunal de Bruxelles. Je devrais aller jusqu'à vous en demander quinze ou vingt.
Je reconnais cependant que même en tenant compte de la différence d'organisation, le nombre des jugements rendus par chaque chambre du tribunal de Paris est encore notablement supérieur à celui des jugements rendus par les chambres des tribunaux belges.
Mais, messieurs, quelque éloge qu'ait pu faire l'honorable M. Thonissen des arrêts et des jugements français, il me permettra de croire que la Belgique n'a absolument rien à envier, sous le rapport de la science, sous le rapport du bon et équitable jugement des affaires, aux tribunaux et aux cours français.
M. Thonissen. - Je l'ai reconnu.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Nous n'avons point d'exemples à demander à l'étranger sous ce rapport. Je crois que nos justiciables s'accommoderaient fort peu d'un système qui supprimerait en quelque sorte les délibérés en chambre, pour les remplacer par des délibérés sur les bancs, qui ne leur donnerait pas la garantie que chacun des juges a pu examiner toutes les pièces et qui leur permettrait de craindre que les impressions de l'audience pourraient avoir sur l'âme du magistrat plus d'influence que l'étude calme et réfléchie des faits.
Si vous voulez maintenir à notre justice son caractère propre, cette sage réflexion, cet examen consciencieux, cette science sévère qui font son honneur, ne souhaitez pas que la Belgique voie s'introduire un jour dans les arrêts une précipitation mille fois plus redoutable que les lenteurs dont nous cherchons le remède aujourd'hui.
M. Guillery - Messieurs, le discours que vient de prononcer l'honorable ministre de la justice ne laisse que très peu de chose à dire au membre qui avait demandé la parole pour répondre à l'honorable M. Thonissen.
II est évident que les arguments tirés par l'honorable membre d'une réforme opérée dans la procédure civile ne s'appliquent pas spécialement au projet de loi actuel ; ils vont bien au delà, et s'étendent tout autant à l'organisation des autres tribunaux qu'aux tribunaux de Bruxelles et de Nivelles.
Par conséquent, si l'on devait ne pas augmenter le personnel des tribunaux de Bruxelles et de Nivelles à cause de la future révision du code de procédure, on devrait, par le même motif, diminuer le personnel des autres tribunaux et même supprimer certains tribunaux ; il faudrait, par exemple, réduire le nombre des tribunaux de la province de Limbourg à un seul, en supprimant celui de Hasselt ou celui de Tongres.
Voilà quelle serait la conséquence d'une reforme en cette matière, la conséquence d'une équitable répartition. Si l'on désire que les magistrats travaillent autant en province qu'ils travaillent à Bruxelles, il faut appliquer la même règle à tout le monde.
L'honorable membre, et cela m'a étonné dans la bouche d'un homme d'étude et de science, reproche aux magistrats de ne pas travailler assez. Je comprends que, pour les personnes qui ne sont pas familiarisées avec (page 922) la pratique des tribunaux, un pareil reproche présente un côté séduisant ; mais je ne le comprends pas de la part d’un homme d’étude.
Lorsqu’un magistrat a siégé pendant quatre heures, et quelquefois davantage, il a épuisé tout ce que l'attention de l'homme le plus intelligent peut accorder.
Et, à Dieu ne plaise que l'on introduise en Belgique, ni la procédure française, ni les procédés français, ni les arrêts français, ni les jugements français. Je reconnais que les recueils de jurisprudence française nous font connaître des monuments de jurisprudence extrêmement remarquables, mais cela provient de ce que, dans les grandes questions, dans les tribunaux des grandes villes, il y a toujours des hommes éminents, à même de faire des œuvres remarquables.
Mais cela prouve-t-il que la justice soit bien administrée pour les justiciables ? J'ai vu, à Bruxelles, un avocat français assister à plusieurs audiences de nos tribunaux, et en sortant, il témoignait son étonnement de ce qu'on n'avait pas prononcé dans les affaires qu’il avait entendu plaider.
Je lui répondis : La cour a retenu l'affaire en délibéré ; on dépose les dossiers après les plaidoiries, c'est bien le moins que la cour examine les pièces sur lesquelles elle va prononcée.
En France, me répondit-il, on n'agit pas comme cela, on statue séance tenante. Et la plupart du temps, l'arrêt se borne à ceci : « Déterminé par les motifs du premier juge... »
En rendant ainsi la justice, il est facile de rendre beaucoup d'arrêts. On pourrait en porter le nombre à 16,000 et au delà. Mais les justiciables y gagneraient-ils ?
. Il en est de même de la longueur des débats. Ce n'est pas pour l'agrément des magistrats, ni pour l'agrément des avocats plaidants que les débats se prolongent. C'est dans l'intérêt de la vérité. Lorsque les magistrats se croient suffisamment informés, qu'ils croient la cause suffisamment développée, ils arrêtent les plaidoiries. Mais lorsqu'ils croient que les plaidoiries éclairent la question et sont favorables à la manifestation de la vérité, ils laissent les plaidoiries suivre leur cours. Ne vaut-il pas mieux que les plaidoiries soient un peu plus longues et la justice mieux rendue ? Les magistrats les plus expérimentés, les plus intelligents, vous diront que c'est souvent à la fin des plaidoiries que les opinions se sont formées.
Ils vous diront qu'après de longs débats, ils ont changé d'opinion ; que les hommes les plus habitués aux affaires avaient d'abord compris l'espèce qui leur était soumise d'une manière tout à fait fausse. N'est-il pas arrivé qu'après un arrêt de partage, lorsqu'on avait recommencé les plaidoiries, la cour a statué à l'unanimité ? Pourquoi ? Parce que les juges s'étaient éclairés par les nouvelles plaidoiries, par la réflexion.
Ne reprochons donc pas à un homme qui défend sa fortune ou son honneur devant la justice les paroles qu'il prononce ou qu'on prononce en son nom.
Ne reprochons pas au tribunal d'entendre tout ce que le plaideur croit devoir dire pour se défendre.
Il me semble que nous devrions, au contraire, craindre que des hommes habitués à juger ne soient trop pressés et n'entendent pas suffisamment les développements que les plaideurs croient nécessaires.
Quant au code de procédure civile, nous le discuterons quand il sera soumis à la Chambre. Je désire beaucoup que l'honorable M. Thonissen et moi nous y soyons encore à cette époque.
Il y a 41 ans que cette question a fait son apparition dans cette enceinte et beaucoup de membres qui siégeaient alors ont quitté la Chambre et ce monde.
Mais, quel que soit mon espoir dans une réforme, je ne crois pas qu'on puisse abroger, par décrets, des discussions nécessaires ; je ne pousserai jamais l'illusion jusqu'à croire qu'on puisse décréter dans un code qu'il y aura des répliques ou qu'il n'y en aura pas.
On a décidé, il y a quelques années, qu'il n'y aurait plus de répliques devant la cour de Bruxelles ; mais il en est résulté que, dans les premières plaidoiries, les avocats, sachant qu'il n'y aurait pas de répliques, entrèrent dans des développements plus considérables.
Ensuite, messieurs, il y a des affaires où la réplique est nécessaire.
Il arrive souvent que le juge provoque lui-même des débats, qu'il rouvre les débats parce que des explications sont indispensables.
Ce ne sont donc pas là des mesures que l'on puisse prendre pour remédier à l’insuffisance du personnel du tribunal de Bruxelles. Cette insuffisance provient de l'augmentation des affaires, amenée par l'augmentation de la population et par l'augmentation de la richesse.
Remarquez, messieurs, que c'est dans les temps de prospérité que les contestations judiciaires se multiplient.
A une époque de calamités, il n’y a pas de contestations judiciaires ; en 1848, par exemple, le 26 février, il n’y avait pas, au tribunal de commerce de Bruxelles, une seule affaire à plaider ; il n’y a pas eu d’audience.
Ce motif, messieurs, a engagé la sixième section à proposer une mesure très utile, dans l’intérêt de l’administration de la justice.
Cette mesure aurait pour conséquence d'attacher au tribunal de Bruxelles le chef du tribunal et le chef du parquet, de maintenir dans leur position, au moyen d'une augmentation de traitement, ceux qu'on a jugés aptes à remplir ces importantes fonctions.
Par le même motif qui nous porte à augmenter le personnel et à augmenter la besogne de ces magistrats, on devrait aussi augmenter leurs appointements.
Il y a peu de personnes qui réunissent les qualités nécessaires pour remplir de semblables fonctions.
Ce sont des fonctions tout à fait exceptionnelles, et dans lesquelles le mérite exceptionnel du chef du tribunal et du chef du parquet doit avoir une grande influence sur la bonne administration de la justice. Il faut donc tâcher de retenir dans leurs positions, ceux qu'on a jugés réunir les qualités nécessaires.
Le gouvernement aurait dû s'occuper de cette question et la résoudre à l'occasion du projet de loi en discussion, dont elle aurait été le corollaire.
Quoi qu'il en soit, je ne veux pas en faire l'objet d'un amendement. Je préfère laisser l'initiative au gouvernement à cet égard. Mais je crois devoir signaler la proposition de la sixième section, qui a été favorablement accueillie par la section centrale et qui me paraît dictée par l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - J'ai oublié de dire un mot de l'amendement des honorables MM. de Vrints, Le Hardy de Beaulieu et Mascart. Ces honorables membres demandent la création, non seulement d'une deuxième chambre au tribunal de Nivelles, mais encore d'un tribunal de commerce à Wavre. Je regrette de ne pas pouvoir me rallier à cet amendement.
La création d'un tribunal de commerce à Wavre est absolument inutile ; j'ajouterai qu'elle est impossible.
Elle est inutile parce que l'arrondissement de Nivelles est avant tout un arrondissement agricole.
Il n'y a pas là jusqu'à présent un centre industriel ou commercial assez considérable pour qu'il puisse fournir un nombre de causes suffisant pour justifier la création d'un tribunal spécial. Tel est l'avis de toutes les autorités consultées.
Je dis de plus que la création de ce tribunal est impossible, parce que nous ne trouverions pas, dans l'arrondissement, le personnel nécessaire pour constituer le tribunal.
Je lis, dans un rapport qui m'est adressé, que la ville de Nivelles ne compte que vingt-trois négociants payant la somme de 42 fr. 32 c. qui confère le droit de participer à l'élection des membres des tribunaux de commerce.
Je doute que Wavre en compte davantage. Or, si l'on tient compte de ce qui se passe même dans les villes les plus importantes, on peut se demander comment se feraient des élections dans des conditions aussi désavantageuses.
Encore pourrais-je concevoir que l'on préférât un tribunal de commerce à une augmentation du personnel du tribunal civil. Mais réclamer les deux, c'est assurément exiger trop de moitié et (ce qui serait plus grave) s'exposer à ne rien obtenir.
J'engage donc les honorables membres à ne pas maintenir leur amendement.
- Voix nombreuses. - Aux voix !
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je ne vous tiendrai pas longtemps.
Après ce qui vient d'être dit par l'honorable ministre de la justice et par M. Guillery, je n'ai plus à combattre les objections présentées par M. Thonissen. Ce n'est pas pour expédier la justice que nous demandons, à Bruxelles et à Nivelles, une augmentation du nombre des magistrats, nous la demandons pour qu'on y rende la justice, et qu'on la rende avec calme et jugement. C'est ce que nous ne pouvons obtenir dans l'état actuel des choses, et je pense que la Chambre ne pourrait pas nous le refuser.
Ainsi, cette partie du projet de loi n'étant pas contestée, si ce n'est par l'honorable député de Hasselt, je n'y insisterai pas davantage.
(page 923) Mais j’ai quelques mots à répondre à l’honorable ministre de la justice en ce qui concerne notre amendement. Le nombre des affaires commerciales, il peut s'en assurer par le tableau joint au projet de loi, s’accroît dans une proportion considérables et elles sont en voie de s'accroître de plus en plus parce que l'arrondissement de Nivelles, qui jusqu'à présent était un arrondissement presque exclusivement agricole, devient, par la force des choses, un arrondissement industriel et commercial. Avant peu d'années, le nombre des affaires commerciales sera plus que doublé. Je puis l'affirmer à l'honorable ministre.
Si les affaires civiles suivent la même proportion, il est évident que la création d'une deuxième chambre a Nivelles ne suffira pas longtemps, et nous nous trouverons d'ici à quelques années dans la même situation qu'aujourd'hui. Nous désirons dégager immédiatement et complètement la situation, en obtenant aussi la création d'un tribunal de commerce, qui ne s'occuperait que des affaires commerciales. Nous demandons que ce tribunal soit placé à Wavre, parce que cette ville est plus au centre industriel et commercial de l'arrondissement que la ville de Nivelles.
Si Nivelles se trouvait plus au centre, nous n'hésiterions pas à vous proposer d'y établir ce tribunal. Mais, d'après le rapport de la chambre de commerce de l'arrondissement de Nivelles, qui demande la création d'un tribunal de commerce, la ville de Wavre se trouve mieux placée que celle de Nivelles pour recevoir ce tribunal. Voilà les raisons qui nous ont fait choisir Wavre comme siège de ce tribunal.
M. Thonissen. - Tout à l'heure j'ai indiqué mes arguments, et je ne veux pas encourir le reproche de faire moi-même une réplique inutile. Je ne dirai qu'un petit nombre de mots pour expliquer ma pensée, tant soit peu dénaturée, involontairement, j'en suis convaincu, par l'honorable ministre de la justice et par l'honorable M. Guillery.
M. Guillery. - Vous voyez qu'il faut répliquer quelquefois.
M. Thonissen. - La plaisanterie est mauvaise. Si vous aviez lu le nouveau code de procédure civile, vous y auriez vu que, dès l'instant que l'on allègue des faits nouveaux, la réplique est nécessaire. On a fait du neuf, puisqu'on a dénaturé ma pensée. En répondant, je reste donc conséquent avec le système auquel j'ai donné mon approbation.
L'honorable ministre m'a dit que, sous le rapport de l'équité, des lumières, de la dignité, la magistrature belge n'a rien à envier à la magistrature française. Je ne crois pas, messieurs, avoir prétendu ou insinué le contraire. Je serais désolé si j'avais, même involontairement, fait une pareille incrimination. Il est bien évident que sous le rapport de l'équité, des lumières et de la dignité, la magistrature belge n'a absolument rien à envier à la magistrature française. J'ai dit seulement que celle-ci travaillait davantage.
M. Guillery. - Elle a l'air de travailler plus.
M. Thonissen. - Messieurs, j'ai promis d'être court ; qu'on me permette au moins d'expliquer ma pensée.
Ma pensée est que, si la magistrature française expédie plus promptement les affaires, c'est qu'elle a un autre mode de travailler, mode qu'on ferait bien, à mon avis, d'introduire en Belgique.
Ainsi, M. le ministre de la justice a parlé des nombreux délibérés sur les bancs qui ont lieu en France. Mais pourquoi ces délibérés sont-ils si fréquents chez nos voisins ? C'est qu'il est de règle, en France, que les avocats doivent envoyer une copie de leurs conclusions au président du tribunal au moins vingt-quatre heures avant les plaidoiries.
M. Sainctelette. - Cela se fait ici aussi.
M. de Borchgrave. - N'interrompez pas.
M. Thonissen.—Je répète qu'en France les avocats doivent remettre vingt-quatre heures d'avance leurs conclusions au président du tribunal. J'ajouterai que celui-ci les communique très souvent à un autre membre du tribunal, qui remplit en quelque sorte le rôle de rapporteur. Ne comprenez-vous pas qu'une cause plaidée dans de pareilles conditions peut être très facilement jugée après les plaidoiries. En Belgique, au contraire, les conclusions ne sont pas même toujours signifiées avant l'audience à la partie adverse. Quand on veut comparer, il faut au moins rester dans la vérité des faits.
On a allégué aussi que, d'après moi, les magistral du tribunal de Bruxelles devaient travailler beaucoup plus que ceux des tribunaux de province. Telle n'a pas été, encore une fois, ma pensée. J'ai dit seulement que, partout où il y a un arriéré, les tribunaux pourraient le vider en prolongeant les audiences et en siégeant exceptionnellement un jour de plus.
L'honorable M. Guillery me dit que les forces humaines ont des bornes. Je ne dirai pas que c'est là une plaisanterie, mais je soutiens que ce n'est pas sérieux.
Est-ce que la durée de l'audience des tribunaux n'et pas en réalité de quatre heures au maximum ?
M. Guillery. – Au minimum.
M. Wasseige. – Disons en moyenne.
M. Thonissen.- Je vous accorderai même, si vous le voulez, comme je l'ai déjà fait, une durée de cinq heures. Vous devriez décompter de ces cinq heures une heure et demie pour le règlement du rôle. Il resterait trois heures et demie pour les plaidoiries. Est-ce là une tâche dépassant les forces humaines ?
A Nivelles, on expédie soixante-seize jugements contradictoires par an, et l'on siège quatre fois par semaine.
M. Snoy. - On y a rendu trois cents jugements.
M. Thonissen. - Un dernier mot. L'honorable M. Le Hardy nous a dit : « Nous ne voulons pas qu'on expédie la justice, nous voulons qu'on la rende convenablement. » Tel est aussi mon avis. Je ne demande pas, croyez-le bien, qu'on rende, comme à Paris, plus de 2,000 jugements par an. Je demande tout simplement qu'on rende une centaine de jugements de plus qu'on ne le fait maintenant.
Est-ce là une prétention si exorbitante ?
Je demande une heure d'audience de plus, une audience de plus par semaine pour vider l'arriéré.
Est-ce là une injure pour la magistrature ? Evidemment non.
Un de mes voisins me dit que l'honorable M. Guillery a fait une plaisanterie au sujet du tribunal de Hasselt. Je n'ai pas entendu cette plaisanterie. Je ne puis donc pas y répondre.
M. Sainctelette. - Soyez tranquilles, quoique avocat, je serai beaucoup plus laconique que M. Thonissen. Je ne conteste ni l'utilité d'augmenter le personnel du tribunal de Bruxelles, ni l'utilité d'ajouter une nouvelle chambre au tribunal de Nivelles.
Je ne répondrai pas non plus aux observations de l'honorable M. Thonissen. Je me bornerai à lui souhaiter de n'être jamais jugé sur les bancs.
Le point sur lequel je désire appeler l'attention du gouvernement et de la Chambre est tout à fait étranger aux débats engagés jusqu'à présent.
Lorsque en 1869 et 1870 la question de l'augmentation du personnel du tribunal de Bruxelles fut soulevée pour la première fois dans cette Chambre, l'honorable M. d'Elhoungne fit, avec plus d'autorité que je ne pourrais le faire, des observations sur la jurisprudence adoptée par la cour de cassation, quant à la compétence du tribunal de Bruxelles en ce qui concerne les actions dirigées contre l'Etat. Il fit remarquer qu'une des grandes causes de l'encombrement du tribunal de Bruxelles, c'est l'attribution exclusive à ce tribunal des affaires concernant l'Etat, des affaires concernant les grandes sociétés, qui presque toutes établissent leur siège à Bruxelles, quoique ayant en province leurs établissements, chemins de fer, mines, usines.
M. d'Elhoungne disait avec beaucoup de justesse et de véhémence, qui ceux qui étaient dans tous les arrondissements du pays pour prendre l'argent des contribuables, devient accepter la juridiction de tous les tribunaux du pays, lorsqu'il s'agissait de rendre une partie de cet argent.
Je reproduis cette observation et j'insiste sur son importance, importance au point de vue des justiciables, importance au point de vue de la dignité de la magistrature.
Il est injuste, il est souverainement inique de forcer tous les contribuables du pays à venir plaider à Bruxelles des procès qui doivent leur origine à des affaires faites, à des relations créées, à des faits posés en province. Il s'agit souvent, dans ces procès, de travaux publics. Voilà des questions jugées aujourd'hui par des hommes qui ne connaissent pas les lieux, qui ne peuvent se rendre compte de la situation que par des plans. Au contraire, ne seraient-elles pas beaucoup mieux appréciées par les tribunaux de province, composés d'hommes familiers avec les faits ?
Il est souverainement inique aussi de permettre à des compagnies qui ont des agents, des comptoirs, des établissements principaux dans toutes les parties du pays de contraindre tous leurs clients à venir plaider à Bruxelles.
Du point de vue de la dignité de la magistrature, sans mettre le moins du monde en contestation le mérite des tribunaux de Bruxelles, pourquoi refuser aux tribunaux de province la connaissance des grandes questions ? Ces procès contre l'Etat, contre les grandes compagnies, ont une certaine importance, et je le reconnais, mais pourquoi en soustraire la connaissance aux tribunaux de Gand, de Liège et des autres grandes villes du pays ?
Les hommes ne se forment qu'en travaillant. Si vous voulez avoir des juristes distingués ailleurs qu'a Bruxelles, laissez donc aux barreaux et aux tribunaux de provinces la possibilité d'étudier et de juger les questions (page 924) dont on réserve aujourd'hui le monopole aux jurisconsultes de Bruxelles.
Je sais que le code de procédure civile ne sera promulgué tout entier que lorsque, très probablement, nous aurons tous disparu ; mais rien ne s'oppose à ce qu'on fasse, pour le code de procédure, ce qu'on a fait pour le code de commerce. Pourquoi ne pas détacher du code de procédure les titres concernant la compétence réelle et la compétence personnelle et les promulguer par une loi spéciale ?
La compétence réelle est définie dans ses grandes lignes ; il y a peu de modifications à apporter aux lois qui nous régissent ; le code de procédure et la loi de 1841 sont des lois sages qu'il sera bien facile de mettre en harmonie avec les faits nouveaux. Et quant à la loi sur la compétence personnelle, mais il suffira de quelques dispositions relatives à l'Etat, aux sociétés, aux établissements ayant des succursales en province, pour fixer législativement et définitivement la jurisprudence dans le sens que je viens d'indiquer.
Je n'insiste pas davantage.
M. Vleminckx. - Messieurs, la Chambre sait que, lors de la discussion du budget de la justice, j'ai, conformément, du reste, aux désirs de M. le ministre de la justice, retardé, non de faire une interpellation, mais de m'expliquer sur un dossier qui avait été déposé sur le bureau de cette Chambre. J'ai dit que j'ajournerais les explications à fournir jusqu'au moment où l'on discuterait la loi sur l'augmentation du personnel des tribunaux de Bruxelles et de Nivelles. Je vais donc en dire quelques mots.
La Chambre sait de quoi il s'agit. L'honorable M. Dumortier, au mois de novembre dernier, a demandé qu'une enquête fût faite sur la conduite tenue par des magistrats de Bruxelles à l'occasion de certaines visites domiciliaires.
M. Dumortier. - Non, par des agents de police judiciaire.
M. Vleminckx. - Par le juge d'instruction de Bruxelles. Si vous voulez, je lirai votre discours. Peu importe, au surplus.
M. De Lehaye. - Ce n'est pas à l'ordre du jour.
M. Vleminckx. - Il faut que cet incident soit vidé.
Eh bien, aux accusations de l'honorable M. Dumortier il y a une réponse. Cette réponse se trouve dans le dossier qui a été déposé sur le bureau de cette Chambre. Je me proposais de le lire tout entier. Je ne le ferai pas, mais à une condition : c'est que M. le ministre de la justice, qui vient à l'instant même de défendre dignement la magistrature du pays, se lève encore une fois pour déclarer que, dans la circonstance que je viens de rappeler, la magistrature de Bruxelles a rempli parfaitement son devoir.
M. Thonissen. - On n'attaquait pas la magistrature.
M. Vleminckx. - Je demande encore une fois que M. le ministre de la justice fasse pour les magistrats de Bruxelles ce qu'il a fait pour les magistrats d'autres parties du pays, c'est-à-dire qu'il déclare que ces magistrats ont rempli leur devoir et qu'il n'y a rien à leur reprocher dans les visites domiciliaires dont il a été question.
M. Snoy. - Je désire que nous ne restions pas sur une équivoque ; je désire que mes honorables collègues de l'arrondissement de Nivelles aient le bénéfice comme la responsabilité de leurs actes. Je demande s'ils renoncent à la création d'une deuxième chambre du tribunal de Nivelles et se contentent de la création d'un tribunal de commerce à Wavre.
M. M. de Vrints. - J'ai demandé, dans mon discours, une deuxième chambre au tribunal de Nivelles et un tribunal de commerce à Wavre. J'espère que M. le baron Snoy sera satisfait de cette explication.
M. Dumortier. - Je veux protester contre les expressions dont s'est servi l'honorable M. Vleminckx et contre cette assertion que je suis venu ici attaquer la magistrature.
L'honorable M. Vleminckx connaît parfaitement l'Académie de médecine, mais il devrait savoir distinguer entre la magistrature et les officiers de police judiciaire. Les officiers de police judiciaire sont révocables et quand je les attaque, je n'attaque nullement la magistrature.
M. De Lehaye. - Lorsque j'ai entendu la lecture de l'amendement présenté par l'honorable M. de Vrints et ses honorables collègues, j'avais compris qu'il s'agissait de remplacer la deuxième chambre du tribunal civil par un tribunal de commerce ; je viens d'apprendre à présent qu'il ne s'agit pas de cela ; mais j'étais d'autant plus en droit de le croire que l'honorable M. de Vrints sait très bien qu'en section centrale la question a été traitée et qu'elle avait été abandonnée, de manière que si une nouvelle chambre civile est établie à Nivelles, il ne s'agit pas de créer une chambre de commerce à Wavre.
M. Guillery. - Messieurs, deux mots d'abord en ce qui concerne l'interpellation de l'honorable M. Snoy. Je ne sais où l'honorable membre a pris l'idée que mes honorables collègues de l'arrondissement de Nivelles avalent combattu la création d'une deuxième chambre...
M. Snoy. - J'ai demandé une explication.
M. Guillery. - Ces honorables membres ont défendu le projet de loi ; mais en défendant le projet, ils ont proposé une seconde réforme qui consisterait dans l'établissement d'un tribunal de commerce à Wavre, tribunal qui ne coûterait rien à l'Etat et qui pourrait être très utile au commerce.
Wavre devient un centre commercial et industriel et cette ville pourrait, comme Ostende, avoir son tribunal de commerce.
Maintenant vient la question de l'honorable M. Dumortier.
L'honorable membre n'en est pas à sa première attaque contre la magistrature ; et il n'en est pas à son premier défaut de mémoire au sujet de ses discours.
Voici les propres paroles de l'honorable membre (séance du 17 novembre 1871, Annales parlementaires, page 28) : « Si le bruit qui est répandu...
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Guillery. - Il n'y a pas lieu de prendre la parole pour un rappel au règlement. Je demande à continuer.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. - Vous avez la parole pour un rappel au règlement.
M. Dumortier. - Messieurs, le règlement est formel ; la Chambre fixe son ordre du jour...
- Des membres à gauche. - Oh ! oh !
M. Dumortier. - Vos oh ! oh ! ne m'empêcheront pas de continuer ; je ne veux pas que vous veniez, au milieu d'un débat relatif à l'augmentation du personnel de deux tribunaux, soulever la question de savoir si le juge d'instruction, oui ou non, a le droit de faire faire à des officiers et à des agents de police des visites domiciliaires, question de la plus haute gravité.
- Une voix à gauche. - Ce n'est pas le rappel.
M. Bara. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Dumortier. - Cette question, je veux l'examiner, je veux qu'elle soit tranchée, mais pas en ce moment.
M. le président. - La parole est à M. Bara pour un rappel au règlement.
M. Bara. - J'ai obtenu ce que je voulais ; je voulais faire taire M. Dumortier, qui n'était pas dans la question. M. Dumortier s'est tu, je n'insiste pas sur ma demande de parole.
M. Guillery. - L'honorable membre n'avait pas le droit de m'interrompre puisque, en réalité, il n'a pas fait de rappel au règlement ; il n'a donc fait que se servir d'un prétexte pour échapper à la réfutation qu'il voyait arriver.
L'honorable M. Dumortier a prétendu, et plusieurs voix à droite ont confirmé son dire, que la magistrature n'avait pas été mise en cause ; or, au moment où je lis la phrase qui le condamne, M. Dumortier demande la parole pour un rappel au règlement. Ce n'était pas pour un rappel au règlement qu'il demandait la parole, c'était pour m'empêcher de parler.
Voici donc la phrase :
« Si le bruit qui est répandu est exact, la veille ou l'avant-veille de l'ouverture de la session, le juge d'instruction de Bruxelles aurait envoyé des agents de police. »
Le juge d'instruction de Bruxelles est un magistrat, je pense...
M. Dumortier. - Non.
M. Guillery. - Non ?
M. Dumortier. - Lisez votre Code. (Interruption.)
M. Guillery. - Je rappelle à mon tour à l'honorable M. Dumortier le règlement qui lui défend d'interrompre.
Ainsi donc, d'après l'honorable membre, le juge d'instruction n'est pas un magistrat ! Mais jusqu'à présent le contraire est admis par nos codes, et il me permettra bien de dire dès lors que la magistrature a été attaquée.
Je continue :
« Le juge d'instruction de Bruxelles aurait envoyé des agents de police faire des visites domiciliaires qui sont un véritable scandale. »
Ces attaques ne pouvaient rester sans réponse et j'ai répondu séance tenante. Une enquête a été demandée et promise. Eh bien, maintenant, messieurs, une enquête a eu lieu.
(page 925) Cette enquête est venue prouver que la magistrature, dans cette circonstance comme dans toutes les circonstances où nous avons eu occasion d'apprécier sa conduite, a agi conformément à la loi ; que le juge d'instruction et le procureur du roi ont respecté et exécuté fidèlement la loi et la jurisprudence. J'aurais beaucoup à dire sur les principes en cette matière, mais nous ne pouvons discuter incidemment une pareille question. Nous n'avons ici qu'à constater que les magistrats et spécialement le juge d'instruction ont fait leur devoir.
Il n'y a eu, de la part de mon honorable ami, M. Vleminckx, aucune attaque subreptice, puisque cette attaque, - si attaque il y a, - avait été annoncée et que l'honorable M. Dumortier était prévenu depuis longtemps. Il a pu lire le dossier comme nous l'avons lu. S'il n'est pas préparé à la discussion, c'est qu'il ne l'a pas voulu. S'il veut fixer un jour spécial pour ce débat, j'accepterai le rendez-vous.
M. Dumortier. - C'est ce que je vous demande.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - L'incident soulevé par l'honorable M. Vleminckx se rattache fort mal, comme lui-même l'a reconnu, du reste, au projet d'augmentation du personnel des tribunaux de Nivelles et de Bruxelles. Cependant, je dois à la vérité de déclarer que l'honorable membre, à l'époque de la discussion de mon budget, m'a prévenu que ce serait à l'occasion de la présentation du projet actuel qu'il renouvellerait son interpellation.
Je pense que deux mots d'explication pourront terminer le débat et rendre inutile toute fixation de jour nouveau.
Vous connaissez tous les théories de l'honorable M. Dumortier en matière de visites domiciliaires. Pour lui, l'article 10 de la Constitution, qui déclare le domicile inviolable, consacre un principe absolu contre lequel aucune loi ne peut prévaloir C'est le vieil axiome liégeois : « En sa maison pauvre homme est roi, » transporté dans notre droit moderne.
L'honorable membre partant de cette idée soutient, et je reconnais qu'il n'est pas seul de cette opinion, qu'en doctrine et en jurisprudence il rencontre de nombreux appuis ; l'honorable membre, dis-je, soutient d'une part que les visites domiciliaires ne peuvent pas être faites hors la présence du prévenu ou lorsqu'il n'y a pas de prévenu, d'autre part qu'elles ne peuvent être faites par délégation.
Le juge d'instruction, d'après lui, doit toujours les faire personnellement ; la jurisprudence, en ce point, n'est pas de l'avis de l'honorable M. Dumortier. La cour d'appel de Bruxelles a décidé que le droit de délégation existe. Dans le cas auquel fait allusion l'honorable M. Vleminckx, le juge d'instruction de Bruxelles a jugé nécessaire de faire faire en même temps, le même jour, à la même heure, non pas une, mais dix ou quinze visites domiciliaires, tant à Bruxelles que dans diverses villes du pays. Il était donc impossible que ces visites se fissent, à Bruxelles, notamment par des juges d'instruction, leur nombre étant insuffisant ; tout au plus, eût-on pu recourir à une délégation du tribunal. Le juge d'instruction s'est conformé à la jurisprudence existante ; il a commis des officiers de police judiciaire qui ont fait les saisies, comme semblables saisies se font toujours, sans rien ajouter aux désagréments que ces mesures entraînent inévitablement.
Tel est le fait.
La marche suivie en cette circonstance est, je le répète, de tous points conforme à la jurisprudence, mais elle s'éloigne de la théorie que M. Dumortier, avec d'excellentes autorités, croit seule constitutionnelle et légale.
Aucun reproche ne peut donc être adressé au juge d'instruction de Bruxelles, qui n'a fait que se conformer à la jurisprudence depuis longtemps suivie.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Dumortier. - Je demande la parole. (La clôture ! la clôture !) Je suis attaqué, j'ai bien le droit de me défendre, je pense. (Parlez ! parlez !) J'adjure les honorables MM. Vleminckx et Guillery d'ouvrir cette discussion dans une autre séance. Cette question est assez grave. (Interruption.) Comment ! vous vous dites libéraux et vous ne voulez pas qu'on respecte la liberté des citoyens ! (Interruption.)
Vous vous dites libéraux et vous admettez qu'un simple commissaire de police puisse violer le domicile des citoyens !
Vienne la discussion et je prierai mes honorables amis, MM. Nothomb et de Liedekerke, de nous dire ce qui s'est passé chez eux.
Je ne redoute nullement cette discussion. Je l'appelle, au contraire, de tous mes voeux.
- Plusieurs membres. - Oui ! oui. A demain.
M. Bara. - Si l'honorable M. Dumortier veut avoir une discussion complète sur cette affaire, je ne m'y oppose nullement. Je ne demande qu'une chose, c'est l'impression complète du dossier et, si l'on ne veut pas l'imprimer, je déclare à la Chambre que j'en prendrai copie et que, comme représentant, j'en userai.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je demande qu'on vote d'abord le projet de loi qui est complètement discuté.
Si la Chambre veut revenir encore sur l'interpellation de l'honorable M. Vleminckx, elle en est maîtresse, mais je la prie de ne pas greffer cette discussion nouvelle sur celle que nous venons d'épuiser.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Le personnel du tribunal de première instance de Bruxelles est augmenté d'un vice-président, de trois juges, de trois juges suppléants et de deux substituts du procureur du roi. »
- Adopté.
M. le président. - Ici se place l'amendement de MM. de Vrints, Le Hardy de Beaulieu et Mascart. Il est ainsi conçu ;
« Il est établi un tribunal de commerce pour l'arrondissement de Nivelles. Son siège sera à Wavre. »
- L'amendement est soumis au vote par assis et levé.
Il n'est pas adopté.
« Art. 2. Le personnel du tribunal de première instance de Nivelles est augmenté d'un vice-président, de deux juges et d'un juge suppléant.
« Le tribunal est élevé à la deuxième classe. »
- Adopté.
Il est procédé au vote, par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
79 membres y prennent part.
75 répondent oui.
4 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui :
MM. Couvreur, Crombez, Dansaert,. David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Liedekerke, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jamar, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Mascart, Mouton, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Snoy, Tesch, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Verwilghen, Vleminckx, Wouters, Anspach, Balisaux, Bara, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Coremans et Tack.
Ont répondu non :
MM. Thonissen, Vander Donckt, Vermeire et Wasseige.
M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, le Roi m'a chargé de donner lecture à la Chambre de l'arrêté royal suivant :
« Léopold II, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Sur le rapport de notre ministre des finances,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre des finances est chargé de retirer, en notre nom, le projet de loi sur les denrées alimentaires, les droits d'accise sur les eaux-de-vie et les sucres, les droits de patente et d'enregistrement, qui a été soumis à la Chambre des représentants en vertu de notre arrêté du 26 novembre 1871.
« Donné à Bruxelles, le 24 avril 1872.
« Léopold
« Par le Roi : Le ministre des finances, Malou. »
M. le président. - Cet arrêté est pris pour notification.
- La séance est levée à 5 heures et un quart.