(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 862) M. Reynaert fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Hagemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Molenbeek demandent la mise à l'ordre du jour da projet de loi relatif à la caisse de prévoyance en faveur des instituteurs primaires. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Par dix pétitions, des marchands de bière et cabaretiers à Bruxelles et aux environs prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à l'accise sur la bière. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des chasseurs, cultivateurs à Arc-Ainières, présentent des observations contre la disposition du projet de loi sur la chasse qui laisse au gouvernement la faculté de fermer la chasse pendant les époques où elle est ouverte. »
« Mêmes observations de cultivateurs de Rongy. »
M. Lelièvre. - Je demande que cette pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la chasse.
- Adopté.
« Le sieur Canfriez prie la Chambre de rejeter le projet de loi sur la chasse. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Rupelmonde prient la Chambre d'adopter les deux amendements proposés à l'article 10 du budget des travaux publics. »
M. Janssens. - Cette pétition s'occupe d'un objet urgent puisqu'il y est question d'un objet en discussion en ce moment. Ne pourrait-on pas le renvoyer à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics ?
M. le président. - La décision proposée est le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget.
M. Janssens. - Je me rallie à cette proposition.
- Le dépôt sur le bureau est prononcé.
«M. Kervyn de Lettenhove demande un congé de trois ou quatre jours.»
- Accordé.
« M. de Vrints demande un congé d'un jour. »
- Accordé.
Il est procédé au scrutin :
Nombre de votants, 77.
Majorité absolue, 59.
M. Huyttens de Terbecq obtient 77 suffrages ; il est proclamé greffier pour un nouveau terme de six ans.
M. le président. - La parole est continuée à M. Bouvier.
M. Bouvier.- Dans la séance d'hier, j'ai eu l'honneur de démontrer là nécessité, au point de vue industriel, agricole et commercial des populations abandonnées aujourd'hui par le gouvernement, de construire la ligne d'Athus à Givet ou plutôt à Charleroi.
Il me reste à démontrer que, dans l'intérêt de la métallurgie belge, il est indispensable que ce chemin de fer soit établi dans le plus bref délai.
Personne n'ignore, messieurs, que les grands réservoirs où cette importante industrie s'alimente actuellement sont le Grand-Duché et le département de la Moselle. C'est un point indiscutable, que si les usines belges n'avaient d'autres ressources que celles que leur offrent leurs exploitations épuisées, elles verraient, dans un temps peu éloigné, les trois quarts de leurs fourneaux hors feu.
- Des membres à gauche. - C'est vrai !
M. Bouvier. - Je suis heureux que les honorables collègues qui se trouvent autour de moi et qui connaissent l'importance de cette industrie me disent que mes affirmations sont exactes.
J'ajoute que sans le chemin de fer du Luxembourg et celui de l'Est, qui se relient à Arlon, le chômage auquel j'ai fait allusion existerait à l'état de fait au moment où je parle.
A l'extrémité orientale du département de la Moselle, frontière belge, dans un périmètre de 4 à 5 lieues, se trouve une contrée désignée sous le nom de « bassin de Longwy a où se rencontrent des gisements à l'état de montagnes. Là tout est mine, le moellon avec lequel on construit, les cailloux pour établir les chemins, le calcaire même est ferrugineux.
Il y a dans cette contrée si favorisée par la nature 40 millions de tonnes de minerais, et ce chiffre, soyez-en bien convaincus, n'est pas un chiffre imaginaire ; il a été constaté par les métallurgistes à l'occasion de la délimitation du territoire français à la suite de la guerre franco-prussienne en 1870.
A 30 ou 40 minutes de Longwy, de ce bassin si riche où vous rencontrez déjà aujourd'hui vingt-deux hauts fourneaux produisant en moyenne 14 millions de fonte par an, où l'on construit en ce moment, dans une localité qu'on appelle le Port sec, une usine qui va produire par an 90 à 100 millions de fonte, lesquels demanderont aux charbonnages de la Belgique, pour ce seul établissement, quelque chose comme 110,000 tonnes de coke par an.
Je disais, il y a un moment, que le bassin de la Vire qui se trouve à quelques minutes de Longwy et qui n'est que la continuation de ces immenses richesses minérales, la vallée de la Vire renferme, d'après les calculs les plus sérieux, quatre cents hectares de terrain minier. D'après l'appréciation des ingénieurs, chaque hectare de ce terrain peut contenir environ cent mille tonnes de minerai, soit quarante millions de tonnes.
D'après un rapport adressé par le consul belge, à Luxembourg, le gouvernement belge a été informé qu'un projet de loi tendant à prohiber la sortie des minerais de fer non encore concédés dans le Grand-Duché a été déposé à la chambre de Luxembourg. Si ce projet était adopté, il porterait la plus grave atteinte à nos établissements métallurgiques.
(page 863) J'ai eu déjà l'honneur de le dire, ce ne sont pas des chiffres que nous imaginons pour les besoins de la cause ; ce sont des chiffres puisés, non pas dans des statistiques, - car nous savons que la statistique se prête à beaucoup de fantaisies ; - mais ce sont des chiffres accusés par un ingénieur des mines dont la capacité est reconnue par tout le monde.
M. Sainctelette. - Ce qu'il a fait, c'est aussi de la statistique.
M. Bouvier. - Permettez ; il y a statistique et statistique : celle que nous rencontrons dans des documents officiels, - je le dis tout haut, - ne m'inspire pas une grande confiance. J'y ai trouvé toute espèce de chiffres pour toute espèce de thèses que je voulais soutenir.
M. Sainctelette. - Mais votre ingénieur des mines.,.
M. Bouvier. - Mon ingénieur des mines a fait, non pas de la statistique, mais des sondages sur les lieux. Il a donc fait quelque chose de certain, quelque chose de tangible, quelque chose de réel ; - tandis que votre statistique ne renferme, la plupart du temps, que des chiffres fantasmagoriques. (Interruption.) Voilà ce qu'est votre statistique.
Ainsi, messieurs, il y a là de quoi alimenter toutes les usines de la Belgique, du moins pendant une période d'années considérable, sans compter les hauts fourneaux qui s'établiront, dans un temps très rapproché, dans cette dernière vallée, pour y employer le minerai sur place.
Eh bien, je demande s'il est possible que le chemin de fer du Luxembourg suffise à un pareil trafic ? Mais nos ministres ne se doutent pas des richesses minérales qui sont enfouies là. Ils s'endorment dans une fausse sécurité et ils s'en apercevront un beau jour, quand la France, qui abandonne aujourd'hui le système du libre-échange, aura fermé ses portes à notre industrie métallurgique.
Qu'arrivera-t-il alors ? Nos avertissements n'auront pas fait défaut, mais vous ne faites rien, je vous considère comme de vrais mollusques.
Le chemin de fer de la Vire devrait être déjà en construction, car, du moment où la France ne laissera plus sortir ses minerais, les établissements métallurgiques devront chômer et vous aurez sur les bras quelque chose comme 300,000 ouvriers.
Je dis, messieurs, qu'il est urgent que le gouvernement sorte de l'espèce d'inertie où nous le voyons.
Il faut que le chemin de la Vire se fasse dans un délai rapproché.
Quand de tous les points du pays on leur crie sur tous les tons : Construisez donc le chemin de la Vire, concédez Athus -Charleroi ! ils répondent, ces ministres prévoyants : Nous négocions avec le Grand-Luxembourg. Et c'est depuis près de deux ans qu'ils nous chantent la même ritournelle !
C'est à désespérer de pareils ministres, ne se préoccupant pas davantage de ces grands intérêts que nous défendons avec la conscience de notre bon droit et que nous persévérerons à soutenir jusqu'à ce que nous ayons obtenu pleine et entière satisfaction.
La thèse que je défends avec une conviction ardente et soutenue, cette thèse est tellement juste qu'elle ne peut manquer de frapper tous les esprits éclairés.
Ce que nous demandons, ce que nous ne cesserons de réclamer jusqu'à ce que nous ayons obtenu gain de cause, c'est la construction immédiate du chemin de fer de la Vire ; le dépôt d'un projet de loi accordant la concession avec toutes les réserves d'usage ou une demande de crédit pour permettre à l'Etat l'établissement de cette ligne ; concession ou construction par l'Etat de la ligne d'Athus-Charleroi ; rachat par le gouvernement de la ligne du Luxembourg, et, en cas d'échec dans les négociations - échec qui ne fait pas de doute pour moi, les prétentions de cette compagnie paraissant être exorbitantes, - obligation pour cette compagnie de satisfaire immédiatement aux conditions de son cahier des charges, consistant à compléter son matériel, ses installations et à achever l'établissement de la double voie sur tout le parcours de sa ligne.
Je n'hésite pas à déclarer que mon cheval de bataille ne se reposera pas, tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas fourni la carrière qu'il est destiné à parcourir pour triompher de tous les obstacles et arriver au triple but que je viens d'indiquer.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je demanderai à la Chambre la permission de lui présenter quelques observations tant sur les réponses que l'honorable ministre des travaux publics a bien voulu nous faire que sur le silence qu'il a gardé sur certaines parties de mon premier discours.
Je me suis plaint, messieurs, d'avoir été comme vous tous dans l'impossibilité de discuter sérieusement la partie la plus importante du budget des travaux publics, c'est-à-dire sa partie financière, par suite du défaut de renseignements positifs, parce que nous n'avions en main que le compte rendu de 1869.
Depuis ce moment, le gouvernement a déposé le compte rendu de 1870. Mais il n'est que déposé ; il n'est pas entre nos mains. Quant à celui de Î87I, il ne paraît pas encore en être question et cependant nous devrions en être mis en possession depuis longtemps.
J'espère donc que la future section centrale du budget des travaux publics réclamera énergiquement la production du compte rendu de la dernière année, de manière qu'il soit distribué à temps à la Chambre et que nous puissions discuter le prochain budget en connaissance de cause.
M. le ministre des travaux publics n'a fait aucune remarque sur la proposition, ou plutôt la mention que j'ai faite, de la nécessité pour le gouvernement comme pour la Chambre, et j'ajouterai même pour le pays tout entier, de séparer d'une façon radicale et complète les finances et l'administration des chemins de fer exploités par l'Etat, de celles de l'Etat proprement dit. Je n'ai pas demandé de réponse immédiate à cette question. Je l'ai soumise tout simplement à l'attention publique et si j'en parle encore aujourd'hui, c'est pour appuyer sur l'importance, je dirai même sur la nécessité de cette étude.
Jusqu'ici l'administration des chemins de fer est parvenue à équilibrer son budget d'une façon extrêmement simple, mais qui ne pourra pas durer longtemps ; et déjà, dans le dernier rapport qui nous a été distribué, j'entrevois le système qu'elle va proposer pour arriver à équilibrer ses comptes pendant un certain temps encore, en supprimant tout amortissement.
Jusqu'à présent, c'est grâce aux emprunts faits sans intérêt aux ressources ordinaires du budget, emprunts qui, en 1869, se montaient à 69 millions et qui, probablement, à l'heure qu'il est, s'élèvent à une somme beaucoup plus considérable ; c'est grâce à ces emprunts sans intérêt que l'équilibre des budgets du chemin de fer s'est maintenu.
Cette situation ne peut pas se prolonger, il faudra un jour ou l'autre que le chemin de fer vive de ses propres ressources, et alors il faudra bien examiner par quels moyens il y arrivera.
J'insiste donc vivement sur l'étude que je convie le gouvernement à faire.
Ceci dit sur l'ensemble du budget, j'aborde les questions particulières que j'ai soulevées et auxquelles M. le ministre des travaux publics a répondu.
J'ai constaté devant la Chambre que le chemin de fer de Luttre à Bruxelles ne pouvait pas, comme l'espérait l'honorable ministre, être mis en activité dans le courant de l'année 1873.
Je lui ai dit les raisons pour lesquelles je ne regardais pas la chose comme possible, à moins d'y mettre une activité et une énergie que je ne vois pas encore déployer à l'heure qu'il est. Les travaux aux abords mêmes de Bruxelles sont si peu avancés, que dernièrement parcourant ces lieux, j'ai vu de très longues distances où pas une pelletée de terre n'avait été remuée et où des travaux d'art importants n'étaient pas même commencés. Il est donc évident que toute la campagne de 1872 se passera à exécuter ces travaux ; viendra ensuite la pose des rails, le ballastage et l'achèvement des stations et de leurs dépendances.
Mais les entrepreneurs actuels des terrassements qui travaillent avec beaucoup d'ensemble, même dans le système de morcellement qui a été adopté, ne sont pas obligés de remettre les terrassements avant le 1er mai 1873.
Or, je répète ma demande, comment sera-t-il possible de poser les rails et de ballaster cette ligne dans le courant d'une seule campagne, sans y employer toute la campagne de 1873 ? Tous ceux qui ont l'expérience des travaux de chemin de fer seront d'accord que cela serait très difficile.
J'ai posé à l'honorable ministre une question à laquelle il a fait une réponse que j'attendais et que je suis heureux d'avoir reçue. J'ai demandé à l'honorable ministre si les plans du chemin de fer que la société des Bassins houillers doit exécuter de Fleurus à Nivelles ont été déposés ? Je savais que les travaux ne doivent commencer qu'en 1874 ; mais il est très important que les plans soient déposés, examinés et approuvés dès maintenant. Et voici pourquoi.
Ce chemin de fer doit entrer dans la station de Nivelles ; or, il n'est pas du tout indifférent, non seulement pour le chemin de fer, mais surtout pour la ville de Nivelles, que ce chemin de fer y entre de manière à favoriser l'essor de l'industrie et du commerce. Si l'on n'étudie pas cet agencement au préalable, si l'on exécute les travaux du chemin de fer de Bruxelles à Luttre, sans tenir compte de ceux de la ligne de Fleurus à Nivelles, on pourrait se créer plus tard à soi-même de très grandes difficultés.
(page 864) A ce propos, j'appellerai spécialement l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la station à établir à Nivelles. Ce point a une importance capitale pour cette ville. En effet, si le chemin de fer de Manage a Wavre n'a pas rendu à Nivelles tous les services qu'il aurait pu lui procurer, cela provient de ce que la station a été mal placée ; elle forme un long boyau qu'il est impossible d'élargir ; on n'a pu y créer aucun établissement, sauf un atelier de construction.
Or, il est important, puisque l'on doit élever une nouvelle station, de la placer de façon qu'elle favorise l'extension du commerce et de l'industrie de la ville de Nivelles.
J'appelle encore sur ce point toute l'attention de M. le ministre des travaux publics, qui est chargé d'examiner et d'approuver les plans.
Avant de quitter le chemin de fer de Bruxelles à Luttre, je dois dire un mot du chemin de fer de ceinture de la capitale, lequel en est pour ainsi dire le prolongement vers le nord et l'ouest de la Belgique.
L'honorable M. Vleminckx a appelé l'attention de M. le ministre des travaux publics sur le passage de la voie de Luttre à travers la ligne du Midi pour rejoindre le chemin de fer de raccordement. L'honorable ministre a déclaré que ce passage ne serait pas à niveau, ce dont je le félicite et ce dont je félicite surtout les voyageurs sur la ligne de Luttre et sur celle du Midi.
Par ce passage au-dessus de la ligne, de grandes causes d'accidents seront évitées et la sécurité des voyageurs et de l'exploitation sera conservée.
Mais l'honorable ministre nous a dit que la ligne de ceinture ne serait pas mise en exploitation pour les voyageurs avant la fin de l'année actuelle. Cette annonce me fait craindre, à plus forte raison, que le chemin de fer de Luttre ne soit pas achevé dans le délai promis.
Ce chemin de fer de ceinture n'a que douze kilomètres de longueur ; voilà huit si pas neuf ans qu'il est en construction et il n'est pas encore abordable aux voyageurs. Les marchandises le parcourent depuis l'année dernière, mais il n'est pas encore accessible au trafic local ni au trafic des voyageurs.
M. Bouvier. - Il n'y a pas même un seul bâtiment de construit dans les gares, si ce n'est celui de Koekelberg.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Il est très important et pour Bruxelles et pour les communes environnantes que ce chemin de fer soit promptement activé ; il est surtout désirable qu'il le soit pour les relations entre le midi et le nord du pays.
A ce propos, il est une question sur laquelle je désirerais avoir l'avis de l'honorable ministre, car elle intéresse non seulement les populations qui vont se servir du chemin de fer de Luttre, mais encore les habitants de l'agglomération bruxelloise et tout le pays.
La traversée de Bruxelles d'une station à l'autre ne comporte que deux kilomètres environ. Par la ligne de ceinture, il y aura entre les deux stations du nord et du midi de Bruxelles une distance d'environ douze kilomètres.
Fera-t-on supporter au commerce un péage calculé à raison de ces douze kilomètres ou bien n'exigera-t-on qu'un péage à raison de la distance à vol d'oiseau ; c'est-à-dire à raison de la plus courte distance ? Si le commerce devait payer à raison de douze kilomètres, ce serait une surcharge très notable pour un service qui ne sera pas rendu, car il y aura des retards que n'auraient subis ni les voyageurs ni les marchandises s'ils n'avaient dû faire ce grand détour.
Si l'on ne fait payer que la distance réelle à vol d'oiseau, ce sera l'Etat qui subira la perte.
Cela fait voir d'une façon pratique combien il eût été plus rationnel et plus utile pour tous les intérêts, et surtout pour ceux de Bruxelles, de faire la jonction sur la plus courte distance par la ville avec une station centrale au milieu de l'agglomération.
Toutes les grandes exploitations de l'Angleterre, depuis un grand nombre d'années, poussent leurs lignes jusqu'au centre des populations. Elles ne reculent pour cela devant aucune dépense.
L'éloignement de la station du Midi a déjà fait subir aux habitants de Bruxelles un impôt considérable par la perte de temps et d'argent.
J'insisterai pour que si les mêmes circonstances se présentaient encore, une solution différente soit donnée. Il ne faut pas éloigner les stations des populations ; il faut, au contraire, les en rapprocher le plus possible.
Messieurs, comme mes honorables collègues de mon arrondissement, j'avais demandé à M. le ministre quelle solution il allait donner à ce qu'on a appelé dans cette enceinte la question de Wavre.
Cette question était toujours restée ouverte jusqu'aujourd'hui ; aucune administration ne l'avait fermée, tandis que maintenant elle l'est décidément. En effet, M. le ministre des travaux publics ne nous parle plus que très incidemment des droits de la ville de Wavre et du rapport qu'il a fait comme rapporteur d'une section centrale, il y a quelques années, rapport qui constatait les droits évidents de la ville de Wavre vis-à-vis de la compagnie du Luxembourg. Non seulement il n'en parle plus ou à peine il en fait mention ; mais lorsque MM. Snoy et de Vrints et moi-même nous avons proposé de donner au moins une certaine compensation à la ville de Wavre pour l'injustice criante dont elle souffre depuis vingt ans, le ministre nous a opposé l'objection qu'il a faite au projet de chemin de fer de Bruxelles à Maestricht, c'est-à-dire le caractère d'internationalité de la ligne.
Or, messieurs, à moins que l'Etat ne se décide à construire de ses propres deniers le chemin de fer de Hal à Wavre qui, dans ce cas, n'aurait plus pour objet que les transports à faire entre ces deux villes, je demande si on peut prévoir que jamais une compagnie particulière demandera la concession d'un chemin de fer de 6 à 7 lieues de longueur traversant un pays accidenté et difficile où se trouvent des points obligés de raccordement avec les lignes de Luttre et du Luxembourg et qui, par conséquent, coûtera très cher, alors qu'elle n'aura pour toute perspective que le trafic entre Hal et Wavre et quelques localités intermédiaires. Poser la question, c'est évidemment la résoudre. Par conséquent, l'éventualité que prévoit M. le ministre est une éventualité qui ne se réalisera pas ; ce n'est qu'une fiche de consolation, dont nous ne pouvons pas nous contenter, et nous sommes autorisés à dire que désormais la question de Wavre est définitivement enterrée par le ministre des travaux publics.
Quand mes amis étaient au pouvoir, on nous disait sans cesse : C'est parce que M. Tesch, ministre de la justice, est le collègue de M. le ministre des travaux publics, que justice n'est pas rendue à Wavre. Or, je constate aujourd'hui que l'honorable M. Tesch n'est plus ministre de la justice, que M. le ministre des travaux publics n'est ni son collègue au ministère, ni de son bord et que, par conséquent, cet obstacle prétendu n'existe plus. C'est pourtant aujourd'hui que la question de Wavre est définitivement mise de côté.
Messieurs, dans une réponse antérieure que nous a faite l'honorable ministre des travaux publics, toujours sur cette même question de Wavre, il avait été question d'une compensation à donner à Wavre, et même l'honorable ministre annonçait que cette compensation était déjà donnée. Il s'agissait des tarifs. D'après ce que nous affirmait l'honorable ministre, les habitants de Wavre, comme ceux de Bruxelles et des localités intermédiaires, se rendant d'une ville à l'autre, jouissent des tarifs les plus bas qu'ils eussent pu espérer avec une ligne directe.
Je suis obligé de détromper tout à fait l'honorable ministre des travaux publics, cela n'existe pas, nous payons un tarif plus élevé que si nous avions la ligne directe et je vais le prouver à l'instant même.
La ville de Wavre se trouve à 28 kilomètres du centre de Bruxelles ; la borne kilométrique n°25 se trouve au milieu de la place de Wavre. Or la station d'Ottignies se trouve à 26 kilomètres de la station du Quartier-Léopold à Bruxelles ; par conséquent, Wavre est d'un kilomètre plus près de cette ville.
Et cependant, de Bruxelles à Wavre on paye 2 fr. 20 c. pour les premières et 1 fr. 10 c. pour les troisièmes, tandis que pour Ottignies on ne paye que 2 franc et 1 franc.
Quant aux bagages, nous payons une double taxe pour tout le parcours, la taxe de Wavre à Ottignies et la taxe d'Ottignies à Bruxelles, Namur ou ailleurs.
C'est la même chose pour les colis express et les petits paquets. Nous ne jouissons qu'incomplètement du chemin de fer.. Vous voyez donc que là encore nous n'avons pas reçu une entière et complète justice. Je ne parle pas des trains directs auxquels nous aurions droit ni de la perte de temps.
Si l'honorable ministre veut enterrer définitivement la question dite de Wavre, et confisquer ses droits, je demande qu'au moins cette partie de la question reste ouverte et qu'on fasse droit aux réclamations légitimes que nous avons produites depuis tant d'années.
Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics, dans son dernier discours, nous a donné le détail du matériel qui a été commandé dans ces derniers temps, qui a été livré en grande partie ou qui doit l'être dans un bref délai.
Je lui demanderai à ce propos, de vouloir bien porter son attention sur un point.
Il est évident pour toutes les personnes qui ont voyagé à l'étranger que le matériel des chemins de fer belges, surtout pour les longs parcours, ne réalise pas toutes les améliorations qui ont été apportées, dans ces dernières années, aux voitures de voyageurs.
(page 865) On a objecté la difficulté d'introduire du matériel nouveau d'une forme ou de dimensions différentes de celles du matériel ancien. C'est pour relever cette objection que je produis mon observation et que j'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics.
Pourquoi ne pas faire construire successivement, à mesure des besoins, des trains complets de matériel nouveau et le mettre en œuvre de la même manière ?
De cette façon notre matériel pourrait être amélioré, perfectionné et nous pourrions faire nôtres toutes les améliorations qui se sont produites ailleurs.
En persistant dans le système actuel, nous ne ferons qu'augmenter les difficultés.
Je vous demanderai maintenant, messieurs, la permission de sortir un instant de la question des chemins de fer. tout en restant cependant dans le budget des travaux publics. Je veux dire un mot du barrage de la Gileppe.
J'annonce à M. Julliot que je n'ai pas l'intention de proposer d'y faire un port de mer.
D'après ce qu'a répondu l'honorable ministre aux représentants de Verviers, il s'agirait de porter la hauteur de la digue à 47 mètres, et l'administration communale de Verviers insiste pour qu'on remplisse ce bassin complètement afin d'augmenter la réserve des eaux qui sont nécessaires à l'importante industrie de cette ville.
J'ai étudié cette question : je pense même être le premier auteur des plans qui ont amené la construction du bassin de la Gileppe ; par conséquent, je crois avoir sur ce point une certaine compétence.
J'ai vu beaucoup de travaux de ce genre dans différents pays, sous différents climats et de toutes les époques ; et je dois dire que je n'oserais conseiller à personne de placer un bassin de 47 mètres de hauteur d'eau au-dessus d'une population agglomérée, comme celle qui se trouve dans la vallée de la Vesdre, en dessous de la Gileppe.
Ce n'est pas que je craigne, quoique je n'aie pas vu les travaux, que la digue ne puisse supporter le poids de cette colonne d'eau. Là n'est pas le danger ; il est tout entier dans le terrain du bassin. La moindre fissure qui pourrait se trouver dans la roche ou dans le sol inférieur pourrait amener des accidents comme ceux que l'on a vus en Angleterre et qui ont causé des dommages considérables et coûté la vie à un grand nombre de personnes. Il ne s'agissait, dans ce cas, que de pressions de 18 à 20 mètres au plus.
M. David. - C'étaient des digues en terre.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Cela ne fait rien, car les bases étaient trois ou quatre fois plus larges ; d'ailleurs, je ne parle pas de la digue. Elle est, pour le moment, hors de question ; je m'occupe du sol qui est sous la digue ; c'est de là que peut provenir le danger avec une pression trop grande.
Notez que 47 mètres d'eau représentent à peu près 5 atmosphères de pression ; aucune roche, à moins qu'elle n'ait été consolidée et arrangée par la main de l'homme et à moins que l'on n'en ait solidifié le fond, aucune roche ne peut résister à une pression aussi considérable sur une surface aussi grande.
Il y a donc là un danger que je signale et je conseillerai fortement, dans l'intérêt de la population de Verviers, à M. le ministre de ne procéder que fort graduellement au remplissage de ce bassin.
Il eût été plus pratique et moins coûteux de faire ce que l'on fait partout, en Angleterre et ailleurs, c'est-à-dire trois ou quatre bassins superposés au lieu d'un et de diminuer ainsi la hauteur et le volume des digues en même temps que la pression sur le sol.
Si l'on avait procédé de cette façon, il y a plusieurs années que la ville de Verviers aurait une distribution d'eau. Mais on a voulu faire un travail colossal ; on a voulu, là comme ailleurs encore, dépasser tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour et l'on a mis dix ou douze années à faire ce que l'on aurait pu faire en deux ou trois, en empêchant ainsi la population de jouir de travaux indispensables à sa prospérité. Je bornerai ici mes observations et j'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien y avoir égard.
M. de Montblanc, rapporteur. - Messieurs, des plaintes réitérées ne cessent d'être adressées à la Chambre et au gouvernement relativement à l'inexécution du chemin de fer de Roulers à Dixmude ; il est de mon devoir de m'en faire l'interprète et d'appeler sur cet objet l'attention de M. le ministre des travaux publics.
La section de Roulers à Dixmude fait partie du chemin de fer de Grammont à Nieuport, par Audenarde, dont la concession date de 1863.
En 1867, la compagnie a été exonérée de l'obligation de construire la partie comprise entre Grammont et Audenarde, mais maintenue dans celle d'exécuter les autres sections. Actuellement, ces divers embranchements sont achevés et exploités, sauf le tronçon de Roulers à Dixmude, qui fait en ce moment l'objet de ma réclamation.
Si la société concessionnaire, après avoir exécuté la presque totalité de la ligne concédée, juge utile à ses intérêts de ne pas achever son œuvre, il est du devoir du gouvernement de veiller à sauvegarder les droits des localités au profit desquelles la concession a été accordée, et de rechercher le moyen efficace d'obtenir des concessionnaires l'accomplissement de leurs engagements.
Dans la courte distance qui sépare la ville de Roulers de celle de Dixmude, le long du tracé accepté par le gouvernement, se trouvent trois communes importantes, dont la population respective varie de 4,000 à 5,000 habitants ; elles ont consenti à intervenir dans les dépenses de construction de la ligne pour une somme assez considérable, et ont été autorisées à cet effet par des arrêtés royaux. Il y a pour elles des droits acquis et leur avenir est lié au sort de la ligne.
Je ferai observer que ce n'est cependant pas un intérêt purement local dont je prends ici la défense. Les embranchements d'un ordre secondaire ont leur importance dans le mouvement général qui fait la prospérité d'un pays, mais il en est qui se rattachent directement à l'intérêt général, c'est quand ils peuvent servir à compléter une grande voie de communication ; de tels embranchements méritent spécialement l'attention lorsqu'il s'agit de notre réseau, qui s'est formé par la fusion d'un grand nombre de concessions différentes, accordées sans aucune vue d'ensemble. Or, la section inexécutée de Roulers à Dixmude interrompt dans son parcours une grande ligne, presque droite, dont les tronçons ne sont actuellement utilisés qu'à desservir les localités qu'ils traversent, et qui autrement constitueraient la voie de communication la plus directe entre Bruxelles, Nieuport et Dunkerque.
Il y a quatre ans, en réponse aux réclamations qui lui étaient adressées et aux inquiétudes que faisaient naître les démarches tentées par la société pour se faire affranchir de l'obligation de construire la ligne, l'honorable ministre qui dirigeait alors le département des travaux publics, écrivait : « que l'intention du gouvernement n'était nullement d'exonérer la société des chemins de fer de l'Ouest de Belgique de la construction de la section de Roulers à Dixmude..., qu'il veillerait à ce que cette ligne fût exécutée... et qu'il allait inviter la société concessionnaire à lui soumettre sans tarder ses plans et ses projets définitifs. »
La légitimité de la réclamation est donc reconnue depuis longtemps, et les bonnes dispositions témoignées alors ne font certainement pas défaut aujourd'hui ; mais je demande que cette bonne volonté devienne enfin efficace. Je ne pense pas que le gouvernement soit tellement désarmé vis-à-vis des Sociétés de la Flandre occidentale qu'il ne puisse que s'en tenir à des lettres de rappel stériles.
Je prie l'honorable ministre des travaux publics de bien vouloir prendre en sérieuse considération les plaintes que j'ai l'honneur de lui exposer, au nom de mes commettants, et d'aviser aux moyens de faire donner satisfaction à leurs légitimes réclamations.
M. Cornesse. - Je commencerai en remerciant l'honorable ministre des travaux publics de la déclaration nette et catégorique qu'il a faite en ce qui concerne le barrage de la Gileppe. Les premières explications de l'honorable ministre avaient jeté une certaine inquiétude dans l'industrie de Verviers. À la suite de la visite qu'avait faite l'année dernière aux travaux de la Gileppe mon honorable ami, M. Wasseige, on avait conçu le légitime espoir de voir cet ouvrage s'élever à 47 mètres.
A la suite des premières explications de l'honorable successeur de M. Wasseige, cet espoir avait été quelque peu ébranlé. Le conseil communal de Verviers s'était ému et avait sollicité d'urgence de l'honorable M. Moncheur une audience qu'il a immédiatement accordée.
Les paroles prononcées à la séance d'hier ont dissipé toutes les inquiétudes et sont venues donner la certitude que le barrage de la Gileppe s'achèvera sans désemparer jusqu'à la hauteur de 47 mètres. Seulement, le gouvernement se réserve la faculté de déterminer le moment où l'on pourra élever le niveau des eaux au-dessus de 37 mètres ; il faudra pour cela une autorisation préalable du département des travaux publics, qui se réserve, à cet égard, pleine et entière liberté.
Au nom de l'industrie et de la population de Verviers, je remercie l'honorable ministre des travaux publics de la déclaration officielle qu'il a faite. Il y a désormais certitude ; il y a engagement officiellement pris pour l'achèvement complet du barrage.
Je n'adresserai pas les mêmes félicitations à l'honorable ministre des travaux publics sur les observations qu'il a présentées en réponse à ce (page 866) qu'ont dit mes honorables collègues, MM. David et Simonis, quant à la suppression des barrières sur la route de la Vesdre. Le système de l'honorable ministre consiste à faire payer l'indemnité à laquelle peuvent avoir droit les concessionnaires par les riverains mêmes de la route. L'Etat, a dit l'honorable ministre, entretiendrait la route et laisserait aux concessionnaires l'intégralité du produit des barrières pour leur servir de compensation.
A ce système, les actionnaires peuvent trouver leur compte ; mais quant aux riverains, il est évident qu'ils restent complètement sacrifiés. C'est d'eux cependant qu'il s'agit surtout, c'est leur intérêt qui est principalement en jeu.
Je sais que le régime indiqué par l'honorable ministre ne doit être que transitoire et temporaire, que cet état de choses ne sera maintenu que pendant un temps à déterminer, mais il n'est pas moins souverainement injuste et là ne se trouve pas, selon moi, la solution du problème.
Les barrières ont été abolies dans un intérêt général. On les a considérées comme une taxe injuste, gênante, comme une entrave au développement de l'agriculture, du commerce et de l'industrie. C'est ce qui a motivé leur suppression.
Partout où l'Etat a fait les frais d'établissement et de construction des routes, les péages sont aujourd'hui supprimés.
Il est arrivé autrefois, messieurs, que pour favoriser l'esprit d'entreprise, l'esprit d'initiative et d'association, l'Etat, au lieu de construire lui-même et de percevoir le revenu des routes, a permis la création de sociétés qui se chargeaient de construire et d'entretenir certaines routes d'utilité publique et d'intérêt général, sous la condition d'en percevoir les produits.
C'était, messieurs, la substitution de l'initiative privée, de l'action individuelle à l'initiative et à l'action de l'Etat. Toutes choses étaient égales d'ailleurs ; l'intérêt public était satisfait et les péages existaient dans un cas comme dans l'autre ; seulement, ici ils étaient perçus par l'Etat constructeur, et là ils l'étaient au profit de la société qui avait rempli la mission de l'Etat, qui avait construit en son lieu et place.
La suppression des barrières est venue modifier cette situation ; l'Etat s'est privé des ressources que lui procuraient les barrières sur les routes construites et entretenues par lui. Il s'est, de ce chef, imposé des sacrifices assez notables. Les riverains de ces routes sont dégrevés des charges qui pesaient sur eux : ils profitent ainsi des dépenses considérables faites avec l'argent de tous les contribuables pour la construction desdites routes.
L'Etat supporte aujourd'hui, sans compensation, les frais de construction et les frais d'entretien.
Bien différente, messieurs, est la position des riverains des routes concédées. Ils continuent à payer. Pourquoi ? Parce que l'Etat ne consent pas à indemniser les sociétés qui, en construisant les routes, ont cependant géré utilement ses affaires, ont fait ce qu'il aurait dû faire si elles n'avaient pas été là.
Eh bien, messieurs, cela n'est pas juste. Si l'Etat avait fait les dépenses d'établissement et de construction de ces routes d'utilité générale, les barrières y seraient supprimées, les riverains seraient dégrevés, les sommes déboursées par l'Etat, pour cette construction, seraient aujourd'hui stériles ; elles ne produiraient plus rien. Or, comme l'Etat n'a rien déboursé pour les routes concédées, n'est-il pas juste, n'cst-il pas souverainement équitable que, pour faire jouir les riverains des routes concédées du bénéfice de la loi qui a inauguré le règne de Léopold II, l'Etat ne recule pas devant le payement d'une indemnité qui ne serait d'ailleurs, dans aucun cas, la représentation des frais considérables de construction ?
Messieurs, c'est une question de justice et d'équité vis-à-vis des concessionnaires d'abord. L'Etat né doit pas s'enrichir aux dépens d'autrui ; pour les routes qui rapportent encore quelque chose aux concessionnaires, l'Etat ne peut profiter des sacrifices individuels qui ont été faits dans un intérêt général ; ce serait la négation de toutes les règles de justice et d'équité.
C'est une question de justice et d'égalité vis-à-vis des riverains surtout, dont je me préoccupe principalement et je dirai presque exclusivement. Ils continuent à payer une taxe dont sont exonérés les riverains d'autres routes de même nature et destination.
Le principe de l'égalité des Belges devant l'impôt est donc violé. Il y a exemption pour les uns et maintien d'une charge injuste, supprimée comme telle, pour les autres.
Je ne puis donc trop insister auprès de l'honorable ministre des travaux publics pour l'examen bienveillant et la prompte solution de cette question de justice distribuée. On dira qu'il y a là une question d'argent ; mais la question de justice et d'équité prime évidemment ici la question d'argent, qui n'a du reste pas l'importance qu'on suppose,
L'arrondissement de Verviers est spécialement intéressé à une solution favorable. A l'heure qu'il est, il existe deux grandes voies de communication où les barrières sont maintenues.
La première, c'est la route de Huy à Stavelot. La partie de cette route qui se trouve dans l'arrondissement de Verviers comprend encore quatre barrières.
On a parlé de négociations relatives au rachat par l'Etat de cette voie de communication ; j'espère qu'elles aboutiront bientôt et que les localités riveraines de cette route jouiront enfin du bénéfice qui a été généreusement accordé, depuis l'abolition dés barrières, à d'autres populations.
La seconde est la route de la Vesdre, avec embranchement vers Theux.
Le conseil communal de Verviers s'est occupé du maintien des barrières sur cette voie de communication, et dans une délibération du mois de décembre 1871, il a pris la résolution de pétitionner, ainsi que l'ont fait tous les conseils communaux de la vallée de la Vesdre, pour obtenir le redressement de cette injustice flagrante.
La route de la Vesdre, qui est une voie internationale de grande communication, traverse des localités industrielles d'une importance considérable. Le chiffre de l'adjudication des barrières, comme on l'a indiqué, a été, pour 1872, de 50,900 francs, et sur quatre barrières, entre Pepinster et Dolhain, le chiffre de l'adjudication a été de 27,700 francs. C'est donc une taxe très lourde, injustement maintenue au grand détriment de l'industrie locale ; cette taxe est bien plus considérable que le prix des adjudications ; il faut y ajouter les frais de perception et le bénéfice des fermiers des barrières, qui est considérable.
Le maintien des barrières sur la route de la Vesdre est d'autant plus injuste qu'en 1824, lorsque cette route était en projet, l'Etat l'eût certainement construite s'il n'avait voulu, en la concédant, favoriser l'esprit d'association qui n'avait pas pris alors, à beaucoup près, l'essor que nous lui avons vu prendre depuis.
L'Etat était tellement favorable à cette route que le roi Guillaume figurait au nombre des actionnaires. Ce fait indique bien l'importance que l'Etat y attachait.
Si cette route n'avait pas été construite en 1824, elle eût dû l'être depuis par pièces et morceaux pour servir de raccordement aux stations du chemin de fer de l'Etat. L'Etat a profité de cette route et en profite encore ; il en a profité par le développement industriel, commercial et agricole : les constructions se sont multipliées le long de la route ; les impôts ont par suite augmenté. L'Etat en a profité encore parce qu'elle lui a servi de raccordement et d'affluent pour ses voies ferrées. Si la route n'avait pas été construite par les concessionnaires, il eut dû pourvoir à cette nécessité d'intérêt général.
Je ne veux pas abuser des moments de la Chambre, mais il me serait facile de démontrer qu'il y a obligation pour l'Etat de supprimer les barrières sur la route de la Vesdre en les rachetant aux concessionnaires.
L'arrêté de concession du 22 juillet 1820 lui impose cette obligation. L'article 6 de cet arrêté est extrêmement remarquable ; il prévoit précisément le cas de la suppression des barrières sur les grandes routes et il stipule en faveur de la société concessionnaire l'indemnité qui doit lui être payée.
Cet article va plus loin : il prévoit même le cas où, par suite de travaux exécutés par l'Etat, les revenus de la route seraient diminués, et dans ce cas encore l'indemnité à accorder aux concessionnaires est déterminée dans l'arrêté royal.
Ecoutez, messieurs, cet article 6 :
« Si, à l'avenir, à cause de circonstances maintenant imprévues, le droit des barrières sur les grandes routes venait à être supprimé par nous, nous garantissons à l'association une somme équivalente aux revenus qu'elle perdrait alors de ce chef ; et, en cas que le tarif fût réduit par nous, nous garantissons aussi à ladite association le supplément de la somme qui, perçue d'après le nouveau tarif, serait reconnue inférieure à celle perçue d'après l'ancien. »
L'article 7 ajoute : « L'association ne pourra être privée d'aucun des droits qui lui sont assurés par notre présent arrêté, que dans le cas seulement de non-exécution ou de transgression des dispositions y contenues. »
Vous le voyez, messieurs, le gouvernement hollandais ne prévoyait pas la possibilité de la suppression des barrières sur les grandes routes avec le maintien des barrières sur la route de la Vesdre. En ce cas, le taux de l'indemnité était fixé ; elle était égale au revenu des barrières pendant la dernière année.
Le rachat de la route de la Vesdre a été souvent examiné par le gouvernement. En 1829, à l'occasion du projet de redressement de la route de la Clef à Herve, qui menaçait de ruiner la société concessionnaire, celle-ci (page 867) entre autres propositions, offrit au gouvernement de racheter la concession, moyennant remboursement du capital dépensé, y compris l'intérêt des obligations jusqu'au 10 octobre 1830, s'élevant ensemble à 745,000 florins des Pays-Bas, soit environ 1,600,000 francs.
M. Lion, alors inspecteur en chef des domaines, fut chargé par la commission permanente du syndicat d'amortissement de suivre cette négociation. Le 10 février 1830, il présenta un rapport détaillé concluant « qu'il y avait lieu d'accepter l'offre de rachat, mais au prix seulement de 704,701 florins des Pays-Bas, soit environ 1,500,000 francs. »
C'était, selon ce haut fonctionnaire, le seul moyen de concilier tous les intérêts et de terminer tous les différends.
Voilà donc le rachat reconnu obligatoire pour l'Etat par un de ses fonctionnaires en 1829.
Au mois d'août 1830, après de nouvelles négociations, le rachat avait été résolu par le gouvernement lui-même. Un projet de loi avait été préparé lorsque éclatèrent les événements politiques de septembre 1830. A la suite de la révolution, il ne fut plus question de reprendre le projet élaboré par l'administration précédente.
Pius tard, messieurs, lors de l'établissement du chemin de fer de la Vesdre, qui compromettait, lui aussi, la prospérité de la route nouvelle, qui venait en diminuer le produit, - puisque la voie ferrée longeait parallèlement la route, suivait la même vallée et aboutissait au même point ; - le rachat fut prévu par tous ceux qui alors s'occupaient de la création de notre premier chemin de fer ; le prix de ce rachat était compris dans les frais de la ligne.
L'inspecteur en chef, M. Vifquain, calculant la dépense du chemin de fer d'Ostende au Rhin disait, dans un mémoire imprimé en 1833 :
« Il faut ajouter à cette somme le rachat de la concession de la route de la Vesdre, qu'on ne peut éviter et que j'estime à un million. »
MM. Simons et De Ridder, dans leur réponse au mémoire de M. Vifquain, reconnaissaient qu'il serait équitable d'allouer une indemnité aux concessionnaires de la route de la Vesdre, à raison de la diminution des produits des barrières.
« Cette route, disaient-ils, n'existe pas uniquement dans l'intérêt des localités qu'elle parcourt ; elle doit être en quelque sorte comprise dans les grandes voies de communication du royaume. »
Ici même, à la Chambre, lors de la discussion du projet de loi, des orateurs les plus autorisés, et notamment MM. Rodenbach et Dumortier, reconnurent et proclamèrent hautement la nécessité pour l'Etat d'indemniser la société concessionnaire, et de reprendre la route en remboursant le coût de la construction.
Aujourd'hui, messieurs, la situation est bien différente. Ce n'est plus dans l'intérêt des concessionnaires que le rachat doit se faire et peut se faire dans des conditions bien plus favorables qu'autrefois. C'est dans l'intérêt des riverains ; c'est à la suite d'un acte législatif prévu dans l'arrêté de concession ; c'est par des considérations décisives de justice et d'égalité entre les Belges que le rachat est devenu aujourd'hui indispensable.
La route de la Vesdre, messieurs, a été loin de rapporter aux actionnaires l'intérêt des capitaux qui ont été engagés. Les actionnaires ou leurs représentants ont fait une mauvaise affaire ; ils ont perdu, ils n'ont pas eu de leur argent un intérêt rémunérateur.
Ces actionnaires sont, pour la plupart, des industriels de Verviers et de la vallée de la Vesdre.
Or, messieurs, il se trouve que ces industriels, qui ont perdu une grande partie de leurs capitaux consacrés à une œuvre d'utilité générale, doivent continuer aujourd'hui à payer des taxes supprimées partout ailleurs le long des routes que l'Etat a payées des deniers de tous ! Il y a donc un double dommage pour ces citoyens généreux et dévoués qui ont rendu un grand service aux populations et à l'Etat.
Us sont, il faut en convenir, fort mal récompensés.
Il y a là, je le répète, messieurs, une injustice à laquelle on doit se hâter de mettre un terme. Il est nécessaire que le gouvernement applique un prompt remède à cette situation intolérable.
Je suis convaincu, messieurs, que les actionnaires seront heureux d'accepter des propositions raisonnables et modérées. Ils ne doivent pas, par leur mauvais vouloir, par des exigences exagérées, perpétuer une injustice si préjudiciable aux riverains.
S'ils ont fait une spéculation mauvaise ou médiocre, ils ne doivent pas tirer parti de la situation pour améliorer leur position, en exploitant le désir du gouvernement de mettre fin à une injustice trop longtemps prolongée.
Mais l'Etat ne doit pas non plus se montrer intraitable. S'il ne peut passer par toutes les exigences des concessionnaires, il doit faire des propositions raisonnables.
Il doit offrir aux actionnaires une indemnité calculée sur le produit actuel de la route, sur la durée de la concession et sur les frais d'entretien.
En combinant ces trois bases, on arrivera à un résultat équitable, conciliant les intérêts de l'Etat, des associés et des riverains.
Il faut que l'Etat sache faire un sacrifice pour accorder aux populations riveraines des routes concédées de grande communication les avantages dont profitent aujourd'hui tous les riverains des routes de l'Etat.
La solution me paraît facile si, de part et d'autre, on y met de la bonne volonté et un désir sincère d'aboutir.
Deux mots, messieurs, sur deux autres objets qui intéressent l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte.
Le premier est relatif au redressement de la route de Stavelot à Malmédy. Je me permets de recommander vivement à M. le ministre des travaux publics la prompte exécution de ce travail.
Depuis longtemps, la Prusse a exécuté sur son territoire la partie de route destinée à cette rectification.
Le gouvernement belge s'est longtemps croisé les bras et ce n'est que dans ces derniers temps qu'une commission d'enquête a été constituée.
Ce travail, messieurs, qui doit coûter fort peu d'argent (il s'agit simplement de 3,000 mètres de route sur terrain plan, sans travaux d'art), est d'une très haute utilité pour amener à Stavelot les marchandises pondéreuses de Malmédy.
Deux tracés sont en présence : l'un qui donne à la route une rampe de 1 à 1 1/2 pour cent, l'autre qui présente des alternatives de pente de 3 à 4 pour cent et plus.
J'engage vivement le gouvernement à se prononcer en faveur du premier tracé, plus favorable aux intérêts généraux.
Je crois inutile d'entrer ici dans de plus amples détails, persuadé qu'il suffit de signaler ce point à la bienveillante attention de M. le ministre des travaux publics pour qu'il soit, le plus tôt possible, fait droit aux désirs des populations intéressées.
Je termine, messieurs, par quelques observations qui intéressent la commune la plus considérable de l'arrondissement de Verviers et l'un des centres les plus importants du pays. Je veux parler de la commune de Dison.
L'emplacement projeté de la station du plateau de Herve est fixé à un niveau de 25 m 50 au-dessus de la rue. Pour y arriver, il y a en projet une route de 900 mètres avec des pentes et des rampes énormes.
L'administration communale de Dison, messieurs, justement alarmée de cette perspective, a fait étudier un projet d'une avenue de 300 mètres seulement avec une rampe régulière de 5 1/2 p. c.
Ce projet, transmis au gouvernement, évite la ruine de tout un quartier de ce centre industriel considérable.
Je recommande vivement les observations de l'administration centrale de Dison à toute la bienveillante attention de M. le ministre des travaux publics, et je l'engage fortement, avant d'approuver les plans, à donner des ordres aux fonctionnaires de son département, à l'effet d'étudier d'une manière approfondie cette question comme celle de la direction de la ligne des plateaux de Herve, entre Dison et Verviers, et du raccordement de cette ligne avec le chemin de fer de l'Etat. Ce sont là des questions d'une importance majeure qui préoccupent vivement tous ceux qui s'intéressent à l'avenir et à la prospérité de cette commune, et sur lesquelles je ne puis trop attirer toute la sollicitude du gouvernement.
M. Beeckman. - En répondant à la section centrale sur la question Van Gend, l'honorable ministre incline à penser que la convention intervenue en 1867, entre l'Etat et cette société, doit au besoin subir des modifications, ou bien être dénoncée, en un mot que la situation actuelle est anormale.
Parler ainsi, je puis le déclarer, c'est abonder pleinement dans la pensée de la section centrale, et je puis dire conséquemment que nous sommes d'accord avec le gouvernement.
Toutefois la mesure à prendre ne peut être improvisée ; il faut au préalable que l'honorable M. Moncheur ait élaboré ou bien le tarif que nous proposons, ou bien tout autre barème susceptible d'une facile application et de combattre avec succès la concurrence des concessionnaires. La tarification au poids serait victorieuse.
M. le ministre attendra le rapport de la commission de l'industrie pour se prononcer avec une entière connaissance de cause. Je ne puis que l'encourager à persévérer dans cette voie.
(page 868) Je n'insisterai donc pas davantage. Mais puisque la question importante que je traite revêt un caractère financier que la Chambre ne peut méconnaître, je vais me permettre de lui donner quelques explicitons sommaires sur ce qui se passe par rapport au chemin de fer et à la compagnie Van Gend.
Voici le tableau officiel qui m'a été remis par le département des travaux publics [non repris dans la présente version numérisée].
Voici maintenant le tableau des sommes qui devraient être payées par le public d'après le tarif de l'Etat [non repris dans la présente version numérisée].
En ce qui concerne le groupement, bien qu'il doive répugner à tout membre de cette Chambre d'entrer dans des détails à cet égard, je prierai M. le ministre de vouloir bien s'enquérir auprès des fonctionnaires de son département, si en 1857, quelques mois après la mise en vigueur de la convention Van Gend, plusieurs procès-verbaux n'ont pas été dressés, à la station de Mons.
Il est vrai qu'on n'y a pas donné suite. Cette circonstance a provoqué des circulaires, des représentations à la société Van Gend ; mais les employés, voyant leur zèle rester infructueux, ont jugé utile de s'abstenir désormais.
Je crois devoir me borner, pour le moment, à ces courtes considérations.
Messieurs, j'ai appris avec une véritable satisfaction que l'honorable ministre proposera une nouvelle organisation, par laquelle les conducteurs et chefs de bureau des ponts et chaussées obtiendront l'augmentation proposée par la section centrale. Je témoigne pour ce motif, au nom de ces fonctionnaires, toute ma reconnaissance à l'honorable M. Moncheur.
Messieurs, il me reste à répondre quelques mots à mon honorable ami, M. Thonissen ; mais je serai bref et sans préambule j'entre immédiatement au cœur de la question ; je veux parler du tracé du chemin de fer de Tirlemont par Diest au camp de Beverloo.
A l'origine des études, même de la part de l'administration des ponts et chaussées, il n'existait qu'un seul tracé, le tracé direct, parce que pour des hommes techniques la ligne directe paraissait seule admissible. Un ingénieur qui veut porter dignement sa qualité, ne pouvait attacher son nom au tracé de la Ghète.
Il a fallu la féconde imagination de l'honorable M. Thonissen pour le découvrir et son éloquence pour le défendre.
Son adoption me paraît impossible eu égard à ses nombreuses sinuosités qui semblent avoir pour unique but d'aller à la recherche du territoire du Limbourg, mais en perdant de vue celui que le gouvernement veut atteindre : Diest et le camp de Beverloo.
Il est vrai que trois communes du Limbourg pèsent lourdement dans la balance, et surtout celle de Haelen, qui se trouve, l'honorable M. Thonissen ne l'ignore pas, par la grande route à trois quarts de lieue d'une station du chemin de fer de Hasselt à Diest et à une lieue de cette dernière ville.
Indépendamment de cette situation, qui est loin d'être l'isolement, la commune de Haelen dispose d'un chemin communal qui la place à une demi-lieue de la station.
Et c'est uniquement pour accroître, dans une certaine mesure, les facilités que je viens d'indiquer, que l'on veut imposer à l'Etat une augmentation de dépense que je n'estime pas à moins d'un million et demi.
On dépense actuellement, pour le chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi, 11 à 12 millions pour gagner 15 kilomètres et l'on sacrifierait 1 1/2 million pour perdre 10 kilomètres. Ce serait le comble de l'absurde.
De plus, en reliant Haelen, on créerait de cette commune à Diest une ligne parallèle à celle d'Anvers à Hasselt ; de là un double emploi incontestable.
Messieurs, mon discours précédent, que j'ai relu avec attention, ne révèle, dans aucune de ses expressions, la pensée que mon honorable ami manque de logique.
J'ai signalé des erreurs en les rectifiant et je le dis à la louange de mon honorable contradicteur, partant des prémisses qui forment la base de son argumentation, il a été d'une dialectique implacable. Seulement comme le point de départ, selon moi, manque tout à fait de fondement, les conclusion qu'il en a tirées ne peuvent revêtir aucun caractère d'exactitude.
Mais, dit-on, le chemin de fer de Tirlemont à Diest ferait un détour de dix kilomètres, il desservirait trois communes du Limbourg, ce qui constituerait une compensation pour l'arrondissement de Hasselt que l'on représente comme déshérité.
Cette assertion n'est rien moins que sérieuse, si l'on considère que la malheureuse province de M. Thonissen et principalement son chef-lieu est doté de six voies ferrées, c'est-à-dire autant et plus que Bruxelles.
Ce que l'honorable M. Thonissen veut, cela saute aux yeux, c'est donner une voie ferrée à toutes les communes de sa province.
Par son énergie, sa volonté et son éloquence surtout, mon honorable ami ne désespère pas d'obtenir le résultat qu'il ambitionne.
Ce qu'il y a de plus extraordinaire dans les affirmations de l'honorable membre, c'est la simplicité, dit-il, de la question à résoudre. Toutefois, pour trouver des arguments dans ce but, il remonte les siècles jusqu'en 1213, presque l'époque des croisades, c'est-à-dire au règne du duc Henri de Brabant.
Cela est peut-être simple, très simple même au point de vue de l'histoire ; mais cela n'éclaire personne au point de vue technique. Quelques opérations graphiques, quelques coups de niveau feraient bien mieux notre affaire.
Ce qui se trahit le plus ostensiblement dans le discours de l'honorable M. Thonissen, c'est sa préoccupation, ainsi que je l'ai déjà dit, de faire relier par un railway toutes les communes de son arrondissement. C'est pourquoi la ligne que je préconise et qui doit avoir pour principal objectif le camp de Beverloo, n'atteindrait, le cas échéant, qu'un seul but, celui qu'a si éloquemment indiqué l'honorable membre.
C'est bien à tort qu'il a essayé de me mettre en contradiction, quant à la longueur du tracé. Peu de mots suffiront pour le prouver. Lorsque en l'interrompant, dans une autre séance, j'ai dit qu'une différence de 8 kilomètres existait entre les projets en présence, j'étais dans la vérité. En effet, c'est cette longueur en plus qu'il faudrait construire.
Mais comme le tracé imaginé par l'honorable membre comporte en partant de Tirlemont une longueur de 2,000 mètres environ sur la ligne de l'Etat vers Liège, il en résulte à toute évidence que le chiffre de 10 kilomètres est incontestable.
En ce qui concerne la supputation des populations, j'ai procédé exactement de la même manière que mon honorable contradicteur, et je ne crains à cet égard aucune affirmation mathématique contraire. J'ai du reste un tableau détaillé entre les mains et je le ferai insérer au Moniteur. [tableau inséré dans le discours, non repris dans la présente version numérisée.]
(page 869) Au surplus l'honorable M. Thonissen a fait amende honorable ; le tracé par Becquevoort ne rencontre plus, d'après son dernier discours, des terres incultes, des bruyères, etc., que sais-je ? Il avoue son erreur à ce égard ; c'est quelque chose, c'est même beaucoup.
Messieurs, je termine en faisant remarquer à la Chambre et à M. le ministre des travaux publics que, pour le tracé direct, il faut franchir 22 kilomètres et par l'autre, à courbes et contre-courbes successives, d'où des dangers permanents, 32 kilomètres.
Cela résulte des données de l'administration des ponts et chaussées elle-même.
Que si le profil longitudinal présente d'un côté, par Becquevoort, des pentes et rampes de 8 millimètres (et non de 15), d'autre part, par la Ghête, l'on a un tracé à courbes continues ; d'où un frottement permanent, l'usure énorme du matériel, danger pour la circulation, sans compter le grave inconvénient d'une rampe, non interrompue en quelque sorte de Diest à Tirlemont.
D'ailleurs, l'inconvénient sans portée aujourd'hui, attribué à la ligne droite, n'est pas réputé tel par les hommes de l'art. Il suffirait, au surplus, pour améliorer le profil longitudinal, si tant est que cela soit nécessaire, de réduire sans dépense notable, l'inclination dont il s'agit au moyen de déblais et de remblais de peu d'importance.
Messieurs, j'espère que ces diverses considérations seront de nature à engager le gouvernement à s'arrêter à la ligne directe de Tirlemont à Diest.
M. Van Iseghem. - Dans la séance du 16 de ce mois, l'honorable ministre des travaux publics, répondant aux observations que j'avais présentées quelques jours avant, a dit : « qu'en principe le gouvernement pourra intervenir dans le dragage des bassins d'Ostende. »
Je remercie l'honorable M. Moncheur de sa déclaration et j'espère que la part intervenante de l'Etat sera aussi grande que possible.
Toutefois, je ne pense pas que l'honorable ministre a voulu assimiler la nouvelle crique des pêcheurs aux bassins du commerce d'Ostende ; ces derniers ont été faits il y a quatre-vingt-dix ans par la ville, tandis que la crique a été construite par l'Etat et est sa propriété ; c'est donc à lui «u'incombe entièrement l'entretien. Je demande que le gouvernement fasse faire le dragage de cette crique immédiatement. D'après ce que l'honorable ministre nous a dit, l'administration a l'intention de faire de ce dragage une adjudication publique, au lieu d'avoir un dragueur pour compte de l'Etat, soit, mais au moins je demande qu'on veuille bien mettre la main à l'œuvre le plus tôt possible. Ce sera une expérience à faire ; plus tard, je n'ai aucun doute que l'administration reviendra sur sa décision, qu'elle reconnaîtra qu'un bateau dragueur pour son propre compte est nécessaire, qu'il pourra être utilisé non seulement pour le port d'Ostende, mais dans les canaux qui se trouvent dans les environs. Souvent, pour le dragage, il est très difficile de prévoir, dans un cahier des charges, ce qu'on doit faire.
M. le ministre nous a dit également que pour la construction de la route de Blankenberghe à Ostende le long des dunes, les communes et la province doivent faire une grande partie des frais. Ordinairement, la province intervient pour un tiers dans la dépense des routes. Les communes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour, d'accord avec les propriétaires, céder gratuitement les terrains, ce qui formera à peu près un sixième de la dépense. Déjà, à cet égard, le conseil communal d'Ostende a voté un subside. Voilà donc à peu près la moitié des frais qui seront faits. J'espère que cette moitié sera trouvée suffisante et qu'aussitôt que l'instruction du tracé sera faite, cette route pourra être décrétée.
En ce qui concerne le chemin de halage sur la rive gauche du canal de Bruges entre le pont de la Chapelle et la ville d'Ostende, je dois faire remarquer à l'honorable ministre qu'aussi longtemps que les fortifications existaient autour de la ville d'Ostende, il était impossible d'avoir des communications du côté gauche du canal et qu'aucune route n'y existe, contrairement à ce qu'il nous a dit. Aujourd'hui que les fortifications ont disparu, il faut que les navires qui montent à Bruges puissent se servir des deux rives selon le vent, qui tantôt est favorable sur une rive et tantôt est favorable sur l'autre. Ensuite, au même moment, il y a des navires qui montent à Bruges, d'autres descendent ; souvent il est impossible de prendre le même chemin de halage, alors il y a encombrement et, de cette manière, il peut arriver des accidents. Il y a plus : les réparations qu'on fait souvent aux ponts interrompent toute communication entre la ville et une partie des environs d'Ostende. La route est donc indispensable. Je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir, avec sa bienveillance habituelle, examiner, et je suis convaincu qu'il accédera à ma demande ; car l'Etat est lui-même intéressé dans ce pavé, à cause des terrains qu'il possède de ce côté. Déjà la ville d'Ostende est prête à faire le pont sur les anciens fossés si le gouvernement veut faire la route.
Je crois que M. le ministre des travaux publics m'a mal compris lorsque j'ai parlé de faire un plan d'ensemble pour les travaux qu'il est nécessaire de faire au port d'Ostende.
Je n'ai pas voulu faire allusion aux travaux qui incombent à la ville. J'ai voulu parler des travaux du port, qui doivent être faits par l'administration des ponts et chaussées et par l'administration du chemin de fer et dans l'intérêt de la navigation.
Il arrive à tous moments qu'on regrette d'avoir commencé des travaux d'une certaine importance sans avoir fait un plan général ; rien n'est plus mauvais que de faire de grands travaux par pièces et morceaux et de ne pas avoir un plan d'ensemble.
J'espère qu'après les explications que je viens de donner, l'honorable ministre des travaux publics voudra bien donner les ordres nécessaires pour qu'il soit dressé un plan général, ce qui est tout à fait dans l'intérêt de l'Etat ; à cet égard, qu'il me soit permis d'appeler l'attention du gouvernement sur une dépêche que l'administration communale d'Ostende lui a adressée, il y a six semaines. Je le répète, il ne s'agit ici que des travaux de l'Etat à exécuter au fur et à mesure des besoins.
Je recommande cet objet à la bienveillance de l'honorable ministre.
M. Berten. - Messieurs, par suite de l'abolition du droit de barrières sur les routes de l'Etat et du maintien de ce droit sur les chemins vicinaux construits par les communes, ces dernières voies de communications se trouvent actuellement dans un état beaucoup plus désavantageux. Le roulage continue à y être assujetti à un impôt qui n'existe plus sur les autres, sous ce rapport l'égalité a cessé, et il y a de plus cette anomalie, que le droit de barrières se paye sur celles des routes ordinairement le moins bien entretenues.
Malgré le désir qu'ont généralement les communes de supprimer le droit de barrières, la plupart d'entre elles sont forcées, à cause de leurs ressources restreintes, de maintenir ce droit pour pourvoir à l'entretien. Il me paraît qu'il y a lieu de chercher un remède à cet état de choses. La nécessité de se créer des voies de communication, surtout dans l'intérêt de l'agriculture, a engagé les communes en général à faire de grands sacrifices pour la construction de routes ; dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, ces sacrifices ont dû être plus grands encore, l'éloignement des carrières occasionnant une grande augmentation de frais de transport.
Après avoir voté une nouvelle route et être parvenues à obtenir des subsides de l'Etat et de la province, les administrations communales n'ont pas encore atteint entièrement le but, les populations exigeant toujours une prompte exécution, - exécution à laquelle les administrations communales ne peuvent parvenir qu'au moyen de l'avance des subsides.
Le remboursement se fait attendre souvent pendant de longues années, et s'effectue en sommes si petites, tellement minimes, qu'elles suffisent, la plupart du temps, à peine à couvrir les intérêts des avances, - d'où il résulte qu'en définitive les communes finissent par payer la totalité des frais de construction - et restent chargées de l'entretien en entier, - même sans pouvoir recourir aux droits de barrières sur les routes nouvellement votées.
Le moyen de parer à cet état ruineux pour les communes serait, je crois, la reprise par le gouvernement des routes communales, qui lui seraient cédées gratuitement.
Je prie l'honorable ministre des travaux publics de vouloir examiner, avec toute la sollicitude qu'elle mérite, la question de reprise par le gouvernement.
D'après le rapport de la section centrale, il est disposé à reprendre et à entretenir à ses frais les routes concédées (page 870)
Il me paraît que les motifs qui militent en faveur de cette reprise s’appliquent aux routes communales, surtout à celles affluentes vers des stations de chemins de fer.
Au moyen de la reprise, les communes se trouveraient déchargées de l'entretien de leurs routes, et la suppression des barrières deviendrait générale.
Je prie aussi M. le ministre de prendre dans l’entre-temps des mesures efficaces pour faire rentrer, aussitôt que possible, les communes dans leurs avances.
A côté des routes dont je viens de parler et qui sont si nécessaires à la prospérité de l'agriculture, première base de la richesse du pays, il y a les chemins de fer, qui sont indispensables au commerce et à l'industrie.
Là aussi, il s'agit de parvenir à une égalité dans le coût des transports, égalité qui paraît ne pouvoir être obtenue qu'au moyen de l'exploitation par l'Etat.
Je me joins à la demande faite par mes collègues de la Flandre occidentale, tendant au rachat par l'Etat des lignes du chemin de fer de la Flandre occidentale.
Je ferai remarquer, comme l'honorable M. Van Iseghem, que plusieurs de ces lignes sont devenues internationales. Je citerai notamment celle de Courtrai par Ypres et Poperinghe à la frontière française.
Il y a un motif de plus à appuyer cette demande : l'arrondissement d’Ypres se trouvant non seulement à l'extrémité de la ligne de la Flandre occidentale mais étant privé de l'avantage d'une ligne de l'Etat.
Dans la séance d'avant-hier, M. le ministre, répondant à M. Van Iseghem, annonce que les négociations avec les représentants de la Société Générale n'ont pu aboutir, mais qu'à l'occasion il en fera l'objet de ses préoccupations les plus sérieuses ; je l'en remercie, espérant qu'elles n'aboutiront pas seulement à la reprise des négociations, mais à celles des lignes.
Je finis, messieurs, en me bornant à une considération qui me paraît décisive : les habitants de la Flandre occidentale ayant, comme ceux des autres provinces, contribué à la construction du chemin de fer de l'Etat, il est juste et équitable qu'ils jouissent des mêmes avantages.
M. le président. - Avant de donner la parole à d'autres orateurs, je prierai la Chambre de décider si elle interrompra demain la discussion du budget des travaux publics pour s'occuper de rapports de pétitions ?
- De toutes parts. - Non ! non !
M. le président. - Demain, nous continuerons donc l'examen du budget des travaux publics.
M. Hagemans. - Messieurs, je commence par remercier M. le ministre des travaux publics de la réponse qu'il a bien voulu me faire relativement au chauffage des voitures de 2ème et 3ème classe. J'espère que les études qu'il a fait faire pour atteindre ce but d'humanité aboutiront à un bon résultat.
Je suis, par contre, au regret de ne pouvoir le remercier également de la réponse qu'il m'a faite au sujet de la concession du chemin de fer de Romedenne à Givet et de Romedenne à-Beaumont vers Bonne-Espérance.
Voici ce que m'a répondu l'honorable ministre :
« Cette concession a été demandée par M. Closon, mais la section de Bonne-Espérance à Beaumont, qui devait être établie par la compagnie des Bassins houillers, ayant été supprimée par arrêté royal du 30 novembre 1870, le demandeur a renoncé à sa demande, qui, dès lors, doit être considérée comme non avenue. »
Je crois que M. le ministre des travaux publics a été mal renseigné. M..Closon n'a nullement renoncé à sa demande de concession. Voici une lettre de lui qui le prouve d'une façon évidente :
« Je m'empresse, m'écrit-il, de vous informer que je n'ai nullement renoncé à mon projet de Givet-Romedenne à Bonne-Espérance par Beaumont. »
Ceci est parfaitement clair. Mais il y a plus. Déjà, en 1870, M. Closon avait adressé à l'honorable M. Wasseige, alors ministre des travaux publics, une lettre datée du 22 décembre et ainsi conçue :
« Monsieur le ministre des travaux publics,
« Le 10 mai 1870, j'avais l'honneur de vous demander la concession du chemin de fer de Beaumont-Romedeune-Givet, dont les plans et profils étaient, peu après cette date, remis à MM. les ingénieurs de l'Etat.
« Dans mon court exposé de motifs en faveur de l'octroi de cette concession, je me permettais, entre autres raisons, de vous faire remarquer que cette ligne formerait le complément du chemin de fer en projet de Givet à Athus et qu'elle ouvrirait aux charbonnages du bassin de Mons un nouveau débouché vers les Ardennes françaises et le Grand-Duché.
« Or, je viens d’apprendre que par arrêté royal du 30 novembre dernier, vous avez supprimé la section de Beaumont à Bonne-Espérance.
« Je suis réellement désolé de cette décision, à laquelle je ne pouvais évidemment pas m'attendre.
« Je vous prie, M. le ministre, de bien vouloir jeter les yeux sur une carte de Belgique et vous pourrez vous convaincre que la première conséquence de cette mesure est de détruire toute l'économie de mon projet, dont la raison d'être disparaît presque entièrement. »
C'est à ce passage qu'on s'est arrêté. M. Wasseige a même répondu dans le temps, comme si le reste de la lettre n'existait pas ; ce reste était cependant la partie essentielle, car M. Closon y demandait formellement la concession entière. En effet, il ajoutait :
« Le gouvernement avait sans doute ses motifs pour prendre cette résolution ; je me demande s'il n'a pas été guidé par des considérations particulières qui pourraient bien ne plus exister lorsqu'il se trouverait en présence d'une nouvelle instance en concession.
« Dans ces circonstances, je crois utile, pour sauvegarder mes droits, de vous demander, en mon nom, la concession du chemin de fer de Beaumont à Bonne-Espérance, dont l'exécution est indispensable pour assurer l'avenir de la ligne de Beaumont à Givet.
« J'ai pris les mesures nécessaires pour que des études complètes vous soient remises dans un bref délai, et j'ose espérer, M. le ministre, que, vu l'importance des intérêts engagés dans cette affaire, vous voudrez bien prendre ma requête en sérieuse considération.
« (Signé) Closon. »
M. Closon n'a donc pas renoncé à sa demande : le doute ne peut exister. Mais voulez-vous une preuve de plus ? Elle résulte d'une pétition adressée dernièrement à la Chambre ; j'ai rappelé dans mon dernier discours une pétition par laquelle presque toutes les communes du canton de Beaumont demandaient l'exécution de ce chemin de fer ; à cette première pétition est venue s'en joindre une autre, dont voici un extrait :
« Le demandeur en concession d'une voie ferrée de Beaumont à Givet se trouve, disent les pétitionnaires, dans la nécessité de modifier sa première requête.
« En faisant les études de cette voie, en adressant sa demande à la Chambre, il comptait sur la construction du chemin de fer concédé de Bonne-Espérance à Beaumont ; par la suppression de cette tête de ligne, l'économie de son projet disparaît.
« Il se trouve par suite obligé de modifier sa première requête et de solliciter la concession de toute la ligne de Bonne-Espérance à Beaumont, Romedenne et Givet, ligne qu'il déclare être prêt à exécuter. »
Il est inutile que j'insiste davantage.
M. le ministre doit voir que M. Closon n'a nullement renoncé à son projet et que ma demande était parfaitement fondée, avait parfaitement sa raison d'être. Aussi, j'espère que le gouvernement voudra bien l'examiner à nouveau.
M. Janssens. - Je me trouve dans l'obligation d'appeler l'attention du gouvernement sur une question soulevée déjà par M. Van Overloop et à laquelle M. le ministre a bien voulu répondre quelques mots dans la séance d'hier.
Je remarque que je me trouve dans le même cas que presque tous les orateurs qui ont parlé avant moi ; j'ai quelques remerciements à adresser au gouvernement et quelques regrets à exprimer.
Je remercie le gouvernement de l'initiative qu'il a prise dans la question des polders ; il a institué une commission composée d'un délégué des intéressés, d'un délégué de l'administration des ponts et chaussées et d'un représentant du génie militaire. Je considère comme un fait heureux que les trois membres de cette commission aient pu se mettre d'accord sur les conclusions présentées, comme j'ai pu le constater dans le rapport qu'on a bien voulu me communiquer au département des travaux publics.
Je dois encore louer le gouvernement pour la mesure qu'il a prise en appelant les différentes associations de polders à se concerter pour faire l'examen des propositions de la commission. Je pourrais encore ajouter mes remerciements pour la sympathie que l'honorable ministre des travaux publiés a montrée dans la séance d'hier pour les intérêts importants et nombreux qui sont engagés dans cette affaire.
Mes regrets portent sur les réserves que j'ai cru remarquer dans le langage de M. le ministre des travaux publics et qui permettraient de considérer comme douteuse l'intervention du gouvernement dans cette affaire.
Si j'ai bien compris l'honorable ministre, il a dit que ce n'est que lorsque les intéressés se seront prononcés et que l'affaire aura été complètement étudiée que l'on pourra examiner si le gouvernement doit intervenir.
Je pensais qu'après les nombreuses discussions qui ont eu lieu dans (page 871) cette Chambre et dans le conseil provincial de la Flandre orientale, l'intérêt public en cause était suffisamment démontré et qu'il était admis en principe que le gouvernement interviendrait. Je comprends que la quotité de cette intervention puisse être discutée.
Nous aurions à faire valoir alors les arguments que mon honorable ami, M. Van Overloop, a déjà exposés dans la séance d'hier, c'est-à-dire l'absence presque complète de sacrifices faits jusqu'à présent pour les populations intéressées dans cette question. Mais je ne pense pas que l'on puisse mettre en doute l'intervention du gouvernement. Pour la motiver, les raisons sont nombreuses et décisives. J'en trouve une dans l'origine même de l'état fâcheux de choses qui existe, et qui remonte à l'époque de nos guerres de religion.
Les terrains bas des polders, qui ne se débarrassent pas facilement de leurs eaux, avaient un écoulement plus naturel vers la partie plus basse de l'Escaut, à travers le territoire qui appartient aujourd'hui à la Hollande. C'est par mesure d'hostilité que dans le temps cet écoulement a été coupé.
On a dû chercher alors un autre écoulement qui n'est pas naturel et qui se fait par Calloo.
La preuve que cet écoulement n'est pas celui que les eaux devaient naturellement prendre, c'est que plusieurs associations des polders payent encore annuellement au polder de Calloo une redevance pour recevoir ces eaux.
Voilà une première raison pour motiver l'intervention du gouvernement ; c'est un fait en quelque sorte international qui est venu empêcher l'écoulement naturel des eaux.
Il y a une autre considération qui justifie pleinement l'intervention de l'Etat, elle a été suffisamment exposée dans cette Chambre, notamment par l'honorable M. Vleminckx qui, plusieurs fois, l'a fait valoir avec énergie ; c'est qu'il y a un intérêt sanitaire gravement engagé dans cette question.
Vous savez tous, messieurs, que, par suite de l'écoulement imparfait des eaux des polders, il règne souvent dans ces parages des maladies, qui pourraient très probablement être diminuées s'il était mieux pourvu à ce service.
J'espère donc que M. le ministre voudra bien faire une déclaration plus explicite à cet égard.
J'aurais pu insister et insister avec beaucoup de raison pour qu'un premier crédit fût déjà inscrit au budget actuel pour commencer les travaux. Mais comme il devra se passer quelque temps encore avant que les études soient complètes, je m'abstiendrai d'en faire la proposition, pourvu que le principe de la dépense à faire par l'Etat soit reconnu d'une manière plus explicite qu'il ne l'a été hier par M. le ministre et que nous ayons l'espoir de voir ce principe prochainement appliqué. J'espère donc que l'honorable ministre voudra bien nous tranquilliser sous ce rapport.
M. Thonissen. - Messieurs, je serai très bref. Toute discussion doit avoir un terme. J'ai parlé en premier lieu ; l'honorable M. Beeckman m'a répondu ; je lui ai donné la réplique ; il a répliqué à son tour. Je pense que la Chambre doit être suffisamment éclairée.
Je me bornerai à dire que je maintiens tout ce que j'ai affirmé ; je le maintiens pour la distance, pour les frais de construction de l'une et de l'autre voie, pour l'industrie et la richesse qu'on rencontre sur le parcours des deux tracés.
En un mot, je maintiens absolument tous les faits que j'ai antérieurement énoncés.
Quant à la population, je n'insisterai pas... Seulement, puisque l'honorable M. Beeckman a obtenu la permission d'insérer aux Annales parlementaires un tableau de la population intéressée au tracé qu'il préconise, je demande la même autorisation de mon côté. (Oui ! oui !) [Tableau inséré en note de bas de page et non repris dans la présente version numérisée.] Mais je dirai de nouveau que sa manière de compter diffère essentiellement de celle dont j'ai fait usage, dans une autre séance. L'honorable membre compte toute la population comprise dans un périmètre de plusieurs kilomètres de chaque côté, tandis que je m'étais contenté de compter simplement la population des communes traversées par la ligne que je recommande. Le gouvernement vérifiera, et il verra que j'ai raison.
Le tableau dont je viens de parler prouve que, en comptant comme l'honorable M. Beeckman, j'arrive à 40,000 âmes.
M. Beeckman. - La population de toute la province du Limbourg.
M. Thonissen. - Il s'agit, non de la population du Limbourg, mais de celle qui sera desservie par le tracé de la vallée de la Ghète.
Il y a cependant, messieurs, quelques faits complètement inexacts, sur lesquels je dois un moment appeler l'attention de la Chambre.
L'honorable membre affirme que mon imagination féconde a seule enfanté ce chemin de fer. Le fait est que cette ligne a été inventée par l'administration des ponts et chaussées, vivement sollicitée par les populations intéressées.
Il y a plusieurs mois, j'ai reçu et accepté une invitation d'accompagner chez M. le ministre des travaux publics, l'honorable M. Wasseige, une députation qui allait demander la construction du chemin de fer par la vallée de la Gèthe. L'honorable M. Beeckman était, comme moi, présent à la réception de cette députation. J'ai défendu, dans cette audience, le tracé par la vallée de la Ghète, et mon honorable contradicteur n'a pas dit un mot pour s'opposer à ce tracé. Je n'ai donc pas inventé ce chemin de fer.
Il n'est pas exact non plus que je demande un chemin de fer pour chaque village de mon arrondissement. Certes, si cela était possible, je le demanderais bien vite et je crois que tous mes collègues en feraient autant.
L'honorable membre a une façon toute particulière de compter les chemins de fer, comme il en a une pour compter les populations. Ainsi, pour lui, le chemin de fer d'Aix-la-Chapelle à Louvain forme deux chemins de fer et celui de Liège à Eindhoven en forme deux autres.
Il agit de la même manière pour les frais d'exécution des deux tracés. Il affirme que, par la vallée de la Gèthe, il en coûtera un million de plus. L'administration des ponts et chaussées, dont il invoque le témoignage, dit expressément le contraire, et je me bornerai, en ce moment, à invoquer son témoignage. J'en dirai autant de la distance. Je maintiens qu'il n'y a qu'une différence de six kilomètres et rien de plus.
M. Beeckman. - Et moi j'affirme qu'il y en a dix.
M. Thonissen. - Vous affirmez et moi j'affirme ; le gouvernement vérifiera.
Je maintiens donc purement et simplement tout ce que j'ai avancé.
M. Van Outryve. - Messieurs, j'espère que la Chambre me permettra, à mon tour, de revenir pour quelques instants sur une question qui a déjà été soulevée par un grand nombre de nos collègues de la Flandre occidentale. La question du rachat par l'Etat des chemins de fer concédés est assurément celle qui, au point de vue des intérêts matériels, préoccupe le plus vivement les populations de notre Flandre. Et cela se comprend. Les localités desservies par les lignes concédées ne jouissent d'aucune des facilités que l'exploitation par l'Etat pourrait leur assurer ; pour ce qui regarde le service des voyageurs, elles continuent à payer le prix des tarifs primitifs et la dénonciation du service mixte avec l'Etat est venue augmenter le prix du transport des marchandises d'environ 40 p. c. C'est dire assez qu'au point de vue des transports, nous nous trouvons vis-à-vis des autres parties du pays dans une infériorité telle, que la concurrence industrielle et commerciale ne peut plus se faire dans des conditions suffisamment avantageuses.
Il faut d'ailleurs remarquer que la Flandre occidentale est la province la plus éloignée des grands centres de production et de consommation ; et c'est précisément cette province qui doit aujourd'hui payer le plus cher son service de transport de marchandises et de voyageurs. C'est là une anomalie, je dirai plus, une injustice qu'il est du devoir du gouvernement de faire disparaître au plus tôt.
Je désire appeler aussi l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur les avantages que présenterait la concession d'un chemin de fer de Heyst à l'Ecluse. Si mes renseignements sont exacts, cette concession sera demandée d'ici à quelques jours. Ce chemin de fer est la prolongation nécessaire du chemin de fer de Bruges à Blankenberghe et à Heyst. Longue à peine de 12 kilomètres, cette ligne suivrait, sur une grande partie de son parcours, la digue du Comte Jean et pourrait par conséquent, comme la ligne de Blankenberghe à Heyst, se construire dans des conditions d'économie exceptionnelles. Elle constituerait un bienfait inespéré pour les communes de Knocke et de Westcappelle et faciliterait dans une (page 872) large mesure les communications et les transactions déjà fort nombreuses entre Bruges et la partie de la Zélande qui longe la frontière.
M. Beeckman. - Je ne répondrai pas à tous les arguments de M. Thonissen. Je dirai seulement en passant que je maintiens également tout ce que j'ai affirmé.
Je dois cependant faire remarquer une chose à la Chambre. Le chemin de fer de Tirlemont jusqu'à Wygmael doit avoir une longueur de 55 à 60 kilomètres. Sur ces 60 kilomètres, 22 se trouvent dans le Brabant ; il en reste donc 40 environ pour la province de Limbourg. M. Thonissen ne se contente pas de cela ; il veut enlever au Brabant environ 12 kilomètres pour les ajouter aux 40 de la province de Limbourg.
Je demande à la Chambre s'il serait juste, après que la province de Limbourg reçoit déjà dans la construction du chemin de fer les trois cinquièmes du parcours, de céder encore au désir de M. Thonissen, en enlevant au Brabant la moitié du parcours qui lui est rationnellement dû.
Si M. le ministre veut accorder cet avantage à M. Thonissen, il en est libre, mais je crois qu'il serait absurde, je dirai même ridicule, d'allonger de 10 kilomètres un parcours de 22 kilomètres d'une ligne stratégique dans le seul but de donner satisfaction à trois petites communes sans importance de la province du Limbourg.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je demanderai à la Chambre si elle ne juge pas convenable de clore aujourd'hui la discussion générale.
Parmi les orateurs qui ont pris la parole, il en est certainement qui se sont occupés d'objets nouveaux et auxquels je me ferai un plaisir de répondre. Mais je crois que je pourrai le faire facilement dans la discussion des articles.
- La discussion générale est close.
La séance est levée à 5 heures.