(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 847) M. Reynaert fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance du 16 avril ; la rédaction en est approuvée.
M. Hagemans présente l'analyse suivante des pétitions adressées à la Chambre.
« Le sieur Arnauts, échevin à Budingen, fait connaître que la pétition adressée à la Chambre le 9 de ce mois, par laquelle le conseil communal aurait demandé que le chemin de fer à construire de Tirlemont vers Diest ne passât point par Budingen, n'émane pas de l'administration communale et que si, contre son attente, elle a été signée par un ou deux membres du conseil, ce ne peut être qu'en leur nom personnel. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et puis renvoi au ministre de ce département.
« Le sieur Pierard réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir justice dans une affaire de succession. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Van Hoof, ancien instituteur communal, demande une augmentation de pension. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vander Elst, ancien instituteur communal, demande une augmentation de pension. »
- Même renvoi.
« Le sieur Wester demande une augmentation de traitement pour les facteurs ruraux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Le conseil communal de Bunsbeek demande la construction, par la ligne directe, du chemin de fer de Tirlemont au camp de Beverloo par Diest. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et puis renvoi au ministre de ce département.
(page 848) « Le sieur Gysbreght demande : 1° une réduction de 50 p. c. sur le prix de transport des grosse marchandises jusqu’au mois d’octobre et sur les cartes d'aller et retour prises le dimanche ; 2°» un crédit de 100,000 fr. pour étudier et le plan de M.Dusart concernant les eaux potables et les voies navigables à améliorer suit vers l'Escaut, soit vers Ostende. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Les sieurs Arnauls et Boosen, échevins et le sieur Van Zurpelen, membre de l'administration communale de Budingen, demandent le tracé du chemin de fer de Tirlemont vers Diest par la vallée de la Ghète. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et puis renvoi au ministre de ce département.
« Le sieur Koukelberge demande une enquête sur la gestion et la situation réelle de la caisse de prévoyance de Blankenberghe. »
M. Van Outryve. - Je crois que cette pétition mérite de fixer l'attention de la Chambre. J'en demanderai donc le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Les sieurs Braconier, président, et Habets, secrétaire du comité de l'Union des charbonnages, mines et usines métallurgiques de la province de Liège, appellent l'attention de la Chambre sur la nécessité de concéder la ligne de l’Amblève et Douxflamme à Trois-Ponts, réunissant le Grand-Luxembourg au Guillaume-Luxembourg. »
M. Elias. - Il serait utile de déposer cette pétition sur le bureau de la Chambre pendant la discussion du budget des travaux publics. Elle traite d'un objet très important, dont il peut être question dans ce débat.
- Adopté.
« L'Association libre des cultivateurs de Ghistelles fait hommage à la Chambre de trois exemplaires d'un dessin (plan et coupe) d'une maison d'ouvrier agricole. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Simonis demande un congé de deux jours. »
- Accordé.
« M. d'Andrimont demande une prolongation de congé. »
- Accordé.
M. Vleminckx. - Hier, la Chambre n'a pas fixé de jour pour l'interpellation que je comptais adresser au gouvernement. Je suis prêt à interpeller l'honorable ministre des affaires étrangères, s'il veut bien m'entendre ; s'il désire que je le fasse un autre jour, je suis à sa disposition,
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Je suis à la disposition de la Chambre.
M. Vleminckx. - Les journaux nationaux et étrangers nous ont révélé, ces jours derniers, qu'un dissentiment s'était élevé entre le cabinet belge et celui de S. M. le roi d'Italie.
Il ne faut pas toujours croire ce que disent les journaux, nous a dit l'autre jour l'honorable M. Malou. Cela est parfaitement exact. Mais il y a ici une telle précision de détails, que le doute ne semble presque pas possible. Or, il importe, dans l'intérêt du pays, que ce doute soit levé.
Le pays a le droit de savoir si, oui ou non, nos relations avec l'Italie ne laissent rien à désirer. Tel est le motif de l'interpellation que j'ai cru de mon devoir d'adresser à M. le ministre des affaires étrangères, et pour ne pas rester dans le vague de généralités qui ne reçoivent pas toujours des réponses claires et nettes, j'ai rédigé les quelques points bien précis sur lesquels je demande a l'honorable ministre des explications catégoriques.
Ces points, les voici ;
Est-il vrai que le gouvernement ait reçu, dans ces derniers temps, sous une forme quelconque, dont la courtoisie tempérait l'énergie, des observations sur son attitude vis-à-vis du gouvernement de S. M. le roi d'Italie ?
Le gouvernement est-il disposé à nous communiquer ces observations, ainsi que la réponse qu'il a dû y faire ?
Est-il vrai que ces observations se rapportent principalement à l'absence continue de Rome, de notre ministre près le gouvernement italien, ainsi qu'au silence gardé par le cabinet à l'occasion des insultes dont le roi Victor-Emmanuel a été l'objet au sein du Sénat ?
Un congé a été accordé, nous a-t-on dit, à notre ministre accrédité près du roi d'Italie, afin de lui permettre, ajoutait-on, de venir rendre ses hommages au Roi des Belges ; il y a déjà des mois de cela. Notre ministre est-il venu en Belgique, et s’il n'a pas quitté l'Italie, pourquoi n'est-il pas à Rome, sa véritable place ? Pourquoi lui permet-on de se borner à se transporter de Florence à Rome, chaque fois que les circonstances l’exigent, ainsi que l'affirment les journaux ministériels, au lieu de résider dans cette ville, à l'instar de tous les ministres étrangers ?
La Chambre voudra bien remarquer que je n'affirme rien, et la raison en est fort simple, c'est que je ne sais rien ; mais mes demandes sont bien précises. J'espère qu'elles recevront une réponse, et je déclare très hautement que je serais heureux que cette réponse fût complètement satisfaisante.
Rien ne me serait plus agréable que d'entendre le gouvernement nous affirmer que tout ce que la presse nous a révélé est inexact et que nos relations avec le gouvernement italien sont frappées au coin de la plus franche cordialité.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - L'honorable M. Vleminckx a appelé l'attention du gouvernement et de la Chambre sur nos relations avec le royaume d'Italie.
Il nous a dit que, d'après certains journaux, un dissentiment existait entre les deux gouvernements ; sur ce point, je puis rassurer l'honorable membre : il n'existe pas de dissentiment.
L'honorable membre demande au cabinet de lui fournir les documents qui ont trait aux différents points auxquels il a fait allusion.
Aucune note n'a été remise au gouvernement ; et, pour ne pas laisser ignorer à la Chambre ce qui s'est passé, je dirai que j'ai eu une conversation avec Son Excellence le ministre d'Italie.
Dans cette conversation, dont évidemment la Chambre ne me demande pas le récit - ce serait en dehors de tous les usages - certains points ont été traités. En suite de cette communication verbale, j'ai envoyé à notre ministre à Florence des instructions très précises pour répondre aux points qui avaient été soulevés entre nous.
Je n'ai pas encore eu réponse de l'Italie. Il y aurait donc une sorte d'inconvenance de la part du gouvernement belge à entrer dans un débat public avant que le gouvernement italien lui-même ait pu manifester sa manière de voir. C'est un sentiment d'égards de ma part envers l'Italie, qui me porte à ne pas répondre d'une manière plus catégorique sur ce point.
Messieurs, l'honorable membre a fait allusion au congé accordé à M. Solvyns. Ce congé n'est pas une fiction ; comme je l'ai déclaré dans cette Chambre, M. Solvyns doit revenir d'ici à bien peu de temps. (Interruption.)
Mais, pour que cette situation ne laisse aucun doute dans les esprits, j'ai donné l'ordre à M. Solvyns de fixer sa résidence réelle à Rome et d'informer le gouvernement italien et ses collègues du corps diplomatique que sa résidence y est réellement établie.
Je crois que cette explication est parfaitement claire et catégorique et, sur ce point, je ne sais quels griefs on pourrait articuler.
Messieurs, l'honorable membre a parlé des offenses qui ont été proférées au Sénat contre le roi d'Italie.
Les paroles qui ont été prononcées par S. A. le prince de Ligne, président du Sénat, dispensaient le gouvernement d'intervenir.
M. Defuisseaux. - Le gouvernement devait ratifier ce que le prince de Ligne avait dit au Sénat.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Le président de l'assemblée a la haute direction des débats et quand le prince de Ligne a relevé des paroles qui ont été dites, le gouvernement, je le répète, n'a plus à intervenir.
M. Defuisseaux. - Il pouvait s'y rallier alors.
MaeAL. - Je ne puis que maintenir ce que j'ai dit : tant que nous n'avons pas la réponse aux explications qui ont été données, il est impossible au gouvernement d'entrer dans de plus amples détails.
M. Vleminckx. - Il est évident que je ne puis pas demander au gouvernement de répondre immédiatement à toutes les questions que je lui ai posées. Le gouvernement attend une réponse du gouvernement d'Italie ; je suppose que cette réponse venue, il voudra bien nous en donner communication. Il est donc bien entendu que notre ministre en Italie aura désormais son séjour à Rome et que c'est de Rome qu'il se rendra en congé.
Il me reste maintenant à dire à la Chambre qu'il m'est impossible d'accueillir la théorie de M. le ministre des affaires étrangères relativement à certaines paroles qui ont été prononcées au sein du parlement. Il est évident que chaque représentant de la nation, nous ici, les sénateurs dans (page 849) leur enceinte, peuvent dire, sous leur responsabilité, tout ce qui leur convient ; ils n'en sont responsables que vis-à-vis de leurs mandants.
Mais il y a, au sein de cette Chambre, il y a, au sein du Sénat, des députés ministres, des sénateurs ministres ; ceux-là ont le devoir, le devoir le plus strict de relever les offenses qui y sont prononcées contre les souverains étrangers, et le prince de Ligne l'a si bien senti qu'il a lui-même pris à tâche de le faire en disant aux insulteurs : « Quelle que soit l'opinion que vous ayez, vous n'avez pas le droit d'offenser ici des souverains étrangers. »
Eh bien, ce rôle, MM. les ministres ne l'ont pas rempli. (Interruption.) Ont-ils protesté le moins du monde, en leur qualité de ministres, contre ces injures, contre ces offenses ? Non, messieurs, M. le ministre des affaires étrangères...
M. Dumortier. - Vous n'avez pas le droit de vous occuper ici du Sénat. (Interruption.)
M. Vleminckx. - J'ai le droit d'apprécier la conduite des ministres. (Interruption.) J'ai parlé des ministres, non des sénateurs, et j'ai le droit de le faire.
Ainsi donc, messieurs, au lieu de protester contre les paroles offensantes qui ont été prononcées, M. le ministre des affaires étrangères s'est borné à faire l'éloge des manifestations papales et l'honorable M. de Theux à répondre aux objections qui étaient soulevées, que le gouvernement belge a fait, en ce qui concerne l'Italie, ce que font tous les gouvernements, à savoir reconnaître un gouvernement de fait.
Je soutiens et je suis convaincu que le pays sera de mon avis que, dans cette circonstance, les deux ministres ont manqué à leurs devoirs.
M. De Lehaye. - Je ne saurais admettre la doctrine que vient de professer l'honorable M. Vleminckx. Je pense que s'il arrive à un membre de la Chambre ou à un membre du Sénat de manquer aux convenances, il n'appartient qu'au président de l'y rappeler. Je serais fort étonné, lorsque je me permets une appréciation quelconque, qu'un ministre se permît de me rappeler à l'ordre. Je ne reconnais ce droit qu'à M. le président. (Interruption.)
Vous me surprenez, vous messieurs de la gauche, ordinairement si susceptibles ; vous voulez permettre à un ministre de blâmer un membre de la Chambre pour une opinion qu'il émet. Cette doctrine, je la repousse, et j'exprime de nouveau mon étonnement de la voir professer par la gauche.
M. Defuisseaux. - Je ne comptais pas intervenir dans ce débat ; j'y suis amené parce que je constate une équivoque et que je veux l'éclaircir.
Le roi d'Italie a été insulté au Sénat. M. le ministre des affaires étrangères était présent. Il nous dit aujourd'hui que l'insulte a été repoussée par M. le prince de Ligne. J'en félicite le prince de Ligne. Mais à la demande que j'ai faite à M. le ministre, s'il faisait siennes les paroles du prince de Ligne, M. le ministre n'a pas répondu.
Eh bien, de deux choses l'une : ou il ne doit pas invoquer ce que le prince de Ligne a dit, si ce n'est que l'expression de la pensée personnelle de l'honorable président, ou bien, comme ministre des affaires étrangères, il fait siennes ces paroles, et dès lors toute satisfaction nous est donnée.
Mais s'il espère satisfaire d'un côté ceux qui ne veulent pas laisser insulter impunément un souverain étranger, en invoquant les paroles du prince de Ligne, et s'il espère d'un autre côté donner satisfaction aux catholiques du Sénat et notamment à M. Solvyns, en n'admettant pas ces paroles, il se maintient dans une équivoque d'où nous avons le droit de lui demander de sortir.
M. Dumortier. - Il se passe ici quelque chose de réellement étrange. Depuis quarante-deux ans que je siège dans cette enceinte, je n'ai jamais rien vu de pareil.
Voilà les honorables MM. Vleminckx et Defuisseaux qui se chargent de faire la police du Sénat. (Dénégation à gauche.)
Oui, vous venez faire la police du Sénat ; vous venez traduire à votre barre les paroles du président de ce corps qui est l'égal de cette Chambre ; je vous demande si cela n'est pas insensé ; je vous demande si cela est tol-rable dans un gouvernement représentatif comme le nôtre ! Que diriez-vous si dans le Sénat on traduisait à la barre de cette assemblée les paroles du président de la Chambre des représentants ? Vous vous récrieriez avec raison. Chaque Chambre, en effet, a son privilège, ses droits ; et chaque Chambre a le devoir de respecter les prérogatives de l'autre assemblée, si elle veut qu'on ne porte pas atteinte aux siennes.
M. Defuisseaux. - Messieurs, je n'ai pas voulu critiquer l'usage qu'a fait, au Sénat, M. le prince de Ligne de son droit de parole.
C'est M. le ministre des affaires étrangères qui a invoqué les paroles de l'honorable président du Sénat, en disant que les injures dont le roi d'Italie avait été l'objet dans le sein de cette assemblée n'existaient plus, puisqu'elles avaient été relevées par l'honorable président. J'ai demandé à l'honorable ministre : « Ces explications sont-elles les vôtres ? Si elles sont les vôtres, dites-le. »
Ce n'est donc pas nous, mais c'est vous qui avez, introduit ici le Sénat. Le reproche articulé par l'honorable M. Dumortier devrait donc être adressé, non pas à moi, mais à l'honorable ministre des affaires étrangères.
Il faut, messieurs, que nous sortions de l'équivoque où nous nous trouvons. M. le ministre des affaires étrangères doit la faire disparaître aux yeux de la Chambre et du pays.
Le pays doit savoir si, dans cette Chambre ou dans une autre, on peut impunément insulter le roi d'Italie. Que le ministre des affaires étrangères nous dise s'il fait siennes ces injures ou s'il fait sienne la protestation qu'elles ont soulevée.
C'est à cette question que je prie M. le ministre des affaires étrangères de répondre.
M. Dumortier. - L'insistance que met M. Defuisseaux prouve une fois de plus ce que j'avais l'honneur de dire tout à l'heure que l'honorable membre veut prendre ici le rôle de contrôleur de ce qui se fait au Sénat. Que vous importe la pensée d'un ministre ? Vous n'avez pas le droit de l'interroger sur sa pensée. (Interruption.)
La pensée est le droit de tout citoyen, et quand la pensée d'un ministre ne se manifeste pas par des faits, vous n'avez pas le droit de lui en demander compte. (Interruption.)
C'est là un abus scandaleux du régime parlementaire ! (Nouvelle interruption.)
Allez en Angleterre, dans ce pays de liberté, et voyez ce qui s'y passe ; on ne s'y gêne pas au parlement pour dire sa pensée sur les gouvernements et les rois.
Et pourquoi donc voulez-vous que nous ne puissions pas exprimer notre pensée sur la conduite d'un souverain quand elle nous paraît blâmable au point de vue des intérêts dont nous sommes les représentants ?
M. Defuisseaux. - Un seul mot.
D'après la théorie que vient d'émettre M. Dumortier, on peut donc, dans la Chambre, attaquer un souverain. Le gouvernement pourra entendre l'attaque et la défense et garder le silence.
M. Dumortier. - Je proteste contre la pensée que vous me prêtez !
M. Defuisseaux. - Je ne vous ai pas interrompu, M. Dumortier ; laissez-moi continuer.
Je disais donc que, d'après l'honorable M. Dumortier, le gouvernement pouvait rester impassible, alors que, dans l'une des deux Chambres, un souverain était attaqué.
Je me demande comment cette théorie est compatible avec la loi que nous avons votée et qui porte que les offenses produites en dehors de cette enceinte contre les souverains étrangers sont punissables. Comment ! nous avons une loi que je n'admets pas, mais qui existe. Nous l'avons faite, ou plutôt vous l'avez faite et vous êtes les premiers aujourd'hui à ne pas la respecter.
Vous dites que l'on ne peut pas impunément offenser un souverain étranger ; il est offensé dans le Sénat, que l'on appelle la première Chambre du pays, et MM. les ministres croient qu'on peut garder le silence ; vous invoquez l'opinion de M. le président du Sénat, opinion dont vous avez l'air de faire beaucoup de cas, et quand on demande si cette opinion est celle du gouvernement qui l'invoque, vous vous taisez !
Le gouvernement nous donnera-t-il cet étrange spectacle de laisser librement se produire contre les souverains étrangers les offenses qui flattent ses opinions politiques et de ne sévir que contre les insultes qui lui déplaisent ?
J'ai encore une fois le droit de constater que cette loi qui punit les offenses contre les souverains étrangers est virtuellement abolie. Elle l'est par la Chambre, par le Sénat et par le silence des ministres eux-mêmes.
Telle est la conclusion que je veux tirer de ce débat.
M. Malou, ministre des finances. - Cette conclusion est des plus étranges ; nous avons la liberté parlementaire la plus étendue. Je ne pense pas que personne ait jamais songé à appliquer aux discussions parlementaires la loi sur les offenses contre les souverains étrangers.
M. Defuisseaux. - Voilà la conséquence morale de votre loi.
M. Malou, ministre des finances. - Je répète et je prouve d'une manière assez claire que votre conclusion n'est pas soutenable.
(page 850) Il y a une autre confusion. Nous sommes en ce moment, d'après ce qui a été dit, à l'état d'explications avec le gouvernement italien. Aussi l'honorable auteur de l'interpellation n'a-t-il pas insisté ; mais le débat a déraillé sur le point de savoir si lorsqu'un président n'exprimant pas une opinion individuelle, mais agissant comme président, pour faire respecter le règlement et les convenances, si ce président doit nécessairement être soutenu par l'appui d'un ministre. Voilà véritablement la question qu'on nous soumet. (Interruption.)
M. Guillery. - Je demande la parole.
M. Malou, ministre des finances. - C'est évidemment la situation qu'on nous décrit et la position où l'on veut nous mettre.
Je crois que, lorsque le président de la Chambre, parlant ex cathedra pour ainsi dire, déclare qu'une expression n'est pas parlementaire, qu'elle est offensante pour un souverain étranger, et le prince de Ligne, président du Sénat, aurait eu peut-être deux fois l'occasion d'exercer la même prérogative qu'il n'a exercée qu'une fois, je crois, dis-je, que le devoir des ministres n'est pas de dire ; M, le président, je suis de votre avis ou je ne suis pas de votre avis.
- Voix à gauche. - Oh ! oh !
M. Malou, ministre des finances. - C'est évident cela. En réalité, nous ne discutons pas un fait, mais une théorie.
Lorsque le président d'une assemblée déclare qu'une expression n'est pas parlementaire et doit être retirée, il n'appartient pas aux ministres de dire s'ils sont, oui ou non, de l'avis du président.
Maintenant- je reviens sur ce point - nous sommes à l'état d'explications avec l'Italie. Quand ces explications seront arrivées à leur terme, nous rendrons compte des incidents qui se seront produits et si, ce que les honorables membres supposent, mais ce qui ne peut être de leur part qu'une simple supposition, les discussions du parlement belge sont pour quelque chose dans ces explications, ce point aura sa place dans le compte que nous aurons à rendre ultérieurement à la Chambre.
Sous le bénéfice des observations de mon honorable collègue et de celles que je viens de donner, le débat actuel, à moins qu'on ne veuille discuter des théories, n'a plus de raison, ce me semble, d'être prolongé plus longtemps.
M. Guillery. - M. le ministre des finances est, paraît-il, très disposé à nous concéder la clôture et à nous accorder la faveur de terminer immédiatement ce débat.
Il me permettra de ne pas accepter cette concession. La question est beaucoup trop grave pour cela.
Il ne s'agit pas de savoir si, lorsque le président d'une assemblée législative a parlé, le ministre doit approuver le président ; si les ministres ont ou n'ont pas la police de l'assemblée ; nous sommes tous d'accord pour admettre que le président seul peut blâmer ou rappeler à l'ordre un représentant ou un sénateur.
Il ne faut pas réduire la question à d'aussi petites proportions que celles qui sont indiquées par l'honorable ministre des finances.
Ne confondons pas la police de l'assemblée, qui appartient incontestablement au président et à laquelle les ministres ne peuvent prendre part, avec le devoir de M. le ministre des affaires étrangères et du gouvernement de défendre un souverain étranger qui doit être respectable à ses yeux et qui doit être respecté.
Comment ! nous sommes alliés de l'Italie, nous avons des traités et des relations de sympathie avec la nation italienne, et l'on pourra impunément compromettre les bonnes relations qui existent entre les deux nations en insultant le souverain qui préside si dignement aux destinées de l'Italie sans que le gouvernement, qui est censé représenter les idées et les sentiments de la Belgique, fasse entendre quelques paroles généreuses ou tout au moins des paroles de convenance dans l'intérêt de la justice et de la vérité.
La question est bien plus grande et plus élevée que ne semble le croire l'honorable préopinant.
La Belgique n'a certes pas à intervenir dans les événements européens ; les traités non moins que les lois de la prudence lui font un devoir de l'abstention.
Mais elle, a aussi le devoir de ne pas se laisser entraîner à la suite de passions aveugles, d'idées fanatiques, d'idées qui semblent empruntées aux plus mauvais jours du moyen âge, et qui tendent à établir en Belgique des doctrines que nous devons repousser de toute notre énergie.
Le gouvernement a le devoir de ne pas laisser croire à l'étranger que ceux qui s'obstinent ainsi à méconnaître et notre époque et nos institution et nos aspirations légitimes représentent la nation belge.
Agir autrement, ce serait compromettre non seulement notre situation politique, mais encore notre bonne renommée en Europe et dans tous les pays civilisés.
La droite semble s'aveugler depuis quelque temps sur sa situation. Elle est enivrée de ses succès, elle se prépare à de nouveaux combats et à de nouvelles victoires. Elle porte le défi à ses adversaires et à l'opinion publique dans le pays.
Partout elle s'apprête à venir demander à la nation belge une marque de confiance, elle vient jusqu'au sein de la capitale solliciter les suffrages des populations.
Eh bien, expliquez-vous ! qu'on sache entre vous et nous quelle est la distance qui nous sépare ; qu'on sache ce que vous représentez et ce que nous représentons. Si vous n'avez pas le courage de combattre des hommes qui viennent défendre des époques éloignées de nous par des siècles de persécution et de honte, si vous n'avez pas ce courage-là, qu'on le sache ; si vous êtes des hommes du XIXème siècle, proclamez-le et n'ayez pas peur de le dire en face de ceux qui vous reprochent d'avoir reconnu le royaume d'Italie, c'est-à-dire la civilisation.
Toutes vos hésitations que prouvent-elles ? C'est que vous voulez à la fois satisfaire aux idées que vous reconnaissez les seules justes et pratiques et aux idées exagérées d'un grand nombre de vos amis que vous voulez ménager, dont vous craignez l'hostilité.
Vous n'avez pas la franchise d'être des ministres laïques, des ministres du XIXème siècle ; vous ne savez pas être ministres belges et vous n'avez pas le courage de défendre des opinions qui, incontestablement, sont les seules que la nation comme le droit public admettent. (Interruption.)
M. Dumortier. - Vous parlez comme un ministre italien.
M. Bouvier. - Et vous, vous êtes les ministres des évêques. (Interruption.)
M. Guillery. - Au Sénat, messieurs, M. d'Anethan, en homme d'Etat pratique, avait caractérisé la situation avec une grande netteté ; il disait : L'ambassadeur belge fera comme les autres ; il ne se distinguera ni par son zèle ni par son hostilité ; il doit se conformer à ce que fera la diplomatie. Depuis lors qu'a fait le gouvernement ? Au lieu de suivre cette ligne de conduite, il a été d'hésitations en hésitations et de contradictions en contradictions, voulant satisfaire d'un côté aux nécessités qu'il reconnaissait dictées par la situation et d'un autre côté satisfaire à ce que le Bien public, pour appeler les choses par leur nom, lui enjoignait de faire ; il a donné un congé qu'on ne lui demandait pas et dont on n'a pas profité.
J'avais demandé communication de la correspondance diplomatique et j'avais parfaitement raison, d'abord parce que c'était mon droit, parce que c'est le droit de toutes les assemblées législatives dans les pays libres, excepté peut-être dans les pays où l'on a le bonheur d'être gouverné par un ministère catholique ; et ensuite parce que j'aurais voulu savoir dans quels termes on correspond avec le ministre de S. M. le Roi des Belges auprès du saint-père. J'étendrai maintenant ma demande, qui est destinée probablement à être traitée avec le même dédain, car on n'a pas daigné me répondre ; je demanderai communication de la correspondance diplomatique entre M. le ministre des affaires étrangères et notre ministre, je ne sais si je dois dire à Florence ou à Rome, car il paraît qu'il est tantôt à Florence, tantôt à Rome.
Je voudrais savoir, par cette correspondance, dans quels termes et à quelle époque notre ambassadeur a demandé un congé ; dans quels termes touchants il a demandé à revoir sa famille qu'il n'a pas vue depuis si longtemps ; dans quels termes on a accédé à sa demande, et par suite de quels graves événements il a dû rester à Florence pendant qu'il avait un congé pour revenir à Bruxelles.
Cette façon de prendre une moyenne proportionnelle entre deux ordres qui ont été donnés, entre Rome et Bruxelles, entre la résidence obligée et la résidence de congé, me paraît assez singulière. Il nous est permis, lorsque les explications du gouvernement sont si obscures, sont si contradictoires, de demander à avoir communication de la correspondance diplomatique. Nous voyons dans tous les pays publier les correspondances diplomatiques. En Angleterre, on a le livre bleu ; en Italie, on a le livre vert ; en France, on a le livre jaune. Je ne tiens pas à la couleur ; que ce soit un livre tricolore, si vous voulez ; mais ayons un livre où nous trouverons les correspondances échangées entre notre gouvernement et nos ministres à l'étranger. Sachons comment nos affaires sont traitées ; les affaires diplomatiques ne sont pas les affaires des ministres individuellement, ce sont les affaires du pays.
La Belgique est un de ces pays qui s'occupent eux-mêmes de leurs affaires. Il faut que nous sachions comment on dépeint la Belgique aux yeux de l'étranger ; il faut que nous sachions quel est le langage qu'on (page 851) tient au nom de la nation belge, lorsqu'on négocie avec le roi d'Italie ou avec le saint-siège apostolique. Nous saurons par la même occasion quelles sont les affaires importantes qui se traitent entre la Belgique et le pape, entre M. le ministre des affaires étrangères et le ministre belge auprès du saint-père.
Nous connaîtrons, nous apprécierons l'utilité et l'importance de cette légation conservée et maintenue en opposition avec les principes de notre pacte fondamental.
Je demande comment nous pouvons exercer une partie importante du pouvoir législatif, celle de contrôleur du pouvoir exécutif, si nous ne savons pas ce qui se fait, ce qui se passe ; si nous ne savons pas pourquoi notre ministre près de S. M. le roi d'Italie, ayant reçu l'ordre de se rendre à Rome, reste à Florence, tandis que la chancellerie est à Rome ; et pourquoi, ayant un congé, il ne vient pas à Bruxelles.
Il y a lieu de s'expliquer sur tout cela par des preuves.
M. le ministre des finances nous a dit : « Nous sommes en négociations... »
M. Malou, ministre des finances. - En explications.
M. Bouvier. - C'est une nuance.
M. Guillery.- J'admets la rectification et je demande pardon à M. le ministre des finances de cette inexactitude, quoique je n'en apprécie pas l'importance : « Nous sommes en explications, et ne venez pas nous troubler dans ces explications. »
Mais il me semble que c'est précisément au moment où l'on est en explications qu'il y a lieu de s'expliquer franchement sur la situation. La Chambre et le pays doivent savoir dans quels termes on s'explique, comment on interprète, comment on représente l'esprit qui nous guide, comment on nous représente aux yeux du gouvernement de l'Italie, non seulement aux yeux du roi d'Italie, mais encore aux yeux de la nation italienne.
Nous nous rapprochons de la nation italienne par les idées, par les mœurs, par la civilisation, par les tendances libérales, par l'oppression que nous avons eu à subir de la part du parti clérical. Comme la nation italienne, nous avons gémi sous le poids de l'inquisition, sous le joug d'un clergé politique, sous ce joug qui nous a fait descendre de si haut, nous qui étions si grands au XVIème siècle et qui sommes tombés si bas, après deux siècles de gouvernements catholiques.
Nous ne sommes pas encore sortis de cette étroite étreinte, nous portons encore l'empreinte de l'oppression.
Aujourd'hui que nous nous rapprochons de l'Italie par nos misères et nos souffrances dans le passé, par nos institutions dans le présent, et par nos aspirations pour l'avenir, nous avons tout intérêt à savoir comment nos ministres cléricaux, chefs d'un parti religieux plus que d'un parti politique, nous représentent aux yeux du gouvernement italien.
Puisque vous êtes en négociations (je veux dire en explications), je demande que l'opinion du pays se manifeste clairement.
Ceux qui croient que l'opinion de la Belgique est représentée par la politique qui est suivie depuis deux ans, par cette politique d'hésitation et de contradictions, ceux-là se représentent la Belgique sous un faux jour : ils feraient croire que la Belgique pense ce qu'elle ne pense pas, et c'est pour cela que nous devons intervenir au nom du pays dont nous représentons les sentiments.
Je termine en demandant itérativement que le gouvernement veuille bien déposer la correspondance échangée depuis trois mois, depuis six mois même, entre M. le ministre des affaires étrangères et M. le ministre de S. M. le roi des Belges auprès de S. M. le roi d'Italie ainsi que M. le ministre auprès du saint-siège apostolique.
M. de Theux, membre du conseil des ministres. -Je commence par déclarer à la Chambre que le pays n'a aucune espèce de sujet de crainte quant à ses relations avec le royaume d'Italie. Ces relations sont très bonnes ; nous n'avons pas besoin d'en dire davantage ; le gouvernement ne craint pas non plus d'être mal avec le gouvernement italien.
Nous n'avons pas hésité à expliquer franchement notre manière de voir tant à la Chambre qu'au Sénat lorsqu'on a discuté la question de savoir si le ministre plénipotentiaire auprès du saint-siège serait maintenu. J'ajouterai que le gouvernement italien ne se préoccupe pas le moins du monde de ces relations diplomatiques et ne désire pas qu'il y soit mis fin.
Je m'étonne de l'incident qui vient de surgir.
Quelle était la situation ?
Au Sénat, deux discours ont été prononcés : le premier, très long, était évidemment agressif au souverain pontife, considéré comme souverain par tous les autres souverains et par le gouvernement italien lui-même. Le second, qui avait un caractère plutôt religieux que politique, a répondu au premier.
Le président du Sénat, désirant mettre fin à ce débat, a fait une observation ; le débat n'ayant pas continué sur le même terrain, les ministres belges ont cru qu'il était prudent et convenable de ne pas engager le débat plus profondément. Voilà la vraie situation, et je dirai que l'assemblée tout entière l'a appréciée dans le même sens, car plusieurs orateurs de la gauche ont déclaré qu'ils n'avaient pas du tout l'intention d'entamer ici un débat, soit politique, soit religieux.
Nous avons cru, messieurs, et nous avons pensé agir selon les principes de la saine raison en ne prolongeant pas ce débat. Ni le pays, ni l'assemblée n'avaient rien à gagner à la prolongation de ce débat. Nous nous sommes donc bornés de nouveau à expliquer au Sénat, comme nous l'avons fait ici, les motifs pour lesquels nous maintenions notre double mission, une auprès du souverain pontife et l'autre auprès du roi d'Italie. Ce débat a fini au Sénat de la manière la plus paisible, le gouvernement ayant une très grande majorité, et je croyais bien que ce débat était entièrement fini.
M. Bara. - Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat, mais il m'est impossible de laisser passer le fait grave qui vient d'être porté à notre connaissance par M. le ministre des finances, sans appeler sur ce fait l'attention du pays.
L'honorable ministre des finances a déclaré que l'Italie était avec la Belgique à l'état d'explications.
C'est là un fait important. L'honorable ministre ne nous dit pas sur quoi portent ces explications.
Mais il est évident qu'elles ont un certain caractère de gravité et doivent se rapporter à ce qui a été dit dans la presse au sujet de l'attitude du gouvernement belge à propos du transfert de la capitale de l'Italie à Rome.
Nous avions prévu, messieurs, que nous serions arrivés à cette situation, bien que tous les ministres des affaires étrangères catholiques aient constamment déclaré qu'ils étaient au mieux avec l'Italie ; que rien n'était troublé dans les rapports des deux pays et que les deux gouvernements étaient unis par l'amitié la plus parfaite.
Je me souviens encore du langage tenu à cet égard par M. d'Anethan, et l'honorable comte de Theux vient de suivre le même système en prétendant que, malgré l'état d'explications où l'on se trouve avec l'Italie, tout est au mieux ; le pays n'a aucune crainte à concevoir.
Eh bien, je ne suis pas si optimiste que l'honorable M. de Theux : je crains fort que cette situation ne soit pas aussi favorable et mon opinion se fonde sur ce que le gouvernement est obligé de nous annoncer un différend, des difficultés nécessitant des explications. (Interruption.)
Mais si nos appréhensions manquent de base, l'honorable ministre ferait beaucoup mieux de dire ce qu'il en est et de ne pas laisser le pays supposer peut-être plus qu'il n'y a.
Si le gouvernement italien ne s'est pas plaint de la manière de faire du gouvernement belge, eh bien, qu'on le dise. Mais nous ne pouvons pas comprendre que, quand on parle d'explications, il n'y a pas quelque chose de sérieux qui a rendu ces explications nécessaires. L'honorable comte de Theux disait tout à l'heure : On s'explique tous les jours ! Evidemment, on peut avoir tous les jours à s'expliquer sur le texte de tel ou tel traité, sur tel ou tel fait ; mais ce n'est pas de cela bien certainement qu'il s'agit. Pour que le ministre d'Italie ait dû se rendre dans le cabinet de M. le ministre des affaires étrangères avec une note de son gouvernement, il faut que cette démarche ait été rendue nécessaire par un motif grave.
Pour que, de son côté, M. le ministre des affaires étrangères ait dû envoyer une dépêche à son ministre à Rome, il faut évidemment qu'il y ait, dans nos rapports avec l'Italie, une tension regrettable.
M. le ministre des affaires étrangères nous a dit encore : J'ai donné à M. Solvyns l'instruction d'aller à Rome, d'aller y résider quelque temps et de ne prendre son congé que plus tard ; je lui ai dit de notifier cette instruction à tous les représentants diplomatiques des autres puissances.
Pourquoi avez-vous donné à M. Solvyns ces instructions ? C'est, pardonnez-moi le mot, une reculade.
Et ce qui le prouve, c'est que vous écrivez dans ce sens à notre ministre avant que le congé que vous lui aviez accordé ne fût pris, congé que vous avez annoncé il y a deux mois, congé qui évidemment n'a plus d'explication, congé qui n'a été inventé que pour retarder une conduite franche et nette vis-à-vis du gouvernement italien.
Pourquoi avez-vous donné ces instructions ?
Il faut bien le dire : vous l'avez fait pour apaiser le gouvernement italien.
Vous avez bien fait, mais en agissant ainsi, vous reconnaissez que vous avez des torts à l'égard du gouvernement italien.
(page 852) Nous avons le droit de vous demander quels sont ces torts.
MM. les ministres des finances et des affaires étrangères ne veulent pas s'expliquer. Nous savons pourquoi.
On donnera probablement au gouvernement italien toutes les satisfactions par la correspondance.
On lui dit non seulement qu'on s'associe au langage du prince de Ligne, langage qui n'est pas déjà si énergique. Il a dit : « Quelle que soit l'opinion que l'on ait, on ne peut attaquer un gouvernement étranger. »
Le gouvernement, dans sa correspondance, dit certainement qu'il proteste contre les paroles prononcées contre le roi d'Italie, mais il importe que nous le sachions et ce qu'on veut, c'est que nous ne connaissions pas cette correspondance, afin que les hommes du Bien public ignorent aussi complètement.
Le ministère leur dira ; « Voyez comme nous sommes énergiques ! Notre ministre est arrivé le dernier à Rome, le gouvernement du roi Victor-Emmanuel a protesté contre notre conduite et nous avons tenu bon. »
Un honorable membre de la gauche a demandé à M. le ministre des affaires étrangères de s'associer aux paroles (qu'on ne se rappelait probablement plus) de l'honorable prince de Ligne, et l'honorable M. Dumortier, le fougueux défenseur de la papauté, a dit aux ministres : Si vous parlez, vous êtes perdus auprès du clergé ; les curés de Thielt et d'autres localités ne donneront plus l'absolution.
Je soutiens que l'attitude que le ministre tient devant la Chambre, il ne l'observera pas dans sa correspondance et ses relations avec le gouvernement italien.
En effet, d'après l'honorable M. d'Aspremont-Lynden on dirait qu'il n'y a pas de règles en matière diplomatique. L'honorable ministre se trompe. Ces règles sont bien établies et connues.
Il est de jurisprudence et d'usage constant que les gouvernements étrangers attaqués dans une assemblée politique doivent être défendus par les ministres. C'est précisément pour cela que les puissances étrangères ont des ministres accrédités auprès du gouvernement du pays.
Ainsi vous vous imaginez que quand un gouvernement étranger est attaqué, le gouvernement belge n'a pas le devoir de le défendre ; c'est une erreur ; sinon comment de bonnes relations seraient-elles possibles ? Comment voulez-vous que l'Italie proteste dans cette enceinte contre les injures, contre les attaques ou contre les calomnies qui peuvent être dirigées contre son gouvernement ? Quand naguère M. Dumortier s'est permis d'attaquer le roi d'Italie, M. Frère-Orban s'est levé et a répondu.
M. Dumortier. - Et quand on a attaqué le pape, qui a répondu ?
M. Bouvier. - On ne l'a pas attaqué ; on le laisse bien tranquille.
M. Bara. - Vous parlez d'attaques envers le pape, mais où cela ?
M. Dumortier. - Ici, dans la Chambre.
M. Bara. - M. Dumortier nous dit qu'on a attaqué le pape, alors qu'il était chef d'Etat, et que le gouvernement n'a pas répondu. Je ne. crois pas que, sous le ministère libéral, lorsqu'on a attaqué le gouvernement papal, les ministres aient manqué à leur devoir et n'aient pas protesté. On ne saurait, à cet égard, citer aucun fait.
Je suis depuis dix années dans cette Chambre et je ne me souviens pas que des attaques aient été dirigées contre le gouvernement romain sans que le ministre des affaires étrangères ou un autre y ait répondu.
Si on a attaqué le pape au Sénat, si vous considérez encore le pape comme pouvoir temporel, c'était à vous de le défendre, et M. de Theux, dans son discours, a du reste répondu aux attaques dirigées contre le pape.
Mais c'est ce que vous n'avez pas fait au Sénat pour le roi d'Italie et à deux reprises différentes, car au Sénat c'est la seconde fois que MM. Solvyns et de Hemptinne attaquent de la manière la plus violente le roi d'Italie et ni la première ni la seconde fois le gouvernement n'a protesté.
Par conséquent, rien d'étonnant que le gouvernement du roi d'Italie se soit dit : Est-ce avec l'approbation du ministère que ces attaques ont été dirigées contre le roi Victor-Emmanuel ? Nous sommes alliés et amis et il n'a pas fait entendre un seul mot de protestation !
Si ce système était admis, il est évident que nous, qui sommes un petit peuple, on pourrait nous calomnier dans tous les parlements de l'Europe. Sans doute, nous vivons par nous-mêmes, mais aussi par l'appui que nous recevons de l'étranger.
Nous avons le plus grand intérêt à être bien avec tout le monde. Eh bien, vous inaugurez un système qui tend à refroidir nos relations avec tout le monde. Car il est certain que si vous pouvez faire aujourd'hui pour le roi d'Italie ce que nous blâmons, demain vous pourrez le faire vis-à-vis d'un autre gouvernement. Supposons qu'un jour s'établisse auprès de nous un régime despotique qui soit hostile aux sentiments, aux institutions de la Belgique. Irez-vous retarder l'envoi d'un ministre ? Irez-vous user de ces mesquins moyens, je dirai même de ce ridicule moyen, d'un congé dont on ne profite pas ? Irez-vous donner à votre ambassadeur l'instruction de boucler ses malles ou de les déboucler, selon telle ou telle circonstance insignifiante ? (Interruption.)
Cette politique est profondément puérile ; elle manque de franchise ; elle manque de loyauté, cela manque du bon sens traditionnel de la Belgique, et la Belgique tout entière sourit devant ces petits moyens. (Interruption.)
Messieurs, l'Europe n'ignore pas qu'il y a en Belgique un grand parti qui voudrait pousser les zouaves pontificaux à la guerre contre l'Italie. Mais l'Europe doit être convaincue d'une chose, c'est que la grande majorité de la Belgique n'est pas du tout d'avis d'intervenir dans les affaires des puissances étrangères.
Nous n'avons pas à nous prononcer sur ce qui se passe en Italie, à laquelle nous sommes sympathiques. Mais officiellement nous reconnaissons les gouvernements qui sont établis. Or, le gouvernement du roi Victor-Emmanuel est établi ; nous le reconnaissons, et dès lors nous devons avoir un ambassadeur auprès de lui ; nous ne devons pas recourir à des finasseries, à des habiletés qui ne servent qu'à compromettre nos intérêts plutôt qu'à les servir.
M. Solvyns a été envoyé à Rome ; j'en suis heureux. Qu'il y reste et qu'on ne le rappelle plus. Qu'on dise une bonne fois, aux gens du Bien public et aux évêques, que leur politique est impossible, qu'elle n'est pas belge, que nous reconnaissons le roi d'Italie, que nous avons un ministre auprès de lui et que nous entendons maintenir nos bonnes relations avec l'Italie. (Interruption.)
On a dit, dans la presse, qu'il y avait eu des plaintes du gouvernement d'Italie au sujet des attaques violentes dirigées par certains journaux contre le roi d'Italie. Je ne viens pas demander la répression de ces attaques ; je ne suis pas partisan des procès de presse et je crois que ce que le gouvernement du roi d'Italie a de mieux à faire, c'est de ne pas se préoccuper de ce que disent les journaux cléricaux qui l'attaquent. Mais je me permettrai d'appeler l'attention du pays et l'attention de certains journaux sur les conséquences de ce qui se passe.
Nous pouvons avoir affaire avec des gouvernements ombrageux ; nous pouvons voir se reproduire ce qui s'est vu à une autre époque.
La Belgique a dû introduire dans sa législation une loi pour protéger les souverains étrangers contre les injures.
Or, je demanderai à la presse catholique comment il sera possible d'appliquer désormais cette loi, après ce que nous lisons tous les jours dans les feuilles cléricales à l'égard du roi d'Italie ; je lui demande si elles ne forgent pas dans ce moment des armes pour faire excuser toutes les attaques qui seront désormais dirigées contre les souverains étrangers ; je lui demande à quel péril seraient livrées nos institutions, si nous devions de nouveau être l'objet des reproches qui ont été adressés à la Belgique au congrès de Paris ; je lui demande, si un gouvernement ombrageux venait encore demander l'application de nos lois sur la presse, ce que nous pourrions lui répondre, en présence de l'impunité dont je ne me plains pas, laissée aux plus indignes calomnies dirigées contre le roi Victor-Emmanuel.
Ces questions je les adresse aussi au gouvernement et aux hommes influents de la droite. Il ne s'agit pas de légiférer contre la presse, il s'agit de ne pas s'associer, par un silence approbateur, à des calomnies reconnues positives. Qu'on y fasse attention, il n'est pas seulement question de nos rapports avec l'Italie ; il s'agit encore de nos intérêts nationaux les plus chers, de la conservation de notre nationalité. Eh bien, si des événements amenaient une situation difficile, je demande quels efforts efficaces pourra faire le gouvernement pour les conjurer.
On ne dit rien ; on ne proteste pas ; on laisse passer toutes les injures ; on semble presque s'en réjouir. Et il n'y a pas une voix grave, calme et raisonnée qui vienne dire à ces personnes qu'inspire le fanatisme : « Songez au pays et à sa liberté ; vous compromettez la nationalité belge. »
Je termine, messieurs, en disant : Je ne puis approuver la conduite équivoque du gouvernement et je blâme la conduite des hommes politiques de la droite.
La conduite du gouvernement a été sinueuse, tortueuse, embarrassée. Des actes inexplicables ont été posés : on donne un congé au ministre auprès du roi d'Italie, puis on retire ce congé sans que personne connaisse le motif d ce retrait. Le ministre auprès du roi d'Italie devait, dit-on, venir saluer le Roi et il reste à Florence..
Tout à coup, sur la révélation que des difficultés avaient surgi entre notre gouvernement et le gouvernement italien, on apprend que le gouvernement a donné l'ordre à notre ministre en Italie d'aller à Rome et on nous (page 853) annonce que c'est seulement après qu'il aura été à Rome, qu'il prendra son congé, ce qui sera encore une mauvaise chose.
Comment, on fera entrer notre ministre dans son hôtel, on le montrera pendant deux jours à Rome et on lui fera prendre ensuite le chemin de la Belgique.
Je le dis sincèrement, le mieux est qu'il réside désormais à Rome ; s'il a attendu six ans pour voir le Roi, il peut bien encore attendre un an pour lui présenter ses hommages.
Quant au parti politique qui soutient le ministère, sa conduite n'est pas franche. Ce que veulent les évêques, on ne peut le donner ; les évêques avaient demandé au Roi d'intervenir dans les affaires d'Italie ; cela n'était pas possible.
Eh bien, il faut combattre les indignités dont on abreuve le gouvernement italien et qui n'ont d'autre effet que de nous mettre mai avec un peuple qui se trouve aujourd'hui en bonnes relations avec nous.
Je ne puis donc pas approuver la conduite du gouvernement et je demande qu'il nous donne des explications plus complètes qui rétablissent la situation dans son vrai sens, dans son sens constitutionnel.
M. le président. - M. Guillery a fait parvenir au bureau un ordre du jour ainsi conçu :
« La Chambre invite le gouvernement à déposer sur le bureau la correspondance échangée depuis six mois entre M. le ministre des affaires étrangères et les ministres accrédités auprès de S. M. le roi d'Italie et auprès du saint-siège apostolique, et passe à l'ordre du jour. »
M. Malou, ministre des finances. - Il n'y a pas eu d'équivoque, de manque de franchise ni de reculade en ce qui concerne la légation de Rome.
Lorsque le budget des affaires étrangères a été discuté à la Chambre, sur des interpellations qui m'ont été faites, nous avons déclaré de la manière la plus explicite, M. le ministre des affaires étrangères et moi, que la légation d'Italie serait définitivement et devait être transférée et rester à Rome.
Cette déclaration a été faite par mon honorable ami, M. le ministre des affaires étrangères, aussi bien dans la Chambre qu'au Sénat ; elle sera littéralement exécutée. Est-ce clair, cette fois ? Elle est exécutée à l'heure où nous parlons, en ce qui nous concerne. Si cela n'est pas clair et suffisant, je ne sais vraiment ce que je puis y ajouter.
L'honorable M. Bara a fait quelques observations très justes. Il ne faut pas nous dissimuler que dans la situation actuelle de l'Europe, à l'époque où nous vivons comme antérieurement, la liberté absolue de la presse peut quelquefois créer au gouvernement, comme elle l'a fait il y a quelques années, des difficultés extérieures assez graves.
Chacun se rappelle qu'il y a eu une époque (et l'honorable membre rappelait lui-même le congrès de Paris) où l'on a même été jusqu'au point de dire qu'il faudrait que la Belgique renonçât à cette liberté à laquelle, je l'espère, elle ne renoncera jamais, quels que puissent en être les dangers et les difficultés.
- Des membres à droite. - Très bien !
M. Malou, ministre des finances. - On nous dit : Mais restreignez donc la liberté de la presse...
- Des membres à gauche. - Jamais !
M. De Fré. - Nous n'avons pas dit cela.
M. Dethuin. - Il ne faut pas nous attribuer des paroles qui n'ont pas été prononcées.
M. Defuisseaux. - Ayez au contraire pour la presse la même condescendance que pour ceux qui attaquent les souverains étrangers.
M. Malou, ministre des finances. - Nous ne nous associons pas à leurs attaques. Nous le»ssubissons quelquefois nous-mêmes et nous savons les subir parce que nous savons que tel est notre devoir.
Je disais à la Chambre que la modération dans la discussion, quelle qu'elle soit, lorsqu'elle touche à nos relations internationales, est un devoir pour la presse comme pour chacun de nous. Lorsqu'on nous convie à intervenir pour protester contre telle ou telle offense, j'ai bien le droit d'émettre un vœu ; c'est que tout en usant de la liberté de la tribune et de la liberté de la presse, il n'y ait d'offense pour personne à l'étranger.
Messieurs, l'honorable membre suppose que j'ai dit une chose extrêmement grave en parlant de l'état d'explications. Eh bien, rien n'est plus simple et rien n'est plus anodin- si vous me permettez le mot - que cette situation-là. Elle se présente tous les jours : tous les jours on échange entre gouvernements, soit à propos de faits de politique intérieure, soit à propos d'événements du dehors, de bonnes et amicales explications. (Interruption.) Et je ne sais vraiment pas comment on peut supposer, parce qu'on échange quelques explications verbales sur une situation donnée, il y a nécessairement de graves perturbations à craindre dans les relations d'un pays avec l'autre,
Les honorables membres se font illusion et j'espère même que le débat actuel n'aggravera pas le caractère qu'ont ces explications ; je le désire et je l'espère.
Messieurs, ces explications sont amicales, et, malgré toutes les provocations, elles conserveront ce caractère. Voilà ce que nous pouvons déclarer à la Chambre, et notamment si elles peuvent avoir eu pour objet quelque retard à l'installation définitive de notre légation d'Italie à Rome, sans reculade et persistant dans ce que nous avons déjà dit, nous avons pris des mesures pour que cette installation ait lieu.
Je ne discuterai pas, messieurs, les autres points ; je ne sais pas, en vérité, ce que viennent faire dans cette discussion et les abus du moyen âge et les tendances des partis depuis quelques siècles. Je crois que nous avons à examiner et que la Chambre a à juger si, en réalité, dans la situation actuelle, le gouvernement n'a pas rempli correctement et complètement ses devoirs internationaux.
M. Bara. - Je dois protester contre un mot prononcé tout à l'heure par M. le ministre des finances. L'honorable ministre a voulu faire croire que j'avais provoqué à l'irritation entre les deux gouvernements. (Dénégation de M. le ministre des finances.) Si cela ne s'adressait pas à moi, je n'insisterai pas. Je dirai seulement qu'il ne me semble pas que cela s'applique davantage à aucun des orateurs qui m'ont précédé. Personne de nous ne désire voir surgir des difficultés avec l'Italie ; au contraire, nous désirons que le meilleur accord existe entre les deux pays et c'est précisément parce que nous le désirons que nous avions espéré que le gouvernement nous aurait donné les explications qu'il a fait porter à Rome, ce qui eût été, je pense, un bon moyen de conciliation et un témoignage d'amitié et de sympathie pour l'Italie.
On nous dit qu'on ne peut pas parler. Cela n'est pas sérieux.
Messieurs, quand on voit les explications qui se donnent aux Chambres anglaises où presque journellement on est au courant des faits les plus récents, on s'étonne que nous ne puissions rien savoir de précis sur une affaire qui date de loin.
Nous ne savons même pas quel est l'objet des froissements.
Est-ce au sujet du transfert de notre légation à Rome ? Est-ce au sujet des attaques de la presse ? Est-ce au sujet de ce qui a été dit au Sénat ? Est-ce à propos d'autre chose ?
Apparemment, ce ne sera pas au sujet de ce que l'on appelle le cas de M. le procureur du roi d'Ypres, puisque cette affaire concerne le pape et a été suivie d'une solution heureuse.
Nous devons rester dans le doute sur le sujet qui donne lieu aux explications.
Le ministère n'agit pas bien. Il devrait protester ici contre les attaques dont le roi d'Italie a été l'objet. Si l'honorable ministre des affaires étrangères ne le fait pas, il provoquera l'irritation.
S'il ne tient pas ce langage, qui est dans son rôle constitutionnel, on dira qu'il approuve ces attaques, et au lieu d'avoir amélioré nos relations avec l'Italie, il les aura empirées. (Interruption.)
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. – Messieurs, j'avais appelé l'attention de la Chambre sur ce point qu'il n'y aurait pas convenance à discuter la situation actuelle, avant que j'aie reçu la réponse que j'ai demandé à notre envoyé près de S. M. le roi Victor-Emmanuel.
Il paraît que certains membres n'en ont pas tenu compte et ont passé outre.
J'insiste là-dessus parce que le gouvernement a parfaitement le droit de ne pas accepter un débat sur les explications que nous avons fait donner au gouvernement italien avant que le rapport de notre envoyé nous soit parvenu : aussitôt que notre devoir et les convenances le permettront, nous fournirons à la Chambre les éclaircissements qui seront jugés nécessaires.
Quant aux attaques dirigées contre un souverain étranger, on me demande si je m'y associe. Non, messieurs, je proteste et je proteste de la manière la plus énergique contre toutes les attaques dirigées contre n'importe quel souverain étranger d'où qu'elles viennent. Le gouvernement ne s'associera jamais aux attaques dirigées contre un gouvernement étranger.
J'espère, messieurs, que cette déclaration est assez catégorique et assez complète et qu'elle suffira à la Chambre.
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.
(page 854) Je vais mettre aux voix l'ordre du jour de M. Guillery.
M. Malou, ministre des finances. - M. le président, qu'est-ce que cela veut dire : déposer la correspondance ? Il y a un échange d'explications qui se fait encore en ce moment ; ce qu'on propose n'est pas possible.
Je demande que l'honorable membre n'insiste pas davantage.
M. Guillery. - M. le ministre des finances ne sait pas ce que signifie le mot « correspondance. » J'en suis surpris au dernier point. La correspondance se compose des lettres qui ont été échangées entre M. le ministre des affaires étrangères et les envoyés diplomatiques. Voilà ce que c'est que la correspondance : avec le dictionnaire de l'Académie, celui de Bescherelle et celui de Littré, je ne pourrais pas mieux dire.
Ma proposition était nécessaire, puisque ni M. le ministre des finances, ni M. le ministre des affaires étrangères ne m'ont pas même fait l'honneur de répondre à ma demande réitérée dans deux circonstances différentes ; ce n'était ni très constitutionnel ni très gracieux. Il fallait donc bien faire ma proposition pour les amener à parler. Maintenant on parle, et même après la clôture.
A la vérité, je n'ai pas bien compris ce qu'on nous a promis.
L'honorable ministre des affaires étrangères dit que lorsque les explications envoyées à Rome ou plutôt à Florence, car elles doivent passer par Florence, et la correspondance doit porter cette suscription : A M. le ministre belge à Rome demeurant à Florence ; que lorsque, dis-je, ces explications auront pris fin, on nous les communiquera. Mais, en attendant, nous communiquera-t-on la correspondance que j'ai demandée, la correspondance échangée depuis six mois et dans laquelle nous verrons ce que j'ai signalé tout à l'heure, c'est-à-dire dans quels termes le gouvernement a donné ses instructions à notre envoyé, dans quels termes un congé a été demandé, dans quels termes il a été accordé.
Ma proposition n'a pas pour but le dépôt immédiat ; si l'on veut attendre que les explications soient terminées, nous attendrons. Cependant M. le ministre des finances et M. le ministre des affaires étrangères nous ont dit que ces explications n'avaient rien de grave, qu'elles étaient amicales. Je ne sais, dès lors, comment nous pourrions compromettre nos relations par des discussions dans lesquelles nous témoignons toute notre sympathie pour le gouvernement avec lequel il s'agit de traiter, je veux dire de s'expliquer.
La communication de la correspondance ne peut avoir qu'un effet : c'est de montrer quelle a été la loyauté, quelle a été la franchise du gouvernement dans cette affaire. C'est donc surtout dans son intérêt, on le comprend assez, que je demande cette communication.
Si maintenant M. le ministre des affaires étrangères veut bien nous promettre que la correspondance sera déposée dès que les explications qui s'échangent aujourd'hui seront terminées, je retirerai ma proposition. Sinon, je demanderai qu'elle soit soumise à un vote, en faisant remarquer de nouveau que je n'ai pas fixé de terme et que le gouvernement demeure libre de fixer le jour où cette correspondance pourra être déposée sans inconvénient.
M. Dumortier. - Il est contraire à tous les précédents parlementaires, dans tous les pays du monde, de demander communication de la correspondance sur une affaire au sujet de laquelle une discussion est engagée entre gouvernements et n'est pas terminée. J'adjure l'honorable membre de retirer sa proposition, qu'il pourra renouveler quand il le voudra. Mais il est évident que la Chambre ne peut voter une pareille proposition. Je le répète, ce serait contraire aux précédents parlementaires de tous les pays.
M. Rogier. - Messieurs, bien qu'on ne nous ait pas dit sur quels points portent les explications diplomatiques qui s'échangent en ce moment, nous sommes très intéressés à le connaître le plus tôt possible. Je demanderai donc à MM. les ministres, s'ils peuvent nous dire à quelle époque rapprochée nous pourrons connaître le résultat de ces explications. Cela ne peut pas être remis indéfiniment.
Il est évident que, si d'ici à peu de temps, le gouvernement nous apporte ce qu'il nous a promis, il y joindra la correspondance échangée entre les deux gouvernements.
Si cette correspondance paraît insuffisante aux membres de la Chambre, ils demanderont au gouvernement de la compléter.
Jusque-là, on pourrait, selon moi, ne pas insister sur le dépôt de la correspondance.
Je pense que MM. les ministres peuvent, sans inconvénient, nous dire s'ils seront bientôt en position de nous soumettre l'objet et le résultat des explications.
Je croîs que l'honorable M. Guillery pourrait ajourner sa motion jusqu'au moment où le gouvernement nous aura fait sa communication. Si cependant cette communication devait se faire attendre, je demanderais alors moi-même le dépôt de la correspondance.
Puisque j'ai la parole...
M. le président. - Pardon, M. Rogier, la discussion a été close.
M. Rogier. - Elle n'a pas été close.
M. le président. - Elle l'a été ; voulez-vous que je vous accorde la parole sur la position de la question ?
M. Rogier. - Je regrette, M. le président, que vous me fassiez cette observation ; je le regrette d'autant plus que j'avais à féliciter M. le ministre des affaires étrangères de la dernière déclaration qu'il nous a faite ; j'exprime seulement le regret que cette déclaration soit venue si tardivement.
Je n'ai pas compris comment M. le ministre des affaires étrangères, qui a des élans de franchise, a pu rester muet sur son banc au Sénat lorsqu'on y a attaqué de la manière la plus outrageante un souverain étranger ; il m'a paru que la franchise de son caractère aurait dû l'empêcher de garder le silence. Aujourd'hui il s'est clairement expliqué : il a dit à la Chambre ce qu'à mon sens il aurait dû dire au Sénat. Je le félicite de sa déclaration d'aujourd'hui, tout en regrettant le silence qu'il a gardé ailleurs.
Voilà tout ce que j'avais à dire.
Je demande donc à M. le ministre de vouloir fixer à peu près l'époque où il pourra déposer le résultat des explications qui nous ont été annoncées. C'est beaucoup que nous n'exigions pas aujourd'hui que l'on nous fasse connaître l'objet de ces explications. Mais enfin, puisqu'on nous a promis des explications, ce que je demande, c'est qu'elles nous arrivent le plus tôt possible et avant la fin de la session.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Il m'est impossible de fixer, dès maintenant, une date pour le dépôt des pièces qui seront jugées de nature à pouvoir être communiquées.
M. Rogier. - Sera-ce dans la session actuelle ?
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères.- Je ne saurais rien préciser ; nous remplirons notre devoir, ainsi que je l'ai dit : dès que les explications que j'attends d'Italie me seront parvenues, je les communiquerai à la Chambre.
MpT.- Maintenez-vous votre ordre du jour, M. Guillery ?
M. Guillery. - Puisque nous n'avons pas même l'assurance de recevoir des explications dans la session actuelle, je suis obligé de le maintenir. Mais qu'on laisse de côté les dernières instructions, puisque les négociations ou plutôt les explications sont encore pendantes et qu'on se borne à nous donner la correspondance qui précède ces négociations, afin que nous puissions savoir ce qui a été fait depuis six mois ; voilà tout ce que je demande.
- Voix nombreuses. - L'appel nominal !
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ordre du jour présenté par M. Guillery.
95 membres prennent part au vote.
54 répondent non. ;
41 répondent oui.
En conséquence, l'ordre du jour n'est pas adopté.
Ont répondu non :
MM. Beeckman, Berten, Biebuyck, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Reynaert, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Léon Visart, Wasseige, Wouters et Thibaut.
Ont répondu oui :
MM. Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Couvreur, Crombez, Dansaert, David, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, de Lhoneux, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Muller, Rogier, Sainctelette, Tesch, Van Humbeeck, Van Iseghem et Vleminckx.
(page 855) M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je vais continuer mes explications sur les interpellations qui m'ont été adressées dans de précédentes séances.
J'en étais arrivé aux recommandations de mon honorable collègue et ami, M. de Clercq qui nous a entretenus de l'endiguement du Zwyn.
Ancien bras de mer, le Zwyn baignait autrefois Bruges et lui apportait la prospérité avec une très grande activité commerciale. Aujourd'hui le Zwyn est devenu un foyer de miasmes engendrant des fièvres paludéennes ; c'est un immense marais qu'il s'agit de conquérir à l'agriculture. Il appartient en partie à la Hollande et en partie à la Belgique.
Les bases d'un arrangement ont été convenues entre les deux pays pour créer un endiguement au moyen duquel ce marais sera desséché et formera dorénavant une grande étendue de terre d'une fertilité tout à fait hors ligne.
Le gouvernement a reçu de M. le ministre des affaires étrangères à La Haye une lettre insistant sur l'opportunité de mettre le plus tôt possible les travaux en adjudication.
La convention à faire entre les deux pays est préparée et je serai bientôt en mesure de présenter un projet de loi de crédit pour l'exécution de l'ouvrage.
L'honorable M. de Clercq voudrait voir Bruges reprendre son ancienne splendeur.
Il ne pourrait, a-t-il dit, voter l'amendement de l'honorable M. Lefebvre qu'autant que le crédit demandé par cet amendement fût applicable à des études ayant pour objet la création d'un port de mer dans la capitale de la Flandre occidentale.
Ainsi, l'honorable membre, voyant que la mer avait abandonné Bruges, voudrait qu'on la lui rendît d'un autre côté.
Je ne puis que m'associer à ces espérances, tout en exprimant le doute cependant qu'elles soient d'une réalisation bien facile et bien prompte.
L'honorable M. Hermant a manifesté la crainte que la station de Jumet ne fût déplacée. Cette crainte, messieurs, n'est pas fondée : le plan déterminant l'emplacement de cette station est approuvé, ainsi que celui de la section même dont dépend la station. Seulement des réserves ayant été faites par mon département en ce qui concerne certains embranchements industriels, la compagnie a fait, à son tour, des observations, ce qui suspend le commencement des travaux.
Dans tous les cas, l'emplacement de la station ne sera pas modifié ; il sera maintenu tel qu'il a été décrété.
L'honorable membre engage le gouvernement à intervenir entre la compagnie des Bassins houillers et celle du Grand-Central pour amener entre elles un accord ayant pour objet la construction et l'exploitation de gares communes. C'est là, messieurs, la voie dans laquelle je suis entré et j'espère que l'accord désiré se fera, attendu qu'il serait regrettable que, par un défaut d'entente, les travaux restassent inexécutés.
L'honorable membre demande aussi que le gouvernement approuve la construction des raccordements ou embranchements industriels en même temps qu'il fixe le tracé de la ligne principale.
Cette demande est également fondée et je ne l'ai pas attendue pour agir dans le sens indiqué.
L'honorable membre regrette qu'un terme de quatorze mois ait été fixé dans la convention pour le transport des laitiers de Châtelineau.
Déjà des mesures sont prises pour que l'enlèvement de ces laitiers se fasse dans un délai beaucoup plus court. Une partie pourra, j'espère, en être dirigée sur Gilly et sur Montigny et une partie de ceux qui sont nécessaires pour former le terre-plein de la station de Charleroi sera prise à un endroit plus rapproché.
L'honorable M. Santkin a fait un plaidoyer éloquent en faveur de la ligne d'Athus à Givet ou d'Athus à Charlceoi.
Je me suis déjà expliqué sur ce point et je ne puis que me référer à ce que j'en ai dit jusqu'à présent.
Je conçois l'intérêt que les populations qui seraient desservies par ce chemin de fer ont à sa construction, mais la décision à prendre dépend d'éventualités de différentes natures.
M. Bouvier. - 300,000 âmes attendent ce chemin.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - L'honorable M. Santkin soutient aussi que cette ligne serait d'une grande utilité ; mais l'avenir décidera quelle est la direction à donner aux chemins de fer qui devront se construire un jour dans les contrées qui les réclament.
L'honorable M. Notelteirs s'est intéressé à sa bonne ville de Lierre. Il a appelé mon attention sur le régime des deux Nèthes.
Le projet des travaux est achevé ; il a été communiqué le 19 décembre 1871 à l'administration communale de Lierre. Celle-ci me l'a renvoyé le 27 mars dernier, avec quelques observations de détail que j'ai mises immédiatement à l'étude.
J'espère que l'adjudication aura lieu sous peu et, en attendant, on procède à l'expropriation d'une usine dont l'acquisition doit précéder la mise à exécution des ouvrages à entreprendre.
L'honorable M. Vleminckx a appelé l'attention de la Chambre sur la ligne de Bruxelles à Luttre et il a manifesté la crainte que je ne me fasse illusion alors que je dis que cette ligne sera probablement livrée à la circulation pour le 1er juillet 1873.
Messieurs, ma déclaration est le résultat d'un rapport officiel émanant d'un ingénieur très compétent et qui m'assure que si les entrepreneurs accomplissent seulement leurs engagements comme ils le doivent, l'ouverture aura lieu, en effet, pour la date que je viens de rappeler, en ce qui concerne la partie la moins avancée, tandis que la partie la plus rapprochée de Bruxelles pourra être ouverte plus tôt.
Une crainte a également été manifestée par l'honorable M. Vleminckx, relativement à un passage à niveau qui se trouverait à la bifurcation de la ligne du Midi, de la ligne de Luttre et de la ligne de ceinture et qui constituerait un danger réel. Je me suis renseigné sur ce point, et il m'a été démontré qu'il n'y aura pas de passage à niveau, qu'au contraire on fait des dépenses assez considérables pour passer en viaduc.
Partout, messieurs, l'administration adopte le système de passer au-dessus des voies plutôt que de faire des passages à niveau et c'est ce qui se fait partout, sauf seulement lorsque la dépense n'est pas justifiée par l'activité relative de la circulation.
Quant à l'ouverture du chemin de fer de ceinture pour le transport des voyageurs, elle ne pourra pas avoir lieu d'une manière complète avant l'automne ; mais dans deux mois, le transit pourra s'effectuer directement entre la ligne du Nord et la ligne du Midi.
M. Bouvier. - Les stations ne sont pas faites.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Les stations n’ont pu être faites encore et c'est précisément pour cette raison que les trains locaux ne pourront pas être organisés complètement avant l'automne.
Toutefois, je ferai en sorte que les populations puissent profiter, dans une certaine limite au moins, des voies qui sont déjà placées ; elles trouveront qu'il vaut mieux pour elles avoir un service incomplet que pas de service du tout.
M. Bouvier. -- Qu'on établisse des bâtiments provisoires.
MtpM.- Cela pourra se faire.
L'honorable M. David et l'honorable M. Simonis vous ont entretenus de nouveau du grand barrage de la Gileppe. Cé barrage est un travail colossal ; il doit contenir, en effet, 20 millions de mètres cubes d'eau. Cette masse énorme présente nécessairement quelques dangers, bien qu'on donne à la digue 60 mètres d'épaisseur et qu'on la construise avec les meilleurs matériaux. Aussi la commission d'ingénieurs qui a examiné le projet avait-elle conseillé de n'élever d'abord le barrage qu'à la hauteur de 37 mètres, laissant les 10 autres mètres à construire plus tard.
J'ai déjà dit, dans une précédente séance, que Jjespérais, après une enquête à faire, que je pourrais autoriser l'élévation d'un seul jet jusqu'à 47 mètres.
Depuis lors, j'ai eu à mon cabinet une partie du collège échevinal et du conseil communal de Verviers, qui est venue m'exposer les raisons très fortes pour lesquelles il est à désirer que le département des travaux publics permette l'érection de la digue jusqu'à sa hauteur définitive. Je répugnais à promettre cette élévation, mais une transaction m'a été offerte et je l'ai acceptée, parce qu'elle paraît ne présenter aucun danger et qu'elle aura beaucoup d'avantages, tant sous le rapport de l'économie dans la dépense à faire que sous le rapport des bienfaits à assurer à l'industrie verviétoise, laquelle insiste d'ailleurs pour être, dès maintenant, mise à même de se préparer, avec toute certitude, en vue de la réalisation complète du projet.
Cette transaction consiste à porter sans interruption le mur à la hauteur prévue, sous la réserve que la retenue d'eau ne pourra excéder 37 mètres sans l'autorisation formelle et préalable du département des travaux publics.
L'honorable M. David a parlé de la station à construire à l'est de la ville de Verviers ; il a formé le vœu qu'elle soit établie le plus tôt possible. J'apprécie l'utilité, la nécessité même de cette station. Je tiendrai la main à ce que les travaux s'en fassent sans délai. Cependant quelque retard est (page 856) à prévoir. Un ingénieur est, du reste, occupé en ce moment à négocier les acquisitions de terrains.
L'honorable M. David a dit ensuite que mon honorable prédécesseur aurait pris une mesure fatale aux familles des facteurs de la poste, en leur défendant de faire le commerce. L'allégation a un caractère trop général ; mon honorable prédécesseur n'a pas défendu aux familles des facteurs de faire un commerce quelconque ; il leur a défendu seulement de vendre des boissons enivrantes.
Déjà depuis longtemps la mesure était décrétée en principe. Il existait, en effet, un arrêté ministériel du 15 août 1862 qui avait la même portée, mais cet arrêté n'avait pas reçu d'exécution ; le principe, je le répète, avait donc été adopté depuis longtemps ; et cela prouve que les inconvénients signalés avaient de la gravité.
M. Wasseige. - C'est l'honorable M. Vanderstichelen qui a pris la mesure et qui l'a appliquée en partie ; je n'ai fait que la compléter.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. -L'honorable M. David a parlé aussi de l'irrégularité des relations postales entre Aubel et le canton de Daelhem. Il a réclamé la création d'un service de malle-poste entre Aubel et Visé.
Ces questions ont déjà été examinée, mais je suis tout disposé à les faire examiner de nouveau. En attendant, je puis annoncer à l'honorable membre qu'un service de messagerie a été établi, depuis le 10 mars dernier, entre Aubel et Visé.
M. Hagemans désirerait que la concession du chemin de fer de Romedenne à Givet et de Romedenne par Beaumont vers Bonne-Espérance fût accordée.
Cette concession avait été demandée par M. Closon. Mais la section de Bonne-Espérance à Beaumont, qui devait être établie par la compagnie des Bassins houillers, ayant été supprimée par arrêté royal du 30 novembre 1870, le demandeur a renoncé à sa demande, qui, dès lors, doit être considérée comme non avenue.
L'honorable M. Hagemans a exprimé le vœu que les voitures de deuxième et de troisième classes du chemin de fer de l'Etat fussent chauffées. C'est un but auquel je voudrais bien atteindre. Une commission étudie les divers modes de chauffage qui existent en ce moment.
Un ingénieur a été envoyé pour ce même objet en Allemagne, où l'on emploie un charbon dit « charbon chimique », dont l'usage paraît n'offrir aucun danger et ne pas donner lieu à des dépenses considérables.
Toutefois jusqu'à présent je n'ai aucune donnée certaine.
L'honorable M. Vermeire a parlé des stations de Termonde et de Zele ; je me suis déjà expliqué, dans une précédente séance, sur ces deux stations. Le temps viendra où elles seront agrandies et je crois que ce temps n'est pas éloigné.
L'honorable M. Vermeire a émis l'idée de laisser à l'industrie privée la construction du matériel du chemin de fer, en ne réservant à l'Etat que les réparations urgentes.
Eh bien, messieurs, c'est là ce que nous faisons. L'arsenal de Malines ne construit jamais de matériel neuf, si ce n'est que par exception il fait parfois un exemplaire du matériel nouveau à mettre en adjudication ; hors de là, il ne fait que des réparations.
Encore dois-je ajouter que les pièces destinées à ces réparations, telles que roues, bandages, essieux, tendeurs, chaînes, buttoirs et ferrements divers, sont livrés par l'industrie privée en suite de marchés contractés par adjudications publiques.
Enfin, l'honorable M. Vermeire a exprimé le désir de savoir si l'administration s'est préoccupée des mesures à prendre pour répondre, en fait de matériel, aux éventualités de transports auxquelles il y aurait à pourvoir ultérieurement.
Or, voici la liste du matériel de traction et de transport qui a été commandé par le gouvernement au moyen du crédit de 16 millions que vous avez mis récemment à ma disposition :
58 locomotives.
88 tenders.
1,000 waggons à charbon.
400 waggons à coke et à laine.
80 waggons plats de 10 tonnes pour rails.
40 waggons plats de 20 tonnes sur 8 roues.
50 fourgons freins.
40 waggons-traîneaux pour plans inclinés.
35 voitures à voyageurs de première classe.
28 de deuxième classe.
110 de troisième classe.
20 waggons à bagages pour trains de voyageurs.
2 petites locomotives pour les Bassins houillers.
3 tenders.
Outils, pièces de rechange, etc.
Toutes les locomotives doivent être livrées, d'après les dates exigées par les contrats, avant la fin d'octobre.
Les marchés de tenders doivent également être terminés en octobre.
Les marchés des waggons à coke et à laine, avant la fin du mois de juin.
Il faut ajouter qu'avant l'hiver prochain, l'administration sera entrée en jouissance de deux grands ateliers de voitures (Ans et Mons), que l'atelier de Braine aura reçu une extension considérable, et que les ateliers de M. Thévenet, à Anvers, acquis par l'administration, seront occupés par elle dès le mois de juillet prochain.
Ces installations permettront de remettre en circulation rapidement tous les véhicules qui seraient en mauvais état ; cela augmentera encore au nombre de waggons en service.
L'honorable M. de Macar, de même que l'honorable M. de Lexhy, s'est plaint, non sans raison, des longs retards qui sont apportés à l'exécution du chemin de fer de Hesbaye-Condroz.
Je remercie l'honorable membre de la confiance qu'il m'a témoignée quant à ma ferme volonté d'amener la complète exécution de cette ligne importante. Je ne pourrais que répéter ce que j'ai dit il y a deux ou, trois jours à l'honorable député de Waremme, et j'aime à croire que les plaintes des contrées que le chemin de fer dont il s'agit doit traverser n'auront bientôt plus de raison d'être.
L'honorable M. de Macar voudrait aussi que les barrières de la route de Tirlemont à Huy fussent supprimées immédiatement. Le même vœu a été exprimé par les honorables représentants de Verviers, pour ce qui concerne la route de la Vesdre.
C'est là une chose désirable sans doute, et j'accueillerai avec plaisir et bienveillance tout projet qui aurait pour objet d'abréger l'existence des barrières par une combinaison de nature à satisfaire tous les intérêts.
L'honorable M. Drion demande que les bâtiments de la station de Seneffe soient agrandis.
Jusqu'à présent, l'administration ne m'a fourni aucun plan concernant cette station.
J'examinerai avec bienveillance le projet lorsqu'il me sera soumis.
L'honorable membre craint que la commune de Jumet ne soit privée de son chemin de fer ou que l'établissement n'en soit ajourné, parce que la compagnie des Bassins houillers voudrait faire décréter à nouveau l'exécution de la section de Ransart à Gosselies. Je puis rassurer l'honorable membre sur ce point : il n'est nullement question de décréter à nouveau cette section. Elle a été supprimée et elle le restera au moins pour longtemps.
La compagnie des Bassins houillers ne paraît même nullement chercher à rétablir cette section ; et les modifications qu'elle demande à pouvoir apporter au tracé approuvé de la section de Noir-Dieu à Jumet, sont précisément nécessitées par la suppression même de cette section de Ransart à Gosselies.
Dans tous les cas, le gouvernement n'est nullement disposé à revenir sur la décision prise quant aux suppressions déjà ordonnées.
L'honorable M. Drion s'est plaint de ce que ses démarches réitérées pour obtenir des modifications à l'organisation et à la marche de certains trains de voyageurs de ou vers Charleroi n'aient pas encore abouti.
Il demande notamment qu'un train puisse se prolonger jusqu'à Tamines.
J'espère, messieurs, que quelques-uns des changements désirés par l'honorable membre pourront être introduits pendant la période d'été.
L'honorable M. Van Cromphaut a recommandé la station de Wichelen. Cette station a reçu les améliorations qu'elle réclamait.
L'administration va rechercher si la station de Wetteren doit être agrandie dans le moment actuel.
Quant au bureau de poste de Calcken et à un service de malle-poste à créer entre Calcken et Wetteren, j'ai fait connaître hier les dispositions de l'administration sur ce double objet.
L'honorable M. Van Cromphaut désire la construction d'abris dans les stations pour préserver le matériel du soleil et de la pluie.
C'est un désir très naturel et j'espère qu'il pourra être réalisé dans certaines limites.
Cela fait partie des travaux que l'administration se propose de faire. It se peut pourtant que l'on n'arrive pas à élever des hangars suffisants pour abriter toutes les voilures, parce que la dépense serait supérieure à l'économie à en recueillir.
Mais la construction de gares couvertes permettra déjà d'abriter un (page 857) grand nombre de véhicules. On a récemment construit à Bruxelles des abris spéciaux et on est à la veille d'en exécuter encore d'autres.
L'honorable M. Julliot, après avoir fustigé quelque peu les demandeurs de travaux, selon son habitude pleine d'humour, a appelé mon attention sur un point spécial qui intéresse son arrondissement.
Il s'agit des études de la route de Gelinden vers Horpmael et Vechmael. L'avant-projet de cette route doit parvenir prochainement au département ; il sera procédé immédiatement à l'enquête prescrite par l'arrêté royal du 20 avril 1837 et nous arriverons, j'espère, à l'exécution de la route qui tient tant à cœur à l'honorable M. Julliot.
L'honorable M. Julliot a appelé mon attention sur un autre objet : c'est sur la non-exécution d'une halte à Vieux-Hoesselt. Il se plaint de ce qu'on n'ait pas encore établi cette halte, comme elle avait été, dit-il, projetée.
Messieurs, je dois faire remarquer à l'honorable membre que les choses ne sont pas précisément dans la position qu'il a indiquée.
Il a bien été question de cette halte, mais jamais elle n'a été décrétée. L'honorable M. Julliot a dit que la cour d'appel avait évalué les terrains qui ont été expropriés à l'endroit où la halte devait être construite, à un taux représentant une plus-value du chef de la création probable de cette station.
Voici, messieurs, les renseignements qui me sont fournis à cet égard :
En 18653 quelques communes avaient demandé l'établissement d'une station à Vieux-Hoesselt. Mais il n'a jamais été fait droit à cette demande. Si la cour d'appel, dans l'évaluation qu'elle a faite, a eu égard à l'établissement éventuel d'une station, qu'on dit avoir été projetée, et si le non-établissement de cette halte peut donner lieu à certaines réclamations de la part des propriétaires, c'est envers la société concessionnaire qu'ils doivent exercer leur recours.
L'Etat, dans aucun cas, ne peut craindre un procès de ce chef, attendu que l'Etat n'a rien promis.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement examinera la demande des habitants de Vieux-Hoesselt et si quelque satisfaction pouvait leur être donnée, je m'empresserais de le faire.
J'arrive, messieurs, au discours de l'honorable M. Van Overloop. Cet honorable membre demande que l'Etat se montre généreux envers les polders du Pays-de-Waes.
Messieurs, lorsque la wateringue qui vient d'être constituée aura fait son travail, quand on sera fixé sur le chiffre de la dépense à faire, ce sera alors que le département des travaux publics pourra examiner s'il y a lieu et jusqu'où il y a lieu pour le gouvernement d'intervenir dans cette dépense. Celle-ci incombe surtout aux propriétaires intéressés, aux communes, à la province peut-être aussi. Mais si le gouvernement juge qu'il convient qu'il intervienne, il le fera avec une certaine générosité afin de répondre au désir de l'honorable M. Van Overloop et de ses honorables concitoyens.
L'honorable M. Van Overloop a terminé en demandant un grand port de mer à Rupelmonde. Il pense qu'il y a lieu de donner une succursale au port d'Anvers. Il n'en est pas le rival, mais il veut bien en être l'émule. Je lui souhaite toute la prospérité possible.
Dans la séance d'hier, l'honorable M. Tack a demandé que le département des travaux publics ne s'en tint pas d'une manière trop absolue a la réponse que j'ai adressée a la section centrale relativement à l'établissement d'un chemin de halage pour traction par chevaux sur les bords de la Lys.
Dans cette réponse, plusieurs objections ont été faites ; j'avoue que je n'étais pas très convaincu que toutes ces objections fussent fondées ; je me disais qu'il était impossible de perpétuer à jamais le mode primitif de la traction des bateaux à bras d'homme ou plutôt à poitrine d'homme.
Je m'engage bien volontiers à étudier la question et j'espère qu'elle aboutira à faire abolir cet usage, qui ne peut être maintenu dans notre siècle.
L'honorable M. Tack demande qu'un bureau de poste et un bureau télégraphique soient établis à Wevelghem.
Eh bien, heureusement pour cette commune, elle est, depuis peu de temps, dans les conditions voulues pour que les bureaux sollicités puissent lui être accordés.
L'honorable membre et la commune de Wevelghem apprendront ce fait avec plaisir.
Je termine, messieurs. Si j'avais oublié de satisfaire à quelque question qui appelât une réponse de ma part, je le regretterais et j'aurais, d'ailleurs, occasion d'y revenir dans le courant de la discussion des articles.
(page 859) M. Cruyt. - Messieurs, il a été beaucoup question ces jours-ci, dans cette enceinte, de ports de mer à établir un peu partout. On en a réclamé pour Bruxelles, Louvain, Malines, voire Rupelmonde, en attendant qu'on vienne en demander pour Charleroi, Mons et Namur ; je ne viens pas, à mon tour, demander l'établissement d'un port de mer à Gand, et je suis fort heureux de n'avoir pas à formuler une telle demande, ne fût-ce que pour n'avoir pas, moi aussi, à m'exposer à la verve caustique de notre honorable collègue, M. Julliot.
Gand, messieurs, est en possession d'un port de mer depuis des siècles, et ce port n'est pas une chimère puisqu'il est, dès à présent, visité tous les ans par 800 à 1,000 navires de grand tonnage.
Les efforts qu'ont faits de tous temps les Gantois et les divers souverains qui ont successivement gouverné nos provinces, les grands sacrifices qu'ils se sont imposés pour créer et maintenir une communication directe entre cette ville et la mer, attestent suffisamment que nous nous trouvons ici en présence, non d'un caprice à la mode ou d'un dada, mais d'un besoin sérieux et réel.
Le canal à grande section qui relie actuellement Gand à la mer est, vous le savez, messieurs, le canal de Terneuzen.
Il fut creusé pendant notre réunion à la Hollande, de 1825 à 1827, c'est-à-dire presque en même temps que le canal de la Nord-Hollande, qui relie Amsterdam à la mer du Nord et qui fut achevé en 1825.
Or, messieurs, il se fait que précisément les mêmes causes qui ont rendu le canal de la Nord-Hollande insuffisant, rendent également insuffisant le canal de Terneuzen ; ce sont les changements introduits dans les procédés de navigation.
Aujourd'hui, on donne aux navires un volume beaucoup plus considérable qu'autrefois ; ils ont aussi, surtout les bateaux à vapeur construits en fer, une bien plus grande longueur. Il en résulte que beaucoup de ces navires ne peuvent plus arriver jusqu'à Gand ; ils sont obligés de rompre charge à Terneuzen, et leurs cargaisons sont transportées à Gand, à grands frais, au moyen d'allégés, ce qui augmente énormément le prix de revient des marchandises.
Nous ne réclamons pas pour Gand le creusement, comme on le fait pour Amsterdam, d'un nouveau canal maritime ; Gand se contente de celui qui existe et demande seulement qu'il soit mis en état de répondre à sa destination.
Or, pour cela, trois choses ont été reconnues nécessaires, l'approfondissement du canal, son élargissement et le redressement de ses courbes.
Et ce travail, messieurs, qui intéresse à un si haut degré la prospérité de la ville de Gand, des Flandres et du pays tout entier, a été décidé par la législature. Déjà, il y a deux ans, les Chambres ont voté pour cet objet un premier crédit de trois millions.
Il ne reste donc plus ici qu'une simple question d'exécution par le gouvernement, et spécialement par le département des travaux publics, d'une chose arrêtée en principe par vous, messieurs, par le pouvoir législatif.
Mais, le croirait-on ? les travaux ont été poussés avec si peu d'activité, que le crédit de trois millions, voté il y a deux ans, est loin encore, à l'heure qu'il est, d'avoir été dépensé. Les travaux marchent avec une lenteur vraiment désespérante.
Et, au train dont les choses ont marché jusqu'ici, il est fort à craindre, s'il n'y est mis promptement bon ordre, que le gouvernement belge mettra dix fois autant de temps à amender le canal que le gouvernement hollandais en a mis à exécuter ce grand ouvrage.
Le canal présente trois grandes courbes, qui sont un obstacle absolu au passage des navires d'une certaine longueur ; ce sont celles de Langerbrugge, de Rieme et de Roodenhuyze.
Les deux premières seules ont été redressées jusqu'ici.
Pour celle de Roodenhuyze, non seulement on n'a pas mis la main à l'œuvre, mais les acquisitions des terrains nécessaires pour le creusement du nouveau lit ne sont pas même faites à l'heure qu'il est.
M. le ministre des travaux publics, si je suis bien informé, est actuellement saisi d'un triple projet quant au tracé. Je le prie instamment de faire promptement son choix, d'y mettre de la bonne volonté, sinon nous sommes exposés à perdre encore cette campagne.
Qu'il veuille bien imprimer à tout l'ensemble du travail la plus grande activité ; ce sera l'unique moyen de satisfaire les vœux légitimes de mes commettants, et aussi de se conformer à la volonté formelle de la législature qui n'a pas voté des fonds pour qu'ils restent sans emploi.
Je sais que l'adoption définitive du plan général est subordonnée à l'approbation du gouvernement néerlandais et qu'une commission internationale, instituée à cette fin, est en ce moment saisie de l'examen de la question. Je désire que M. le ministre des travaux publics fasse tout ce qui dépendra de lui pour que cette commission ne procède pas avec trop de lenteur et qu'il donne des instructions telles à ses délégués qu'on puisse bientôt se mettre d'accord sur un projet qui satisfasse les deux pays.
Il est une autre raison d'urgence sur laquelle j'appelle de nouveau et à mon tour toute l'attention du gouvernement.
Ainsi que le disait mon honorable collègue, M. de Baets, à la séance du 20 mars dernier, aussi longtemps que les plans n'auront pas été définitivement arrêtés, la ville de Gand ne pourra pas faire l'acquisition des terrains pour l'établissement des nouveaux bassins dont l'exécution lui incombe. Or, les terrains qu'on se propose d'acquérir à cette fin, ou qui semblent propres à cette destination, voient, dès à présent, dans leurs environs s'élever des usines et des installations pour certaines industries ; par suite, leur valeur augmente rapidement et dans de fortes proportions.
De ce chef, il pèse sur le gouvernement une certaine responsabilité, à laquelle je l'engage à se soustraire le plus promptement possible.
Que l'honorable ministre des travaux publics me permette maintenant d'appeler aussi son attention sur quelques objets de moindre importance. L'honorable ministre, qui a été de tout temps favorable aux conducteurs des ponts et chaussées, a bien voulu porter à son budget une augmentation à leur profit de 15,000 francs, que la section centrale, à son tour, propose d'élever à 20,000 francs. Ces résolutions ont été accueillies avec faveur sur tous les bancs de la Chambre. II s'agit, en effet, d'employés dont nous avons été tous à même d'apprécier le mérite et qui, jusqu'ici, étaient assez mal rétribués.
L'honorable ministre a bien voulu demander aussi une légère augmentation de crédit pour les employés de bureau des administrations provinciales des ponts et chaussées. Mais l'honorable M. de Clercq lui a fait remarquer, avec raison selon moi, qu'une somme de 7,000 francs est bien peu de chose pour être répartie entre un si grand nombre d'employés. Encore ne chiffrait-il, lui, ce nombre qu'à 84, et il restait en dessous de la réalité. Vérification faite d'après l'arrêté organique, il se trouve que leur nombre est réellement de 102. Or, si la somme de 7,000 francs était également partagée entre eux, cela ne donnerait qu'une augmentation de traitement de 70 francs par an pour chaque employé. Il est évident qu'une pareille augmentation serait illusoire et j'engage l'honorable ministre à doubler au moins la majoration de crédit qu'il sollicite.
L'honorable ministre, répondant à mon ami, M. Vanden Steen, m'a paru ne pas apprécier comme il convient le fondement de la demande qui lui a été faite d'accorder enfin aux ayants droit la concession d'un chemin de fer de Gand à Tamise.
L'honorable ministre a promis d'examiner encore ce projet, mais sa réponse a été accompagnée de telles réserves et explications, qu'elle m'a paru laisser peu d'espoir aux intéressés.
C'est ainsi qu'il a dit, entre autres, que, depuis l'époque où cette autorisation d'accorder la concession a été donnée au gouvernement, d'autres chemins de fer ont été établis qui relient au réseau général les villes et les communes que ce chemin devait desservir.
Je ferai remarquer que cela n'est pas tout à fait exact. Ce chemin de fer relierait directement à Gand les communes de Calcken, Overmeire, Zele, Hamme, Tamise... (Interruption.)
(page 860) M. Van Cromphaut. - Pas une seule ville.
M. Cruyt. - ... des communes plus importantes que des villes ; des communes ayant une population de 10,000,, 12,000 et 15,000 habitants ; toute une contrée où la population est la plus dense du pays tout entier, et où non seulement l'agriculture est florissante, mais où l'industrie et le commerce sont extrêmement actifs et développés.
A part cela, il ne s'agit, en définitive, ici, que d'un acte de justice. Car, non seulement le gouvernement a été autorisé à accorder la concession, mais, en fait, elle a été accordée verbalement, elle a été promise à des personnes déterminées, au profit desquelles il existe ainsi un véritable droit acquis.
C'est à ce point de vue aussi, au point de vue de l'équité, au point de vue de la convenance à remplir des engagements contractés dès 1866 par le gouvernement, que j'engage vivement M. le ministre des travaux publics à envisager la question.
La commune de Somergem a adressé une demande à M. le ministre à l'effet d'obtenir un bureau télégraphique. Cette localité est très importante comme population ; elle est chef-lieu de canton et possède plusieurs établissements industriels. Elle est, en outre, environnée d'autres communes importantes, aussi, telles que Lovendegem, Ursel et autres, qui toutes sont, comme elle, privées jusqu'ici des bienfaits d'un chemin de fer. Je prie, pour ces motifs, M. le ministre des travaux publics d'accueillir favorablement cette demande, qui est juste et qui répond à un besoin bien établi.
M. Bouvier. - Dans une de nos dernières séances, mon honorable ami, M. Balisaux, discutant en fort bons fermes la question Athus-Charleroi, tenait le langage suivant :
« Ce n'est pas sans certaine réserve, certaine inquiétude que je vais prononcer deux mots qui ont souvent retenti dans cette enceinte et qu'on a appelés, avec certaine raison, le grand cheval de bataille de mon honorable collègue et ami, M. Bouvier : Athus-Givet. »
Je viens de nouveau devant vous enfourcher ce noble animal pour le conduire à la victoire, victoire qu'il gagnera sans semer, sur son passage dans des contrées aujourd'hui délaissées, ni le deuil, ni la ruine, ni la mort, mais la vie, la richesse et le bonheur.
La première question à poser est celle-ci :
Quel est le devoir de l'Etat dans l'octroi d'une concession de chemin de fer ? C'est d'examiner si, dans les projets qu'on lui soumet, les intérêts des populations sont ménagés, s'ils sont de nature à développer l'activité industrielle et commerciale, en faisant sortir des entrailles de la terre, grâce à cette voie économique de transport, les richesses inertes qu'elles renferment.
Le rôle de l'Etat n'est pas de se faire le dispensateur de la fortune publique, mais de veiller à ce que les intérêts généraux de certaines parties du pays, actuellement abandonnées, ne soient pas sacrifiés. Cette démonstration faite, il est tenu de se prêter, sinon d'aider à la réalisation de lignes nouvelles. Je dénie à l'Etat le droit de décréter qu'une partie quelconque du pays reste dans un état d'infériorité vis-à-vis de telle autre. Si l'Etat adoptait un pareil principe, il créerait un véritable monopole pour les chemins de fer, et ce n'est pas sous le vain prétexte de ligne parallèle ou concurrente à une autre ligne qu'on pourrait admettre un si monstrueux principe. L'honorable M. Thonissen a soutenu tout récemment, avec beaucoup d'énergie, la même thèse.
Il faudrait d'ailleurs établir que la ligne d'Athus-Charleroi constituât une ligne parallèle à la ligne du Grand-Luxembourg. Eh bien, c'est ce que le gouvernement n'a pas même essayé de faire, et pour une très bonne raison, c'est son impuissance à le démontrer.
Quelques chiffres indiqueront que le chemin de fer Athus-Charleroi, loin d'être une ligne parallèle, desservira, comme l'énonce justement une brochure que j'ai sous les yeux, tout le pays compris dans un rectangle de vingt-cinq lieues de long sur dix lieues de large, soit deux cent cinquante lieues carrées, rectangle où la voie ferrée se trouvera à 48,200 mètres de la gare de Habay ;
A 15,250 mètres de la gare de Fouches ;
A 14,500 mètres de la gare d'Arlon ;
A 11,250 mètres de la gare d'Autel.
Le gouvernement oserait-il soutenir que la ligne Athus-Charleroi constitue une ligne concurrente à celle du Grand-Luxembourg, alors que la nouvelle ligne serait appelée à desservir 77 communes, un grand nombre de cantons peuplés de 300,000 Belges, sous ce rapport vrais parias à l'heure actuelle, ne pouvant, par la distance où le Grand-Luxembourg se trouve de leur habitation, jouir de cette voie économique ?
Je tiens de la bienveillance de notre honorable président la liste des localités où les stations seraient établies et, s'il me le permet, lui grand partisan, du chemin de fer Athus-Charleroi, ainsi qu'un signe affirmatif de sa part le confirme, je les désignerai.
Ce sont : Athus, Aubange,Halanzy, Musson, Signeulx, Ruette, Virton, Dampicourt, Meix-devant-Virton, Bellefontaine, Jamoigne, Izel, Florenville, Saint-Médard, Bertrix, Paliseul, Bièvre, Gedinne, Beauraing, Heer à une lieue de Givet.
Je pourrais poursuivre cette nomenclature, mais je ne veux pas fatiguer la Chambre.
Mais la ligne, déjà appuyée par quinze représentants, sept membres du Sénat, exigée par l'opinion, soutenue par la conscience publique, cette ligne fût-elle cent mille fois concurrente à la ligne du Luxembourg, de quel droit, vous Etat, pourriez-vous refuser à une partie de la Belgique ce que vous avez si largement accordé ailleurs ? Quand je dis vous, je devrais, pour parler plus exactement, dire nous contribuables, qui avons payé pour ceux qui profilent de pareils bienfaits.
Je me demande si le gouvernement n'a jamais péché par l'établissement de lignes concurrentes, est-il bien vierge de tout péché originel sous ce rapport ?
M. Snoy. - Qui n'a jamais péché ?
M. Bouvier. - L'honorable M. Snoy m'interrompt et me demande : Qui n'a jamais péché ?
M. Snoy. - Certainement, ce n'est pas vous qui soutiendrez le contraire.
M. Bouvier. - L'honorable membre se trouve en meilleure situation pour répondre à cette délicate question que je ne pourrais le faire moi-même.
Avez-vous hésité, vous gouvernement, à établir le chemin de fer de Luttre, faisant non seulement concurrence à la ligne de Bruxelles à Charleroi, mais également au Grand-Central et à la ligne du Luxembourg ?
Qu'est-ce donc que le chemin de fer d'Anvers à Gladbach, sinon une ligne concurrente ? Avez-vous oublié qu'après avoir dépensé des millions pour la canalisation de la Meuse, vous vous êtes empressé de concéder un chemin de fer s'étendant le long de ce fleuve, depuis Liège jusqu'à Givet ?
Chose remarquable, à côté du canal de Blaton à Ath, à peine achevé, le gouvernement n'a-t-il pas demandé et obtenu de la législature un crédit de 1,500,000 francs pour établir un chemin de fer faisant double emploi avec ce canal ?
L'Etat n'a-t-il pas accordé la concession du chemin de fer du plateau de Herve, destiné à faire concurrence à la ligne de l'Etat de Chênée à Herbesthal ?
Si ce même gouvernement, qui s'obstine à refuser la concession d'Athus-Charleroi, peut me démontrer que la ligne de Pepinster par Spa à Luxembourg n'est pas une ligne parallèle à celle du Grand-Luxembourg, je passé condamnation.
Si nous sortons de la Belgique pour examiner ce qui se passe chez nos voisins, nous constatons sur les bords du Rhin, entre Coblentz et Mayence, l'existence sur ses deux rives d'une ligne de chemin de fer faisant concurrence aux bateaux à vapeur sillonnant ce grand fleuve.
En France, à un pas de la province de Luxembourg, que voyons-nous ? Le gouvernement français, la ligne des Ardennes à peine en exploitation, accordant par la loi du 20 juin 1868 une subvention de 12 millions pour l'établissement de la ligne de Lérouville à Sedan, parallèle à la première sur tout le parcours de Verdun à Séclin et presque parallèle à une troisième ligne de Metz à Mourmelon par Verdun, et cependant ce gouvernement, comme l'Etat belge l'a fait pour le Grand-Luxembourg, garantit un minimum d'intérêt à toutes les lignes de l'Est.
Si je voulais pousser plus loin cette nomenclature, je n'en finirais pas ; mais je ne veux pas abuser de la bienveillante attention de l'assemblée.
Nous allons maintenant examiner l'attitude du gouvernement dans la triple question de l'établissement de la Vire, de la concession d'Athus-Charleroi et de la reprise du Grand-Luxembourg par l'Etat.
Eh bien, je n'hésite pas à déclarer que son attitude est des plus déplorables. Je vais le démontrer. Longtemps avant la fin de la dernière session, une députation formée d'un grand nombre de membres de cette assemblée, dont notre honorable président faisait également partie, s'est rendue chez M. le ministre des travaux publics de cette époque, l'honorable M. Wasseige, qui lui fit la promesse formelle que, avant la fin de la session, une triple décision interviendrait, qu'il accorderait la concession d'Athus-Charleroi si les négociations avec le Grand-Luxembourg n'aboutissaient pas, La promesse du ministre est restée, mais c'est tout.
(page 861) M. Wasseige. - Vous ne m'avez pas laissé le temps d'exécuter ma promesse.
M. Bouvier. - Je ne suis pas l'auteur de ce qui est arrivé à l'honorable membre. Ce sont les événements du mois de novembre dernier qui ont décidé de son existence ministérielle. C'est à ces mêmes événements et à Sa Majesté le Roi des Belges qu'il doit s'en prendre s'il ne possède plus son portefeuille.
La nouvelle session s'ouvre au mois de novembre dernier et dans une de ses premières séances j'interpelle le gouvernement sur le point de savoir où en étaient les négociations avec le Grand-Luxembourg qu'on disait ouvertes.
L'honorable M. Malou de me répondre : On continue les négociations.
A chaque nouvelle interpellation, même réponse.
Dans la séance du 11 du présent mois, l'honorable M. Balisaux, précisant nettement les questions, demande carrément à l'honorable ministre, des travaux publics de lui dire :
1° Si le chemin de fer du Grand-Luxembourg sera, oui ou non, racheté par l'Etat, ou existe-t-il de graves présomptions qu'il le sera et dans quel délai ?
2° Le rachat du Grand-Luxembourg par l'Etat condamne-t-il irrévocablement une autre ligne destinée à relier les gisements miniers du Luxembourg aux bassins industriels du Hainaut ?
3° La question du rachat du Grand-Luxembourg doit-elle nécessairement suspendre la création d'un embranchement du chemin de la Vire destiné à rattacher à une grande voie ferrée de riches gisements situés en Belgique et qui seraient d'une grande utilité à notre industrie métallurgique ?
Vous pensez peut-être que l'honorable ministre va répondre d'une manière catégorique à des questions si pressantes et si nettement formulées. Il n'en est rien, messieurs ; la réponse de l'honorable ministre n'en est pas une. C'est tout bonnement de l'eau bénite de cour, et je reconnais qu'il se sert admirablement du goupillon pour nous en asperger.
M. Wasseige. - Voilà ce que c'est d'être ministre catholique !
M. Bouvier. - L'honorable M. Wasseige me réplique avec beaucoup d'esprit d'à-propos : Voilà ce que c'est que d'être ministre catholique. A cette repartie, je lui réponds que je ne n'en ai jamais douté, et que j'aurais été fort surpris du contraire.
A cette autre question : le chemin de fer du Luxembourg sera-t-il racheté ? je réponds à l'honorable membre que pour faire un marché il faut le consentement des deux parties. Cela saute aux yeux.
L'honorable M. Balisaux demandé quand le dénouement arrivera et où se font les négociations. Je lui réponds que le mois ne s'écoulera probablement pas sans qu'une solution intervienne. C'est-à-dire que la session actuelle s'écoulera comme la précédente sans aucune solution, le gouvernement perdant chaque jour de sa dignité en cherchant à poursuivre des négociations qui n'aboutiront pas.
La reprise du Luxembourg par l'Etat condamne-t-elle irrévocablement le chemin de fer d'Athus-Givet ?
Je ne puis pas répondre d'une manière catégorique à cette question, dit l'honorable ministre, car on ne peut jamais engager l'avenir. La reprise du Luxembourg par le gouvernement rend, selon moi, moins probable la concession d'Athus-Givet, du moins dans un temps rapproché.
Mais je n'affirme en aucune façon que le rachat condamnerait irrévocablement le chemin de fer d'Athus-Givet. (Nous démontrerons dans un instant que cette affirmation est de l'eau bénite toute pure. C'est M. Malou qui se chargera de ce soin.)
L'embranchement de la Vire sera-t-il construit ?
Je réponds que cet embranchement sera construit, mais je réponds aussi que ce n'est pas le moment de le concéder vu que, dans certaines hypothèses, il peut devenir la tête de ligne d'un chemin de fer d'Athus vers Charleroi.
Je crois, ajoute l'honorable ministre, qu'il n'y a rien que de très clair dans cette question.
Pas si clair, M. le ministre, que vous avez la naïveté de le penser.
Je vais l'établir par le langage tenu au Sénat par l'honorable M. Malou dans la séance du 25 mars dernier, sollicité et pressé qu'il était par un grand nombre de ses collègues sur la question de savoir s'il entendait concéder Athus-Charleroi.
Voici ce qu'il répondait :
1° Demander en même temps de racheter la ligne du Luxembourg et de concéder celle d'Athus-Givet, ce sont deux choses complètement contradictoires ;
2° Que la seule raison d'être de la ligne d'Athus-Givet, qui n'est pas demandée pour elle-même, mais pour obtenir le transport à bon marché du minerai dont l'industrie métallurgique de Charleroi a besoin ;
3° Que pour arriver à ce résultat, il faut emprunter le territoire français, sans quoi la ligne serait à peu près aussi longue que celle qui existe actuellement.
Ce langage est le contre-pied de celui de M. le ministre des travaux publics ; mais passons.
Démontrons que l'Etat exploitant le Grand-Luxembourg ou que la compagnie continuant à l'exploiter elle-même, cela ne change en aucune façon sa situation déplorable au point de vue économique des cantons de Virton, d'Etalle, de Florenville pour ne pas sortir de mon arrondissement.
Qu'est-ce que leur fait la reprise du Grand-Luxembourg ?
Une lettre que je viens de recevoir d'un propriétaire de Jamoigne, que la nouvelle ligne doit relier, l'indique d'une façon péremptoire.
Voici cette lettre, datée du 6 avril 1872 :
« Monsieur Bouvier-Evenepoel,
« Je remarque que, lorsqu'il est question de plaider la cause de la ligne d'Athus à Givet, on ne signale que les intérêts du bassin de Charleroi ; mais il y en a bien d'autres.
« Des intérêts des quatre-vingts communes qui se trouvent sur cette susdite ligne, on n'en parle presque jamais ; ils sont cependant d'une certaine importance. Les ardoisières des environs de Florenville, les carrières des alentours pourraient prendre de l'extension si cette ligne existait. Toutes ces localités pourraient envoyer leurs produits à Bruxelles en concurrence avec ceux qui viennent des différentes parties de la France, attendu que la pierre de Jamoigne est d'une qualité excellente.
« Après cela, il faut tenir compte aussi de toutes les productions agricoles ; on pourrait y établir des sucreries, car on ne doit pas penser qu'il ne se trouve pas, dans ce pays, bien des localités où il y a des terres sur lesquelles la betterave viendrait parfaitement ; ensuite, les immenses propriétés boisées qui se trouvent le long de cette ligne. Cela ne mérite-t-il pas d'entrer en ligne de compte pour montrer que les projets d'Athus-Givet doivent être pris au sérieux ?
« D'après le dire du ministre des travaux publics, si le gouvernement parvient à s'entendre avec le Grand-Luxembourg, les produits de ces 80 communes, ou au moins la plus grande partie de ces produits, seraient condamnés à rester enfouis éternellement dans la terre faute de moyens de transport et de débouchés suffisants. De plus, tous les habitants de cette contrée se verraient réduits à toujours marcher à pied, ou à aller en patache jusqu'à la fin des siècles. Ce serait une fière ingratitude de la part de noite gouvernement, car ces citoyens payent des contributions comme tous les autres Belges.
« Je me plais à croire que vous trouverez ces observations justes et que vous saisirez la première occasion pour en faire l'observation au ministre ainsi qu'à toute la Chambre.
« Veuillez, je vous prie, recevoir, monsieur, l'assurance de mes sentiments distingués.
« Patiny-Frèree, propriétaire à Jamoigne. »
La lettre dont je viens de vous donner lecture reflète une partie des griefs de nos trois cent mille compatriotes. abandonnés par le gouvernement ; ce n'est donc pas l'intérêt de l'industrie métallurgique seul, comme le prétend l'honorable M. Malou, qui est aujourd'hui si singulièrement et, j'ajoute, si légèrement sacrifié. Refuser à ces populations le chemin de fer qu'on leur offre, sans que le trésor de l'Etat intervienne pour un centime, c'est leur faire subir, comme le dit un publiciste, sans indemnité préalable, une sorte d'expropriation pour cause de je ne sais quelle idée arrêtée, mais non pour cause d'utilité publique, loin de là ; et il ne craint pas d'affirmer, non sans raison, que c'est leur voler, sans compensation possible, la richesse et le développement matériel qu'on a assurés aux autres parties du pays. La ligne a donc bien d'autres raisons d'être que d'obtenir le transport à bon marché du minerai dont l'industrie métallurgique de Charleroi a besoin.
Quant à l'objection que cette nouvelle ligne devait passer pour transiter par le territoire français à Givet, il y a une réponse péremptoire à y opposer : c'est que trois concessionnaires sérieux, appuyés sur des maisons de premier ordre, se disputent la concession sans toucher le territoire français, offrant à l'Etat d'amener une réduction de 25 p. c. dans les prix de transport des minerais destinés au bassin de Charleroi.
Non seulement les intérêts du commerce, de l'industrie, de l'agriculture sont sacrifiés par l'obstination, envers et contre tous, du gouvernement à ne pas accorder la concession de la ligne Athus-Charleroi, mais il se bouche encore les oreilles pour ne pas entendre les cris qui partent de tous (page 862) les points du pays pour appeler sa plus sérieuse attention sur la disette du minerai progressant de jour en jour, devenue menaçante pour cette grande industrie qui s'appelle la métallurgie. Il n'est malheureusement que trop vrai que les terrains miniers de la Meuse et du Centre sont pour ainsi dire épuisés, ceux même connus sous le nom de terrains oligistes.
L'heure de la séance étant déjà fort avancée, je ferai ressortir dans celle de demain, si la Chambre me le permet, l'urgente nécessité, pour le gouvernement, au point de vue de cette industrie, de concéder, sans tarder davantage, la ligne dont nous préconisons la construction.
(page 857) - La séance est levée à 8 heures et demie.