(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 797) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Borchgrave donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :
« La commission administrative de la Caisse de prévoyance des instituteurs primaires ruraux dans la province d'Anvers présente des observations contre le projet de loi relatif à la Caisse générale de prévoyance en faveur des instituteurs primaires. »
M. Lelièvre. - J'appuie cette pétition et je demande qu'elle soit renvoyée à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi présenté sur cet objet. La section centrale sera invitée à faire un rapport spécial sur cette requête.
- Cette proposition est adoptée.
« Des préposés des douanes à Liège demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget du ministère des finances.
« Des négociants et industriels à Bruxelles demandent que le gouvernement mette en vigueur, pour la fixation du prix de transport des petites marchandises à effectuer par le chemin de fer de l'Etat, le tarif préconisé dans une brochure intitulée : Nouveau système de tarification des marchandises transportées par chemin de fer. »
M. Descamps. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission permanente d'industrie. Il est parvenu hier à la Chambre deux pétitions sur le même objet, elles ont été renvoyées à la commission des pétitions.
Je demande que la Chambre modifie cette décision et renvoie aussi ces pétitions à la commission d'industrie.
M. de Naeyer. - J'appuie cette demande.
- Cette proposition est adoptée.
« Des distillateurs à Hasselt se plaignent du règlement admis par la Banque Nationale pour l'organisation du comptoir d'escompte à Hasselt et demandent que tous les comptoirs soient soumis au même règlement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi prorogeant la durée de la Banque Nationale.
« Le conseil communal de Scherpenheuvel demande que le chemin de fer à construire de Tirlemont au camp de Beverloo par Diest suive le tracé de Vissenaeken, Bunsbeek, Glabbeek-Suerbempde, Kersbeek, Waenrode, Becquevoort, Caggevinne-Assent et Webbecom. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et puis renvoi au ministre de ce département.
« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 128 exemplaires de la seconde partie du tome XXIV du Bulletin du conseil supérieur d'agriculture. »
- Distribution à MM. les membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
« M. Simonis, rappelé à Verviers pour affaires urgentes, demande un congé pour la séance de ce jour. »
- Accordé.
M. Van Overloop. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'augmentation du personnel des tribunaux de première instance de Bruxelles et de Nivelles.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Snoy. - Je demande que le projet de loi sur lequel il vient d'être fait rapport soit mis à l'ordre du jour immédiatement après le projet de loi relatif au renouvellement du contrat de la Compagnie des lits militaires.
- Cette proposition est adoptée.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - J'ai l'honneur de déposer le compte rendu des opérations du chemin de fer pour l'année 1870.
- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce document, qui sera imprimé et distribué.
(page 805) M. Balisaux. - Messieurs, j'ai terminé, dans la séance d'hier, la partie la plus longue, et que je considérais comme la plus importante du discours que j'avais à faire à la Chambre, c'est-à-dire l'examen d'un projet de canal maritime reliant Bruxelles, Malines et Louvain à l'Escaut, en face de Rupelmonde, le projet de M. Dubois-Nihoul.
Je dis, messieurs, la partie la plus longue et la plus importante de mon discours, parce que, ainsi que je l'ai dit hier, la loi de crédit pour le matériel de chemin de fer ayant eu les proportions d'une discussion générale du budget des travaux publics et ayant pris moi-même une part assez large à cette discussion, il ne me reste que peu de chose à dire. Je pense, au surplus, que mes honorables collègues de Charleroi se proposent de défendre chaleureusement les intérêts de cet arrondissement si important à tous égards.
Ce n'est pas, messieurs, sans certaine réserve, certaine inquiétude, que je vais prononcer deux mots qui ont souvent retenti dans cette enceinte, que l'on a appelés avec certaine raison le grand cheval de bataille de mon honorable collègue et ami, M. Bouvier : Athus-Givet.
D'abord l'expression dont j'use ; Athus-Givet, est mauvaise ; me servant d'une périphrase, je devrais dire ; chemin de fer destiné à relier les gisements miniers du Luxembourg aux établissements métallurgiques du bassin de Charleroi, car, dans aucun cas, messieurs, ce chemin de fer ne devrait aboutir à Givet ; ce serait une faute lourde de le faire passer sur une partie, quelque minime qu'elle soit, d'un territoire étranger.
J'espère que les honorables ministres des finances et des travaux publies vont enfin nous donner une réponse claire, nette, précise sur l'interpellation que nous avons eu l'honneur de leur adresser officieusement et dans cette enceinte à l'égard de ce chemin de fer.
Rien n'est plus étrange que les réponses que le gouvernement nous fait depuis un an et demi sur cette question.
Alors il nous disait officieusement : « Silence, il y a une question de politique internationale en jeu. Les gouvernements français et prussien s'occupent de cette voie ferrée, nous négocions, n'en parlons plus, espérons et attendons ! »
Nous nous trouvions en présence d'un mystère et nous nous retirions effrayés des proportions que prenait cette question du chemin de fer d'Athus à Givet.
Depuis plusieurs mois, la réponse est tout autre : le gouvernement nous répond encore imperturbablement : Silence ! mais c'est parce qu'il négocie avec les Anglais le rachat du chemin de fer du Grand-Luxembourg.
Des journaux nous annoncent que les négociations sont terminées et que le rachat est un fait accompli ; d'autres journaux nous annoncent le contraire ; et le gouvernement garde le même silence prudent.
Je demande donc où en sont les négociations. Il n'y a aucun inconvénient, à mon avis, de faire connaître à la Chambre et au pays si les négociations entamées sont sur le point d'aboutir.
Mais je désire préciser et voici les questions que je pose au gouvernement, priant les honorables ministres des travaux publics et des finances de vouloir bien nous donner à cet égard une réponse claire, catégorique et propre à dissiper dans l'esprit de nos industriels métallurgistes leurs sérieuses inquiétudes sur l'avenir de leur industrie.
Voici ces questions :
1° Le chemin de fer Grand-Luxembourg sera-t-il, oui ou non, racheté par l'Etat ou existe-t-il de graves présomptions qu'il le sera et dans quel délai ?
2° Le rachat du Grand-Luxembourg par l'Etat condamne-t-il irrévocablement une autre ligne destinée à relier les gisements miniers du Luxembourg aux bassins industriels du Hainaut ?
3° La question du rachat du Grand-Luxembourg doit-elle nécessairement suspendre la création d'un embranchement dit chemin de fer de la Vire, destiné à rattacher à une grande voie ferrée de riches gisements miniers situés en Belgique et qui seraient d'une grande utilité à notre industrie métallurgique ?
J'attendrai la réponse de l'honorable chef du département des travaux publics, mais quelle que soit cette réponse, quelles que soient les intentions du gouvernement tant au point de vue de l'exécution du chemin de fer d'Athus à Charleroi qu'au point de vue de celle du chemin de fer de la Vire, je me permettrai à cet égard de faire connaître mon opinion.
Que le gouvernement rachète ou non le chemin de fer du Grand-Luxembourg, je considère dans tous les cas comme indispensable l'exécution d'un nouveau chemin de fer reliant la partie méridionale de cette province aux provinces de Namur et de Hainaut.
Les intérêts de nombreuses et importantes localités qui ne sont desservies par aucune voie ferrée, les intérêts de l'industrie métallurgique du Hainaut l'exigent impérieusement.
Si les négociations de l'Etat avec la compagnie aboutissent, si le rachat a lieu, ou si une convention d'exploitation intervient, je ne puis qu'y applaudir ; mais il est un fait incontestable et incontesté, que je tiens à rappeler à l'honorable ministre des travaux publics, c'est que le chemin de fer du Grand-Luxembourg est dans les plus mauvaises conditions d'exploitation, qu'il a des rampes beaucoup trop fortes, qu'il n'a qu'une simple voie sur presque tout son parcours et que l'Etat sera obligé, pour le mettre en état parfait d'exploitation, de dépenser peut-être une somme de 15,000,000 à 20,000,000 ; c'est que le matériel manque et que de nouveaux crédits deviendront nécessaires pour le compléter dans un bref délai.
Quant à l'embranchement de la Vire, si le gouvernement reprend l'exploitation du Grand-Luxembourg, tout en repoussant l'exécution d'un chemin de fer d'Athus vers Charleroi, cet embranchement lui apporterait un trafic nouveau résultant de l'exploitation de riches gisements miniers qui ont surtout l'avantage d'être situés en Belgique ; et veuillez bien le remarquer, messieurs, il importe beaucoup à l'industrie métallurgique de pouvoir (page 806) s'approvisionner en Belgique des matières premières nécessaires à l'alimentation de ses usines.
Cette considération est des plus importantes, et je dois la déclarer d'autant plus sérieuse pour l'avenir de cette industrie, que le gouvernement grand-ducal se prépare, depuis peu de jours, à rendre concessibles les gisements miniers exploitables par galeries. Je crains bien que la conséquente de pareille mesure ne soit la prohibition de la sortie des minerais de fer du Grand-Duché, au moins par la frontière belge.
N'oubliez pas que les autres minières de la Belgique sont rares et que la plupart sont considérablement épuisées.
Je dis donc que si le gouvernement reprend l'exploitation du chemin de fer du Grand-Luxembourg, tant au point de vue de son trafic qu'au point de vue des intérêts de l'industrie métallurgique, qui a droit à toute sa sollicitude, il y a lieu de décréter l'exécution du chemin de fer de la Vire. Si au contraire le gouvernement ne reprend pas l'exploitation du Grand-Luxembourg et s'il se décide à concéder une ligne d'Athus vers Charleroi ou à l'exécuter lui-même, ce chemin de fer de la Vire servira de tête de ligne au second. Il devrait toutefois, dans ce cas, prendre à l'égard des concessionnaires des mesures de prudence pour sauvegarder les intérêts des expéditeurs.
J'aborde maintenant, messieurs, une autre question. L'arrondissement de Charleroi attache un très grand intérêt à l'exécution des chemins de fer qui ont été concédés à la compagnie des Bassins houillers, notamment du chemin de fer de ceinture de Charleroi et de celui de Châtelineau à Luttre.
L'honorable chef du département des travaux publics nous a communiqué un état des travaux à exécuter par la société des Bassins houillers, indiquant les délais endéans lesquels ces travaux doivent être commencés et terminés.
D'après cet état et conformément à l'arrêté royal du 14 janvier 1871, les chemins de fer de Châtelineau à Luttre et de ceinture de Charleroi, doivent être terminés, au plus tard, le 1er juillet 1873.
Or, c'est avec le plus vif regret que je constate par les renseignements susdits, comme j'ai pu, du reste, le constater par mes yeux, que la compagnie des Bassins houillers du Hainaut ne fait à peu près rien de ce que les actes et cahiers des charges de concession, la convention du 25 avril 1870 et l'arrêté ministériel du 14 janvier 1871 lui ont imposé ; et qu'il est même matériellement impossible que la compagnie exécute les travaux dans le délai fixé par cet arrêté.
Voilà déjà quinze mois écoulés depuis sa date et rien n'avance.
Cependant, messieurs, les intérêts de l'arrondissement de Charleroi sont depuis trop longtemps lésés par ces retards successifs, sept années ; il est temps de mettre un terme à cette immense plaisanterie qui s'appelle l'exécution du chemin de fer de la compagnie des Bassins houillers dans l'arrondissement de Charleroi. J'attire donc tout particulièrement l'attention de M, le ministre des travaux publics sur cette question des plus importantes au point de vue des intérêts matériels de cet arrondissement.
Je crains bien, messieurs, et j'ai déjà, l’an dernier, témoigné dans cette Chambre mes inquiétudes à cet égard, que les chemins de fer de Luttre à Châtelineau et de ceinture de Charleroi ne s'exécutent pas. Et, messieurs, qu'il me soit permis de dire les motifs de mes appréhensions.
Dans l'arrondissement de Charleroi, l'exécution des chemins de fer coûte cher : le terrain y est accidenté, conséquemment, les remblais et les déblais considérables, les travaux d'art nombreux ; la propriété y est extrêmement divisée et atteint des prix très élevés ; il s'y trouve beaucoup de constructions, et les indemnités du chef de dépréciation en cas d'expropriation sont des plus importantes.
Il faut, dans mon appréciation, pour exécuter un kilomètre de chemin de fer dans le bassin de Charleroi, 200,000 ou 530,000 francs. Or, messieurs, où trouver ces 200,000 ou 300,000 francs quand on n'a qu'une rente de 7,000 francs à offrir en échange, et que cette rente de 7,000 fr. a déjà été réduite de 1,500 à 1,700 francs pour satisfaire d'anciens obligataires de la compagnie ? Rappelez-vous ce qui a été dit à ce sujet dans cette enceinte.
J'ai donc de sérieuses raisons de craindre que la compagnie des Bassins houillers n'exécute que les kilomètres qui ne lui coûteront que le capital de cette rente, soit environ 100,000 francs, et, certes, ce ne sont pas les kilomètres du chemin de fer de Châtelineau à Luttre et du chemin de ceinture.
Voilà la situation nette et précise.
Mes appréciations sont si sérieuses que j'oserais presque affirmer que ces chemins de fer ne s'exécuteront pas,
Savez-vous ce qu'on fera ? On intentera des procès à l'Etat sur le règlement des tracés, comme on l'a fait pour le chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath, au sujet duquel je dois me permettre quelques observations.
Il vous paraîtra peut-être étrange que j'intervienne dans cette question, messieurs, quand il y a dans cette enceinte des députés de Mons et d'Ath qui sont plus compétents que moi pour défendre les intérêts de leurs arrondissements.
Mais cette question intéresse aussi quelque peu l'arrondissement de Charleroi, je vous le démontrerai tout à l'heure.
Je serai bref, l'honorable M. Descamps vous ayant déjà entretenus de cette affaire dans la séance d'avant-hier.
En 1856, il y avait deux demandeurs en concession pour la ligne de Saint-Ghislain à Ath.
La société de Hainaut-Flandres demandait la concession de trois embranchements, l'un vers Tournai, l'autre vers Audenarde et le troisième vers Ath.
Une autre compagnie demandait la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Garni et subsidiairement, dans le but unique de relier tous les Bassins houillers du Hainaut à la Flandre orientale, la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath.
La compagnie de Hainaut-Flandres obtint la concession de cette ligne et il résulte de l'exposé des motifs du projet de loi nécessaire à cette fin que le tracé de cet embranchement devait être le plus court possible.
Mais la compagnie de Hainaut-Flandres et aujourd'hui la compagnie des Bassins houillers, qui lui a succédé, ayant compris que l'exécution de cet embranchement raccourcissant de 8 à 10 kilomètres la distance de Saint-Ghislain à Garni, les transports des charbons de Saint-Ghislain prendraient la direction d'Ath et Grammont vers Gand, au profit du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand et au détriment de leur ligne de Leuze, Audenarde et Gand, il fut résolu que cet embranchement ne s'exécuterait pas et l'on chercha mille prétextes pour empêcher ou retarder cette exécution ; on présenta des projets de tracé tortueux qui allongeaient la distance plutôt que de la raccourcir et, bref, on en est aujourd'hui à intenter un procès à l'Etat.
Lors de la discussion de la loi de concession, l'honorable M. Magherman, prenant la défense des intérêts de la compagnie de Hainaut-Flandres, avait cependant affirmé que, malgré la concession du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand, l'embranchement de Saint-Ghislain à Ath serait exécuté.
Par la convention du 25 avril 1870, l'exécution de cet embranchement fut imposée par l'Etat à la compagnie des Bassins houillers, cessionnaire des droits et obligations de Hainaut-Flandres et l'arrêté ministériel, du 14 janvier 1871, dit que les travaux devront être achevés au plus tard le 1er juillet 1873.
J'insiste auprès du gouvernement pour qu'il use rigoureusement, envers cette compagnie, de tous les droits que la loi et les conventions mettent à sa disposition.
Il y a là, messieurs, une question d'équité et de justice, et c'est surtout cette considération qui m'a déterminé à prendre la parole en cette circonstance.
Il y a des intérêts particuliers qui sont profondément lésés, ce sont les intérêts de la compagnie de Braine-le-Comte à Gand. Cette compagnie a dû compter que, par l'exécution du chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath, les transports des charbons de Mons vers Gand s'effectueraient partiellement par la partie de sa ligne de Grammont à Gand.
Ce motif a pu seul déterminer cette compagnie à demander la concession du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand et ce trafic lui serait enlevé par suite de l'inexécution d'engagements formels contractés par une autre compagnie envers l'Etat et le public.
Cet état de choses ne peut être toléré plus longtemps ou le gouvernement se rendrait coupable d'un véritable déni de justice. S'il devait se prolonger encore, à cause du procès pendant entre l'Etat et la compagnie des Bassins houillers, il est un moyen de lui apporter un remède, en décrétant l'exécution d'un chemin de fer de Saint-Ghislain vers Jurbise dont la concession est demandée.
Cette question est, en ce moment, soumise à l'examen de la section centrale et j'insiste pour que l'honorable ministre des travaux publics prenne à cet égard une résolution dans le plus bref délai, afin de donner satisfaction non seulement aux industriels du bassin de Mons, mais encore à la compagnie de Braine-le-Comte à Gand, qui a cédé l'exploitation de son chemin de fer à l'Etat, moyennant 50 p. c. de la recette brute en lui garantissant un prélèvement minimum de 11,500 francs par kilomètre sur cette recette.
(page 807) Voilà en quoi cette question touche aux intérêts de Charleroi. L'équité et la justice imposent à l'Etat l'obligation de traiter sur le même pied tous les transports, quand ces transports s'effectuent sur des lignes qui lui appartiennent ou qui sont exploitées par lui.
L'Etat exploitant aussi la ligne de Saint-Ghislain à Gand par Audenarde, et appliquant à ces transports un tarif de faveur qu'il n'applique pas aux transports des charbons de Charleroi pour la même destination, je me permets de lui demander compte de cette mesure que je considère comme injuste à tous égards.
Les transports de Charleroi vers Gand sont soumis au tarif général du 1er février 1868 ; pourquoi cette règle n'est-elle pas appliquée au bassin de Mons ?
La distance de Saint-Ghislain à Gand est de 17 lieues.
Voici le tarif spécial que l'on applique au transport par tonne des houilles de Saint-Ghislain pour Gand :
Frais fixes, 1 fr. ; les 10 premières lieues à 20 centimes ; 2 fr., les 5 lieues suivantes à 15 centimes, 75 c. ; les 2 dernières lieues à 5 centimes, 10 c. Total : 3 fr. 85 c.
Si l'on appliquait à ce transport le tarif général du 1er février 1868, on obtiendrait les résultats suivants :
Frais fixes, 1 fr. ; les 15 premières lieues à 20 centimes, 3 fr. ; les 2 dernières lieues à 10 centimes, 20 centimes. Total, 4 fr. 02.
Pourquoi cette différence, pourquoi cette faveur injustifiable accordée par l'Etat à des transports qu'il exécute lui-même dans les mêmes conditions ? C'est ce que M. le ministre serait sans doute bien embarrassé de m'expliquer.
L'article 42, paragraphe premier, de la convention du 25 avril 1870 laisse cependant à l'Etat la faculté d'appliquer aux lignes dont il a repris l'exploitation de la compagnie des Bassins houillers, parmi lesquelles se trouve celle de Saint-Ghislain à Gand, les tarifs ayant un caractère général, c'est-à-dire applicables à toutes les lignes formant le réseau exploité par l'Etat.
Aucun tarif n'est plus général que celui du 1er février 1868. Pourquoi n'est-il pas appliqué généralement ?
Mais voici les motifs de cette inexplicable mesure : c'est que le bassin de Mons avait le droit d'exiger l'exécution du chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath qui raccourcissait son parcours pour Gand de 8 à 10 kilomètres et que l'Etat, par une faiblesse, par une tolérance que je qualifie de coupable, n'a pas exigé l'exécution de ce chemin de fer. Pour donner satisfaction au bassin de Mons, il a sacrifié le bassin de Charleroi et il a en même temps sacrifié les intérêts du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand.
Vous apprécierez facilement, messieurs, les conséquences de cette mesure. Il en résulte que les charbons de Mons arrivent à Gand avec une faveur de 50 centimes par tonne sur les charbons de Charleroi et cette faveur est considérable, elle constitue le plus souvent la majeure partie du bénéfice net que l'on peut attendre d'une bonne exploitation charbonnière.
Elle rend à Charleroi la concurrence bien difficile sur l'un des marchés les plus importants du pays, et elle détourne du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand des transports qui devraient nécessairement s'effectuer sur cette ligne, si le commerce de charbon de Charleroi avec les Flandres n'était pas frappé par la faveur accordée à un autre bassin.
Je termine, messieurs.
La station de Charleroi est commencée depuis plusieurs années, mais depuis longtemps déjà les travaux sont suspendus. Je l'ai visitée il y a quelques jours et j'y ai vu cependant cinq ouvriers terrassiers occupés à combler un immense ravin.
Ils travaillaient avec l'abnégation de gens qui se disent : Nous avons à remplir le tonneau des Danaïdes. Si les travaux se poursuivent avec la même activité, j'espère que l'inauguration de cette gare pourra avoir lieu dans une dizaine d'années.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - J'aurai l'honneur de répondre successivement aux diverses et nombreuses interpellations qui m'ont été faites dans les deux séances précédentes. Je tâcherai d'être bref et je m'efforcerai aussi d'être substantiel.
Tout d'abord, messieurs, je me trouve devant un sujet important : celui qui a été traité avec beaucoup d'éloquence par plusieurs orateurs, par M. Landeloos, par M. Dansaert, par M. Wouters et par M, Balisaux. Je me trouve vis-à-vis de ce travail grandiose que l'on appelle la création des ports maritimes de Bruxelles, de Malines et de Louvain. Certes, l'entreprise est fort séduisante. Au point de vue économique, quand on parle de la nécessité et de l'utilité de rapprocher les marchandises et les matières alimentaires de ceux qui en font usage, on énonce une vérité qui intéresse sérieusement la richesse nationale.
Il en est de même quand on déclare qu'il est bon de faciliter l'exportation de nos produits. Je reconnais donc que la réalisation de l'idée préconisée peut et doit faire l'objet d'une étude approfondie. Aussi, selon le désir qui m'a été exprimé par les magistrats de Bruxelles, de Malines et de Couvain, j'ai chargé de cette étude un ingénieur très distingué de mon département.
Je ne lui ai pas donné la mission de faire un projet complet ; il a reçu pour instruction de déterminer la possibilité et l'utilité d'exécuter le projet dont il s'agit. L'étude d'un projet complet nécessiterait plus de temps que ne pourrait y consacrer l'honorable fonctionnaire auquel je fais allusion.
Déjà, messieurs, le département des travaux publics manque d'agents suffisamment nombreux pour faire face aux travaux multiples qui se présentent et qui augmentent sans cesse.
Si je devais faire examiner tous les projets qui sont recommandés au gouvernement, je priverais le service public d'employés qui lui sont absolument nécessaires.
Au surplus, si le travail dont nous nous occupons plus spécialement en ce moment offre un grand caractère d'intérêt général, il a surtout un intérêt municipal évident, et il semble que les villes qui le sollicitent devraient bien concourir aux études qu'il exige.
Ainsi, messieurs, pour toutes les résolutions qu'il y aura à prendre sur cette affaire, il faut nécessairement attendre le résultat des investigations, des recherches et des vérifications qui vont commencer.
L'honorable M. Balisaux a fait un tableau magnifique des conséquences qu'aura le canal projeté. Certainement, si ce travail devait se faire dans les dimensions qu'on suppose, il aurait des résultats très considérables. Je ne puis que m'associer aux espérances des auteurs et des partisans du projet ; seulement, je croirais manquer de sincérité, si je disais à la Chambre que je porte mes espérances aussi loin que le fait l'honorable M. Balisaux ; c'est-à-dire si je déclarais que je crois à la possibilité d'étendre, pour ainsi dire, l'installation maritime jusqu'à Charleroi et Mons.
J'avoue que s'il en était ainsi et s'il était permis d'entrevoir la possibilité de franchir le point de partage entre le bassin de l'Escaut et celui de la Meuse, je m'empresserais de poser aussi la candidature de Namur à l'obtention d'un canal reliant, directement cette dernière ville à la mer.
L'honorable M. de Lexhy s'est plaint avec raison de la lenteur excessive qui est apportée à l'exécution du chemin de fer de Hesbaye-Condroz. Le gouvernement doit veiller et veillera à ce qu'un chemin de fer d'une si haute utilité s'établisse.
Il se divise en trois sections : celle du Houyoux, la plus difficile, est achevée. C'est celle qui est appelée à desservir les grands intérêts industriels de la ville de Huy même et de la vallée baignée par la rivière du Houyoux.
D'après les renseignements qui sont parvenus au département des travaux publics, elle doit être livrée à l'exploitation dans le courant du mois prochain ou du mois suivant. Une convention provisoire serait faite avec la compagnie du Grand-Central pour l'exploitation de cette section et même pour l'exploitation de toute la ligne, ce qui en faciliterait, sans doute, la construction.
Les honorables MM. de Lexhy et de Macar ont insisté, dans la dernière session, pour que la ligne soit reprise par l'Etat, et mon honorable prédécesseur leur a répondu que, dans les circonstances actuelles, l'exploitation paraissait être mieux placée dans les mains d'une société particulière que dans celles du gouvernement.
L'honorable M. Wasseige ajoutait que cependant il pourrait arriver telles éventualités qui feraient de la reprise par l'Etat un acte de bonne administration. C'est à l'avenir de décider. Quoi qu'il en soit, je prends bonne note des recommandations de M. de Lexhy. En tout cas, le devoir du gouvernement est de faire en sorte que la loi soit exécutée. La compagnie a été mise en demeure récemment,
M. de Macar. - Je demande la parole.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - L'honorable M. de Lexhy est revenu sur les inconvénients graves du maintien des barrières existant sur la route de Huy à Tirlemont.
L'année dernière, M. de Lhoneux a déjà traité longuement cette question en l'étendant à la route de Huy à Stavelot et, par suite de ses instances, des négociations ont été entamées entre l'Etat et les concessionnaires des deux routes que je viens de citer.
(page 808) Ces négociations n'ont pas encore abouti, mais je crois qu'elles pourront conduire au but désiré. La base de l'arrangement espéré serait celle-ci : l'Etat, se chargeant de l'entretien des routes, abandonnerait aux concessionnaires l'intégralité du produit des barrières, pour leur servir d'équitable compensation.
L'honorable M. David et l'honorable M. Simonis ont exposé aussi la situation de la route de la Vesdre. Cette situation est à peu près la même que celle des routes de Tirlemont à Huy et de Huy à Stavelot.
La route de la Vesdre a été construite par voie de concession et il se trouve aujourd'hui que les concessionnaires, après avoir construit cette voie de communication à leurs frais, se voient obligés d'y maintenir des barrières, sous peine de perdre leur capital ; de sorte que les riverains seraient condamnés à payer peut-être perpétuellement des droits de barrières, et cela parce qu'ils ont trouvé, chez leurs compatriotes, des personnes assez dévouées pour faire une route que le gouvernement n'exécutait pas.
Les concessionnaires de la route de la Vesdre pourraient offrir au gouvernement quelque chose de semblable à l'arrangement proposé pour les routes de Huy à Stavelot et de Huy à Tirlemont, moyennant quoi le gouvernement se chargeant de l'entretien, les concessionnaires percevraient le produit des barrières pendant une période de temps à convenir, de manière à s'assurer, non une indemnité complète, mais au moins une certaine compensation.
J'examinerais avec bienveillance l'arrangement qui me serait proposé dans cet ordre d'idées.
Mais je ne puis admettre l'amendement que l'honorable M. David a soumis à la Chambre et qui aurait pour effet de transformer en quelque sorte le crédit de l'article 7 du budget en une allocation qui serait destinée au rachat de certaines routes.
L'honorable M. David voudrait que ce crédit fût consacré, au moins en partie, au rachat des routes qui sont d'intérêt général et qui donnent accès aux stations du chemin de fer. Mais on peut discuter sur le point de savoir si toutes les routes ne sont pas d'intérêt général, et en outre, presque toutes donnent accès au chemin de fer. Je ne pourrais donc me rallier à l'amendement. Il y aurait injustice à exiger d'un grand nombre de propriétaires de routes, particuliers, provinces ou communes, la cession gratuite de leurs chemins et à venir ensuite racheter d'autres routes qui sont dans la même situation que les premières.
L'honorable M. de Lexhy a demandé si les communes de Remicourt, Rosoux et Lincent ne pourraient pas être pourvues de bureaux de poste. J'ai la satisfaction de lui annoncer que ces localités figurent parmi celles qui ne tarderont pas à être dotées d'une perception postale.
L'honorable M. Lelièvre a recommandé plusieurs objets à mon attention, notamment le chemin de fer de Jemeppe à la Meuse.
Ce chemin de fer est concédé à la Société générale d'exploitation qui jusqu'à présent n'a rien fait pour exécuter le contrat qui, sous ce rapport, la lie vis-à-vis du gouvernement.
Je viens de lui rappeler de nouveau ses obligations et j'espère qu'elle finira par les remplir.
L'honorable M. Lelièvre a signalé aussi l'opportunité de construire un embranchement de route entre Saint-Gérard et Salzinne. Ainsi que mon honorable prédécesseur l'a déclaré dans cette enceinte, la route dont il s'agit, bien qu'ayant son utilité, ne pourrait être entreprise qu'après l'exécution de celle de Saint-Gérard à Wépion.
J'en ai néanmoins ordonné l'étude anticipée, mais je pense également que le moment de mettre la main à l'œuvre n'est pas encore venu.
Quant au pont qu'il est question de construire sur la Sambre, à ce même village de Salzinne, je ne refuserai pas de faire intervenir l'Etat par voie de subside, dans la dépense que l'ouvrage occasionnera.
L'honorable M. Lelièvre a parlé enfin de l'utilité qu'aurait une gare à la Meuse dans la ville de Namur. Cet objet est à l'étude, mais l'Etat n'est pas seul ; il est associé pour l'installation et pour la communauté de l'exploitation éventuelle de cette gare avec les compagnies du Nord belge et du Luxembourg, etc. ; il en résulte une complication qui a fait que jusqu'à présent le projet n'est pas arrivé à un résultat positif.
L'honorable M. Van Hoorde a demandé qu'un bureau de poste fût établi dans chaque chef-lieu de canton.
C'est là une idée qui parait fort juste au premier abord et c'est, du reste, ce à quoi nous tendons.
Mais je dois faire remarquer qu'il arrive parfois que des localités, qui ne sont pas des chefs-lieux de canton, sont mieux placées que les chefs-lieux de canton eux-mêmes pour devenir le siège d'un bureau de poste. Dans ce cas, il faut que l’intérêt local fléchisse devant l'intérêt général.
L'honorable M. Van Hoorde a désigné spécialement la commune de Fauvillers. Cette commune n'est pas encore en position de recevoir un bureau de poste, à moins qu'on ne fasse un passe-droit à d'autres localités plus importantes. Dès que son tour viendra, il me sera agréable de satisfaire au vœu dont l'honorable membre s'est fait l'organe.
Il est demandé au budget un crédit de 189,000 francs pour le pavage des routes qui traversent les villes et les villages ; l'honorable M. Van Hoorde trouve cette somme insuffisante, et il demande qu'on en applique une partie à la ville de Bastogne.
On a l'habitude, dans l'administration, de se montrer bienveillant pour ces sortes de demandes, mais à la condition qu'on n'exagère pas les besoins.
Or, les rapports qui nous sont parvenus prouvent que, pour le moment du moins, il n'y a pas lieu de faire à Bastogne une part plus large que celle qui, dans l'allocation générale du budget, est réservée au pavage de cette ville.
Si la situation venait à se modifier, je ne me refuserais pas à augmenter dans la mesure du juste et de l'équitable le crédit affecté au pavage de la traverse du chef-lieu de l'arrondissement que l'honorable préopinant représente dans cette Chambre.
L'honorable M. Van Hoorde a ensuite prié le gouvernement de ne pas restituer le cautionnement déposé dans les caisses du trésor par les premiers concessionnaires des lignes de chemin de fer constituant le réseau Forcade.
Je ne ferai qu'une observation à ce sujet : c'est que, d'après la loi du 3juin 1870, le gouvernement ne peut restituer le cautionnement fourni qu'en échange d'un même cautionnement donné par un autre concessionnaire.
Or, cette substitution n'a pas encore eu lieu.
L'honorable membre a demandé encore que la loi de 1870 concernant la concession des mines soit rendue applicable aux carrières. Il voit, dans cette applicabilité de la loi de 1870 aux carrières, un moyen d'assurer le développement et la prospérité des ardoisières de Viel-Salm.
Ce n'est pas la première fois qu'on a réclamé l'applicabilité de la loi de 1870 aux carrières et surtout aux ardoisières ; cette question fait l'objet des études du corps des mines, mais je crois que l'assimilation n'est pas admissible.
Il est à remarquer, en effet, que dans tous les pays, au moins dans tous ceux sur lesquels je possède des renseignements, l'ardoise fait partie des substances dent l'exploitation est abandonnée au propriétaire du sol. Vous savez qu'en Belgique on a même, provisoirement il est vrai, rendu le minerai de fer inconcessible.
L'honorable M. Van Hoorde a insisté, en terminant, pour que l'on réduisît la largeur des jantes, de manière à faciliter et à favoriser la circulation des petits attelages de l'Ardenne. A mon sens, ce qui mériterait une révision, ce serait surtout le poids du chargement ; je crois que le poids, fixé par un décret déjà ancien, est trop faible. Quoi qu'il en soit, la bonne conservation des routes exige qu'il y ait une police sur la largeur des jantes, sauf à montrer, dans certains cas donnés, quelque tolérance pour les malheureux paysans qui n'ont pas toujours le moyen de se procurer des jantes ayant la largeur légale.
C'est de fait ce qui se pratique, car le gouvernement se montre toujours indulgent lorsqu'il s'agit de remettre des peines qui auraient été infligées pour des infractions de ce genre.
L'honorable M. de Vrints est revenu une fois de plus sur les griefs de la ville de Wavre. Il a rappelé qu'il y a bien longtemps déjà j'ai fait à cette Chambre un rapport sur la question et que j'y ai constaté que la loi était favorable à Wavre, en ce sens qu'une voie ferrée avait été décrétée, de manière à permettre d'aborder directement cette ville en partant de Bruxelles. En effet, j'ai reconnu l'existence du droit que l'honorable membre revendique, mais depuis lors, tant de faits se sont consommés que tous les ministres qui se sont succédé au département des travaux publics ont reculé devant l'impossibilité de faire du droit un fait accompli.
Les honorables membres de cette Chambre qui ont pris la parole depuis quinze à vingt ans sur cet objet l'ont, je pense, dû reconnaître dans leur for intérieur. Seulement, ils pensent et ils proclament avec raison que l'on devrait donner satisfaction à la ville de Wavre en lui accordant certaines compensations à puiser dans une bonne organisation des trains et dans un agencement favorable des taxes à percevoir, je le proclame comme eux.
Ainsi l'on a commencé par l'application d'un tarif qui pour le trajet de Wavre à Bruxelles est le même que si la route était directe, comme on a organisé bon nombre de trains de coïncidence immédiate. Je suis bien disposé à faire ce qui sera en mon pouvoir pour améliorer encore la situation sous ce double point de vue dans la mesure de ce qui sera possible.
(page 809) L'honorable M. de Vrints m'a demandé d'accueillir favorablement toute concession d'une ligne directe de chemin de fer partant de la station de Bruxelles-Midi pour Wavre par Saint-Gilles, Tervueren et Isque. Si le demandeur offrait toute garantie voulue, je ne refuserais pas d'examiner sérieusement semblable demande. M. de Vrints a, en outre, parlé de plusieurs autres sujets dont il sera question plus tard.
L'honorable M. de Zerezo, toujours excellent Campinois, a appelé mon attention sur les inconvénients que présente actuellement le régime des eaux des deux Nèthes.
Il vous a entretenus des améliorations que réclame ce régime ; il a signalé les causes du mal dont souffrent les riverains de ces cours d'eau et il a déclaré que, selon lui, ce mal ne gît pas là où mon honorable prédécesseur a pensé qu'il se trouvait.
L'honorable membre a reconnu, toutefois, qu'en semblable matière le ministre est bien forcé, en général, de s'en rapporter à ce que révèlent les études consciencieuses des ingénieurs.
C'est, messieurs, la situation où je suis moi-même : j'ai constaté que la dernière pièce de la correspondance échangée au sujet de cette question confirme les appréciations de l'honorable M. Wasseige et repousse par conséquent le jugement de son honorable contradicteur, qui est devenu aujourd'hui le mien.
La pièce à laquelle je fais allusion est une dépêche que j'ai adressée sous la date du 15 février dernier à l'administration communale de Gheel et dans laquelle est combattue une opinion identique à celle que l'honorable M. de Zerezo a développée devant la Chambre.
L'administration communale de Gheel n'a pas répondu jusqu'à présent à cette communication ; il y aurait donc lieu d'en conclure qu'il n'y a rien à reprendre aux considérations qu'elle renferme.
Cependant, s'il en était autrement, je ne verrais pas le moindre inconvénient à ce qu'il fût procédé à l'enquête que mon honorable ami a réclamée comme la meilleure preuve qu'il pût produire à l'appui de ses protestations convaincues.
L'honorable M. de Zerezo a exprimé le désir que le chemin de fer d'Anvers à Gladbach soit exécuté le plus tôt possible. L'honorable membre sait que si le gouvernement était maître d'exécuter ce chemin de fer, il le ferait dans un délai très court ; mais il sait aussi que l'obstacle qui s'y oppose est tout à fait indépendant de notre volonté. J'espère toutefois que cet obstacle sera bientôt levé et nous serons heureux de voir s'exécuter la voie ferrée dont il s'agit.
Messieurs, je rencontre maintenant un amendement qui a été proposé par l'honorable M. Simonis. L'honorable membre propose à la Chambre de mettre à ma disposition une somme de 10,000 francs qui serait distribuée à des fonctionnaires du département des travaux publics, afin de voyager en Europe, voire même en Amérique et d'y recueillir des renseignements précieux pour l'administration.
Tout en louant beaucoup l'intention de M. Simonis, je dois lui faire observer que je n'ai pas besoin de ce crédit de 10,000 francs pour faire voyager des fonctionnaires de mon département. Ces voyages s'exécutent même souvent ; il y a des fonds pour cet objet au budget. Lorsque les fonctionnaires reviennent de ces voyages, ils déposent toujours, soit un rapport sur ce qu'ils ont pu remarquer d'utile, soit les procès-verbaux des conférences auxquelles ils ont assisté avec les fonctionnaires des autres pays.
Il existe, à mon département, un grand nombre de procès-verbaux et de rapports faits à la suite de missions accomplies dans les conditions indiquées par l'honorable membre.
Ainsi, messieurs, je remercie M. Simonis de sa bonne intention, mais je ne crois pas pouvoir me rallier à son amendement.
L'honorable représentant a parlé aussi d'un autre objet, auquel il ajoute une énorme importance ; c'est celui de la construction immédiate du barrage de la Gileppe dans tout son entier. Cet ouvrage doit avoir 47 mètres de hauteur, mais on commence par ne l'élever qu'à 37 mètres ; et si l'on procède de la sorte, c'est par prudence, afin d'éviter l'éventualité terrible d'une rupture qui serait fatale à toute la vallée de la Vesdre et notamment à la ville de Verviers.
L'honorable M. Simonis et un grand nombre des habitants de Verviers pensent que l'on devrait construire immédiatement tout l'ouvrage. Cela peut être, seulement je crois qu'il est prudent de se renseigner et de s'éclairer parfaitement sur cet objet, lorsqu'en viendra le moment. Je m'engage très volontiers à faire cette sorte d'enquête et à la faire en temps utile, de manière que si le barrage doit s'exécuter jusqu'au bout, il se poursuivra sans interruption.
Quant à moi, j'espère que je pourrai ordonner la continuation des travaux d'un seul jet jusqu'à ce qu'ils soient parfaits. En effet, si le barrage ne s'exécute pas immédiatement en entier, il est évident qu'il en résultera une perte considérable, puisque tout ce qui constitue le matériel et l'outillage serait pour ainsi dire perdu et devrait être recommencé à nouveau. D'ailleurs, le but qu'on s'est proposé et qui est d'avoir une quantité d'eau suffisante ne serait pas atteint aussi vite que l'industrie verviétoise le désire avec raison.
M. Muller. - Le projet a été conçu pour 47 mètres.
M. Beeckman. - Oui, mais il serait imprudent de l'exécuter en une fois.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je répète que, selon moi, il y aura probablement lieu de continuer les travaux jusqu'à leur complet achèvement.
L'honorable M. Descamps a rappelé ce qui s'est passé relativement au chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath et de Blaton à Ath. Il s'est plaint de ce qu'on n'a pas au moins mis en adjudication la construction de la section d'Ath à Belœil ; il a dit que cette section d'Ath à Belœil est dans tous les cas en harmonie avec le projet, quelle que doive être la solution de la question de savoir si la ligne de Saint-Ghislain à Ath sera construite en ligne directe ou bien si elle sera exécutée avec les sinuosités que propose la Compagnie des bassins houillers.
Le retard est dû à l'instance judiciaire à laquelle cette affaire a donné lieu. Je pense qu'il n'y a plus guère à ajourner l'exécution du travail auquel l'honorable M. Descamps porte intérêt. La loi subsiste ; un crédit a été voté et, quant à moi, je crois qu'il y aura lieu de faire le travail et de donner ainsi satisfaction à cette partie du pays qui attend avec tant d'impatience le chemin de fer projeté.
On a parlé tout à l'heure et l'honorable M. Descamps avait parlé avant-hier d'un embranchement de Saint-Ghislain à Erbisœil.
Nous attendons sur cet objet le rapport de la section centrale à laquelle l'amendement qui y est relatif a été renvoyé l'année dernière ; mais je crois pouvoir déclarer dès maintenant que je me rallierais au projet qui consisterait à faire construire le tronçon d'Erbisœil soit par l'Etat, soit par la voie d'une concession donnée de la main à la main.
L'honorable M. Descamps a également parlé de l'embranchement de Blaton à Bernissart.
Cet embranchement se trouve au nombre des lignes que les Bassins, houillers devraient avoir construites avant le 1er juillet 1872.
La société sera en retard, car il est certain aujourd'hui que l'époque que je viens de rappeler sera dépassée ; mais j'espère que, grâce à mes invitations pressantes, les concessionnaires exécuteront ce tronçon dans le plus bref délai possible.
L'honorable M. Thonissen a préconisé le projet de chemin de fer international de Bruxelles à Aix par Tervueren ; il a reproduit les arguments qu'il a déjà fait valoir, à cet égard, l'année dernière dans cette enceinte.
Je ne puis, de mon côté, que répéter que, selon moi, ce chemin de fer constitue une ligne parallèle à des voies existantes qui n'a pas sa raison d'être. Le parallélisme de Bruxelles à Tirlemont surtout est tel qu'il y aurait réellement double emploi et cela sur un parcours de près de 50 kilomètres.
L'honorable membre, avec son éloquence ordinaire, a invoqué des précédents dans lesquels il a vu une grande analogie avec le projet qu'il défend ; il nous a dit : Ce que l'on considérait comme impossible, ce que l'on condamnait comme un double emploi, on a cependant été obligé de le faire pour abréger les distances.
Il a cité, entre autres, le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par Alost. On s'était longtemps, a-t-il dit, opposé à l'établissement de ce chemin de fer, et l'opposition, l'obstination du gouvernement ont même eu pour résultat d'amener l'échec de certaines candidatures qui s'étaient posées dans l'arrondissement d'Alost.
Eh bien, l'honorable M. Thonissen a un jugement trop sûr pour ne pas s'apercevoir lui-même que c'est le cas ou jamais de dire que toute comparaison cloche et qu'il n'y a même pas de comparaison à faire entre le cas proposé par lui et le cas actuel d'un chemin de fer de Bruxelles vers Tirlemont et vers Aix.
En effet, savez-vous, messieurs, quel parcours il y avait de Bruxelles à Gand par Malines ? 76 kilomètres, tandis que le parcours direct est de 57 kilomètres seulement, de sorte que l'exécution de la ligne directe devait conduire à un raccourcissement de 19 kilomètres. Il suffit, du reste, de jeter les yeux sur une carte pour s'assurer qu'en allant de Bruxelles à Gand par Malines, on commence par s'éloigner du but ; ainsi il y a plus loin de Malines à Gand que de Bruxelles à Gand et la différence qu'il y a entre la distance de Bruxelles à Gand par Malines, d'un côté, et la distance de (page 810) Bruxelles à Gand par Alost, d'un autre côté, représente exactement le tiers du développement du parcours direct.
S'il est vrai qu'on ait résisté à l'idée de faire un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand, ce ne pouvait être que parce qu'on n'avait pas alors les fonds nécessaires, car, au point de vue de la rapidité des communications, la question n'est pas discutable. Mais il est à remarquer que de Bruxelles à Tirlemont, ce qui forme une partie assez considérable de cette voie dite internationale sur l'utilité de laquelle on insiste tant, il n'y a pas ou il y a très peu d'économie de distance.
Toutefois, si, comme je l'ai dit déjà plusieurs fois dans cette enceinte, de nouvelles lignes internationales ne sont plus guère indiquées en Belgique, je crois qu'il y a encore beaucoup de localités à rattacher entre elles et je me ferais un bonheur de les relier par des chemins de fer d'intérêt local. Je suis même déjà entré plus ou moins, du moins par des études, dans cet ordre d'idées.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu s'est plaint de la lenteur de la publication des comptes rendus des opérations du chemin de fer. Cette lenteur provient de ce qu'on a voulu faire trop bien les choses, et il en est résulté des inconvénients. Il faut prendre un juste milieu et c'est pour concilier la promptitude et l'exactitude qu'une commission a été nommée par mon honorable collègue des finances et par moi, pour s'occuper du mode de comptabilité du chemin de fer. Elle a déjà obtenu-quelques résultats, et l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a, notamment, pu constater que le compte rendu mensuel du chemin de fer, pour le mois de février, a été publié ces jours derniers.
Ce n'est encore, à vrai dire, qu'un compte rendu approximatif. Mais il sera définitif avant la fin du mois et s'il ne peut l'être plus tôt, c'est parce que l'administration doit, pour cela, posséder d'abord les éléments nécessaires pour établir le décompte des compagnies étrangères et belges.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu ne croit pas que le chemin de fer de Bruxelles à Luttre sera achevé pour l'époque que j'ai indiquée. Il admet pourtant que j'ai fixé cette époque avec prudence. Pour ma part, je dois persister à croire que l'événement ne trompera point mes prévisions. Si les entrepreneurs remplissent leurs obligations comme ils doivent le faire, la ligne tout entière sera livrée à l'exploitation vers le mois de juillet 1873. Les sections les plus rapprochées de Bruxelles pourront même être ouvertes à la circulation avant cette date.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a appelé mon attention particulière sur le chemin de fer de Fleurus à Nivelles par Frasnes-lez-Gosselies ; il a demandé que je ne laisse pas écouler le délai endéans lequel ce chemin de fer doit être construit, sans exiger l'accomplissement des engagements contractés au sujet de cette voie.
Je ferai remarquer que la ligne de Fleurus à Nivelles se trouve, quant à l'époque de la construction et de l'achèvement, dans la dernière catégorie des chemins de fer à construire par la société des Bassins houillers ; elle doit être commencée au plus tard le 1er juillet 1874 et terminée avant le 30 novembre 1876.
Les plans de ce chemin de fer me sont parvenus ; mais je pense qu'il convient de laisser la compagnie des Bassins houillers consacrer tous ses soins et appliquer toute l'énergie et l'activité possibles à l'achèvement des chemins de fer rangés dans les premières catégories. Si déjà, messieurs, on se plaint de la lenteur que cette société apporte à l'exécution de ces dernières lignes, il importe de ne pas l'engager, dès à présent, à s'occuper des sections dont les travaux ne doivent, à la rigueur, pas être entamés avant le mois de juillet 1874.
L'honorable M. Snoy vous a, à son tour, entretenus des réclamations de la ville de Wavre et il a signalé à la Chambre un moyen de compenser le tort fait à cette localité par la non-exécution du chemin de fer direct vers Bruxelles. Ce moyen, dont a parlé aussi l'honorable M. de Vrints, consisterait dans la construction d'un chemin de fer de Hal vers Maestricht. Je ferai remarquer que, comme ligne internationale, la voie de Hal à Maestricht est entachée du défaut que je reproche au chemin de fer de Bruxelles à Aix-la-Chapelle.
Mais, comme ce dernier aussi, le chemin de fer de Hal à Maestricht traverserait des contrées qui méritent d'être reliées entre elles par une voie ferrée qui aurait une utilité locale évidente. Ainsi, une ligne de Hal vers Wavre, absorbant ce qu'on appelle l'embranchement de la Lasne, aurait une utilité réelle.
C'est là, messieurs, une éventualité qui peut se présenter et je me ferai un devoir d'étudier à cet égard les besoins du pays.
L'honorable M. Snoy a rappelé à mon attention la demande qui a été faite par Grez-Doiceau d'être pourvue d'un bureau télégraphique. Je puis lui annoncer, ainsi qu'à l'honorable M. de Vrints, qui a également parlé de cet objet, que le bureau demandé sera prochainement installé.
J'oubliais de mentionner une demande qui a été faite par M. Le Hardy : c'est celle d'une station à créer entre Perwez et Gembloux. Il demande que cette station soit établie dans le lieu le plus propice et le plus avantageux au plus grand nombre.
Le principe d'une station à construire entre Perwez et Gembloux est déjà adopté, mais précisément pour établir cette station dans le lieu le plus propice et le plus avantageux au plus grand nombre, il est nécessaire de faire une enquête sur les lieux, et je me propose de la faire faire.
L'honorable M. Le Hardy a encore recommandé à ma bienveillance les conducteurs des ponts et chaussées ainsi que les chefs de bureau placés sous les ordres des ingénieurs en chef de province.
Messieurs, je suis dans cette enceinte un des plus anciens défenseurs des conducteurs des ponts et chaussées.
Comme ministre, j'ai prouvé que mes sympathies restent acquises à ces fonctionnaires, puisque j'ai proposé, dans mon budget de cette année, une augmentation de crédit de 15,000 francs à leur profit. Je le prouverai encore, en me ralliant à l'amendement de la section centrale qui propose de porter l'augmentation à 20,000 francs.
Quant aux chefs de bureau, je suis également convaincu que leur position doit être améliorée. Aussi, pour le budget de 18753 j'ai proposé, pour ces employés et pour le restant du personnel des bureaux des directions provinciales, une augmentation de 7,200 francs. J'adopte donc volontiers les 4,000 francs d'augmentation que propose la section centrale, et non seulement j'admets cette augmentation, mais je prierai la Chambre de faire pour 1872 ce que je n'avais demandé que pour 1873, car je crois qu'il y a lieu d'améliorer la position des chefs de bureau, des commis et des messagers du service actif des ponts et chaussées.
L'honorable M. Wouters m'a recommandé plusieurs choses importantes relatives à son arrondissement et je lui promets de faire de ses recommandations l'objet d'un examen bienveillant.
Il a signalé entre autres les travaux de la station de Louvain. Il sait que cette station est l'objet d'une sollicitude toute particulière de ma part, et j'espère que bientôt les travaux seront commencés.
L'honorable M. Wouters est un des promoteurs chaleureux du chemin de fer de Bruxelles vers Aix-la Chapelle. Je ne puis que répéter ce que je viens de dire relativement à ce chemin de fer, en répondant à l'honorable M. Thonissen.
L'honorable M. Wouters a appelé mon attention sur la convenance et la nécessité même de rétablir les anciens barrages du Démer, dans l'intérêt de l'agriculture, lequel intérêt primerait ici même celui de la navigation. C'est une opinion qui peut être vraie mais dont je me réserve d'étudier le fondement d'une manière toute particulière.
L'objet dont il s'agit avait déjà été examiné par la section centrale et le rapport de l'honorable M. Beeckman en fait mention ; aussi avais-je prescrit qu'il en soit fait une étude sérieuse.
Le train de huit heures du matin que demande l'honorable M. Wouters ne peut pas être organisé en ce moment ; il donnerait lieu à une dépense trop considérable, surtout par la nécessité de faire aussi un train de plus en retour.
Cette dépense ne serait pas en rapport avec les avantages que le train pourrait procurer. On ne peut pas retarder non plus le départ du train de 6 heures 2 minutes du matin, qui transporte un grand nombre de voyageurs et fournit des correspondances auxquelles il importe de pourvoir.
Mais s'il est possible de satisfaire plus tard les habitants de Louvain sous ce rapport, je ne manquerai pas de le faire et peut-être que l'occasion s'en présentera.
L'honorable M. Balisaux a parlé, dans la séance de ce jour, de la question du chemin de fer d'Athus à Givet. Rien n'est plus étrange, a-t-il dit que l'attitude du gouvernement au sujet de cette affaire. Et comme conclusion, l'honorable membre pose trois questions, à chacune desquelles il demande une réponse claire, nette et catégorique.
« Le chemin de fer du Luxembourg sera-t-il racheté ? »
Je réponds à l'honorable membre que, pour faire un marché, il faut le consentement des deux parties.
L'honorable membre demande quand le dénouement arrivera et où se font les négociations.
Je lui répondrai que le mois ne s'écoulera probablement pas sans qu'une solution intervienne.
Je lui fais connaître également que les négociations se font à Bruxelles.
« La reprise du Luxembourg par l'Etat condamne-t-elle irrévocablement le chemin de fer d'Athus-Givet ? »
Je ne puis pas répondre d'une manière catégorique à cette question car on ne peut jamais engager l'avenir, La reprise du Luxembourg par le (page 811) gouvernement rend, selon moi, moins probable, la concession d'Athis-Givet, du moins dans an temps rapproché.
Mais je n'affirme en aucune façon que le rachat condamnerait irrévocablement le chemin de fer d'Athus vers Charleroi.
L'embranchement de La Vire sera-t-il construit ?
Je réponds que cet embranchement sera construit ; mais je réponds aussi que ce n'est pas le moment de le concéder, vu que, dans certaines hypothèses, il peut devenir la tète de ligne d'un chemin de fer d'Athus vers Charleroi.
« Je crois qu'il n'y a rien que de très clair dans cette position. »
L'honorable M. Balisaux se plaint des lenteurs que mettent les Bassins houillers dans la construction du chemin de fer de ceinture de Charleroi et du chemin de fer de Luttre à Châtelineau ; il affirme que ces chemins de fer ne se construiront pas. Quant à moi, je ne porte pas si loin mes prédictions ; je regrette que les travaux ne soient pas plus avancés qu'ils le sont, mais je n'oserais pas affirmer qu'ils ne s'exécuteront pas ; j'espère, au contraire, qu'ils se feront.
J'admets avec M. Balisaux qu'il serait extrêmement difficile, peut-être même impossible, d'avoir fini les travaux pour le 1er juillet 1873 ; mais enfin, j'ai encore quelque espoir qu'on se mettra à l'œuvre avec une énergie telle que, si l'on n'a pas fini à cette époque, on ne sera pas éloigné au moins d'avoir terminé.
M. Balisaux a mal interprété les motifs du tarif spécial n°7 pour le transport des charbons du Borinage vers Gand. Si je l'ai bien compris, l'honorable membre prétend que le Borinage ayant droit au chemin de fer direct de Saint-Ghislain à Ath, et l'Etat n'ayant, par une faiblesse coupable, pas tenu la main à l'exécution de ce chemin de fer, le gouvernement aurait accordé au Borinage un tarif spécial qui froisse les intérêts du bassin de Charleroi.
Eh bien, messieurs, cet historique n'est pas exact.
Le tarif spécial comportant une certaine réduction pour le transport des charbons du Borinage vers Gand est le résultat du parallélisme de la voie d'eau, et ce tarif existait, avant que l'Etat reprît le chemin de fer de Hainaut-Flandres.
L'Etat a trouvé ce tarif, qui était même un tarif intérieur de la compagnie de Hainaut-Flandres.
M. Boucquéau. - Il l'avait fait de commun accord avec la compagnie.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - En tout cas, la raison d'être du tarif est bien celle que je viens de dire. Partout où un chemin de fer se trouve en concurrence avec une voie d'eau, il est obligé de consentir à certaines réductions de taxes pour garder du moins quelques transports.
Messieurs, je m'efforcerai de donner une impulsion nouvelle aux travaux de la station de Charleroi. Il est vrai que les mesures nécessaires pour combler les bas-fonds de cette station n'ont pas été prises jusqu'à présent avec toute l'énergie et toute l'activité désirables.
Mais les obstacles qui s'y opposaient sont levés et j'espère que le travail sera conduit de telle façon qu'au lieu de dix ans que l'honorable M. Balisaux nous donne pour le voir achevé, il ne nous faudra pas dix mois pour conduire l'entreprise à bonne fin.
J'en resterai là pour le moment, messieurs, et j'attendrai que l'on m'adresse de nouvelles questions avant de reprendre la parole.
(page 797) M. Van Iseghem. - J'ai demandé la parole pour m'occuper de diverses questions qui ont trait au budget des travaux publics.
L'honorable ministre des travaux publics, qui vient de s'asseoir, en répondant à plusieurs de. nos. collègues qui ont demandé la reprise par l'Etat de plusieurs routes concédées, vient de nous dire que l'Etat pourrait se charger de l'entretien de ces routes, moyennant de laisser aux concessionnaires, pendant quelque temps, le produit des barrières. Cette combinaison peut donner une certaine satisfaction aux intéressés.
Mais je connais une autre catégorie de routes, ce sont celles construites par des communes les reliant entre elles, de routes d'une certaine longueur, d'environ 10 à 20 kilomètres, et qui sont un trait d'union entre des canaux et des routes de l'Etat. A cet égard, la section centrale a exprimé le vœu que l'Etat reprenne ses routes, sauf à laisser, aux communes ou aux concessionnaires, les plantations existantes jusqu'à leur maturité.
J'appuie de toutes mes forces ce vœu ; les communes auraient le droit de vendre à leur bénéfice toutes les plantations existantes qui longent les routes. Je crois que M. le ministre des travaux publics ferait acte de bonne administration en se mettant en rapport avec les communes qui ont établi ces chemins de grande communication. Comme ces communes se sont mises en frais pour construire des pavés, je pense, outre les plantations, qu'on pourrait leur accorder encore une certaine indemnité ; ce serait une légère compensation pour la suppression du droit de barrière que ces communes ont décrété il y a déjà quelques années.
La section centrale a émis un autre vœu : c'est qu'on supprime ou que l'on restreigne autant que possible les plantations le long des routes. Ces plantations, en effet, causent un tort considérable à l'agriculture et j'engage vivement le gouvernement à accueillir ce vœu.
(page 798) Pendant deux années, messieurs, j'ai demandé que le gouvernement établît un bateau dragueur pour le port d'Ostende, principalement pour débarrasser la crique des pêcheurs de la vase qui s'y accumule.
La situation est telle aujourd'hui, messieurs, que les navires et les bateaux pêcheurs peuvent à grande peine entrer, si ce n'est presque à marée haute ; c'est un immense inconvénient, car les bateaux doivent pouvoir entrer dans le quai à tout moment de la marée ; ce qui était seulement utile il y a deux ans, devient aujourd'hui tout à fait indispensable et urgent. Il faut donc que le gouvernement prenne des mesures énergiques, il ne s'agit pas de construire des bassins, il faut les entretenir. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit il y a un an ; cependant je dois faire observer que la crique n'a pas de chasses et que l'eau de mer contient une certaine quantité de sable. Un bateau dragueur rendrait encore d'autres services, non seulement au port, mais aux canaux dans les environs d'Ostende.
L'an dernier, j'ai aussi recommandé à la sollicitude du gouvernement un projet de pavé destiné à relier Ostende à Blankenberghe, en passant par plusieurs communes du littoral. Le gouvernement, je le sais, a mis ce projet à l'étude ; il a demandé l'intervention pécuniaire des communes intéressées. Mais leurs ressources sont très restreintes, il serait juste, je pense, de tenir compte de leur situation financière et de se contenter de ce qu'elles pourront faire. Peut-être pourraient-elles, de concert avec les propriétaires, fournir gratuitement les terrains.
Je prie donc M. le ministre des travaux publics de faire tout ce qui sera possible pour la construction de cette route sans exiger des communes une intervention qui ne soit pas en rapport avec leurs ressources.
Je recommanderai aussi à M. le ministre des travaux publics une demande qui a été faite par l'administration communale d'Ostende pour l'établissement d'un pavé, qui serait en même temps un chemin de halage sur la rive gauche du canal de Bruges, entre la ville d'Ostende et le pont de la Chapelle. Aussi longtemps que les fortifications d'Ostende existaient, ce projet était impossible ; mais comme nous en sommes débarrassés maintenant, ce travail est nécessaire dans l'intérêt de la navigation, et également comme chemin destiné à relier la ville d'Ostende aux communes de l'est et du sud-est de la ville. Aujourd'hui on répare un pont et les communications sont interrompues. Dans deux ans, on sera obligé de reconstruire deux ponts ; il faut que le gouvernement garantisse les communications. L'Etat est lui-même intéressé à avoir ce pavé ; il possède de ce côté des terrains à vendre ; en outre, le chantier de créosotage se trouve de ce côté du canal, qui est inabordable en ce moment. J'engage donc M. le ministre des travaux publics à faire construire cette route le plus tôt possible.
Messieurs, le gouvernement néerlandais fait des travaux immenses au port de Flessingue pour y attirer un grand commerce. Le chemin de fer vers l'Allemagne sera achevé dans un an ou deux. La ville d'Anvers est, à juste titre, effrayée de cette situation, et ce qui le prouve, c'est qu'elle a demandé dans le temps qu'on construise le chemin de fer d'Anvers à Gladbach pour pouvoir soutenir la concurrence avec le port de Flessingue.
M. Jacobs. - Elle le demande encore.
M. Van Iseghem. - Quoi qu'il en soit, si réellement ce fait doit arriver, je demande s'il n'est pas à souhaiter que les navires déchargent plutôt à Ostende qu'à Flessingue. Ostende et Flessingue sont deux ports situés sur la mer du Nord.
Le déchargement se fait à Ostende promptement sans subir aucun retard, ce qui est un grand avantage pour les navires, surtout pour la navigation à vapeur.
Considérez aussi que l'Etat est propriétaire du chemin de fer d'Ostende à Verviers et qu'il a intérêt d'attirer à Ostende des marchandises.
J'appelle donc sur tous ces points l'attention de l'administration des travaux publics et spécialement l'attention de l'administration des chemins de fer. Je demande que ces administrations établissent un plan général de tout ce qui doit être fait au point de vue commercial de la ville d'Ostende pour être effectué au fur et à mesure des besoins du commerce et des ressources de l'Etat.
Je demanderai que le gouvernement commence par placer des rails autour du côté nord des bassins, jusqu'à l'ancien quai des Bateaux à vapeur et la nouvelle crique des pêcheurs. Nous devons aussi penser à l'hiver, les expéditions sont très difficiles, l'Escaut et tous les canaux sont pris par les glaces, tous les navires doivent se réfugier à Ostende, la place manque alors, ce n'est pas seulement pendant l'hiver qu'elle manque, mais encore pendant l'été.
Quand il y a quelques arrivages, il n'y a pas de longueur suffisante de rails pour décharger les navires. Ostende se trouve un peu à l'index sous ce rapport, puisque dans tous les autres ports on vient prendre les waggons à l'aide de chevaux ou d'une locomotive, tandis qu'à Ostende les ouvriers aux frais du commerce doivent pousser les waggons jusqu'aux endroits où on décharge les navires. Je recommande ce point à l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics.
Comme je parle de la station d'Ostende, je prie le gouvernement de faire tout son possible pour hâter les travaux d'agrandissement. L'été est là, de nombreux trains chargés de voyageurs vont nous arriver et l'exiguïté de la station donne lieu à un désordre inouï, il y a donc grande nécessité de faire les travaux nécessaires.
J'ai aussi un mot à dire de la reprise des chemins de fer de la Flandre occidentale. La plus grande partie de ces lignes appartient à des compagnies concessionnaires. Plusieurs de ces lignes deviennent des lignes internationales. Les tarifs des sociétés sont plus élevés que les tarifs de l'Etat, et sous ce rapport il y a un immense désavantage pour le commerce et pour les populations de la Flandre occidentale.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il ne peut nous dire où en est arrivée la question de la reprise des lignes de la Flandre occidentale ? Il y aurait peut-être lieu de négocier isolément avec chaque société ? Il y en a quatre ou cinq et peut-être faudrait-il, pour déjouer la coalition entre les sociétés, traiter d'abord avec l'une, ensuite avec l'autre. On atteindrait ainsi mieux le but.
L'honorable M. Balisaux nous a parlé hier de l'exportation des charbons. Voici ce que je pense de cette question.
Aussi longtemps que les charbonnages belges n'enverront pas à l'étranger des voyageurs pour avoir des commandes et donner à fret les charbons, je ne pense pas que jamais on pourra exporter ; les armateurs et les capitaines de navires ne voudront pas charger du charbon pour leur propre compte, car ils risquent toujours de ne pouvoir les vendre à un prix leur laissant un fret raisonnable.
Voici ce qui arrive. Un navire part sur lest de la Belgique en destination de l'Amérique ou de la Méditerranée ; pour gagner un fret modeste il se rend d'abord en Angleterre pour prendre du charbon ; il fait voile, suivant le vent, soit pour Newcastle, soit pour Cardiff. Le capitaine arrive, va à la bourse. Un courtier lui demande pour quelle destination il désire accepter un fret. Il répond, je suppose, pour Buenos-Ayres. Immédiatement on lui donne le prix courant du fret du charbon et il signe la charte partie. Comme le charbon ne coûte que 7 sh. en Angleterre, le navire reçoit un tiers d'avance sur le fret, afin de ne pas être exposé à l'inconvénient de laisser le chargement à l'étranger pour le fret. Arrivé à destination au bout de quelques jours, le navire est déchargé et le solde du fret encaissé.
Maintenant, voyons le cas d'un capitaine qui prend de la houille pour son propre compte. Arrivé au lieu de sa destination, il est obligé, pour que le navire ne reste pas comme un magasin, de vendre le charbon à tout prix, car mettre une marchandise de peu de valeur en magasin est, à cause des frais, impossible ; ces opérations produisent toujours de la perte.
Les navires qui vont en Angleterre, pour prendre du charbon, sont obligés de prendre du lest, ils ont à payer des frais de port et un retard, ils accepteraient volontiers à 2 ou 3 shillings par tonneau de fret de moins, à Anvers ou à Ostende, que dans les ports anglais. Cette explication prouvera, je l'espère, que si les charbonnages désirent exporter pour les pays d'outre-mer, ils doivent commencer à obtenir des commandes.
J'ai entendu avec satisfaction l'honorable M. Moncheur nous dire qu'il acceptait l'amendement de la section centrale concernant le traitement des conducteurs des ponts et chaussées et des chefs de bureau des ingénieurs en chef.
Il a dit en même temps, si je l'ai bien compris, qu'il aurait également augmenté les commis de direction. Je lui recommanderai aussi les commis des ingénieurs d'arrondissement qui ont autant de titres à une augmentation et ont plus de besogne que les commis de direction.
A l'occasion de l'augmentation des traitements, je dois dire que je trouve que le traitement des ingénieurs est insuffisant. Les ingénieurs ont une immense responsabilité ; ils sont obligés d'exécuter des travaux d'une grande importance, ils sont faiblement rétribués. Quand ils n'ont pas de fortune personnelle et qu'ils sont surchargés de famille, il leur est impossible de vivre convenablement.
On m'a dit même qu'à tout moment il y a des offres de l'étranger pour attirer nos ingénieurs. Je crois que, sous ce rapport, il y a quelque chose à faire et j'appelle, sur ce point encore, l'attention sérieuse de M. le ministre des travaux publics.
(page 811) M. Moncheur, ministre des travaux publics - Messieurs, j'ai omis de répondre à un point important du discours de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
L'honorable membre a demandé si les diverses sommes que la compagnie des Bassins houillers devait verser au trésor public sont, en effet, soldées.
La première de ces sommes est celle de 600,000 francs, mentionnée à l'article 3, paragraphe premier, de la convention du 25 avril 1870.
La deuxième est celle de 3,000,000, prévue au paragraphe 3 du même article.
La troisième est celle de 100,000 francs, indiquée à l'article 10, paragraphe 3.
Ces trois versements ont été effectués intégralement et voici l'indication de l'emploi qu'a reçu l'argent qui en est provenu.
Les 600,000 francs notés en première ligne ont été appliqués à des réfections supplémentaires, conformément à l'esprit du premier alinéa de l'article 3 de la convention.
Les sommes déjà engagées sur ces 600,000 francs s'élèvent à 180,551 fr. 65 c, de sorte qu'il reste disponible 419,448 fr. 35 c.
Le montant du versement de 3,000,000 de francs est réservé à l'exécution des compléments d'installation, doubles voies, etc., des lignes qui étaient en exploitation au 1er janvier 1871, conformément au troisième alinéa de l'article 5 de la convention. Les sommes déjà engagées sur ce versement s'élèvent à 2,044,029 fr. 89 c., ce qui laisse un disponible de 955,970 fr. 11 c.
Enfin, les 400,000 francs versés par la compagnie, pour tenir compte de l'usage déjà fait d'une partie du matériel de transport, du mobilier, etc., ont été employés complètement à l'achat d'objets destinés à la réparation de ce matériel et de ce mobilier.
Les approvisionnements repris en exécution de l'article 11 de la convention ont été l'objet d'avances faites par le trésor, au fur et à mesure des recensements et dès le commencement de l'année dernière.
Ces avances, qui se sont élevées à 1,734,008 fr. 44 c, sont en voie de régularisation.
Un autre point a été signalé par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. Il a demandé communication de la convention particulière qui, selon lui, aurait dû être faite pour régler le partage prévu à l'article 47 de la convention du 25 avril 1870,
Voici la réponse que j'ai l'honneur de faire à cette demande :
Le partage des recettes énumérées à l'article 47 de la convention du 23 avril 1870 n'a donné lieu à aucune convention particulière, par la raison toute simple qu'un arrangement de l'espèce n'avait aucune raison d'être.
En effet, les articles 50 et 51 posent les bases invariables d'après lesquelles devaient être et ont été établis les tableaux de répartition qui fonctionnent depuis le 1er janvier 1871.
En ce qui concerne l'attribution des transports à la voie qui présente le plus petit développement, la convention de cession n'a rien innové ; elle a, au contraire, maintenu d'une manière absolue les règles fixées par les articles 3 et 5 de la convention intervenue le 17 juin 1868 entre l'administration des chemins de fer de l'Etat et la Société générale d'exploitation.
La société des Bassins houillers n'a donc obtenu d'autres avantages que ceux qui lui sont assurés par la convention de cession.
Si pour certains transports, le chemin de fer de l'Etat n'utilise pas les lignes cédées, bien que la direction normale soit indiquée par ces lignes, c'est dans l'intérêt d'une bonne exploitation et en vue de réduire autant que possible les dépenses de traction.
La société des Bassins houillers est d'ailleurs complètement désintéressée dans la question, c'est-à-dire qu'il y a des voies plus courtes, mais dont l'exploitation est plus coûteuse que ne l'est l'exploitation de lignes plus longues ; alors l'Etat préfère reporter les transports sur les lignes de son ancien réseau, au risque d'avoir à faire un parcours plus considérable plutôt que de se servir des lignes reprises des Bassins houillers ; de cette façon, l'économie est du côté du parcours le plus long mais le moins accidenté.
(page 799) M. Boucquéau. - Messieurs, j'ai regretté de n'avoir pu, pour cause d'indisposition, participer à la discussion générale qui ont lieu dans cette Chambre au mois de janvier dernier relativement à l’allocation d’un crédit spécial de 12,080,000 francs au ministère des travaux publics. J’y aurais insisté vivement pour l’adoption de l’amendement proposé par M. Sainctelette, en cherchant toutefois à le conformer à l’idée que j’ai eu l’honneur de vous exposer le 8 juin dernier. Car si alors, sans entrer dans l'examen d'idées beaucoup plus vastes et moins immédiatement réalisables, émises quelque temps auparavant par l'honorable membre, je me suis borné à demander la remise d'une partie des taxes normales et notamment des frais fixes aux expéditeurs qui, pour leurs transports, feraient usage de leur propre matériel, je n'aurais pu, en janvier dernier, admettre certaines restrictions, certaines limitations que l'amendement de M. Sainctelette comportait. Je n'en regrette pas moins le retrait de cet amendement, car ayant quelque droit peut-être à réclamer la paternité de l'idée qui l'a dicté et que, depuis douze ans, j'ai mise. en pratique dans la limite qui m’a été permise, je regretterais de la voir sacrifiée ou ajournée à long terme, alors qu'à son défaut on inflige périodiquement au public des souffrances intolérables.
Je dis donc, messieurs, qu'à moins de méconnaître les obligations qu'impose le monopole d'un service public, notamment lorsqu'on s'en est arrogé l'exploitation, on ne peut, sans manquer à tous ses devoirs et aux plus simples règles du bon sens, laisser ce service en souffrance et prétendre empêcher en même temps ceux que l'on fait ainsi souffrir, de se tirer d'affaire par eux-mêmes.
Je le sais, je l'ai reconnu et déclaré déjà, il n'est donné à personne de pouvoir répondre de suffire toujours à des besoins indéterminés, de pouvoir suffire aux oscillations les plus larges du trafic, mais par cela même qu'une telle exigence n'est pas admissible vis-à-vis de l'administration, celle-ci ne peut, sans tomber dans un arbitraire révoltant, refuser au public de pourvoir par lui-même à un service qu'elle ne peut remplir et dont il ne peut se passer.
Je reprends donc mon sujet et je dis que tandis que le système exposé par l'honorable M. Sainctelette, en février 1871, est peu réalisable parce qu'il constituerait une révolution dans l'exploitation de nos chemins de fer, l'amendement qu'il a formulé en janvier dernier apportait des restrictions regrettables à une proposition que j'avais réduite à des proportions bien modestes.
Je ne sais si ces restrictions tendaient à rendre l'amendement plus acceptable par le gouvernement ; en ce cas, elles auraient manqué leur but, puisque le gouvernement, sans toutefois s'y opposer formellement, ne s'y est point rallié et a demandé qu'il fût écarté par des considérations dont l'honorable M. Malou, qui les a produites, n'a pu, me semble-t-il, se dissimuler la faiblesse.
Je vais essayer de vous démontrer, messieurs, que ni les restrictions de l'honorable M. Sainctelette, ni les objections de l'honorable M. Malou ne sont fondées et que, par conséquent, rien ne s'oppose à l'adoption d'une mesure dont l'un des moindres bienfaits serait, sinon de prévenir le retour des crises que subissent presque périodiquement les transports par voie ferrée, tout au moins de les atténuer considérablement et de dégager la responsabilité de l'Etat du chef du monopole qu'il s'est attribué, en laissant à chacun la possibilité de se prémunir contre le retour toujours possible d'une pénurie de matériel.
Je rappelle d'abord l'amendement formulé par M. Sainctelette : Le gouvernement est autorisé à accorder des réductions sur les prix ordinaires du tarif pour les transports de grosses marchandises, quatrième classe, qui s'effectueront au moyen de waggons fournis par les particuliers et agréés par l'administration.
Les tarifs et les conditions de ces réductions seront déterminés par un arrêté royal.
Le type d'après lequel aura lieu l’agréation ne pourra être modifié qu'après un terme de cinq ans.
Que cette formule n'est pas assez large, cela résulte de ce que certaines marchandises, pour lesquelles un matériel spécial fourni par les particuliers eux-mêmes a été exceptionnellement admis, ne sont pas rangées dans la quatrième classe ; ainsi, si je ne me trompe, les glaces de vitrage et le goudron ont été transportés et le sont encore dans des waggons appropriés, fournis par les expéditeurs. Pour le dire en passant, cette substitution du matériel privé au matériel de l'Etat, a fait passer le goudron de la deuxième à la quatrième classe et je suis loin, en demandant la généralisation de la mesure, de réclamer une modification aussi considérable des prix normaux. Mais pourquoi les bouteilles et notamment les dames-jeannes, dont l'emballage est si onéreux, les pierres taillées ; pourquoi les pièces mécaniques, la chaudronnerie de cuivre, les faïences et beaucoup d'autres articles, si exposées à détérioration dans les manutentions de chargement et de déchargement, qu'ils subissent en pure perte dans les stations, ne pourraient-ils pas jouir de l'avantage d'être expédiés sur du matériel appartenant aux industriels eux-mêmes, matériel qu'ils combineraient évidemment de manière qu'aucune manutention inutile ne soit nécessaire entre les magasins d'expédition et ceux de destination ?
Pourquoi donc l'idée pratiquée au chemin de fer pour les déménagements au moyen de ces voitures appelées tapissières, dont chacun a pu apprécier l'utilité, ne recevrait-elle pas toute l'extension dont elle est avantageusement susceptible ?
Il est évident, messieurs, que si toutes les conditions voulues pour que ces waggons particuliers puissent s'intercaler dans les trains et circuler sur les chemins de fer de l'Etat sont observées, si les roues et leurs essieux, les buttoirs, les chaînes d'attache, tout ce qui constitue le truc proprement dit, en un mot, est conforme au matériel de l'administration, il n'y a aucune raison pour que la partie affectée au chargement, la partie utile, ne soit pas combinée par les industriels selon leur usage spécial et de manière à faciliter les opérations de chargement et de déchargement qui leur incombent ; de manière, par exemple, à permettre l'enlèvement des caisses ou coffres formant le dessus du waggon, que l'on transporterait à domicile sans avoir à manier de nouveau la marchandise.
Dans beaucoup de cas et pour les marchandises de grande consommation, des appareils de rechange pourraient être chargés immédiatement sur les waggons, en remplacement de ceux qu'on en enlèverait ; il en résulterait une grande accélération des opérations du chargement et du déchargement et par conséquent une meilleure utilisation des stations. Je crois donc, messieurs, que, non seulement pour les marchandises de quatrième classe, mais pour une foule d'autres marchandises, il y aurait lieu d'adopter la mesure proposée.
On comprendra aussi par ce que je viens de dire, et par cela même que certaines parties du waggon seraient appropriées à un usage spécial, que l'on devrait compter sur un terme de plus de cinq ans d'utilisation du matériel ainsi fourni.
L'administration, en effet, n'aurait aucune raison pour se refuser à un laps de temps même porté au double.
On l'a dit quelquefois à la Chambre, la durée d'un waggon est de 15 à 20 ans ; or, on comprend que l'Etat, possédant lui-même un matériel de 20,000 véhicules environ, ne peut en changer les parties essentielles tous les cinq ans, et que ces parties essentielles devant être nécessairement les mêmes pour le matériel privé, rien n'empêche de garantir une utilisation plus longue de celui-ci, sauf le cas, bien peu probable, où l'Etat lui-même croirait devoir modifier tout son matériel.
On le voit, messieurs, l'amendement proposé, loin d'être conçu dans des termes trop larges et de nature à effrayer l'administration sur la portée trop grande de ce qu'on lui demandait, était extrêmement modeste. Aussi n'ai-je pas été peu étonné de voir que l'honorable M. Malou ne l’ait pas accepté d'emblée. Mais mon étonnement se changea en satisfaction, je l'avoue, lorsque j'eus examiné les deux objections qu'y opposait l'honorable ministre. Je me suis dit que si un homme aussi compétent n'avait trouvé que ces objections à opposer à la mesure dont il s'agit, c'est qu'elle est réellement bonne et que, par conséquent, si pas aujourd'hui, du moins dans un délai très rapproché, elle ne peut manquer d'être adoptée.
Voyons donc la première objection de l'honorable M. Malou :
« Ce serait une erreur de croire que cette idée soit applicable partout et surtout qu'il y ait en Belgique un grand nombre de localités où elle soit applicable.
« En effet, messieurs, l'exploitant qui veut utiliser son matériel s'attache à avoir le moins possible de retours à vide. »
Partant de là, l'honorable ministre vous a cité l'exemple d'une négociation qui n'a pu aboutir parce que les compagnies des deux Luxembourgs exigeaient pour admettre le matériel qu'on leur offrait pour des transports vers la Moselle, de pouvoir utiliser ce matériel pour des transports en retour.
Eh bien, messieurs, je n'hésite pas à dire, en présence de cet exemple, que l'exception prouve la règle. On conçoit, en effet, que si les deux Luxembourgs, par un concours de circonstances heureuses, ont à l'aller et au retour des transports qui s'équilibrent et qui peuvent se charger dans les mêmes waggons, c'est un cas tellement exceptionnel qu'il ne peut guère être invoqué.
(page 800) Je ne voudrais par abuser de vos moments pour passer en revue la plupart des lignes exploitées en Belgique et constater que le matériel voyageant à charge dans un sens revient généralement à vide dans l’autre ; cela serait parfaitement inutile, car j'ai un argument bien plus concluant à invoquer : c'est que naguère encore, et à une époque où se produisait déjà périodiquement une pénurie de matériel, l'administration accordait une prime ou remise de 25 centimes par tonne aux transports par abonnement qui s'effectuaient régulièrement avec retour à vide, et c'est ce qui a encore lieu aujourd'hui, sauf que la bonification de 25 centimes ne s'accorde plus. Je vous le demande, lorsque, malgré ce retour à vide, l'Etat engage son matériel sans majoration de prix pour le transport à charge, s'il peut refuser à du matériel privé faisant un semblable service une remise représentant l'économie qu'il réaliserait en n'employant pas son propre matériel ?
Ainsi donc, messieurs, l'abonnement qui se pratique encore au chemin de fer prouve que la première objection donnée par l'honorable M. Malou n'est pas bien sérieuse.
Il suffit, d'ailleurs, pour apprécier cette question, de savoir que si, sur beaucoup de lignes il y a des transports de marchandises dans les deux sens, ces marchandises sont généralement de nature trop différente pour pouvoir se transporter sur le même matériel.
Arrivons à la seconde objection. Elle est, je crois, moins fondée encore que la première :
« Il y a, dit l'honorable ministre, entre l'Etat et les compagnies dont il exploite les lignes, quelques conventions qu'il faut bien examiner avant de s'engager dans cette voie. Ainsi, il faudrait peut-être un arrangement avec la compagnie des Bassins houillers dont l'Etat exploite 607 kilomètres. Si, en effet, l'arrangement n'était pas commun à l'Etat et à la compagnie des Bassins houillers, elle pourrait se dire en droit de réclamer sa part de la totalité de la taxe légale lorsque ces waggons parcourront les lignes qu'elle a fournies à l'exploitation de l'Etat. »
Jusqu'à plus ample informé, il ne m'est pas possible, messieurs, de considérer cette objection comme venant de l'honorable M. Malou. Comment pourrait-il penser un instant que l'Etat exploitant des lignes appartenant à des compagnies et obligé de fournir tout le matériel d'exploitation, le matériel de traction comme le matériel de transport, puisse retenir sur la part revenant à ces compagnies une fraction, si minime qu'elle fût, de la remise qu'il accorderait pour fourniture en son lieu et place d'un matériel qu'il s'est engagé à fournir.
L'Etat, évidemment, ne peut imputer sur la recette commune le prix d'un service dont seul il est chargé, et il n'est pas douteux qu'à toutes les sociétés dont il exploite les lignes avec obligation d'y fournir le matériel, il devrait tenir compte de la part qui leur reviendrait, absolument comme si, conformément à son engagement, il avait fourni son propre matériel. Il n'y a pas jusqu'à la société de Dendre-et-Waes qui, malgré les termes de son article 10, ne puisse invoquer cet argument, car évidemment l'Etat ne pourrait réduire la recette brute partageable, en faisant fournir par d'autres ce qu'il doit fournir lui-même.
Du reste, messieurs, cette question n'est est plus une déjà dès à présent. Est-ce que sur toutes les lignes qu'il exploite moyennant partage de recette avec les compagnies concessionnaires l'Etat ne fait pas circuler du matériel appartenant à des compagnies étrangères, auxquelles il a des frais de location et de parcours à payer, et a-t-il jamais pensé à imputer sur la recette commune la location de ce matériel à défaut duquel il eût dû employer le sien ?
On le voit, messieurs, la seconde objection de M. Malou n'est pas plus fondée que la première et, je le répète, lorsqu'un homme aussi versé dans la matière et dont chacun reconnaît l'intelligence n'a rien trouvé de mieux à opposer à la mesure dont il s'agit, c'est qu'évidemment cette mesure est bonne, et je me plais même à croire que l'on peut compter sur le concours de l'honorable M. Malou pour arriver bientôt à son application.
J'y compte d'autant plus, que cette faculté donnée aux expéditeurs, de fournir leur propre matériel en retour d'une réduction de la taxe normale et notamment des frais fixes apparaîtra bientôt comme un moyen tout aussi puissant que simple de faire disparaître la plupart des souffrances infligées périodiquement aux affaires par l'insuffisance du matériel et des stations dont dispose actuellement l'administration, tout en attirant cependant au chemin de fer une foule de transports à petite distance, qui jusqu'ici lui ont échappé, et qu'il serait cependant productif pour l'Etat et économique pour l'industrie d'effectuer par chemin de fer.
Je me suis étendu assez longuement l'année dernière sur les conséquences certaines de cette mesure, en apparence si peu importante. Je me bornerai ici à les résumer, espérant que l'attention, vivement attirée dans ces derniers temps sur tout ce qui concerne l'exploitation des chemins de fer, saisira facilement le rapport entre les griefs si fréquemment signalés et les moyens que j'ai indiqués pour les atténuer.
N'est-il pas évident, en effet, que les expéditeurs, indépendamment de ce qu'ils combineraient leur matériel de manière à se faciliter les opérations de chargement et de déchargement, activeraient autant que possible ces opérations, afin de bien utiliser un capital qui s'amortit presque autant en stationnant qu'en roulant, qu'ils veilleraient à ce que leur matériel soit mis promptement à leur disposition sur les voies de garage, à ce qu'à vide ou à charge, il ne traîne pas en route, à ce qu'il accomplisse régulièrement et sans retard le service auquel il aura été affecté. Actuellement, avec le service d'abonnement, le waggon qui chôme ou qui subit des retards n'inflige pas des pertes directes à l'abonné, qui ne paye, en définitive, qu'en raison du nombre de voyages qu'a pu faire le matériel mis à sa disposition.
Ainsi, nous avons vu par suite de l'encombrement de la dernière crise des waggons abonnés, qui habituellement faisaient deux ou trois voyages par semaine, n'en faire plus qu'un ou un et demi. Mais, tout retard d'un waggon appartenant à un particulier causerait à celui-ci une perte dans l'usage de son capital, et l'on peut être certain que, sous l'impulsion de cet intérêt direct, le service tout entier ne manquerait pas de se régulariser et de s'activer. L'Etat, en effet, serait fondé à réclamer pour l'emploi de sont matériel la même économie, la même activité dont les particuliers feraient preuve pour le leur.
Il y aurait là une analogie très saisissable avec ce qu'on remarque dans certaines usines, où diverses parties du travail s'enchaînent s'effectuant les unes à pièce, et d'autres en journée.
Les ouvriers en journée qui n'ont pas d'intérêt direct à activer la besogne sont pressés par les ouvriers travaillant à l'entreprise, à qui tout retard, toute négligence dans la marche du travail inflige une perte réelle ; et l'on en arrive ainsi à une activité assez uniforme pour qu'il soit difficile de distinguer les hommes travaillant à la tâche de ceux qui travaillent à la journée.
Il est clair que l'Etat demanderait à tous ses chefs de station, pour la bonne utilisation de son matériel, la même activité que certains d'entre eux apporteraient à l'utilisation du matériel privé sous l'impulsion les industriels à qui il appartiendrait et avec lesquels ils sont en rapport constant.
Une des meilleures preuves de la bonté de la mesure indiquée, c'est qu'elle réalise, avec des avantages facilement appréciables, la plupart des désirs exprimés dans nos discussions, par des membres parfaitement à même d'apprécier ce que le régime actuel laisse à désirer et les lacunes, qu'il serait utile de combler.
L'honorable M. Balisaux, qui doit apparemment s'y connaître, a signalé, en janvier dernier, combien serait utile une réduction de tarif pour les transports à courte distance.
J'ai été heureux de son observation, car, ainsi que j'ai eu l'occasion de le démontrer, des transports à courte distance considérables échappent au chemin de fer, à cause de l'élévation du tarif et notamment des frais fixes, qui cependant forment un élément rationnel et indispensable même de tarification, précisément à cause du chômage du matériel pendant le chargement et le déchargement.
Il en résulte un grand dommage pour l'industrie, obligée de conserver encore des transports par axe parallèlement à des voies ferrées.
Eh bien, messieurs, que l'on adopte cette mesure d'une réduction des taxes normales et notamment des frais fixes pour les expéditions s'effectuant sur du matériel privé, et bientôt ces transports énormes à courte distance afflueront au chemin de fer ainsi que le matériel destiné à les effectuer. Ce matériel privé sera affecté aussi à beaucoup de transports à grande distance, notamment à des transports réguliers qui s'effectuent aujourd'hui par du matériel pris en abonnement.
Le désir exprimé par l'honorable M. Balisaux se trouverait ainsi réalisé ; de nouveaux transports seraient acquis au chemin de fer, non seulement sans accroître la pénurie du matériel, mais en y portant remède par l'adjonction du matériel privé ; tandis que si l'on attire les transports à courte distance au chemin de fer par une simple réduction des frais fixes, sans exiger en retour de cette réduction la fourniture du waggon, l'administration fera une affaire détestable là où une combinaison différente aurait fait l'affaire de tous et on arrivera prochainement à une crise beaucoup plus intense que celle que nous venons de traverser,
Ce serait une illusion, en effet, que de prétendre mettre l'administration (page 801) en mesure de satisfaire avec ses propres ressources aux oscillations les plus larges du trafic.
Quelque exigence qu'on puisse montrer envers l'Etat, en raison même de ce qu'il s'est arrogé un monopole, on ne peut raisonnablement vouloir qu'il soit toujours en mesure de suffire à des besoins indéterminés qui même, sans tenir compte de l'influence d'événements que personne ne saurait prévoir, peuvent d'une année à l'autre prendre un développement excessif.
Mais de même qu'on ne peut exiger de l'Etat qu'il soit toujours en mesure de suffire aux besoins les plus imprévus, de même l'administration ne peut empêcher chacun de veiller à sa sécurité ni de pourvoir à ses besoins ; elle ne peut vouloir imposer au commerce et à l'industrie les conséquences de ses erreurs d'appréciation ; et le seul moyen de dégager sa responsabilité me paraît être la faculté laissée à chacun d'utiliser son propre matériel.
Nul doute, d'ailleurs, qu'on ne trouve dans ce matériel privé des ressources précieuses dans les moments d'exubérance de transports, et, pour peu que l'on y réfléchisse, on verra qu'il y a là le germe d'une foule d'utilisations nouvelles de ce merveilleux instrument qu'on appelle le chemin de fer.
En effet, messieurs, après avoir fait les grandes lignes, nous en sommes venus à faire les lignes secondaires ; nous abordons maintenant les chemins de fer américains et bientôt, de même que le service de la poste, celui du chemin de fer s'étendra à tout le pays.
On pourrait discuter indéfiniment sur la préférence à donner à l'exploitation par l'Etat ou à l'exploitation par l'industrie privée ; mais nous sommes en présence d'un fait que jusqu'ici nous n'avons pas trop lieu de regretter ; et il n'est pas douteux pour moi que, loyalement et largement comprise, l'exploitation de l'Etat ne puisse non seulement être plus libérale et plus bienfaisante que l'exploitation privée, mais donner des bonis de nature à couvrir la majeure partie du budget total du pays. Il ne faut point pour cela se lancer dans de grandes idées ni bouleverser ce qui s'est fait jusqu'ici ; il suffit de rechercher les idées les plus simples, celles qui répondent le mieux au besoin de tous et on sera certain d'être dans la bonne voie.
L'emploi du matériel privé avec une bonification correspondante à l'économie réalisée par l'administration peut être considéré comme une de ces idées tout à la fois simple et féconde. Elle aurait incontestablement pour effet :
D'accroître considérablement le trafic et les recettes du chemin de fer, principalement en y attirant les transports à courte distance que l'élévation des frais fixes en éloigne jusqu'ici ;
De dégager les stations par une accélération notable des opérations de chargement et de déchargement, par l'établissement de chemins américains et d'embranchements industriels qui en serait la conséquence ;
De parer aux crises qu'a produites périodiquement la pénurie de matériel, par la création d'un matériel privé considérable dont une partie serait toujours disponible et auquel, en cas de besoin, l'Etat pourrait recourir.
Tels seraient, je pense, messieurs, les effets de la mesure indiquée, et, si j'ai bien compris les discussions qui se reproduisent souvent dans cette enceinte, ils répondent aux prévisions et aux désirs de chacun d'entre nous.
Le moment est peut-être mal choisi pour parler de cet objet. En effet, nous sommes dans des conditions normales, à une époque où les transports s'effectuent régulièrement. On a donc peu de chances d'appeler l'attention sur ces questions qui, en ce moment même, peuvent paraître importunes et l'on aurait plus de succès en ne les soulevant que lorsque de tous côtés s'élèveraient encore des plaintes sur l'insuffisance du service ; mais alors ne serait-il pas trop tard et n'est-il pas évident que le remède n'arriverait qu'après que le mal serait passé ?
C'est dans cette pensée que je me permets de formuler une proposition dont l'adoption pourrait, je pense, prévenir, dans un avenir prochain, bien des plaintes et des regrets. Des réductions sur les taxes normales, frais fixes et frais variables, seront accordées sur les expéditions par charges complètes effectuées sur waggons fournis par les expéditeurs.
Le chiffre de ces réductions, ainsi que les conditions relatives au matériel à fournir, tant pour assurer la sécurité du service que pour sauvegarder les intérêts de ceux qui useront de la présente mesure pourraient être réglés provisoirement par l'administration sous réserve de l'approbation de la législature dans la prochaine session.
Je ne puis laisser passer la discussion du budget des travaux publics sans revenir encore sur un point que j'ai déjà traité l'année dernière et sans demander sérieusement à la Chambre et au gouvernement s'ils entendent laisser continuer la tarification arbitraire des marchandises, de telle sorte, par exemple, que les pierres du pays soient, comparativement aux pierres étrangères qui leur font la concurrence, soumises à des surtaxes énormes, de telle sorte encore que des produits de même nature, mais provenant de différents lieux de production du pays, soient soumis à des tarifications différentes, de telle sorte, en un mot qu'il dépende de l'administration des chemins de fer de faire la fortune des uns et la ruine des autres.
Je vous ai signalé à diverses reprises la tarification inique appliquée à nos pierres de taille qui, ne valant à la tonne que de 40 à 50 francs, n'en sont pas moins rangées dans la troisième classe des grosses marchandises, alors que d'autres articles de transport intérieur dont la valeur est double et même quadruple sont rangés dans la quatrième classe ; alors que des pierres de France, dont le prix brut dépasse notablement le prix de nos pierres ciselées, sont rangées aussi dans la quatrième classe.
Il en résulte des anomalies tellement révoltantes que l'on a peine à comprendre qu'on puisse les laisser subsister un seul instant. C'est ainsi que de Quiévrain à Anvers il y a 20 lieues que la pierre de France parcourt moyennant un péage de 4 fr. 80 c. à la tonne, tandis que de Soignies à Anvers il n'y a que 17 lieues pour lesquelles la pierre, bleue paye 5 fr. 80 c. Dira-t-on que la pierre de Soignies s'expédie taillée tandis que la pierre de France se transporte seulement dégrossie ? Mais ce serait accroître encore, le désavantage de la pierre indigène, trop dure pour pouvoir se tailler après mise en place et qui, devant se travailler aux carrières, est sujette, jusqu'à sa mise en œuvre, à une foule d'avaries.
Si encore, en raison de ce que la pierre bleue se transporte taillée, l'administration était sujette à des risques d'indemnité particuliers, on comprendrait que ces risques doivent se couvrir par une tarification plus élevée ; mais il n'en est rien.
En fait, l'expéditeur de pierres taillées ne reçoit d'indemnité pour avaries que lorsqu'il en serait accordé également pour avarie à des pierres brutes, c'est-à-dire, lorsque ces avaries sont la conséquence d'un déraillement ou d'un bris de matériel. Du reste, que l'administration n'accorde si elle le veut le bénéfice de la quatrième classe que, lorsqu'on déclarera la décharger de tous risques d'avarie particuliers aux pierres taillées, mais il ne faut pas que, sous un vain prétexte et alors qu'en fait elle décline toute responsabilité pour ces risques, elle maintienne une tarification inégale qui frappe une industrie indigène, digne à tous égards de notre sollicitude, pour favoriser une industrie étrangère.
J'en viens à un autre point non moins inexplicable et injuste, et désirerais savoir si le gouvernement entend maintenir le tarif différentiel qui favorise les expéditions de houille du Borinage dans la direction de Gand au détriment des charbons du centre de Charleroi et de Liège, tarif différentiel qui fait perdre au bassin du Centre le bénéfice de sa position par rapport à Gand et qui, pour un parcours moindre, lui fait acquitter un péage plus élevé que celui du Borinage. C'est ainsi que de la station de Houdeng à Gand, il y a 16 lieues pour lesquelles les charbons acquittent un droit de 4 fr. 10 c. tandis que de Saint-Ghislain à Gand il y a 17 lieues et l'on ne paye que 3 fr. 85 c.
D'après ce tarif encore, le Centre et Charleroi pour un parcours de 20 lieues payent 4 fr. 50 c. tandis que le Borinage ne paye que 4 francs.
Voici encore une autre injustice, non plus au détriment des bassins du Centre et de Charleroi, mais au détriment du Centre et au profit de Charleroi.,
Je veux parler du tarif spécial n°5 du service intérieur de l'Etat pour le transport des minerais de fer expédiés de Vedrin, près de Namur. D'après ce tarif, ces minerais, en destination des stations du bassin de Charleroi, ne payent que 10 centimes par tonne et par lieue, alors que pour aller jusqu'au bassin du Centre, les frais de parcours sont portés au double, soit à 20 centimes par tonne,
C'est ainsi encore que tandis qu'en destination de la station de Tubize, les fers ébauchés et les fontes brutes expédiées des stations du bassin de Charleroi ne payent respectivement que 20 centimes et 15 centimes par tonne et par lieue, ils payent, en destination des usines du Centre et du Borinage, 30 et 20 centimes, soit pour les ébauchés 50 p. c. et pour les fontes 33 p. c. en sus.
Je vous le demande, messieurs, de pareilles inégalités ne sont-elles pas profondément décourageantes pour ceux qui en sont victimes ; et qui donc peut placer avec confiance ses capitaux dans l'industrie avec la perspective (page 802) de voir ainsi l'administration prendre fait et cause contre lui et favoriser ses concurrents ?
Comment veut-on que les hauts fourneaux, du Centre, plus éloignés des minerais que ceux de Charleroi, puissent subsister, si à cette condition défavorable s'ajoute encore celle d'un tarif de 100 p.c. plus élevé ?
Je le répète, messieurs, ce régime d'arbitraire et de favoritisme est funeste ; un monopole ne peut se comprendre qu'à la condition d'être exploité équitablement, avec impartialité ; et ce serait la chose la plus odieuse s'il pouvait devenir, au gré de celui qui l'exploite, un moyen de nuire aux uns et d'enrichir les autres.
Ainsi que le disait l'honorable M. Balisaux, un tel système ne peut produire que de mauvaises conséquences, car ceux qu'il favorise se relâchent en l’absence d'une juste concurrence, et ceux qu'il opprime ne peuvent qu'en ressentir de l'amertume et du découragement.
Je crois, messieurs, pouvoir me dispenser d'en dire davantage et d'insister pour que des griefs qui sembleraient impossibles dans notre pays d'égalité disparaissent bientôt.
J'ose espérer que M. le ministre voudra bien nous dire ce qu'il compte faire à cet égard ; il me paraît évident que si l'administration ne s'impose pas à elle-même des règles rationnelles et impartiales, laissant à chacun les avantages et les inconvénients de sa position, les Chambres devront finir par régler elles-mêmes ces questions de tarif si importantes ; car il n'est pas admissible que dans un pays où un fonctionnaire de l'administration des finances ne peut percevoir la moindre taxe qu'en vertu de règles fixes et précises, l'exploitation des travaux publics puisse à son gré établir des tarifs différentiels.
- La séance est levée à 5 heures.