(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 787) M. de Borchgrave fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Wouters lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Borchgrave présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« La chambre de commerce et des fabriques de Bruxelles demande que le gouvernement adopte le projet de tarification des marchandises transportées par chemin de fer, qui est dû à M. Van Snick. »
« Même demande de négociants et industriels a Anvers et à Nivelles.»
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Webbecom demande que le chemin de fer à construire de Tirlemont au camp de Beverloo, par Diest, passe par Vissenaeken, Bunsbeek, Glabbeek-Suerbemptle, Keersbeek, Waenrode, Becquevoort, Caggevinner-Assent et Webbecom. »
« Même demande du conseil communal de Hautem-Sainte-Marguerite. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Des chasseurs, cultivateurs à Popuelles, présentent des observations contre la disposition du projet de loi sur la chasse qui donne au gouvernement la faculté de fermer la chasse pendant certaines heures. »
« Mêmes observations de cultivateurs a Hollain. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des secrétaires communaux de l'arrondissement de Nivelles prient la Chambre d'améliorer leur position. »
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je demande le renvoi de cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport. J'espère que l'unanimité des réclamations des secrétaires communaux leur fera enfin obtenir justice.
M. M. de Vrints. - J'appuie la proposition de M. Le Hardy de Beaulieu.
- La proposition est adoptée.
« Des industriels de la vallée de la Vesdre prient la Chambre d'allouer au budget des travaux publics la somme suffisante pour le rachat par l'Etat de la route concédée de la Vesdre. »
M. David. - Je prie la Chambre de vouloir bien renvoyer cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du budget des travaux publics.
Hier, lorsque j'ai parlé du rachat de la route de la Vesdre, j'avais demandé que ma proposition fût renvoyée à cette section centrale ; M. le président a perdu de vue cette demande, mais le renvoi de la pétition fera atteindre le but que j'avais en vue. La section centrale voudra bien faire un prompt rapport, j'espère.
- La proposition de M. David est adoptée.
Les sections d'avril se sont constituées comme suit :
Première section
Président : M. David
Vice-président : M. Le Hardy de Beaulieu
Secrétaire : M. Visart (Léon)
Rapporteur de pétitions : M. Piedboeuf
Deuxième section
Président : M. Royer de Behr
Vice-président : M. de Lhoneux
Secrétaire : M. Reynaert
Rapporteur de pétitions : M. Julliot
Troisième section
Président : M. Magherman
Vice-président : M. d’Hane-Steenhuyse
Secrétaire : M. Pety de Thozée
Rapporteur de pétitions : M. Van Hoorde
Quatrième section
Président : M. Van Iseghem
Vice-président : M. Van Cromphaut
Secrétaire : M. de Zerezo de Tejada
Rapporteur de pétitions : M. De Clercq
Cinquième section
Président : M. Lefebvre
Vice-président : M. de Muelenaere
Secrétaire : M. Simonis
Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt
Sixième section
Président : M. De Lehaye
Vice-président : M. Biebuyck
Secrétaire : M. Vanden Steen
Rapporteur de pétitions : M. Van Outryve
M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture d'un projet de loi déposé par JIM. Lelièvre et de Baets. Cette proposition est ainsi conçue :
« L'article 472 du Code d'instruction criminelle est remplacé par la disposition suivante :
« Si le jugement de condamnation prononce l'une des peines énoncées à l'article 18 du Code pénal, extrait de l'arrêt sera, dans les trois jours du prononcé, à la diligence du procureur général ou de son substitut, affiché dans la ville chef-lieu de l'arrondissement où le crime aura été commis. Dans les autres cas, l'arrêt sera signifié au domicile du condamné.
« Pareil extrait sera, dans le même délai, adressé au directeur des domaines et droits d'enregistrement du domicile du (erratum, page 787) contumax. »
M. Lelièvre, l'un des auteurs de la proposition, a demandé à pouvoir la développer mardi prochain, 16 avril.
- Cette proposition est adoptée,
M. Beeckman. - Messieurs, hier la Chambre a renvoyé à la section centrale du budget des travaux publics diverses pétitions concernant le tracé du chemin de fer de Tirlemont à Diest. La section centrale m'a chargé de vous présenter le rapport suivant.
« La section centrale est d'avis qu'en thèse générale, et à moins de raisons exceptionnelles, il faut préférer les lignes les plus directes, celles dont le parcours est le moins long. Moyennant cette observation en ce qui touche les pétitions dont l'examen a été déféré à la section centrale, elle conclut au renvoi à M. le ministre des travaux publics et au dépôt sur le bureau pendant la discussion. »
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Van Overloop. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale sur le projet de loi concernant le renouvellement du contrat avec la compagnie des Lits militaires.
- Impression et distribution.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Je demande que cet objet soit mis a l'ordre du jour immédiatement après (page 788) la discussion du budget du ministère des travaux publics. Il y a trois mois que la Chambre a reconnu l'urgence de ce projet de loi.
- La proposition de M. le ministre de la guerre est adoptée.
M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport sur les opérations des caisses d'amortissement, des dépôts et consignations, en conformité de l'article 16 de la loi du 15 novembre 1847.
- Impression et distribution aux membres de la Chambre.
M. Malou, ministre des finances. - J'ai également l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi qui tend à ouvrir un crédit de 225,000 francs pour la participation des artistes et des industriels à l'exposition universelle et internationale de Vienne.
- Impression, distribution et renvoi à l'examen des sections.
M. Thonissen. - Je ne puis laisser passer la discussion générale du budget, sans appeler de nouveau l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur le mécontentement que suscite, dans la province de Limbourg, la résistance que le gouvernement oppose à la concession du chemin de fer de Bruxelles à Aix-la-Chapelle, demandée par M. Pousset.
Dans une autre enceinte, un honorable sénateur a déclaré qu'il refuserait son vote au budget des travaux publics, aussi longtemps qu'on n'aurait pas rendu justice à la province qu'il a l'honneur de représenter.
Je n'irai pas jusque-là ; mais je ne puis, de mon côté, me dispenser de dire que le mécontentement est profond et que le grief est légitime. L'honorable ministre doit, du reste, savoir à quoi s'en tenir à ce sujet. La nombreuse députation qui lui a été récemment présentée par l'honorable président du conseil provincial du Limbourg ne lui a pas dissimulé la vérité.
Je n'entrerai pas dans de longs détails. Au sein du Sénat, l'honorable baron de Woelmont ; dans cette enceinte, nos honorables collègues, MM. Julliot, de Borchgrave, David et Wouters, ont fait connaître les motifs qui réclament impérieusement la concession de la nouvelle voie ferrée. Moi-même, dans un discours prononcé il y a quelques mois, j'ai fait valoir les principales raisons alléguées par mes commettants. Je me bornerai à appeler l'attention de l'honorable ministre sur un petit nombre de considérations et de faits qui m'ont particulièrement frappé.
Il s'est passé, dans le Limbourg, un fait étrange, et ce fait est aujourd'hui beaucoup trop oublié.
Suivant l'article 2 de la loi du 26 mai 1857, toutes les provinces devaient être dotées d'un chemin de fer construit et exploité par l'Etat. Le Luxembourg renonça à son droit, en échange d'un subside de deux millions ; mais, pour sept autres provinces, la loi du 26 mai reçut pleinement son exécution. Le Limbourg, qui n'a cependant pas vendu son droit, est resté seul privé d'un chemin de fer de l'Etat. Pour lui seul, la loi de 1837 est restée lettre morte !
Il est vrai que l'Etat a fait, en 1840, construire le tronçon, pour ainsi dire dérisoire, de Landen à Saint-Trond. Partout ailleurs, le chemin de fer fut poussé jusqu'au chef-lieu de la province, tandis que, dans le Limbourg seul, l'Etat crut avoir rempli toutes ses obligations en arrivant à Saint-Trond, ville placée à quelques kilomètres du territoire de la province de Liège. C'était une conception tellement étrange, que le gouvernement s'empressa de se débarrasser de ce tronçon de chemin de fer, en le cédant gratuitement à une compagnie, qui se chargea de le prolonger jusqu'à Hasselt. Et voilà comment le Limbourg ne possède pas, en ce moment, un seul mètre de chemin de fer appartenant à l'Etat. Nous n'avons que des chemins de fer concédés, qui nous rendent, il est vrai, de grands services, mais qui nous font payer beaucoup plus cher et qui, pour les marchandises surtout, imposent à nos industriels des charges énormes, que ne supportent pas leurs concurrents des autres provinces.
Une occasion se présente aujourd'hui de faire disparaître ce grief, pour ne pas dire cette injustice. Une compagnie offre de doter le Limbourg d'une communication directe, d'une part avec le centre du pays, de l'autre avec l'Allemagne ; cette compagnie ne demande pas un centime de subside et elle consent à appliquer sur la voie nouvelle les tarifs applicables au chemin de fer de l'Etat. Le vœu formel de la loi du 26 mai 1837 serait ainsi indirectement, mais loyalement, réalisé.
Malheureusement, l'Etat hésite à accueillir la demande qui lui est faite. Il craint la concurrence que la ligne nouvelle viendrait faire à ses propres lignes.
Je prouverai tout à l'heure que cette crainte est étrangement exagérée ; mais supposons un instant que cette crainte soit fondée à tous égards. S'ensuivrait-il que le gouvernement aurait le droit de placer la province de Limbourg dans une condition d'éternelle infériorité ?
Je ne le pense pas.
Je suis profondément convaincu que le gouvernement n'a pas le droit de dire à toute une province et moins encore à trois provinces, - car il s'agit ici à la fois du Brabant, du Limbourg et de la province de Liège : « Votre ligne serait utile, très utile pour vous ; mais elle ferait baisser les recettes du trésor, et je ne vous l'accorderai pas. »
Messieurs, il y a trois ans, le congrès des économistes allemands se réunit à Hanovre. Il comptait dans ses rangs quelques-uns des hommes les plus éminents de l'Allemagne. On y posa nettement la question suivante :
« L'Etat doit-il concéder des lignes parallèles aux siennes ? »
Le congrès répondit sans hésitation et à l'unanimité de ses membres :
« Les chemins de fer étant avant tout des entreprises d'intérêt public, et les revenus qu'ils assurent aux capitaux étant peu de chose en présence des richesses qu'ils créent par l'accroissement d'activité industrielle qu'ils provoquent et l'Etat étant le gardien des intérêts généraux, ce sont ceux-ci qu'il doit avant tout consulter. »
C'est, en effet, ainsi que doivent répondre la science, le bon sens et la justice.
Comment admettre que le gouvernement ait le droit de dire à trois provinces : « Le chemin de fer que vous demandez serait pour vous un élément puissant de progrès, une source inépuisable de richesses ; il vous vaudrait un grand nombre de millions, mais vous ne l'aurez pas, parce qu'il me ferait perdre quelques centaines de mille francs. Vous resterez dans un éternel état d'infériorité. »
L'honorable ministre des travaux publics ne voudra pas me donner cette réponse. Elle serait indigne de lui ; ce serait, en effet, la réponse de l'égoïsme et de la routine.
Ainsi, quand même la crainte d'une concurrence serait à craindre, le gouvernement n'aurait pas le droit de s'en prévaloir.
Mais je m'empresse d'ajouter que cette crainte est singulièrement exagérée.
La ligne nouvelle n'enlèverait pas au chemin de fer de l'Etat le transit entre Anvers et l'Allemagne. Ce transit se fait déjà par la ligne du Grand-Central d'Anvers à Aix-la-Chapelle, et il s'y fera bien plus encore quand on aura construit la ligne déjà concédée. d'Anvers à Gladbach.
Il n'enlèverait rien à l'Etat de l'immense, trafic entre Ostende et Bruxelles, entre Bruxelles, Louvain, Landen, Waremme, Liège et Verviers.
Comment donc la ligne nouvelle pourrait-elle compromettre l'avenir du chemin de fer de l'Etat ?
On nous oppose aujourd'hui les objections qu'on opposait, il y a quelques années, à ceux qui demandaient la construction de la ligne directe de Gand à Bruxelles par Alost.
Alors aussi, le gouvernement résistait énergiquement ; il résistait si bien qu'aux élections d'Alost, en 1847, si je ne me trompe, il causa par son obstination l'échec des candidats conservateurs.
Il fut cependant obligé de céder, et qu'en résulta-t-il ? Il en résulta que, par l'accroissement du nombre des voyageurs et par le développement du commerce, le chemin de fer de l'Etat fut plus prospère que jamais.
Et cet exemple n'est pas le seul. On avait allégué les mêmes appréhensions pour les chemins de fer d'Anvers à Aix-la-Chapelle, par Hasselt, pour les chemins de fer de Hal à Ath, de Bruxelles à Louvain, de Gand à Bruges par Eecloo, pour d'autres chemins encore, notamment ceux des plateaux de Herve. Partout ces prévisions ont été complètement démenties. Partout les affluents dont on redoutait la concurrence ont été pour l'Etat une source de nouveaux bénéfices.
J'engage donc vivement l'honorable ministre à céder. Sans compromettre le moins du monde les intérêts du trésor, il attachera son nom à une œuvre grande et utile. Il aura bien mérité des provinces de Brabant, de Limbourg et de Liège.
Je dois maintenant, messieurs, dire un mot du rapport qui a été fait tout à l'heure par M. Beeckman au nom de la section centrale. Ce rapport intéresse à un très haut degré l'arrondissement de Hasselt ; car, si le vœu exprimé par l'honorable M. Beeckman était accueilli, trois villages du Limbourg, ceux de Donc, de Loxbergen et de Haelen, seraient privés du chemin de fer qui fait l'objet du rapport.
L'honorai rapporteur affirme qu'en thèse générale il importe que les chemins de fer suivent la ligue la plus courte.
(page 789) En principe, cela est incontestable ; mais dans le cas qui nous occupe il y a de nombreux motifs de déroger a la règle ordinaire.
D'abord, messieurs, la différence n'est pas très grande ; il y a vingt-quatre kilomètres d'un côté et trente de l'autre ; c'est-à-dire, une différence de six kilomètres seulement.
M. Beeckman. - Il y en a huit.
M. Thonissen. - Il y en a six. C'est le chiffre qui résulte de renseignements officiels recueillis par l'administration des ponts et chaussées.
M. Beeckman. - Je demande la parole.
M. Thonissen. - Admettez huit, si vous voulez, je vous le concède. Même avec ce chiffre, le tracé par la vallée de la Ghète coûtera moins que le tracé par Becquevoort.
J'ai réuni à la hâte quelques chiffres qui suffiront pour prouver que je ne me trompe pas.
D'abord, quant au coût des terrains, certaines ventes qui ont eu lieu il n'y a pas longtemps prouvent qu'en moyenne, sur la ligne de Diest à Tirlemont, le coût, par hectare, sur une grande partie du parcours, s'élèvera à environ 10,000 francs ; tandis que j'ai eu l'honneur de remettre moi-même à M. le ministre des travaux publics les déclarations d'un grand nombre de propriétaires de la vallée de la Ghète, qui offrent de céder leur terrain aàraison de 5,000 à 6,000 francs l'hectare.
Voilà déjà une première différence. Elle n'est pas la seule. Sur le parcours de Diest à Tirlemont par Becquevoort, les travaux de terrassements seront quatre fois plus considérables que sur l'autre tracé. Il y aurait là de très grands déblais, dont quelques-uns s'élèveraient à plusieurs mètres. Il faudrait donc élargir considérablement la base et payer pour les expropriations une somme beaucoup plus élevée.
La question a été étudiée à fond par les fonctionnaires de l'administration des ponts et chaussées. M. le ministre n'a qu'à consulter les documents qui reposent à son département, et il verra que, d'après les calculs qui ont été faits par ses agents, les frais d'exécution du tracé par la vallée de la Ghète coûteraient 25,000 francs de moins par kilomètre que le chemin de fer par Becquevoort.
M. Beeckman. - Au contraire.
M. Thonissen. - Vous me prouverez cela ; mais j'exprime l'opinion d'hommes désintéressés qui ont été envoyés sur les lieux par M. le ministre des travaux publics. Ce sont eux qui ont constaté cette différence de 25,000 francs.
M. Beeckman. - Cela n'est pas exact,
M. Thonissen. - Vous me répondrez.
Ce n'est pas tout. Un autre détail qui a bien son importance, c'est que la ligne par Becquevoort ne rencontrera que onze communes, avec une population de 8,000 âmes ; tandis que l'autre ligne traverserait dix-huit communes, avec une population de 20,078 âmes. Evidemment, les chemins de fer ne doivent pas toujours se faire en ligne directe ; ils doivent se faire là où l'on rencontre des populations. J'ajouterai qu'ils doivent surtout se faire là où l'on rencontre le travail et la richesse, Il existe dans la vallée de la Ghète des usines, des fabriques de sucre, des tuileries, des distilleries, d'autres établissements encore ; tandis que, de l'autre côté, on trouve même des terrains qui ne sont pas complètement mis en culture.
M. Beeckman. - Et vous les évaluez à 10,000 francs l'hectare !
M. Thonissen. - Veuillez ne pas m'interrompre. Je les évalue à 10,000 francs l'hectare en moyenne. Le fait est que, sur une distance de quelques kilomètres, le terrain est stérile ; mais, sur d'autres parties, il est loin de l'être ; il est bien cultivé et se compose même en partie de bois. Or, on sait que lorsqu'on doit exproprier des terrains boisés pour la construction d'un chemin de fer, il faut payer très cher, parce que le propriétaire exproprié doit laisser de chaque côté une zone libre de 20 mètres.
Ainsi, messieurs, si l'on compte d'un côté quelques kilomètres de moins, on trouve de l'autre la richesse, l'industrie, la population. Il n'y a donc pas à hésiter, d'autant plus que les frais de construction seront moindres.
J'ajouterai que, dans la vallée de la Ghète, les communications font entièrement défaut, tandis que, sur la ligne de Becquevoort, on trouve deux routes provinciales qui ne laissent absolument rien à désirer.
Je termine en manifestant l'espoir que M. le ministre n'aura pas égard à l'avis émis par la section centrale, c'est-à-dire par d'honorables collègues qui ne connaissent pas les lieux, et qu'il voudra bien consulter les documents réunis par les hommes compétents qui ont été chargés d'étudier le tracé par la vallée de la Ghète.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je compte m'occuper d'abord de quelques questions générales soulevées par le budget des travaux publics, ensuite des intérêts locaux qui concernent mon arrondissement.
Il devient de plus en plus difficile, il deviendra même, avec le temps, presque impossible de discuter en connaissance de cause le budget des travaux publics.
La loi de 1834, en faisant une obligation au gouvernement de rendre compte annuellement des opérations du chemin de fer exploité par l'Etat, avait pour but de faciliter aux membres de la Chambre l'étude des questions soulevées par le budget des travaux publics, et surtout par la partie la plus importante de ce budget ; l'exploitation des chemins de fer par l'Etat.
Or, nous en sommes arrivés aujourd'hui à ne plus avoir de compte rendu que deux ou trois ans après l'expiration des exercices. Nous n'avons, à l'heure qu'il est, que le compte rendu des opérations de 1869, c'est-à-dire d'une époque qui, comparée à la situation actuelle, n'y ressemble en aucun point et ne peut en aucune façon nous éclairer sur le budget que nous discutons dans ce moment.
Messieurs, cette situation est extrêmement grave, je dirai même qu'elle est dangereuse. La Chambre est responsable vis-à-vis du pays de la bonne gestion de ses finances ; et si on ne nous donne pas des moyens de contrôle suffisants sur un budget qui prend des proportions considérables, il est certain que nous pourrons être entraînés, sans le vouloir et sans le savoir, à des résultats extrêmement funestes.
Messieurs, est-il impossible, est-il même difficile que nous soyons chaque année mis en possession du détail des opérations de l'année précédente ? Est-ce que je demande quelque chose d'exorbitant ? Pas le moins du monde.
Rien n'est plus facile, rien n'est plus praticable que de se faire mettre au courant de la situation exacte du chemin de fer immédiatement après la clôture de chaque exercice.
Je tiens en mains le compte rendu de l'exploitation d'une compagnie anglaise qui exploite 2,450 kilomètres de chemins de fer ; c'est-à-dire trois fois autant que l'Etat en exploitait en 1868 et 1869.
Le 5 janvier dernier, le résultat complet de l'exploitation de tous les chemins de fer de l'Angleterre et de l'Ecosse de l'année était connu et publié dans le Times.
Quant aux chemins particuliers, dans les quinze premiers jours de janvier, les pièces comptables étaient envoyées imprimées aux auditeurs nommés par le gouvernement, qui sont chargés de vérifier les comptes de toutes les compagnies en Angleterre ; le 2 mars, le compte vérifié et approuvé par les commissaires était remis à l'administration du chemin de fer, approuvé par elle et, le 4 mars, distribué à tous les actionnaires.
Ce qui est possible en Angleterre doit l'être ici ; personne ne soutiendra le contraire.
D'après moi, la situation exacte, tout au moins la situation financière des chemins de fer exploités par l'Etat devrait être déposée sur la table du ministre le 1er janvier à neuf heures du matin et les membres de cette Chambre devraient, en rentrant des vacances de Noël, le trouver chez eux.
Je dirai même plus : pour que la Chambre puisse contrôler d'une façon efficace les opérations de plus en plus importantes des chemins de fer exploités par l'Etat, elle devrait être mensuellement et immédiatement après la fin de chaque mois, dans la première quinzaine tout au plus du mois suivant, en possession des états mensuels, lesquels aujourd'hui ne paraissent souvent qu'après 3, 4 ou 5 mois.
De cette façon, lorsque nous voudrons discuter le budget de l'année courante ou de l'année suivante, nous serions au moins mis en mesure de formuler soit des critiques, soit des approbations.
Cette situation, d'après moi, provient d'une cause sur laquelle j'ai déjà appelé l'attention de cette Chambre, il y a deux ans, je crois, et sur laquelle je demande la permission de revenir un moment aujourd'hui.
D'après moi, les chemins de fer de l'Etat devraient faire une administration complètement séparée, non seulement sous le rapport administratif et sous celui du personnel, mais encore sous le rapport financier. D'après moi, ces chemins de fer devraient être en quelque sorte considérés comme une entreprise privée gérée au nom de l'Etat.
Leurs revenus, leurs dépenses, leurs dettes devraient être entièrement distincts des revenus, des dépenses et des dettes appartenant aux autres branches de l'administration publique. Nous arriverions de cette façon à simplifier considérablement non seulement la gestion de cette affaire importante, mais également la besogne du ministre des travaux publics.
(page 790) Aujourd'hui le ministre des travaux publies est absorbé par une foule d'affaires qui nécessairement doivent détourner son attention de cette grande entreprise, l'exploitation des chemins de fer de l'Etat.
Cette situation, messieurs, deviendra de plus en plus grave à mesure de l'extension de cette exploitation.
Lorsque les 600 kilomètres que la société des Bassins houillers doit encore construire seront livrés ; lorsque, si j'en crois les bruits publics, l'Etat aura repris une grande partie des concessions privées qui existent encore, il sera matériellement impossible au ministre des travaux publics de surveiller, de contrôler l'administration qui lui est confiée et d'en accepter la responsabilité.
Ou cette branche de service en souffrira, ou ce seront les autres services qui sont du ressort de son département. Il est impossible qu'un homme, quelque bien doué qu'il puisse être, puisse porter toute son attention sur la multitude d'affaires diverses qui, actuellement, sont du ressort du ministre des travaux publics et qui ne feront que s'accroître et se compliquer chaque jour davantage.
J'ai longtemps et souvent réfléchi à cette situation.
Je me suis souvent demandé quelle solution pratique pourrait être donnée à cette question. Il y a deux ans, j'ai déjà indiqué quelles étaient quelques-unes des idées que j'avais eues à cet égard. Depuis lors, j'y ai encore réfléchi et je crois devoir communiquer à la Chambre quelques réflexions qui m'ont été suggérées. J'appelle sur ce point non seulement l'attention de mes collègues, mais l'attention toute spéciale du gouvernement lui-même.
J'avais d'abord cru, messieurs, à la possibilité de créer un ministère spécial pour les chemins de fer ; mais, toute réflexion faite, en balançant le pour et le contre, je crois que ce ne serait pas là une solution convenable ; ce ne serait que déplacer la difficulté et peut-être rendre plus difficile l'administration générale des intérêts publics.
Je pense que la solution véritable à donner à la question des chemins de fer - si je n'avais à donner que mes propres idées que j'ai souvent exprimées à cette Chambre - serait que l'Etat ne devrait pas se mêler d'exploitation de chemins de fer ; il devrait laisser cette entreprise à l'initiative et à l'activité privée. Mais je fais la part des opinions qui ont prévalu toujours dans cette Chambre ; je fais la part de la situation acquise et je pars de cette situation. D'après moi, l'administration des chemins de fer devrait faire l'objet d'une organisation du genre de celle de la Banque Nationale ou de quelques-unes des grandes institutions du pays, notamment comme la Caisse communale, la Caisse des pensions et de retraite ; en un mot, je voudrait que l’Etat, restant le seul actionnaire des chemins de fer, le seul propriétaire des chemins de fer, en remît l'exploitation à l'initiative et à l'activité privée, à peu près dans le même genre que la Banque Nationale, qui gère une grande partie des fonds publics, est livrée à l'initiative et à l'activité privée.
Je ne pense pas que le moment soit opportun pour tracer quelles devraient être les règles à suivre pour cette organisation. Mon but est simplement d'appeler l'attention de mes collègues et du gouvernement sur ce point. Cé ne sera pas en quelques semaines, ni même en quelques mois, et je le crains fort, en quelques années, que nous arriverons à une solution. Mais cette solution s'imposera un jour d'elle-même par l'impossibilité où nous nous trouverons de nous occuper, d'une façon sérieuse et efficace, des grands intérêts soulevés par les chemins de fer, sans y consacrer tout notre temps au grand détriment de la législation et de l'administration des autres parties des intérêts qui nous sont confiés.
Messieurs, le budget des travaux publics pour 1872, qui a été déposé il y a un an, a dû, par suite précisément des complications dont je viens de parler, recevoir un supplément ou des amendements qui en accroissent considérablement l'importance.
Le budget de 1872 s'élève, en dépenses, à plus de 53 millions. Ce chiffre est destiné à s'accroître, et si j'en juge par le projet de loi voté il y a quelque temps et qui accorde des crédits supplémentaires, pour l'exercice précédent, de près de 4 millions, le chiffre de 53 millions sera accru, pour cette année probablement, d'une somme égale, sinon plus importante. Je demande comment il sera possible à cette Chambre de contrôler d'une façon efficace un budget qui devient si compliqué et si important ?
Je demande comment il pourra se faire que nous puissions voter en parfaite connaissance de cause, comme nous devons le faire, tous les détails de ce budget ?
Nous avions proposé, il y a quelques mois, à cette Chambre, de faire une enquête sur les chemins de fer. Cette enquête, si elle avait été faite par le parlement, nous aurait probablement conduits à trouver des moyens de simplifier l'administration et le contrôle de cette branche importante de nos dépenses.
C'est précisément ce qui est arrivé en Angleterre à lu suite de l'enquête de 1867. Cette enquête, qui avait pour objet la recherche des moyens de simplifier les tarifs, a amené la conséquence pratique la plus utile, plus utile que celle que l'on recherchait, de simplifier énormément et l'administration et le contrôle administratif de toutes les compagnies de chemins de fer en Angleterre.
C'est par suite de cette enquête qu'au moyen de formules données par la loi, on est arrivé à pouvoir inclure dans un rapport aussi peu volumineux que celui que j'ai sous la main, l'administration complète et tous les détails utiles et nécessaires d'un chemin de fer qui comprend une exploitation de 2,450 kilomètres.
Depuis qu'on en est arrivé là, les compagnies qui étaient en perte se sont relevées ; elles ont découvert les fautes commises ; elles ont découvert les fissures par lesquelles les revenus se dissipaient, et les mêmes compagnies qui pouvaient à peine payer 1 ou 1 1/2 p. c. à leurs actionnaires en sont venues à leur payer, 4, 5 p. c. et même davantage.
Et quant au mouvement qui, en 1806, en présence de la décadence où étaient tombés les revenus du chemin de fer, avait entraîné les actionnaires et les obligataires à réclamer à grands cris le rachat des lignes par l'Etat, afin de sauver leur situation financière, ce mouvement a complètement disparu.
Je ne doute pas que si la Chambre avait ordonné l'enquête que nous avons proposée il y a quelque temps, et si elle avait été conduite dans l'esprit que je viens de dire, je ne doute pas qu'on fût arrivé à un résultat exactement semblable pour l'administration du chemin de fer de l'Etat, c'est-à-dire que l'Etat eût été le premier à en bénéficier.
Je ne doute pas que si l'administration du chemin de fer, au lieu de se compliquer constamment, était simplifiée, on ne puisse arriver à réduire et à simplifier les tarifs, exactement comme cela a eu lieu en Angleterre.
J'appelle donc de nouveau l'attention de mes collègues sur cette question d'enquête. J'espère qu'après avoir réfléchi ils seront convaincus qu'il n'y aurait là, en aucune façon, un acte de défiance vis-à-vis du gouvernement, qu'il ne peut y avoir qu'un acte de confiance du parlement envers lui-même et un acte de bonne administration, c'est-à-dire, un moyen d'amener un contrôle qui, aujourd'hui, n'existe pas, qui existe d'autant moins que, par une singulière interprétation des situations, les sections centrales, quelque soit le parti qui occupe le pouvoir, sont toujours composées d'amis du pouvoir plutôt que de personnes disposées à exercer un contrôle efficace.
Après avoir présenté ces considérations sur la question générale du budget, je vais aborder une question plus spéciale, celle de l'exécution qui a été donnée à la convention du 25 avril 1870 ; je n'ai trouvé, ni dans les développements du budget, ni dans le rapport de la section centrale, des éléments suffisants pour me renseigner sur l'exécution de certaines parties de cette convention.
J'espère que l'honorable ministre sera en mesure de nous donner ces renseignements.
D'après l'article 5 de la convention, l'Etat a dû recevoir une somme de 600,000 francs de la compagnie des Bassins houillers pour faire les réfections supplémentaires que l'Etat jugerait nécessaires. Cette somme a dû être versée au trésor en dix payements égaux, à commencer du 1er janvier 1871 et à suivre de mois en mois.
Je demanderai à l'honorable ministre de nous dire quel emploi a été fait de cette somme et si elle est entièrement employée à l'heure qu'il est.
De plus, d'après le même article, la société des Bassins houillers s'était engagée à exécuter, dans le courant de 1870 et de 1871, des compléments d'installations, doubles voies, etc., que le gouvernement jugerait nécessaires au service des lignes actuellement en exploitation, sans toutefois que la dépense à faire de ce chef pût excéder la somme de 3 millions de francs.
Le gouvernement, par le même article, s'était réservé de faire exécuter ces travaux par ses propres agents. Dans ce cas, la société des Bassins houillers devait verser la somme précitée de trois millions au trésor en douze payements égaux à faire de mois en mois, à partir du mois de janvier 1871.
La société des Bassins houillers devait être remboursée de ses avances par une annuité de 4 1/2 p. c. que l'Etat doit lui payer pendant 70 ans, à partir du 1er janvier 1872.
Sur ce point, je ferai à l'honorable ministre des travaux publics la même question qu'à propos du premier : je lui demanderai si l'Etat a reçu ces versements mensuels ; s'il les a employés, à quoi ils l'ont été et s'ils le sont entièrement à l'heure qu'il est.
Dans l'article 18, il s'agit du rachat du matériel de transport et du (page 791) mobilier appartenant à la compagnie des Bassins houillers. La société des Bassins houillers s'est engagée à verser, dans le courant du mois de mars 1871, la somme de 100,000 francs pour tenir compte de l'usage déjà fait de ce matériel. Je n'ai trouvé nulle part que cette somme ait été versée ; je n ai pas vu davantage l'usage qui en avait été fait.
L'article 11 stipule que les approvisionnements devront être achetés à dire d'experts. Je désirerais savoir à quelle somme s'est montée cette expertise, ce que l'Etat a payé de ce chef et quelle est l'époque de ce payement.
L'article 47 de la convention est le plus important. Il s'agit du partage des produits.
Je demanderai à l'honorable ministre de nous dire et de nous communiquer au besoin la convention particulière qui a été faite pour ce partage.
D'après ce que j'ai quelquefois entendu dire, la société des Bassins houillers aurait, par suite des conventions faites en vertu des articles 50 et 51, obtenu des avantages notables.
Des transports auxquels elle n'avait jamais eu droit, on dit même qu'ils ne se sont jamais faits par ses lignes, ont cependant été attribués pour une part dans la recette qui lui était acquise en vertu de ce qu'on appelle la convention des courtes distances.
Il serait désirable, il serait utile pour cette Chambre de connaître à cet égard les faits, et de savoir quelles conséquences cela peut entraîner pour le trésor public.
L'article 55 de la convention stipule que les comptes des recettes seront dressés mensuellement et le troisième paragraphe stipule que le règlement définitif de chaque exercice se fera dans le courant du premier trimestre de l'année suivante.
Vous le voyez, messieurs, par cette stipulation l'Etat s'est engagé lui-même vis-à-vis de la société des Bassins houillers à régler, dans le premier trimestre suivant l'exercice, tous les comptes avec elle ; il lui est donc possible, ainsi que je le disais tantôt, de remettre ces comptes à la Chambre qui est au moins, pour ne pas dire beaucoup plus, autant intéressée que les Bassins houillers à recevoir cette note. Il s'agit ici des finances du pays tout entier,
Par conséquent, au lieu de nous remettre des comptes deux ou trois années après que l'exercice est écoulé, il me semble que par cette stipulation le gouvernement a reconnu lui-même qu'il était en mesure de fournir ces comptes dans le premier trimestre au plus tard de l'année.
J'attendrai la réponse de M. le ministre des travaux publics sur cette partie de mon discours, pour voir si j'ai d'autres observations à lui présenter sur ce point.
J'aborde maintenant une autre question.
L'honorable ministre des travaux publics précédent, M. Wasseige, nous avait dit et affirmé d'une façon très positive que le chemin de fer de Bruxelles à Luttre serait exécuté, au moins en partie, dans le cours de cette année. L'honorable M. Moncheur, plus prudent et avec raison, n'a pas été aussi affirmatif ; mais il nous a fait espérer que ce chemin de fer serait exécuté dans le courant de l'année 1873.
J'ai voulu me rendre compte de la situation et voir si les promesses faites par les ministres étaient réalisables. J'ai parcouru les travaux pour m'en assurer. Eh bien, je suis obligé de faire connaître à l'honorable ministre des travaux publics que ce n'est pas en 1873 que cette ligne pourra être mise en exploitation, à moins que l'on n'y déploie une activité qui n'a pas existé jusqu'à présent, non de la part des entrepreneurs qui ont fait tout ce qu'ils ont pu, qui ont travaillé avec la plus grande énergie, je dois le reconnaître, mais parce qu'ils ont été entraînés à des délais considérables, qui ne sont pas terminés partout, d'une part, par suite de la lenteur des expropriations, et d'autre part, par suite des changements qui ont été apportés aux plans après les expropriations faites. Sur quelques points, il a fallu tout recommencer ; il a fallu exproprier de nouveau, ce qui a donné lieu à des procédures qui ont entraîné de très grands délais.
D'autre part, des travaux très importants sont à peine commencés ; des déblais, qui exigeront toute la campagne, ne sont pas commencés ou viennent seulement de l'être, et d'ailleurs, les contrats faits avec les entrepreneurs ne les obligent à fournir les travaux de terrassement et de maçonnerie, c'est-à-dire sur lesquels on pourra établir le chemin de fer, qu'au 1er mai prochain. Après cela, il y aura à poser la voie, à construire la station, à faire le ballast et il y en aura certainement pour toute la campagne et même, pour y arriver il faudra déployer une très grande activité, une très grande énergie.
Le ballastage, entre autres, offre des difficultés toutes particulières. Si j'en crois ce qui m'a été dit, il s'agirait de ballaster cette ligne avec des pierrailles des carrières de Quenast. Or, la nécessité de faire venir plus de 200,000 mètres cubes de pierrailles entraînera certainement de3sretards très considérables,
J'appelle, sur ce point, l'attention de M. le ministre des travaux publics ; il pourrait, s'il n'y prend garde, être entraîné par ce seul détail à des délais beaucoup plus longs qu'il ne se l'imagine.
J'appellerai encore l'attention de M. le ministre sur la ligne de Luttre à Bruxelles qui est destinée à un trafic considérable ; les charbons de Charleroi trouveront dans celle voie une issue qui leur fait défaut depuis longtemps.
D'après ce que j'ai vu des travaux commencés, je ne sais pas si l'on a bien combiné l'aménagement des stations en vue de ce trafic, si l'on a bien pris attention à ce que le trafic des voyageurs, qui sera considérable, surtout aux abords de Bruxelles, ne vienne pas entraver le passage des marchandises.
J'espère, et il en est temps encore, que les stations sont aménagées de manière à permettre le passage, sans entrave et sans danger, de tous les trains de marchandises.
J'appellerai encore l'attention de l'honorable ministre sur un autre point ; il s'agit ici d'un chemin de fer en construction.
Les perfectionnements à l'établissement des chemins de fer sont difficiles quelquefois, lorsqu'il s'agit de lignes déjà construites et exploitées ; il n'est pas toujours facile de remédier à certains défauts qui ont été la conséquence de l'inexpérience des premières années de l'exploitation du chemin de fer.
Mais, quand il s'agit d'une ligne que l'on construit, c'est le moment d'introduire les perfectionnements dont l'expérience a fait connaître l'utilité.
En Angleterre et dans presque tous les autres pays, toutes les stations sont pourvues de plates-formes où les voyageurs peuvent descendre des chemins de fer sans la moindre difficulté, presque de plain-pied, et, en Angleterre, tout à fait de plain-pied, tandis que chez nous il s'agit presque partout d'une véritable ascension pour arriver à monter dans les voitures du chemin de fer.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien porter son attention sur ce point pour l'établissement des gares et des stations sur la ligne de Luttre à Bruxelles. Je pense qu'il y a là des perfectionnements utiles à introduire et qui seraient à la fois profitables pour l'Etat, parce que, plus les chemins de fer seront d'un accès facile, plus les voyageurs s'en serviront.
J'ai demandé il y a quelques mois quelle était la situation de la société des Bassins houillers, en ce qui concerne l'exécution des travaux de chemin de fer qu'elle s'est engagée à livrer par sa convention du 25 avril. L'honorable ministre nous a communiqué cette situation et je demande la permission de lui poser quelques questions sur des points qui concernent l'arrondissement dont je chargé de représenter plus particulièrement les intérêts dans cette Chambre.
Le chemin de fer de Fleurus à Nivelles par Frasnes-lez-Gosselies n'est pas commencé et, d'après la convention, ne doivent être commencés que le 1er juillet 1874 ; cependant la compagnie doit, dans un certain délai, soumettre des plans relatifs à cette ligne.
Or, je vois, d'après la réponse faite par le gouvernement, que la société ne s'est pas encore occupée de ce chemin de fer. Je demanderai à l’honorable ministre de ne pas perdre de vue cet objet et de ne pas laisser se produire ainsi les retards qui signalent l'exécution d'autres parties des obligations de la compagnie des Bassins houillers.
La même réponse a été faite en ce qui concerne le chemin de fer de Hannut et Tubize à Rebecq et celui qui doit relier les carrières de Ronquières au réseau de l'Etat.
Je demande, également que M. le ministre veuille bien ne pas perdre de vue ces points qui sont très importants pour des industries considérables qui sont établies sur le parcours des lignes dont il s'agit. Il y a d'autres questions encore, dans le budget des travaux publics, qui intéressent mon arrondissement et que mon honorable ami et collègue, M. de Vrints a déjà indiquées. Il y a la question de Wavre ; il y a les droits de la ville de Wavre.
Il s'agit aujourd'hui, paraît-il, de reprendre la ligne du Luxembourg.
L'Etat deviendrait donc le débiteur de la ville de Wavre, en lieu et place de la société du Luxembourg.
Depuis nombre d'années, nos prédécesseurs, comme nous-mêmes, ont fait de vains efforts pour obtenir justice et à cet égard nous n'avons jamais demandé que la stricte justice.
Il y a donc lieu d'espérer que si les gouvernements tiennent les (page 792) promesses qu'ils ont faites à différentes reprises et si l'honorable ministre des travaux publics actuel, qui a dans le temps fait un rapport sur cette affaire tout à fait conforme aux droits de la ville de Wavre, maintient son opinion, il y a lieu d'espérer que si l'Etat reprend la ligne du Luxembourg, justice sera enfin rendue à la ville de Wavre.
Si l'Etat ne peut pas ou ne veut pas faire le raccordement stipulé dans la loi de concession du chemin de fer du Luxembourg, il y aurait un autre moyen, signalé hier par l'honorable M, de Vrints, de donner satisfaction à la ville de Wavre et aux autres communes de l'arrondissement de Nivelles.
Un chemin de fer important est demandé en concession par une société qui se dit prête à l'exécuter et qui donnerait à notre arrondissement, dans presque toute son étendue, une communication qui lui fait absolument défaut aujourd'hui.
Par ce chemin de fer, la plus grande partie de notre arrondissement, la partie la plus active et la plus intéressante serait mise en communication avec tout le réseau.
Par conséquent, en me basant sur le principe que faisait valoir l'honorable M. Thonissen dans le discours qui a précédé le mien, je crois qu'il est impossible au gouvernement de nous refuser cette satisfaction.
Par là, le gouvernement mettrait en quelque sorte à néant les réclamations que la ville de Wavre et les localités environnantes ont vainement faites et réitérées à l'égard de la compagnie du Grand-Luxembourg.
J'appellerai aussi l'attention de l'honorable ministre sur une autre affaire qui a fait déjà l'objet d'un rapport de pétitions et dont nous avons eu l'honneur de l'entretenir il y a quelque temps. Je veux parler de la réclamation des localités qui se trouvent entre Gembloux et Perwez, qui depuis longtemps réclament un moyen de communication avec le chemin de fer exploité actuellement par l'Etat : celui de Tamines-Landen.
Il se trouve-sur ce point plus de deux lieues de distance entre les stations, et les populations qui se trouvent dans les lieux intermédiaires sont obligées par les temps d'hiver, dans des localités où les chemins de fer sont d'un entretien difficile à cause de la nature du sol, de faire plus de deux lieues à pied, pour arriver à une station de chemin de fer. Il suffirait d'établir sur le point le plus propice, le plus avantageux pour le plus grand nombre, une halte qui leur permît de se servir d'un chemin de fer qui traverse leur pays.
J'appelle donc sur ce point l'attention bienveillante et toute spéciale de l'honorable ministre des travaux publics et je le prie de faire tous ses efforts pour faire obtenir ce moyen de communication à ces populations.
Enfin, messieurs, pour descendre encore un peu dans les détails du budget des travaux publics, je recommanderai à la Chambre en même temps qu'au gouvernement la position des chefs de bureau et des ingénieurs en chef de province.
Ces fonctionnaires réclament une amélioration de position et ils la réclament avec raison. Ils sont surchargés de travaux, ils occupent une position importante et leur position financière n'est en rapport ni avec les capacités qu'on exige d'eux, ni avec les travaux dont ils sont chargés.
Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien accepter l'amendement qui pourra être proposé en faveur de ces fonctionnaires.
J'appellerai également son attention sur la position des conducteurs des ponts et chaussées, position qui exige également une certaine amélioration. Ces agents, il le sait mieux que moi, sont la cheville ouvrière, on peut le dire, des ponts et chaussées dans les provinces, et c'est grâce à leurs efforts que nos routes sont bien entretenues, que nos travaux sont bien dirigés. Je demanderai donc à M. le ministre d« vouloir bien également songer à l'amélioration du sort de ces utiles fonctionnaires.
J'ai dit,
M. Wouters. - En prenant la parole dans la discussion générale du budget des travaux publics, il est un point sur lequel j'appellerai, tout d'abord, la sérieuse attention du gouvernement : c'est la nécessité d'activer les travaux des stations pour lesquels des crédits ont déjà été votés par la législature.
Car, s'il est incontestable, comme je le faisais observer récemment, que l'état de gêne qui s'est produit dans nos relations commerciales doit être attribué, en majeure partie, à la pénurie du matériel, il convient de remarquer que l'insuffisance de nos principales installations ajoute beaucoup à ces inconvénients en entravant la célérité dans les manœuvres des trains, en ne permettant pas le chargement et le déchargement en temps utile des marchandises et en empêchant ainsi le remploi immédiat des waggons en retour. De là naissent des encombrements fréquents et, par suite l'interdiction forcée de tous les transports en direction de certaines localités.
C'est là un mal commun à plusieurs des gares importantes du pays ; mais nulle part ce mal ne se manifeste avec autant d'intensité que dans la station de Louvain, où, de l'aveu de l'administration elle-même, le service devient très difficile et compromettant, au plus haut degré, pour la sécurité publique.
Il importe donc que l'agrandissement projeté ne se fasse plus attendre. Oh ! je le sais, la levée des plans, les expertises, les rapports des ingénieurs et toutes les formalités relatives à l'expropriation volontaire ou forcée des terrains, entraînent d'inévitables retards ; mais aujourd'hui que ces opérations sont à peu près terminées, rien n'empêchera le gouvernement de faire procéder à l'adjudication des travaux et de veiller à ce que les entreprises s'exécutent dans le plus bref délai possible.
Que l'honorable ministre ne s'étonne pas de l'insistance que nous mettons à lui recommander cet objet.
Qu'il songe qu'il y a de longues années que ce travail est réclamé. Louvain a hâte de sortir d'un provisoire si préjudiciable aux intérêts de son commerce et de son industrie. Maintenant que nous touchons au but, nous sommes impatients de voir disparaître les derniers obstacles qui s'opposent à sa réalisation.
Ce que nous demandons à l'honorable M. Moncheur, c'est de faire emploi immédiat de la somme de 500,000 francs qui nous a été accordée l'an dernier, et comme il est probable que cette somme sera en partie absorbée par le coût des terrains, nous le prions de comprendre, dans les prochains crédits qui seront réclamés de la législature, une allocation au moins équivalente à la première, qui permette de mener vigoureusement l'entreprise.
Car, en admettant que la station de Louvain n'éprouve point le sort des stations de Bruxelles, de Charleroi, de Tournai, de Courtrai et de tant d'autres ; en admettant, ce qui est dans les intentions formellement exprimées par M. le ministre, qu'elle soit promptement achevée ; encore, faudra-t-il, au minimum, deux ou trois années avant qu'elle puisse être livrée au public. Et, dans l'intervalle, force sera de se contenter encore de ce qui existe, de ce qui est si insuffisant.
Il est donc urgent que les déblais se fassent rapidement, afin qu'on puisse établir de nouvelles voies, qui allégeront d'autant le service ; il y a, d'ailleurs, corrélation, je pense, entre ce travail et celui qui doit s'opérer aux abords de la station de Malines et pour lequel de nombreux transports de terre sont réclamés.
D'après les renseignements que j'ai obtenus, il paraîtrait que les expropriations à effectuer à Louvain s'étendraient sur une bande de terrain d'une profondeur maximum de 42 à 43 mètres, équivalente à la largeur actuelle de la gare.
Cet espace, dont les dimensions seront réduites dans une notable mesure par l'édification du nouveau bâtiment de recettes, aura-t-il les proportions voulues pour satisfaire dans l'avenir à toutes les exigences du service ? Des doutes se sont élevés à cet égard.
Je les soumets à l'appréciation du gouvernement, l'engageant à profiter des leçons de l'expérience, et à acquérir de suite tous les terrains nécessaires, avant qu'ils n'aient acquis une plus-value dont le trésor devrait supporter les frais.
Ces observations se trouvent consignées d'une manière générale dans le rapport de la section centrale ; j'ai jugé utile d'en faire une application particulière au cas qui nous occupe.
L'honorable ministre a eu l'obligeance de m'informer qu'il avait prié M. le gouverneur du Brabant de remplir les formalités préalables, afin de pouvoir procéder de suite aux expropriations nécessaires pour le déplacement du passage à niveau de la porte de Diest, et le redressement à cet endroit de la route de Hasselt à Louvain. Je l'en remercie sincèrement, et j'espère qu'il remplira, à l'égard de Louvain, les excellentes intentions de son honorable prédécesseur.
Si je ne m'étends pas aujourd'hui sur la manière irrégulière dont se fait le service des grosses marchandises et des petits colis, c'est que je comprends combien il est difficile, en ce moment, d'y apporter un remède efficace. L'installation définitive d'un hangar des marchandises, approprié aux besoins du trafic, sera la conséquence toute naturelle de l'agrandissement de la station. Et quant aux petits paquets, les inconvénients disparaîtront le jour, très prochain, où le bureau de départ sera séparé du bureau d'arrivée et transporté au centre de la ville.
L'établissement de ce bureau nous a été concédé l'an dernier par l'honorable M. Wasseige, et ce n'est qu'une question d'appropriation de local qui en a fait différer l'ouverture jusqu'ici.
(page 793) Je ne parlerai pas davantage pour le moment des locaux d'emmagasinage des bières et des spiritueux, qui exigenl une transformation complète ; mais je prierai l'honorable ministre de prendre des mesures pour que l'expédition des bières se fasse toujours avec la célérité désirable. Chacun sait que les bières blanches s'allèrent et se décomposent lorsqu'elles sont longtemps exposées à de fortes chaleurs ou à des gelées intenses, et l'on comprend le préjudice que les retards de l'administration peuvent entraîner pour les industriels.
Il n'est qu'un moyen de prévenir ces désagréments, c'est de tenir toujours à la disposition des expéditeurs le matériel nécessaire, de veiller à ce qu'il y ait un personnel suffisant pour le chargement des futailles et surtout de faire exception, pour le transport des bières, à la mesure d'interdiction qui frappe tous les envois dans le cas d'encombrement.
Des pétitions dans ce sens ont déjà été adressées au département des travaux publics par des brasseurs et négociants de Louvain, sous le patronage de la chambre de commerce ; je me permets de les recommander de nouveau à la sollicitude du gouvernement.
Mon honorable collègue et ami, M. Landeloos, a traité d'une manière spéciale et approfondie le projet du canal maritime à grande section de Bruxelles, Louvain et Malines vers l'Escaut. Je comprends que, tant que les éléments d'appréciation ne lui sont pas soumis, il est impossible au gouvernement de se prononcer sur la recevabilité de ce projet ; ce que je lui demande, d'accord avec mes honorables collègues de Bruxelles et de Malines, c'est que les études graphiques se fassent de suite ; c'est qu'à l'ingénieur chargé de les diriger, soit adjoint un personnel suffisant, en état de mener ce travail à bonne fin.
Au point où en sont les choses, il est indispensable qu'une solution intervienne ; et cette solution n'est possible qu'autant que l'on soit édifié sur la nature et le coût des travaux, mis en regard des inappréciables bienfaits que le commerce et l'industrie du pays entier doivent en retirer.
Il est toutefois une considération essentielle dont il est impossible de ne pas tenir compte : c'est que Louvain et Bruxelles ont, jadis, construit leurs canaux sans le concours financier de l'Etat.
La dépense pour Louvain a, pendant de longs exercices, obéré son budget et l'a empêché de réaliser d'autres améliorations non moins utiles. Or, il n'en a pas été de même pour les travaux hydrauliques exécutés dans les deux Flandres, la province d'Anvers et celle de Liège.
Là de gros crédits, souvent renouvelés, ont été votés par la législature.
Ce n'est pas que je veuille blâmer la part d'intervention de l'Etat dans les frais nécessités pour les voies navigables des Flandres, pour les établissements maritimes d'Anvers, pour la dérivation de la Meuse. Il était naturel que les deniers publics vinssent encourager ces entreprises dictées par l'intérêt général, et qui, à l'aide des seules ressources locales, n'eussent pu aboutir.
Mais, dès lors, on admettra que le même concours nous soit réservé, et si, comme je l'espère, des crédits sont sollicités des Chambres pour cet objet, j'attends de la justice de nos collègues, qu'ils ne nous soient pas refusés.
Il est un autre projet dont l'opinion publique se préoccupe à bon droit et dont elle poursuit la réalisation avec une énergie sans pareille, c'est la demande de concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Aix-la-Chapelle.
Que dire de ce projet, après le discours si concluant de l'honorable M. Thonissen, que vous venez d'entendre ; que dire, qui n'ait été dit déjà dans les brochures, dans les meetings, dans les séances de la Chambre et du Sénat, et jusque dans les audiences que l'honorable ministre des travaux publics a données aux partisans si nombreux du projet Pousset ?
Je conçois que le gouvernement, avant de se prononcer sur une œuvre de cette importance, se recueille, envisage la question sous toutes ses faces et au point de vue des conséquences que sa réalisation peut entraîner ; mais s'il lui est démontré que la ligne nouvelle aura un trafic indépendant de celui du railway de l'Etat, je ne puis croire qu'il se refuse à l'accorder.
Pénétré de la justice de nos réclamations, il paraît disposé à concéder la partie de la voie comprise entre Tongres et Saint-Trond.
Mais que l'honorable ministre me permette de le lui dire : à moins de charge onéreuse à imposer au trésor, trouvera-t-il un concessionnaire assez hardi pour construire ce tronçon de route enserré lui-même entre les deux lignes puissantes du Grand-Central et de l'Etat ?
L'expérience prouve que ces petits réseaux de 15 à 20 kilomètres ne sont pas viables, qu'ils doivent nécessairement se fusionner, dans un temps donné, avec d'autres exploitations, pour échapper aux frais généraux d'administration, qui absorbent une part importante des recettes.
On ne ferait donc quelque chose de sérieux qu'en prolongeant la ligne de Tongres jusqu'à Tirlemont et en traversant ainsi la ville et le canton de Léau.
Et encore, bien que nous dussions nous féliciter de ce résultat, il est à remarquer que le projet Pousset ne serait réalisé qu'en partie ; le but essentiel de sa création, qui est d'assurer une nouvelle voie de communication avec l'Allemagne, ne serait pas atteint ; il ne serait paré à aucun des inconvénients qu'une ligne unique a signalés, dans nos rapports avec nos voisins d'outre-Rhin. Et puisque le gouvernement n'est pas disposé à juxtaposer une troisième voie à celles qui existent entre Bruxelles et Aix ; puisqu'il est à supposer qu'il n'hésitera plus longtemps à accorder la concession de Watermael-Boitsfort à Corbeek par Tervueren et que plus de la moitié de la ligne serait ainsi établie ; c'est le projet dans son ensemble que je recommande à son examen, car il est le seul qui puisse satisfaire à tous les intérêts engagés.
Et s'il est établi aujourd'hui que la ligne projetée sera lucrative et qu'elle assurera une large rémunération aux capitaux engagés, qu'est-ce donc qui empêcherait l'Etat de la construire et de l'exploiter lui-même, au mieux des intérêts du public et du trésor ?
En résumé, la cause que les députés du Brabant défendent ici avec leurs collègues du Limbourg et de la province de Liège, est une cause juste et utile au pays ; elle ne saurait manquer dès lors de rallier les sympathies éclairées de l'honorable ministre des travaux publics.
Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour recommander à M. le ministre d'examiner avec soin une demande parvenue à son département, et qui est relative à la concession d'un chemin de fer de Malines à Aerschot, passant par Keerbergen, Tremeloo, Bael et Betecom, et se prolongeant sous le camp de Beverloo, vers la ligne projetée d'Anvers à Gladbach.
Déjà depuis plusieurs années, les habitants de la contrée comprise dans le parallélogramme aux angles duquel se trouvent Louvain, Aerschot, Heyst-op-den-Berg et Malines, ont réclamé l'exécution par l'Etat d'une route qui traverserait ce pays isolé, dont les communications vicinales sont très mauvaises.
Le département des travaux publics a répondu que cette route ne présentait pas assez d'intérêt général pour être construite par l'Etat, mais que si les communes intéressées voulaient se charger de l'exécution, elles obtiendraient des subsides.
Cette proposition équivalait à une fin de non-recevoir, car il était évident que les communes n'auraient pu se créer des ressources suffisantes pour établir un travail de cette importance, quelque fut l'utilité qu'elles en auraient retirée pour l'amélioration d'une grande étendue de terrain presque inculte.
Aujourd'hui, qu'il se présente des concessionnaires sérieux et offrant toutes les garanties désirables, je prie le gouvernement de se préoccuper de l'étude de la question, avec le désir de lui donner une solution conforme au vœu des pétitionnaires.
Un mot encore et je termine. L'honorable rapporteur de la section centrale a, dans le cours de son remarquable travail, « insisté sur l'utilité qu'il y aurait à remettre en vigueur les règlements qui régissaient autrefois les eaux du Démer et permettaient des irrigations périodiques qui assuraient chaque année d'abondantes récoltes, presque inconnues aujourd'hui. »
Cela est parfaitement exact.
Ainsi, lorsque exceptionnellement le sol des prairies qui bordent le Démer est couvert par les inondations comme en 1867, les foins sont d'une abondance sans pareille ; mais l'aridité ne tarde pas à revenir avec la sécheresse provoquée par le trop rapide écoulement des eaux.
Il y a donc lieu d'étudier les moyens d'utiliser les eaux de la rivière pour l'irrigation des prairies qui se trouvent entre Aerschot et Diest, et de voir s'il ne conviendrait pas, à cette fin, de rétablir les anciens barrages, comme sur le parcours de la Grande-Nèthe où des travaux de ce genre vont être adjugés.
Il est à remarquer que la navigation sur le Démer diminue chaque jour. Les recettes, comme me le fait observer l'honorable rapporteur, ne s'élèvent plus annuellement qu'à un millier de francs ; peut-être pourrait-elle reprendre quelque activité par la jonction du Démer au canal de la Campine. Mais dans l'état actuel des choses, il convient, je pense, de s'occuper tout autant des intérêts de l'agriculture que de ceux de la navigation.
Enfin, il est une dernière demande que j'adresserai à l'honorable ministre des travaux publics : elle est relative à l'organisation d'un nouveau train de voyageurs entre Louvain et Bruxelles.
En consultant le Guide officiel du chemin de fer, on verra qu'il y a, entre les deux premiers convois du matin, partant respectivement à 6 h. 2 m. et 9 h. 48 m., un intervalle de près de quatre heures. Les (page 794) négociants, les industriels, les hommes d'affaires, les médecins se plaignent, non sans raison, du préjudice qui leur est causé par cet état de choses. Pour ne citer qu'un fait, l'hiver dernier, pendant la session des assises, les membres du jury appartenant à la ville de Louvain étaient forcés de quitter leur domicile à 5 h. 1/2 du matin, arrivaient à Bruxelles à 6 h. 55 m. et n'entraient en séance qu'à 10 heures. L'établissement d'un train à 8 heures du matin obvierait à ces inconvénients.
Je me fais l'interprète du désir de la population louvaniste, en priant l'honorable M. Moncheur d'introduire cette modification dans le service des convois. J'ai dit.
M. Guillery. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission des naturalisations sur une demande en naturalisation ordinaire,
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Dansaert. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de faire partie de la députation composée des magistrats et des représentants des villes de Bruxelles, Malines et Louvain, qui s'est rendue, le 22 décembre dernier, chez M. le ministre des travaux publics pour le prier de vouloir bien désigner un ingénieur des ponts et chaussées avec le personnel nécessaire, à l'effet de s'occuper d'urgence et exclusivement de l'étude d'un canal maritime destiné à relier Bruxelles, Malines et Louvain à l'Escaut, en rendant les ports de ces villes accessibles aux navires de grand tonnage.
Ainsi que le faisait remarquer alors mon honorable collègue, M. le bourgmestre de Bruxelles, nous étions d'autant plus fondés à croire que notre démarche ne resterait pas sans résultat que M. le ministre de l'intérieur nous accompagnait en sa qualité de représentant de Louvain et qu'il appuyait chaudement nos sollicitations.
Il est regrettable que jusqu'à présent le département des travaux publics se soit borné uniquement à désigner un ingénieur, d'un mérite reconnu il est vrai, mais qui nécessairement ne pourra remplir la mission qui lui est dévolue, avant qu'un personnel spécial ne lui ait été adjoint.
La discussion du budget des travaux publics a fourni l'occasion de porter devant la Chambre cette question dont l'importance et l'utilité n'échapperont à personne, et déjà, dans la séance d'hier, l'honorable M. Landeloos vous a signalé, messieurs, tout le prix qu'attache l'arrondissement de Louvain au développement de son port et de son canal.
Je viens, à mon tour, vous entretenir de l'utilité générale que présente la construction demandée d'un grand canal maritime prolongé jusqu'à Bruxelles, en me bornant à rappeler, aussi brièvement que possible, les sacrifices que la Belgique a faits dans le passé pour développer ses voies navigables, et les services que de tout temps celles-ci n'ont cessé de lui rendre.
J'espère réussir ainsi à attirer sur cette question, depuis trop longtemps négligée, l'attention de la Chambre et du gouvernement et démontrer au pays qu'il est aussi intéressé à améliorer et à développer ses voies navigables que ses routes de terre et ses voies ferrées.
Il y a plusieurs siècles, messieurs, l'industrie et le commerce de nos villes flamandes étaient plus florissants que partout ailleurs ; la population de chacune des principales d'entre elles s'élevait, dit-on, à plus de 200 mille âmes.
Cette situation prospère, créée à l'ombre des libertés garanties par nos franchises communales, était particulièrement due aux facilités de communication que ces cités possédaient avec la mer, et qui leur permirent d'attirer chez elles le grand commerce d'Europe et d'Orient.
Lorsque plus tard les vaisseaux éprouvèrent des difficultés pour remonter directement par les ports de Damme et de l'Ecluse jusqu'à Bruges, cette dernière ville, après de persévérants efforts, créa un nouveau canal vers Ostende.
Ce canal fut prolongé ensuite à travers les dunes et provoqua l'établissement d'un port de mer artificiel à son extrémité.
Malgré l'exécution de ce grand travail, les armateurs brugeois ne purent soutenir la concurrence des autres villes du pays, et, à la fin du XVème siècle, le commerce et la mer abandonnèrent en même temps la cité qu'ils avaient faite si puissante et si riche.
Au commencement du XVIème siècle, l'action industrielle et commerciale de la Belgique se porta vers les grandes cités de l'intérieur du pays ; celles-ci firent des sacrifices considérables afin d'arriver à obtenir l'ouverture de canaux capables de recevoir les navires de mer.
Les villes de Bruxelles et de Louvain, dont le commerce était autrefois moins actif que celui de Bruges, ne cessèrent pas de prospérer cependant parce qu'elles réussirent à conserver avec l'Escaut par le Rupel des communications qu'elles perfectionnaient successivement.
Le canal de Bruxelles au Rupel fut achevé en 1561 ; son exécution avait duré dix ans et la dépense totale qu'elle occasionna s'était élevée à 800,000 florins.
En rappelant ces faits que j'emprunte au très remarquable rapport de feu l'ingénieur en chef des ponts et chaussées Vifquain, document publié en 1842 par le département des travaux publics, je ne crois pas pouvoir me dispenser de rendre un légitime hommage à la mémoire d'un homme de bien, Jean de Locquenghien, amman de Bruxelles, qui fut à la fois l'ingénieur, le directeur et l'administrateur des travaux de ce canal.
L'ère de prospérité du commerce maritime de nos provinces flamandes continua à se développer jusqu'au moment où éclatèrent au XVIème siècle, les funestes guerres de religion qui ruinèrent complètement l'industrie et le commerce de la Belgique.
Les gueux de mer bloquaient l'Escaut. Toute communication navigable était interdite avec la mer, et les négociants, victimes de l'intolérance religieuse des Espagnols, transportèrent leurs comptoirs dans les villes d'Amsterdam, de Rotterdam et de Dordrecht.
Cette émigration accrut considérablement la prospérité de la Hollande, dont les ports que je viens de citer étaient cependant moins favorablement situés que ceux de la Belgique.
L'état prospère du commerce hollandais se consolida encore par le traité de paix de Munster (30 janvier 1648), qui, en stipulant expressément la fermeture, du côté des Provinces-Unies, « des rivières de l'Escaut comme aussi des canaux du Sas-de-Gand, Swyn et autres bouches de mer y aboutissantes, » porta le coup de grâce au commerce belge.
A dater de cette époque, les villes flamandes n'eurent plus à se préoccuper de leurs voies navigables que pour les besoins du trafic intérieur.
Ce fâcheux état de choses dura pendant plus d'un siècle et demi, c'est-à-dire jusqu'à la paix de Vienne de 1815.
Lorsque le royaume des Pays-Bas fut constitué, les provinces méridionales réclamèrent l'exécution des travaux nécessaires pour améliorer leurs voies de navigation intérieure et leurs communications avec la mer.
L'ingénieur en chef des ponts et chaussées Teichmann fut chargé par le gouvernement d'étudier le moyen de créer une voie destinée à faire arriver à Bruxelles par l'Escaut les navires de commerce de fort tonnage.
Le projet que cet ingénieur éminent termina en 1825, et dont l'adoption éventuelle ne paraissait pas douteuse alors, fut repoussé deux ans après par le roi Guillaume, lorsque déjà le dissentiment qui séparait le souverain et les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas avait pris les proportions les plus graves.
Cependant le. roi Guillaume fit en faveur de la navigation de Garni ce qu'il refusa de faire pour la ville de Bruxelles, qui s'efforça néanmoins, de 1828 à 1832, d'améliorer son canal vers le Rupel,
Les dépenses que ces travaux occasionnèrent furent supportées exclusivement par la caisse communale, sans l'appui pécuniaire du gouvernement.
Les villes de Malines et de Louvain suivirent cet exemple.
Il nous paraît donc de toute justice que le gouvernement fasse maintenant en faveur de ces villes, dont la prospérité s'accroîtrait rapidement si on les rendait accessibles aux navires de fort tonnage, ce qu'il a fait pour la navigation maritime des autres provinces.
Depuis la fondation de notre nationalité, plus de 141 millions ont été consacrés à nos voies navigables. [En note de bas de page, le détail de ce calcul, non repris dans la présente version numérisée.]
En rappelant ce chiffre, je crois devoir faire remarquer, messieurs, qu'il entre d'autant moins dans ma pensée d'en critiquer l'importance, que je crois éminemment utile, sous tous les rapports, toute dépense faite pour l’amélioration ou la construction de cette catégorie de voies de transport.
(page 795) En effet, lorsque ces voies sont bien organisées, elles doivent rendre possible, à des conditions moins onéreuses que par les chemins de fer, le transport des matières lourdes qui s'expédient par masses, et contribuer dans une large mesure à favoriser l'exportation par mer, ce qui n'a pas lieu maintenant, des produits de nos mines, houillères, carrières, etc., qui constituent l'une des plus grandes richesses de la Belgique.
Je tiens particulièrement à établir que Bruxelles, Malines et Louvain n'ont obtenu aucune part dans le chiffre de 141 millions que je viens de désigner.
Si l'on tarde à améliorer les canaux de ces villes, il est hors de doute que, dans peu d'années, les ports qui en dépendent et dont le mouvement décline au lieu de grandir, seront entièrement délaissés.
Il est à remarquer cependant que les provinces d'Anvers et de Brabant ainsi que les deux Flandres sont douées naturellement de qualités spéciales, presque uniques et qui permettent l'établissement sans trop de difficultés de canaux à grande section.
Pourquoi donc ne pas tirer parti de ces avantages naturels, alors qu'on doit se dire que les voies de transport économique, perfectionnées en vue de l'importation et du transit, favoriseraient certainement l'exportation de nombreux produits qu'actuellement nous n'exportons qu'avec difficulté ou pas du tout ?
Pénétrons-nous bien aussi, messieurs, de l'idée que, dans l'intérêt général, il ne saurait jamais y avoir en Belgique un trop grand nombre de personnes qui s'appliqueraient au développement de nos relations avec les pays d'outre-mer, ni assez de capitaux qui pourraient être consacrés à l'extension de ces relations.
L'avenir industriel et commercial de notre pays dépend de ce développement et de l'accroissement de nos débouchés, et vous penserez sans doute comme moi qu'à ce point de vue. il reste énormément à faire.
En considérant l'importance du commerce maritime de la Hollande, on est tenté de croire que les ports de cette nation possèdent des qualités nautiques supérieures à celles que présente la partie de l'Escaut qui baigne notre territoire.
Il n'en est rien, car les grands ports de Rotterdam et d'Amsterdam, quoique constamment perfectionnés au prix des plus grands efforts, n'offrent pas les avantages que présente Anvers et que pourraient présenter les ports qui seraient créés plus avant dans l'intérieur du pays.
Seulement les Hollandais sont plus pratiques que nous ne le sommes, et ils s'appliquent avec ardeur, comme nous devrions le faire, à perfectionner et compléter leurs voies de transport, aussi bien par eau que par terre.
Pour justifier ma thèse que les ports de la Hollande n'offrent pas d'avantages que nous ne puissions réaliser et dépasser en Belgique, je me permets, messieurs, de mettre sous vos yeux quelques indications puisées dans les rapports des ingénieurs du Waterstaat hollandais.
Le grand canal maritime partant de Buiksloot vis-à-vis d'Amsterdam et qui traverse du sud au nord toute la Hollande septentrionale jusqu'à la passe profonde du Helder, est devenu insuffisant pour les besoins toujours croissants de la grande navigation. On construit donc aujourd'hui à grands frais un canal qui, partant de l'Y ou golfe d'Amsterdam, se dirige vers l'ouest et coupe les dunes pour pénétrer dans la mer du Nord au moyen de jetées fort longues qui se prolongeront jusqu'aux eaux profondes.
Des travaux analogues sont également entrepris pour permettre aux grands navires d'arriver à Rotterdam sans devoir alléger leurs cargaisons.
Pour parer à cet inconvénient grave, le gouvernement hollandais s'est déterminé à rectifier le cours de la Meuse, à couper les dunes au nord de l'embouchure actuelle de ce fleuve, et à construire dans la mer deux jetées, dont l'une, celle du Nord, aura 1,800 mètres de longueur, pour atteindre à la profondeur de cinq mètres d'eau à marée basse.
Le flot de marée ordinaire montant sur cette partie de la côte de 1 m 70, les navires qui se présenteront à marée haute devant la Meuse perfectionnée y trouveront une profondeur d'eau de 7 mètres environ.
Examinons maintenant, messieurs, quelles sont les conditions hydrographiques des villes de l'intérieur de la grande plaine du nord de la Belgique.
Je ne dirai rien d'Anvers, parce que chacun sait que le port de notre métropole commerciale présente des facilités de navigation et une profondeur d'eau qui ne sont atteintes par aucun des autres ports marchands européens de l'Atlantique.
Je me contenterai d'une simple mention aussi pour la ville de Gand, qui a obtenu un subside considérable destiné aux premiers travaux d'approfondissement et d'élargissement du canal de Terneuzen.
J'établirai seulement la situation qui pourrait être faite aux ports de Bruxelles, Malines et Louvain.
En passant devant Anvers, la marée montante pénètre dans le Rupel, où elle se fait sentir jusqu'au-dessus de Malines.
La passe navigable dans l'Escaut, devant Rupelmonde, mesure près de 8 mètres à marée basse, et les marées refoulent les eaux en les faisant monter en moyenne de 4 mètres.
Cette grande hauteur du flot de marée est due à la position de l'île de Walcheren, qui, avançant en mer de plus d'une lieue, barre le courant et oblige la marée à entrer dans l'Escaut avec une très grande énergie.
Ainsi, tandis que pour améliorer le cours de la Meuse, en aval de Rotterdam, la Hollande fait des travaux immenses pour atteindre seulement la profondeur de 5 mètres à marée basse et de moins de 7 mètres à marée haute, il suffira à la Belgique de creuser un nouveau canal de moins de deux lieues de longueur, débouchant vis-à-vis de Rupelmonde, pour atteindre des fonds d'environ 12 mètres.
Vous voyez, messieurs, que les avantages de l'Escaut, même devant Rupelmonde, où l'ingénieur Teichmann proposait, en 1824, de faire déboucher le canal de Bruxelles, sont énormes en comparaison des conditions, qu'offre la Meuse au-dessous de Rotterdam.
Les villes de Bruxelles, Malines et Louvain sont en instance pour que le gouvernement perfectionne et complète ce que la nature a si favorablement préparé. Elles demandent qu'un canal accessible aux grands navires de commerce soit ouvert depuis l'Escaut devant Rupelmonde. et qu'il se prolonge dans ces conditions, en se bifurquant en deux branches, dont l'une remonterait par le canal de Bruxelles jusqu'à la capitale, tandis que la seconde branche, passant à Malines, se prolongerait par le canal de cette ville jusqu'à Louvain.
L'exécution de ce travail simple et grandiose, qui doterait trois villes d'une navigation maritime meilleure que celle qui existe pour les ports de Rotterdam et d'Amsterdam, occasionnerait une dépense relativement peu considérable.
Cette dépense, loin d'être au-dessus des forces de la Belgique, est en rapport avec les sacrifices que le pays s'est imposés depuis la proclamation de son indépendance, pour améliorer les voies navigables des autres provinces.
Ces sacrifices ont toujours été votés sans hésitation par les représentants de Bruxelles, de Malines et de Louvain ; ceux-ci espèrent donc avec confiance que le gouvernement, de même que leurs collègues des autres provinces, voudront bien, à leur tour, se montrer favorables à l'étude immédiate et à l'exécution d'une entreprise qui, tout en contribuant à développer la prospérité du centre de la Belgique, intéresse également au plus haut point le commerce et l'industrie du pays tout entier.
M. Snoy. - Messieurs, lors de l'analyse d'une des nombreuses pétitions qui nous sont parvenues en faveur de la concession d'un chemin de fer de Hal à Landen, M. le ministre des travaux publics a bien voulu me promettre de donner des explications lors de la discussion de son budget.
Je crois donc le moment venu d'insister de nouveau sur l'utilité, sur la nécessité de cette concession.
Je ne vous referai pas, pour la dixième fois, l'énumération des griefs de la ville de Wavre ; je pense que vous les connaissez parfaitement ; mais ce que beaucoup d'entre vous ne savent pas, c'est que ce déni de justice remonte à vingt-cinq ans, époque de la concession des deux sections de Bruxelles à Wavre et de Wavre à Namur.
On lit, en effet, dans le cahier des charges annexé à la loi du 18 juin 1846, le paragraphe que voici :
« Sur la section de Bruxelles à Wavre et sur celle de Wavre à Namur, il ne pourra être perçu des péages plus élevés que ceux qui sont concédés à la société de Louvain à la Sambre. »
Je crois impossible de prouver plus clairement que Wavre était destiné dans la pensée du législateur à devenir le point de croisement des lignes de Bruxelles à Namur et de Louvain à Charleroi.
Messieurs, tant de ministres se sont succédé depuis cette époque, tant de réclamations sont restées sans résultat, tant d'injustices se sont perpétuées, que je dois reconnaître avec un profond regret qu'il est devenu difficile sinon impossible au gouvernement de forcer la compagnie du Luxembourg à remplir tous ses engagements.
Mais, dans l'ordre matériel comme dans l'ordre moral, il arrive toujours un moment où la vérité et la justice reprennent leurs droits, et, au moment où il semblait devenir impossible d'obtenir une réparation, voici que deux occasions se présentent au gouvernement, deux excellentes occasions, comme il n'en retrouvera peut-être jamais.
La première est d'une grande simplicité ; le gouvernement nous a annoncé récemment qu'il entrait dans ses vues de reprendre plus ou moins (page 796) prochainement le réseau de chemins de fer actuellement exploité par les compagnies particulières.
Le jour où il reprendra la ligne du Luxembourg, il lui suffira de rectifier le tracé de Bruxelles à Wavre ; il sera chez lui, et fera ce qu'il voudra sans léser les intérêts des compagnies.
Mais je dois reconnaître que ce travail ne se ferait pas sans dépenser des sommes considérables ; eh bien, messieurs, si le gouvernement, si les Chambres reculent devant cette dépense, acceptons la seconde occasion qui se présente à nous.
Une compagnie offre de se charger de la construction d'une ligne donnant à la ville de Wavre une compensation considérable et, de plus, traversant l'arrondissement de Nivelles d'une extrémité à l'autre, desservant une population, d'au moins 60,000 âmes et la reliant aux grandes artères du pays, et le gouvernement hésite ! Eh ! messieurs, je dirai presque qu'il n'a pas le droit d'hésiter !
Il a repris l'exploitation du chemin de fer de Manage à Wavre avec le droit de préférence, qui y est attaché, de prolonger la ligne de Wavre jusqu'à Landen, et quand on vient lui offrir de construire en son lieu et place, et sans qu'il lui en coûte rien, un affluent à une ligne exploitée par lui, et jouissant de la garantie du minimum d'intérêt, il n'a pas le droit de refuser.
En résumé, cette demande de la compagnie Rosart se réduit à ceci :
Construction d'une section de 6 à 7 lieues (Landen à Wavre), concédée depuis vingt-cinq ans par droit de préférence à la compagnie de Manage-Wavre, aujourd'hui chemin de fer de l'Etat ;
Construction de 1 à 2 lieues (Wavre à Rixensart), constituant une obligation incontestée du Grand-Luxembourg, mais inexécutée depuis vingt ans.
Et enfin, construction du prolongement de Rixensart à Hal, au milieu d'une population industrielle, commerçante et agricole, privée de communications directes et rapides avec l'est et l'ouest de la Belgique.
Messieurs, je n'en dirai pas plus long pour le moment ; je ne vous relirai pas ce que j'ai déjà dit dans cette enceinte, non plus que les réponses des ministres ; je pense que ce système fait souvent perdre pas mal de temps, sans profit pour personne.
Dans le courant de cet hiver, je me suis permis d'appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'obligation qui incombe au Grand-Luxembourg, de réduire les tarifs de voyageurs et de les ramener au chiffre de ceux de l'Etat, obligation résultant à toute évidence de l'article du cahier des charges de 1846 dont je vous ai donné lecture tout à l'heure ; j'espère qu'il n'aura pas perdu cette affaire de vue et qu'il y donnera une solution satisfaisante ; je ne vous en parlerai donc pas aujourd'hui, pas plus que du télégraphe de Gastuche, dont a parlé hier l'honorable M. de Vrints, car je crois savoir que M. le ministre reconnaît que Grez se trouve dans une situation exceptionnelle et a le droit d'obtenir un appareil télégraphique.
(page 803) M. Balisaux. - Messieurs, j'ai pris, il y a quelque temps, une part assez large à la discussion du projet de loi de crédit pour le matériel du chemin de fer ; il me reste néanmoins quelques observations à présenter au gouvernement à l'occasion du budget des travaux publics. Mais qu'il me soit permis préalablement d'ajouter quelques considérations au discours que vient de faire l'honorable M. Dansaert sur un projet de canal maritime ayant pour but de relier à l'Escaut les villes de Bruxelles, de Malines et de Louvain.
J'ai déjà eu, messieurs, l'occasion d'attirer l'attention de la Chambre et du gouvernement sur ce projet ; voici les paroles que j'avais l'honneur de prononcer dans la séance du 21 juillet 1871, lors de la discussion du budget des travaux publics :
« Je me permettrai de donner un dernier conseil à l'honorable ministre des travaux publics :
« Je ne suis certes pas un adversaire de la ville d'Anvers, je serais au contraire heureux de la voir riche et prospère ; mais la théorie qui a été développée dernièrement par l'honorable M. Delaet, sur la décentralisation, m'a vivement frappé.
« Je suis aussi un décentralisateur, mais savez-vous, au point de vue commercial, par où je voudrais commencer la décentralisation ? Je voudrais enlever à Anvers le monopole presque absolu de notre trafic.
« Vous avez probablement, messieurs, lu comme moi, avec le plus grand intérêt, une brochure de M. Dubois-Nihoul contenant un projet de canal maritime de Bruxelles à l'Escaut, en face de Rupelmonde. Ce travail me démontre, et l'honorable M. Delaet sera probablement de mon avis, que le port d'Anvers, quelle que soit son importance, est devenu aujourd'hui insuffisant pour le commerce d'exportation et d'importation.
« Depuis cinq ans ce trafic s'est considérablement augmenté et il est pour moi incontestable que, dans quelques années, il faudra nécessairement un exutoire à ce port devenu insuffisant malgré même les améliorations qu'il doit subir.
« Il est prouvé, d'une manière évidente, qu'au point de vue technique l'exécution de ce travail important est non seulement possible mais même facile et, qu'au point de vue financier, cette opération ne pourrait être que fructueuse pour le trésor.
« Quant aux intérêts généraux du pays, ses avantages seraient immenses.
« J'engage donc l'honorable ministre des travaux publics à profiter des vacances pour examiner ce projet dont nous l'entretiendrons à la rentrée des Chambres. »
Si je me suis tu depuis lors, messieurs, c'est que j'avais appris que des modifications importantes devaient être faites au projet de M. Dubois-Nihoul, qui ne comprenait d'abord que le canal de Bruxelles à l'Escaut, en face de Rupelmonde.
Ces modifications consistaient à y relier aussi par un canal maritime les villes de Louvain et de Malines.
J'attendais les décisions des administrations de ces villes.
Je désirais connaître leurs intentions, leurs observations, avant de prendre la parole à la Chambre sur un projet d'une telle importance.
Il est vrai que je suis encore aujourd'hui à peu près dans la même incertitude à cet égard. Je connais peu ou point ce que veulent ces villes. Mais le gouvernement ayant chargé spécialement un ingénieur du département des travaux publics de faire l'étude d'un projet de canal maritime reliant Bruxelles à l'Escaut ; d'un autre côté, la section centrale chargée du rapport sur le budget des travaux publics, ayant fait une mention spéciale de ce projet et le recommandant particulièrement à l'attention du gouvernement ; enfin, ma conviction étant restée la même, je crois de mon devoir d'intervenir dans le débat, de rappeler la question au gouvernement et d'insister pour la prompte exécution de ce projet considérable, grandiose, qui ne peut qu'augmenter notablement la richesse commerciale et industrielle de la Belgique.
L'honorable M. Dansaert vient de vous faire, messieurs, un historique complet de la richesse et de la splendeur de quelques anciennes villes de la Belgique, richesse et splendeur qui étaient dues surtout à leurs facilités de communications avec la mer.
Il vous a montré cette prospérité diminuant successivement au fur et à mesure que des événements politiques ou des circonstances quelconques, il vous a même cité les guerres religieuses, qui apportaient des entraves à la libre communication de ces villes avec la mer.
Il vous a rappelé les fatales conséquences de ce traité de Munster, intervenu entre le gouvernement espagnol et les Pays-Bas, traité qui, fermant toutes les communications de la Belgique avec la mer, ruina commercialement la Belgique au profit de la Hollande, au profit des ports de Rotterdam, d'Amsterdam et de Dordrecht.
Mon honorable collègue vous a dit les immenses sacrifices que la Hollande s'impose, en ce moment, pour faciliter l'entrée de ses ports, sacrifices qui, pour le port d'Amsterdam seulement, atteindront le chiffre de 70 millions de francs.
Mon honorable collègue aurait pu ajouter que l'Allemagne marche dans la même voie.
Je lisais, il y a quelques jours, dans l'Echo du Parlement que l'Allemagne, malgré les nombreuses voies de communication qui la relient à l'Alsace, vient de décréter la création d'un canal entre Ludwigshofen, Manheim et Strasbourg, canal d'un tirant d'eau de quatre mètres qui permettra aux grands bateaux du Rhin et même aux caboteurs d'arriver jusqu'à Strasbourg.
Vous me direz peut-être, messieurs, que le travail a un but politique ; que l'Allemagne veut que l'Alsace soit à jamais allemande ; mais il n'en est pas moins vrai que le gouvernement qui prend cette mesure comprend que le meilleur moyen de s'attacher un pays annexé est de le rendre riche et prospère en favorisant son industrie et son commerce de nombreuses voies de communications.
La conclusion de l'honorable M. Dansaert, que j'appuie sans aucune restriction ni réserve, est que le gouvernement belge doit faire tout ce qui est en son pouvoir, user de toutes les ressources que le trésor met à sa disposition pour développer notre commerce intérieur et international en multipliant autant que possible les communications soit par les voies ferrées, soit par les voies navigables.
Je ne vous ferai pas l'injure, messieurs, de vous démontrer qu'un canal maritime entre Bruxelles et l'Escaut est de nature à enrichir notre pays, à augmenter considérablement sa prospérité industrielle et commerciale. Il suffit d'énoncer une pareille proposition sans la discuter.
Bruxelles est situé au centre du pays et est relié par de nombreux chemins de fer et canaux à tous les grands centres de production et de consommation.
Si, outre un canal maritime, elle possédait un palais de l'industrie où nos industriels pourraient exposer, d'une manière permanente, leurs produits, elle deviendrait non pas seulement ce qu'elle est déjà, c'est-à-dire l'une des capitales les plus belles et les plus agréables de l'Europe, mais encore l'une des villes les plus florissantes et les plus opulentes du monde.
La question de la création d'un canal maritime entre Bruxelles et l'Escaut n'est pas tout à fait neuve, messieurs. Dès 1860, un projet avait été présenté ; mais il fut abandonné à cause de quelques difficultés d'exécution qui n'existent plus aujourd'hui par suite de travaux exécutés à la Senne, et à cause d'un important concours financier que l'on exigeait de la ville de Bruxelles et que l'on ne réclame plus aujourd'hui. Ce concours financier est, dans le projet nouveau, demandé à l'Etat. Cela me paraît juste et rationnel.
Récemment encore, le gouvernement consentait à faire un sacrifice de 15 à 20 millions pour l'approfondissement du canal de Terneuzen dont doit profiter la Flandre orientale et notamment la ville de Gand,
Pourquoi ne ferait-on pas pour les villes de Bruxelles, de Louvain et de Malines des sacrifices équivalents, d'autant plus qu'en cette circonstance l'intérêt général du pays les réclame ?
Ainsi l'arrondissement de Charleroi lui-même, quoique éloigné de (page 804) Bruxelles de 72 kilomètres par chemin de fer, profiterait incontestablement de l'exécution du ce canal.
Qu'il me soit toutefois permis d'ajouter que je devrais considérer, dans un temps assez rapproché, comme un corollaire indispensable de ce canal maritime, un canal à grande section de Charleroi à Bruxelles avec un embranchement partant de Seneffe et se dirigeant vers Mons.
J'entends parler de l'élargissement et de l'approfondissement du canal actuel de Charleroi à Bruxelles de manière à permettre la circulation de bateaux jaugeant 250 à 300 tonneaux.
De cette manière, les trois grands centres industriels du Hainaut, Mons, le Centre et Charleroi jouiraient presque des avantages des ports de mer.
Vous paraissez sourire, messieurs, de ce que j'appelle votre attention sur Charleroi.
Il est d'usage dans la discussion générale du budget des travaux publics que les députés parlent surtout des intérêts des arrondissements qu'ils représentent. Si donc j'aperçois dans l'exécution du travail dont je m'occupe, un intérêt pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, il est tout naturel que je vous en entretienne et que j'insiste d'autant plus que cet intérêt est considérable.
Je répète, messieurs, que l'intervention financière du gouvernement s'expliquerait d'autant plus en cette circonstance qu'une grande partie du pays est intéressée au travail dont il s'agit, et qu'il résulte de chiffres presque indiscutables que les capitaux que l'on demande au trésor seraient productifs d'un intérêt très rémunérateur.
Mon honorable collègue, M. Dansaert, ne vous a parlé qu'en général, messieurs, du projet de relier Bruxelles à la mer par un canal maritime. Je me permets, moi, de préciser et d'appeler l'attention du gouvernement et de la Chambre sur le projet de M. Dubois-Nihoul.
J'ai eu l'honneur de vous dire que le gouvernement avait chargé un ingénieur du département des travaux publics d'étudier les moyens d'établir une voie de communication maritime entre Bruxelles et Anvers ; il a, à cette fin, fait choix de l'un des hommes les plus capables et les plus compétents, M. l'ingénieur Cognioul, mais il a oublié de définir clairement sa mission, il a négligé de lui adjoindre un personnel suffisant pour l'aider à accomplir cet important travail.
Or, donner une mission et ne pas fournir les moyens de l'accomplir, c'est rejeter aux calendes grecques une solution que l'on semble prendre à cœur de trouver.
C'est pourquoi je tiens à préciser et à appeler particulièrement l'attention de la Chambre et du gouvernement sur le projet de M. Dubois-Nihoul, en affirmant que c'est le projet même qui devrait être soumis à l'examen de M. l'ingénieur Cognioul.
Je suppose que vous avez tous lu comme moi, messieurs, le remarquable travail de M. Dubois-Nihoul, je n'entends donc pas ici le paraphraser ; il ne pourrait qu'y perdre en clarté. Je me bornerai donc à en rappeler quelques points saillants qui vous démontreront qu'il mérite un examen des plus sérieux, une étude approfondie.
Le projet de M. Dubois-Nihoul est, au point de vue de son exécution, de la conception la plus simple.
Il comporte l'élévation du niveau d'eau du canal de Willebroeck, depuis Bruxelles jusqu'à Thisselt, et la construction d'un canal direct de Thisselt jusqu'à l'Escaut ; en face de Rupelmonde, l'élévation du niveau d'eau du canal de Willebroeck s'obtenant au moyen de la surélévation des berges de ce canal, ce travail offre l'immense avantage de ne pas suspendre la navigation, si ce n'est pendant quelques mois, six mois à peine.
D'immenses bassins doivent constituer le port de Bruxelles et un tirant d'eau de 5 m 50 permettra la circulation de navires d'un tonnage de 600 tonnes au moins et de 800 à 900 tonnes pour les navires en fer, ainsi que cela résulte d'une note que j'ai sous les yeux et émanant de la société de Seraing, qui construit ces navires.
Et remarquez, messieurs, que les neuf dixièmes des navires qui arrivent à Anvers n'ont qu'un tonnage inférieur à 600 tonnes.
Le tirant d'eau du canal qui doit relier Louvain et Malines à l'Escaut ne doit avoir, il est vrai, qu'un tirant de 4 m 75, mais cette profondeur est incontestablement suffisante, un seul exemple va vous convaincre : le port d'Amsterdam, l'un des plus importants de la mer du Nord, n'est desservi que par le canal du Helder qui, sur une longueur de 79 kilomètres, n'a qu'un tirant d'eau de 5 m 28, et je suppose qu'il n'entre dans l'esprit de personne de rendre jamais les ports de Louvain et de Malines aussi importants que celui d'Amsterdam.
En résumé donc, messieurs, les villes de Bruxelles, de Louvain et de Malines deviendraient de véritables ports de mer, accessibles aux navires qui pourraient atteindre un tonnage de 600 et même de 800 tonnes et elles jouiraient ainsi à peu près des mêmes avantages que la ville d'Anvers
Ainsi que j'avais l'honneur de le dire tout à l'heure, Bruxelles deviendrait l'une des plus belles, des plus opulentes villes de l'Europe. Elle ne peut espérer de voir se développer autour d'elle les grandes industries qui font surtout la richesse du pays, la nature de son sol s'y oppose, mais ce à quoi elle peut prétendre, c'est de disputer à Anvers et d'arriver à partager avec elle le grand commerce d'importation et d'exportation, c'est de devenir l'entrepôt des produits de toutes nos grandes industries.
Ce que je dis de Bruxelles, je puis le dire, mais relativement, des villes de Malines et de Louvain.
L'honorable député de Louvain, M. Landeloos, qui a pris le premier la parole dans la discussion générale du budget des travaux publics, nous a déclaré qu'Anvers perdait le monopole du commerce des bois, que le siège principal de ce commerce se transportait à Louvain. Que serait-ce si un canal maritime mettait directement Louvain en communication avec la mer !
Je vous disais tantôt, messieurs, que je ne vous ferais pas l'injure de vous démontrer l'utilité du canal projeté, qu'il me soit cependant permis de vous indiquer quelques chiffres qui vous feront apprécier cette utilité au point de vue de la réduction des frais de transport de toutes marchandises quelconques.
« Le tarif maximum des frais de transport par le canal de Bruxelles, Louvain ou Malines, pour Anvers, serait de 1 franc par tonneau, et il pourrait ultérieurement être réduit jusqu'au chiffre de 50 centimes.
« Ce tarif de 1 franc par tonneau amènerait les réductions suivantes sur les frais de transport actuels par chemin de fer :
« Pour les marchandises comprises dans la première classe. Différence par tonneau : fr. 4 28
« Dans la deuxième classe : fr. 3 38
« Dans la troisième classe : fr. 2 48
« Dans la quatrième classe : fr. 1 58
« Pour le transport des marchandises provenant d'un lieu qui ne serait distant que de 30 kilomètres de Bruxelles, Louvain ou Malines, dans l'intérieur du pays, ces réductions seraient :
« Pour les marchandises comprises dans la première classe. Différence par tonneau : fr. 3 28
« Dans la deuxième classe : fr. 2 38
« Dans la troisième classe : fr. 1 48
« Dans la quatrième classe : fr. 0 58
« Et pour le transport de marchandises provenant de localités éloignées de 60 kilomètres de l'une de ces villes, les réductions seraient :
« Pour les marchandises comprises dans la première classe. Différence par tonneau : fr. 2 68
« Dans la deuxième classe : fr. 1 18
« Dans la troisième classe : fr. 0 53
« La province de Hainaut presque tout entière ou au moins ses grands centres de production, Charleroi même, profiteraient de ces réductions, lorsque le chemin de fer direct de Luttre à Bruxelles sera terminé, c'est-à-dire, avant même que le canal puisse être exécuté. »
Au point de vue des intérêts de Charleroi, je vous disais tantôt que je considérais comme corollaire indispensable du canal maritime de Bruxelles à Anvers l'exécution d'un canal à grande section reliant ce centre industriel à Bruxelles. Ce point est capital. Nous avons depuis bien des années fait des efforts constants pour arriver à nous créer des débouchés autres que la France pour l'exportation de nos charbons. La guerre franco-prussienne et même la guerre civile française sont venues nous convaincre de plus en plus que l'industrie charbonnière de la province de Hainaut peut à chaque instant être sérieusement menacée par cet état des choses.
Nous avons fait de vains efforts pour lutter, sur les marchés de la mer du Nord et de la Baltique, contre la concurrence anglaise, contre les charbons de Cardiff et de Newcastle. Si les navires des pays du Nord, chargés de minerais ou de bois, pouvaient arriver jusqu'au centre de notre pays, ils pourraient emporter en retour des chargements de nos charbons au lieu de partir sur lest d'Anvers et d'aller ensuite s'approvisionner de charbon sur les côtes anglaises.
Loin de moi la pensée de vouloir nuire à la ville d'Anvers. J'espère bien que mes honorables collègues anversois le comprennent ainsi ; mais il est établi à l'évidence que le port d'Anvers est, dès aujourd'hui, insuffisant pour les besoins de notre commerce international. Nous en avons la preuve palpable depuis plusieurs années.
Notre commerce d'importation et d'exportation a sextuplé depuis vingt ans et doublé depuis cinq ans. Les quais, les bassins, les magasins, deviennent de jour en jour de plus en plus insuffisants, les armateurs étrangers se plaignent et finiront par accorder la préférence aux ports d'Amsterdam et de Rotterdam.
(page 805) N'y a-t-il pas lieu de craindre que le commerce ne soit détourné par l'insuffisance du port d'Anvers quelles que soient les améliorations qu'on se propose d'y apporter ?
M. Jacobs. - Il est beaucoup mieux monté que Rotterdam.
M. Delaet. - Infiniment mieux.
M. Boucquéau. - Il y aura des pratiques pour tout le monde.
M. Balisaux. - Un de mes honorables voisins me dit à l'instant même que Hambourg, au lieu d'expédier ses grains sur Anvers, les expédie sur Gand. Il suffit, du reste, d'aller à Anvers, d'y voir l'encombrement des quais, des bassins, des entrepôts, pour reconnaître l'impossibilité absolue d'augmenter encore son trafic. Il y a donc nécessité ou tout au moins utilité réelle de créer d'autres ports à l'intérieur du pays. Du reste, Anvers, par sa position exceptionnelle, aura toujours la préférence, et Bruxelles, Louvain et Malines ne lui prendront que son trop-plein. Ils ne seront que les exutoires de ce port.
J'ai encore une observation à vous présenter et je prie mes honorables collègues anversois de ne pas la considérer comme une critique personnelle de leurs concitoyens.
Le Belge est essentiellement producteur ; il est industriel par excellence ; sous ce rapport, il peut marcher de pair avec l'Anglais et l'Allemand. Mais l'Anglais et l'Allemand lui sont de beaucoup supérieurs comme commerçants. Je vais vous en donner un seul exemple parmi beaucoup d'autres : l'arrondissement de Charleroi fournit des verres à vitre presque au monde entier. Vous croyez sans doute que nos verriers ou d'autres Belges, des Anversois, par exemple, les vendent et les expédient eux-mêmes en Amérique, en Chine, en Australie, etc., où ils ont des relations commerciales directes ? Erreur, messieurs, ils les expédient en Angleterre ou en Allemagne ou même en Hollande et la, le plus souvent, on enlève les marques de fabrique ; on y appose des marques nouvelles, anglaise, allemande ou hollandaise et c'est avec cette nouvelle marque que la marchandise fabriquée par nous arrive à destination.
Si je cherche la cause de ce fait, si préjudiciable aux intérêts de notre pays, je ne puis, messieurs, me défendre de la trouver surtout à Anvers.
Jouissant depuis longtemps d'un privilège, d'un monopole, l'Anversois a trop de facilité de s'enrichir ; il parvient à la fortune sans trop de soins, sans soucis, sans luttes.
La concurrence des ports de Bruxelles, de Louvain et de Malines l'amènerait, j'espère, à prendre plus à cœur les intérêts de nos industriels, intérêts qui sont cependant si intimement liés aux siens.
Il me reste à dire quelques mots, messieurs, du concours financier demandé à l'Etat par l'auteur du projet.
Il lui demande de faire pour le canal maritime de Bruxelles, Louvain, Malines à l'Escaut, ce qu'il a fait pour le canal de la Lys à l'Yperlée, il y a quelques années seulement ; c'est-à-dire de souscrire, à titre d'actionnaire, la moitié du capital nécessaire pour l'exécution des travaux, l'autre moitié devant être fournie par des capitalistes qui prendront la position d'obligataires ou d'actionnaires privilégiés, jusqu'à l'amortissement de leurs créances ou de leurs actions.
J'ai la conviction que tout en faisant chose éminemment utile aux intérêts matériels du pays, l'Etat trouverait dans les recettes de la navigation sur le canal un intérêt suffisant des capitaux qu'il aurait employés et que, conséquemment, le trésor public n'éprouverait aucun préjudice.
(page 796) La séance est levée à 5 heures.