(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 471) M. Hagemans procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Hagemans présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Les administrations communales de Nil-Saint-Vincent, Corroy-le-Grand, Corbais demandent que la station projetée entre Gembloux et Perwez sur la ligne de Tamines à Landen soit établie à Thorembais-Saint-Trond. »
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je prie la Chambre d'ordonner le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire prompt rapport.
- Adopté.
« Des habitants d'une commune non dénommée demandent que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.
« Le sieur Kooryck prie la Chambre de rejeter le projet de loi portant modification facultative de l'accise sur la bière. »
« Même demande du sieur Haemer. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« MM. Mulle de Terschueren et Beeckman, obligés de s'absenter, demandent un congé d'un jour. »
- Accordé.
M. le président. - Nous reprenons la discussion de l'article 68.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je dois une explication à la Chambre au sujet du dossier relatif à l'école de Limbourg, dont j il a été question hier.
Le dossier est retrouvé ; et, comme je désire que la Chambre soit bien éclairée sur l'enquête qui a été faite, je ne puis mieux faire que vous j donner lecture de quelques explications qui m’ont été remises, il n'y a qu'un instant, par l'administration :
« Dans la matinée du 6 février, M. le ministre a fait demander à la direction générale de l'instruction publique, si des pièces étaient parvenues relativement à la construction d'un bâtiment d'école à Limbourg.
« Des recherches furent faites immédiatement à la direction de l'instruction primaire.
« Avant de rappeler quels lurent les résultats de ces recherches, il importe de faire remarquer comment est réglé le service de l'indicateur.
« Il y a, à la direction de l'instruction primaire, au delà de 55,000 dossiers. Ces dossiers sont classés par catégories d'affaires indiquées sous diverses littéras, et répartis par provinces et par communes. Ils sont placés dans des cartons reproduisant la lettre qui indique la catégorie d'affaires (lorsqu'il s'agit de constructions de maisons d'école, la lettre est M) ; le carton porte ensuite la mention de la province et la lettre initiale des dossiers qu'il renferme.
« Quant aux pièces elles-mêmes, elles sont inscrites au registre-indicateur, le jour même de leur entrée à la division, non pas par ordre de date, mais sous le numéro du dossier et dans la case spéciale réservée à chaque affaire.
« De plus, il y a un index spécial où toutes les affaires d'une même catégorie sont enregistrées par ordre alphabétique.
« Dès que le dossier de la construction d'une école à Limbourg fut demandé, on prit immédiatement l'index M (construction, etc.) province de Liège à la lettre L (Limbourg) et l'on y trouva les indications suivantes :
« N°15885. - Limbourg. - Dossier concernant l'école moyenne de Limbourg.
« N°16102. - Limbourg. - Dossier concernant l'école de Limbourg. (Ecole de filles.)
« Ces dossiers se trouvaient dans les cartons correspondants.
« Les dernières pièces qu'ils renferment remontant à 1862, on recourut au registre-indicateur pour s'assurer si bien réellement de nouvelles pièces concernant la commune de Limbourg n'étaient point parvenues à la direction et l'on reconnut que le registre était d'accord avec les dossiers pour constater qu'aucune pièce concernant Limbourg n'était arrivée depuis 1862. »
Telles étaient les recherches faites, lorsque dans la séance d'hier on a prononcé le mot Dolhain et c'est ce qui a mis les employés de la direction sur les traces du dossier cherché.
On avait toujours regardé à la lettre L ; on a cherché le dossier à la lettre D, et on l'a retrouvé.
Ainsi, messieurs, je suis heureux de vous dire que les pièces sont au département de l'intérieur ; l'honorable M. David peut être tranquille : son dossier n'a pas fait naufrage.
M. Bouvier. - Il est retrouvé.
M. David. - S'en occupera-t-on ?
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Sans doute, M. David ; mais il faut que je puisse examiner cette affaire.
Il faut savoir, messieurs, qu'il existait autrefois au département de l'intérieur un indicateur général. Cet indicateur a été supprimé et aujourd'hui il n'y a plus qu'un indicateur par direction. L'ancien indicateur général a été supprimé par l'honorable M. Pirmez parce qu'on a cru qu'il faisait double emploi avec l'indicateur spécial à chaque service.
Voilà un peu la raison pour laquelle ou ne s'est pas mis d'accord, et c'est peut-être pour cela que l'on n'a pas retrouvé de suite le dossier dont il s'agit. Du reste, cet incident est sans valeur. Les pièces sont au département de l'intérieur ; on peut donc être rassuré à cet égard. Rien n'est perdu et rien n'a été saisi par un cabinet noir quelconque.
J'arrive maintenant à la question relative aux bibliothèques à établir près des écoles normales ainsi qu'au catalogue de livres dont il a été parlé dans la séance d'hier.
Messieurs, l'honorable M. Pirmez a décidé qu'une bibliothèque serait établie dans chaque école normale.
L'honorable M. Kervyn de Lettenhove avait admis ce principe et, comme mes honorables prédécesseurs, j'en reconnais l'utilité et l'excellence.
Ainsi, messieurs, nous sommes tous d'accord sur un point : c'est qu'il doit exister, près de chaque école normale, une bibliothèque spéciale à l'usage des élèves-instituteurs et une bibliothèque comprenant des ouvrages de nature à les instruire, à les mettre à même de connaître leurs devoirs et de compléter leurs études normales.
L'honorable M. Pirmez, ayant établi ce principe avait été plus loin : il avait arrêté un programme, et la fourniture d ouvrages compris dans ce programme fut mise en adjudication publique.
Mon honorable collègue, M. Kervyn, vous a dit, messieurs, quelles sont les raisons pour lesquelles il n'avait pas cru pouvoir adopter (page 472) entièrement les choix du catalogue. J'ai voulu aussi nie renseigner sur la véritable situation des choses et voici quelles sont mes impressions.
Ce catalogue, messieurs, a donné lieu à des observations de diverses natures.
Ainsi, vous avez entendu l'honorable M. Kervyn vous dire hier que ce travail renferme des lacunes en ce qui concerne les livres flamands. Sous ce rapport, il y aurait donc à le compléter. Ces lacunes me paraissent bien constatées.
Et puis, messieurs, des réclamations se sont produites ensuite de l'adjudication : on a trouvé que plusieurs ouvrages n'étaient pas indiqués d'une manière complète et qu'il y avait même, pour les adjudicataires, doute sur le point de savoir quels étaient les véritables ouvrages compris dans l'adjudication. On a prétendu aussi que plusieurs des éditions des ouvrages portés au catalogue n'étaient pas les meilleures.
Voilà, messieurs, diverses réclamations de fait sur lesquelles il n'a pas encore été statué. Quant au catalogue lui-même, il a été soumis à l'appréciation de l'inspecteur général des écoles moyennes ; il a été soumis aussi à l'examen de quelques inspecteurs provinciaux.
Mais on a négligé une chose qui me paraît, à moi, extrêmement importante : un catalogue de cette nature aurait dû être soumis à la commission centrale de l'enseignement primaire.
Il me semble que, quand il s'agit de mesures importantes relatives à l'enseignement primaire, il est extrêmement désirable que cette commission soit consultée.
C'est un corps composé, comme vous le savez, messieurs, de tous les inspecteurs provinciaux et aux réunions de laquelle assiste l'inspecteur des écoles normales.
J’ai donc trouvé, messieurs, que le catalogue dont il s'agit pourrait très utilement être examiné par cette commission ; et comme je désire que cette affaire reçoive une très prompte solution, je lui communiquerai le catalogue à sa plus prochaine réunion.
La Chambre verra par là quelles sont les intentions du gouvernement ; on verra qu'il veut rester dans les véritables traditions d'une bonne administration.
M. Muller. - Quand a lieu la réunion ?
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Au mois de décembre...
M. Muller. - Ah !
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Permettez-moi de m'expliquer : comme il y aura plusieurs questions importantes à soumettre à la commission centrale de l'enseignement primaire, j'ai l'intention de la réunir le plus tôt possible et, en tout cas, avant l'époque de son assemblée ordinaire.
La date n'est pas encore arrêtée. C'est un point sur lequel je dois consulter M. le directeur général de l'instruction publique. Lorsque j'aurai reçu les propositions de ce fonctionnaire, je prendrai une résolution à cet égard.
M. David. - Messieurs, il est vraiment extraordinaire qu'au département de l'intérieur, on n'ait pas cherché à la lettre D.
M. Dumortier. - L'incident est clos.
M. David. - J'ai la parole et vous ne m'empêcherez pas de parler, M. Dumortier. J'avais indiqué, dans mon discours du 6 février, qu'il s'agissait de Dolhain-Limbourg. Voici mes paroles : « Nous avons l'intention de construire une semblable école à Dolhain. » Et, hier encore, d'après M. le ministre de l'intérieur, le dossier n'était pas au ministère.
Du reste, à la direction de l'instruction publique, on doit singulièrement connaître la géographie du pays, car partout notre commune est connue sous le nom de Dolhain-Limbourg.
Mais, enfin, puisque le dossier est retrouvé, l'honorable M. Kervyn de Lettenhove est d'autant moins excusable de nous avoir laissés, nous, administration communale, pendant une aimée sans réponse.
C'est bien la preuve qu'il était rempli de mauvais vouloir à l'égard de cette école de filles. J'espère que l'honorable M. Delcour ne marchera pas sur les traces de son prédécesseur.
M. Wasseige. - Au moins suis-je absous, moi ?
M. Bouvier. - A vos yeux.
M. de Rossius. - J'ai à présenter une observation en réponse à ce que nous a dit M. le ministre de l'intérieur.
L'honorable M. Delcour annonce l'intention d'exécuter l'excellent projet conçu par l'honorable M. Pirmez. Mais je constate qu'il veut réduire cette exécution à des proportions étroites.
Il nous a déclaré qu'il voulait mettre à la disposition des normalistes les livres nécessaires pour compléter leurs études normales.
Il a ajoute que M. Pirmez était allé beaucoup plus loin. Je ne sais qu'il y a derrière ces mots. Mais je constate une chose : par la lecture du catalogue, on acquiert la conviction qu'il est impossible de créer une bibliothèque sérieuse si l'on n'y fait pas entrer les ouvrages qui y sont inscrits.
J'espère donc que le travail auquel va se livrer la commission centrale des inspecteurs ne sera pas un travail de mutilation sous une inspiration malheureuse qui dirigerait ses délibérations.
L'honorable M. Delcour nous a dit qu'il fallait compléter le catalogue au point de vue du flamand ; j'aime à croire qu'il n'a pas tenu ce langage pour innocenter M. Kervyn. Il doit se rappeler que l'honorable M. Pirmez avait lui-même averti les chefs des écoles normales que le catalogue serait complété.
En aucune hypothèse, il n'était donc nécessaire d'annuler l'adjudication. Cette adjudication aurait été annulée encore parce que, d'après M. Kervyn, le catalogue indiquait des livres qui ne pouvaient être placés sous les yeux des normalistes.
Mais, messieurs, veuillez remarquer que l'adjudication n'a pas porté sur tous les livres inscrits au catalogue, mais sur les livres choisis par les directeurs des écoles normales, par ceux des écoles de l'Etat et par ceux des écoles du clergé. Par conséquent ce reproche, fût-il fondé, ce qui n'est pas, était sans valeur pour provoquer l'annulation de l'adjudication.
Messieurs, je termine en formant le vœu que la résolution annoncée par l'honorable M. Delcour ne soit pas retardée.
J'espère qu'aucune difficulté administrative ne s'opposera à la très prochaine réunion de la commission centrale.
M. le président. - Je mets aux voix le chiffre de l'article 98, augmenté de la somme de 100,000 francs, proposé par l'amendement de M. Funck et qui se rapporte au littéra G dans les développements du budget.
Le chiffre définitif serait donc de 5,043,762 francs.
- Ce chiffre est adopté.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Messieurs, la Chambre est désireuse d'en finir avec la discussion du budget de l'intérieur. Je ne m'occuperai pas longuement de l'objet que j'aurai l'honneur de lui exposer.
L'année dernière, j'ai fixé l'attention de la Chambre et notamment du gouvernement sur la nécessité d'agrandir les locaux ou même d'en construire de plus vastes, pour les archives générales du royaume. Je n'entrerai pas dans les détails que j'ai donnés à cette époque. Vous savez tous, messieurs, que ce précieux dépôt, qui compte bien certainement parmi les plus riches de l'Europe entière, est exposé à tous les dangers du feu.
D'autre part, les locaux sont trop restreints pour que la classification des documents qu'ils renferment puisse se faire et que les collections puissent être consultées avec fruit par les savants.
L'année dernière, j'ai prié le gouvernement de bien vouloir dire à la Chambre quelles étaient ses intentions.
L'archiviste général du royaume a présenté un projet que j'ai eu l'honneur de communiquer à la Chambre, et le ministre a bien voulu me dire que le gouvernement ne tarderait pas à s'occuper de cette importante question ; mais les événements politiques n'ont pas permis de traduire ca faits ces bonnes dispositions.
J'espère que sur ce point l'honorable M. Delcour voudra bien nous faire connaître quelles sont ses intentions, et nous dire si nous pouvons espérer qu'à une époque prochaine les archives du royaume seront placées dans un local plus spacieux et plus convenable.
Le second objet dont j'ai entretenu la Chambre l'année dernière est relatif au déplacement des archives de l'Etat à Gand.
Le rapport de la section centrale porte :
« La sixième section appelle l'attention du gouvernement sur la conservation des archives dans les provinces. Elle signale la nécessité d'agrandir le local destiné à recevoir les archives de la Flandre orientale.
« La section centrale fait observer qu'il est urgent de procéder sans retard au déménagement des archives de cette province. Elle est convaincue qu'un plus long séjour dans le local où elles se trouvent pourrait entraîner des pertes considérables. »
La Chambre n'ignore pas, messieurs, que des négociations ont été ouvertes avec la commission des hospices civils de Gand. Le bruit a couru que ces négociations étaient rompues et j'ai voulu savoir si ces bruits étaient fondés. A cet effet, je me suis adressé à M. de Meulemeester, président de la commission des hospices civils de Gand, qui a eu l'obligeance de me donner tous les renseignements désirables ; et il m'a assuré que les négociations n'étaient nullement rompues ; il m'a conduit dans le local que le gouvernement compte acquérir.
Je l'ai visité dans toutes ses parties et je suis convaincu que si M. le ministre de l'intérieur veut donner suite au projet d'acquérir l'hospice des (page 473) Orphelins dit Kulders, et plus connu sous le nom de Château de Gérard le Diable, je suis convaincu, dis-je, que les négociations pourront aboutir et que nous verrons bientôt ce magnifique local approprié à sa nouvelle destination.
J'espère que M. le ministre voudra bien se rappeler qu’il serait dangereux de laisser les archives à l'hôtel du gouvernement où elles se trouvent. Là encore il y a danger de les voir disparaître dans un incendie.
La partie historique des archives de l'Etat doit nécessairement être séparée de la partie moderne, qui commence à la révolution française, en 1793.
Le troisième objet dont je désire entretenir la Chambre ne se rapporte plus aux annales de l'histoire ; il concerne la Biographie nationale.
J'ai fait, l'année dernière, une demande qui a rencontré dans cette enceinte une approbation que je puis dire unanime : j'ai proposé de traduire la Biographie nationale en flamand. (Interruption.) C'est cent fois plus facile que de traduire en flamand les Annales parlementaires, travail hérissé de difficultés, et l'exécution ne le sera pas moins, tandis que la traduction flamande de la Biographie nationale est facile à faire. Je suis convaincu que sur les bancs de la gauche comme sur ceux de la droite, ma proposition rencontrera l'accueil qu'elle y a rencontré l’année dernière. (Interruption.)
J'espère que l'honorable M. Dumortier, qui m'interrompt, l'appuiera ?
M. Dumortier. - Non, je ne l'appuierai pas, parce que la Biographie nationale n'est qu'en projet et qu'un seul volume a paru.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Si un seul volume a paru jusqu'ici, le travail de traduction sera d'autant plus facile.
Je forme le vœu que M. le ministre de l'intérieur veuille bien fixer, sur cet objet, l'attention de l'Académie royale qui a entrepris cette belle œuvre, et qu'il mette à sa disposition les ressources pécuniaires dont elle aura besoin pour 'réaliser ce projet, qui rencontrera, dans le pays et surtout dans les provinces flamandes, le meilleur accueil.
M. Descamps. - Messieurs, j'ai à vous présenter une observation analogue à celles que vient de vous soumettre l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke, mais cette observation s'applique non pas aux archives du royaume, mais à la bibliothèque royale. La question dont j'ai à vous entretenir en quelques mots n'est pas nouvelle, elle a été soulevée à plusieurs reprises déjà, dans cette Chambre, par un de nos honorables collègues de la droite, mais jusqu'à présent, le gouvernement a eu le tort de ne point y attacher une importance assez sérieuse.
La Bibliothèque royale, comme le faisait observer l'année dernière encore l'honorable M. Thonissen, tend à devenir l'un des dépôts les plus précieux qui existent en Europe. Or, ces richesses en livres, en manuscrits, en gravures sont incessamment menacées de destruction.
Non-seulement le gouvernement n'a pris, contre les dangers d'incendie, aucune des précautions actuellement appliquées dans la plupart des importantes bibliothèques étrangères, à Londres, à Paris, à Saint-Pétersbourg, à Berlin, en remplaçant les plafonds ordinaires, les planchers, les rayons en bois par des matériaux incombustibles, mais encore il a permis, chose inouïe, qu'un bâtiment de l'Etat contigu à la Bibliothèque servît d'écurie et qu'un dépôt de fourrages fût adossé à des collections d'une valeur inappréciable.
Je sais bien que lorsque la question des dangers que court la Bibliothèque a été agitée dans cette Chambre, on y a répondu en disant que l'on compte sur une distribution d'eau, largement établie, pour arrêter les progrès de l'incendie qui pourrait éclater ; mais, ainsi que l'a fait observer l'honorable M. Thonissen, des livres réduits par l'eau à l'état de bouillie ne valent certainement pas mieux que des livres brilles.
J'appelle donc sur ces points la sérieuse sollicitude du gouvernement, et je l'engage à prendre des mesures pour écarter soigneusement, et au plus tôt, ces chances incessantes d'incendie qui menacent d'une perte irréparable les riches et intéressantes collections que renferme la Bibliothèque royale.
M. Malou, ministre des finances. - Les terrains de l'ancien ministère de la justice n'ont pas jusqu'à ce jour reçu d'emploi. En utilisant ces terrains, il faut s'attacher à faire disparaître les inconvénients et les dangers dont il vient d'être parlé.
En ce moment, on fait une étude sur l'appropriation des terrains de l'ancien ministère de la justice qui s'étendent jusqu'aux musées, qui sont la propriété de l'Etat. Nous manquons à Bruxelles d'une salle d'exposition triennale et aussi d'une bonne et grande salle de concert.
On examine donc quelle serait l'utilité la plus grande et la plus générale à tirer de l'emplacement du ministère de la justice et des autres domaines qui y touchent pour les faire servir à l'agrandissement éventuel des musées et à la construction d'une salle qui puisse servir en même temps aux expositions triennales et aux grands concerts qui se donnent très fréquemment à Bruxelles.
M. Rogier. - Il y a déjà plusieurs années que cette question a été examinée et un projet a été fait.
M. Malou, ministre des finances. - Il y a, en effet, plusieurs années que la question a été étudiée et l'honorable M. Rogier a eu un jour la bonté de m'indiquer des plans qui avaient été faits par l'architecte Dumon.
M. Rogier. - Et approuvés par une commission.
M. Malou, ministre des finances. - J'ai fait rechercher ces plans ; ils ont été retrouvés et ils vont être soumis à un nouvel examen. J'espère que dans peu de temps cet examen aura abouti. Je reconnais autant que personne l'utilité et la nécessité qu'il y a d'obtenir une prompte solution.
Mais ce n'est pas tout de dire qu'il faut déplacer les écuries qui sont occupées aujourd'hui par les chevaux de S. A. R. le comte de Flandre. Il faut trouver un autre emplacement à cet effet. Peut-être pourra-t-on établir les écuries de S. A. R. le comte de Flandre sur l'emplacement occupé aujourd'hui par les écuries du Roi et déplacer celles-là, si le projet qui est soumis à la Chambre pour le transfert de l'école militaire est adopté par la Chambre.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - L'attention du ministre de l'intérieur a été appelée sur trois points : sur les archives générales, sur les locaux destinés à recevoir les archives dans les provinces et sur la Biographie nationale. Mon honorable collègue, M. le ministre des finances, vient de répondre au premier point. Il vous a fait connaître, messieurs, les intentions du gouvernement en ce qui concerne la question indiquée.
Il me reste seulement à vous parler des deux autres points : des archives dans les provinces et de la Biographie nationale.
Quant aux archives, la Chambre sait que, dans chaque province, il y a des locaux distincts affectés aux archives de l'Etat et aux archives provinciales proprement dites. La seule province où cette règle ne soit pas appliquée est celle de la Flandre orientale.
Il est à désirer, messieurs, que cette règle soit observée partout. En ce moment, une négociation est engagée en vue de l'acquisition d'un local ; je la poursuivrai et je tâcherai d'arriver, le plus tôt possible, à la solution recommandée par mon honorable ami, M. Kervyn de Volkaersbeke.
En ce qui concerne la Biographie nationale, je suis d'avis aussi qu'il serait fort intéressant d'en faire la traduction en flamand, car nous avons tous à cœur de répandre dans le pays les noms de nos célébrités et de les rendre populaires.
C'est donc une question qui, je le reconnais, mérite d'être sérieusement examinée. Mais il y a le côté de la dépense. Je promets, messieurs, d'en faire, à tous les points de vue, l'objet d'un examen sérieux et de tâcher d'arriver prochainement à une solution satisfaisante.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Je n'ai pas d'observation à faire sur les deux questions auxquelles M. le ministre de l'intérieur vient de.répondre. Mais j'en avais posé trois et, quoi qu'en dise l'honorable ministre, je ne crois pas que l'honorable M. Malou ait répondu à la première.
M. le ministre des finances nous a dit que, depuis longtemps, on s'occupait d'un plan de palais des beaux-arts et toutes les considérations qu'il a présentées ont exclusivement eu pour objet d'établir la nécessité de créer à Bruxelles une vaste salle de concert et une salle d'exposition des beaux-arts.
J'applaudis de grand cœur aux paroles qu'il a prononcées. Mais ce n'est point là, messieurs, l'objet de la première question que j'avais posée. J'ai signalé à la Chambre qu'il était urgent de placer les archives du royaume dans un autre local que celui où elles se trouvent ou, tout au moins, de l'agrandir.
L'honorable ministre des finances n'a pas répondu à cette question. Je désirerais qu'il voulût bien donner à la Chambre des éclaircissements sur le sort d'un dépôt qui intéresse si vivement la science.
M. Jottrand. - J'ai demandé la parole pour solliciter de M. le ministre de l'intérieur une explication sur un des petits crédits qui figurent à l'article en discussion. Il s'agit de la somme de 3,200 francs destinée à couvrir les frais de la publication d'un texte explicatif de la carte géologique de la Belgique. Ce crédit avait été demandé déjà l'année dernière, et comme il est redemandé encore au budget actuel, je dois en conclure que la publication n'est pas près d'avoir lieu.
Je demanderai à M. le ministre de nous dire quand ce texte explicatif sera publié. Il est absolument indispensable, pour comprendre aisément les deux magnifiques cartes de M. Dumon, dont deux exemplaires ornent les murs de notre antichambre. En effet, l'illustre géologue s'est servi d'une terminologie toute nouvelle qu'il a créée pour notre sol et dont on ne (page 474) trouve la clef que dans ses grands mémoires sur la géologie de la Belgique perdus dans les publications de l'Académie.
Je crois que l'on devrait pousser avec activité à la publication de ce texte explicatif. Il. est attendu avec impatience par tous ceux qui croient d'intérêt général de faciliter à tous la connaissance approfondie de la constitution géologique de notre pays.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, pour que le texte explicatif de la carte géologique de M. le professeur Dumon soit publié le plus tôt possible.
Sans ce texte, il est, en effet, bien difficile de comprendre la carte, comme vient de le faire remarquer l'honorable préopinant.
Je tâcherai, messieurs, de répondre au désir de l'honorable M. Hagemans et je donnerai l'ordre d'activer ce travail le plus possible.
M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, il y a à peu près trente ans, si j'ai bon souvenir, qu'on s'occupe du déplacement des archives de l'Etat.
C'est assez dire que cet objet est devenu plus urgent que jamais.
Tous ceux qui ont eu recours aux archives ont pu constater, comme moi, que des documents très précieux se détériorent parce que le local est mauvais.
Certes il y a d'assez grandes difficultés à créer un nouveau local pour les archives, mais je reconnais qu'il devient indispensable d'aviser à préserver de la destruction les richesses historiques que nos archives nationales contiennent.
M. Vleminckx. - Je suppose que M. le ministre de l'intérieur n'a pas l'intention de faire rédiger le texte explicatif de la carte de Dumon par le département de l'intérieur. Cette explication doit être faite par un géologue. M. le ministre ne pourra trouver un interprète plus convenable que M. le professeur De Walque.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je dirai à l'honorable M. Vleminckx que M. De Walque. qui est professeur à l'université de Liège, a été chargé de ce travail ; le gouvernement ne pouvait le confier à des mains plus habiles.
« Art. 99. Subsides et encouragements littéraires et scientifiques ; voyages et missions littéraires, scientifiques ou archéologiques ; fouilles et travaux dans l'intérêt de l'archéologie nationale ; subsides aux veuves et aux orphelins délaissés par les littérateurs Van Ryswyck, Vankerckhove, Gaucet, Denis Sotiau et H. Van Peene ; secours à des littérateurs ou savants qui sont dans le besoin ou aux familles de littérateurs ou savants décédés ; sociétés littéraires et scientifiques ; prix quinquennaux fondés par les arrêtés royaux du 1er décembre 1845 et du 6 juillet 1851 ; souscriptions ; acquisition d'ouvrages destinés aux bibliothèques populaires ; acquisition et reliure d'ouvrages littéraires ou scientifiques pour le service spécial de l'administration des lettres et des sciences ; dépenses diverses ; encouragements à la littérature et à l'art dramatique (littéraire et musical) ; publication de documents rapportés d'Espagne et d'autres pays étrangers ; continuation de la publication des actes des anciens états généraux : fr. 106,000.
« Charge extraordinaire : fr. 8,500 »
- Adopté.
« Art. 100. Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique ; subsides extraordinaires à l'Académie royale de Belgique, afin de la mettre à même d'augmenter le chiffre des prix pour les principales questions portées aux programmes dé ses concours ; publication des anciens monuments de la littérature flamande et d'une collection des grands écrivains du pays ; publication des Chroniques belges inédites ; rédaction et publication de la table chronologique des chartes, diplômes, lettres patentes et autres actes imprimés concernant l'histoire de la Belgique ; publication d'une Biographie nationale ; publication d'un texte explicatif de la carte géologique de la Belgique. : fr. 56,000.
« Charge extraordinaire : fr. 50,200. »
- Adopté.
« Art. 101. Observatoire royal ; personnel ; salaire des gens de service : fr. 18,540. »
- Adopté.
« Art. 102. Observatoire royal ; frais de matériel ; acquisition d'instruments, impressions : fr. 8,060. »
- Adopté.
« Art. 103. Bibliothèque royale ; personnel ; frais de la fusion des trois fonds et rédaction du catalogue général : fr. 17,500. »
- Adopté.
« Art. 104. Bibliothèque royale ; matériel et acquisitions : fr. 38,320.
« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 105. Musée royal d'histoire naturelle ; personnel : fr. 30,095.
« Charge extraordinaire : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 106. Musée royal d'histoire naturelle : matériel et acquisitions : fr. 15,650.
« Charge extraordinaire : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 107. Archives du royaume ; personnel ; frais de classement des archives espagnoles et des archives allemandes : fr. 46,325.
« Charge extraordinaire : fr. 1,800. »
- Adopté.
« Art. 108. Archives du royaume ; matériel ; atelier de reliure pour la restauration des documents : fr. 4,700.
« Charge extraordinaire : fr. 3,500. »
- Adopté.
« Art. 109. Archives de l'Etat dans les provinces ; personnel : fr. 36,000. »
- Adopté.
« Art. 110. Frais de publication des Inventaires des archives ; frais de recouvrement de documents provenant des archives, tombés dans des mains privées ; frais d'acquisition ou de copie de documents concernant l'histoire nationale ; dépenses de matériel des dépôts d'archives dans les provinces ; subsides pour le classement et pour la publication des inventaires des archives appartenant aux provinces, aux communes, aux établissements publics ; dépenses diverses relatives aux archives ; recouvrement d'archives restées au pouvoir du gouvernement autrichien ; frais de classement, de copie et de transport, etc. : fr. 9,600.
« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 111. Location de la maison servant de succursale au dépôt des archives de l'Etat ; charge extraordinaire : fr. 3,300. »
M. Bouvier. - Messieurs, c'est un chapitre pour lequel j'ai une très vive sympathie, parce que notre pays retire un grand lustre de ses artistes et de ses productions artistiques.
J'ai entendu avec plaisir l'honorable M. Malou qui nous a donné tout à l'heure quelques explications sur le projet du gouvernement de construire, sur le terrain de l'ancien ministère de la justice, un vaste local pour nos expositions triennales et pouvant servir en même temps de salle de concert.
Depuis un grand nombre d'années, il est également question de construire un immense palais des beaux-arts pouvant servir aux expositions internationales des produits de l'industrie. Je demanderai si l'idée de la construction d'un local sur l'emplacement du ministère de la justice exclut celle de construire ultérieurement un palais consacré aux beaux-arts.
J'ai entendu dire que le gouvernement est en pourparlers avec une société puissante pour atteindre le double résultat que je viens de soumettre à la bienveillante attention de M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre pourrait nous donner à cet égard quelques explications ; mais, en attendant que l'on construise ce palais tant et si longtemps désiré, je désirerais que les réparations que l'on fait au musée de peinture et de sculpture, au musée d'armures et à d'autres musées fussent terminées dans un bref délai et que le public ne fût pas plus longtemps privé de la jouissance de nos collections nationales.
M. Hagemans. - Messieurs, l'année dernière, dans le cours de la discussion du budget de l'intérieur, j'avais, au chapitre des beaux-arts, présenté quelques observations au sujet du musée des tableaux anciens et modernes et du musée de la porte de Hal.
(page 475) Ces observations n'ont pas eu tout le succès, que bien naïvement, elles me semblaient destinées à obtenir.
M. Kervyn de Lettenhove n'y avait pas répondu ; j'espère être plus heureux auprès de l'honorable M. Delcour.
Rassurez-vous au reste, messieurs, je n'ai pas l'intention de reproduire mon discours de l'année dernière ; je me contenterai de le résumer en. deux mots.
Le budget pour le musée est de 35,485 francs, j'ai démontré que, tous faux frais défalqués, il restait tout au plus 14,500 francs pour l’achat des tableaux ; c'est une somme insignifiante, dérisoire ; aussi, avais-je de porter le chiffre à 75,000 francs.
Mon amendement fut appuyé. Seulement, par suite d'un malentendu et comme, en outre, je n'avais pu assister à la séance du soir, cet amendement ne fut pas soumis au vote et l'honorable M. Kervyn n'accorda qu'un crédit provisoire de 34,000 francs. Je ne suis point partisan des crédits provisoires ; je me suis expliqué l'année dernière à ce sujet ; et cependant si l'on veut que la commission du musée continue à acheter des toiles dignes du pays, il faudra bien y avoir sans cesse recours. Mieux donc vaut allouer un crédit normal suffisant, et je ne crois pas que ce soit trop accorder pour notre gloire nationale que d'élever ce crédit au double de ce qu'il est».
J'en dirai autant au sujet du musée de la porte de Hal ; ce musée a 15,000 francs ; tous frais de ménage déduits, il ne reste que 5,000 ou 6,000 francs pour les acquisitions. Il faut absolument élever ce chiffre à 30,000 ou 40,000 francs ou accorder un subside extraordinaire d'au moins 100,000 francs.
D'accord avec mon honorable ami M. Bouvier, j'appuie à ce propos le vœu, émis par la section centrale, de voir se rouvrir au public les portes du musée d'artillerie et des objets d'antiquité dans le plus bref délai possible. Je désire avec la section centrale que les nouvelles installations soient achevées sans tarder, et qu'on prenne toutes les précautions possibles pour prévenir la détérioration des objets déposés au musée.
Puisque j'ai la parole, il est un point important sur lequel je voudrais appeler l'attention du gouvernement. Il s'agit des jurys d'expositions.
Ces jurys sont divisés en deux sections. Il y a d'abord le jury directeur, nommé par le gouvernement et composé de 14 membres. Ce jury est chargé de la réception des œuvres d'art, des achats pour les tombolas, des tableaux destinés à la gravure.
Vient ensuite le jury de placement, composé de neuf membres élus les artistes.
Par cette combinaison, le gouvernement a cru tout concilier : ayant, d'une part, la haute main sur l'exposition, par la nomination du jury directeur, et de l'autre, ayant l'air de faire appel aux artistes, et leur laissant le choix du jury de placement. Mais le fait est que la situation n'est rien moins que satisfaisante.
Qu'arrive-t-il, en effet ? C’est qu'il n'y a de responsabilité nulle part et que les deux jurys envoient les plaignants d'Hérode à Pilate. Si un artiste qui croit avoir à se plaindre s'adresse au jury directeur, celui-ci lui répond : « Cela ne me regarde pas ; je ne suis pas chargé de placer les tableaux. » S'il s'adresse au jury de placement, celui-ci est en droit de lui dire : « Ce n'est pas notre faute ; ce n'est pas nous qui acceptons les tableaux. »
Le jury de placement a en effet une charge excessivement lourde, pénible et délicate : il est obligé de placer des tableaux qu'il n'a pas été admis à recevoir. On lui dit : « Placez cela. » et il faut qu'il place, et quoi qu'il fasse, il se crée des ennemis.
Aussitôt sa délicate besogne terminée, aussitôt le salon ouvert, on le dissout, puis un peu plus tard on le reconstitue en lui adjoignant quatre membres nommés par le gouvernement.
Ce troisième jury, car c'en est un troisième en réalité, est chargé des propositions de médailles ; il a à s'occuper des subsides ; il acheté les tableaux destinés aux collections de l'Etat, etc., etc. Je me demande à quoi bon toutes ces complications.
Je crois qu’il serait beaucoup plus simple et partant bien meilleur de n’avoir qu’un seul jury chargé à la fois d’accepter les œuvres d’art, de placer les tableaux et de les juger.
Ce serait là au moins un jury complètement responsable, jury dont les éléments varieraient.
Les artistes choisiraient dix membres par voie d’élection, et le gouvernement de son côté, pour ne pas abandonner ses prérogatives, ne nommerait quatre. Ce jury unique, composé de représentants divers de l’art, aurait une responsabilité réelle, il serait la véritable émanation des artistes belges et une foule de tiraillements, fruits de l’organisation actuelle, disparaîtraient d’eux-mêmes.
Il est quelques abus qu'il serait bon de faire disparaître en même temps.
En voici un par exemple :
Les membres du jury doivent prêter le serment qu'ils ne révéleront rien de ce qui se passera dans les réunions. Pourquoi cette mesure, digne d'un conseil des Dix ? Pourquoi cette précaution ? Il ne faut pas se dissimuler qu'elle peut avoir de grands inconvénients ; en effet, un membre du jury, forcé de se taire sur des abus auxquels je ne crois pas, mais qu’il faut bien admettre comme possibles, pourrait être obligé de renoncer à son mandat ou d’accepter la responsabilité de choses qu’il n’approuve pas. Ce mal disparaitrait si le secret n’était pas exigé. Qui agit au grand jour inspire toujours plus de confiance.
Il y a un autre abus encore : il est d’usage, dans tous les pays, de ne pas décorer les artistes que lorsqu’ils ont été médaillés, et en France même on exige qu'ils aient été médaillés trois fois. En Belgique, une seule médaille suffit et l'on ne décore parmi les artistes belges que ceux qui l'ont obtenue. Par contre on se montre plus facile, paraît-il, à l'égard des étrangers et cela au grand et au juste mécontentement des nationaux. Je crois qu'il faudrait s'en tenir à une règle plus rigoureuse.
A propos d'étrangers, il est un troisième et très grave abus dont je crois devoir entretenir la Chambre et le gouvernement.
J'approuve fort que l'on se montre hospitalier envers les étrangers et que cette hospitalité soit des plus larges et des plus gracieuses, mais il ne faut pas que cela aille jusqu'à la duperie. C'est cependant ce qui arrive.
En effet, les artistes étrangers qui exposent chez nous sont, de droit, électeurs et concourent par leur vote à la formation des jurys belges. Or, je doute qu'à Berlin, qu'à Vienne, qu'en Hollande, qu'en Angleterre, n'importe où, les artistes soient toujours bien au courant de tout ce qui se passe chez nous. Qu'en advient-il ? C'est qu'ils peuvent devenir, à leur insu, des instruments de coteries. Si encore il y avait réciprocité, mais cette réciprocité n'existe même pas. Ni en Hollande, ni en Allemagne, ni en Angleterre, les artistes belges ne sont autorisés à participer par leurs votes à l'élection des jurys de ces nations.
En France, il y avait exception ; mais la mesure vient, je crois, d'être supprimée. Et quoi qu'il en fût ; ni M. Stevens, ni M. Willems, par exemple, bien qu'habitant Paris, n'ont jamais fait partie de jurys français. Par contre, il est arrivé que, dans son propre pays, M. Stevens, par exemple, élu il y a six ans par ses compatriotes pour faire partie du jury de Gand, s'est vu exclure par les votes des étrangers.
La même chose est arrivée à M. Félicien Rops : la même chose est arrivée à M. Eugène Smits, l'année dernière, pour l'exposition de Londres ; la même chose est arrivée à une foule d'artistes éminents, et cela au grand détriment de la jeune école belge, qui n'a pas moins de droit qu'une autre d'être représentée partout et dont les généreux et brillants efforts méritent bien cependant d'être encouragés.
Je demande donc un seul jury composé de quatorze membres, dont quatre nommés par le gouvernement et dix par les artistes belges, à l'exclusion des étrangers, à moins de réciprocité, et encore suis-je d'avis de ne pas réclamer la réciprocité et d'abolir entièrement un usage qui a donné lieu à maints abus.
Puisque je m'occupe en ce moment de musées, je demanderai qu'il me soit permis de revenir, par un mot seulement, sur la proposition que j'ai 'faite l'autre jour de créer un musée industriel. J'ai appris qu'un musée de ce genre existe en Belgique, à l’établissement de Melle-lez-Gand.
- Une voix. - Ce sont des jésuites.
M. Hagemans. - Non, des Joséphites, mais qu'est-ce que cela fait ? Si l'exemple est bon, il faut l'imiter, de quelque part qu'il vienne.
Comme me l'écrivait le conservateur du Musée, il sert à l'instruction des jeunes gens et il fait connaître aux visiteurs étrangers, qui le visitent, les produits des fabricants belges.
« Aussi, ajoute-t-il, grand nombre de fois déjà des fabricats belges onti été exportés par l'entremise ou en suite des renseignements reçus de Melle. »
Je crois qu'il serait beaucoup plus simple et partant bien meilleur de n'avoir qu'un seul jury chargé à la fois d'accepter les œuvres d'art, de placer les tableaux et de les juger.
Ce qu'a fait cet établissement privé, il me semble que le gouvernement et la ville de Bruxelles pourraient le faire à plus juste titre. Ce serait un grand service rendu à toutes les classes de la société et surtout à la classe ouvrière qui y trouverait un enseignement précieux, facile à acquérir.
Cette opinion a, du reste, été développée récemment encore par M. Dauby, notre zélé régisseur des Annales parlementaires et du Moniteur, dans un remarquable ouvrage, la Question ouvrière, qui vient de valoir à son auteur une distinction flatteuse et bien méritée d'un gouvernement étranger.
(page 476) Dans une conversation que j'ai eue au sujet de la création de ce musée, on m'a objecté le manque de locaux. Mais je l'ai déjà dit, il ne faut pas un local immense. Une salle unique suffit à Melle. J'en ai le plan sous les yeux.
Elle contient une foule d'objets. Tout s'y trouve, produits céramiques, verreries, produits des colonies françaises, de la Chine et du Japon ; lins, cotons, laines, l'issus, fibres textiles, tabacs, drogueries, matières tinctoriales, produits chimiques, cafés, cacaos, céréales, épices, sucres, thés, riz, fruits, huiles, cuirs, caoutchoucs, papiers, matériaux de construction, métaux, bois, marbres, etc., etc.
Eh bien, messieurs, tout cela est contenu dans une salle de 52 mètres de longueur sur 12 mètres de largeur. Il ne serait pas difficile, je pense, de trouver un pareil emplacement à Bruxelles. J'espère que ce ne sera donc pas là un obstacle sérieux et qu'on arrivera à la réalisation de ce projet, appelé à rendre de grands services. L'utilité en a été comprise en Amérique comme en Angleterre. On y a formé plusieurs musées de ce genre. Je souhaite qu'on en fasse autant chez nous.
Je termine, messieurs, ne voulant pas abuser plus longtemps des moments de la Chambre.
M. Vandenpeereboom. - Je partage complètement la manière de voir de mon honorable ami M. Hagemans en ce qui concerne la nécessité d'augmenter les allocations affectées aux musées de peinture et d'antiquités.
Ces allocations, messieurs, sont vraiment dérisoires : il est impossible de faire aucune acquisition d'une certaine importance au moyen des fonds dont les commissions administratives disposent ; 25,000, 30,000 francs pour achat de tableaux anciens et modernes, c'est, je le répète, une véritable dérision.
Mais je ne partage pas l'opinion de l'honorable membre quand il demande qu'on augmente les crédits ordinaires du budget. A mon avis, il y a une meilleure voie à suivre, comme on l'a fait quelquefois déjà ; c'est ouvrir au gouvernement des crédits extraordinaires d'un chiffre assez important.
On a mis, à cette fin, à la disposition du ministre de l'intérieur des crédits de 100,000 francs pour acheter des tableaux anciens et augmenter les collections de la porte de Hal.
Ces crédits ne peuvent être dépensés qu'avec l'autorisation de M. le ministre de l'intérieur, qui prend ainsi une certaine part de responsabilité.
Vous savez, messieurs, quel est aujourd'hui le prix des œuvres d'art. On peut avoir à acheter plusieurs tableaux et n'avoir de disponible qu'une somme de 25,000 ou de 30,000 francs.
Le ministre se trouve alors dans le cas d'autoriser, sous sa responsabilité, une dépense supérieure à la somme votée par la Chambre, ce qui est irrégulier, ou de laisser échapper l'occasion d'acheter des chefs-d'œuvre, occasion qui ne se présente pas toujours.
Ces inconvénients ne se présentent pas quand on procède par voie de crédits spéciaux.
Le système que je préconise est meilleur que celui qui est pratiqué et que celui proposé par l'honorable M. Hagemans.
J'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ce point et je le prie d'examiner si, la première fois que l'on demandera des crédits extraordinaires pour l'exécution de travaux matériels, on ne pourrait y introduire un petit crédit pour l'achat de tableaux, d'œuvres d'art et pour l'accroissement des collections de la porte de Hal.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, il est reconnu, depuis longtemps, que le crédit porté au budget de l'intérieur est insuffisant pour pourvoir à l'achat de tableaux anciens et modernes.
L'honorable M. Vandenpeereboom vient d'émettre une idée que je partage.
Lorsqu'on m'a demandé, peu de temps après mon arrivée au département de l'intérieur, s'il n'y avait pas lieu de demander une augmentation de crédit pour l'achat de tableaux destinés aux musées de l'Etat, j'ai reconnu l'insuffisance de la somme portée au budget ; mais j'ai pensé qu'au lieu d'augmenter le crédit normal, il était préférable de solliciter un crédit spécial en rapport avec les besoins reconnus.
Mon intention est donc, messieurs, de demander plus tard à la législature un crédit qui me permettra de satisfaire au vœu exprimé par les honorables préopinants.
L'honorable orateur désire savoir à quelle époque le musée royal d'armures et d'antiquités établi à la porte de Hal sera de nouveau ouvert au public.
Je ne puis pas encore préciser cette époque ; j'espère cependant qu'elle ne se fera plus attendre longtemps.
L'honorable M. Hagemans a critiqué le mode de nomination des jurys.
Si le mode existant ne présente pas, quant à la responsabilité, toutes les garanties que réclame l'honorable membre, je ne me refuse pas à faire de ce point l'objet d'un examen attentif et de rechercher si l'organisation existante ne donne pas aux artistes une entière confiance.
L'honorable membre a rappelé au gouvernement que la section centrale désire que l'administration n'achète que des œuvres d'art d'un mérite incontestable.
Je ne crains pas de dire, messieurs, qu'aucun reproche ne peut être adressé au gouvernement.
L'acquisition des tableaux anciens n'a lieu que sur la proposition de la commission administrative des musées, composée des artistes et des connaisseurs les plus compétents.
Les tableaux modernes sont de deux espèces. Les acquisitions des tableaux destinés aux musées de l'Etat se font avec le plus grand soin ; l'Etat n'acquiert que des œuvres réellement hors ligne et signalées comme telles par les membres de la commission les plus compétents.
Quant aux achats faits pour les musées des provinces, le choix est laissé aux autorités locales et le gouvernement n'intervient que par voie de subsides.
Je pense que ces explications suffiront. J'espère qu'elles rassureront la section centrale et lui donneront la preuve que le gouvernement cherche à doter nos musées d'œuvres d'un mérite réel.
M. De Lehaye, rapporteur. - Messieurs, je partage complètement l'opinion exprimée par l'honorable M. Vandenpeereboom.
Il est un point, messieurs, sur lequel j'appelle toute l'attention de M. le ministre de l'intérieur. Je désire, messieurs, et cette opinion a été exprimée par la section centrale, qu'on n'achète que des tableaux qui ont réellement du mérite. Ce n'est pas à titre d'encouragement qu'il faut faire ces acquisitions.
Lorsqu'il s'agit d'encourager les artistes, il y a d'autres moyens que celui qui a été indiqué d'abord.
Je voudrais donc qu'on n'achetât que des tableaux d'artistes reconnus, d'artistes faits qui n'ont plus besoin d'encouragements ; des œuvres transcendantes d'un mérite réel qui puissent embellir nos collections et donner une haute idée du bon goût de la Belgique pour les arts.
M. Malou, ministre des finances. - Je crois qu'une question est restée jusqu'ici sans réponse ; c'est celle que nous a adressée l'honorable M. Bouvier.
La construction que l'on pourra faire sur l'emplacement de l'ancien hôtel du ministère de la justice n'exclut pas du tout la création d'un palais spécial pour les grandes solennités publiques de toute nature. Une commission avait été nommée pour examiner cette question. Cette commission a terminé ses travaux tout récemment et le gouvernement aura à prendre une résolution.
M. Bouvier. - Il est grandement question d'ouvrir à Bruxelles, dans un délai qui ne serait pas très éloigné, une exposition universelle des produits de l'industrie. Je crois que quand on s'occupera de l'étude des plans destinés au palais des beaux-arts, il y aura lieu d'examiner si ce palais ne pourrait pas aussi servir à l'exposition à laquelle je viens de faire allusion.
- La discussion sur le chapitre est close.
« Art. 112. Commandes et acquisitions d'œuvres d'artistes vivants ou d'artistes dont le décès ne remonte pas à plus de dix ans ; subsides aux établissements publics pour aider à la commande ou à l'acquisition d'œuvres d'art ; encouragements à la peinture murale, avec le concours des communes et des établissements intéressés ; encouragements à la gravure en taille-douce, à la gravure en médailles, aux publications relatives aux beaux-arts ; subsides ; souscriptions et acquisitions d'œuvres d'art d'un intérêt artistique ou archéologique ; subsides à des fabriques d'église, à titre d'encouragement, pour l'exécution d'objets mobiliers religieux offrant un caractère artistique reconnu ; subsides aux sociétés instituées pour l'encouragement des beaux-arts, aux expositions locales, etc. ; encouragements à de jeunes artistes qui ont déjà donné des preuves de mérite ; voyages à l'étranger et dans le pays, dans l'intérêt de leur talent ; missions ; secours à des artistes qui se trouvent dans le besoin ou aux familles d'artistes décédés ; frais relatifs aux grands concours : acquisition et reliure d'ouvrages pour le (page 477) service spécial de la direction générale des beaux-arts ; dépenses diverses : fr. 260,000. »
- Adopté,
« Art. 113. Académie royale des beaux-arts d'Anvers ; dotation de l'Etat destinée, avec la subvention de la ville d'Anvers, à couvrir les dépenses tant du personnel que du matériel : fr. 53,558 50.
« Charge extraordinaire : fr. 25,000. »
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je désire attirer l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur et de la Chambre sur ce crédit extraordinaire et temporaire que nous votons pour la dixième fois. Voilà en effet dix ans que la Chambre vote un crédit semblable ; c'est assez vous dire, messieurs, que la question n'est pas neuve.
Il y a donc dix ans que tout le monde était déjà d'accord qu'il fallait agrandir les locaux de l'Académie royale d'Anvers et probablement déjà dès lors cette question n'était pas très neuve puisqu'elle paraissait alors avoir été complètement étudiée.
En effet, messieurs, voici ce que je lis dans le rapport annuel de l'Académie des beaux-arts du 11 mai 1862 :
« L'année qui vient de finir ne laissera pas un souvenir moins brillant dans nos annales. Sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur, la Chambre des représentants a voté un premier crédit de 25,000 francs pour construction de locaux nouveaux ; la ville a depuis bien des années réservé une somme de 250,000 francs pour le même objet. Bientôt rien ne s'opposera plus à la réalisation de projets caressés depuis longtemps. Le bureau de bienfaisance qui avoisine notre local sera transféré à l'hôtel Salm-Salm, devenu vacant par la. construction de la prison nouvelle. Les plans sont arrêtés, les crédits sont votés. L'Académie pourra alors s'étendre sur les terrains du bureau de bienfaisance et recevoir enfin les améliorations et les accroissements reconnus indispensables. »
Vous le voyez, messieurs, il y a dix ans tout paraissait être arrêté, on était d'accord, on allait marcher, et voici ce que je lis dans le dernier rapport, celui de 1871 :
« L'agrandissement de l'Académie et du Musée, dont nous vous avons entretenus plusieurs fois dans nos rapports précédents, n'a pu être commencé l'année dernière. Les autorités supérieures, qui l'ont décidé de commun accord, continuent à s'en occuper, et le gouvernement a bien voulu inscrire de ce chef, au budget de l'intérieur pour l'exercice 1871, un dixième crédit de 25,000 francs. Cette somme complète le subside de 250,000 francs, auquel le gouvernement a provisoirement limité son intervention.
« C'est, de toutes les questions qui en ce moment intéressent l'Académie, la plus considérable et la plus importante. La prospérité à venir de l'institution, c'est-à-dire, l'extension et l'amélioration de son enseignement et de ses collections en dépendent nécessairement. Les difficultés pécuniaires ayant été résolues en grande partie, d'une part, par les subsides accordés par le gouvernement, d'autre part, par les crédits votés depuis plusieurs années par le conseil communal, il ne reste plus qu'à s'entendre sur les plans de reconstruction. Cette bonne entente est sans doute 'bien près d'être réalisée. M. l'architecte de la ville a dressé un avant-projet qui a été approuvé. Nous croyons pouvoir espérer que nous approchons d'une bonne et prompte solution. »
Vous le voyez, messieurs, tout le monde est d'accord, comme je vous le disais tout à l'heure. Les locaux de l'Académie royale d'Anvers, cette grande institution nationale, sont insuffisants ; non seulement ils sont insuffisants, mais ils sont insalubres ; ils ne sont pas bien éclairés ; l'administration communale l'a parfaitement compris ; elle a voté, à cet effet, un subside de 250,000 francs ; et si je suis bien informé, tout le monde est d'accord, et cependant on ne marche pas. Cela provient, parait-il, de ce qu'il y a eu, à diverses reprises, des changements dans les idées à Anvers.
Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien donner un coup d'épaule, si c'est nécessaire, soit à l'administration de l'Académie d'Anvers, soit à l'administration communale, c'est à-dire à celle des deux administrations qui est disposée à faire un pas en avant.
Il est très important pour l'avenir de cette institution, qui compte 1,400 à 1,500 élèves, que les locaux soient agrandis, éclairés et assainis.
Les observations que je fais n'ont d'autre but que d'encourager l'honorable ministre de l'intérieur à faire un effort pour résoudre cette question.
M. d'Hane-Steenhuyse. - Ainsi que vient de le dire notre honorable collègue, M. Le Hardy de Beaulieu, la question des locaux de l'Académie d'Anvers dure déjà depuis quelques années et il nous aurait probablement été possible, en ce moment, de constater le règlement de cette affaire, si plusieurs questions très importantes ne s'étaient présentées depuis quatre ou cinq ans.
Je crois que je ne puis mieux faire que de donner lecture à la Chambre de la dernière lettre que nous avons envoyée au département de l'intérieur ; de cette façon je n'abuserai pas des moments de la Chambre qui a hâte de terminer la discussion du budget, soumis à nos délibérations, et d'un autre côté nos honorables collègues pourront immédiatement se rendre compte de la situation.
Voici cette lettre :
« Monsieur le ministre de l'intérieur,
« Ayant appris indirectement que vous désiriez savoir où en était l'étude du plan d'agrandissement de notre Académie royale des beaux-arts, de nos musées, des salles d'exposition, etc., etc., nous nous faisons un devoir de vous affirmer que nous n'avons pas du tout perdu cet important objet de vue. Au contraire, nous nous en occupons très activement. Mais, indépendamment des énormes travaux que nous avons eu à exécuter pour l'agrandissement de la ville et de nos établissements maritimes, travaux qui, depuis quelques années, ont réclamé toutes nos ressources comme tout notre temps, la question de l'agrandissement de l'Académie en comporte plusieurs autres.
« Le plan général, projeté par l'architecte de la ville, comporte l'agrandissement des classes et galeries de l'Académie, de nos musées de tableaux, de nouvelles salles d'exposition, du déplacement du bureau de bienfaisance, du remplacement d'une école gratuite pour garçons, d'une école de filles, de l'école de musique, de l'asile des enfants momentanément abandonnés, etc., etc.
« Primitivement, ce plan a donné lieu aussi à la question préalable de savoir si on aurait conservé les ateliers de charité, et si on aurait réservé dans le nouvel enclos un emplacement pour notre bibliothèque publique et pour les archives historiques. Ces questions ont été résolues, comme nous allons tâcher de résoudre successivement toutes les autres. Mais vous voudrez bien comprendre, M. le ministre, qu'il nous faudra encore pour tout cela quelque temps, puisqu'elles exigeront ou le concours d'autres administrations, comme ce sera le cas pour les questions de charité ; ou de grandes dépenses, comme ce sera le cas pour de nouvelles écoles : ce que le budget ne permet pas toujours.
« Indépendamment des questions incidentes prémentionnées et qui ont déjà reçu une solution, i l y en a encore une qui est sur le point d'en obtenir.
«Dans une des nombreuses séances où le conseil communal s'est occupé de cette affaire compliquée, on a soulevé la question de savoir s'il n'y avait pas lieu de construire un tout nouveau musée.
« Cette question a été déférée à la double commission des beaux-arts et des travaux qui, pensons-nous, ne tardera pas de faire son rapport.
« En attendant, M. le ministre, permettez-nous de vous rappeler que la ville a déjà fait successivement l'achat de divers bâtiments qui devront être incorporés au nouvel enclos : tels que le ci-devant couvent des Maricolles, figurant au budget de 1864 pour 53,365 fr. 60, deux maisons, au budget de 1865, pour 10,257 fr. 51, une maison à celui de 1866 pour 10,673 27.
« En 1864, nous avons aussi construit des salles d'exposition qui, en dehors des expositions, servent au service de l'Académie, d'ateliers permanents d'artistes, et qui ont coûté 21,807 fr. 51.
« Tout cela forme une dépense d'environ 100,000 francs, preuve évidente, M. le ministre, de ce que nous disons au commencement de cette lettre, à savoir que nous ne perdons pas l'affaire de vue. Nous terminons en vous donnant la nouvelle assurance de tout notre bon vouloir pour doter notre Académie de locaux dignes de l'université artistique belge.
« Nous aurons soin, M. le ministre, de vous tenir au courant de la marche des questions en suspens et vous prions, en attendant, d'agréer, etc. »
Vous voyez donc, messieurs, que la ville d'Anvers, d'accord avec le gouvernement, est décidée à améliorer les locaux de l'Académie. Mais il faut remarquer que, dans ces locaux, se trouvent établis, ainsi que je viens d'avoir l'honneur de le lire, une école de tilles, une école de garçons, des ateliers de charité et une école de musique. Les ateliers de charité ont disparu depuis peu. Il s'agit donc de donner d'autres locaux à ces diverses institutions. La question, on le voit, est très compliquée ; elle s'est compliquée encore par une autre question très importante pour Anvers, celle de savoir s'il ne serait pas convenable de construire un nouveau musée.
Les membres de cette Chambre qui connaissent la ville d'Anvers (page 478) savent comment est installé son musée, et ils ne trouveront pas étrange, j'en suis certain, que l'idée soit venue à des membres du conseil communal d'Anvers, de donner à ce musée, un emplacement plus approprié à sa destination.
En effet, il se trouve situé aujourd'hui contre des habitations particulières et par conséquent exposé à des dangers continuels d'incendie, dangers d'autant plus redoutables, que personne n'ignore que le musée d'Anvers renferme des richesses artistiques d'une valeur incalculable. Vous comprendrez que l'administration communale de notre métropole artistique ait tenu à étudier cette question sans qu'elle puisse dire cependant, dès à présent, si elle se décidera pour le maintien du local actuel ou pour la construction d'un nouveau musée.
Pour terminer, et après avoir ainsi exposé la situation des locaux de l'Académie, je tiens à déclarer à la Chambre que l'administration communale ne négligera rien pour hâter autant que possible la solution de la question, et pour entrer ainsi dans les vues que vient de développer notre honorable collègue, M. Le Hardy de Beaulieu.
M. Vandenpeereboom. - J'ai peine à me convaincre que l'administration communale d'Anvers ne perdra pas un moment pour mettre son Musée en bon état. Car je dois faire observer qu'ii y a dix ans que cette question est en instance et que la Chambre a voté chaque année des crédits pour cet objet. La ville d'Anvers se trouve donc en possession d'une somme très considérable pour faire des travaux que jusqu'à présent elle n'a pas encore exécutés.
Lorsqu'on lui a demandé quel emploi ces fonds avaient revu, l'administration communale d'Anvers a répondu qu'elle avait fait construire des écoles de filles, qu'elle avait fait d'autres travaux importants encore. Je ne le nie pas, mais je fais remarquer que les crédits votés par la législature ont été alloués pour recevoir une tout autre destination. Ils ont été alloués pour améliorer les locaux du Musée et non pas pour créer des écoles de filles et pour exécuter d'autres travaux, fort utiles sans doute, mais qui doivent être exécutés à l'aide d'autres crédits.
Je sais que la ville d'Anvers est en voie de transformation ; je sais qu'elle a fait déjà de grandes dépenses ; je reconnais enfin qu'elle ne peut pas faire tout à la fois. Mais il me semble cependant que le moment est venu d'en finir, et que si l'on ne peut pas encore s'occuper de l'amélioration des locaux du Musée, la Chambre s'abstienne de voter de nouveaux crédits jusqu'à ce que la ville d'Anvers soit en mesure d'employer ceux qui lui ont été alloués.
En d'autres termes, messieurs, cette affaire, qui remonte à une dizaine d'années déjà, réclame impérieusement une solution. Quand je siégeais sur d'autres bancs, j’ai vivement insisté pour obtenir les constructions jugées nécessaires, et on m'a toujours répondu par la fin de non-recevoir que vient encore de rééditer l'honorable M. d'Hane. On nous a répondu par l’énumération des travaux qu'on avait faits, mais encore une fois ces travaux ne sont pas ceux en vue desquels les crédits ont été votés.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je crois, avec l'honorable M. Vandenpeereboom, qu'il y a réellement urgence d'arriver à une solution au sujet de la reconstruction des locaux de l'Académie des beaux-arts d'Anvers et je ne saurais trop recommander à l'honorable M. d'Hane de Steenhuyse de se préoccuper sérieusement de cette affaire, qui remonte déjà à 1859.
De 1862 à 1866 inclus, cinq sommes de 25,000 francs ont été successivement portées au budget de l'intérieur pour acquitter la part de l'Etat dans les travaux à exécuter.
De ces 125,000 francs, la ville d'Anvers en a touché 87,500, et le reste s'élevant à 37,500 francs a été successivement reporté au budget jusqu'à cette année.
Il me semble qu'en présence de cette situation, il y a pour la ville d'Anvers nécessité de revenir au libellé même du budget et d'employer cette somme à sa destination véritable.
C'est dans ce sens que je me propose de poursuivre les négociations avec la ville d'Anvers et, d'après ce que je viens d'entendre, j'espère qu'elles aboutiront.
M. d'Hane-Steenhuyse. - Messieurs, je puis certifier à la Chambre et à M. le ministre de l'intérieur qui est chargé d'exécuter les décisions prises antérieurement, que l'administration communale, comme je l'ai dit tout à l'heure, ne perdra pas un moment pour terminer la question qui nous occupe dans le plus bref délai possible.
- L'article 113 est adopté.
« Art. 114. Académies et écoles de dessin autres que l'Académie d'Anvers ; subsides, dotations, acquisitions de modèles, de médailles et de livres destinés aux académies et écoles de dessin ; inspection des académies et des écoles ; dépenses diverses ; conseil de perfectionnement de l'enseignement des arts du dessin ; subsides à de jeunes artistes pour les aider dans leurs études ; grands concours de peinture, de sculpture, d'architecture et de gravure ; pensions des lauréats ; reproduction des objets d'art destinés aux échanges internationaux et frais relatifs à ces échanges : fr. 194,000. »
- Adopté.
« Art. 115. Conservatoire royal de musique de Bruxelles. Dotation de l'Etat, destinée, avec les subsides de la province et de la ville, à couvrir les dépenses du personnel et du matériel : fr. 79,540. »
- Adopté.
« Art. 116. Conservatoire royal de musique de Liège. Dotation de l'Etat, destinée, avec les subsides de la province et de la ville, à couvrir les dépenses du personnel et du matériel : fr. 40,240. »
M. Muller. - Messieurs, les représentants de Liège, l'an dernier, avaient fait remarquer à la Chambre que le Conservatoire royal de musique de cette ville était traité d'une manière inégale, eu égard à ses besoins et à la position financière qui est faite par le gouvernement au Conservatoire de Bruxelles.
Nous avons rappelé que les deux conservatoires avaient été établis par le roi Guillaume comme les deux institutions de l'Etat pour l'enseignement supérieur de la musique en Belgique.
Quant au conservatoire de musique de Bruxelles, l'honorable M. Pirmez a fait prendre, il y a trois ans, un arrêté royal qui fixe les traitements des professeurs, en déterminant un minimum et un maximum des rétributions annuelles. Nous avions demandé la même mesure d'équité pour le conservatoire de Liège, qui doit être mis évidemment sur la même ligne, attendu qu'il a la même origine gouvernementale, que ce n'est pas une institution communale, que ses professeurs sont des fonctionnaires de l'Etat.
L'honorable M. Kervyn, succédant à M. Pirmez, en qualité de ministre de l'intérieur, nous fit la promesse que, pour le budget de 1872, la question serait sérieusement examinée et qu'une amélioration notable serait apportée à la situation financière de notre corps professoral, qui réellement est rétribué, en ce qui concerne la plupart de ses membres et même au point de vue de leur ancienneté, d'une manière dérisoire.
Le projet de budget de 1872 a paru et nous n'avons été saisis, relativement au conservatoire de musique de Liège, d'aucune proposition du gouvernement.
Tout dernièrement, j'ai rappelé cet objet à l'attention de M. le ministre de l'intérieur actuel. J'aime à ne pas douter jusqu'ici de sa bonne volonté, mais je demande si nous allons encore être frappés et éconduits par l'inaction du gouvernement.
Je ne fais, messieurs, qu'accuser cette situation ; dans la position suspecte que nous occupons sur les bancs de la gauche, je n'aurais aucune chance de succès en proposant une augmentation de crédit qui, évidemment, ne serait pas accueillie par la majorité, si M. le ministre de l'intérieur n'est pas prêt à la soutenir.
Je borne là ma protestation.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je me suis déjà occupé du conservatoire de Liège, messieurs ; je voudrais placer cet établissement dans des conditions meilleures que celles où il se trouve aujourd'hui. Des propositions m'ont été faites par la commission administrative. Je dois déclarer à la Chambre que je n'ai pas encore eu le temps d'examiner ces propositions d'une manière complète et satisfaisante, mais je désire faire pour le conservatoire de Liège ce que l'intérêt bien entendu de cette institution réclame.
Je puis donner a l'honorable M. Muller toute assurance sous ce rapport.
M. Muller. - Rien pour l'exercice 1872, votre prédécesseur nous avait fait une promesse formelle pour l'année 1872.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Si je connaissais les besoins, je pourrais faire une proposition, mais je ne les connais pas encore. J'espère que pour l'année prochaine je pourrai satisfaire à la demande de l'honorable M. Muller.
- L'article est adopté.
« Art. 117. Subsides aux écoles de musique autres que les conservatoires royaux : subsides aux sociétés (page 479) musicales. Inspection des écoles de musique ; acquisition de médailles et de livres destinés aux lauréats des concours des écoles de musique. Dépenses diverses. Bourses d'étude en faveur des élèves des conservatoires royaux et d'autres écoles de musique. Encouragements à de jeunes artistes musiciens qui ont déjà donné des preuves de mérite ; voyages à l'étranger dans l'intérêt de leur talent ; subsides et souscriptions en faveur de publications ou d'auditions d'œuvres musicales ; secours à des altistes musiciens malheureux ou aux familles d'artistes décédés. Grands concours de composition musicale, pensions des lauréats ; subside pour l'organisation d'un grand festival annuel de musique classique à donner avec le concours des provinces et des villes intéressées : fr. 75,000.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Je vois sous cet article : « Dépenses diverses : bourses d'étude en faveur d'élèves des conservatoires royaux et d'autres écoles de musique. »
Je ne sais pas pourquoi le conservatoire de Gand, qui a bien certainement donné des preuves de mérite, ne figure que parmi les écoles de musique. Je demande qu'un article spécial soit porté au budget pour le conservatoire de Gand, comme il y a un article spécial pour le Conservatoire de Bruxelles et pour celui de Liège.
Je crois que, si nous énumérons les services rendus à l'art musical, le conservatoire de Gand peut prendre place à côté des conservatoires de la capitale et de Liège.
Je demande donc qu'au prochain budget le conservatoire de Gand figure dans un article spécial.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je crois que mon honorable ami, M. Kervyn, confond deux choses bien différentes ; il oublie que l'académie de musique de Gand n'est pas un conservatoire de l'Etat, mais un établissement communal.
L'académie de Gand est généreusement traitée ; elle reçoit de l'Etat 18,500 francs sur une dépense totale de 142,495 francs.
Il est impossible de penser à ériger l'école de musique de Gand en conservatoire de musique de l'Etat.
On ne pourrait le faire sans s'exposer à des charges nouvelles considérables pour l'Etat, charges que je n'ai point l'intention de proposer.
Si la ville d'Anvers réorganise son académie de musique dans les proportions que j'indiquais tout à l'heure, elle se trouvera dans une situation beaucoup moins favorable que celle qui a été faite à la ville de Gand.
Il y aura peut-être quelque chose à faire pour l'académie de musique d'Anvers, mais il faut qu'elle se soumette à l'inspection et qu'elle accepte toutes les conditions imposées à la ville de Gand. Alors seulement le gouvernement pourra être appelé à apprécier la réclamation produite par l'honorable M. d'Hane.
M. d'Hane-Steenhuyse. - Je viens parler, à mon tour, de l'école de musique d'Anvers, ainsi que vient de le faire, pour Gand, l'honorable M. Kervyn.
Seulement, messieurs, je ne demanderai point pour notre école le titre de conservatoire. Ainsi que vient de le dire l'honorable ministre de l'intérieur, nous croyons que l'école de musique d'Anvers doit demeurer un établissement communal et nous demandons simplement à l'Etat de nous accorder un subside convenable.
M. Bouvier. - De l'argent !
M. d'Hane-Steenhuyse. - Oui, de l'argent, en effet, M. Bouvier !
L'année dernière, l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke a demandé une augmentation de subside assez considérable pour l'école de musique de Gand.
Il s'est étendu très longuement sur les services rendus par le conservatoire de Gand et que je reconnais comme lui ; il s'est étendu aussi sur le mérite du directeur ou plutôt de celui qui devait être nommé directeur à cette époque, je veux parler de M. Gevaert, au mérite duquel je rends également hommage, mais qui, depuis, est devenu directeur du conservatoire de Bruxelles.
Aujourd'hui, nous avons à la tête de l'école de musique d'Anvers un homme dont l'importance musicale n'est contestée par personne : c'est M. Benoît ; son nom est trop connu en Belgique pour que j'aie besoin de m'appesantir sur sa valeur personnelle.
Une de ses œuvres va être exécutée dans quelques jours à Bruxelles, et LL. MM. le Roi et la Reine, ainsi que LL. AA, RR. le Comte et la Comtesse de Flandre, honoreront cette séance musicale de leur présence.
La ville d'Anvers n'a eu jusqu'ici qu'un subside de 4,000 francs pour son école de musique ; elle y affecte une somme de 20,000 francs ; or, on présence de l'importance nationale qu'a notre école de musique, je viens demander à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien accorder à la ville d'Anvers un subside de 22,000 francs.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, le budget de la ville d'Anvers pour l'école de musique s'élève annuellement à 26,000 francs, dont 20,000 sont fournis par la ville, 2,000 par la province et 4,000 par l'Etat.
L'administration communale d'Anvers se propose de réorganiser son école de musique. Cette réorganisation donnerait lieu à une dépense de 10,000 francs.
Pour atteindre ce but, au lieu d'augmenter le subside de 20,000 francs qu'elle alloue actuellement, elle propose de le réduire à 18,000 francs. Dans cette combinaison, la province allouerait, comme par le passé, 2,000 francs et l'Etat aurait à fournir 20,000 francs ; on couvrirait ainsi la somme de 40,000 francs. (Interruption.)
Cependant la ville d'Anvers ne peut pas oublier que son école de musique reste un établissement communal et qu'il est impossible que le gouvernement intervienne dans la dépense d'un établissement communal pour une somme supérieure à celle qu'alloue la ville elle-même.
Le subside de 4,000 francs accordé jusqu'à présent à la ville d'Anvers ne répondrait plus à la situation nouvelle qu'elle se propose de créer.
Mais il se présente une difficulté d'exécution ; la ville d'Anvers ne consent pas à se soumettre aux conditions acceptées par la ville de Gand ; elle refuse, entre autres, l'inspection, qui est cependant une condition nécessaire à l'octroi des subsides.
Avant de pouvoir faire aucune proposition à la Chambre, je désire donc avoir l'assurance que la ville accepte les conditions ordinaires ; il ne restera plus alors qu'à discuter le chiffre du subside à lui accorder.
M. Rogier. - Je recommanderai à M. le ministre de l'intérieur la ville de Tournai.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Un seul mot pour rectifier des chiffres.
La ville de Gand donne un subside de 26,000 francs pour le conservatoire.
L'année dernière, j'ai proposé à la Chambre de vouloir porter au budget de l'intérieur, pour le conservatoire de Gand, une subvention de 21,000 francs. La Chambre a voté ce subside. Mais la ville ne le touche pas ; elle ne reçoit que 18,500 francs. Si l'on veut augmenter les autres subsides, je ne m'y opposerai pas, mais je demanderai la rectification du chiffre dans le sens du vote que la législature a émis l'année dernière.
M. d'Hane-Steenhuyse. - M. le ministre de l'intérieur vient de demander si la ville d'Anvers soumettra son école de musique à l'inspection.
Je lui répondrai qu'il n'y a pas de motif, à mon avis, pour que la ville d'Anvers ne rentre dans le droit commun, en se soumettant à l'inspection. De cette manière, il n'y aura point de raison pour refuser à la ville d'Anvers le subside auquel elle a légitimement droit.
Je soumets la question du subside que demande la ville d'Anvers pour son école de musique à toute la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur qui a reconnu, d'ailleurs, qu'il y avait quelque chose à faire dans le sens de mes observations.
- L'article est adopté.
« Art. 119. Musées royaux de peinture et de sculpture, y compris le musée Wiertz ; matériel et acquisitions ; frais d'impression des catalogues ; frais d'entretien et de surveillance des locaux du Palais Ducal et du musée Wiertz ; chauffage des locaux habités par le surveillant : fr. 33,485.
« Charge extraordinaire : fr. 34,000. »
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Le gouvernement, messieurs, propose une augmentation de 1,000 francs à l'article 119, pour le musée Wiertz.
Voici les motifs particuliers qui justifient cette demande de crédit. On a ouvert récemment deux nouvelles salles où se trouvent exposées les esquisses, grisailles, etc., de notre grand artiste. Ces salles réclament naturellement une certaine surveillance.
Et puis, messieurs, il y a lieu de faire imprimer le catalogue de la collection des tableaux.
La somme indispensable pour les frais de ce dernier travail est évaluée à 600 ou 700 francs environ. Mais cette dépense ne sera, en définitive (page 480) qu'une avance faite par l'Etat, puisque la vente des catalogues rapporte annuellement 900 francs.
Le crédit que réclame le gouvernement a donc pour but de faire face à ces deux dépenses, reconnues nécessaires.
M. le président. - Cette somme serait portée à la colonne des charges ordinaires.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - A la rigueur, M. le président, Il n'y aurait lieu de porter dans la colonne des charges extraordinaires que la somme de 600 à 700 francs que coûtera la confection du catalogue, le surplus devant servir à rétribuer le gardien des salles dont je viens de parler.
Cependant je crois préférable de porter toute la somme de 1,000 francs que je demande dans la colonne des charges extraordinaires, sauf à faire la division exacte de ce crédit au budget de l'année prochaine.
- Les allocations proposés sont mises aux voix et adoptées avec l'amendement de M. le ministre de l'intérieur.
« Art. 120. Musée royal d'armures et d'antiquités. Personnel : fr. 9,600. »
- Adopté.
« Art. 121. Musée royal d'armures et d'antiquités.- Matériel et acquisitions ; frais d'impression et de vente du catalogue ; collection sigillographique : fr. 15,800.
« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 122. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique ; subsides aux villes et aux provinces ; médailles a consacrer aux événements mémorables : fr. 30,000. »
M. Jottrand. - Au budget de l'année dernière figurait, sous la rubrique : « Monuments publics » deux crédits dont la disparition m'étonne. Ils étaient affectés à payer les frais de garde et de surveillance du monument de la place des Martyrs et de la colonne du Congrès.
Cependant on surveille et on surveille même d'une façon toute spéciale la colonne du Congrès.
Nous avons pu constater, dans le courant de l'année dernière, que fréquemment ceux que l'Etat a préposés à cette surveillance toute spéciale, l'examinaient de haut en bas et de bas en haut au moyen d'un appareil fort ingénieux.
Je ne crois pas que le ministère de l'intérieur ait l'intention de cesser ces opérations très intéressantes, mais je désirerais savoir à quel résultat elles ont conduit jusqu'ici.
La colonne du Congrès est très malade.
A-t-on trouvé le remède qu'il faut apporter à son mal, et si ce remède est trouvé, avons-nous quelque espoir de le voir appliqué promptement ?
Si l'on tarde encore, nous qui aimons la colonne, nous avons à craindre de la voir subir le sort qu'elle subirait si elle avait été construite en sucre, de la trouver un beau jour fondue complètement.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je crois devoir faire remarquer à l'honorable M. Jottrand que les crédits dont il parle ont été transférés au budget du département des travaux publics, ce département ayant dans ses attributions la surveillance des monuments dont il s'agit.
M. Rogier. - Messieurs, puisque la colonne du Congrès a passé dans les attributions du ministre des travaux publics, je prendrai la liberté de lui recommander de ne pas la laisser trop longtemps dans la situation où nous la voyons.
je tiens à constater, en passant, que si j'ai eu l'honneur de faire décréter ce monument, je ne suis pour rien dans le choix des matériaux.
Quoi qu'il en soit, j'espère que nos yeux ne seront pas trop longtemps affectés du triste spectacle que présente la colonne du Congrès entourée de son échafaudage.
Sans vouloir mettre particulièrement en cause aucun fonctionnaire public ni aucune administration, je dois signaler la lenteur qui, en général, préside à la plupart de nos travaux, surtout en ce qui concerne les monuments.
Pour n'en fournir qu'un exemple, je citerai la magnifique église de Sainte-Gudule.
Il y a, à ma connaissance, quarante ans bientôt qu'on travaille à restaurer Sainte-Gudule, de telle manière que, si cela se prolonge, lorsqu'on aura mis la dernière main à la restauration, il faudra reprendre sur nouveaux frais l'opération au débat.
C'est en 1833, sous le premier ministère libéral, qui, pas plus que ses successeurs de même nom, n'était l'ennemi des monuments religieux et qui a beaucoup concouru à construire et à entretenir ces monuments, c'est en 1833 qu'on a commencé la restauration de l'église de Sainte-Gudule. Nous sommes en 1872 et la restauration n'est pas terminée.
J'espère que notre colonne du Congrès n'éprouvera pas le même sort que la belle église de Sainte-Gudule.
Puisque nous en sommes, messieurs, à la question des monuments, j'ai besoin ici d'exprimer publiquement une opinion que j'ai professée jusqu'ici dans les conversations particulières. Je demande quelle est la pensée de M. le ministre de l'intérieur actuel sur la conservation du monument qui se trouve aujourd'hui au milieu de la grande et large voie qu'on vient d'ouvrir à Bruxelles, le temple des Augustins. Je ne sais, messieurs, si je vais éveiller les susceptibilités de quelques collègues, mais je me déclare, moi, partisan de la conservation du temple des Augustins.
M. Dumortier. - A la bonne heure !
M. Rogier. - Je trouve qu'on a fait trop bon marché de ce monument. J'ai parcouru encore récemment, pour mieux me rassurer sur mes propres impressions, l'immense et large voie de communication qui réunit les deux stations principales de notre chemin de fer. Je déclare que, du côté de la station du Midi, la façade du monument me satisfait complètement. Si le monument offre des défectuosités sur les côtés et à l'abside, rien ne serait plus simple que de le restaurer et de le compléter.
En me plaçant au point de vue purement artistique, je ne puis croire que le sublime des constructions publiques soit de faire de ces larges rues dans lesquelles l'œil n'est arrêté ni distrait par aucune perspective. Il me plaît, quant à moi, il me plairait beaucoup de voir dans nos grandes rues un assez grand nombre de monuments. On dit que cela gêne la circulation ; mais, pour un léger embarras de voiture, songez à l'ennui que causent aux promeneurs et aux simples passants ces immenses rues monotones et la couleur uniforme des bâtiments.
Revenant à l'église des Augustins, je ne suis pas fâché de faire voir que, pour être libéral, on n'est nullement un démolisseur d'églises ; que j'entends bien conserver les églises aussi longtemps qu'on pourra, et qu'à aucun prix surtout je ne veux qu'on démolisse légèrement les monuments religieux pas plus que les autres monuments.
- Des membres. - Très bien !
M. Funck. - Personne ne veut démolir les églises ; nous en bâtissons tous les jours.
M. Rogier. - Je ne vous en blâme pas ; je ne blâme personne, mais je dis qu'il ne faut pas toucher légèrement et sans nécessité absolue aux monuments.
Je me place ici au point de vue de l'art. Nous avons eu ici des discussions religieuses assez longues, je n'y ai pas pris part, et je ne me proposé pas d'y prendre part quant à présent. Mais je me place au point de vue purement esthétique, au point de vue de l'embellissement de nos villes et quant à moi, je déclare que je ne me suis pas associé aux attaques dont le temple des Augustins a été l'objet. Le rendra-t-on au culte ou le conservera-t-on comme simple édifice d'utilité publique ? C'est une autre question. Je n'ai pas à m'occuper de cela. Mais je n'ai pas partagé les répugnances qui se sont produites contre le maintien du monument que je recommande au successeur de l'honorable M. Kervyn.
M. Anspach. - Je me joins en un point à ce que vient de dire l'honorable préopinant ; il est absolument indispensable que le gouvernement prenne une résolution relativement au temple des Augustins, qui est actuellement une ruine qui offusque tous les regards, (interruption.)
Tous ceux qui ont passé au boulevard central constatent que ce prétendu monument est une chose informe qui ne peut par rester dans l'état actuel.
Il serait très bon que le gouvernement, qui a empêché la démolition du temple, qui a empêché de donner suite au désir de la ville de Bruxelles, légalement exprimé, il serait bon que le gouvernement voulût bien nous dire ce qu'il compte faire du temple qui va devenir, je crois, sa propriété.
Quant à l'amour de l'honorable M. Rogier...
M. Rogier. - Je n'ai pas dit l'amour.
M. Anspach. - L'intérêt, si vous voulez, que porte M. Rogier à la conservation de la façade principale, je puis l'assurer que la très grande majorité des Bruxellois et les hommes les plus compétents ne partagent pas son avis.
La façade principale est beaucoup trop mesquine, trop dépourvue de véritable caractère architectural pour pouvoir figurer convenablement sur l'emplacement grandiose qu'elle occupe.
(page 481) Du reste, il va se passer un événement que je puis dès à présent prédire au gouvernement. Le propriétaire définitif, qui sera, je pense, l'Etat, devra nécessairement entretenir sa propriété, la mettre dans un état moins déplorable, moins dangereux et empêcher qu'elle ne croule ; il faudra aussi refaire les trois façades postérieure et latérales.
Je pense que le département de l'intérieur va charger un architecte des études préalables nécessaires.
Eh bien, je préviens l'honorable ministre de l'intérieur que la réponse de l'architecte va être la suivante :
Les façades postérieure et latérales sont faites en anciennes briques espagnoles ; elles se réduisent en poudre ; on ne peut rien y adapter. Il faut donc commencer avant tout par démolir ces façades.
Nous avons en notre possession un rapport fait par les personnes les plus compétentes du département des travaux publics, par des ingénieurs dont l'expérience en ces matières ne peut être contestée. Eh bien, ils déclarent, dans ce rapport, que toute la partie supérieure de la façade principale est hors d'aplomb de 15 à 20 centimètres, que toute cette partie supérieure doit être démolie et qu'après cette démolition on jugera s'il est nécessaire de pousser la démolition plus loin ; si on doit démolir les trois façades latérales et postérieure ; si on doit démolir la partie supérieure de la façade principale, il ne resterait plus que les colonnes intérieures du temple qui ne supporteraient plus rien.
Cela équivaut à une démolition complète et dès lors il vaudrait mieux tout raser et faire une place grandiose.
Puisqu'il faut tout démolir, quelque admiration que professe l'honorable M. Rogier pour le maintien du temple...
M. Rogier. - N'exagérons pas.
M. Anspach. - Quelque intérêt que vous portiez au maintien de ce temple, je crois qu'il y a beaucoup mieux à faire ; je crois que, si l'on veut créer un monument dans cette large et grande voie, il est désirable qu'il ait un aspect imposant, comme celui de la nouvelle Bourse qui s'élève plus loin.
Il est indispensable que le gouvernement prenne un parti sur ce qu'il convient de faire ; je lui recommande de se livrer à un très prompt examen.
L'honorable M. Rogier a dit une chose parfaitement juste. Les œuvres gouvernementales sont généralement très longues, et pourquoi ? Parce qu'on s'y prépare à plusieurs fois avant de mettre la main à l'œuvre. Il y a toujours en jeu tant d'intérêts divers, qu'il en résulte des retards inévitables.
Je recommande donc à M. le ministre de l'intérieur de commencer et achever l'étude de la question dans le plus bref délai possible.
M. Dumortier. - Quand il s’agit des monuments de l'antiquité, les hommes de 1830, à quelque côté qu'ils appartiennent, s'unissent pour les défendre, et sous ce rapport, je dois rendre hommage à M. Rogier.
Lorsqu'il était ministre de l'intérieur, en 1833 ou 1834, il défendait déjà avec énergie la conservation des monuments de l'antiquité en disant : Vous faites tous les jours des édifices pour l'industrie, vous ne ferez plus de monuments ; conservez donc ceux que vous avez et qui sont la gloire de la patrie.
Vous le voyez, on peut toujours s'entendre sur les choses auxquelles tous les hommes de cœur portent de l'intérêt. Voyez nos magnifiques cathédrales... (Interruption.)
Oh ! je le sais, vous voudriez faire de l'éclectisme, vous voudriez conserver les monuments qui vous plaisent et abattre ceux qui vous gênent ; eh bien, quelle que soit votre opinion, je dirai que pour moi l'église des Augustins est un des plus beaux spécimens du style Renaissance, et cette église est d'une solidité irréprochable ; sous ce rapport, je dénie d'une façon formelle ce qu'a dit M. Anspach.
M. Orts. - Je demande la parole.
M. Dumortier. - Oh ! je sais bien que vous avez fait faire des expertises par des gens qui voulaient abattre, mais l'Académie est arrivée ; elle a fait une contre-expertise qui a détruit la vôtre.
Vous venez dire que ce monument menace ruine, mais les grands travaux que vous avez faits à proximité n'y ont pas amené la moindre lézarde. (Interruption.)
Je souhaite, M. le bourgmestre, que vous soyez aussi solide sur votre chaise curule que l'est le temple des Augustins sur ses assises.
Il y a dans le monde deux espèces de gens. Les uns n'ont aucun amour pour l'antiquité : ils voudraient tout renverser, tout détruire. Que faut-il à ces gens ? Deux choses : les surfaces planes et les lignes droites. Donnez-leur des lignes droites, donnez-leur des édifices avec des surfaces plates, ils s'extasient devant ces choses plates et ils voudraient faire leur capitale sur ces plans. Ce n'est pas ainsi que les anciens architectes travaillaient. Allez voir les admirables constructions qui entourent le palais de la Nation et le parc. Quel admirable style d'architecture ! Comme le génie de l'architecte a mis de l'harmonie dans toutes les lignes qu'il a tracées ! L'harmonie est telle, qu'il est parvenu à faire disparaître les différences de niveau.
En effet, à l'extrémité de la rue Ducale, vous n'apercevez pas la différence de niveau, qui est considérable. Voyez ces façades, ces moulures, ces frontons ; contemplez la splendeur de tous ces édifices. Mais M. le bourgmestre ferait bon marché de tous ces monuments s’ils devaient contrarier ses idées ou ses plans de boulevards. Quant à nous, messieurs, nous tenons à nos gloires architecturales ; nous voulons conserver à notre capitale les monuments qui l'honorent ; nous avons le même respect pour tous ces anciens et admirables édifices qui couvrent la Belgique.
L'étranger qui entre sur notre territoire voit ainsi que la Belgique n'est pas née d'hier et que nos ancêtres, ces fiers communiers, savaient construire.
Je m'opposerai de toutes mes forces à la démolition du temple des Augustins. Le gouvernement avisera plus tard à ce qu'il doit faire.
La destruction du temple des Augustins serait un acte de vandalisme et une véritable flétrissure pour tout le pays.
M. Rogier. - Je demanderai d'abord à M. le ministre de l'intérieur si la commission des monuments a été consultée et quel avis elle a donné. Cet avis est-il favorable au maintien du monument ?
Des membres : Oui.
M. Anspach. - En condamnant le monument lui-même. (Interruption.)
M. Rogier. - Si M. Orts a des explications à fournir, je lui céderai volontiers la parole.
M. Orts. - A entendre l'honorable M. Dumortier, il semblerait que la ville de Bruxelles n'a d'autres préoccupations que de démolir les monuments anciens qui font son orgueil et qui rappellent son glorieux passé.
Il faut réellement, messieurs, n'avoir jamais jeté un coup d'œil sur un budget quelconque de la ville de Bruxelles depuis que la ville de Bruxelles vote son budget publiquement, pour tenir un pareil langage.
On nous accuse de vouloir démolir les églises, des monuments élevés par les anciens communiers de Bruxelles ; et tout cela à propos du temple des Augustins !
L'honorable M. Dumortier oublie que la ville de Bruxelles consacre, chaque année, à la restauration des monuments religieux importants des sommes considérables. M. Dumortier oublie que la ville de Bruxelles érige des églises nouvelles, des églises monumentales et que l'église Sainte-Catherine, seule, nous coûte à l'heure qu'il est déjà 1,380,000 francs.
La ville de Bruxelles prouve également par les sommes qu'elle affecte, chaque année à la restauration de ces églises qu'elle professe et pratique le respect de ses anciens monuments, et l'honorable M. Dumortier qui a parlé du quartier du Parc, et qui sont, je pense, les choses dont il parle ici, doit savoir alors que la ville de Bruxelles maintient avec la plus grande rigueur le plan de toutes les constructions qui forment cet admirable ensemble du quartier du Parc.
M. Dumortier. - Elle a bien raison.
M. Orts. - Il devait savoir que la ville de Bruxelles ne recule pas même devant des procès pour obtenir justice de propriétaires qui se permettent de modifier quoi que ce soit aux anciens plans de Guimard. Voilà ce que fait l'administration communale de Bruxelles avec l'adhésion unanime de la population, je puis le dire, dans l'intérêt de la conservation de ses anciens monuments. Mais j'entends parler des édifices qui méritent ce nom.
Quant à l'église des Augustins, la ville de Bruxelles n'a plus le moindre intérêt à en réclamer la démolition, au pont de vue des intérêts pécuniaires.
La dépense que cette démolition lui aurait épargnée est faite et l'on démolirait maintenant les Augustins, que la somme ne resterait pas moins dépensée. Mais la ville de Bruxelles a un vif intérêt à ce que cette église, que je ne puis considérer comme un témoignage sérieux de notre antique gloire artistique, soit transformée et devienne, je ne dirai pas un chef-d'œuvre de l'art, elle ne le sera jamais, si on ne la reconstruit point de fond en comble, mais au moins quelque chose qui ne dépare pas la magnifique voie de communication au milieu de laquelle les Augustins se trouvent.
Cette transformation est indispensable non seulement au point de vue (page 482) de l'art, mais aussi au point de vue de la solidité, au point de vue de la sécurité publique.
Ne le perdons pas de vue, lorsqu'on a dit que les Augustins menaçaient ruine, on n'a pas dit que les travaux de la Senne allaient seuls compromettre sa solidité. On a dit qu'indépendamment de l'influence de ces travaux, l'église se démolissait et se démolirait d'elle même.
Dès 1870, le comité des ingénieurs de l'Etat, au ministère des travaux publics, dans la formation duquel la ville de Bruxelles n'exerçait aucune espèce d'intervention, examinant les Augustins en eux-mêmes et indépendamment des travaux qui devaient se faire plus tard autour de cet édifice, disait au mois d'août : « Des pierres se détachent, des lézardes se forment à la façade. »
La commission spéciale des ingénieurs en chef, créée pour l'examen des travaux de la Senne, une commission nommée par le gouvernement, ajoutait :
« Il est nécessaire de reconstruire toute la partie supérieure de la façade : ce travail permettra de décider si la partie inférieure est en assez bon état pour être conservée. »
L'honorable M. Rogier demandait quelle était, quant à la conservation de ce monument, qui s'en allait tout seul dès 1870, avant tous travaux de la Senne dans son voisinage, l'opinion de la Commission des monuments, c'est-à-dire des hommes de l'art les plus spécialement compétents. Voici l'opinion de cette commission :
« Dans son étal actuel, ce n'est pas un monument assez important pour qu'il doive mettre obstacle par sa conservation à l'exécution des travaux dont la ville de Bruxelles poursuit l'achèvement dans le but d'embellir et d'assainir la capitale. »
C'était donc un monument aux yeux de la commission, soit ; mais c'était un monument de médiocre importance pour ces hommes spéciaux.
L'honorable M. Dumortier, lui, semble considérer ce spécimen architectural comme un des merveilleux produits de l'art des grandes époques. L'honorable membre oublie que le temple des Augustins ne remonte pas à l'époque qui nous a donné l'église de Sainte-Gudule et l'hôtel de ville.
Le temple des Augustins a été bâti avec peu de prétentions, avec des prétentions très modestes par des moines Augustins. Un couvent a voulu s'établir dans la rue Fossé-aux-Loups ; ces augustins se virent forcés de mettre beaucoup de modestie dans l'exécution de leur cloître, car ils n'avaient pas le sou. La preuve que les ressources leur manquaient, c'est que la communauté des Augustins fut obligée de demander aux magistrats de Bruxelles la permission de faire des quêtes et des loteries dans la ville de Bruxelles.
Il y a même eu des réclamations assez curieuses à ce sujet ; il parait qua les Augustins n'avaient pas rendu compte au public du produit des quêtes et de l'emploi des fonds recueillis.
A quelle époque maintenant remonte cette construclion ? La première pierre des Augustins a été posée le 5 mai 1620, et l'édifice n'a été achevé complètement que douze ans plus tard, au mois de novembre 1642, donc par un autre que Coeberger qui avait conçu le plan primitif et était mort en 1630. Rien ne démontre même que le plan primitif ait été complètement suivi dans l'exécution.
Voilà quant au mérite artistique du monument. Voilà l'importance qu'il faut lui assigner quant à la date de sa création.
Ce passé explique pourquoi il n'y a qu'une façade et rien de plus. Faisant un couvent dans la rue Fossés-aux-Loups, la communauté des Augustins savait très bien que trois des façades seraient enfermées entre des bâtiments, qu'elles ne seraient jamais vues du public et que la façade de la rue serait la seule que le spectateur aurait à contempler.
Je le répète, la ville de Bruxelles n'a aucun intérêt de travaux publics et de finances à voir démolir le temple des Augustins.
Mais la ville a grand intérêt à ce qu'un des plus beaux emplacements de son sol soit occupé par un véritable monument, par une œuvre remarquable de sculpture, par quelque chose qui ne soit pas indigne d'y figurer, et l’église des Augustins ne deviendra digne de cet honneur que si l'on en fait un monument complet, si l'on substitue à une façade unique et médiocre quatre façades dignes d'être exposées a l'œil du spectateur. Si M. le ministre de l'intérieur et M. le ministre des travaux publics veulent accomplir cette grande œuvre, ils doteront la ville de Bruxelles d'un monument véritable et alors, au lieu de provoquer une démolition, nous nous joindrons à l'honorable M. Dumortier pour remercier le gouvernement du cadeau qu'il' aura fait à la capitale.
M. Rogier. - Je vois avec plaisir que, quant au principe, nous sommes d'accord avec MM. les représentants de Bruxelles. S'il n'a pas été résolu de faire table rase de toute espèce de monument qui vienne interrompre cette monotonie d'un parcours immense, nous sommes d'accord. D'après l'honorable M. Orts, si l'église est condamnée à disparaître, elle devra être remplacée par un autre monument.
J'ai commencé par m'élever contre cette espèce d'usage qui consiste à ouvrir dans certaines villes de longues rues interminables, sans arrêter la vue par aucune espèce de perspective.
Je n'ai pas dit que j'étais à l'état d'admiration devant le temple des Augustins, j'ai dit seulement que la façade qui regarde la station du Midi présente à l'œil un aspect très agréable. C'est ce que chacun de nous peut vérifier.
Maintenant on nous dit que ce monument ne peut plus tenir, qu'il menace de s'écrouler, que la façade elle-même, que je tiens pour belle, que cette façade ne présente aucune garantie de solidité.
Je n'en sais rien et c'est au gouvernement de nous éclairer à cet égard, mais je dis que si l'église peut être maintenue, je le désire.
Je trouve, si je puis le dire, dans ce nouveau quartier de Bruxelles, comme un résumé, un tableau synoptique de notre civilisation ancienne et moderne.
La grande voie et le grand boulevard étant donnés, je vois, aux deux extrémités, deux stations de ce chemin de fer qui est une des institutions primordiales de la Belgique moderne.
En sortant de la station du Nord, je vois à ma droite un théâtre et plus loin, vis-à-vis de moi, une église.
Le théâtre peut avoir de l'agrément pour beaucoup de monde, l'église a des satisfactions pour plus de monde encore.
Après l'église, je rencontre un autre monument moderne, la Bourse, qui a aussi son aurait pour beaucoup de personnes qui n'y trouvent pas toujours leur compte.
Je vois plus loin un grand monument qui est comme le symbole glorieux de notre histoire nationale : l'hôtel de ville, à la restauration duquel l'administration de Bruxelles a consacré beaucoup de soins et d'argent : ce qui l'honore. (Interruption : L'Alhambra !)
Je ne compte pas comme monument le grand local qu'on a décoré du titre d'Alhambra national, deux mots qui, semble-t-il, jurent un peu d'être ensemble. Mais va pour l'Alhambra.
Nous sommes restés auprès du glorieux hôtel de ville de Bruxelles. Je veux en demeurer là. (Interruption : Les hôpitaux, les couvents.)
Je ne parle pas des hôpitaux, des couvents ; s'il y avait un couvent historique, monumental, je ne voudrais pas le voir démolir.
M. Anspach. - Ni moi non plus.
M. Rogier. - Je ne vous en accuse pas.
Maintenant je demande à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien nous dire ce qu'il compte faire du temple des Augustins, s'il se propose de classer simplement cette affaire parmi toutes celles dont il nous a annoncé qu'il ferait l'examen.
L'affaire est urgente. Le monument tombe, dit-on, en ruine. S'il est condamné pour faiblesse irrémédiable de constitution, qu'on le démolisse au plus tôt. Mais s'il y a moyen, comme j'aime à le croire, d'en tirer parti, je recommande à M. le ministre de l'intérieur d'y avoir recours au plus tôt ; sinon, de remplacer le monument par un équivalent.
MiD. - Je répondrai à l'honorable M. Rogier que, dans la pensée du gouvernement, le temple des Augustins n'est point condamné. Ce monument sera maintenu, mais il est impossible de dire dans quelles conditions.
Il faut, avant tout, qu'on sache s'il appartient à l'Etat. Lorsque la question de propriété aura été décidée, s'il est reconnu que le temple des Augustins appartient à l'Etat, c'est alors seulement que le gouvernement aura à rechercher les travaux qui pourraient y être faits. A présent, toute discussion sur cet objet serait prématurée.
- Le paragraphe est adopté.
« Art. 123. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la restauration des monuments ; subsides pour la restauration et la conservation des objets d'art et d'archéologie appartenant aux administrations publiques, aux églises, etc. ; travaux d'entretien aux propriétés de l'Etat qui ont un intérêt exclusivement historique : fr. 56,000. »
- Adopté.
« Art. 124. Commission royale des monuments. Personnel. Jetons de présence des membres de cette commission ; frais de voyage des membres, du secrétaire (page 483) et de deux dessinateurs ; bibliothèque, mobilier, chauffage, impressions, frais de bureau, achat d'instruments ; compte rendu des séances générales, indemnités des sténographes et frais de publication : fr. 28,700. »
- Adopté.
« Art. 125. Frais de route et de séjour des trois commissaires de l'Académie royale de Belgique adjoints à la commission royale des arts et des monuments et des membres correspondants de cette commission : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 126. Rédaction et publication du bulletin des commissions d'art et d'archéologie : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 127. Exposition générale des beaux-arts en 1872 ; charge extraordinaire : fr. 40,000. »
- Adopté.
M. Vleminckx. - Il est fâcheux, pour la discussion de ce chapitre, que nous nous trouvions à la fin du budget. Je ne serai donc pas long ; je comprends que la Chambre soit désireuse d'en finir.
On s'est plaint hier que des documents s'égarassent au département de l'intérieur.
Je reproche aujourd'hui à ce même département de ne pas exécuter les règlements, les circulaires et les instructions qu'il rédige et arrête lui-même.
Il y a plusieurs années, un ministre de l'intérieur, M. De Decker, avait réglé de la manière la plus convenable l'inspection des établissements insalubres.
J'ai ici sous les yeux son arrêté d'organisation ; il est du 3 septembre 1855 ; or, cet arrêté a cessé complètement d'être exécuté aujourd'hui, quoiqu'on ne fait jamais rapporté.
Il importe que vous le connaissiez, pour que vous compreniez mieux l'importance que j'y attache.
- Des membres. - Analysez-le seulement.
M. Vleminckx. - Soit, j'abrégerai autant que je le pourrai.
Je me bornerai donc à en lire les considérant seulement.
« Le ministre de l'intérieur,
« Vu l'arrêté royal du 12 novembre 1849, sur la police des établissements dangereux, insalubres ou incommodes ;
« Considérant que pour atteindre le but dudit arrêté, il est indispensable que les établissements industriels auxquels s'appliquent les dispositions qu'il consacre soient soumis à une surveillance administrative active et permanente ;
« Considérant que cette surveillance, telle qu'elle est actuellement organisée, ne donne que des garanties insuffisantes ; « Arrête, etc. »
Vient ensuite le dispositif nommant quatre inspecteurs, et chacun d'eux reçoit ensuite des attributions spéciales.
De ces quatre inspecteurs, il n'en reste plus qu'un seul.
Donc, de la façon dont elle est aujourd'hui organisée, cette inspection, déclarée par M. De Decker comme indispensable, doit être considérée comme n'existant plus ou comme complètement insuffisante.
Oh ! je sais bien ce qu'on me répondra.
On me dira qu'il y a toujours des inspections. Je ne l'ignore pas, mais ce ne sont pas la les inspections que M. De Decker a entendu organiser. Il voulait, lui, avec raison, des inspecteurs permanents, allant s'assurer de temps à autre si les conditions qui avaient été mises à la concession des octrois étaient fidèlement observées. Il faut des inspections pour prévenir les plaintes bien plus que pour en constater le bien-fondé.
L'honorable M. Delcour n'a pas créé cette situation ; il la subit. D'autres que lui ont laissé aller les choses trop loin et notamment l'honorable M. Kervyn, qui, l'an dernier encore, a fait rayer du budget de l'intérieur les derniers 5,000 francs qui y étaient portés pour un traitement d'inspecteur.
J'espère que ma réclamation ne restera pas sans effet. Je passe à d'autres points.
L'an dernier, je demandais à l'honorable M. Kervyn pourquoi son département cessait la publication des résumés des rapports des commissions médicales provinciales, résumés qui présentent un haut degré d'intérêt pour ceux qui s'occupent de la santé publique ; je lui disais que le dernier résumé datait de 1868 et que nous attendions celui de 1869. Il nous promit bien qu'on allait s'en occuper. Nous sommes en 1872, et nous n'avons pas encore le rapport de 1868. Je doute même qu'on s'en soit déjà occupé. Je signale le fait à l'honorable M. Delcour, en ajoutant que ces travaux sont prescrits par une circulaire de l'honorable M. Rogier, circulaire très bien faite et montrant suffisamment le cas que faisait ce ministre des rapports des commissions médicales.
Autre fait, messieurs. L'honorable M. Vandenpeereboom avait obtenu naguère un crédit considérable pour faire face à une enquête hygiénique à l'occasion du choléra de 1866.
Les commissions médicales ont procédé à cette enquête et transmis leurs rapports au département de l'intérieur ; il en est même parmi eux qui sont très remarquables. J'ai demandé, l'an dernier, à l'honorable M. Kervyn de vouloir bien faire faire un résumé de ces rapports ou plutôt un rapport général. Eh bien, savez-vous ce qu'il a fait ?
L'honorable M. Kervyn a jugé plus commode d'envoyer tous ces documents à l'Académie, en l'invitant à faire le travail résumé que je réclamais. L'Académie a répondu, non sans raison, qu'elle ne s'en occuperait pas qu'elle n'avait pas à s'en occuper, et qu'elle n'entendait pas faire la besogne des bureaux du département de l'intérieur.
Les choses en sont là. Les vingt kilogrammes de papier que l'Académie avait reçus ont été renvoyés à qui de droit.
Eh bien, je demande à M. Delcour de ne pas laisser stériles les fonds que l'honorable M. Vandenpeereboom nous a fait voter. Je demande qu'on nous produise enfin ce grand rapport hygiénique que nous attendons avec impatience.
Je demande qu'il soif fait par les soins du département de l'intérieur, et j'ajoute qu'il y a des fonds disponibles pour cela.
J'aurais encore beaucoup d'autres observations à présenter, mais la Chambre est impatiente d'en finir et le temps presse. Je ne terminerai pas toutefois sans demander à M. le ministre si la somme proposée au chapitre que nous discutons est suffisante pour tous les objets qui y sont libellés.
Il me semble impossible que le conseil supérieur d'hygiène remplisse tous les devoirs qui lui incombent avec le budget économique très modique qui lui est attribué.
S'il en était ainsi, je prierais M. le ministre de proposer une allocation plus en rapport avec les obligations qui incombent au collège dont je viens de parler.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - J'aurai l'honneur de répondre à l'honorable M. Vleminckx que les crédits demandés au chapitre en discussion sont reconnus suffisants pour faire face à tous les besoins ; je m'en suis informé il y a quelques jours encore.
Il est vrai que la production du rapport sur l'enquête dont parle l'honorable M. Vleminckx est en retard.
Il s'agit d'un travail très considérable. Le dossier en a été renvoyé à l'Académie de médecine, mais celle-ci n'a pu s'en occuper.
Il y a là, comme l'a dit l'honorable président de l'Académie, des choses extrêmement intéressantes au point de vue de la science médicale.
Je ne perdrai pas cet objet de vue et je me propose bien de faire publier le plus tôt possible le rapport en question.
« Art. 128. Inspection des établissements dangereux, insalubres ou incommodes projetés ou en exploitation ; personnel ; frais de route et de séjour, dépenses diverses et travaux relatifs à cette inspection ; frais des commissions médicales provinciales ; service sanitaire des ports de mer et des côtes ; subsides en cas d'épidémies ; encouragements à la vaccine ; institut vaccinal de l'Etat ; subsides aux sage-femmes pendant et après leurs études : 1° pour les aider à s'établir ; 2° pour les indemniser des soins de leur art qu'elles donnent aux femmes indigentes ; récompenses pour services rendus pendant les épidémies ; publications relatives aux sciences médicales ; subsides, souscriptions et achat de livres, impressions et dépenses diverses. Conseil supérieur d'hygiène publique ; jetons de présence, frais de route et de séjour, frais de bureau et frais de publication des travaux du conseil : fr. 103,200. »
M. d'Hane-Steenhuyse. - Messieurs, je ne dirai que deux mots pour recommander l'étude d'une question intéressante à M. le ministre de l'intérieur.
Depuis plusieurs années, j'ai eu l'honneur d'appeler la sérieuse attention du gouvernement sur la nécessité d'établir un lazaret vers l'embouchure de l'Escaut.
Jusqu'à présent, le gouvernement a répondu qu'il n'avait pas à (page 484) intervenir et que la ville d'Anvers, si elle voulait un établissement de ce genre, devait établir un lazaret à ses frais.
Je soumets cette importante question à M. le ministre de l'intérieur parce que la situation où se trouvent les ports de mer par leurs relations incessantes avec l'étranger constitue, en temps d'épidémie, un véritable danger pour tout le pays ; c'est donc à celui-ci de veiller à sa sécurité, sous ce rapport, et j'engage vivement M. le ministre de l'intérieur à prendre connaissance du dossier de cette affaire qui intéresse la Belgique tout entière.
M. Van Overloop. - Messieurs, il ne serait pas juste que dans l'intérêt de la ville d'Anvers, on plaçât le lazaret dans le pays de Waes. C'est ce que j'ai déjà fait remarquer, il y a quelques années.
« Art. 129. Académie royale de médecine : fr. 27,140. »
- Adopté.
« Art. 130. Traitement du commissaire du gouvernement près la société concessionnaire des jeux de Spa : fr. 7,000. »
- Adopté..
« Art. 131. Traitements temporaires de disponibilité ; charge extraordinaire : fr. 24,000.
« (Une somme de 8,000 francs pourra être transférée de l'article 131 à l'article 2, personnel.) »
- Adopté.
« Art. 132. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 5,900. »
M. Funck. - (Interruption.) Rassurez-vous, messieurs, je n'en ai pas pour longtemps. Je n'ai certes pas l'intention de combat le le crédit si utile des dépenses imprévues. C'est à l'occasion de ce crédit que je veux adresser à M. le ministre de l'intérieur une observation qui concerne la publication de son budget.
Dans une de nos dernières séances, l'honorable M. Delcour nous invitait à exécuter strictement la loi de 1842, en transmettant tous les ans à la députation permanente du conseil provincial du Brabant les noms, prénoms et domiciles des 9,000 enfants pauvres qui reçoivent annuellement l'instruction gratuite dans nos écoles. Nous avons promis à M. le ministre de l'intérieur de déférer à son désir.
Qu'il me permette de lui demander à mon tour que le gouvernement suive ce bon exemple.
L'article 23 de la loi de 1842 oblige le gouvernement « à annexer, chaque année, à la proposition du budget de l'intérieur, un état détaillé de l'emploi des fonds alloués pour l'instruction primaire, pendant l’année précédente, tant par l'Etat que par les provinces et par les communes. »
Cette publication, prescrite par un texte formel de loi, ne se fait pas. Je recommande l'exécution de la disposition précitée au gouvernement, et je le prie, à mon tour, de joindre au prochain budget l'état détaillé dont il est parlé ci-dessus, conformément à l'article 23 de la loi de 1842. Cela sera pour le moins aussi utile que la copie de la liste des 9,000 noms à transmettre à la députation permanente.
- Le chiffre de l'article est adopté.
M. le président. - La Chambre a terminé l'examen des articles du budget ; entend-elle procéder immédiatement an second vote des amendements ?
- Voix nombreuses. - Oui ! ouï !
- Les amendements apportés aux articles 40, 61 et 68 sont définitivement adoptés.
M. le président. - A l'article 76, « Bourses. Matériel des universités », la Chambre a porté le chiffre des charges extraordinaires de 2,100 francs à 3,400.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, une légère erreur a été commise. On a porté l'augmentation à 1,000 francs. Il s'agit des travaux de conservation pour la collection Schmerling. C'est une augmentation de 2,000 franc s qui est nécessaire.
Le chiffre doit donc être porté à 4,400 francs.
- Le chiffre de 4,400 francs est adopté.
Les autres amendements apportés au budget sont définitivement adoptés.
L'article unique du budget est ainsi conçu :
« Le budget du ministère de l'intérieur est fixé, pour l'exercice 1872, à la somme de quatorze millions trois cent soixante-deux mille sept cent soixante-dix francs (fr. 14,362,770), conformément au tableau ci-annexé. »
L'article unique du projet de loi est mis aux voix par appel nominal.
87 membres sont présents.
76 adoptent.
5 rejettent.
6 s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Ont voté l'adoption :
MM. Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse,. Drion, Dumortier, Frère-Orban, Funck, Hayez, Hermant, Jacobs, Jamar, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Moncheur, Muller, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Puissant, Rembry, Rogier, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen,. Vermeire, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Biebuyck, Boucquéau, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Cruyt, de Baets, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Macar, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, Descamps, de Smet, de Theux et Thibaut.
Ont voté le rejet :
MM. Guillery, Bergé, Dansaert, David et Demeur.
Se sont abstenus :
MM. Elias, Hagemans, Jottrand, Couvreur, de Lexhy et de Rossius.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Elias. - Messieurs, je n'ai pas voulu voter contre le budget, parce que j'espère que l'honorable M. Delcour rétablira l'ordre dans son administration ; je n'ai pas voulu voter pour, notamment parce que M. le ministre de l'intérieur s'est refusé à introduire au chapitre de l'instruction moyenne un crédit pour l'enseignement moyen des filles.
M. Hagemans. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.
M. Jottrand. - Je me suis abstenu parce que l'attitude de M. le ministre de l'intérieur sur la question des droits et de l'indépendance des instituteurs et des membres du corps enseignant ne m'a pas paru satisfaisante. Cependant comme il n'a pas encore posé d'actes et que j'espère le voir revenir à de meilleurs sentiments, je n'ai pas voulu voter contre son budget.
M. de Lexhy. - Je n'ai pas voulu voter contre le budget, parce que j'en approuve la plupart des allocations ; mais je n'ai pas voulu voter pour, parce que je ne saurais approuver les doctrines professées par M. le ministre de l'intérieur en matière d'enseignement.
. M. de Rossius. - Je me suis abstenu pour les motifs qu'ont énoncés les honorables MM. Elias et de Lexhy.
M. Couvreur. - Je me suis abstenu pour les divers motifs que les orateurs viennent de développer.
La discussion générale est ouverte.
M. Vleminckx. - Messieurs, vous avez pu constater, en lisant le rapport de la section centrale, que quelques-uns de ses membres ont exprimé l'opinion que les ressources à fournir par les communes pour l'enseignement primaire pourraient être fixées par la loi.
D'un autre côté, l'honorable ministre de l'intérieur nous a dit, dans une séance précédente, que l'appréciation des ressources était une question de fait et nous avons applaudi à ce langage. Mais il y a une contradiction entre cette opinion émise par l'honorable ministre et la déclaration formelle qu'il a faite à la section centrale, de faire observer, en 1872, les prescriptions de son prédécesseur, M. Kervyn.
Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur si, en présence de la déclaration qu'il a faite avant-hier, il ne serait pas disposé à abandonner tout de suite le système admis en 1870 par son prédécesseur.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Dans la réponse donnée à la section centrale, voici en quels termes je me suis exprimé en parlant de la circulaire du 11 décembre 1870 de mon honorable prédécesseur :
« Cette circulaire devait recevoir, dans toutes les provinces, son application à partir de l'année 1871, mais sur les instances des provinces (page 485) elles-mêmes, cette application a été ajournée à l'exercice 1872, sauf pour le Hainaut, qui, à sa demande, a été autorisé à régler, dès 1871, les budgets communaux d'après la circulaire précitée. »
Cette réponse, messieurs, n'infirme, sous aucun rapport, la déclaration que j'ai faite à la Chambre dans le cours de la discussion du budget de l'intérieur.
J'ai dit, messieurs, que pour apprécier les besoins des communes, qui réclament un secours de l'Etat, il faut tenir compte de leur situation réelle. C'est une question de fait pour la solution de laquelle il faut rechercher si la commune affecte à l'instruction primaire une somme en rapport avec sa situation financière et l'importance du grand intérêt social qui s'attache à l'instruction du peuple. Là est le principe. Il n'y a, messieurs, aucune contradiction entre cette déclaration et ma réponse à la section centrale. Si l'honorable M. Vleminckx veut y réfléchir un instant, il en sera convaincu.
M. Vleminckx. - Je constate donc que si les circulaires de M. Kervyn sont appliquées en 1872, elles ne le seront qu'à titre d'essai seulement.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Le budget du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1871, fixé par la loi du 24 mai 1871, Moniteur n°145, est augmenté de la somme de quatre cent un mille quatre cent soixante-sept francs quarante-cinq centimes (401,467 fr. 45 c.) destinée à subvenir aux besoins du service de l'enseignement primaire.
« Cette somme doit être ajoutée à l'article 99 du budget de 1871. »
- Adopté.
« Art. 2. Le crédit susmentionné sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »
- Adopté.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 75 membres présents.
Ce sont :
MM. Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jamar, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Muller, Notelteirs, Orts, Pety de Thozée, Puissant, Rembry, Rogier, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Boucquéau, Bouvier-Evenepoel, Couvreur, Cruyt, Dansaert, David, de Baets, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Liedekerke, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux et Thibaut.
- Le projet de loi sera transmis au Sénat.
M. le président. - En vertu de la décision prise hier, la Chambre s'ajourne au mardi 20 février, à 2 heures.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.