Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 8 février 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 439) M. Wouters fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Hagemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les conseillers communaux et des habitants de Sauvenière demandent l'établissement dans cette commune d'une station sur le chemin de fer de Tamines-Landen. »

« Même demande d'habitants de Lonzée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Hubert prie la Chambre d'ouvrir une enquête sur les causes qui ont déterminé la grève des ouvriers dans le bassin de Charleroi et sur les faits qui se sont produits par des arrestations d'ouvriers et appelle son attention sur la conduite des exploitants de mines à l'égard des grévistes. »

- Même renvoi.


« Le sieur Goffeau prie la Chambre de voter le crédit nécessaire pour l'achèvement dû parc Léopold à Laeken. ».

- Même renvoi.


« M. Crombez, rappelé à Tournai par un nouveau deuil de famille, demande un congé. »

- Accordé.

« M. Orts, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Vleminckx. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi de crédit supplémentaire de 401,467 francs à l'article 99 du budget de l'intérieur pour l'exercice 1871.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Ce projet de loi a un rapport intime avec le budget de l'intérieur. Il serait donc utile, je pense, de le mettre à l'ordre du jour après le vote de ce budget.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi accordant un crédit spécial au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Verbrugghen. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi allouant au département des travaux publics un crédit spécial de 300,000 francs, pour l'extension des lignes et appareils télégraphiques.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. Il sera statué ultérieurement sur sa mise à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1872

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVII. Enseignement primaire

M. le président. - Nous reprenons la discussion du chapitre XVII, Enseignement primaire.

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, nous avons vu, dans la discussion de ces derniers jours, se révéler des tendances de plus en plus exclusives pour le développement de l'intervention de l'Etat dans l'instruction publique, et l'honorable M. Bergé nous a donné le programme futur de cet enseignement.

Nous pouvons aisément nous expliquer les plaintes qu'on élève contre la loi de 1842 et la sympathie qu'on a manifestée pour la loi de 1850, par ce seul fait que, d'une part, l'enseignement religieux est sincèrement et efficacement organisé, et que, d'autre part, il n'est malheureusement aujourd'hui qu'une lettre morte.

Messieurs, lorsque j'examine la situation de l'enseignement moyen, il faut bien constater que, depuis un grand nombre d'années, il se trouve arrêté dans son extension et dans ses progrès, précisément parce que dans l'enseignement moyen, l'instruction religieuse fait défaut, et on ne saurait l'oublier, c'est la base de la confiance des familles. (Interruption.)

Quelle est la situation établie par les documents officiels ? C'est que de 1860 à 1869 le nombre des élèves fréquentant les écoles moyennes dé l'Etat ne s'est accru que de 274, et que le nombre des élèves des écoles primaires s'est élevé, dans la même période, de 90,000. La différence provient de ce que, dans les écoles primaires, la loi de 1842 est sérieusement exécutée.

A coup sûr, le chiffre que je viens de citer révèle, pour les écoles primaires, de notables progrès.

Si j'ai demandé la parole dans la séance d'hier, c'est surtout pour répondre à l'opinion de quelques honorables préopinants qui ont voulu présenter la situation de l'enseignement primaire sous un jour complètement défavorable.

Je me félicite, messieurs, d'apporter ici des renseignements précis, officiels, incontestables, qui démontreront que la situation de l'enseignement primaire en Belgique est aussi satisfaisante que chez aucun autre peuple de l'Europe.

J'avais pris, messieurs, dans le cours de la dernière session, l'engagement de faire une enquête sérieuse sur cette matière qui nous préoccupe tous si légitimement. J'avais la conviction que les statistiques insérées dans les recensements officiels ne reproduisaient pas les choses sous un aspect vrai et réel.

J'ai donc cru devoir inviter, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, les inspecteurs provinciaux, chacun en ce qui regardait son ressort, à procéder à une enquête entourée de toutes les garanties qu'on peut en attendre. Ce travail, messieurs, je l'ai ici sous les yeux ; je demanderai à la Chambre la permission de le faire insérer aux Annales. [Tableau inséré aux pages 449 et 450 des Annales parlementaires et non repris dans la présente version numérisée].

Mais, dès ce moment, je tiens à constater que les renseignements émanés de ces sources que je viens d'indiquer à la Chambre, présentent la (page 440) situation de l'enseignement primaire sous un jour bien plus favorable que les statistiques qu'on a invoquées à diverses reprises.

Ainsi, dans la province de Namur, les statistiques indiquaient le chiffre de 13 p. c. (La Chambre doit se souvenir qu'on a toujours considéré le chiffre de 15 p. c. comme indiquant une situation complètement satisfaisante, c'est-à-dire comme représentant l'enseignement étendu à tous les enfants qui sont en âge d'école.)

Eh bien, messieurs, pour la province de Namur, au lieu de ce chiffre de 13 p. c. indiqué par les statistiques que nous connaissons, le rapport de l'inspecteur provincial indique le chiffre de 15 p. c, c'est-à dire le maximum auquel on doit atteindre. Pour la province d'Anvers, les recherches auxquelles on s'est livré, ont élevé le chiffre de 11.08 à 12.20 ; pour le Brabant, de 11.03 à 12.22 ; pour la province de Liège, de 11,04 à 12.11 ; enfin pour tout le royaume, au lieu de 11.04, nous trouvons 12.22.

Et, comme le faisait remarquer hier l'honorable M. Pirmez, si l'on veut bien se souvenir qu'il faut ajouter à ce chiffre celui des enfants qui fréquentent certaines écoles, les écoles qui relèvent du budget de la justice, les écoles qui sont jointes à certains enseignements industriels et à certains ateliers d'apprentissage ; si l'on veut bien se souvenir, d'autre part, qu'il y a des jeunes gens qui naviguent et qui sont éloignés de leur pays, qu'il y en a d'autres qui ont recours à l'enseignement privé ; d'autres encore qui, par des motifs différents, ne peuvent pas fréquenter l'enseignement primaire, on trouve à coup sûr une situation réellement satisfaisante.

Les chiffres que j'ai sous les yeux, constatent que dans les écoles primaires il y avait 611,000 élèves à la date du 31 décembre 1870.

A ces 611,000 enfants, ajoutez-en 7,000 qui se trouvent dans les sections préparatoires, 6,500 compris dans les écoles qui relèvent du budget de la justice, 27,000 qui fréquentent les ateliers d'apprentissage, 18,000 que l'on rencontre dans les écoles d'adultes : vous arrivez déjà au chiffre de 670,000 sur 750,000, et j'omets d'autres catégories que j'indiquais tout à l'heure.

C'est donc un total constaté déjà de 81 p. c, et voici quelques chiffres qui résument éloquemment les progrès que nous avons réalisés :

En 1848, on compte dans l'enseignement primaire 451,000 élèves ; en 1860, on en trouve 515,000 ; en 1806, 544,000 ; en 1870, 611,000.

C'est-à-dire qu'en dix ans, près de 100,0,0 nouveaux élèves sont entrés dans les écoles primaires, et dans le terme des quatre dernières années qui viennent de s'écouler, on constate une augmentation qui n'est pas moindre de 67,000.

Voilà, messieurs, des chiffres qui sont de nature à rassurer ceux qui s'inquiètent de la situation de l'enseignement primaire et ceux qui n'y trouvent de remède que dans l'obligation d'un enseignement imposé par l'Etat.

Messieurs, dans la dernière session, j'ai eu l'honneur de faire connaître à la Chambre qu'il existe en Belgique un grand nombre de communes où il n'y a plus un seul enfant qui ne sache ni lire ni écrire, et j'ai cru que c'était un devoir pour le gouvernement d'inscrire les noms de ces communes dans les Annales parlementaires, afin que ce fût un titre d'honneur et pour les administrations communales et pour les instituteurs qui sont arrivés à ce résultat.

Dans ces derniers temps, l'inspecteur provincial d'une de nos provinces, je veux parler du Limbourg, a cru devoir procéder à une enquête à peu près complète.

La population du Limbourg est de 195,000 ; par conséquent la population en âge d'école, à raison de 15 p. c, comprend 29,000 enfants. L'enquête faite par M. l'inspecteur provincial s'est étendue à 25,616 enfants, et sur ce chiffre considérable, il a constaté que 24,955 savaient lire et écrire, et qu'il n'y en avait que 661 qui fussent tout à fait ignorants.

Voilà, messieurs, des chiffres que l'on peut opposer à tous ceux qui, hors de nos frontières, tournent leurs regards vers la Belgique et qui nous interrogent sur la situation de l'instruction primaire dans nos provinces.

Nous avons le droit d'affirmer aujourd'hui qu'il n'est aucune nation en Europe où l'instruction primaire soit plus développée que chez nous. (Interruption.)

Je livre, messieurs, ces chiffres à l'appréciation de la Chambre : c'est le meilleur moyen d'éclairer la discussion et de s'abstenir de toute exagération.

Sans doute, messieurs, il reste quelque chose à faire, à deux points différents, au point de vue de l'instituteur et au point de vue de la création des maisons d'école.

La position des instituteurs n'est pas aujourd'hui ce qu'elle devrait être. Il y en a qui entrent dans une école, qui y passent toute leur vie et qui, après y avoir rendu de grands services, n'arrivent jamais à une position meilleure que celle qui a marqué leurs premiers pas dans cette carrière.

Il appartient au gouvernement de rechercher comment on peut d'une manière régulière améliorer la position des instituteurs en tenant compte soit des succès obtenus à l'école normale, soit de l'importance de l'enseignement, soit de la durée des services rendus.

J'appelle sur ce point l'attention de mon honorable successeur au département de l'intérieur.

Je pense aussi que la Chambre a un devoir à remplir, c'est de s'occuper le plus tôt possible du projet de loi que j'ai eu l'honneur de déposer relativement à la position de retraite des instituteurs.

Je pense qu'il y a autre chose encore à faire pour les instituteurs. Ainsi, qui de nous ne serait heureux de voir assurer un asile à quelques-uns de ces instituteurs brisés par l'âge ? Je souhaiterais qu'à Spa, par exemple, on consacrât à nos vétérans du corps des instituteurs, l'une des nombreuses fondations de bienfaisance qui s'y sont élevées.

Je voudrais aussi qu'à Messines, tout à côté de l'établissement créé pour les filles de nos soldats, il y en eût un autre pour les filles de nos instituteurs. Je voudrais qu'à Messines (et c'est un vœu déjà exprimé par l'honorable M. Vandenpeereboom) il y eût une école normale où les filles de nos instituteurs seraient placées, aussi bien que les filles de nos soldats, et où il leur serait permis de se préparer ensemble à une carrière plus honorable que celle qui leur est réservée aujourd'hui, à la carrière de l’enseignement.

Messieurs, il y a également beaucoup à faire pour les maisons d'école. Il y a une foule de localités où les enfants manquent d'air à l'école et où les conditions hygiéniques sont complètement négligées. Dans d'autres localités, les enfants sont obligés de franchir de grandes distances pour pouvoir arriver à l'école primaire. Pour parer à ces obstacles, il y a lieu ou d'agrandir ou de multiplier les écoles.

Messieurs, ce sont là des considérations qui s'imposent à toute l'attention du gouvernement. Mais pour atteindre le but, il faut le concours de tous et principalement le concours des communes.

Je ne rappellerai pas à la Chambre que la loi de 1842 porte en termes exprès que les dépenses de l'instruction primaire sont à la charge des communes. Cette règle a été souvent proclamée, mais souvent aussi elle a été perdue de vue.

Si l'on remonte aux années les plus voisines de la loi de 1842, on remarque qu'alors la règle était sévèrement appliquée.

Ainsi, en 1845, les communes contribuaient aux dépenses de l'enseignement primaire pour 943,000 francs, et l'Etat seulement pour 195,000 francs ; en 1846, la part des communes était de 959,000 francs et celle de l'Etat n'était que de 311,000 francs, c'est-à-dire que la part de l'Etat, comparée à celle des communes, était alors dans la proportion du tiers et du quart. Or, voyez, messieurs, comme les choses se sont modifiées. En 1869, les communes n'interviennent plus que pour 2,934,000 francs ; la part de l'Etat est de 3,327,000 francs, c'est-à-dire que la part de l'Etat dépasse de près de 400,000 francs la part imposée aux communes. Et croyez-vous, messieurs, qu'à mesure que les ressources des communes se développent, à mesure que le fonds communal met à leur disposition des sommes plus importantes, elles prennent une part plus considérable au mouvement de l'instruction primaire et notamment à la construction de maisons d'école, que j'indiquais tout à l'heure comme une des mesures les plus efficaces et les plus urgentes ? Il n'en est rien.

En 1867, les communes reçoivent du fonds communal 17,925,000 fr. et ne contribuent dans la construction des maisons d'école que pour 1,649,000 francs, et lorsque, deux ans après, les ressources du fonds communal s'élèvent à 18,600,000 francs, au lieu de voir la part d'intervention communale s'élever, nous la voyons descendre à 1,310,000 francs.

Il y a là, messieurs, une situation fâcheuse, qui retarde les progrès de l'instruction primaire et qui, dans tous les temps, a fixé l'attention de la législature et des membres du gouvernement. Je rappellerai volontiers ici une discussion de 1864 ; j'en ai les termes sous les yeux.

M. Vandenpeereboom repoussait énergiquement cette théorie, que j'ai retrouvée hier dans le discours de M. Funec, que lorsque la commune intervenait pour deux centimes additionnels, quelles que fussent ses ressources, elle avait rempli toutes ses obligations.

L'honorable M. Vandenpeereboom, d'accord, en ce point, avec tous les ministres prétendait qu'il fallait, avant tout, tenir compte des ressources de la commune ; et il déclarait en même temps qu'il y avait un problème à résoudre, c'était de trouver des règles fixes et invariables d'après lesquelles on prescrirait aux communes quelle est l'étendue de leurs obligations. Cette situation qui a frappé tous les ministres, qui a donné lieu à je ne sais (page 441) combien de circulaires et d'instructions n'était pas rendue lorsque j'ai eu l'honneur d'entrer au département de l'intérieur.

Ma circulaire du 11 décembre 1870 qui a été attaquée hier, comme elle l'avait déjà été l'année dernière, n'était qu'un sérieux essai, qu'une louable tentative pour mettre fin à un état de désordre, en traçant des règles invariables et fixes destinées à déterminer la part d'intervention de l'Etat et des communes.

Pour mon compte, messieurs, je la revendique à ce titre comme un acte non pas définitif et parfait - vous l'apprécierez, messieurs, selon vos différentes opinions - mais comme une mesure indispensable et comme un effort utile pour arriver à une situation régulière qui était impérieusement réclamée au nom de tous les besoins reconnus.

Que d'ailleurs l'on ne considère pas cette circulaire comme l'œuvre exclusive du ministre. Que l'on veuille bien se souvenir que les bases en ont été arrêtées sur l'avis unanime des inspecteurs provinciaux et que l'on veuille bien aussi considérer que, dans la seule province où elle ait été appliquée jusqu'à ce jour, on a pu en constater les heureux résultats.

Messieurs, la Chambre comprendra aisément que cette circulaire ayant été attaquée de nouveau dans la séance d'hier, il m'importe de continuer à la justifier devant cette assemblée.

Dans quelle province, messieurs, cette circulaire a-t-elle été appliquée ? Est-ce dans une province où le ministère du 2 juillet comptait des amis politiques dévoués ? Assurément non, messieurs ; mais il n'a pas eu à se plaindre ; car il a eu devant lui une administration sage et éclairée qui laisse les questions politiques de côté quand il s'agit du grand intérêt de l'instruction publique.

Aussi, messieurs, je me félicite vivement de l'accueil que la députation permanente du Hainaut n'a cessé de faire à la circulaire du 11 décembre 1870.

Voici, messieurs, en quels termes la députation permanente du Hainaut en demandait l'application immédiate.

M. Sainctelette. - Y a-t-il eu une résolution de la députation permanente ou bien est-ce une simple lettre du gouverneur ?

M. Kervyn de Lettenhove. - C'est une lettre écrite par le gouverneur, au nom de la députation permanente. (Interruption.)

Voici comment elle s'exprime :

« Monsieur le ministre,

« Je n'ai pas manqué de communiquer à la députation permanente votre circulaire du 7 de ce mois (Instruction publique, 3246 N) qui ajourne à l'exercice de 1872 l'exécution de l'instruction ministérielle du 11 décembre précédent, concernant les bases qui doivent servir, désormais, à fixer la quote-part d'intervention des communes dans les frais du service ordinaire de l'enseignement primaire.,

« Ce collège a accueilli la circulaire du 11 décembre avec satisfaction, et il a rendu un hommage unanime à la sagesse et aux qualités remarquables qui caractérisent cette mesure. Il verrait avec d'autant plus de regret tout ajournement à l'application immédiate d'une instruction dont il a reconnu l'utilité pratique que, précisément, à la date précitée du il décembre, aucun budget scolaire n'était approuvé et que, depuis lors, un grand nombre a reçu cette approbation après que les conseils communaux curent consenti à y faire figurer le supplément d'intervention qui leur était demandé dans les frais primitivement votés pour le service dont il s'agit.

« La députation permanente et, sauf quelques rares exceptions, les communes elles-mêmes ont donné leur entière adhésion aux nouvelles règles admises. »

Et lorsque, quelques mois après, la députation permanente présentait son rapport annuel au conseil provincial du Hainaut, en quels termes s'exprimait-elle ? Les voici :

« L'adoption, même à titre provisoire et sous réserve de toutes modifications que pourrait amener l'expérience, de règles fixes à suivre pour déterminer l'importance de la participation financière des communes dans les dépenses de l'enseignement primaire, offre des avantages incontestables : en permettant d'établir pour chaque cas une situation nette et précise, elle dégage de tout arbitraire le travail de la répartition des subsides de l'Etat et de la province. Aussi avons-nous accueilli avec satisfaction la circulaire du 11 décembre précitée qui répondait à un besoin impérieux. Et moyennant quelques modifications dans la supputation des ressources locales, nous nous sommes fait un devoir d'en assurer l'exécution. »

Je cite textuellement le rapport présenté par la députation permanente du conseil provincial du Hainaut.

Messieurs, j'avoue que lorsque j'entends les représentants, non seulement de quelques communes, mais même des grandes villes, s'élever contre l'obligation imposée aux communes d'intervenir d'une manière efficace et sérieuse dans les dépenses de l'enseignement primaire, je ne puis assez m'en étonner.

Quand la Chambre a voté la création du fonds communal, il a été entendu - l'honorable M. Frère l'a déclaré, et je pense que sa parole n'a pas rencontré d'opposition, - qu'une part notable du fonds communal devait être affectée au développement de l'enseignement primaire.

Et néanmoins, lorsque je me suis borné à demander 10 p. c. du fonds communal pour l'enseignement primaire, on est venu protester !

Quoi ! 90 p. c. du fonds communal restaient libres et pouvaient être attribués à des dépenses de luxe, aux concerts, aux théâtres, aux plaisirs de tout genre (interruption), et l'on se plaignait de devoir consacrer 10 p. c. à l'instruction du peuple ! (Nouvelle interruption.)

Je l'ai dit l'année dernière et je le répète, il y a de petites communes du Luxembourg qui nous offrent trois, quatre, dix fois plus que nous ne demandons.

Mais lorsqu'il s'agit de l'enseignement primaire, de l'instruction du peuple, n'est-ce pas aux grandes villes qu'il appartiendrait de donner l'exemple ?

Dans la séance d'hier, l'honorable M. Funck a traité un point spécial, la position de la ville de Bruxelles vis-à-vis de la circulaire du 11 décembre.

Je croyais, messieurs, m'être suffisamment expliqué à ce sujet, non seulement dans la discussion de l'an dernier, mais même dans une lettre adressée à l'administration communale de Bruxelles, que l'honorable M. Funck a eue sans doute sous les yeux. J'y rappelais que l'honorable M. Rogier avait autrefois déclaré que, dans aucun cas, la ville de Bruxelles n'obtiendrait un subside, et j'ajoutais que je considérais cette règle comme trop absolue et que si Bruxelles remplissait les obligations qui incombent à d'autres localités du pays, il y avait pour le gouvernement un devoir de la traiter avec justice, et avec impartialité. Je regrette que l'honorable M. Funck n'ait pas spontanément déclaré que j'ai été le premier ministre qui ait tenu ce langage à la ville de Bruxelles. Il est vrai, messieurs, que j'ajoutais que ce que nous ferions pour la ville de Bruxelles, nous ne pouvions le faire, que dans des conditions égales à celles que nous observions pour d'autres localités. Et M. Funck s'est trompé étrangement lorsqu'il pensait que si le gouvernement ne faisait rien pour la ville de Bruxelles, c'est que les fonds votés par la législature étaient réservés à d'autres localités qui en éprouvaient un plus urgent besoin. La justice et l'impartialité exigent que la ville de Bruxelles soit traitée comme les autres communes ; et que la même règle soit appliquée uniformément aux plus riches et aux plus pauvres ; mais la difficulté n'est pas là.

L'honorable M. Funck, échevin de la ville de Bruxelles, aurait bien pu rechercher si la situation sur laquelle il s'appuie, est parfaitement régulière. La ville de Bruxelles ne s'est-elle pas adressée à la députation permanente du Brabant ? Et qu'a répondu la députation permanente ? C'est que la ville de Bruxelles se place en quelque sorte au-dessus de la loi et qu'elle ne communique pas aux autorités compétentes le compte de son budget scolaire.

Voici, messieurs, en quels termes est conçu l'avis de la députation permanente du Brabant ; il porte refus d'approbation d'une délibération du conseil communal de Bruxelles et se trouve dans une lettre adressée au collège des bourgmestre et échevins de la ville de Bruxelles, en date du 11 novembre 1871 :

« Le collège a fait remarquer que la ville de Bruxelles ne se conforme pas aux prescriptions du règlement du 10 janvier 1863 sur la comptabilité de l’enseignement primaire et que, seule de toutes les communes du Brabant, elle ne soumettait pas ses comptes et budgets scolaires à l'autorité provinciale. »

Mais il y a autre chose encore, et l'honorable M. Funck m'oblige à toucher ce point.

Il y a quelques jours, dans cette même discussion du budget de l'intérieur, on exprimait de divers côtés le vœu qu'à l'avenir il n'y eût plus que des instituteurs diplômés, sauf de rares exceptions dans des communes qui ne trouveraient pas le moyen d'en obtenir qui présentassent cette garantie.

On a unanimement reconnu qu'il était à désirer, pour le progrès de l'enseignement, que des instituteurs diplômés fussent partout chargés de l'enseignement primaire, et ce sentiment est aujourd'hui tellement bien compris que si vous voulez jeter les yeux sur la dernière page du Moniteur, où vous voyez des administrations communales demander des (page 442) instituteurs primaires, vous remarquez que presque toujours, je puis dire toujours, on ajoute : L'instituteur diplômé aura la préférence.

Eh bien, que se produit-il à Bruxelles ? Je ne crois pas me tromper en disant que parmi les instituteurs de la ville de Bruxelles il n'y en a qu'un seul qui soit diplômé.

La ville de Bruxelles a son école normale à elle. Ses instituteurs ne comparaissent pas même devant ces jurys provinciaux qui existent partout, de sorte que ses instituteurs ne sont ni diplômés ni agréés. Eh bien, c'est là, encore une fois, une situation qui n'est pas régulière.

Mais j'ajoute que le jour où l'administration communale de Bruxelles sera dans la même position que toutes les autres communes du pays, que le jour où elle pourra faire valoir les mêmes droits, je serai le premier à me joindre à l'honorable M. Funck pour demander qu'elle soit traitée à l'égal des autres communes du pays.

Messieurs, je crains d'abuser des moments de la Chambre...

- Des membres. - Non ! non !

M. Kervyn de Lettenhove. -...et cependant il est encore quelques autres questions relatives à l'instruction primaire, que je crois de mon devoir de traiter tout au moins rapidement.

Je pense qu'il ne suffit pas d'obliger les administrations communales à remplir complètement leurs devoirs, mais qu'il y a quelque chose de plus à faire ; et je me proposais d'aborder également cet ordre d'idées si j'étais resté au ministère.

Il y a aujourd'hui un grand intérêt social à ce que les enfants pauvres reçoivent l'enseignement primaire, et cet intérêt est trop perdu de vue par les bureaux de bienfaisance ; ils ne font pas ce qu'ils doivent faire, et la charge retombe dans une proportion considérable soit sur les communes, soit sur l'Etat.

J'avoue, messieurs, que lorsque je vois, d'après les renseignements officiels, l'enseignement des enfants pauvres coûter au delà de deux millions et les bureaux de bienfaisance n'intervenir dans cette dépense que pour 326 000 francs, alors qu'ils ont sept millions et demi de revenus, cela me paraît ne pouvoir être justifié. [Tableau justificatif inséré à la page 451 et non repris dans la présente version numérisée.]

Je me bornerai à citer un seul exemple ; dans la Flandre occidentale, les bureaux de bienfaisance jouissent d'un revenu de plus d'un million, et ils ne contribuent aux frais de l'instruction des enfants pauvres, que d'après la loi de 1842 ils devraient supporter dans la mesure de leurs ressources, que pour 3,786 francs.

Et quelle est la part de l'Etat dans cette dépense pour la même province ? 151,000 francs.

Il me suffît, messieurs, d'indiquer ces chiffres ; la Chambre, les ayant sous les yeux, acquerra la certitude que dans cet ordre d'idées il y a aussi quelque chose à faire et que les ressources des bureaux de bienfaisance seraient bien plus utilement employés pour l'instruction des enfants pauvres qu'en servant trop souvent à perpétuer et à entretenir la mendicité et la misère.

Ces ressources devraient, je le répète, servir avant tout à préparer des générations qui, grâce aux bienfaits de l'instruction, seraient appelées un jour à occuper, par le travail, une place utile dans la société.

Messieurs, si les communes, si les bureaux de bienfaisance, si tous ceux qui ont à concourir au développement de l'enseignement, remplissent leur devoir, le gouvernement fera aussi le sien.

Avant de terminer mon discours, je tiens à prouver à la Chambre que, de mon côté, je n'ai pas perdu un instant ces intérêts de vue pendant les dix-huit mois que j'ai passés au ministère de l'intérieur, jamais je n'ai cessé de favoriser, autant qu'il était en moi, et le développement de l'instruction et la construction de maisons d'école.

L'honorable ministre de l'intérieur, dans un travail qu'il a communiqué à la Chambre comme amendement à son budget, a fait remarquer (erratum, page 452) qu’en 1871, il y avait eu pour le service ordinaire, relativement à 1870, un excédant de dépenses de 452,000 francs, qui a été consacré à des augmentations du personnel scolaire et à l'amélioration des traitements des instituteurs.

En ce qui touche la construction des maisons d'école, qu'il me soit aussi permis de rappeler que, (erratum, page 452) pendant les 18 mois qui se sont écoulés du mois de juillet 1870 au mois de décembre 1871, on a construit : 126 écoles avec logement d'instituteur, 11 écoles sans logement ; qu'on a agrandi 52 écoles ; et que les subsides de l'Etat, de la province et des communes réunis se sont élevés, rien que pour la construction et l'ameublement des maisons d'école, au chiffre de 3,915,000 francs. [Tableau justificatif inséré à la page 451 et non repris dans la présente version numérisée.]

Je termine par deux observations.

J'ai eu l'honneur, dans une circulaire récente, d'appeler l'attention sur la nécessité de développer dans les écoles normales l'enseignement du dessin industriel. Je crois qu'il est aujourd'hui indispensable que l'instituteur puisse donner dans l'école primaire les éléments du dessin industriel à tous ceux qui doivent être appelés à prendre part au mouvement de l'industrie.

Si le dessin industriel n'est pas propagé, l'industrie belge, quelque intelligente et quelque active qu'elle soit, va courir un grand danger : elle ne pourra soutenir longtemps la concurrence sur les marchés étrangers.

J'ai visité, il y a quelques mois, l'exposition de Londres, et les hommes les plus distingués de l'Angleterre me tenaient ce langage :

« Vous avez en Belgique le génie de l'art, vous possédez toutes les aptitudes de l'industrie ; nous ne pouvons comprendre que vous n'ayez pas eu la pensée d'associer l'art à l'industrie. C'est là ce qui manque à votre pays. »

Eh bien, pour sortir de cette situation, pour que l'art industriel soit compris, il faut qu'il soit enseigné dès l'école primaire ; il faut que l'instituteur puisse communiquer à l'enfant, qui sera bientôt un ouvrier, les premiers éléments du dessin industriel.

Il est encore une autre question que je recommande à l'attention de mon honorable successeur, c'est le développement du travail manuel dans les écoles de filles.

J'ai recommandé à différentes reprises que les travaux propres aux femmes, si indispensables quand elles seront mères de famille, fussent enseignés avec soin dans ces écoles.

Cette amélioration est à peine abordée. Je la crois digne de toute l'attention de M. le ministre.

Je n'insiste pas davantage sur ces points, et je ne demande pas aujourd'hui une réponse à mon honorable successeur ; mais je connais assez sa sollicitude pour tout ce qui touche au développement de l'instruction publique, pour être persuadé qu'il fera de ces diverses questions l'objet de son bienveillant examen.

M. le président. - La parole est à M. Elias.

M. Elias. - Je la cède à M. Funck.

M. Funck. - L'honorable M. Kervyn de Lettenhove a commencé son discours par une hérésie qui saute aux yeux. Il a déclaré que dans aucun pays de l'Europe l'instruction primaire n'est aussi développée que chez nous..

Mais pour qui nous prend donc l'honorable M. Kervyn ? S'imagine-t-il que nous ne soyons jamais sortis de notre pays ? Se figure-t-il qu'aucun membre de cette Chambre ne soit jamais allé en Allemagne et n'ait pu constater par lui-même quel degré de perfection l'instruction populaire a atteint dans ce remarquable pays.

Quand on entend de pareilles affirmations, on est tenté de se demander si c'est bien sérieusement qu'on ose les produire ici. Ces affirmations sont d'autant plus singulières dans l'espèce qu'elles sont produites par le même membre qui, l'année dernière, lorsqu'il était ministre, disait précisément le contraire et faisait le procès...

M. Kervyn de Lettenhove. - Non, non.

M. Funck. - ...à la situation del’renseignement primaire, au moins pour une partie du pays..

M. Kervyn de Lettenhove. - Allons donc !

M. Funck. - Laissez-moi achever. Quand M. Kervyn parlait de la situation du pays sous le rapport de l'enseignement, dans la dernière discussion du budget de l'intérieur, voici ce qu'il constatait dans ce pays qui n'a rien à envier aux autres contrées de l'Europe ;

« A Gilly, sur 15,000 habitants, il y en a près de 11,000 qui ne savent ni lire ni écrire. A Jumet, sur 15,063 habitants, il y en a 9,914 qui ne savent ni lire ni écrire. A La Hestre, 1,472 sur 2,426 habitants. A Couillet, 2,811 sur 4,675 habitants. A Frasnes-lez-Gosselies, 1,556 sur 2,156 habitants, »

M. Kervyn de Lettenhove. - Dans une localité exceptionnelle.

M. Funck. - Comme me le fait très bien observer M. Pirmez, les bourgmestres de ces communes ont protesté, et ils ont démontré que ces chiffres étaient complètement inexacts.

M. Frère-Orban.-- C'est pourquoi M. Kervyn a changé d'avis.

M. Funck. - Oui, et c'est sans doute à cause de cela que l'honorable M. Kervyn a trouvé plus facile de déclarer que tout était pour le mieux en Belgique.

M. Kervyn est allé plus loin encore ; il est vrai, - et c'est une justice à lui rendre, - qu'il n'a pas inventé le chiffre. Il a trouvé cela dans les statistiques officielles.

Il a donc constaté que dans la province de Namur la population des (page 443) écoles primaires s'élève à 15 p. c, mais à ce chiffre de 15 p. c. il faut ajouter encore les enfants qui fréquentent les sections primaires des écoles moyennes, ceux qui fréquentent les ateliers d'apprentissage, ceux qui reçoivent l'enseignement chez eux et ceux qui pour d'autres motifs ne fréquentent pas les écoles publiques. Cela porte bien le nombre des élèves fréquentants à 20 p. c.

Or, savez-vous à quel chiffre on arrive quand on prend tous les enfants de la province en âge de se rendre à l'école ? Le chiffre le plus élevé est de 15 p. c. Le statisticien que M. Kervyn invoque a donc trouvé dans les écoles de la province de Namur plus d'élèves que le chiffre de la population n'en comporte. Voilà de la statistique, et c'est sérieusement qu'on vient affirmer de pareilles exagérations !

M. Bouvier. - Elle est fantastique.

M. Funck. - M. Kervyn a jugé à propos de défendre le système qu'il avait imaginé l'année dernière pour la répartition. es fonds affectés à l'enseignement primaire.

Je ne veux pas lui enlever le plaisir de faire le panégyrique de son système, qui n'est pas destiné à vivre longtemps et qui n'aura qu'une existence éphémère.

Mais ce que je ne puis passer sous silence, c'est l'affirmation que ce système avait surtout pour but de forcer la main aux grandes villes, qui font des dépenses de luxe, qui portent à leurs budgets des sommes considérables pour leurs promenades, pour leurs théâtres, pour leurs monuments et qui ne remplissent pas leurs obligations en ce qui concerne l'enseignement primaire.

Je voudrais que l'honorable M. Kervyn précisât et voulût bien nous dire quelles sont ces grandes villes auxquelles il a fait allusion ? quelles sont ces villes qui ne font pas ce qu'elles devraient faire pour l'enseignement primaire !

J'en connais, parmi nos grandes villes, celle de Gand, par exemple, qui a fait, de tout temps, des sacrifices considérables pour l'enseignement primaire et j'espère bien que quelque député de Gand se lèvera pour protester contre l'allégation de l'honorable M. Kervyn. Je connais la ville de Liège qui a fait, elle aussi, des dépenses considérables pour l'enseignement primaire. Il résulte aussi des discours prononcés l'an dernier, par l'honorable M. Coremans, je pense, que la ville d'Anvers a fait tout ce qu'elle a pu en faveur de l'enseignement primaire. Quelles sont donc ces grandes villes auxquelles on fait allusion ? Est-ce la ville de Bruxelles, par hasard, qui manque à ses obligations sous le rapport de l'instruction publique ?

Mais examinez donc son budget, étudiez-le et vous y constaterez que la ville de Bruxelles a toujours dépassé ses obligations en cette matière ; qu'elle a fait plus que ce que lui imposait la loi, bien qu'elle n'ait jamais obtenu de subside.

Certes, vous avez écrit l'année dernière à l'administration communale une lettre empreinte d'un certain caractère de bienveillance ; et vous avez regretté que je n'en aie point parlé. Mais cette lettre ne contenait, en définitive, qu'une promesse restée stérile, qui n'a été suivie d'aucun effet et pour laquelle nous ne devons à personne la moindre reconnaissance.

Il est très facile de manifester de grandes sympathies ; mais quand ces sympathies ne se traduisent pas en faits, on a le droit, je pense, de n'y attacher que l'importance qu'elles méritent.

Mais, messieurs, il fallait justifier ce déni de justice, cette situation exceptionnelle faite à la ville de Bruxelles, contre laquelle j'ai protesté hier et voici les arguments qu'a trouvés l'honorable M. Kervyn.

La ville de Bruxelles, dit-il, et cela résulte d'une lettre de la députation permanente du conseil provincial du Brabant du 11 novembre 1871, la ville de Bruxelles ne communique pas à la députation permanente les comptes de l'enseignement primaire. Terrible grief ! Mais on ne communique d'ordinaire les comptes que lorsqu'on reçoit des subsides. Or, jusqu'à ce jour, Bruxelles n'a pas reçu un centime, ni de la province, ni du gouvernement. Elle s'est adressée plusieurs fois à la députation permanente et la députation permanente lui a toujours répondu par une fin de non-recevoir, en disant :

« La somme portée au budget est répartie entre les diverses communes de la province. Il n'y a rien de disponible et je ne puis rien vous donner sans enlever des ressources à des communes plus pauvres.

Mais, le jour où la députation permanente en a exprimé le désir, l'administration communale s'est déclarée prête à donner ses comptes.

La situation de l'enseignement de Bruxelles résulte, du reste, des chiffres qui sont à son budget.

Ce budget est soumis à la députation permanente, qui peut s'éclairer, par conséquent, à chaque instant du jour, sur l'état de l'enseignement primaire, sur les sommes qui y sont affectées.

Autre argument : La ville de Bruxelles n'a guère plus d'un instituteur diplômé !

C'est d'abord une erreur complète. Il y en a plus d'un. Je reconnais cependant qu'il y a à Bruxelles beaucoup d'instituteurs non diplômés régulièrement.

Valait-il mieux, par hasard, quand des instituteurs ne se présentaient pas, lorsque les écoles normales n'en fournissaient pas, valait-il mieux que l'administration communale de Bruxelles fermât les portes de ses écoles et renvoyât les enfants pauvres chez eux ?

J'affirme que chaque fois que des instituteurs diplômés se sont présentés chez nous, la ville a été heureuse de pouvoir les accueillir.

Mais il fallait pourvoir avant tout au service de l'enseignement primaire et voici comment Bruxelles s'y est prise.

La ville a fait ce que le gouvernement aurait dû faire pour elle.

Le gouvernement aurait dû établir, dans un centre comme Bruxelles, une école normale.

Bruxelles l'a fait pour lui et elle était obligée de le faire.

Lorsque les élèves sortent de ces cours, voici ce qui se pratique : on convoque à l'hôtel de ville l'inspecteur ecclésiastique diocésain, fonctionnaire de l'épiscopat, l'inspecteur provincial, fonctionnaire du gouvernement, l'inspecteur général, autre fonctionnaire du gouvernement et le chef du cours normal.

Les élèves qui ont fréquenté l'école pendant trois ou quatre ans comparaissent devant ce jury, qui est le même que celui de l'Etat ; ils subissent le même examen que les élèves des écoles normales de l'Etat, et quand ils réussissent, ils reçoivent un diplôme de capacité.

C'est sur le vu de ce certificat, qui constitue un véritable diplôme, que le gouvernement autorise la nomination du récipiendaire, car jamais un instituteur n'a été nommé sans l'autorisation du gouvernement.

Ces élèves ont donc passé le même examen que les normalistes et, comme, je le disais tantôt, l'honorable M. Kervyn, loin d'en faire un reproche à la ville de Bruxelles, aurait dû la féliciter de la sollicitude qu'elle a témoignée en cette circonstance, comme dans toutes les autres, pour l'enseignement primaire.

Car en donnant aux instituteurs le moyen d'entrer dans ses écoles, elle remplit une obligation que l'Etat, somme toute, devrait exécuter pour elle.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je demande la permission de rétablir un fait.

M. le président. - Vous avez la parole, M. Kervyn.

M. Bara. - Je demande également la parole.

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, l'honorable M. Funck a soutenu tout à l'heure que dans la discussion du budget j'avais présenté la situation du pays, au point de vue de l'instruction primaire, comme déplorable. Je tiens à protester immédiatement contre cette assertion. J'ai reconnu, il est vrai, que dans certaines localités industrielles la situation était mauvaise, mais j'ai constaté en même temps qu'elle était bonne dans l'ensemble du pays, et je demande à la Chambre la permission de placer sous ses yeux les paroles que j'ai prononcées à cette époque. L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu venait d'achever un discours où il avait dépeint la Belgique comme étant en proie à une profonde ignorance. Je me levai immédiatement et je prononçai les paroles que voici :

« Il pourrait y avoir un inconvénient sérieux à ce que les paroles prononcées par l'honorable préopinant se répandissent dans le pays, si le gouvernement ne se hâtait de donner quelques explications. Le degré d'ignorance qu'a signalé l'honorable M. Le Hardy n'existe pas. Je reconnais que les documents statistiques publiés récemment justifient ce que vient de dire l'honorable membre ; mais je suis heureux de dire qu'à côté de ces documents statistiques, qui paraissent avoir été recueillis avec peu d'exactitude, se place une enquête que j'ai fait faire dans toutes les provinces par les soins des inspecteurs provinciaux.

« Les résultats en sont encore incomplets ; il sont toutefois, de nature à tranquilliser et la Chambre et le pays. Ils démontrent que si, pour certaines localités, le travail industriel forme un obstacle sérieux à la diffusion de l’enseignement primaire, si ailleurs on manque de maisons d'école, il n'en est pas moins vrai que, dans la généralité du pays, on peut constater une situation satisfaisante et un progrès incontestable. »

M. Bara. - Je viens d'apprendre par mes honorables amis que M. Kervyn, ancien ministre de l'intérieur, vient de se parer une fois encore de prétendues félicitations qu'il aurait reçues de la députation permanente (page 444) du Hainaut au sujet de sa circulaire du 11 décembre 1870, relative à la répartition des fonds affectés à l’enseignement primaire. Ce qu'à dit l'honorable membre est complètement inexact. Un débat a été soulevé au sein du conseil provincial du Hainaut au sujet de la lettre de félicitations que M. le gouverneur avait adressée à M. Kervyn, et la députation permanente a déclaré, sans contestation de M. le gouverneur du Hainaut, qu'elle n'avait pas chargé ce haut fonctionnaire de féliciter M. le ministre de l'intérieur.

Que M. le gouverneur du Hainaut ait félicité M. le ministre de l'intérieur...

M. Kervyn de Lettenhove. - Pas le moins du monde.

M. Bara. - ... c'est une autre affaire. Mais ce que je ne puis autoriser l'honorable M. Kervyn a dire, c'est qu'il ait reçu les félicitations de la députation permanente du Hainaut. J'avais fait demander à la bibliothèque le compte rendu des séances du conseil provincial du Hainaut ; il n'y est pas : il est sorti.

Mais la députation permanente, par l'organe d'un de ses membres, a déclaré qu'elle n'avait pas chargé M. le gouverneur de féliciter M., le ministre de l'intérieur ; voilà ce dont je me souviens très bien.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je vais vous faire remettre l'exposé du conseil provincial.

M. Bara. - Non, M. Kervyn ; ce n'est pas dans l'exposé, c'est dans une séance du conseil provincial, sur une interpellation qui a été faite à la députation permanente sur la question de savoir si l'on avait, avec son autorisation, félicité M. le ministre de l'intérieur.

M. Kervyn de Lettenhove. - Jamais on ne m'a félicité.

M. Bara. - Si l'on ne vous a pas félicité, je. retire mes observations. Mais, félicitations ou remerciements, c'est la même chose.

Vous allez voir combien est grande l'erreur de l'honorable membre. Quand la députation permanente du Hainaut a adressé, par l'organe de M. le gouverneur, la lettre dont s'est prévalu M. le ministre de l'intérieur, la députation permanente était en complète contradiction avec le syslème de M. le ministre de l'intérieur. Elle a appliqué sa circulaire d'une toute autre façon qu'il ne le voulait. L'honorable membre l'a reconnu lui-même. Car immédiatement après il a écrit à la députation permanente : « Vous ne pouvez appliquer la circulaire ainsi. Vous l'appliquez contrairement à son esprit et à son texte. »

La députation permanente du Hainaut n'approuvait donc pas le système de l'honorable M. Kervyn. Ce qu'elle voulait, le voici. N'ayant pas de règle fixe sur la question de savoir quand l'Etat interviendrait, la députation permanente reconnaissait l'utilité d'avoir une règle, fixe. Mais elle n'admettait pas le système de l'honorable M. Kervyn, qui sacrifiait un grand nombre de communes. Ainsi, pour ne parler que de quelques localités, je citerai la ville d'Ath qui est sacrifiée. Je citerai la ville de Tournai. Avant la circulaire, la ville de Tournai touchait 3,000 francs annuellement pour l'instruction primaire ; actuellement elle n'a plus rien.

Je suis disposé à voter l'amendement de M. Funck, mais comme la ville de Tournai ne reçoit pas de subsides, je demande qu'on examine sa position et qu'on lui rende justice.

Si l'honorable M. Kervyn a adopté des bases impossibles, il n'est pas juste que certaines communes soient lésées dans leurs intérêts.

Maintenant, pour arriver à quelque chose de plus pratique que la circulaire de M. Kervyn, je.prierai M. le ministre de l'intérieur actuel de vouloir bien être un peu plus clair que l'honorable M. Kervyn, et de nous dire comment l'Etat interviendra dans les frais de l'instruction primaire ?

A quoi sert-il d'envoyer aux députations permanentes des circulaires qu'elles ne comprennent pas, ou que l'une comprend d'une façon et l'autre d'une autre ?

Je voterai l'amendement de M. Funck, mais à une condition, c'est que l'on soit juste pour tout le monde. Ainsi, comme je le disais tout à l'heure, la ville d'Ath a été sacrifiée ; la ville de Tournai, qui recevait 3,000 francs, n'a plus rien du tout et tout le monde sait qu'à Tournai la population ouvrière est très importante.

J'appelle donc l'attention bienveillante de l'honorable ministre de l'intérieur sur la position que la circulaire de son prédécesseur fait à certaines communes.

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, je n'ai jamais demandé les félicitations de la députation permanente du Hainaut, et elle ne me les a pas offertes ; ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a constaté que ma circulaire rendait un service signalé à l'enseignement primaire et elle en a demandé l'application immédiate.

Voilà ce que M. le gouverneur du Hainaut écrivait au nom de la députation permanente.

C'est dans un rapport de la députation permanente au conseil provincial, dont je tiens les termes à la disposition de l'honorable M. Bara, qu'il est reconnu que la circulaire du 11 décembre 1870 offre des avantages incontestables ; qu'elle permet d'établir une situation nette, précise, qu'elle prévient l'arbitraire dans le travail de répartition. La députation ajoute que la circulaire a été accueillie avec satisfaction.

Telle est la déclaration expresse que je trouve dans le rapport de la députation au conseil provincial, qui a plus de valeur à mes yeux qu'une adresse banale de félicitations.

Voici, du reste, quelle est la situation des localités auxquelles l'honorable M. Bara vient de faire allusion.

(erratum, page 452) arrondissent d’Ath : augmentation de 4,310 fr., arrondissent de Charleroi de 4,940 fr., arrondissent de Mons de 3,864 fr., arrondissent de Soignies de 3,307 fr., arrondissent de Thuin de 4,435 fr., arrondissent de Tournai de 4,925.

Le premier devoir d'une administration communale, c'est d'aider puissamment à la diffusion de l'instruction, et il faut blâmer celles qui hésitent à s'imposer dans ce but d'utiles sacrifices.

Supposez une ville qui reçoive 100,000 francs du fonds communal. Peut-il lui être permis de se refuser à consacrer à l'intérêt qu'elle doit placer au premier rang les 10,000 francs que je lui demande ? Je dis que dans cette hypothèse cette ville oublierait son devoir et ne remplirait pas sa tâche.

M. Descamps. - Messieurs, je demande la parole pour réfuter quelques-unes des assertions de l'honorable M. Kervyn, relativement à l'intervention de certaines villes, et notamment de la ville d'Ath, dans les dépenses destinées à la diffusion de l'instruction.

Je ferai remarquer que la ville d'Ath possède, comme ressources extraordinaires, une somme de 70,000 francs, et qu'elle affecte à l'instruction publique en général plus de 18,000 francs. Or, la ville d'Ath a 8,500 habitants ; elle contribue donc dans les dépenses (erratum, page 452) de l'instruction primaire pour plus de 2 francs par tête d'habitant.

Il est vrai qu'elle n'intervient dans les frais de (erratum, page 452) l'instruction primaire que pour une somme de 2,700 francs, et, en vertu des circulaires de M. Kervyn, son intervention dans ces frais devrait s'élever à la somme de 4,500 francs environ. Anciennement, les subsides accordés à la ville d'Ath étaient

1° Sur les fonds de l'Etat, de 2,240 fr.

2° Sur les fonds de la province, de 168 fr.

Ensemble, 2,408 fr.

Or, comme vous l'a dit hier mon honorable collègue, M. Bricoult, ces subsides seraient réduits aujourd'hui à quelques francs seulement !

J'ai voulu prouver par ces quelques observations que les sacrifices faits par la ville d'Ath en faveur de l'instruction publique, en général, dépassent même ce qu'il est raisonnablement permis d'exiger d'elle, lorsqu'on rapproche le chiffre de ces sacrifices de celui des ressources dont cette ville peut disposer. J'ajoute que l'application des circulaires de l'honorable M. Kervyn lui créerait une situation très difficile, sinon impossible.

J'espère donc que, eu égard à la position financière peu prospère de la ville d'Ath, le gouvernement ne s'obstinera pas à lui appliquer les principes contenus dans les circulaires en question et que le subside anciennement accordé à cette ville pour l'entretien de l'instruction primaire lui sera maintenu.

M. Elias. - Je ne veux pas entrer dans l'examen complet des circulaires de M. Kervyn, relatives à l'article 23 de la loi de 1842. Mais il est deux points qu'il m'est impossible d'accepter ; le premier est celui qui déclare que lorsqu'une commune a outre-passé la part d'intervention qui lui est imposée, elle doit continuer à s'imposer le même sacrifice ; ainsi une commune a fait de grands efforts pour le développement de l'instruction, elle en sera punie par l'obligation de continuer à y contribuer de la même façon.

La commune voisine se sera montrée récalcitrante. Elle n'aura que tout juste rempli ses obligations. Elle en sera récompensée en obtenant des subsides plus considérables que la première.

Une telle disposition ne peut évidemment être maintenue ; je pense qu'il suffira de la signaler pour qu'elle soit rapportée.

M. Kervyn de Lettenhove. - Elle existe dans la loi de 1842.

M. Elias. - Mais les circonstances ne sont plus les mêmes.

Il est un autre point que je désire signaler à la Chambre.

M. Kervyn, dans une circulaire que j'ai déjà attaquée dans cette (page 445) Chambre, avait décidé que les communes, outre les deux centimes additionnels à toutes leurs contributions directes, devaient affecter à l'enseignement 10 p. c. de leurs revenus patrimoniaux et 10 p. c. de leur part dans le fonds communal. De la première catégorie de revenus, les communes étaient autorisées à déduire les intérêts de leurs dettes ; de la deuxième catégorie de revenus, elles n'étaient autorisées à déduire que les sommes qu'elles consacreraient à la bienfaisance publique. Il y avait là une injustice tellement grande que la députation permanente du Hainaut n'avait pu concevoir que ces circulaires fussent rédigées dans ce sens ; elle les avait autrement comprises et avait fait une somme globale de tous les revenus de la commune et en avait déduit les dettes et les charges de la bienfaisance ; ainsi comprise, cette circulaire pouvait être la cause des félicitations provinciales ; mais M. Kervyn est revenu sur le sens qui lui avait été attribué, et dans une circulaire du 30 juin, il déclarait que lorsque les sommes affectées à la bienfaisance et l'intérêt des dettes et des emprunts dépassaient le revenu des biens patrimoniaux augmenté d'un dixième de la part de l'octroi, les communes auraient rempli leur devoir en affectant à l'enseignement primaire ce dixième seulement de la part qui revenait à la commune dans le fonds communal.

Je crois que c'est ainsi qu'on doit entendre la circulaire. Il restait des doutes. La province du Hainaut s'adressa à l'honorable M. Kervyn et lui demanda si, dans le cas où l'intervention de la commune est réduite au dixième de la part du fonds communal, la commune doit encore affecter 2 centimes additionnels à tous les impôts directs, en faveur de l'enseignement primaire.

L'honorable M. Kervyn répondit, si je ne me trompe, que non, que la commune avait rempli son devoir lorsque, dans cette situation, elle avait affecté 10 p. c. seulement de cette part. (Interruption.)

Je suis prêt à m'arrêter pour permettre à l'honorable M. Kervyn de rétablir les faits et de dire ce que signifie sa deuxième circulaire interprétative.

M. Kervyn de Lettenhove. - La loi de 1842 est positive. Dans aucun cas, la commune ne peut faire moins que les deux centimes additionnels.

Quant à la disposition dont s'étonne l'honorable préopinant et qui porte que l'allocation ne doit pas être inférieure à celle de l'année précédente, elle n'est que la reproduction d'une disposition analogue qui se trouve dans l'article 23 de la loi de 1842.

M. Elias. - La question n'est pas la même. Je crois que l'honorable M. Kervyn n'a pas compris la question que je viens de lui poser. Lorsque l'intérêt des dettes et celui des emprunts ajoutés aux dépenses de la bienfaisance publique forment un total supérieur à la somme des revenus augmentés de 10 p. c, pour me servir du langage de l'honorable ministre, de la part de la commune dans les fonds de l'octroi, dans ce cas-là, dit votre circulaire du mois de juin, la part contributive de la commune est réduite à ce dixième.

Je lui demandais si lorsque la part de la commune est réduite à ce dixième de la part de l'octroi, la commune devait néanmoins affecter à l'enseignement primaire les deux centimes additionnels qui sont exigés par l'article 23 de la loi de 1842, et je lui faisais remarquer que, dans une circulaire du mois d'octobre 1871, répondant à la province de Hainaut et interprétant cette partie de sa première circulaire, interprétative aussi, il avait déclaré que, dans ce cas-là, la part de la commune était réduite à ce dixième de sa part dans le fonds communal. Comme cette circulaire n'a paru dans aucun recueil officiel, je demande si elle est maintenue.

M. le président. - On ne peut pas procéder ainsi par interrogations et réponses. (Interruption.) La Chambre entend-elle entendre encore M. Kervyn ?

De toutes parts. - Oui ! oui !

M. Kervyn de Lettenhove. - Je n'ai pas sous les yeux le texte de cette dépêche ; j'avouerai même que j'en ai quelque peu perdu le souvenir. Mais il est bien évident que, d'après la loi de 1842, la commune doit, dans tous les cas, une intervention pécuniaire au moins égale à deux centimes additionnels ; et la circulaire du mois de juin doit être interprétée en ce sens qu'au delà de ces deux centimes la commune doit parfaire la somme nécessaire pour arriver au dixième de sa part dans le fond des octrois.

M. Elias. - Je suis vraiment étonné de la réponse de l'honorable M. Kervyn ; car elle est en contradiction manifeste avec celle qu'il a faite officiellement et dont un de nos collègues veut bien me communiquer le texte. Voici cette réponse officielle ;

« Bruxelles, le 25 novembre 1871.

« En réponse à votre lettre du 6 de ce mois, cabinet, j'ai l'honneur de vous informer que, dans le cas indiqué par ma circulaire du 3 juin dernier, la quote-part obligatoire de la commune dans les frais du service annuel ordinaire des écoles primaires est limitée au dixième de la rente provenant du fonds des octrois, sans qu'on puisse exiger en outre une allocation égale au produit de deux centimes additionnels. »

Cette réponse est du 23 novembre 1871.

M. Kervyn de Lettenhove. - Vous l'interprétez mal. (Interruption.)

M. Elias. - Je crois que cette circulaire interprétative constitue une situation tout à fait illégale.

Si l'honorable M. Delcour ne maintient pas cette circulaire, mon observation tombe ; cependant il en est déjà résulté une illégalité.

Les bases que j'ai indiquées ont servi à la constitution des budgets des communes ; par conséquent l'illégalité existe dans ces budgets.

En effet, pour ces communes qui n'ont pas de ressources, la part de l'octroi sert aujourd'hui à déterminer la somme qu'elles doivent affecter à l'instruction primaire.

Le fonds communal est-il distribué d'après la somme des contributions directes payées par les habitants ?

Il suffit d'ouvrir la loi sur le fonds communal pour se convaincre du contraire.

La contribution sur les propriétés foncières non bâties n'y est pas comprise.

La proportionnalité établie par l'article 23 de la loi de 1842 est, ainsi complètement détruite par la circulaire de l'honorable M. Kervyn. Car cet article 23 exige 2 centimes additionnels à toutes les bases des contributions directes, propriété foncière non bâtie comprise. Cette circulaire constitue une situation tout à fait contraire à la loi de 1842. La proportionnalité établie par cet article entre les communes pour l'obtention des subsides est renversée.

Les budgets communaux approuvés par la députation permanente contiennent donc une illégalité pour la distribution des subsides entre les communes pauvres.

Mais il y a plus. C'est que dans certaines communes où il n'y a pas d'industrie, de commerce, qui sont tout à fait agricoles, qui ne contiennent aucune maison de luxe, où par conséquent la part du fonds communal est excessivement réduite et où la contribution foncière sur la propriété non bâtie donne un produit très peu considérable, il pourrait arriver que dans ces communes le dixième de la part dans le fonds de l'octroi pourrait ne pas représenter deux centimes additionnels à toutes les contributions directes ; les communes donc ne rempliraient pas même l'obligation leur imposée par la loi de 1842 et leurs budgets pour 1872 seraient dressés conformément à la circulaire de M. Kervyn, mais contrairement à la loi.

J'appelle sur ces points l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, par les amendements que j'ai eu l'honneur de présenter au budget, je crois avoir témoigné de toute ma sollicitude et de mes vives sympathies pour l'enseignement primaire. J'ai demandé pour cet objet des crédits nouveaux qui s'élèvent, comme la Chambre se le rappelle, à la somme d'environ 450,000 francs. J'ai sollicité aussi des crédits supplémentaires montant à 401,467 fr. 45 c. : soit une somme totale de près d'un million de francs.

Les besoins accusés pour 1871, en ce qui concerne le service ordinaire de l'instruction primaire, ont donné lieu à un crédit supplémentaire de 369,314 fr. 45 c. En priant la Chambre de vouloir porter au budget de l'intérieur de cette année une allocation de 397,325 francs, j'ai lieu de présumer que ce crédit ne suffira point à pourvoir aux dépenses qu'entraînera la création d'écoles nouvelles pendant le cours de l'année ; mais j'ai cependant demandé, messieurs, un chiffre supérieur au déficit constaté, afin d'avoir sous la main une somme qui permette au gouvernement de témoigner de toute sa sympathie pour l'enseignement primaire et de pourvoir aux premiers besoins.

Ainsi donc, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire dans l'exposé des motifs de ces demandes de crédits, et j'ai tenu à le constater de nouveau, ce sont des crédits qui viennent augmenter les dépenses normales, mais qui évidemment ne pourront pas s'arrêter au chiffre que j'ai indiqué.

Messieurs, une des grandes questions que soulève la loi de 1842 a pour objet l'obligation des communes relativement aux frais de l'instruction primaire et la part d'intervention des provinces dans les dépenses que nécessite ce service.

(page 446) Les règles qui concernent ce point important, messieurs, sont écrites dans l'article 23 de la loi. Vous savez que cette disposition a donné lieu a une difficulté d'interprétation. Les uns ont prétendu qu'il y a obligation pour l'Etat d'intervenir, à l'aide de subsides, lorsqu'il est constaté que la commune a affecté à l'instruction primaire une somme égale au produit de 2 p. c. de ses contributions directes. C'est là une opinion qui a été soutenue. Mais vous savez, messieurs, qu'elle n'a pas prévalu comme règle du gouvernement. Sous tous les ministères, on est parti du principe que l'instruction primaire est une charge communale et on a consacré la seconde interprétation d'après laquelle les 2 p. c. dont je viens de parler constituent seulement une limite minimum, un point extrême auxquels les communes sont obligées de se soumettre.

Sur ce point, messieurs, je n'entends pas changer la jurisprudence existante ; je pense aussi que, pour rendre l'intervention de l'Etat obligatoire, il ne suffit pas seulement qu'une commune affecte à l'instruction primaire le produit des 2 p. c. de centimes additionnels dont parle la loi ; mais il faut qu'après avoir consulté son état financier, il soit bien constaté que la commune a réellement satisfait à la charge que lui impose la loi de pourvoir elle-même à son enseignement primaire, en s'imposant tous les sacrifices qu'elle peut faire.

Jusqu'à présent je crois que nous sommes bien d'accord, puisque je ne fais que maintenir des principes généralement admis.

Mais quelle règle faudra-t-il suivre pour reconnaître dans quelle mesure l'Etat est obligé d'intervenir dans les dépenses de l'instruction primaire, lorsque la commune se trouve dans un état financier qui rend réellement nécessaire son concours ?

Messieurs, pour moi, ceci est une question de fait ; c'est une question qu'il faut apprécier d'après les circonstances.

Mon honorable prédécesseur, M. Kervyn, a espéré obtenir de bons résultats par les circulaires dont d'honorables membres nous ont parlé tantôt.

Je pense, messieurs, que, sous certain rapport, il y est parvenu. Mais je dois vous dire que jusqu'à présent je n'ai pas encore été à même de constater d'une manière complète et absolue les résultats obtenus.

J'ai voulu savoir d'abord où ces circulaires avaient été appliquées, mais comme elles n'ont dû recevoir d'application générale et uniforme qu'à partir de 1872, on a été dans l'impossibilité de me fournir, à cet égard, des renseignements précis.

J'ai demandé aussi quelles avaient été les conséquences financières de la nouvelle mesure et sur ce point également on s'est trouvé dans l'impossibilité de me procurer des indications exactes et complètes.

Quoi qu'il en soit, messieurs, je viens de poser le principe que je me propose d'observer ; ce principe, je l'appliquerai ex œquo bono et d'après les circonstances ; j'examinerai aussi si les bases indiquées par mon honorable prédécesseur ne sont pas de nature à entraîner des conséquences qui seraient contraires au texte ou à l'esprit de la loi.

J'espère, messieurs, que ces premières explications satisferont la Chambre parce qu'elles témoignent déjà de mon intention de faire une étude sérieuse et attentive de cette question.

Ce n'est qu'après avoir fait une pareille étude et lorsque j'aurai la connaissance de tous les faits qu'il me sera possible de vous dire d'une manière plus spéciale les règles que je suivrai en cette matière.

En résumé, la situation reste, à mes yeux, une situation en quelque sorte provisoire, mais je puis donner à l'honorable M. Bricoult l'assurance que le subside au sujet duquel il vient de m'interpeller ne sera pas retiré si la situation financière de la ville d'Ath en exige le maintien.

Voilà ce que j'avais à dire, messieurs, sur la question générale.

J'arrive maintenant à quelques points particuliers d'application qui ont été soulevés dans la discussion.

Hier, il a été question du cumul des fonctions de l'instituteur avec d'autres fonctions ou professions.

Je vous dirai, messieurs, qu'en principe je suis opposé aux cumuls et que, sans vouloir les interdire d'une manière absolue, je m'attacherai à ne les autoriser qu'après avoir obtenu l'assurance qu'ils ne sont pas de nature à nuire en quoi que ce soit aux intérêts de l'instruction.

C'est une question qu'il faut examiner eu égard aux circonstances, mais chaque fois que le cumul doit être un obstacle à la bonne tenue des classes et à l'accomplissement de tous les devoirs de l'instituteur, le cumul doit être repoussé.

On a demandé, en second lieu, quelles sont les intentions du gouvernement au sujet du programme des écoles normales. Messieurs, le programme actuel de ces écoles a été décrété, si je ne me trompe, en 1868.

En 1870, la question de savoir s'il y avait lieu d'apporter des modifications au règlement sur cet objet a été soumise à la commission de l'instruction primaire ; et celle-ci a été d'avis que le règlement était en vigueur depuis trop peu de temps pour qu'on pût le soumettre à une révision. Cette question reste donc à l'étude.

L'honorable M. Funck vous a proposé d'augmenter d'une somme de 100,000 francs les crédits affectés à l'enseignement primaire. L'honorable M. Funck, comme vous l'avez remarqué, n'attribue à cette augmentation de dépenses aucune destination spéciale.

Il vous a parlé des besoins de la ville de Bruxelles, et il a demandé si le gouvernement est disposé à venir au secours de la capitale, comme il prête son concours à plusieurs autres grandes villes du pays.

Quant au crédit en lui-même, je déclare, au nom du gouvernement, que je me rallie à sa proposition ; j'accepte l'augmentation de 100,000 fr. qui est demandée par l'honorable M. Funck, au chapitre de l'instruction primaire.

Mais, messieurs, je présenterai à l'honorable échevin de la ville de Bruxelles une seule observation ; je lui dirai que pour qu'une ville ou une commune quelconque puisse avoir droit à une subvention de l'Etat, il faut nécessairement que cette ville ou cette commune se place sous l'empire de la loi de 1842.

Or, si la ville de Bruxelles entre dans cette voie, si par conséquent elle veut exécuter la loi de 1842, comme l'exécutent les autres villes et communes du royaume, je ne me refuse pas à faire accorder à la ville de Bruxelles, dans les limites de ses besoins, une subvention sur les fonds de l'Etat.

La question est dès lors réduite à sa plus simple expression.

Je dis à l'administration communale de Bruxelles : « La loi de 1842 est là ; cette loi, j'entends la maintenir et la faire exécuter ; voulez-vous l'observer dans toutes ses parties ? Vous serez dans le droit commun ; et quand vous aurez prouvé ce qui doit être prouvé par toutes les autres localités qui ont des subsides du gouvernement pour leur enseignement, à savoir que votre situation financière exige le concours de l'Etat, je serai le premier à proposer l'arrêté qui accordera ce concours. »

Messieurs, voici quelques faits qui vous feront voir que l'administration communale de Bruxelles ne se conforme pas dans tous les points à la loi de 1842.

L'article 5 de cette loi s'occupe des enfants pauvres qui doivent recevoir l'instruction gratuitement. La liste de ces enfants pauvres doit être formée par l'administration communale et soumise à l'approbation de la députation permanente ; cette règle est suivie partout : eh bien, à Bruxelles, elle n'est pas observée.

M. Funck. -Je vous demande pardon.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - On me l'a affirmé de la manière la plus précise.

L'article 21 de la même loi s'occupa du traitement des instituteurs ; il dispose que ce traitement est fixé par le conseil communal sous l'approbation de la députation permanente ; eh bien, on m'assure qu'à Bruxelles cette prescription n'est pas non plus régulièrement appliquée (Interruption.)

La question n'est pas de savoir si la députation permanente est appelée à approuver le budget de la ville ; mais elle est de savoir si les dispositions de la loi de 1842 sont observées.

Or, de l'aveu des personnes qui sont au courant de la situation, Bruxelles n'exécute pas cette loi sur les points que je viens d'indiquer.

Il y a un autre point important que je voudrais relever : celui qui concerne le choix des instituteurs à qui la ville de Bruxelles confie l'enseignement primaire.

L'honorable M. Funck a bien été obligé de reconnaître que, sous ce rapport encore, la ville de Bruxelles se place en quelque sorte en dehors de la loi, en ce sens que l'administration communale ne prend pas ses instituteurs parmi les normalistes.

Elle possède une école à elle pour former ces instituteurs, et cette école n'est pas soumise aux règles des écoles normales de l'Etat et par conséquent aux règles tracées par la loi de 1842.

Or, tout le monde sait que le législateur de 1842 a voulu placer les écoles normales dans des conditions spéciales qui permettent au gouvernement de s'assurer si l'enseignement y est donné conformément aux prescriptions légales, de manière à habituer les élèves à l'enseignement normaliste et à former ainsi des hommes qui pourront rendre plus tard de grands services à l'enseignement primaire.

Remarquez, messieurs, que je ne viens pas dire à la ville : Votre école normale est mauvaise ; mais je lui dis : Votre école normale n'est pas (page 447) établie conformément à la loi de 1842. Et j'ajoute que dans ces conditions encore elle va à l’encontre de la loi.

La position que prend la ville de Bruxelles est donc contraire au texte et à l'esprit de la loi de 1842 ; et je répète que si elle faisait ce que font toutes les autres villes du royaume, elle aurait comme celles-ci, et dans la mesure du principe que j'ai formulé tantôt, droit aux subsides de l'Etat.

M. De Lehaye. - L'honorable auteur de la proposition qui a été faite hier, M. Funck, parlant des subsides dont jouissaient quelques grandes villes du royaume, a jugé convenable d'assigner à la ville de Gand une somme de plus de 90,000 francs.

Cette somme m'a paru exagérée ; aussi n'ai-je rien eu de plus pressé que de consulter le budget de la ville de Gand.

Loin de toucher celle somme, la ville de Gand n'a perçu pour l'exercice 1870 en fait de subsides du gouvernement qu'une somme de 44,000 fr., y compris, je pense les 25,000 francs assignés à l'école, industrielle.

Je dois faire observer que la ville porte à son budget, pour les écoles primaires, gardiennes et d'adultes, une somme de 300,000 et des francs. Il n'y a pas de ville dans le royaume qui inscrive à son budget, eu égard à ses ressources, une somme aussi considérable.

Aussi, messieurs, nous n'avons qu'à nous louer des résultats obtenus. Nos écoles peuvent être citées comme modèles.

Messieurs, on a beaucoup parlé de la circulaire de l'honorable M. Kervyn et des dispositions de la loi de 1842. J'avoue que la loi de 1842 ne proclame pas le principe consacré par la circulaire de l'honorable M. Kervyn comme une mesure obligatoire ; mais cette circulaire doit, dans certaines circonstances, plaire beaucoup aux grandes villes qui ont besoin des subsides du gouvernement.

Qu'a fait M. Kervyn ? Il a commencé par exiger de la part des communes l'exécution complète de la loi de 1842 ; c'est-à-dire qu'il leur a dit qu'elles n'obtiendraient de subsides qu'autant qu'elles eussent d'abord porté à leur budget une somme équivalente au produit de deux centimes additionnels à ses contributions directes ; et que la province à son tour eût porté à son budget le produit de deux centimes additionnels aux contributions directes.

Ce n'est qu'alors que les communes peuvent obtenir le concours pécuniaire du gouvernement. L'Etat, dans ces circonstances, est obligé de venir en aide aux communes.

Mais je suppose qu'il y ait une province dans laquelle le produit de deux centimes additionnels, portés au budget communal et au budget de la province, ne suffisent pas ; que faut-il faire dans ce cas ? Voilà, messieurs, ce que l'honorable M. Kervyn s'est demandé et c'est ce qui a motivé sa circulaire.

Il s'est dit : Pour que je puisse faire entre toutes les communes une répartition équitable des sommes portées au budget, j'aurai égard à la part de chaque commune dans le fonds communal, dont les grandes communes, qui sont en général celles qui font les plus grands sacrifices, n'ont pas à se plaindre, et je donnerai la préférence à celles de ces communes qui concourront aux frais de l'instruction primaire pour une somme équivalente au moins à 10 p. c. de leur part dans le fonds des octrois.

Tel est, messieurs, le sens de sa circulaire, et, pour ma part, j'y donne mon entier assentiment.

Je déclare donc que, interprétée de cette manière, la circulaire de M. Kervyn ne peut blesser aucune susceptibilité ; que les communes, au contraire, y trouvent des avantages qu'elles n'avaient pas auparavant.

M. de Rossius. - Vous êtes dans l'erreur.

M. De Lehaye. - Je dis que quand les communes et la province ont rempli l'obligation que la loi leur impose, et que si les deux centimes additionnels portés au budget des communes et au budget de la province ne suffisent pas pour faire face à toutes les dépenses, alors il y aura une règle fixe à suivre pour pourvoir à la différence. Or, quelle est cette règle, messieurs ? C'est la part des communes dans le fonds des octrois.

Or, quelle sera cette règle ? Ce sera la part prise par chacune des communes dans le fonds communal.

L'honorable M. Kervyn s'est laissé guider par cette considération qu'il sera porté 10 p. c. du revenu du fonds communal pour l'instruction primaire.

Je crois que cette considération est bonne et que de cette manière on préviendra toute réclamation ultérieure.

Cette circulaire sera donc un document à consulter utilement par les communes qui sauront désormais quelle est l'importance du subside sur lequel elles peuvent compter.

M. Anspach. - Messieurs, l'année dernière nous avons déjà demandé au gouvernement de faire cesser ce qui était une injustice criante, flagrante, commise à l'égard de la ville de Bruxelles.

Nous avons montré que les grandes villes du pays, Gand et Anvers, par exemple, ne faisaient pas pour l'enseignement primaire des dépenses plus considérables que Bruxelles, au contraire, et que cependant ces communes jouissaient de subsides considérables de l'Etat, tandis que Bruxelles n'a rien obtenu, malgré les instances qui s'étaient produites pendant une période de près de vingt années.

Il avait paru impossible de répondre à cette objection et le ministre d'alors s'était engagé à examiner comment on pouvait faire cesser des faits qui révoltaient la conscience de la Chambre tout entière.

Aujourd'hui l'honorable ministre de l'intérieur continue le même langage. Il dit : Bruxelles a certainement les mêmes droits que les autres grandes villes du pays et nous lui donnerons des subsides proportionnels.

La seule chose que l'honorable ministre réclame, c'est que Bruxelles se conforme à la loi de 1842.

J'ai été très étonné, messieurs, d'entendre le ministre de l'intérieur supposer que l'administration communale de Bruxelles n'exécutait pas une loi du pays. J'étais très fermement convaincu que nous appliquions la loi de 1842 jusque dans ses dernières prescriptions.

Quelle que soit l'opinion que nous puissions avoir sur cette loi, que nous ferons disparaître du code belge dès que nous le pourrons, mais à laquelle nous avons juré obéissance comme à toutes les lois du pays, nous l'exécuterons.

Et si nous ne le faisions pas, le devoir du gouvernement serait de nous faire rentrer dans la légalité.

J'attendais avec impatience les arguments que M. le ministre avait à faire valoir contre la ville de Bruxelles, et qui démontreraient que la loi de 1842 n'est pas appliquée par l'administration communale, certain d'avance qu'on ne pourrait articuler aucun grief sérieux. C'est ce qui est arrivé et je m'étonne qu'un esprit aussi grave que M, Delcour vienne nous dire : La liste des enfants pauvres n'est pas approuvée par la députation permanente, par conséquent vous n'exécutez pas la loi de 1842. D'abord, je crois que le fait est inexact.

Le conseil communal de Bruxelles vote chaque année, sur la proposition du collège, le nombre d'enfants qui doivent recevoir l'enseignement dans ses écoles et ces pièces, comme touts les autres, suivent la filière ordinaire pour arriver à l'autorité supérieure.

Mais je suppose que cette règle administrative n'ait pas été suivie. Est-ce que cela voudrait dire que nous n'appliquons pas la loi de 1842 ? Je comprendrais le reproche si M. le ministre venait démontrer que nous ne donnons pas l’enseignement aux enfants pauvres qui ont le droit de le recevoir.

Mais ce n'est pas le moins du monde cela qu'on vient nous dire, ce n'est pas ce reproche qu'on fait à la ville de Bruxelles ; on reconnaît, au contraire, que, sous ce rapport, la capitale fait ce qu'elle doit. Mais parce qu'une pièce sans importance ne serait pas partie de l'administration communale pour parvenir à la province, voilà que nous n'appliquerions pas la loi ! Je demande si ce reproche est sérieux ?

Second reproche : nous ne dressons pas une liste détaillée des traitements de nos 250 ou 300 instituteurs et institutrices ; nous envoyons en bloc, dans notre budget, le chiffre total de ces traitements. Et par ce fait, nous n'appliquons pas la loi de 1842 !

Je demande à la Chambre si l'on peut déduire de ce fait que la ville de Bruxelles ne mérite pas d'être traitée sur le même pied que les autres villes.

Si M. le ministre venait dire que nous ne donnons pas un traitement convenable à nos instituteurs et que pour ce motif les instituteurs sont insuffisants ; mais il ne le fait pas et c'est avec raison, car nulle part les instituteurs ne sont mieux payés qu'à Bruxelles.

Vous nous faites donc un reproche de pure forme ; mais je déclare que nous sommes prêts à nous soumettre à cette exigence. Il nous est parfaitement égal d'envoyer à la députation permanente la liste nominative des professeurs avec les traitements.

M. Dansaert. - Personne ne la lira.

M. Anspach. - Personne ne la lira, comme dit l'honorable M. Dansaert. C'est faire de la paperasserie. Jamais la députation permanente ne fera une observation sur un seul des traitements des instituteurs. C'est donc une affaire de pure forme. Mais on me disait tout à l'heure : Vous aurez à bon marché votre subside, si l'on ne demande que ces légères formalités qui sont considérées comme entraînant l'application complète de la loi. (page 448) Nous enverrons, M. le ministre, à la députation permanente le chiffre des 9,000 enfants pauvres, Nous lui enverrons ensuite la liste des traitements du personnel. Aucun changement n'y sera jamais apporté, mais nous aurons soigneusement appliqué la loi.

Un fait est plus grave. La ville de Bruxelles a créé une école normale qui n'est pas dans le sens de la loi de 1842. Voilà le crime qu'on lui reproche.

Eh bien, messieurs, il me semble qu'il suffit de lire la loi de 1842 pour reconnaître que ce reproche tombe à faux et que non seulement nous l'appliquons en cette matière, mais que la ville de Bruxelles fait beaucoup plus qu'elle ne devrait faire strictement.

La loi dit formellement, dans son article 10, que « les conseils communaux pourront, avec l'autorisation du gouvernement, choisir des candidats ne justifiant pas de l'accomplissement de cette condition », c'est-à-dire n'ayant pas le diplôme des écoles normales. La ville de Bruxelles n'a jamais nommé un instituteur qui n'avait pas son diplôme de l'école normale sans l'autorisation du gouvernement.

Que faut-il de plus pour que la loi soit respectée ?

Comment la ville de Bruxelles s'y est-elle prise pour s'assurer que le candidat qu'elle présentait au gouvernement pouvait utilement enseigner dans ses écoles ? La ville de Bruxelles lui fait passer des examens, précisément les mêmes que ceux qu'on impose aux normalistes devant les fonctionnaires du gouvernement.

- Un membre. - L'administration communale de Bruxelles y enseigne le catéchisme.

M. Anspach. - Oui, car l'inspecteur diocésain siège dans le jury.

Cette administration libérale, avancée, de la ville de Bruxelles convoque l'inspecteur diocésain ; il vient faire les questions de catéchisme, l'histoire sainte et l'histoire de l'Eglise ; il siège en ce moment à l'hôtel de ville.

Nous faisons donc exactement ce que fait le gouvernement dans les écoles normales.

Mais comment la ville de Bruxelles a-t-elle été obligée de suivre ce système ?

C'était, il y a une dizaine d'années, j'étais échevin de l'instruction publique ; nous faisions tous les mois des appels désespérés aux normalistes ; la ville se voyait sur le point de fermer plusieurs de ses écoles.

Qu'avons-nous fait ?i

La ville de Bruxelles n'avait pas besoin de faire tout cela pour rester dans les termes de la loi de 1842, elle n'avait qu'à présenter à l'approbation du gouvernement des instituteurs munis d'un certificat quelconque. Moyennant cette approbation du gouvernement, nous étions dans les termes de la loi. Nous faisons donc plus que la loi de 1842 ne demande.

Si M. le ministre venait nous dire : Vous laissez donner des cours par un personnel qui n'est pas agréé, il pourrait soutenir que nous n'exécutons pas la loi, mais je démontre que nous faisons plus que la loi ne demande.

Ainsi, messieurs, il me semble que la ville de Bruxelles se trouvant sous le rapport de la loi de 1842 dans une position qui lui permet de dire qu'elle en respecte complètement les termes, il n'y a plus aucun motif de lui refuser des subsides.

Le cabinet accepte l'amendement de M. Funck, et d'après les explications que je viens de donner, je crois que M. le ministre de l'intérieur ne se refusera pas à faire droit à nos justes et anciennes réclamations.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, il est incontestable cependant que la ville de Bruxelles ne se conforme pas complètement aux prescriptions de la loi de 1842. Il suffirait, pour s'en convaincre, de se rappeler les observations qui lui ont été faites à ce sujet.

L'honorable M. Kervyn vous a lu tantôt l'extrait d'une lettre adressée par la députation permanente du Brabant à l'administration communale de la capitale ; cette lettre est du mois d'octobre 1871 et, par conséquent, d'une date très récente.

La députation permanente y déclare de nouveau à la ville de Bruxelles qu'on ne peut lui allouer une subvention sur le budget provincial, parce que l'administration ne se soumet pas à la loi.

Ainsi, messieurs, le gouvernement est, sous ce rapport, en très bonne compagnie, puisqu'il est d'accord avec la députation permanente du Brabant.

L'honorable préopinant me dit : « Vous vous attachez à de petites choses. » Non, messieurs, je ne m'attache pas à de petites choses ; je m'attache à la loi, et comme la loi est une et qu'elle doit être exécutée et observée à Bruxelles aussi bien que dans toutes les autres villes et communes du royaume, je dis à l'administration communale de Bruxelles : « Vous ne pouvez pas jouir d'un privilège sous ce rapport ; restez dans le droit commun. »

L'honorable M. Anspach prétend qu'il agit conformément à la loi et il invoque le texte de l'article 10 à l'appui de sa thèse.

Je suis vraiment étonné d'entendre cette observation de la part de l'honorable membre. La Chambre se souvient que, dans la discussion générale du budget de l'intérieur, l'on m'a demandé notamment si j'entendais que l'on ne pût nommer que des élèves normalistes aux fonctions d'instituteurs.

On a proclamé que la nomination des instituteurs diplômés doit être la règle générale.

Eh bien, le croirez-vous, messieurs ? La ville de Bruxelles ne tient pas compte de cette règle générale ; elle se place en dehors du droit commun ; et au lieu de nommer des normalistes...

- Un membre. - A défaut de normalistes.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - C'est l'aveu que vient de faire l'honorable bourgmestre, de Bruxelles.

Or, je dis à l'honorable M. Anspach : Vous vous placez dans une situation exceptionnelle et c'est précisément la situation que nous ne pouvons admettre. (Interruption.) Lorsque dans le pays tout entier on sait trouver des instituteurs normalistes pourvus du diplôme que la loi exige, comment se fait-il que Bruxelles seul en manque ?

M. Bouvier. - Il en manque.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Vous le voyez, mon observation est fondée, mais, en d'autres points, je partage les idées de l'honorable M. Anspach et je lui promets que le jour où Bruxelles exécutera la loi de 1842, elle pourra compter, comme Gand, comme Liège, etc., sur l'intervention du gouvernement, suivant l'état de ses ressources financières.

(page 451) M. de Rossius. - Je n'ai pas l'intention de m'occuper de la question spéciale de la ville de Bruxelles ; M. Anspach a, du reste, parfaitement démontre qu'une entente est facile et qu'en réalité la ville de Bruxelles a rendu un grand service à l'Etat lui-même en faisant, à grands frais, de véritables instituteurs normalistes qui ont placé son enseignement à un niveau très élevé.

Je veux m'occuper, en quelques mots, des circulaires de l'honorable M. Kervyn, puisque l'honorable M. De Lehaye ne prétend pas qu'on les considère comme lettre morte. Il importe, si elles doivent être appliquées, que l'honorable 3M Delcour s'explique sur leur véritable portée.

Je croyais, je l'avoue, qu'il ne serait plus question de ces circulaires dans cette enceinte, leur auteur n'occupant plus le banc ministériel.

« Seigneur, Laüs est mort, laissons en paix sa cendre. »

Mais puisqu'on demande qu'elles conservent leur autorité, il faut bien que je renouvelle la question que j'ai posée l'an dernier à l'honorable M. Kervyn.

La circulaire primitive, celle du 11 décembre 1870, impose à la commune des sacrifices déterminés pour son enseignement primaire.

L'intervention de l'Etat n'est possible qu'après que la commune aura consacré à cet enseignement :

1° 2 centimes additionnels ;

2° Les revenus des fondations pour l'instruction élémentaire ;

3° 10 p. c. de ses revenus patrimoniaux.

Enfin, 10 p. c. de sa quote-part dans le fonds communal.

Mais la commune s'imposant ces sacrifices, l'intervention financière de l'Etat est-elle obligatoire, si toutes les dépenses pour l'enseignement primaire ne sont pas couvertes ?

Dans la session dernière, ce point n'a pas été éclairci.

J'ai vainement sollicité de l'honorable M. Kervyn une déclaration qui fît connaître a la Chambre et aux députations permanentes si les sacrifices dont parle la circulaire devaient être considérés comme un minimum ou comme un maximum, c'est-à-dire si l'intervention de l'Etat devenait nécessaire quand toutes les dépenses de l'enseignement communal ne sont pas couvertes par les centimes additionnels et les 10 p. c. tant des revenus patrimoniaux que de la part dans le produit du fond communal.

L'honorable M. Kervyn, par une circulaire postérieure, celle du 30 juin, faite pour un cas déterminé, cas assez fréquent, je le reconnais, l'honorable M. Kervyn s'est prononcé pour le système du maximum. On ne peut rien exiger de la commune au delà des 10 p. c. du fonds des octrois.

Mais cette circulaire du 30 juin n'est pas applicable à un grand nombre de communes. Pour celles-ci, il s'agit toujours de la circulaire primitive, de celle du mois de décembre 1870. Je demande à l'honorable M. Delcour de nous dire si elle prévoit un minimum ou un maximum. Autrement dit, le déficit tombe-t-il nécessairement à charge du trésor public, lorsque toute la dépense, pour l'instruction n'est pas couverte, bien que la commune ait rempli son obligation légale en affectant à cette instruction les centimes additionnels et les 10 p. c. des octrois et des revenus patrimoniaux ?

Cette question a été posée dans plusieurs dépêches adressées par la députation permanente de Liège à l'honorable M. Kervyn. Jamais elle n'a reçu de réponse.

J'espère que l'honorable M. Delcour s'expliquera. Il faut que l'on sache à quoi s'en tenir pour arrêter les budgets communaux.

L'honorable M. Delcour vient de s'occuper de l'article 10 de la loi de 1842. A l'occasion de la ville de Bruxelles, il nous a parlé de nos exigences, en ce qui concerne son application.

J'ai eu l'honneur d'insister très vivement pour obtenir du cabinet une déclaration qui vous fit connaître quelle ligne de conduite il tiendrait quand il aurait à intervenir en exécution du paragraphe 3.

J'ai demandé à l'honorable M. Delcour s'il maintiendrait la jurisprudence du département de l'intérieur, si on n'autoriserait la nomination d'un instituteur non normaliste qu'à défaut de normalistes. J'ignorais alors que déjà l'honorable M. Kervyn avait rompu avec les traditions de ses prédécesseurs ; qu'il eût autorisé une ville de la province de Liège à procéder à la nomination d'une institutrice non diplômée, tandis qu'il y avait sur les rangs quatre normalistes diplômées.

- Voix à gauche. - Ah ! ah !

M. de Rossius. - Et remarquez, messieurs, que cette institutrice non diplômée avait suivi infructueusement pendant quatre années les cours de l'une des écoles agréées. Elle n'a pu conquérir son diplôme. (Interruption.)

M. Bouvier. - Nous marchons bien !

M. de Rossius. - L'honorable M. Pirmez faisait dernièrement une observation très juste. Il vous disait que vous lutteriez vainement contre les influences locales qui s'exerceraient, en dehors même de toute préoccupation de parti, pour obtenir des nominations peu heureuses. Contre ces influences la résistance ne sera pas possible si vous renoncez au système suivi jusqu'ici, si vous souffrez que les candidats diplômés soient écartés.

Dans le cas dont je viens de parler, ce sont des influences particulières qui ont pesé sur le conseil communal. Il a cédé.

Aujourd'hui, l'honorable M. Delcour est appelé à prendre une résolution sur un cas semblable. Il existe dans ma province une commune qui possède une fondation pour l’enseignement.

L'école de la fondation était tenue par deux institutrices religieuses : vous allez voir la gradation : la nomination autorisée en octobre dernier, par l'honorable M. Kervyn, s'est faite au profit d'une institutrice laïque ; cette fois, elle va se faire au profit d'une institutrice religieuse.

La fondation fut remise à la commune aux termes de la loi de 1864. Le conseil décida la construction d'un vaste bâtiment d'école avec le concours de la province et de l'Etat. Il faut maintenant nommer les deux institutrices qui sont nécessaires.

Le conseil communal vient de demander au gouvernement l'autorisation de nommer les deux religieuses qui tenaient l'école de la fondation.

Je demande à l'honorable M. Delcour quelle décision il va prendre.

Ces deux institutrices n'ont pas de diplôme.

Le département de l'intérieur va être appelé à confirmer ou bien la jurisprudence de l'honorable M. Pirmez et de ses prédécesseurs, ou bien le système nouveau, système déplorable inauguré par l'honorable M. Kervyn.

L'honorable M. Delcour nous disait que les différentes provinces n'emploient pas un procédé uniforme pour apprécier la valeur des candidats non diplômés.

C'est vrai. Dans certaines provinces, on impose aux candidats non diplômés, mais toujours, bien entendu, en l'absence de candidats diplômés, un examen devant l'inspecteur provincial ou devant des inspecteurs cantonaux.

Dans la province de Liège, il n'en est pas ainsi. On renvoie les candidats devant le jury de sortie des écoles normales.

Je demande à l'honorable M. Delcour si, pour le cas où il n'y aurait pas de normalistes sur les rangs, il renverra ces deux religieuses devant le jury de sortie formé pour les écoles pédagogiques de la province de Liège.

Messieurs, l'événement a donc prouvé déjà que ce n'était pas sans raison que nous insistions avec énergie pour obtenir de l'honorable M. Delcour que les traditions du département de l'intérieur fussent respectées.

(page 452) Il est certain que nous entrons dans une période de réaction des plus prononcées. Nous ne pouvons conserver la moindre illusion.

Il faut bien que la droite s'attende à voir la gauche protester en toute occasion contre la politique du gouvernement.

M. Bouvier. - J'ai demandé la parole pour prier M. le ministre de nous donner quelques explications sur ce qui se passe en ce moment dans la bonne ville de Menin.

Voici ce que je lis dans un journal.

M. De Lehaye, rapporteur. - Oh ! oh !

M. Bouvier. -- Comment, oh ! oh !

M. De Lehaye, rapporteur. - J'ai aussi lu cet article.

M. Bouvier. - Vous lisez donc les journaux libéraux, M. De Lehaye. Je vous en félicite. Voici, messieurs, comment s'exprime ce journal.

« La ville de Menin est en ce moment très émotionnée. Le ministre catholique vient de maintenir le directeur des écoles communales que le conseil communal avait suspendu pour incapacité et inconduite. »

Une nouvelle suspension avait été motivée par ce fait que l'instituteur avait été signalé par la police.

Vous le voyez, ce n'est plus la gendarmerie, c'est la police (nous ne sommes plus sous le régime Kervyn) qui avait constaté la présence de ce fonctionnaire dans un cabaret mal famé à 5 heures du matin.

M. Van Wambeke. - Il y logeait peut-être.

M. Bouvier. - Je ne connais pas autrement les faits que par le journal dont je lis l'extrait. Je n'invente donc pas.

On prétend que l'instituteur, se sentant appuyé par le pouvoir clérical, refuse de se soumettre à la nouvelle décision du conseil.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien nous fournir quelques explications sur les faits dont il doit avoir une parfaite connaissance.

(page 448) M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, les explications que je vais donner à la Chambre seront bien simples et bien faciles. Le 2 septembre 1871, le conseil communal de Menin suspendit, pour un terme de trois mois, l'instituteur auquel fait allusion l'honorable M. Bouvier.

Le principal grief invoqué par l'administration communale contre cet instituteur était l'état peu satisfaisant dans lequel se trouvait son école au point de vue de l'instruction des enfants.

Voilà le motif invoqué par le conseil communal.

M. David. - Pour incapacité.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Attendez, M. David ; vous dites incapacité, mais il y a d'autres hommes que vous pour la juger.

M. David. - C'est dit tout au long.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - II résulte de l'enquête faite par l'inspecteur provincial et des avis de l'inspecteur cantonal qu'effectivement cet instituteur apportait de la négligence dans l'accomplissement de ses devoirs.

Il fut établi aussi que l'instituteur fréquentait assidûment un estaminet d'une commune voisine, mais qu'il n'y avait, à cet égard, rien de répréhensible dans sa conduite. L'inspecteur provincial concluait à l'approbation de la suspension, en proposant toutefois de réintégrer l'instituteur dans ses fonctions, à l'expiration de la peine, afin de pouvoir constater s'il ne montrerait pas plus de zèle et de circonspection à l'avenir.

De son côté, M. le gouverneur de Bruges demandait que la suspension fût réduite à deux mois.

Mais mon honorable prédécesseur quitta le ministère sans prendre de décision.

Dans cet état de choses, le conseil communal prononça une nouvelle suspension pour un terme de quarante jours (délibération du 5 décembre dernier).

C'est sur cette mesure que je fus appelé à statuer.

Sans revenir sur la première suspension qui avait complètement sorti ses effets, je n'approuvai pas la nouvelle peine infligée par le conseil communal et l'instituteur fut maintenu en fonctions.

Au mépris de la décision ministérielle, le conseil communal de Menin vient de prononcer une troisième suspension pour un terme de trois mois.

Or, voici, messieurs, ce que j'ai décidé : j'ai demandé des renseignements immédiats à M. le gouverneur sur ce nouvel acte du conseil et notamment sur le point de savoir si cet acte est motivé par de nouveaux griefs à la charge de l'instituteur.

(page 449) Vous voyez, messieurs, à quoi se réduit le bruit que font les journaux ; il se réduit à rien. (Interruption.) Il y a eu trois suspensions successives, et la dernière a été prononcée immédiatement après que la décision du gouvernement a été communiquée au conseil communal.

M. Bouvier. - Est-ce que cette dernière suspension est motivée sur des faits nouveaux ?

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - C'est la question sur laquelle j'ai précisément demandé des renseignements à M. le gouverneur.

Ainsi, messieurs, vous le voyez, s'il y a dans cette affaire des faits blâmables, ce n'est pas à coup sur au ministre qu'il faut les reprocher.

- La séance est levée à 5 heures.