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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 7 février 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 426) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Hagemans lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :

« Les membres du conseil communal de Termes demandent une enquête sur l'emplacement à fixer pour le pont qui doit être construit sur la Sémois, dans cette commune. »

M. Bouvier. - Messieurs, cette pétition s'occupe d'une question qui présente un intérêt vital pour la commune de Termes. Je prie la Chambre d'en ordonner le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


« L'administration communale de Fize-Fontaine demande qu'il soit fait rapport sur la pétition du conseil communal relative à l'exécution de la loi du 19 mars 1866. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Loots prie la Chambre, de statuer sur sa demande tendante à faire exercer des poursuites contre une société d'assurances qui l'a ruiné. »

- Même renvoi.


« Les secrétaires communaux des cantons de Maeseyck et de Mechelen proposent des mesures pour améliorer la position des secrétaires communaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur de Paepe prie la Chambre de voler la suppression de l'enseignement officiel et d'affecter à l'amélioration du sort des employés inférieurs de l'Etat les sommes actuellement consacrées à l'enseignement public. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le sieur Dwelshauvers-Altmeyer demande que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.


« Le sieur Bouten demande que la proposition de loi relative à la traduction flamande des Annales parlementaires ne soit pas adoptée tant qu'on n'aura pas introduit de profondes modifications dans le système d'enseignement. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Guillaume Lofsch, employé de banque à Bruxelles, né à Gelnhausen (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Van Sichem demande une augmentation d'impôt sur le tabac. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le sieur Massin prie la Chambre de s'occuper des réclamations des secrétaires communaux pendant la discussion du budget de l'intérieur. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


M. Delaet (pour une motion d’orde). - Messieurs, il y a quelque temps, vous avez renvoyé à votre commission d'industrie des pétitions en sens divers, adressées à la Chambre par des brasseurs.

La commission s'est très sérieusement occupée de ces pétitions. Son rapporteur a convoqué les brasseurs en une réunion générale. Elle a considéré cette matière comme assez sérieuse et assez grave pour ne pas faire encore de sa part l'objet d'un rapport définitif.

Le projet de loi sur la brasserie qui vient d'être soumis à la Chambre par le gouvernement met, dans l'idée de la commission de l'industrie, fin à sa mission et je viens, en son nom, proposer à la Chambre de renvoyer les pièces à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les brasseries.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1872

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVI. Enseignement moyen

Article 83

« Art. 83. Frais et bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur et du degré inférieur ; subsides pour aider les élèves les plus distingués de l'enseignement normal du degré supérieur qui ont terminé leurs études à fréquenter des établissements pédagogiques étrangers : fr. 86,928. »

M. Sainctelette. - Messieurs, je ne veux pas rentrer dans la discussion qui s'est engagée hier sur la portée de l'article 17 de la Constitution.

Celle même question, qui a été traitée hier, a fait, en 1862, l'objet d'un très remarquable débat entre M. Frère et M. Dechamps. Il n'y a rien à ajouter à ce qui a été dit alors.

Je fais donc abstraction du droit. Je ne me préoccuperai que du fait.

En fait, je constate que l’enseignement industriel et professionnel donné par les établissements privés laisse, en général, beaucoup à désirer ; qu'il est de beaucoup inférieur à l'enseignement spécial donné dans les écoles moyennes de l'Etat.

J'ajoute que nos écoles moyennes ont parfaitement réussi ; que de tous les établissements d'instruction en Belgique, ce sont ceux qui ont donné partout les meilleurs résultats ; que l'accord à cet égard est unanime entre les intéressés. Consultez les administrations communales, les industriels, les jeunes gens sortis de ces écoles, les fonctionnaires supérieurs de l'enseignement, tout le monde vous dira que nos écoles moyennes ont donné d'excellents résultats, ont produit un très grand nombre de fort bons élèves.

Le nombre de ces écoles est-il suffisant ? Incontestablement non. L'honorable M. de Theux m'a taxé hier d'exagération parce que, dans la discussion générale du budget, j'ai demandé au gouvernement de donner suite aux travaux préparés par les précédents ministres de l'intérieur et de déposer un projet de loi portant le nombre des écoles moyennes en tous cas à 111, et même à 120. Le chiffre de 111 a été emprunté au dernier rapport triennal sur l'enseignement moyen.

L'administration, et en général, on ne peut pas lui reprocher d'aimer à trop faire, reconnaît que ce ne serait pas aller trop loin que de donner à chaque commune de 5,000 âmes une école moyenne. Or, nous avons 111 communes de plus de 5,000 âmes, et parmi ces 111 communes, il en est de très importantes où la vie industrielle a pris une très grande activité, qui n'ont pas de bonne école moyenne, Je citerai entre autres Roulers et Seraing.

(page 127) Pour l’honorable M. de Theux, c’est une idée exorbitante que d’établir une école moyenne dans une commune de 5,000 habitants, que d’avoir 111 ou 120 écoles préparatoires à l’enseignement professionnel pour une population de 5,000,000 âmes. Mais autour de chaque commune de 5,000 âmes et dans un rayon d'une à deux lieues, se groupe une population rurale qu'on peut, en thèse générale, évaluer au même chiffre que celui de la population du chef-lieu, de telle sorte que, en définitive, l'école moyenne ne dessert pas seulement une population de 5,000 âmes, mais qu'elle satisfait en réalité aux besoins d'une population de plus de 10,000 âmes.

Est-ce là aller trop loin ?

N'y a-t-il pas dans nos communes un grand nombre de jeunes gens appartenant à la classe des négociants modestes, des petits propriétaires, des employés, des fonctionnaires, des gens de moyenne fortune, qui ne peuvent, faute de ressources suffisantes, aller dans un chef-lieu de province, suivre les cours de l'athénée, et qui cependant sont dignes de recevoir une instruction supérieure à celle qui se donne dans les écoles primaires ?

Au prix où est aujourd'hui la vie, il faut une aisance très grande et presque de la fortune pour pouvoir placer un enfant en pension dans un athénée.

Or, la population des petites villes est généralement une population dont la fortune est moindre que l'intelligence. Elle est composée de personnes qui travaillent et qui sont seulement en train de s'assurer les ressources nécessaires.

Il est donc indispensable de rapprocher le plus possible des populations les foyers de développement intellectuel, les foyers d'instruction.

Je l'avoue, messieurs, je suis du nombre de ceux qui croient qu'en matière d'enseignement il ne faut pas faire seulement le nécessaire, mais que c'est là qu'il faut du luxe.

C'est l'honneur des nations de consacrer le plus d'argent qu'il est possible au développement de l'instruction à tous les degrés.

Or, si tous les enseignements doivent être développés, il faut surtout se préoccuper de ceux qui sont le mieux appropriés aux aptitudes générales de la nation, de même que le cultivateur intelligent ne fait pas indistinctement partout de la culture intensive, qu'il choisit un bon sous-sol et le traite d'une façon appropriée à sa constitution géologique, de même il faut, dans une nation, s'étudier à développer les facultés, les aptitudes naturelles.

Or, il y a en Belgique, pour tout ce qui est commerce, pour tout ce qui est industrie, pour tout ce qui est développement des intérêts matériels, des facultés naturelles extrêmement précieuses. Il s'agit seulement de savoir les développer.

L'enseignement de nos écoles moyennes n'a si bien réussi que parce qu'il était approprié aux aptitudes de la nation et le succès que nous avons obtenu dans cette voie est un indice de l'insistance qu'il faut y mettre.

Je crois donc qu'il n'y a rien d'exagéré à demander que le nombre des écoles moyennes soit au moins doublé, qu'il soit porté à 110 ou à 112.

L'honorable M. Delcour, en s'expliquant hier sur ce point, a déclaré qu'il était disposé à faire quelque chose. (Interruption.) C'est du moins cela que j'ai compris. Mais il a ajouté qu'il devait prendre garde au nombre des écoles moyennes déjà existantes, au nombre des établissements communaux et même, dans une certaine mesure, au nombre des établissements privés.

Eh bien, sans entrer dans la question de savoir si l’enseignement de l'Etat doit être organisé, abstraction faite de l'enseignement privé, ou si, comme le prétendent certains membres de la droite, l'enseignement de l'Etat n'est destiné qu'à remédier à l'insuffisance de l'enseignement privé, sans discuter cette question, je rappellerai que les établissements d'enseignement moyen font complètement défaut dans un grand nombre de localités appelées au plus grand avenir. Or, je pense que c'est surtout au ministre de l'instruction publique à se préoccuper des besoins de la nation et de l'état de l'enseignement de l'Etat.

Il a, de ce point de vue, une situation toute spéciale.

Que ceux des membres de la Chambre qui n'appartiennent pas au gouvernement se montrent soucieux des intérêts de l'instruction privée, soit, mais qui défendra, qui soutiendra l'enseignement de l'Etat, si ce n'est le ministre de l'instruction publique ?

Comment s'expliquer qu'entre deux fortes concurrentes la lutte soit égale si celui qui dirige l'une s'attache à ne jamais dépasser l'autre ? C'est une étrange façon de comprendre l'émulation.

Quoi qu'il en soit, j'ai l'espoir que, mieux inspiré, M. le ministre de l'intérieur, lorsqu'il aura vraiment étudié les besoins des populations, reconnaîtra que les propositions émanées de son département ne sont pas exagérées et qu'il nous présentera, dès le début de la session prochaine, un projet de loi spécial.

J’ajoute que la dépense est insignifiante ; vous savez, messieurs, que d'après la loi sur l'enseignement moyen de 1850, le concours de l'Etat ne peut pas excéder 1,000 francs par école ; ce que nous demandons se borne donc à une dépense de 200,000 francs. Oui, 200,000 francs pour pourvoir à l'instruction d'une des plus intéressantes classes de la société.

J'ai beaucoup de sympathie pour les classes ouvrières, mais je n'oublie pas qu'elles ne composent pas toute la nation. A côté des ouvriers, il y a de petits propriétaires, de modestes marchands, des fonctionnaires subalternes, aux enfants de qui vous ne pouvez pas plus refuser l'instruction moyenne que vous ne pourriez refuser aux enfants de la classe ouvrière cette instruction primaire qui leur est si indispensable.

M. Jacobs. - Messieurs, je ne puis accepter l'allégation de l'honorable membre d'après laquelle les. écoles privées seraient notablement inférieures aux écoles de l'Etat.

Il y a en Belgique des établissements privés comme des établissements publics qui ont d'excellents professeurs, de très bons élèves et qui produisent des résultats très satisfaisants.

C'est sous l'influence de cette idée préconçue et en partant d'une base fausse que M. Sainctelette est amené à demander que le nombre des écoles moyennes de l'Etat soit doublé.

Il n'est pas possible de procéder avec une pareille brusquerie. Les besoins ne se révèlent pas ainsi du jour au lendemain. C'est petit à petit que l'on augmente le nombre des établissements, lorsque la nécessité s'en fait sentir.

L'honorable M. Pirmez qui dirigeait, il y a moins de deux ans, le département de l'intérieur, n'aurait pas laissé s'accumuler les besoins au point qu'il faille aujourd'hui doubler le nombre des écoles moyennes.

Hier, on a prétendu que M. le ministre de l'intérieur avait tort de se préoccuper des établissements privés, quant au point de savoir s'il fallait créer des écoles moyennes de l'Etat dans certaines localités.

A entendre d'honorables membres, le gouvernement ne devrait tenir aucun compte des établissements privés ; il devrait créer dans la Belgique entière des établissements publics, sans se préoccuper de l'existence des établissements privés similaires.

Eh bien, cela est diamétralement contraire à tout ce qui a été soutenu lors de la discussion de la loi de 1850. L'honorable M. Rolin, qui était alors ministre des travaux publics, s'exprimait, le 13 avril 1850, comme suit :

« Nous sommes les premiers à reconnaître que l'on peut porter atteinte à l'instruction libre, non seulement par des restrictions légales, mais encore par un excès de concurrence officielle ; non seulement en la gênant dans son action, mais encore en lui disputant l'air et l'espace. Nous n'entendons nullement y porter atteinte ni d'une manière ni de l'autre. Il s'agit de limiter l'action de l'Etat dans une mesure juste et utile ; c'est une appréciation sur laquelle il ne nous paraît pas impossible de s'entendre. » (Annales parlementaires, p. 1144.)

L'honorable M. Van Hoorebeke, qui, lui aussi, a été ministre des travaux publics dans une administration libérale, disait, de son côté, le 18 avril 1850 :

« On dit : Quand l'Etat aura des athénées, quand il aura établi et organisé cinquante écoles moyennes, la liberté d'enseignement existera encore en droit, elle n'existera plus en fait.

« Je l'avouerai sans détour, si les conséquences de la loi devaient être que l'enseignement libre serait effacé ou même compromis, je n'hésiterais pas à repousser la loi.

« Mais si l'on se borne à voter les établissements dont le gouvernement réclame la création, il n'y aura pas de monopole, parce, que l'équilibre entre les deux influences qui se partageront toujours renseignement public ne sera pas rompu. » (Annales parlementaires, p. 1189.)

Et l'honorable M. Van Hoorebeke, faisant la statistique des établissements libres, la comparant au nombre des établissements publics, établissait, en effet, entre eux un certain équilibre.

Si aujourd'hui des besoins considérables et nouveaux se font sentir, si le nombre des établissements libres a notablement augmenté, je comprends que pour satisfaire des besoins méconnus, en maintenant l'équilibre que l'on a voulu loyalement en 1850, on augmente, dans une certaine proportion, les écoles moyennes de l'Etat ; mais il faut ne pas écraser l'enseignement libre, ne pas rompre l'équilibre, ne pas tenter d'arriver indirectement au monopole.

Voilà ce que des membres libéraux, qui ont défendu la loi de 1850, ont (page 428) voulu ; voilà ce qui doit être loyalement maintenu par M. le ministre de l'intérieur. Telle a été sa déclaration ; j'y adhère et j'y applaudis.

M. Pirmez. - Si l'honorable M. Jacobs connaissait bien les faits, il serait d'accord avec nous.

Je n'ai nullement l'intention d'entrer dans la discussion de principes qui a été soulevée hier, mais je suis convaincu qu'en admettant même les principes de M. le ministre de l'intérieur et de M. Jacobs, il faut faire ce que nous demandons.

Il ne s'agit pas, remarquez-le bien, de créer 50 écoles nouvelles, il s'agit de doubler le nombre des écoles moyennes de l'Etat ; or, pour arriver à ce résultat, l'Etat pourra reprendre un certain nombre d'établissements communaux afin de mettre certaines localités importantes dans la même situation que des localités d'un même rang.

Il y a donc dans la proposition deux éléments : la reprise par l'Etat d'un certain nombre d'écoles existantes et la création d'écoles nouvelles.

Quant au premier, l'honorable M. Jacobs ne peut pas en être effrayé pour les établissements privés. Quant au second, si l'on demande l'augmentation du nombre des écoles, c'est parce que les besoins ont augmenté depuis 1850 : on a donné à l'enseignement moyen, à l'enseignement public comme à l'enseignement privé, une grande extension depuis lors.

Si, d'après le principe de l'honorable membre, il faut maintenir l'enseignement public dans une certaine proportion, il faut donc accepter la mesure que nous proposons.

Il a, du reste, toujours été entendu que c'était un bien de permettre aux pères de famille de choisir entre un établissement privé et une école publique, un établissement religieux et une école de l'Etat.

Cette théorie n'a pas été soutenue seulement sur les bancs de la gauche, elle est aussi celle de M. de Theux. L'honorable ministre a affirmé que lorsqu'il y a une école communale, c'est un bien qu'il y ait une école adoptée, parce que les parents peuvent avoir le choix entre l'école de l'Etat et l'école privée, pour l'éducation à donner à leurs enfants.

Appliquant ces paroles de M. de Theux au cas que prévoit l'honorable ministre de l'intérieur, vous arriverez à créer des écoles moyennes même dans les localités qui possèdent des établissements privés. On encourage ainsi les parents à mettre leurs enfants dans l'une ou dans l'autre de ces écoles par la latitude qu'acquiert leur choix.

Vous le voyez, messieurs, dans la matière qui nous occupe, il n'est pas même besoin de combattre dans la discussion de la Constitution les principes soutenus par MM. Delcour et Jacobs. Il suffit de demander l'application vraie aux faits constatés des principes qu'ils admettent.

L'honorable M. Jacobs nous demande comment nous avons laissé se former la lacune que nous signalons aujourd'hui.

Messieurs, les besoins se font sentir petit à petit ; ce n'est que lorsqu'ils sont assez grands, qu'on a recours à la législature.

On aurait pu depuis longtemps augmenter le nombre des écoles moyennes créées par la loi de 1850.

Avant de toucher à la loi, on a pourvu aux besoins par les subsides donnés aux écoles moyennes communales ; de tous côtés on demande aujourd'hui des écoles moyennes ; il n'y a aucune difficulté à désigner les localités dans lesquelles ces écoles doivent être établies. Ce travail a été fait au département de l'intérieur. Il suffit à M. Delcour de se faire renseigner par la direction générale de l'instruction publique pour constater que le principe que lui-même a établi doit pousser à la création de nouvelles écoles moyennes.

M. Jacobs. - Il a dit qu'il examinerait.

M. Pirmez. - J'espère que cet examen entraînera l'application des principes que vous-même et M. le ministre de l'intérieur avez professés. Si vous êtes conséquents avec vos propres principes, vous arriverez à la même conséquence que nous.

L'honorable M. Delcour a repoussé hier la création d'écoles moyennes de filles en se fondant sur ce que ces établissements ne sont pas organisés par la loi.

Je ne sais pas si cette objection est une raison ou seulement un prétexte. Dans ce dernier cas, il est évident que toutes les bonnes raisons que je pourrais donner ne convaincront pas l'honorable ministre.

Mais si ce qu'il invoque est une raison, il y a un moyen très simple de faire disparaître l'objection : c'est de présenter un projet de loi qui organise l'enseignement moyen des filles. Il suffit de proclamer quelques principes, de prendre dans la loi de 1850 les principes qui sont indiqués dans l'exposé des motifs du budget de l'intérieur de 1868 et de les ériger en loi. En un mot, il suffit d'une loi en quatre articles pour faire disparaître l'obstacle, si l'objection présentée est le vrai motif de ne pas agir.

Ainsi, de deux choses l'une : ou M. le ministre de l'intérieur persistera dans son système et alors il nous autorisera à dire que son objection n'est qu'un prétexte pour ne pas organiser l’enseignement moyen des filles ; ou bien il nous prouvera que son objection est sérieuse en nous présentant un projet de loi sur l'enseignement moyen des filles et, dans ce cas, nous serons parfaitement d'accord.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je vois avec plaisir que la discussion commence à s'éclaircir. Hier, on me reprochait d'avoir avancé des principes audacieux, anticonstitutionnels. Aujourd'hui, on reconnaît que tout cela est de l'exagération.

M. de Rossius. - Personne n'a reconnu cela.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - La question qui m'a été posée est celle-ci : Avez-vous l'intention d'augmenter le nombre des écoles moyennes ; comptez-vous proposer à cet égard une loi à la Chambre ? J'ai eu l'honneur de répondre que cette intention, je ne l'ai pas aujourd'hui, parce que je dois d'abord étudier la question et que, dans cette étude, j'ai à considérer l'ensemble des faits en me préoccupant tout naturellement des besoins des populations et en appréciant ces besoins, même au point de vue des établissements privés d'instruction moyenne.

On m'a dit : Cette doctrine est nouvelle, vous venez ici avec des idées qu'aucun de vos prédécesseurs n'a jamais partagées, qu'aucun des ministres catholiques même n'eût osé proposer.

Or, messieurs, vous venez d'entendre, il n'y a qu'un instant, les paroles de mon honorable ami, M. Jacobs ; cet honorable membre vous a donné lecture d'un passage extrait d'un discours de M. Rolin, qui était ministre des travaux publics, lors de la discussion de la loi de 1850 sur l'enseignement moyen. Il résulte à l'évidence, du langage tenu par M. Rolin, qu'en 1850, lorsqu'il a été question de fixer le nombre des écoles moyennes, on a eu précisément égard aux éléments d'appréciation que j'ai indiqués : c'est-à-dire que l'on a voulu que le nombre des écoles moyennes fût en rapport avec les besoins des populations, mais de manière à ne pas compromettre la liberté d'enseignement.

Ce n'est pas seulement M. Rolin qui s'exprimait ainsi, messieurs ; j'ai trouvé, dans la même discussion, des paroles de l'honorable M. Lebeau qui confirment pleinement cette opinion.

Après avoir discuté la question constitutionnelle, l'honorable membre faisait, au sujet du nombre des écoles moyennes à établir, la réflexion suivante ; vous allez voir que, d'accord avec l'honorable M. Rolin, il voulait que l'organisation fût telle que l'enseignement privé ne pût être compromis dans son existence :

« Messieurs, disait l'orateur, j'ai trop insisté peut-être sur l'évidence des droits de l'Etat. La question est donc bien plutôt celle-ci : Y a-t-il excès dans l'exercice de ce droit, de manière à porter atteinte indirectement à la liberté d'enseignement ? Y a-t-il excès dans les pouvoirs que l'Etat vient aujourd'hui demander à la législature ? Voilà la véritable question. »

Ainsi donc, il est incontestable, qu'en 1850, la véritable question à résoudre par la législature était posée dans ces termes : Le nombre des écoles moyennes que le gouvernement propose d'établir est-il tel, que l'on puisse y trouver un moyen d'affaiblissement de l'enseignement privé ?

La loi, messieurs, veuillez le remarquer, a poussé plus loin encore cette préoccupation ; c'est ainsi qu'en reconnaissance de cet enseignement libre, elle a autorisé les communes à accorder leur patronage à certaines écoles. Seulement ces écoles sont soumises au régime d'inspection.

Ce n'est pas tout, messieurs. Lorsque, en 1842 on s'est occupé de la loi sur l'enseignement primaire, on a précisément, par la disposition de l'article 2 de cette loi, consacré le même principe. La Chambre voudra bien me permettre de lui rappeler, en quelques mots, la discussion qui a eu lieu sur ce point ; elle sera convaincue que ma pensée est de maintenir la loi de 1850 dans toute sa pureté et que je n'entends modifier, en quoi que ce soit, ni l'esprit, ni les traditions de notre législation.

La loi sur l'enseignement primaire porte dans son article 2 la disposition suivante : « Lorsque dans une localité il est suffisamment pourvu aux besoins de l'enseignement primaire par les écoles privées, la commune peut être dispensée de l'obligation d'établir elle-même une école. »

M. Sainctelette. - C'est une exception rarissime.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Veuillez maintenant, messieurs, écouter la discussion qui a eu lieu au sujet de cette disposition.

Voici en quels termes l'honorable M. Nothomb s'exprimait pour répondre à des objections qui avaient été faites au sein de la Chambre :

« L'article 2 est un hommage rendu à la liberté d'enseignement, car s'il y a assez d'écoles pour suffire à toutes les familles, à quoi bon établir une école communale ? »

(page 429) C'est donc le même principe, vous le voyez, qui a été subi à toutes les époques.

L'honorable M. Nothomb s'exprimait encore dans le même sens dans une autre circonstance :

« L'article 2 ne proclame pas un principe, dirait-il, l'article 2 proclame, admet, reconnaît les conséquences d'un principe constitutionnel qui est la liberté de l'enseignement.

« Nous sommes, dans un village, cent pères de famille ; ces cent pères de famille, qui constituent tout le village, se réunissent, fondent une école, ne s'adressent ni à la commune, ni à la province, ni à l'Etat ; ils s'entendent avec un instituteur, à qui ils fournissent le local et la rétribution individuellement, directement. Je demande pourquoi on établirait encore une école communale ? »

M. Bara. - Cela n'existe pas.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Tel est le principe ; telle est la disposition de la loi, et je suis véritablement étonné que l'honorable M. Bara dise que le cas n'existe pas. Ainsi le législateur de 1842 a fait une chose inutile ? Il ne savait donc pas ce qu'il faisait ?

Or, veuillez le remarquer : cet article 2 de la loi de 1842 est un de ceux qui ont été le plus sérieusement discutés.

Donc, messieurs, on est mal venu de prétendre qu'en 1842, en proposant l'article 2, le gouvernement demandait une chose qui n'aurait pas d'application, alors que toute la Chambre s'est livrée à une longue discussion sur le principe, et la nécessité de cet article. Ce ne sont pas là des arguments, permettez-moi de le dire, ce sont des prétextes.

En indiquant hier à la Chambre le point de vue général auquel j'entendais me placer pour l'examen approfondi de la question posée, je restais, vous le voyez, messieurs, dans les principes de la Constitution et de nos lois organiques.

L'honorable M. Sainctelette vient de dire : Mais vous êtes ministre de l'instruction publique et. à ce titre, vous avez pour mission de soutenir les établissements de l'Etat et non de veiller au développement des établissements privés.

Sans doute, messieurs ; et il n'entre aucunement dans mes intentions de chercher à assurer la prééminence d'un établissement privé quelconque. C'est bien loin de toutes mes idées. Mais j'ai le droit et le devoir, lorsqu'il s'agit d'apprécier les besoins de nos populations en matière d'enseignement comme en toute autre matière, de tenir compte de tout ce qui est de nature à nous éclairer sur l'étendue de ces besoins. Cela est évident, messieurs ; je n'ai rien dit de plus, et cette déclaration, je la maintiens tout entière, parce que je la crois conforme aux traditions de notre législation et aux véritables principes de la Constitution.

Messieurs, je pense aussi qu'il y a quelque chose à faire pour l'instruction moyenne. Mais que faut-il faire ? Jusqu'où faut-il aller ? C'est ce que je ne sais pas, et je crois que l'honorable M. Pirmez, lorsqu'il était, il y a deux ans, au département de l'intérieur, ne le savait pas davantage.

M. Pirmez. - Mais si, le projet a été fait.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Ce projet, je ne sais ce qu'il est devenu ; mais je lis dans le dernier rapport triennal, présenté par l'honorable M. Pirmez, deux choses : la première, que le conseil provincial du Luxembourg a émis le vœu de voir augmenter le nombre des écoles moyennes ; et d'autre part, que quelques conseils communaux ont adressé des demandes de ce genre au gouvernement.

Le gouvernement, dans le rapport de l'honorable M. Pirmez, s'est borné à indiquer la situation constatée ; il y dit bien qu'il a l'intention de faire certaines propositions, mais il reconnaît en même temps que la question doit d'abord être mûrement étudiée et il signale quelques-uns des points à examiner spécialement.

Le même document renferme un rapport de M. l'inspecteur des écoles moyennes, dans lequel il est parlé également de l'idée d'établir une école moyenne dans toute commune ayant une population de 5,000 âmes au. moins.

Ce sont là des questions à étudier, messieurs, mais je déclare que je ne veux pas dès aujourd'hui prendre un engagement quelconque quant aux solutions à vous proposer.

Si des besoins sont constatés et reconnus, nous tâcherons d'y faire face : c'est la seule chose, messieurs, que le gouvernement puisse dire dès à présent à la Chambre.

(page 436) M. de Rossius. - Messieurs, quoique les déclarations de M. le ministre de l'intérieur soient plus rassurantes que l'attitude prise, dans la session dernière, par l'honorable M. Kervyn, elles ne nous donnent cependant pas toute satisfaction ; elles renferment tant de « si », de « mais » et de « car », que nous craignons qu'il ne s'écoulera encore beaucoup de temps avant que le gouvernement daigne présenter un projet de loi pour augmenter le nombre des écoles moyennes de l'Etat.

Nous avions vainement demandé à l'honorable M. Kervyn de s'expliquer sur l'extension à donner à l'enseignement public du second degré ; nous l'avions supplié de nous dire s'il exaucerait notre vœu.

Vous vous rappelez qu'il fut impossible de lui arracher une réponse. L'honorable M. Kervyn se renferma dans un mutisme obstiné.

La droite, suivant sa coutume constante, coutume à laquelle elle n'est pas près de renoncer, s'il faut en croire l'honorable M. de Kerckhove, qui hier a paru vouloir nous en avertir, la droite, dis-je, a mis fin à nos interpellations par une demande de clôture.

En nous fermant la bouche, elle a tiré d'un mauvais pas son ministre préféré ; tous les membres de la droite devenaient d'éloquents orateurs, lorsqu'il s'agissait de réclamer la fermeture d'un débat et de sauver ainsi le cabinet.

Messieurs, que des besoins existent qui nécessitent une augmentation du nombre de nos écoles moyennes, je crois que cela ne peut être contesté. Il est certain que des communes importantes, telles que Seraing, Bastogne, Binche, ont adressé des requêtes au gouvernement pour obtenir des établissements d'enseignement secondaire, La liste de ces communes a été dressée au département de l'intérieur. L'honorable M. Delcour peut la consulter ; elle suffira à l'éclairer.

La preuve, d'ailleurs, que des besoins existent, c'est ce grand nombre d'écoles moyennes communales qui ont été créées à défaut d'écoles moyennes de l'Etat.

Il ne faudrait pas huit jours à l'honorable ministre pour prendre une résolution si réellement il avait le désir de satisfaire aux nécessités reconnues par son département.

Messieurs, il importe de ne pas laisser croire qu'en 1850 la gauche aurait été unanime pour reconnaître que l'enseignement public ne devait pas recevoir des proportions qui en fissent une concurrence redoutable pour l'enseignement privé.

Sans doute, en 1850, la gauche a insisté sur cette idée que le nombre des établissements de l'Etat indiqué dans le projet de loi ne porterait aucune atteinte sérieuse aux écoles du clergé.

Elle rencontrait alors un des griefs de la droite. La droite disait au gouvernement : « Votre projet de loi porte atteinte à deux de nos libertés les plus chères : la liberté de l'enseignement et la liberté communale. » Je m'expliquerai tantôt sur cette liberté communale que vous vouliez sauvegarder en 1850. J'en parlerai à propos des écoles de filles.

Vous disiez donc au gouvernement : « Le projet entame la liberté de l'enseignement ; au nom de la Constitution, au nom du respect dû à la loi des lois, renoncez à ouvrir ces athénées, ces collèges, qui vont tuer les établissements privés. » Et que répondait le gouvernement ? Il faisait remarquer toute l'exagération de votre langage en rappelant qu'il s'agissait seulement de 10 athénées et de 50 écoles moyennes pour tout le pays, chiffres qui ne pouvaient compromettre l'existence et le succès des établissements privés.

Le gouvernement ajoutait : « La liberté d'enseignement dont vous parlez qu'est-ce d'ailleurs ? Un monopole. » (Interruption.) Oui, M. de Moerman ; Si vous aviez lu la discussion de la loi de 1850...

M. de Moerman d’Harlebeke. - Je n'ai rien dit.

M. de Rossius. - Je sais que M. de Moerman parle peu, mais il rit beaucoup. J'ai cru à une dénégation.

Je disais donc que le gouvernement en 1850 faisait remarquer qu'en matière d'enseignement moyen nous nous trouvions sous le régime du monopole qui existait au profit du clergé. (Interruption.) Je rappellerai à M. Dumortier, qui m'interrompt, que l'honorable M. Rogier, ministre de l'intérieur, mettait la droite au défi de citer trois établissements d'instruction secondaire qui ne fussent pas dans les mains du clergé. Voilà quelle était la situation.

M. Dumortier. - Vous voulez donc un enseignement dont le clergé sera banni ; expliquez-vous carrément devant le pays et je vous répondrai.

M. de Rossius. - Je veux, pour les filles notamment, ce que vous demandiez en 1850. J'y viendrai.

M. Dumortier. - Vous ne répondez pas à ma question et vous n'y répondrez pas parce que vous avez un masque.

M. de Rossius. - Il faudrait d'abord que votre question fût compréhensible.

M. Dumortier. - A bas les masques !

M. Bouvier. - Nous approchons du carnaval.

(page 437) M. de Rossius. - Ainsi l’enseignement privé moyen, en 1850, appartenait au clergé seul et c'était à juste titre que d'honorables membres de la gauche faisaient remarquer combien on abusait des mots quand on parlait d'une atteinte qui serait portée à la liberté d'enseignement par le projet de loi ; mais jamais, à cette époque, la gauche n'a accepté la doctrine qui vient d'être affirmée par les honorables MM. Delcour et de Theux.

Jamais en 1850 on n'a dit, jamais le libéralisme belge n'a admis qu'il fallût faire retraite si le sort des établissements privés venait à être compromis.

La Chambre comprendra que, pris à l'improviste sur ce point, il me soit impossible de lui donner des extraits des discours prononcés par les différents orateurs de la gauche qui prirent part au débat.

A l'occasion, nous reviendrons sur la doctrine du cabinet et nous ferons bonne justice de ce prétendu respect de la Constitution qui nous forcerait à paralyser le développement régulier de l'enseignement public et même à le supprimer au profit de l'enseignement des corporations religieuses.

L'honorable membre du gouvernement a invoqué un article de la loi de 1842, article qui est aujourd'hui lettre morte et dont je puis dire qu'il a disparu de la loi.

Je pense, qu'il n'existe plus aujourd'hui une seule commune qui, à raison de l'existence d'une école privée, soit dispensée de l'obligation d'établir elle-même une école.

Cet article 2 a fait l'objet d'une discussion assez longue, l'honorable M. Delcour l'a rappelé, mais de cette discussion, j'ai un souvenir qui est celui-ci. L'article 2 a été considéré comme une transition du régime de l'école privée à celui de l'école communale. Si ma mémoire est bonne, il a été introduit dans l'intérêt des provinces flamandes.

L'honorable M. Elias me passe les discussions de la loi.

M. Dechamps disait dans la séance du 11 août 1842 :

« Il y a des provinces, messieurs, et vous les connaissez, où il y a beaucoup plus d'écoles privées que d'écoles communales. Je veux croire que, sous l'empire de la présente loi, une transformation lente s'opérera ; que beaucoup d'écoles privées finiront par être adoptées par la commune ou par devenir écoles mixtes ou communales ; mais il ne faut pas jeter la perturbation dans des provinces entières. Dans les Flandres, par exemple, si vous déclariez, qu'il y a obligation absolue pour les communes d'avoir, dès le principe, une école communale, vous jetteriez une véritable perturbation dans l'une de ces deux provinces, où le nombre des écoles privées est très considérable. Nous avons cru devoir faire la loi telle que la transformation dont j'ai parlé s'opère lentement, et c'est pour cela que nous n'avons pas voulu créer une obligation absolue qui amènerait la destruction d'une foule d'écoles privées qui existent maintenant dans les deux Flandres. »

Ainsi, dans la pensée du rapporteur de la loi de 1842, il y avait là une situation d'attente, une situation provisoire destinée à disparaître.

Toute commune devait avoir son école publique.

C'était également l'opinion de M. Nothomb. M. Nothomb expliquait le sens, la portée de l'article 2.

Il déclarait que cette disposition ne pouvait dispenser de la création d'une école communale du moment qu'il y avait un enfant pauvre dans la commune.

Je vais vous citer ses propres paroles. (Interruption.) On me fait remarquer avec raison que je vais donner lecture de la fin du passage dont l'honorable ministre de l'intérieur vous a lu le commencement. Il importe de connaître la partie du discours de M. Nothomb qu'il s'est abstenu de vous lire.

M. Bouvier. - C'est la partie principale. (Interruption.)

M. de Rossius. - M. Nothomb venait de prononcer les paroles que M. le ministre de l'intérieur vient de rappeler ; M. Pirmez l'interrompt : « Sera-t-elle forcée de recevoir les pauvres ? Voilà la question. »

M. Nothomb répond : « Mais, non, les pauvres ne peuvent recevoir l'instruction que dans une école subventionnée par la commune et dès lors cette école n'est plus une école privée et devient une école communale.

« Le cas qu'on suppose à l'article 2 se présentera très rarement. Il faut supposer : 1° qu'il n'y aura dans cette commune que des familles assez aisées pour que tous les chefs de famille payent à l'instituteur directement et individuellement la rétribution nécessaire ; 2° que les écoles privées seront en assez grand nombre pour satisfaire à tous les besoins... »

Je demande s'il y a dans ces paroles de l'auteur de la loi de 1842 quelque chose qui, de près ou de loin, vienne à l'appui de l'interprétation que le gouvernement nous a donnée de l'article 17 de la Constitution ?

En réalité, d'une part, le cas de l'article 2 a été considéré comme exceptionnel, et d'autre part, la disposition qui le règle a été déclarée provisoire.

Le langage des orateurs ne permet donc pas de rattacher l'article 2 à la préoccupation de limiter le développement de l'enseignement primaire public dans l'intérêt de l'enseignement privé et par respect pour la liberté constitutionnelle dont il émane, ce qui est bien, je pense, la thèse de l'honorable M. Delcour.

Messieurs, en ce qui concerne les écoles de filles, l'honorable M. Delcour a reproduit une déclaration qui avait déjà paru dans le rapport de la section centrale qui s'est occupée du budget de 1871.

C'est que l'Etat ne pourrait rien pour l'enseignement secondaire des filles, faute d'une loi organique de cet enseignement. Pas d'enseignement public, dit-on, sans une réglementation par le législateur.

Rien n'est plus erroné que ce principe, que l'on prétend constitutionnel ; rien n'est plus faux que de prétendre qu'il aurait été appliqué depuis 1830.

Quand on consulte votre budget de l'intérieur, on constate déjà combien votre théorie est inexacte.

Nous avons voté, au chapitre de l'Agriculture, des fonds pour l'enseignement agricole et horticole.

Je demande si cet enseignement est organisé par une loi.

Nous allons voter, au chapitre de l'Industrie, des subsides pour les écoles industrielles communales.

Est-ce que l'enseignement industriel est organisé par une loi ? Voulez-vous m'expliquer la demande de ces allocations au budget de l'intérieur et les votes que vous avez émis et que vous allez émettre ? "

Cette nécessité d'une loi organique, vous l'avez inventée pour les besoins de la cause, sans réfléchir qu'à chaque session vous vous donniez à vous-même par votre vote un démenti formel.

L'honorable M. Muller, l'an dernier, présenta cette objection.

L'honorable M. Kervyn crut avoir trouvé une réponse triomphante :

« Un enseignement industriel, ce n'est pas de l'enseignement proprement dit, pas plus que l'enseignement agricole et horticole. Nos encouragements ne s'adressent pas à un enseignement, mais à l'industrie et à l'agriculture. Rien d'illogique dans le vote de la droite, dans l'attitude du gouvernement qui refusent de donner des subsides aux communes pour l'enseignement moyen des filles faute d'une loi et qui consent cependant à leur donner des subsides pour l'enseignement industriel et agricole. »

Et savez-vous comment l'honorable M. Kervyn étayait son argumentation ? Il invoquait cette circonstance que l'honorable M. Rogier, étant ministre de l'intérieur, avait placé les écoles industrielles dans la direction de l'industrie. D'où la conclusion qu'il y avait bien là de l'industrie et non de l'enseignement. Messieurs, pourquoi M. Rogier a-t-il placé les écoles industrielles dans la direction de l'industrie ? Mais parce qu'il s'agissait d'un enseignement tout spécial qui exigeait une inspection faite par des fonctionnaires spéciaux, qui exigeait également un programme rédigé par des hommes spéciaux.

Mais il ne viendra à la pensée d'aucun homme sérieux de conclure de la décision prise par l'honorable M. Rogier que l'enseignement industriel n'est pas un enseignement officiel, communal, auquel vous accordez des subsides quoique, le législateur ne fait pas réglementé.

Messieurs, la preuve que c'est là un enseignement véritable, et que le législateur l'a considéré comme tel, je la puise dans la loi de 1850 et dans la loi de 1864 sur les bourses d'étude.

L'article 2 de la loi de 1850 est ainsi conçu :

« Les établissements du gouvernement sont de deux degrés :

« 1°....

« 2° Les écoles moyennes inférieures dans lesquelles seront comprises les écoles primaires supérieures, ainsi que les écoles connues actuellement sous la dénomination d'écoles industrielles et commerciales ; elles porteront le titre d'écoles moyennes. »

En 1850, le législateur considérait donc l'enseignement industriel de l'Etat comme un enseignement véritable, et les écoles où l'on s'en occupait étaient rangées dans la classe des écoles moyennes inférieures.

La loi de 1864 sur les bourses en faveur de l'enseignement public, qu'a-t-elle fait par son article' ? Etle a prévu des libéralités en faveur de l'enseignement professionnel d'une commune. Les écoles industrielles sont donc bien de l'enseignement public, et quand vous les subsidiez, vous subsidiez l'enseignement public.

Comment, du reste, l'honorable M. Kervyn a-t-il pu le méconnaître, après avoir fait, à propos des écoles industrielles, dans la séance du 9 mars 1871, la déclaration suivante : « Nous ferons tous nos efforts pour que, dans les districts industriels surtout, cet enseignement se propage de plus en plus, Nous y voyons à la fois une question de moralisation et (page 438) de progrès industriel. » (Annales parlementaires, session de 1870-1871 p. 765.)

Une question de moralisation. Et il n'y aurait pas là de l'enseignement !

Ainsi, en fait, nous votons chaque année des fonds pour un enseignement non organisé par la loi. L'absence de cette loi ne paralyse pas le communes et ne les empêche pas de palper les libéralités gouvernementales.

Messieurs, où la commune puise-t-elle son droit de s'occuper de cet enseignement ? Dans l'intérêt communal lui-même. Il est certain, et ceci est, je crois, la véritable théorie constitutionnelle, que l'enseignement est à la fois d'intérêt général et d'intérêt communal. Il est certain que, à raison de l'intérêt général, le législateur a le droit de le réglementer, qu'il a le droit de le retenir, de défendre aux communes de s'en occuper comme il le droit d'imposer des conditions, une organisation déterminée aux communes qui veulent s'en occuper.

Mais il est certain également que quand le législateur s'abstient, la commune puise dans l'intérêt communal le droit d'agir.

Ainsi, l'abstention du législateur qui n'a pas voulu réglementer l'enseignement moyen des filles, au nom de l'intérêt général, produit cet effet de laisser à la commune une prérogative entière absolue. Elle peut, comme elle l'entend, organiser cet enseignement.

Et quand vous lui refusez des subsides sous le vain prétexte qu'il n'existe pas de loi organique, nous avons le droit de vous dire que votre seule préoccupation est le maintien du monopole du clergé.

Que craignez-vous, si votre mobile n'est pas celui que je viens d'indiquer ?

Lorsque des subsides sont accordés par l'Etat au pouvoir local pour un enseignement non réglementé par la loi, le gouvernement a le droit de subordonner leur octroi à certaines conditions. Ainsi l'honorable M. Pirmez avait très légalement imposé aux communes l'inspection, il avait imposé les concours.

M. Pirmez. - Et l'article 8 ?

M. de Rossius. - Il avait sauvegardé l'intérêt religieux en prescrivant à la commune d'inviter les ministres des cultes à venir donner l'enseignement religieux.

Remarquez bien, messieurs, que ce que voulait faire l'honorable M. Pirmez pour l'enseignement moyen communal des filles : accorder des subsides en l'absence de toute loi organique, avait été fait bien avant lui, jusqu'en 1842 pour l'enseignement primaire, et, pour l'enseignement secondaire des garçons, jusqu'en 1850.

Votre système est celui-ci : « L'intervention de l'Etat n'est pas possible, parce qu'il n'y a pas de loi. »

Eh bien, jusqu'en 1842, avons-nous eu une loi sur l'enseignement primaire ? Non, et cependant les communes ont organisé des écoles primaires avant 1842. Par qui ont-elles été subsidiées ? Par l'honorable comte de Theux.

Nous avons eu la même situation pour l'enseignement moyen. Jusqu'en 1850, des subsides ont été accordés, bien qu'il n'y eût pas de loi sur l'enseignement moyen, par tous les ministres qui se sont succédé, par M. Nothomb, par M. de Theux, par M. Vande Weyer et par M. Rogier.

L'honorable chef du cabinet a donc reconnu la vérité de notre thèse.

Messieurs, en 1850, quand elle protestait contre le projet de loi déposé par le cabinet libéral, la droite invoquait surtout la liberté communale. C'était le grand argument de l'honorable M. Dumortier notamment.

Vous savez, messieurs, ce qu'était le projet qui est devenu la loi de 1850 ; il s'agissait de créer dix athénées royaux ou écoles moyennes supérieures et cinquante écoles moyennes inférieures.

L'honorable M. Dumortier protestait avec la droite tout entière ; il disait d'abord : « Vous tuez la liberté de l'enseignement ; les établissements privés vont disparaître ; ils succomberont sous la concurrence ruineuse de l'enseignement public. »

Il disait ensuite : «Vous tuez la liberté communale ; vous la confisquez ; c'en est fait de l'indépendance de la commune, si elle cesse de pouvoir organiser à sa guise son enseignement. »

Et l'honorable membre, comparant le projet en discussion avec celui qui avait été déposé en 1834, s'écriait dans la séance du 9 avril :

« En 1834, le gouvernement demandait à pouvoir créer trois athénées modèles. (Il en existait trois sous le gouvernement hollandais.) Il demandait seulement le droit d'inspection dans les établissements communaux. Voilà à quoi se bornait la loi de l'enseignement moyen présentée par le législateur au moment où les traditions du Congrès étaient encore dans toute leur force. »

Vous savez, messieurs, combien on abuse de cette tradition du Congrès ; il n'y a pas de discussion importante où les honorables membres qui ont fait partie de cette assemblée ne prétendent nous écraser en invoquant les opinions du Congrès. Je crois que si l'on se donnait la peine de discuter toutes ces traditions et opinions, on prouverait aisément qu'il faut beaucoup en rabattre.

L'honorable M. Dumortier, continuant dans cette séance, s'exprime ainsi :

« Le gouvernement demandait aussi à pouvoir accorder des subsides, mais ces subventions ne donnaient au gouvernement aucune espèce d'intervention dans la direction de l'instruction moyenne. Cette instruction était communale. Et lorsqu'on vient dire que depuis 1830 la Belgique est sans loi sur l'instruction moyenne, on tombe dans une très grave erreur. Sans doute, nous n'avons pas une loi en soixante articles, qui règle l'instruction moyenne en Belgique, mais il y a une loi en un seul article qui est venue la régler : c'est la loi communale qui déclare que l'instruction est communale ; c'est... »

M. Dumortier. - Et c'était tuer la liberté communale cela.

M. de Rossius. - C'est le noble décret du gouvernement provisoire qui émancipe les communes et qui leur donne le droit d'avoir des collèges et de les diriger.

L'honorable M. Dumortier disait encore :

« Pour mon compte, je. crois que les communes sont beaucoup plus aptes que le gouvernement pour la surveillance continue à exercer, pour la direction à donner aux établissements d'enseignement moyen.

« Il n'existe d'établissements de ce genre que dans les villes importantes où le conseil communal compte des hommes éclairés qui ont fait de brillantes études et qui peuvent donner à l'enseignement une direction supérieure à celle qui viendrait des bureaux du gouvernement. Il ne faut pas se faire d'illusion, la centralisation en matière d'enseignement, c'est la direction de l'instruction par un employé d'un ministère. »

Voyez quel dédain on professait alors pour cette organisation par la loi de l'enseignement moyen.

La commune devait rester entièrement libre. C'est qu'en effet le clergé s'était emparé de la direction de l'enseignement communal. C'était encore un monopole qu'il fallait sauver.

C'est pourquoi l'honorable M. Dumortier ajoutait : « Le conseil communal serait mieux à même de surveiller la conduite, les doctrines, les maximes des professeurs, et il peut réprimer immédiatement leurs écarts, s'ils se laissent aller à enseigner de mauvaises doctrines, de mauvaises maximes. »

Enfin, l'honorable membre, dans la même séance, tenait le langage catégorique que voici :

« A la suite de la révolution, l'instruction moyenne a été spécialement accordée à la commune, et elle lui a été donnée d'une manière définitive par la loi communale ; à la commune appartient aujourd'hui la direction des établissements d'instruction moyenne. »

Ainsi, en 1850, que voulait la droite ? Reprochant au gouvernement d'absorber la direction de tout l'enseignement, elle affirmait le droit de la commune et elle soutenait que toute initiative devait lui être laissée. Que demandons-nous, si ce n'est que le droit de la commune, en ce qui concerne l'enseignement des filles, soit reconnu, qu'il reste entier, que l'initiative communale soit respectée par le gouvernement.

Notons que tous les orateurs qui prenaient la parole du côté de la droite en 1850 tenaient le même langage. Ils parlaient au nom de la liberté communale qu'on allait restreindre. Au nom de la liberté communale qu'aucune loi n'a en cela entamée, nous demandons aujourd'hui que le gouvernement s'incline devant le droit de la commune de s'occuper de l'Instruction moyenne des filles, et qu'il vienne à son aide par des subsides.

M. Dumortier. - Et c'est de la liberté communale cela, avec l'argent de l'Etat.

M. de Rossius. - L'honorable M. Dumortier est dans cette Chambre depuis longtemps, il date certainement des premières législatures...

M. Dumortier. - De la première.

M. de Rossius. - Il a contribué par ses votes à la promulgation d'une série de lois budgétaires qui ont subsidié l'enseignement moyen communal.

Vous trouviez tout naturel que jusqu'en 1842 et en 1850 des subsides fussent accordés aux communes pour l'enseignement primaire et l'enseignement moyen des garçons.

(page 439) M. Dumortier. - Ce n'est plus la liberté communale cela. (Interruption.)

M. de Rossius. - Pourquoi les refusez-vous aujourd'hui pour l’enseignement moyen communal des filles ?

Quand on nous parle de la Constitution, et de son article 17, de la nécessité d'organiser l'enseignement par la loi, on veut en réalité cacher sa politique derrière un scrupule de légalité que l'on n'éprouve pas. On n'avoue pas ce que l'on poursuit dans le domaine de l'enseignement moyen, pas plus qu'on n'a voulu l'avouer dans le domaine de l'enseignement primaire.

Ce que l'on veut, c'est détruire les traditions du cabinet libéral. Déjà l'honorable M. Kervyn y a appliqué ses soins. Nous ne pouvons attendre de l'honorable M. Delcour que la même politique. Le maintien du monopole du clergé, voilà l'objet de ses efforts. Il ne faut pas que l'instruction de la femme échappe aux corporations religieuses.

(page 429) M. Dumortier. - Je remercie l'honorable préopinant de m'avoir mis en cause dans ce débat.

Nul, messieurs, n'a jamais été plus que moi partisan de la diffusion de l'instruction ; mais nul non plus n'est plus antipathique que moi à la tyrannie, de quelque côté qu'elle vienne, de la commune, de la province ou de l'Etat ; nul surtout n'est plus antipathique que moi à la tyrannie qui s'exerce contre les enfants du peuple pour leur faire perdre leurs sentiments religieux.

La différence entre nous et vous, la voici : la Constitution porte : L'enseignement est libre ; l'enseignement donné aux frais de l'Etat sera réglé par la loi.

Eh bien, qu'avons-nous fait, nous catholiques ? Nous avons usé de la liberté pour créer des établissements d'instruction, sans rien demander à l'Etat. Nous avons puisé dans nos poches l'argent nécessaire à la création de ces établissements. Et vous, qu'avez-vous fait ? Où sont les établissements que vous avez fondés ?

Vous n'avez pu trouver dans vos poches un centime pour fonder des établissements d'instruction. Et vous voulez que l'Etat vienne à votre aide, vous qui n'avez pas su créer ni user de la liberté. Vous voulez trouver dans le budget les moyens de nous combattre et de nous écraser, de fonder des établissements sans religion.

Ah ! mettez au fronton de vos écoles ces indignités qui ont été débitées, dans la séance d'hier, par l'honorable M. Bergé, et vous verrez les mères de famille fuir vos écoles.

Vous n'oseriez avouer dans le parlement le mobile qui vous fait agir. C'est la haine contre l'Eglise et le désir de renverser la religion du pays.

Nous qui avons été envoyés ici par les électeurs pour défendre ces grands principes qui sont l'existence même de la Belgique, nous ne vous permettrons pas d'agir de la sorte et nous déjouerons tous vos petits moyens.

Il faut avant tout, pour les femmes surtout, une éducation religieuse. Et n'êtes-vous donc pas assez éclairés par ce qui vient de se passer dans un pays voisin, vous qui voulez des femmes sans religion ?

Ne vous rappelez-vous pas ces débauches, ces orgies, ces pillages, ces incendies qui ont ravagé Paris ? Est-ce là la femme que vous voulez créer pour le malheur de la patrie ?

Vous n'avez donc pas d'yeux pour voir ! Vous voulez conduire le pays à l'oubli de sa foi, de la morale et des lois.

Honte à ceux qui ont de pareils principes !

Vous voulez pour les jeunes filles une instruction sans foi ni loi. Déjà vous avez fait disparaître de vos écoles les emblèmes de la religion.

L'image du Christ, l'idée de Dieu est proscrite, et vous voudriez faire créer partout par l'Etat des jeunes filles à votre image.

Voilà ce qu'il vous faut ; voilà ce que nous ne voulons pas. Vous ne savez pas créer par vous-mêmes ; nous, au contraire, nous créons. Le libéralisme ne sait que détruire, le catholicisme seul sait construire. Vous avez démoli, vous ne savez pas créer et vous voulez que l'Etat vous donne les moyens de propager vos doctrines funestes qui perdraient infailliblement la société !

Vous avez beau ici faire de pareils discours, vous n'avez pas votre propre parti pour vous ; il y a dans l'opinion libérale beaucoup plus d'hommes honnêtes que vous ne le pensez... (Interruption) et qui jamais ne consentiront à vous prêter les mains quand vous voudrez chasser de l'école l'enseignement religieux et surtout quand il s'agit des femmes. Ces hommes, ce sont les libéraux modérés, les libéraux honnêtes qui se trouvent dans tous nos conseils communaux des villes et dans tous nos conseils communaux des campagnes ; ceux-là ne vous suivront pas.

Oh ! tout le monde ne pense pas comme M. Bergé : curé des solidaires, vous êtes libre de répudier les principes qui vous ont été inculqués dans votre baptême ; vous êtes libre d'avoir renoncé à ce grand principe qui avait présidé à votre naissance, mais vous n'êtes pas libre de venir ici, dans le parlement, injurier nos principes à nous ; vous n'êtes pas libre de venir ici déverser l'outrage sur la religion du pays., sur la religion que nous professons comme Belges.

En agissant ainsi, l'honorable membre manque, au dernier degré, à toutes les convenances sociales, d'autant plus que tout ce qu'il est venu apporter à la tribune n'est qu'un tas de calomnies qu'il a été relever dans la boue des écrits immondes et contre lesquelles proteste l'histoire tout entière, l'histoire des peuples, l'histoire de la société, qu'il n'a jamais étudiée. (Interruption.)

Eh bien, voilà cependant ce que vous voudriez faire prévaloir dans l'instruction du peuple. Ce sont les principes que vous voudriez faire prévaloir dans nos écoles. Et vous vous imaginez que' nous, qui sommes ici pour défendre les principes qui sont la base de la société en Belgique ; nous allons céder à quelques paroles que vous lancez ! Non, messieurs, nous resterons fermes dans nos principes et jamais nous n'abandonnerons (page 430) ce drapeau que nous n'avons jamais cessé de servir, le drapeau de la foi et de la liberté !

M. Bergé. - Messieurs, je ne suivrai pas l'honorable M. Dumortier dans la voie d'exaltation et d'outrage où il a cru pouvoir entrer. Je n'ai pas même demandé, ce qui aurait été de mon droit, que ses expressions fussent l'objet d'un rappel à l'ordre. Car l'honorable M. Dumortier s'est un peu oublié.

Mais c'est que je sais parfaitement que l'honorable M. Dumortier a l'habitude d'être dur, et je me rappelle que dans une circonstance déjà éloignée, il est vrai, il traitait l'honorable président du conseil des ministres dans des termes autrement durs que ceux dont il vient de faire usage à mon égard. Je n'ai donc pas lieu de me plaindre.

Quant au droit que voudrait contester l'honorable M. Dumortier de venir dans ce parlement défendre les principes philosophiques que mes amis et moi nous professons, ce droit-là est incontestable ; il est indéniable.

Quant à remonter à la question de savoir si j'ai oublié, si j'ai violé les principes qui m'auraient été inculqués au baptême, c'est là entrer dans un domaine de faits tout à fait personnels. Je ne le suivrai pas encore sur ce terrain.

Mais si j'avais à répondre à l'honorable M. Dumortier à cet égard, je lui dirais qu'en agissant comme je le fais, je suis les principes philosophiques de mes pères, puisque, en somme, je puis invoquer un passé de famille. M. Dumortier et ses amis invoquent souvent la religion de leurs pères ; j'aurais bien le droit de faire comme eux, mais ce sont là des personnalités qui n'auraient pas dû être introduites dans cette assemblée, et je crois même que M. le président aurait dû immédiatement arrêter M. Dumortier.

L'honorable M. Dumortier nous dit qu'un pays voisin a été l'objet de scènes extrêmement regrettables. Il a voulu faire allusion à ce qui s'est passé à Paris. Mais l'honorable M. Dumortier doit bien savoir cependant qu'à Paris l'instruction se trouve confiée aux petits frères de la doctrine chrétienne ; il doit savoir que le clergé est tout-puissant dans les écoles de Paris.

M. Dumortier. - Allons donc !

M. Bergé. - Certainement, il se trouve que toutes les jeunes filles de Paris sont élevées par des religieuses, que plus de la moitié des garçons dé Paris sont élevés par les frères de la doctrine chrétienne et le reste par des instituteurs laïques placés sous la dépendance des ministres du culte.

La situation de l'enseignement de Paris est telle, qu'il n'y a aucune place pour les principes que je représente ici.

Eh bien, voilà que ces enfants si bien élevés par ces petits frères, par ces prêtres, par ces religieuses, que ces enfants ont fait ce que l'honorable M. Dumortier n'aime pas !

L'honorable M. Dumortier trouve si monstrueuse l'exclusion du prêtre des écoles et cela soulève ses colères. Je lui demanderai :

Est-ce qu'il se passe des faits si condamnables en Hollande, où le prêtre est exclu de l'école ?

Est-ce qu'il se passe des faits si condamnables aux Etats-Unis où l'école est laïque ?

Il semble que l'honorable M. Dumortier ne sait pas ce qui se passe autour de lui. Il nous ferait croire qu'il n'a fait la révolution de 1830 que pour ne pas suivre les progrès réalisés par nos voisins.

On nous dit que nous, libéraux, nous demandons l'argent de tous pour, l'instruction publique et on nous oppose les écoles congréganistes payées par les catholiques ; on nous dit que le catholicisme crée. Oui, le catholicisme crée, mais quelles écoles crée-t-il ? Et avec quel argent fait-il ces créations ? Nous ne pesons pas sur les consciences ; nous n'allons pas au lit des mourants pour leur arracher des legs ; nous n'avons pas à distribuer le ciel et nous ne pouvons pas, comme les prêtres, hypothéquer l'autre monde.

Nous n'avons pas entre les mains ce commerce d'objets religieux : eau de la Salette, indulgences, etc., qui, entre les mains du catholicisme, est d'un si grand rapport et qui lui fournit de si précieuses ressources. Nous n'avons pas tout cela et, du reste, quand bien même le parti libéral posséderait des moyens d'action, est-ce à ce point de vue-là qu'il faut se placer ? Est-ce que l'instruction publique est, oui ou non, une œuvre d'utilité générale ? Est-ce qu'elle doit être l'objet des préoccupations de l'Etat ? Si vous croyez que l'Etat ne doit pas s'occuper d'instruction, eh bien, il faut alors renier jusqu'à nos lois organiques ; il faut renier la Constitution pour laquelle l'honorable M. Dumortier se montre si soucieux ; car de par la Constitution, il y a une instruction publique organisée par l’Etat.

Mais n'est-ce pas un des devoirs les plus impérieux de toute société civilisée de s'occuper de l'organisation des écoles ? Si cela est vrai, l'honorable M. Dumortier ne doit pas venir marchander l'argent qui est nécessaire pour l’établissement de ces écoles publiques. Il ne doit pas vouloir le monopole effectif de l'enseignement en faveur des corporations puissantes qui agissent en vue d'un intérêt de parti, de secte ou de caste.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire, d'abord à l'occasion de la sortie violente faite par l'honorable M. Dumortier, à mon endroit, au sujet de mon discours d'hier ; ensuite, à l'occasion de la déclaration de l'honorable membre, relativement au devoir du parti catholique à l’égard de l'instruction publique, je veux parler du devoir de s'abstenir en matière d'instruction publique, afin d'assurer aux écoles du clergé la suprématie sur toutes les autres.

C'était là une déclaration qu'il était bon de produire publiquement. J'en remercie l'honorable M. Dumortier ; l'honorable membre a fait preuve de franchise.

Il est utile qu'en toute circonstance on connaisse les principes qui sont professés par les membres de cette assemblée. Le pays jugera.

M. Dumortier. - Messieurs, d'après l'honorable préopinant, j'aurais engagé la droite à ne pas voter des fonds pour l'instruction publique, afin d'assurer à certaines écoles le monopole de l'enseignement. Cela est complètement inexact et contraire à tous les faits.

Mais il est une chose très vraie que j'ai dite, mais à laquelle l'honorable préopinant n'a pas répondu et ne répondra pas : c'est que les catholiques savent faire de grands sacrifices pour créer des écoles et que nos adversaires ne suivent nullement cet exemple : ce qu'ils veulent, c'est fonder des écoles avec l'argent des catholiques. Voilà la vérité.

- La discussion sur le chapitre XVI est close.

« Art. 83. Frais et bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur et du degré inférieur ; subsides pour aider les élèves les plus distingués de l'enseignement normal du degré supérieur qui ont terminé leurs études à fréquenter des établissements pédagogiques étrangers : fr. 86,928. »

M. Thonissen. - Il y a quelques jours, j'ai appelé l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur sur les avantages qu'il y aurait à envoyer, chaque année, quelques jeunes Belges à l'école française d'Athènes. Je lui disais notamment que, s'il voulait reprendre les négociations interrompues en 1848, il ne rencontrerait pas, à mon avis, de sérieux obstacles à Paris.

Depuis lors, j'ai obtenu un nouveau renseignement sur cette affaire. Non seulement, le gouvernement français avait accueilli avec faveur les ouvertures du gouvernement belge, mais, de plus, une convention formelle a été conclue, au commencement du mois d'avril 1847, entre les deux gouvernements.

L'honorable ministre de l'intérieur n'avait pas répondu à mon discours. J'espère qu'il voudra bien me répondre aujourd'hui. Je l'engage à se faire reproduire cette convention et à examiner pour quels motifs elle est restée sans exécution pendant un quart de siècle. Je pourrai peut-être l'aider dans ses recherches en lui disant qu'une dépêche belge de 1847, relative à cet objet, porte le n°32,520 (41ème division).

Je dirai de nouveau que la question que j'ai soulevée présente de l'importance. Quelle que soit notre opinion sur la méthode à suivre dans l'enseignement du grec, nous sommes unanimes à désirer que quelques Belges, au moins, connaissent parfaitement cette langue.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. – Non seulement je me ferai produire le dossier dont vient de parler l'honorable M. Thonissen, mais je promets d'examiner la question au point de vue même où il s'est placé.

Je désire vivement, pour mon compte, que nous puissions tirer profit de, cette convention pour le développement de l'enseignement du grec : ce serait utile, à la fois, à l'Etat et à la science.

- L'article 83 est adopté.

Article 84 à 91

« Art. 84. Crédit ordinaire des athénées royaux déterminé par la loi du 1er juin 1850 ; crédits supplémentaires accordés, entre autres, en vertu de la loi du 8 avril 1857 et en vertu de l'arrêté royal du 31 mars 1863 ; augmentation de traitement aux professeurs de flamand, d'allemand et d'anglais dans les athénées royaux, par application des arrêtés royaux des 27 et 28 janvier 1863 : fr. 480,278. »

- Adopté.


« Art. 85. Crédit ordinaire des écoles moyennes, déterminé par la loi du 1er juin 1850, et crédits (page 431) supplémentaires accordés, entre autres, en vertu de la loi du 8 avril 1837 et en vertu de l'arrêté royal du 31 mars 1863 : fr. 415,500.

- Adopté.


« Art. 86. Bourses à des élèves des écoles moyennes : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 87. Subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Art. 88. Frais du concours général entre les établissements d'instruction moyenne : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 89. Indemnités aux professeurs de l’enseignement moyen du 1er et du 2e degré qui sont sans emploi ; charge extraordinaire : fr. 4,892. »

- Adopté.


« Art. 90. Traitements de disponibilité : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 91. Encouragements pour la publication d'ouvrages classiques ; subsides, souscriptions, achats, etc. : fr. 8,000. »

- Adopté.

Chapitre XVII. Enseignement primaire

M. le président. - Il a été convenu hier qu'il y aurait une discussion spéciale sur le chapitre XVII de l'enseignement primaire.

La parole est à M. Bricoult.

M. Bricourt. - Messieurs, tous les ministres qui ont dirigé le département de l'intérieur, depuis la mise en vigueur de la loi de 1842, soutiennent que l'enseignement a pris dans notre pays, sous la féconde influence de la liberté et du concours des autorités, une extension considérable. Dans presque toutes les branches, nos établissements d'instruction peuvent soutenir la comparaison avec ceux de presque toutes les nations. Ils n'osent pas dire qu'ils peuvent être mis en parallèle avec ceux de l'Allemagne, de la Suisse, des Etats-Unis, etc., mais ils espèrent le faire croire à l'aide de beaux discours et je suis persuadé qu'à ce point de vue l'honorable M. Delcour remplira parfaitement sa tâche. Il a d'ailleurs un champ plus vaste à parcourir, car il doit absolument démontrer que l'enseignement libre ne le cède en aucune façon à l'enseignement de l'Etat et que les deux enseignements méritent des encouragements sérieux parce que leur concurrence est de nature à rendre leur action plus efficace.

Malheureusement, les chiffres ont moins d'éloquence.

En jetant un coup d'œil sur le dernier rapport triennal, il est facile de constater le peu de progrès que l'enseignement primaire fait dans le pays.

Il y a actuellement 760,000 enfants en âge de fréquenter l'école ; de ce nombre, près de 180,000 ne reçoivent aucune instruction ; il y a donc un quart de la jeune génération pris exclusivement dans la classe pauvre livré à la plus complète ignorance.

En 1848, c'est-à-dire six ans après la mise en vigueur de la loi de 1842, le pays comptait 5,353 écoles primaires, renfermant 450,000 élèves ; en 1869, nous en comptions 5,640, fréquentées par 593,000 élèves. En vingt et un ans, l'effectif de l'ignorance a perdu 2 p. c, et si nous consultons les statistiques officielles dressées par le gouvernement, nous trouvons, pour tout le royaume, plus de 45 p. c. de la population ne sachant ni lire ni écrire. Voilà les résultats d'une loi transactionnelle dont on vante sans cesse les bons effets et la salutaire influence.

Depuis 1842, cette loi a perdu un certain nombre de défenseurs. On trouve que l'instruction gratuite et obligatoire, dont je suis partisan, peut seule amener un changement radical à un état de choses qui devrait préoccuper tous ceux qui ont à cœur le développement et l'amélioration de notre organisme national. Mais, à mon avis, l'obligation scolaire ne peut être que le complément de la tâche qui incombe aujourd'hui à tous les gouvernements. Il faut, avant de la décréter chez nous, construire un grand nombre d'écoles nouvelles ; il faut permettre à 180,000 enfants d'entrer dans ces écoles, et pour leur en faciliter l'accès, améliorer les voies de communication.

Il ne faut pas perdre de vue que dans certaines parties du pays les chemins ne sont pas suffisamment améliorés pour forcer les enfants des hameaux isolés à faire tous les jours un trajet de plusieurs kilomètres pour arriver à l'école.

A l'heure qu'il est, sur 3,200 écoles communales, plus de 1,000 sont mal construites ; 1,500 de ces locaux contiennent 183,000 élèves, tandis que, d'après les règlements, il ne devrait y avoir de place que pour 128,000.

Nous comptons 10,576 instituteurs et institutrices dont 3,080 seulement sont munis de diplôme.

Nos écoles normales font insuffisantes, elles fournissent à l'enseignement environ 250 personnes chaque année. Les nouvelles écoles en fourniront peut-être un plus grand nombre, mais je doute qu'elles répondent à de nouveaux besoins d'ici à longtemps.

D'après le rapport triennal le pays compte plus de 900 instituteurs sur 4,211 et plus de 500 institutrices sur 1,450 qui ne reçoivent qu'un traitement inférieur à 900 francs, casuel compris. Voilà différents points qui doivent attirer l'attention de ceux qui veulent arriver à l'instruction gratuite et obligatoire.

Il faudrait faire un grand effort pour l'enseignement sans se souvenir que l'on aurait pu le faire plus tôt ; mais il semble bien difficile de deviner aujourd'hui quand cet effort pourra être fait.

Je dirai quelques mots des leçons données dans nos écoles normales. Les élèves instituteurs ont vingt-cinq heures de leçon par semaine, y compris le dessin et la musique.

Deux heures sont consacrées à l'enseignement de la religion et de la morale ; ils ont une heure de géographie et une heure d'histoire ; ils doivent donc être meilleurs pour enseigner la religion que pour donner un cours de géographie ou d'histoire.

Mais cela ne suffit pas encore pour les inspecteurs diocésains. Ceux de Malines, de Namur et de Tournai expriment le regret que, lors de la révision du programme des écoles normales, on ait cru pouvoir diminuer le nombre d'heures assignées à l'enseignement de la religion ainsi que le nombre des points attribués à cette branche dans les examens semestriels et de sortie.

Ces fonctionnaires signalent aussi plusieurs bibliothèques comme renfermant des ouvrages immoraux ou irréligieux. La bibliothèque de Dour est de ce nombre. On la critique vivement sans indiquer quels sont les livres qui devraient disparaître ; il me semble que pour examiner si ces critiques sont fondées, il faudrait tout au moins les préciser.

Il est à remarquer que sur tous ces points les inspecteurs civils ne sont pas d'accord avec les inspecteurs diocésains ; je désirerais donc connaître l'avis de M. le ministre de l'intérieur sur ces divergences d'opinion ; je désirerais aussi connaître les résultats de la circulaire du 4 avril 1867, qui a pour but de faire cesser ou d'empêcher le cumul de certaines fonctions.

Cela dit, messieurs, je me permettrai de revenir brièvement sur la circulaire de l'honorable M. Kervyn, relative à la part contributive des communes dans les frais de l'instruction primaire, parce qu'elle place certaines communes, et notamment la ville d'Ath, dans une situation financière des plus mauvaises.

Les revenus patrimoniaux de cette ville s'élèvent à 591 fr. et le fonds communal à 44,795 fr. Soit 45,386 fr.

Il faut déduire :

A. Les intérêts des dettes et emprunts : 7,174 fr.

B. Les dépenses relatives à la bienfaisance : 2,800 fr.

Total.. 9,974 fr.

Reste 35,412 fr.

Le dixième de cette somme est de 3,541 fr. 20.

Le produit de 2 p. c. des centimes additionnels, de 1,475 fr. 31.

Total : 5,016 fr. 51 c.

La quote-part de la commune s'élève donc à 5,016 fr. 51 c.

L'allocation ordinaire n'était que de 2,676 fr. 88 c.

Il lui reste à voter un supplément de 2,339 fr. 63c.

Les subsides alloués avant la circulaire de M. Kervyn étaient :

1° Sur les fonds de l'Etat de 2,240 fr.

2° Sur les fonds de la province de 168 fr.

Ensemble : 2,408 fr.

Si l'on applique les nouveaux principes, c'est-à-dire que si l'on exige de la commune une allocation supplémentaire de 2,339 francs, l'Etat et la province n'auront plus à accorder qu'un subside de 69 francs.

Je prierai l'honorable M. Delcour de bien vouloir remarquer que le fonds communal de 14,793 francs est invariable pour la ville d'Ath et que le revenu progressif de l'octroi a été transformé en un revenu fixe.

(page 132) En effet, l'octroi qui produisait en 1850 46,000 fr., donnait en 1858 50,413 fr., en 1859 23,904 fr. et en 1860 (les six premiers mois) 31,000 fr.

Suivant les probabilités, il aurait suivi, de 1860 à 1870, une progression semblable à celle des dix années précédentes, c'est-à-dire qu'il procurerait aujourd'hui à la ville d'Ath un revenu annuel de 65,000 francs, dont il faudrait déduire les frais de perception évalués à 6,000 francs. Resterait net 59,000 fr.

A ce produit il faut ajouter celui du droit de portes entraîné dans la suppression décrétée par la loi de 1860, 7,000 fr.

Total : 66,000 fr.

Produit actuel du fonds communal : 44,795 fr.

Voilà donc le chiffre de la perte faite par la ville d'Ath : 66.000 – 44,795 : 21,205 fr.

Or, les causes de dépenses nouvelles surgissent tous le jours, et pour y faire face, la ville d'Ath a du porter les centimes additionnels sur la contribution foncière à 40 centimes, contribution personnelle à 20 centimes, patente à 10 centimes, qui donnent un produit de 18,000 francs seulement. Si l'on retranche aujourd'hui à la ville d'Ath les subsides de l'Etat et de la province en faveur de l'instruction primaire, il y aura nécessité pour elle de supprimer d'autres services administratifs créés sur les recommandations de l'Etat lui-même. Il en sera de même dans plusieurs localités.

C'est la première fois que l'on a vu faire, d'une manière absolue, l'application de ce principe.

Toujours, quand il s'agit d'accorder des subsides, soit pour la voirie vicinale, soit pour construction d'églises, soit pour les beaux-arts, on a tenu compte des ressources communales.

Aujourd'hui, les communes pauvres recevront moins que les communes riches.

Je désirerais vivement connaître si l'honorable M. Delcour a l'intention d'appliquer rigoureusement à toutes les communes la circulaire de l'honorable M. Kervyn.

M. Pirmez.- Je crois que l'on s'attache trop aujourd'hui à déprécier la situation de notre enseignement primaire. Mon honorable ami, dans le discours qu'il vient de prononcer, vous a représenté cette situation comme étant déplorable et il vous a cité, à l'appui de sa thèse, quelques chiffres.

Je suis convaincu, pour ma part, que la situation de l'enseignement est beaucoup meilleure qu'on ne vous l'a dépeinte ; je tiens à montrer, en relevant quelques-uns de ces chiffres, jusque quel point on commet des erreurs en cette matière.

Ainsi l'honorable membre nous a dit ceci : Vous aviez en 1869, à l'heure qu'il est, 593,000 enfants dans les écoles primaires ; le nombre de tous les enfants de l'âge de 7 à 14 ans est de 650,000 ; par conséquent il y a 160,000 enfants qui ne reçoivent aucun enseignement primaire.

Or, c'est là une erreur flagrante.

M. Bricourt. - Cela résulte des statistiques et du rapport triennal lui-même.

M. Pirmez. - Je vais démontrer que le contraire résulte du rapport triennal.

Voyons d'abord les chiffres cités. Le rapport triennal indique avec précision que le chiffre de 593,000 élèves ne comprend que les enfants qui sont dans les écoles primaires proprement dites. Mais il faut y ajouter les enfants de 14 ans qui sont dans les écoles moyennes, les collèges, les athénées, les petits séminaires, dans les établissements publics et privés d'enseignement moyen, et leur nombre ne doit pas être inférieur à 30,000. Il faut ajouter alors les 27,000 enfants qui sont dans les ateliers d'apprentissage, ceux des diverses écoles qui ressortissent au département de la justice et ceux enfin qui reçoivent l'instruction à domicile.

Voilà déjà une rectification qui vaut la peine d'être signalée ; mais cette rectification n'est rien encore pour apprécier les conséquences auxquelles l'honorable M. Bricoult est arrivé.

J'accepte le nombre de 750,000 enfants, signalé comme étant celui des enfants de 7 à 14 ans, comme étant exact, et je suppose qu'après les rectifications que je viens de faire, le nombre des enfants fréquentant les écoles soit de 650,000.

En résultera-t-il que 100,000 enfants ne reçoivent aucune instruction ?

Cela ne serait vrai que si les 650,000 enfants fréquentaient tous l'école pendant sept ans ; il est clair que si les mêmes enfants au nombre de 650,000 demeuraient sept ans à l'école, on pourrait conclure avec la statistique que 100,000 enfants n'y ont pas été.

Mais c'est le contraire de cette supposition qui est la vérité.

En effet, messieurs, quiconque a habité la campagne sait qu'en général les enfants cessent de fréquenter l'école vers douze ans, qui est l'âge ordinaire de la première communion.

La durée du séjour à l'école pour le très grand nombre des enfants n'est donc que de cinq ans ; il en résulte qu'au lieu d'avoir 650,000 enfants allant sept ans à l'école et 100,000 n'y allant pas du tout, nous avons un nombre d'enfants de beaucoup supérieur à 650,000 allant à l'école, et un nombre beaucoup inférieur à 100,000 n'y allant pas du tout.

Si vous prenez la somme des années d'école que représente la présence des 650,000 enfants, vous trouverez que le nombre est à peu près de 5 ans et 8 mois par enfant.

Ce serait sans doute une conséquence erronée de dire que tous les enfants passent 5 ans et 8 mois à l'école, parce qu'une moyenne résulte de quantités inégales. Mais je crois qu'on peut en conclure que la presque totalité des enfants vont de 4 à 5 ans à l'école et que leur déficit d'années d'école moyenne est rempli dans la statistique par ceux qui y demeurent jusqu'à 14 ans et plus tard encore.

Voulez-vous la confirmation de ce fait ?

Allez dans une école primaire et vous verrez que la très grande majorité des enfants, les neuf dixièmes ou au moins les cinq sixièmes, a moins de 12 ans.

Si vous admettez cela, vous arrivez à cette conséquence mathématique, que presque tous les enfants de 12 ans fréquentent l'école pendant un temps plus ou moins long.

Remarquez, messieurs, que je ne prétends pas qu'il n'y ait là rien à redire ; je constate avec regret que l'école est abandonnée beaucoup trop tôt. Si l'on invoquait les chiffres pour arriver à cette conséquence, j'y souscrirais ; mais je ne puis admettre cette autre conséquence toute différente, et que le rapport triennal signale comme fausse, qu'un nombre de plus de 100,000 enfants ne reçoivent aucune instruction.

Constatez les vices réels de la situation et non des vices imaginaires.

Mon honorable ami a commis une autre erreur.

Il s'est appuyé sur le recensement de 1866, qui indique le nombre des habitants ne sachant pas lire et écrire.

Je signale d'abord qu'à côté de ceux qui savent lire et écrire, il y a ceux qui savent lire seulement. (Interruption.)

Ne vous récriez pas, la différence n'est pas insignifiante.

Si vous voulez prendre la statistique sur le degré d'instruction des miliciens, vous verrez que, pour six miliciens sachant lire et écrire, il y en a un qui sait lire seulement. Un sixième n'est pas une proportion à dédaigner.

Mais ce sont là de petites choses. Voici les grandes.

Dans les chiffres du recensement, on a compté, parmi ceux qui ne savent pas lire et écrire, tous les enfants jusqu'aux enfants à la mamelle.

L'honorable membre aura beau faire des discours remplis des meilleures choses, déplorer la situation de l'enseignement primaire, demander la révision de la loi de 1842, réclamer l'enseignement obligatoire, il faudra bien subir cette situation, qu'au moment de leur naissance, les enfants ne sauront ni lire ni écrire.

Pour invoquer ce recensement, il faudrait donc en discuter préalablement les chiffres : ajoutez d'abord une quotité représentant le nombre de ceux qui savent lire seulement et surtout retirez du chiffre des illettrés, non pas seulement les enfants de moins de 7 ans, comme l'a fait l'annuaire, mais les enfants qui ne sont pas à l'âge où généralement on sait lire et écrire.

Le résultat serait tout différent.

Messieurs, je le répète, je ne prétends pas que tout soit bien, que nous ayons atteint la perfection ; je proclame, au contraire, qu'il reste beaucoup à faire. Mais je crois que si l'on veut faire de bonnes lois, prendre de bonnes mesures, il faut avant tout chercher la vérité.

Ce n'est pas en exagérant ce qui nous manque qu'on arrivera à faire quelque chose de bon. La connaissance vraie du mal est nécessaire à l'application du remède.

Je n'étais pas préparé à la discussion ; je n'ai donc pas tous les chiffres présents à l'esprit, et je suis obligé de citer de mémoire ; mais je reviendrai, à la première occasion, sur ce point ; je démontrerai que, dans les dernières années surtout, nous avons réalisé, en matière d'enseignement, des progrès énormes. Je crois que je pourrais dire que si certains pays sont beaucoup plus avancés que nous, dans aucun les progrès ne sont plus rapides qu'en Belgique ; je crois que dans un certain nombre d'années, que (page 433) l'on peut fixer, nous serons dans une situation aussi bonne, quant à l'enseignement primaire, que les nations les plus favorisées.

Je demande seulement qu'on veuille bien examiner, avec sang-froid, sans parti pris, avec l'intention de connaître la vérité.

M. Bricourt. - Nous examinerons.

M. Pirmez. - Je suis très convaincu que M. Bricoult, dans son examen, se formera de tout autres idées que celles qu'il vient d'avancer. Je sais très bien que quand on a en vue une grande réforme, on est très tenté de dépeindre la situation sous les couleurs les plus noires ; on se laisse aller à croire qu'il n'a absolument rien été fait, que tout est mauvais ; on pense ainsi obtenir certaines mesures dont on attend de merveilleux résultats et l'on se prépare à proclamer qu'on a fait disparaître des maux épouvantables.

Je ne veux absolument rien préjuger, et mes observations n'ont ici pour but que de rétablir la réalité des faits.

Je ne veux pas, messieurs, suivre l'honorable membre dans toutes les considérations qu'il a fait valoir ; mais je crois devoir faire une observation sur la loi de 1842.

Je comprends qu'on attaque et qu'on défende avec ardeur cette loi, en ce qui concerne les dispositions qui y lient, dans certaine mesure, l'enseignement religieux à ce que j'appellerai l'enseignement civil.

Mais ce n'est là qu'un des points réglés par cette loi, qui à côté de ce point a réglé toute l'organisation administrative et financière de l'enseignement primaire par des dispositions qui n'ont aucun caractère politique.

Je crois que dans cette partie de la loi, quelle que soit l'opinion qu'on professe sur le point si vivement débattu, on ne trouvera que peu à reprendre ; et je n'ai jusqu'à présent entendu aucune critique précise.

Aussi-je demanderai à l'honorable préopinant quelles sont les mesures administratives ou financières qu'il voudrait introduire dans la loi sur l'enseignement primaire ?

Cette loi donne au gouvernement tous les pouvoirs possibles pour développer l'enseignement primaire ; elle lui permet de demander à la Chambre les fonds nécessaires pour le subsidier ; elle lui permet de contraindre les communes à construire des maisons d'école ; elle lui permet de faire porter à leur budget des fonds pour le payement de la part qui incombe aux communes dans la rétribution des instituteurs et dans tout le service de l'enseignement primaire.

Je ne vois pas, pour ma part, quelle action plus grande on peut donner au gouvernement pour l'organisation de l'enseignement primaire.

Les communes sont libres de développer l'enseignement primaire, mais elles ne sont pas libres de le négliger, et le gouvernement, sous le contrôle des Chambres, doit les contraindre à faire la dépense nécessaire pour la partie matérielle de l'instruction primaire.

Je prie donc, même les adversaires de la loi de 1812 au point de vue de la jonction des deux enseignements, d'examiner attentivement cette question ; et je suis convaincu que, si on vient démontrer que le système de la loi est mauvais au point de vue administratif ou financier, il y aura unanimité pour modifier la loi.

Aussi, je ne m'explique pas que l'honorable préopinant ait attaqué la loi de 1842 comme étant un obstacle à la diffusion de l'enseignement primaire.

M. Bricourt. - Je n'ai pas dit cela ; j'ai dit que sous cette loi l'instruction avait fait peu de progrès.

M. Bouvier. - Il faut extirper l'ignorance.

M. Pirmez. - Je crois que lorsqu'on constate une chose, il faut en rechercher les causes.

Prétendez-vous que la cause du mal que vous croyez exister gît dans la loi sur l'instruction primaire ? Alors dites-nous quelles sont les dispositions de cette loi qu'il faut réviser. Si, au contraire, vous constatez une circonstance purement fortuite, vous devez reconnaître que le mal ne vient pas de l'organisation législative.

Du reste, j'engage les honorables membres de la Chambre qui voudront étudier la question à tenir compte de ceci. Les renseignements les plus importants que nous ayons sur la situation de l'instruction ne sont pas dans le recensement de 1866.

Ce ne sont pas non plus les tableaux qui constatent le degré d'instruction des miliciens.

Je crois qu'il y a beaucoup d'arbitraire et dans le recensement et dans ces tableaux.

Il y a un document qui a un bien autre caractère de certitude, c'est la statistique du nombre des miliciens ou plutôt des hommes incorporés qui signent les lois militaires.

Il y a là un moyen de constater avec certitude ceux qui ont reçu et conservé un certain degré d'instruction primaire.

On peut voir, par les documents, quels ont été les progrès réalisés depuis un certain nombre d'années.

Ces progrès ont été énormes.

Le nombre des hommes incorporés qui ont signé les lois militaires s'est élevé de 51 p. c, chiffre de 1864, à 64 p. c, chiffre de 1809 (ce dernier chiffre est porté par erreur à 67 p. c. dans l'annuaire), c'est-à-dire que nous avons en 1869 un accroissement de plus de 25 p. c. du chiffre de 1864. Et cela en 5 ans !

Certainement si le progrès est énorme, le chiffre en lui-même est encore très bas ; mais si vous voulez vous rendre compte de la moyenne de l'enseignement du peuple, il faut discuter les éléments de cette statistique.

Ainsi il est évident que les remplaçants et les substituants sont pris dans les classes les plus inférieures de la société ; il est certain, aussi, qu'en général les hommes qui se sont fait remplacer ou substituer savent lire et écrire.

Si donc vous voulez faire une statistique exacte de l'ensemble de la population, il faut comprendre dans le nombre de ceux qui pourraient signer les lois militaires, non pas les remplaçants et les substituants, mais les remplacés et les substitués, et alors vous constaterez non seulement un progrès immense, réalisé en cinq ans, mais vous constaterez une situation générale bien meilleure que si vous vous attachez uniquement à là catégorie la plus dépourvue d'instruction. (Interruption.)

Entendons-nous, il est des personnes qui croient qu'il suffit de faire une loi pour réaliser immédiatement l'instruction universelle, comme il en est qui croient pouvoir décréter le bonheur général.

Lorsqu'il s'agit d'agir sur de grandes masses, lorsqu'il s'agit de développer le bien-être matériel ou le bien-être moral d'une population, il faut un grand nombre d'années avant que les meilleures lois produisent leurs effets.

La Prusse a mis plus d'un siècle à organiser son système d'instruction. Si je me le rappelle bien, les lois d'organisation datent de 1767 ; eh bien, supposez que notre organisation de l'enseignement primaire, au lieu de dater de trente ans, date d'un siècle, je puis vous garantir qu'avec la moitié des progrès que nous avons faits, nous serions dans une situation qui, dans les mêmes circonstances, nous donnerait des résultats égaux à ceux de la Prusse.

Vous verrez, messieurs, en prenant le tableau que j'ai signalé à votre attention, que les progrès sont tels que s'ils persistent, comme nous devons l'espérer, à se manifester avec la même intensité, dans un avenir dont on peut calculer le temps, l'honorable M. Bricoult, au lieu de n'avoir que de plaintes à former, pourra se féliciter avec moi du résultat que j'ai autant à cœur que lui de voir se réaliser.

M. Funck. - Messieurs, à entendre l'honorable M. Pirmez, l'enseignement primaire est dans une situation des plus satisfaisantes ; la Belgique est, sous ce rapport, un véritable Eldorado et nous vivons dans le meilleur des mondes possibles.

Je crois devoir vous prémunir un peu contre cet optimisme, et je n'hésite pas à me joindre à l'honorable M. Bricoult pour réclamer aussi en faveur de l'enseignement primaire, et pour déclarer que la situation actuelle est déplorable.

Messieurs, quand on invoque la statistique, on peut faire de magnifiques calculs, et tirer de ses chiffres toutes les conclusions les plus favorables à la cause que l'on défend.

Mais quand on va au fond des choses, quand on examine la valeur de ces chiffres, ce qu'ils signifient et ce qu'ils représentent, on reconnaît le plus souvent qu'il faut beaucoup en rabattre, et qu'ils ne peuvent point servir de base à un calcul sérieux en matière d'enseignement primaire.

Et pour ne citer qu'un exemple, je prends le chiffre de 160,000 enfants qui ne fréquentent pas les écoles. D'après l'honorable M. Pirmez, il faut beaucoup en rabattre. Il y en a 30,000 qui fréquentent les écoles moyennes, il y en a d'autres qui fréquentent les établissements privés. Eh bien, s'il n'y avait en réalité que 160,000 enfants privés de l'enseignement primaire, je le regretterais bien certainement, mais je m'en consolerais aisément dans l'espoir que d'ici à quelque temps, nous parviendrons à rétablir l'équilibre.

Malheureusement venir prétendre qu'en Belgique il n'y ait que 160,000 enfants qui ne reçoivent pas l'enseignement primaire, c'est une véritable plaisanterie.

La statistique, dit-on, constate que, sur 100 élèves en âge d'école, il y en a 76 qui fréquentent les écoles ; et il n'y a par conséquent qu'un déficit de 24 p. c. Mais ces 76 enfants qui fréquentent les écoles ne (page 434) reçoivent pas tous une instruction primaire régulière. Il y en a qui sont inscrits et qui n'ont jamais mis le pied à l’école ; il y en a d'autres qui n'y vont que pendant huit jours ; d'autres encore fréquentent pendant quinze jours. Certains y vont pendant les trois mois d'été ; certains autres pendant les trois mois d'hiver.

M. Pirmez. - A Bruxelles.

M. Funck. - Non, monsieur, pas à Bruxelles. A Bruxelles on fréquente l'école aussi régulièrement qu'ailleurs.

Quand on cite des chiffres, on devrait savoir ce qu'ils signifient.

Or, j'affirme, et je fais appel ici à tous ceux qui savent ce qui se passe en matière d'enseignement primaire, j'affirme que parmi vos 76 p. c. d'enfants qui sont censés fréquenter les écoles, il y en a un grand nombre qui n'y vont que pendant un, deux ou trois mois ; quelques autres pendant six mois. (Interruption.) Il n'y en a guère que le tiers qui fréquentent l'école pendant un temps suffisant pour recevoir l'instruction primaire complète, et des 76 p. c. que vantent vos statistiques, les deux tiers peuvent être considérés comme ne la possédant pas, et comme étant parfaitement ignorants.

Ce que je dis se fonde sur des chiffres positifs et sur l'expérience.

Vous avez tous lu, sans doute, messieurs, le travail publié il y a environ deux ans, par M. Wagner, échevin de l'instruction publique à Gand ; je ne l'ai pas sous les yeux en ce moment, et je le regrette ; mais ce travail constate que sur 100 élèves qui sortent des écoles communales de Gand, il y en a une bonne moitié qui les quittent en dessous de l'âge de 10 ans, et deux tiers au moins qui les quittent sans avoir reçu une instruction primaire complète.

Je me suis fait apporter le Bulletin communal de Bruxelles de l’année 1871. Le rapport du collège constate que sur 2,515 enfants qui sont sortis des écoles communales en 1870, 786 les ont quittées ne sachant pas lire et écrire, 853 sachant à peine lire et écrire, et que 876 seulement en sont sortis avec la présomption de posséder une instruction primaire complète.

Voilà la vérité, M. Pirmez.

M. Pirmez. - Nous sommes d'accord.

M. Funck. - Mais non, nous ne sommes pas d'accord.

M. Pirmez. - Voulez-vous me permettre une observation ?

M. Funck. - Laissez-moi continuer ; je désire ne pas être interrompu en ce moment.

Je n'étais pas préparé à ce débat ; je ne croyais pas avoir à répondre à l'honorable M. Pirmez. Si on ne me laisse pas achever ma réfutation sans m'interrompre, il me sera difficile de mettre un peu de suite dans mes idées.

Je constate donc par des chiffres que les allégations de l'honorable M. Pirmez ne sont pas fondées. j

Voulez-vous maintenant des faits à la suite de ces chiffres ? En voici :

Ces faits, j'ai déjà eu l'occasion de les signaler à la Chambre il y a deux ans. Un homme qui s'est beaucoup occupé d'instruction publique et des progrès de l'instruction primaire, voyant les beaux résultats renseignés par la statistique, et convaincu que tout cela n'était qu'une vaine fantasmagorie, a voulu constater le degré d'instruction des miliciens. Il s'est donc rendu dans une caserne à Gand ; là il a réuni deux bataillons. | (Interruption.)

Oh ! je sais ce que va me dire l'honorable M. Pirmez. Que faites-vous ? s'écriera l'honorable membre. Vous allez précisément choisir vos exemples dans les classes les plus infimes de la société, parmi les gens les plus illettrés.

Mais, messieurs, quand je parle d'enseignement primaire, je ne m'occupe et je ne dois m'occuper que des classes ouvrières. Il est évident que les classes bourgeoises et même la petite bourgeoisie donnent aujourd'hui comme dans le passé une éducation convenable à leurs enfants.

Je ne dois pas m'inquiéter de celles-là. Si l'on avait quelquefois un reproche à leur faire, ce serait plutôt de vouloir aller trop loin et de tendre à donner à leurs enfants une instruction qui n'est pas en rapport avec leur position sociale. Cette catégorie de citoyens n'est donc jamais en cause quand il s'agit de constater les progrès de l'instruction primaire. Pour juger des progrès de l'enseignement primaire, il ne faut considérer que les classes inférieures. C'est là que nous devons porter la lumière ; c'est au milieu d'elles que nous devons répandre les bienfaits de l'instruction.

Eh bien, je prends donc pour exemples des individus appartenant tous aux classes inférieures ; et quand je cherche à constater leur degré d'instruction, voici ce que je constate :

« Dans un de nos établissements militaires, on a fait l'expérience suivante :

« Il y avait, au mois de décembre 1864, 189 soldats présents,

« 98 ont déclaré ne pas savoir écrire du tout.

« 91 ont déclaré savoir écrire.

« A ceux-ci on a fait écrire une petite lettre quelconque, à leur choix, dans leur langue familière.

« 15 ont griffonné des choses complètement illisibles.

« 35 ont tracé des caractères compréhensibles, mais avec une orthographe telle, qu'évidemment ils ne sauraient pas communiquer leurs pensées par l'écriture et qu'on pourrait leur faire écrire, par exemple, une quittance, sans qu'ils aient conscience de ce qu'ils font.

« 30 ont écrit lisiblement avec une orthographe suffisant pour présumer qu'au besoin ils sauraient écrire leurs pensées.

« 6 seulement (parmi lesquels un Allemand) ont écrit d'une manière ferme.

« Ainsi sur 189 soldats, 91 seulement ayant déclaré qu'ils savaient lire et écrire et parmi ces derniers 42 seulement, soit 25 p. c. sur le tout, sachant écrire en réalité d'une manière passable. »

Donc, sur 189 soldats, on n'en trouve que 36 qui écrivent lisiblement avec une orthographe suffisante pour qu'on puisse présumer qu'ils pourraient exprimer leur pensée.

Voilà, messieurs, la situation réelle, malgré toutes vos belles statistiques.

Mais on ne se contente pas d'une expérience ; on en fait une seconde ; on prend un autre bataillon, pris au hasard dans un autre régiment, et voici, ce que l'on constate :

« 168 soldats étaient présents le 28 décembre 1864.

« 89 ont déclaré ne savoir ni lire ni écrire.

« Des 79 sachant écrire on a éliminé 16 jeunes gens ayant reçu l'instruction moyenne.

« Aux 63 restants on a ordonné d'écrire une petite lettre au colonel dans leur langue, français ou flamand.

« 12 se sont abstenus, se disant complètement incapables.

« 4 ont écrit des choses indéchiffrables.

« 32 ont écrit de petites lettres qu'on peut déchiffrer, mais dont l'écriture et l'orthographe accusent le défaut absolu d'habitude et l'impuissance.

« Pas un seul n'a écrit sans de nombreuses fautes. »

Il est donc constant que, malgré la loi de 1842, malgré tous les sacrifices faits pour l'enseignement primaire, malgré les encouragements nombreux donnés sous toutes les formes à ce service public, malgré l'organisation d'écoles nombreuses dans la plupart des communes du pays, l'instruction du peuple a fait peu de progrès en Belgique. Et cela ne m'étonne point.

C'est la constatation de la réalité des choses, à savoir que, dans une réunion d'hommes appartenant à la classe ouvrière, l'instruction est représentée par 29 p. c.

Est-ce clair ?

On dit encore, et c'est là un des principaux arguments opposés par l'honorable rapporteur de la section centrale chargée de l'examen de ma proposition relative à l'instruction obligatoire ; on nous dit : Le progrès de l'instruction primaire est constant ; seulement ce qui manque en Belgique, ce sont des instituteurs ; ce sont des maisons d'école. Faites d'abord des maisons d'école et alors cela ira tout seul ; les enfants s'y rendront.

L'argument, messieurs, est au moins curieux. Quand on a discuté la loi de 1842, qui contient ce principe si sage que la commune doit l'instruction aux enfants pauvres, si l'on était venu dire : Il est inutile d'inscrire maintenant ce principe dans la loi ; commencez par faire des écoles ; et alors seulement vous aurez le droit d'imposer aux communes l'obligation d'instruire les enfants pauvres ; qu'aurait-on répondu à une pareille argumentation ? On eût dit avec raison qu'il fallait d'abord consacrer le principe de l'obligation pour la commune de donner l'instruction aux enfants pauvres, et qu'une fois le principe consacré, la construction des maisons d'école en serait la conséquence.

Eh bien, messieurs, de même qu'en 1842, on a compris qu'il fallait commencer par décréter le principe avant de régler l'exécution ; de même il faut commencer par décréter l'instruction obligatoire si l'on veut parvenir à extirper un jour l'ignorance et obliger les communes à construire un nombre suffisant d'écoles.

Je n'insisterai pas davantage sur ce point.

Si les chiffres que j'ai cités paraissent à l'honorable M. Pirmez de nature à conduire à la justification de son système, il pourra me répondre.

Je passe maintenant à l'objet pour lequel j'avais demandé la parole.

(page 435) L'année dernière, pendant la discussion du budget de l'intérieur, j'ai soumis à la Chambre un amendement tendant à augmenter de 100,000 fr. le crédit affecté au service de renseignement primaire, afin de permettre au gouvernement de donner à la ville de Bruxelles la part qui lui revient dans ce crédit.

Je ne sais, messieurs, si à cette époque, mes honorables amis et moi, nous nous sommes mal expliqués ou si nous avons été mal compris. J'aime mieux croire du reste que nous nous sommes mal expliqués. Quoi qu'il en soit, notre amendement a été repoussé, et cependant plusieurs honorables membres de la droite qui se sont montrés défavorables à la proposition et notamment le rapporteur de la section centrale m'ont déclaré que s'ils avaient su que Bruxelles était dans la situation exceptionnelle qu'on veut lui faire, ils ne se seraient pas montrés hostiles à mon amendement.

C'est cette considération qui me détermine à le reproduire aujourd'hui ; je veux fournir ainsi à ces honorables membres l'occasion de revenir de leur erreur, en soumettant de nouveau à leur vote l'amendement que j'ai déposé l'année dernière.

Je ferai ainsi appel d'une décision de la Chambre à la Chambre mieux informée.

Vous savez, messieurs, que l'article 23 de la loi de 1842, dont nous parlions tantôt, impose au gouvernement l'obligation de venir en aide aux communes qui dépensent plus de deux centimes additionnels à leurs contributions directes pour l'enseignement primaire.

Il se passe à propos de l'application de cette loi, en ce qui concerne la ville de Bruxelles,, un fait curieux.

Quand la loi de 1842 impose une obligation à la ville, on l'invoque contre, elle ; nous ne nous en plaignons pas du reste.

La ville de Bruxelles a toujours été au delà de ce qu'elle devait faire pour l'enseignement primaire, et elle ne regrette aucun sacrifice sous ce rapport.

Quand, au contraire, la loi crée une obligation de l'Etat envers la commune, alors ce n'est plus la loi de 1842, mais on établit à côté du texte de cette loi une législation de fantaisie qui n'a qu'un seul tort, celui d'être tout à fait à côté de la volonté du législateur.

C'est ce déplorable système dont la ville de Bruxelles est victime. Cette espèce de déni de justice compte trois phases différentes :

Dans la première phase, le gouvernement a soutenu que l'article 23 de la loi de 1842 doit être interprété de telle façon que l'Etat ne doit de subside qu'aux communes complètement pauvres, à celles, par exemple, qui ne font pas de dépenses facultatives.

Ce système, qui d'après moi n'est pas fondé et que j'ai combattu, a au moins ceci de bon : c'est qu'il est logique, c'est qu'il peut se soutenir loyalement et consciencieusement ; c'est une façon mauvaise, mais enfin c'est une manière d'interpréter la loi. Ce système, auquel le gouvernement a renoncé bien vite, du reste, car, depuis cette époque, presque toutes les grandes villes du pays ont reçu des subsides, ce système pouvait se soutenir.

Quant à celui inventé par l'honorable M. Kervyn, celui-là ne se comprend pas du tout, et jusqu'à présent je n'ai pas entendu qu'on fait justifié. D'après l'honorable M. Kervyn, pour que le gouvernement intervienne, il faut que les communes affectent à l'enseignement primaire non seulement les deux centimes additionnels au principal des contributions, mais il faut encore qu'elles y affectent 10 p. c. des biens patrimoniaux, déduction faite des dettes et des intérêts des emprunts, plus 10 p. c. du fonds communal, déduction faite du service de la bienfaisance.

Je ne sais pas, messieurs, où l'on a été chercher cette interprétation de la loi ; c'est un système tout à fait arbitraire, c'est une législation de haute fantaisie faite à côté de la loi et que rien ne justifie.

L'article 23 de la loi de 1842 dispose tout bonnement quand l'Etat interviendra, lorsque les communes auront fait certains sacrifices déterminés. Mais elle n'autorise nullement le gouvernement à modifier ces conditions ou augmenter les sacrifices des communes. Or, remarquez-le bien, ce système est vraiment incroyable ! Car, enfin, pourquoi 10 p. c. dans le fonds communal ; pourquoi pas 20 p. c. ; pourquoi pas 30 p. c. ; pourquoi pas 3 p. c. ? Et si le législateur n'a rien fixé, s'il n'a pas parlé dans la loi de 1842 de biens patrimoniaux et du fonds communal, pourquoi le gouvernement s'arroge-t-il le droit de faire une autre législation à sa fantaisie ?

Toutefois, cette disposition, qui était inexécutable, a été modifiée. Et le gouvernement, par une circulaire du 30 juin 1871, y a donné l'interprétation suivante. Il y est dit que ; « Dans le cas où les charges résultant des intérêts des dettes et des emprunts, jointes aux dépenses pour la bienfaisance, sont supérieures au montant des revenus patrimoniaux augmenté du dixième de la rente provenant du fonds des octrois, la quote-part de la commune dans les frais du service annuel ordinaire des écoles primaires pourra être réduite à ce dixième. »

C'est assez difficile à comprendre, et il faut suivre cela à tête bien reposée pour en tirer quelque chose.

M. Bouvier. - C'est un hiéroglyphe.

M. Funck. - Ou bien cela ressemble un peu au problème célèbre : la longueur, la largeur et la hauteur des mâts d'un navire étant données dire l'âge du capitaine.

Mais enfin en examinant de près cette disposition, nous avons trouvé que même dans ce système comme dans le système inauguré par la première circulaire de l'honorable M. Kervyn, la ville de Bruxelles a droit à un subside de 100 à 150 mille francs. Cependant, malgré la démonstration qui en a été faite dans des écrits, dans des rapports, la ville de Bruxelles n'a encore rien reçu.

Je doit supposer que si nos efforts n'ont pas abouti, c'est parce que les fonds inscrits au budget ont été attribués d'avance à d'autres communes ; on m'a même donné cette raison à une certaine époque ; on disait alors qu'il serait regrettable de devoir enlever à des communes plus pauvres que ne l'est la ville de Bruxelles une part des subsides qu'elles reçoivent pour l'instruction primaire.

Je comprends cela jusqu'à un certain point, et pour mettre le gouvernement à l'aise, je viens demander d'ajouter à l'article 98 une somme de 100,000 francs.

C'est là, messieurs, une proposition qu'il est de notre devoir de vous soumettre.

La situation de la ville de Bruxelles constitue un véritable déni de justice. La ville de Gand reçoit environ 90,000 à 100,000 francs. La ville d'Anvers reçoit de 60,000 à 70,000 francs. La ville de Liège, si je ne me trompe, obtient 78,000 francs. Bruxelles seul est exclu de la répartition.

Eh bien, il faut que cet état de choses cesse. Il suffit que le déni de justice dont la ville de Bruxelles est victime soit signalé de nouveau à la Chambre, pour que celle-ci n'hésite plus à voter l'amendement que j'ai l'honneur de lui soumettre.

M. de Baets. - Je n'abuserai pas des moments de la Chambre ; je veux seulement faire deux observations très courtes.

N'est-il pas singulier que, depuis quelque temps, les orateurs wallons éprouvent le besoin d'introduire la ville de Gand et les Flandres dans tous leurs discours, à propos de tout et à propos de rien ?

Je n'en suis pas fâché, cela me permet de faire un rapprochement entre les manières de traiter la question flamande qui se rattache si intimement à l'enseignement primaire.

On nous dit en 1871 : Il faut encourager l'étude du flamand partout et notamment dans les provinces wallonnes.

Lorsque j'ai posé la question flamande devant la Chambre en 1861, les échos du parlement les plus sérieux disaient que c'était une billevesée dont on ne devait pas s'occuper pendant deux jours.

Or, aujourd'hui les honorables députés de Liège, de Mons et autres se préoccupent sérieusement de cette billevesée.

Il est vrai qu'ils ont très imparfaitement examiné la question et commis des erreurs qu'il est utile de redresser. Pour en rectifier une, je déposerai à sa bibliothèque la bibliographie des ouvrages publiés en langue flamande depuis 1830 jusqu'en 1857.

- Un membre. - Au bureau des renseignements,

M. de Baets. - Oui, pour que ceux qui parlent d'une chose sans la connaître puissent s'y renseigner.

On nous dit que la ville de Gand reçoit des subsides considérables ; mais vous oubliez donc que nous avons 60,000 ouvriers et que ces 60,000 ouvriers ne se trouvent pas dans les conditions où se trouve la bourgeoisie de Bruxelles !

Pensez-vous que je combattrais les subsides donnés à une ville quelconque lorsqu'elle se trouve dans les conditions exigées par la loi ? Pas du tout : donnez à pleines mains, donnez là où l'initiative privée fait défaut, où l'enseignement libre ne satisfait pas aux besoins.

- Un membre. - C'est cela !

M. de Baets. - Oui, c'est cela. Vous avez le droit d'organiser votre enseignement comme nous organisons le nôtre.

SI nous ne faisons pas notre devoir et si vous ne faites pas le vôtre, que le gouvernement fasse le sien.

(page 436) On disait tout à l'heure avec infiniment de raison que les enfants ne fréquentent pas les écoles que vous construisez. La cause en est bien simple : c'est qu'ils sont dans l'impossibilité de les fréquenter. Nous avions autrefois dans nos écoles des enfants qui devaient y venir de 3, 4 et 5 kilomètres de distance. Lorsque j'avais l'honneur de faire partie, avec les honorables MM. De Lehaye et Kervyn de Volkaersbekc, du conseil communal de Garni, nous demandions de redresser cet état de choses.

J'insistais entre autres sur la nécessité de créer des écoles dans les faubourgs éloignés du centre de la ville, notamment pour Meulestede. Savez-vous ce que me répondaient vos amis ? La bourgeoisie des faubourgs ne paye pas d'octroi, donc les pauvres n'ont pas droit à une école. Ou a fini cependant par consentir a jeter une aumône de 150 ou 250 francs.

Dans ce même quartier, on vient de construire une école qui a coûté peut-être 20,000 francs. Je me garde bien de critiquer la dépense. Je constate le besoin auquel elle répond, et le refus que vos amis nous opposaient.

Je ne critique pas non plus en général les dépenses que l'on fait pour les maisons d'école : il faut à l'instituteur sa dignité. Le curé, le bourgmestre et l'instituteur sont les garants les plu 'solides de la moralité publique.

Ce que je critique, c'est que l'on bâtisse des écoles somptueuses au centre d'une commune alors que des hameaux très populeux sont éloignés de quatre et cinq kilomètres.

Comment voulez-vous qu'à pareilles distances les enfants fréquentent régulièrement les leçons ? Cela est pour beaucoup très souvent matériellement impossible pendant l'hiver ; c'est impossible pendant l'été ; les enfants sont forcément tenus éloignés de l'école.

Je répète qu'on répand l'instruction à profusion, et ce n'est certainement pas parmi nos amis qu'on se montrera chiche à cet égard, si le besoin des subsides est démontré, si l'initiative privée fait défaut.

Mais j'estime qu'il ne suffit pas de concentrer l'enseignement dans le cœur des communes ; il foat le mettre à la portée, à la disposition des enfants. Je borne là pour le moment mes observations»

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Lefebvre. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission de naturalisation sur une demande de naturalisation ordinaire.

- Impression et distribution.

La séance est levée à 5 heures.