Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 23 novembre 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 53) M. Wouters fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse des pièces suivantes adressées à la Chambre.

« Le sieur François Casier, greffier de la cour des comptes, demande la place de conseiller vacante à cette cour. »

« Même demande du sieur Frédéric Gisler, chef de la division du contrôle à la cour des comptes. »,

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Des habitants d'une commune non dénommée demandent une loi pour réglementer le travail des enfants dans les mines et les fabriques. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les secrétaires communaux du canton de Peer proposent des mesures pour améliorer la position des secrétaires communaux. »

M. Lelièvre. - J'appuie cette requête et je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions, qui sera invitée à faire un prompt rapport. Elle a pour objet une réclamation dont la justice est depuis longtemps reconnue. Je ne saurais assez la recommander à la commission et au gouvernement.

- Adopté.


« Le sieur Guesnet prie la Chambre de voter un premier crédit pour venir en aide aux victimes les plus nécessiteuses des entreprises Langrand-Dumonceau. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. Vleminckx, retenu par indisposition, demande un congé de quelques jours.

- Accordé.

Projets de loi portant les budgets des ministères de la justice et de l’intérieur pour l’exercice 1872

Rapports des sections centrales

M. Van Overloop dépose le rapport de la section centrale chargée de l'examen du budget de la justice pour l'exercice 1872.

M. De Lehaye dépose le rapport de la section centrale sur le budget de l'intérieur pour l'exercice 1872.

- Impression et distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Interpellation relative à la nomination de M. De Decker comme de gouverneur du Limbourg

M. Defuisseaux. - Nous avons entendu hier le discours de M. Bara, qui nous a montré l'étendue du désastre financier des institutions Langrand. Il a fait plus : il nous a fait toucher du doigt les faux, les escroqueries, les abus de confiance par lesquels on a froidement accompli la ruine d'une quantité de victimes. M. le ministre de l'intérieur n'a rien répondu. Refusant de discuter les documents que M. Bara avait fournis, il a fait, par cela même, aveu d'impuissance. La question est donc jugée. La conscience publique, en cela l'écho des paroles que vous avez entendues dans cette enceinte, a jugé de la même manière.

Vous avez nommé M. De Decker au moment où une instruction est ouverte sur les affaires Langrand, où l'on entend à chaque moment son nom mêlé à cette instruction. Le public se demande si les faits si scandaleux qui ont été révélés hier à charge des institutions Langrand sont ou ne sont pas, en définitive, des faits que la loi doit ou ne doit pas réprimer ? Il ne veut pas que le gouvernement et la magistrature aient deux poids et deux mesures. Il veut que la justice soit égale pour tous et je me demande s'il peut avoir cette opinion alors que l'on voit déployer dans les administrations publiques une si grande sévérité envers les petits employés et une si grande indulgence envers de hauts fonctionnaires ?

Eh quoi, le même ministre, qui n'hésiterait pas à suspendre un facteur de poste, par exemple, prévenu seulement du détournement d'une somme minime, a pu nommer gouverneur du Limbourg un homme impliqué dans les scandaleuses affaires de Langrand-Dumonceau !

Voilà de ces injustices que le public ne peut admettre et que la conscience n'admettra jamais !

M. Bara a regretté hier de n'avoir pas, en 1865, lorsqu'il était ministre, enjoint au parquet de sévir contre Langrand-Dumonceau et ses complices.

En 1869, on a fait un semblant de poursuite qui n'a été, en définitive, qu'une véritable comédie, et profitant de ces complaisances de la justice, Langrand a pu se retirer à Londres, pour y jouir en paix du fruit de ses rapines. Le public demande maintenant que les autres coupables, qui ne sont pas encore à Londres, qui sont en Belgique, soient énergiquement poursuivis. Je suis bien certain d'être le fidèle interprète de la pensée de tous mes commettants en demandant à M. le ministre qu'il enjoigne à son parquet de poursuivre activement, énergiquement tous ceux qui sont plus ou moins compromis dans les affaires Langrand.

Il doit le faire, car ce ne sont pas des poursuites théoriques contre des absents que nous demandons : ce sont des poursuites effectives, sérieuses. Que les magistrats le sachent bien, qu'ils l'entendent du haut de cette tribune : autant il s'élèvera de voix généreuses pour les soutenir quand ils frapperont des coupables occupant une place élevée dans la société, fût-ce même sur les bancs de cette Chambre, autant ces mêmes voix s'élèveront contre les magistrats qui montreront de la faiblesse dans l'accomplissement de leurs devoirs !

Il faut donc que, sans faiblesse, avec une énergie soutenue, M. leministre de la justice satisfasse la conscience publique par la retraite et la mise en prévention de ceux que l'on soupçonne.

Messieurs, il importe autant à M. De Decker qu'à nous tous de voir nettement trancher sa position.

Hier, M. le procureur général Simons, dans une lettre dont l'honorable ministre de la justice a donné lecture, disait que M. De Decker n'était pas en prévention.

L'honorable M. Bara prétendait, au contraire, que M. De Decker est en prévention.

Quoiqu'il en soit, je partage l'opinion de M. Bara ; mais je déclare que si M. De Decker n'est pas en prévention, il est du devoir de M. le procureur général de l'y mettre et du devoir de M. le ministre de la justice de le lui enjoindre.

M. De Decker a été administrateur des sociétés Langrand et je crois qu'il importe à tout le monde qu'il se justifie. Mais, en attendant, comment voulez-vous que le public apprécie la faute impardonnable que vous avez faite, de le nommer préventivement gouverneur du Limbourg ?

Comment voulez-vous que l'on apprécie cette nomination, sinon comme une manière de peser sur l'opinion de la justice ?

Messieurs, vous le savez, la soif de l'or a gagné les classes les plus élevées, l'immoralité les a envahies. La politique s'est mêlée à la finance, la finance à la religion, et finance, religion, politique réunies ont abouti à une immense escroquerie !

Assisterons-nous impassibles à cet effondrement de la moralité des classes élevées, sans en chercher la cause, sans vouloir la détruire ?

Eh bien, messieurs, en présence de la gravité du mal, j'aurai le courage de vous dire toute ma pensée : la cause de cette démoralisation, je la trouve en grande partie dans nos institutions et dans nos lois.

(page 54) Partout, elles proclament la supériorité, la sainteté, l'infaillibilité de l'argent, partout à la base, au sommet, apparaît le culte de l'or.

S'agit-il d'être électeur ? Il faut payer 42 fr. 43 c. Culte de l'or.

S'agit-il de rester ou non emprisonné pendant des années dans les casernes, d'être dispensé de courage et de patriotisme ? 1,300 ou 2,000 fr. peuvent y suffireM. Magherman. Culte de l'or.

S'agit-il d'appartenir à la première Chambre du pays, au Sénat, 2,000 fr. de contributions directes peuvent seuls vous en ouvrir les portes.

Et l'on serait étonné que lorsque pendant quarante années la loi a enseigné que tous les droits, tous les pouvoirs appartiendraient à la fortune, que la première Chambre du pays lui serait livrée, que les casernes ne seraient peuplées que par les pauvres qui ne peuvent se racheter, que le droit d'être citoyen belge effectif, c'est-à-dire électeur, n'appartiendrait qu'à ceux qui justifient d'une certaine fortune, que les classes élevées se soient ruées sur l'argent, se soient gorgées d'or, comme dit M. Brasseur !

On serait étonné de voir la politique, la finance, la religion convoiter les richesses des hommes jadis honorables, succomber aux séductions de la fortune ; l'on s'étonnerait de lire des documents d'un cynisme révoltant, d'entendre des hommes importants parler le langage des escrocs ; l'on s'étonnerait, en un mot, de voir comme conséquence logique, inévitable de tout ce système, des affaires Langrand et des dossiers Brasseur ! (Interruption.)

Ayons donc le courage de le reconnaître, les classes sociales les plus élevées sont les plus corrompues !

Il faut à notre corps social et politique usé un sang nouveau.

Il faut, au nom de la justice, au nom de la nécessité, appeler à nous le grand pauvre, le grand travailleur, qui s'appelle le peuple.

Voilà quelle est, pour moi, la conséquence qu'on doit nécessairement déduire du triste état social où nous nous trouvons.

Je suis persuadé que le parti libéral profitera de cette grande leçon pour se régénérer, pour se retremper, pour comprendre que la moralité n'existe pas seulement dans les classes élevées, qui ont été jusqu'aujourd'hui seules représentées ; mais qu'elle existe dans le peuple belge tout entier ; et seulement alors, et alors pour toujours, le grand parti libéral reconquerra toute sa puissance, car ce sera le parti libéral démocratique.

M. le président. - La parole est à M. Brasseur.

M. Brasseur. - Messieurs, en présence des manifestations qui ont eu lieu hier et dont j'ai été l'objet aujourd'hui, je renonce à la parole. (Interruption.)

M. Bouvier. - C'est commode !

(page 69) M. Nothomb. - Messieurs, je ne viens pas répondre au discours de l'honorable M. Defuisseaux. J'ai confiance dans sa loyauté et j'en appelle de M. Defuisseaux mal informé à M. Defuisseaux mieux informé. Il n'a entendu qu'une partie de la discussion. Il ne connaît que l'accusation ; il me semble qu'il nous juge uniquement sur les inculpations articulées contre les sociétés Langrand et leurs administrateurs. Je le prie de réserver son opinion jusqu'à ce qu'il ait pu lire, étudier, comparer l'ensemble de ces accusations. Je le répète, j'ai confiance dans sa droiture et dans son équité.

Ce n'est donc pas à lui que je viens répondre ; c'est au discours que vous avez entendu hier.

Je ne veux pas passionner ce débat ; ce n'est pas le moment. J'écarterai donc soigneusement de ma réfutation tout ce qui peut avoir un caractère personnel pour moi comme pour mes amis absents. Tout cela, venu de ce côté, ne m'émeut pas et ne me touche pas. Cela me laisse fort calme.

Cette question-là, la question personnelle pourra trouver sa place pour être discutée à un autre moment, dans d'autres circonstances et là où l'on peut s'en expliquer, et déjà M. Bara semble l'avoir annoncé, d'après ce que je lis dans le compte rendu d'un journal. Les Annales parlementaires ne m'ont pas été remises, mais je puise mes renseignements dans l'Echo du Parlement, que M. Bara ne récusera pas.

Je dis donc que lui-même semble désirer remettre à un autre moment le côté personnel du débat, car voici ses paroles d'hier, telles que ce journal les donne :

« Je n'ai qu'un vœu à formuler, c'est que le Ciel bénisse et féconde les travaux de la justice. Cette tâche, nous pourrons la reprendre plus tard. »

D'après cela, c'est donc une question qui reste ouverte, une affaire ajournée. Attendons.

Ce sont pourtant, messieurs, d'étranges paroles que celles par lesquelles M. Bara appelle contre nous et le Ciel et les travaux de la justice ; paroles d'une rare générosité, dignes de lui, quand elles s'appliquent à des hommes qui n'ont été ni entendus comme témoins et moins encore interrogés comme inculpés dans l'enquête que l'on dit ouverte.

Je sais bien que, hier, M. Bara a avancé que depuis dix-huit mois, dix-huit mois, messieurs, toutes les personnes mêlées aux sociétés Langrand sont l'objet d'une prévention en masse générale, indistinctement, in globo, parce qu'elles y avaient coopéré à un titre quelconque. Eh bien, je déclare n'en rien savoir. Ni moi ni mes amis nous n'avons été entendus pour aucune espèce de renseignements, ni comme témoins, ni comme inculpés. Je dis que cette assertion de M. Bara n'est pas exacte et ne peut pas être vraie.

Je me refuse à croire que dans notre pays, dans la libre Belgique, des citoyens honnêtes qui répondent à tout venant, qui se présentent à tous et en tout, qui n'ont pas quitté un instant, pas un seul instant le sol de la patrie, je me refuse à croire que ces hommes puissent être pendant dix-huit mois sous le poids d'une prévention, d'une inculpation dont on ne leur aurait pas dit un seul mot ! Cela n'est pas, cela ne peut pas être !

Je n'ai ici, messieurs, qu'à répondre à un jugement, à une condamnation, c'est le mot, portée d'avance contre les affaires des sociétés Langrand, considérées en elles-mêmes ; et, comme j'ai eu l'honneur de le dire hier, je veux, à côté d'une plaidoirie d'avocat, placer une autre plaidoirie.

Cependant, qu'il me soit permis de le faire observer : c'est un singulier rôle qui échoit à une assemblée politique. M. Bara l'a compris, car il a essaye de justifier cette étonnante transformation en déclarant que les affaires Langrand n'ont pas été des affaires, que ces sociétés ont un caractère politique, parce qu'elles ont été fondées et dirigées par des hommes politiques ; que dès lors elles relèvent de la politique.

Mais n'est-il pas absurde, je vous le demande, de prétendre qu'une institution financière, parce qu'elle serait fondée ou dirigée par des hommes politiques, doive, pour cela seul, être rendue justiciable d'une discussion dans une Chambre politique ? Mais s'il en est ainsi, où vous arrêterez-vous ? Aujourd'hui ce sont les sociétés Langrand, soit ; mais demain, ce seront d'autres institutions dirigées par des hommes d'une autre opinion ; il y a des retours dans la vie.

Bientôt ce seront des maisons de banque, ce seront de simples commerçants parce qu'ils seront des hommes politiques, parce qu'ils touchent à la politique, n'importe par quel côté, si lointain qu'il soit, que l'on rendra justiciables des discussions de parti. Eh bien, je dis que cela est impossible, que c'est l'anarchie, la destruction du régime représentatif devenu une arène où des avocats plaideront des intérêts civils, des affaires privées, que c'est le renversement de toute notion de raison, que c'est de plus le renversement du crédit et qu'il n'y a plus de développement commercial possible s'il est permis d'attraire à la barre des passions politiques une institution financière, une maison de banque parce que ceux qui y seront intéressés seraient des hommes politiques.

- Voix à droite. - Très bien !

M. Nothomb. - Et on va plus loin ; pour attaquer, pour noircir, pour calomnier ces sociétés, on a recours aux correspondances privées, au secret des lettres, aux épanchements intimes échangés entre les hommes mêlés à ces affaires et à l'aide de lambeaux de ces lettres qu'on possède je ne sais comment, on va incriminer, condamner et ces hommes et leurs actes. C'est la surprise, c'est le vol de la pensée humaine. Depuis longtemps, il ne s'était rien vu d'aussi odieux !

Oh ! ce système-là est vieux ; au XVIIème siècle, il s'est trouvé un personnage qui a dit ces paroles exécrables : « Donnez-moi quatre lignes de l'écriture d'un homme et je me charge de le faire pendre. » Eh bien, messieurs, est-ce que cet homme que l'histoire a entouré d'un si sinistre renom va donc trouver des imitateurs ? Est-ce que cette école va donc s'implanter en Belgique ? Est-ce que désormais l'on pourrait s'embusquer derrière un dossier secret où l'on fouillerait l'expression intime de la pensée d'un homme, consignée dans une lettre écrite sous le sceau de l'amitié ou de la confiance, où il aura apprécié un autre homme, un quatrième possédera cette lettre qui n'est pas à lui, un cinquième en sera nanti par une sorte d'abus de pouvoir et il déverserait alors impunément et à son aise, sur celui qui aura été nommé, l'injure et la diffamation par personne interposée ? Ce serait de l'ignominie que toute conscience droite flétrirait et ce serait grave, car cela produirait un arrêt dans les relations sociales ; plus de confiance, plus d'amitié, plus d'épanchement : qui donc oserait encore écrire ? Toute sécurité dans les rapports viendrait à être bannie dans la vie : une lettre intime, écrite ou reçue, pourrait vous perdre !

Songez-y, messieurs, ce serait l'espionnage devenu un moyen de discussion. Je vais plus loin, je dis qu'il n'y a pas d'institution financière qui pourrait résister à un pareil système de conspiration, non pas une, si puissante qu'elle soit.

Donnez-moi les archives de n'importe quelle société, de n'importe quelle grande maison de banque, et je me charge de puiser dans cette correspondance des éléments de discrédit. Donnez-moi la correspondance d'un homme longtemps mêlé à la vie agitée des affaires ou de la politique. Donnez-moi sa correspondance intime, ne fût-elle que de quelques années, et je me charge, avec des lambeaux de phrases, arrangées et commentées par l'esprit de dénigrement, de le rendre ridicule ou odieux. M. Bara veut-il me donner la sienne ? N'est-ce pas là, messieurs, la situation que l'on nous prépare ? On espère frapper aujourd'hui des adversaires politiques, mais qu'on y prenne garde : la vie a des vicissitudes singulières et l'on succombe souvent dans l'abîme où l'on a cru entraîner son adversaire.

Je serai nécessairement très incomplet dans ce que j'ai à vous dire. Pour répondre au réquisitoire d'hier, j'aurais eu besoin de jours ; j'ai eu à peine des heures. Je n'ai pas les pièces. M. Bara les a toutes, et moi, je ne puis les avoir. Vous avez entendu la lecture de la lettre de M. le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles et j'aurais vainement demandé la communication des pièces. Je pourrais donc demander la remise de la cause. Mais il m'importe de répondre sur l'heure et je veux passer outre. Je n'ai à ma disposition, et mes amis sont dans le même cas, je n'ai que le premier rapport des curateurs de la faillite de l'International. C'est le seul document que je possède, avec quelques fragments de pièces qu'à grande hâte j'ai pu réunir. M. Bara a fait usage de ce premier rapport et d'un second écrit qu'il a appelé, si je ne me trompe, le récit des faits qui se sont (page 70) passés à l'International. Ce récit, je déclare ne pas le posséder ; je ne l'ai jamais vu ; je ne le connais pas ; je n'en sais pas le premier mot, ni aucun de mes amis. Je serai donc forcément incomplet et, à cet égard, je vous demande d'avance votre indulgente attention : aucun homme juste et impartial ne me la refusera.

Quand nous connaîtrons tous les faits, quand tous les documents nous auront été communiqués, nous répondrons comme nous venons de répondre déjà à la seule publication connue de nous, le premier rapport des curateurs. Je vous promets, je vous garantis que notre réfutation ne sera pas moins claire, ne sera pas moins catégorique, ne sera pas moins concluante que l'est notre réponse à ce premier travail.

Que fait M. Bara ? Il reproduit ici le rapport des curateurs, enjolivé de quelques articles de ses journaux. II donne à ce rapport des curateurs l'éclat de la publicité ; il lui fait les honneurs de la tribune parlementaire ; il lui ménage par là un retentissement qu'il n'avait pas eu jusqu'ici.

C'est là, messieurs, de la tactique. Je n'incrimine pas la bonne foi des curateurs, bien qu'à chaque ligne de leur travail la nôtre soit suspectée. Mais que sont donc les curateurs à une faillite ? Ce sont les adversaires légaux, naturels, forcés, en quelque sorte, d'une faillite et de tous ceux qu'ils considèrent comme étant les débiteurs à la faillite. C'est leur mandat, c'est leur obligation ; on peut y mettre plus ou moins de rigueur ; je ne conteste pas ici le droit des curateurs, mais je prouverai qu'en le remplissant, ils ont versé dans de nombreuses erreurs.

Voyons rapidement quels sont les griefs principaux articulés par MM. les curateurs contre les sociétés Langrand et les anciens administrateurs. Je les résume. Les opérations de la Banque hypothécaire belge étaient mauvaises, ses affaires véreuses, et la fusion de cette Banque dans l'International a été faite pour sauver la responsabilité des fondateurs, dissimuler la ruine : les administrateurs connaissaient cette situation ; ils ont agi de mauvaise foi.

Les acquisitions d'immeubles en Hongrie étaient fictives ou mauvaises les créances hypothécaires détestables, les bénéfices fictifs, les bilans trompeurs.

Enfin, la constitution de la société allemande, que l'on désigne généralement, dans le monde des affaires, sous le nom de Société Langrand-Tour et Taxis, a été, de la part des administrateurs, une grande tromperie.

Tels sont les griefs principaux.

Je veux y répondre et, dans ce but, je ne puis mieux faire que d'appuyer ma démonstration de la lecture de plusieurs passages du mémoire que nous venons de publier.

Je sais bien que de ce mémoire l'on ne tient nul compte. Tout ce que nous disons, tout ce que nous prouvons mathématiquement, aussi clairement que 2 et 2 font 4, d'une manière aussi évidente que la clarté du jour, tout cela est non avenu, il ne faut pas le croire ; que dis-je ? il ne faut pas le lire.

On veut, il faut que nous soyons coupables, donc nous le sommes. C'est aussi simple que cela ! Le public lit peu un mémoire ; vous, messieurs, vous l'avez sans doute examiné, mais je suis autorisé à croire que M. Bara ne l'a pas lu, lui.

Ah ! c'est qu'il dérange son plan, ce mémoire, Son siège n'était-il pas fait ?

M. de Naeyer. - C'est cela.

M. Nothomb. - Il n'en a pas parlé ! Si, je me trompe, il en a parlé pour dire ce mot incroyable : Il est anonyme. C'est la preuve que M. Bara ne l'a pas lu. Anonyme ! Mais à la première page, vous voyez bien de qui il vient ; au bas une note donne les noms des personnes qui le produisent ; ce sont MM. De Decker, Deschamps, comte de Liedekerke, comte d'Hane-Steenhuyse, comte Duval de Beaulieu et moi,

On sait donc de qui le travail émane. Personne, n'en a douté, et M. Bara, pour l'infirmer d'avance, pour le discréditer, s'écrie que c'est une œuvre anonyme !

J'y ai coopéré avec mes amis, nous le prenons sous notre responsabilité ; nous le garantissons sincère et loyal. C'est une défense de bonne foi que nous livrons avec confiance à l'appréciation équitable et impartiale des hommes de bonne foi.

Comme je viens de vous le dire, pour répondre aux accusations produites contre nous, je vais lire des extraits de ce mémoire. Je vous demande à l'avance pardon de cette lecture ; elle sera peut-être longue, peut-être ennuyeuse pour vous, mais j'y suis obligé. C'est mon droit, c'est mon devoir. Je pourrais, sans doute, présenter ces observations verbalement, mais ce serait encore plus long et ce serait moins clair. Je lis donc ; je commence à la page 6, mais, encore une fois, ce n'est pas moi qui crée cette situation, ce n'est pas moi qui viens changer la Chambre en prétoire ; du moment que vous acceptez ce rôle de tribunal, je dois le subir. Ce tribunal ? Je ne le vois pas cependant, car où sont les juges ? Je ne vois, d'un, côté, que des adversaires, de l'autre des amis, tous hommes politiques. De juges, point.

Je me défends et, avec moi, mes amis attaqués, tous absents, tous. Je commence à la page 6.

« Nous devons nous élever, contre la confusion déplorable qu'on a commise. On a recherché des griefs dans chacune de ces sociétés distinctes ; on les a réunis dans une synthèse commune et systématique ; on a étendu les griefs solidairement à tous les administrateurs ; on a tout mêlé, tout confondu, les sociétés, les actes, les dates, les personnes, les responsabilités.

« Les sociétés créées par M. Langrand ont échoué. Les vaincus sont facilement accusés. On recherche les erreurs et les fautes, on les grossit, on retourne les faits et les apparences contrôles gérants et les administrateurs, on leur donne une interprétation fâcheuse. Les actionnaires qui ont tout perdu, les créanciers qui ne sont pas encore délivrés de leurs craintes, sont mécontents, aigris ; ils accueillent aisément toutes les accusations ; on nie le bien et le succès ; on ne tient pas compte des causes politiques, des circonstances de force majeure qui, à côté des erreurs qui ont pu être commises, ont tant contribué à la chute des sociétés Langrand ; les réputations les plus hautes et les plus fermes ne sont pas épargnées.

« Tout cela n'est ni juste, ni vrai. Pour tous ceux qui ont été initiés à l'administration de ces sociétés, l'étonnement a été grand en voyant ceux qui ont accepté la mission d'accusateurs rechercher les fautes et les causes des désastres là précisément où elles ne sont pas, c'est-à-dire, dans l'Hypothécaire belge et dans la fondation de la société de Crédit foncier international. Nous pensons avoir détruit, dans ce mémoire, l'erreur des curateurs de manière à convaincre les plus prévenus, parmi lesquels nous comptons les curateurs eux-mêmes.

« L'étude des curateurs aboutit aux conclusions les plus exorbitantes, les plus injustifiables et les plus inattendues. Nous disons : les plus inattendues, parce que, en effet, pour ceux qui ont fait de leur étude une lecture réfléchie, il est certain que les conclusions vont au delà des arguments et des prémisses de l'étude même ; qu'elles les dépassent de beaucoup. On dirait qu'une main a écrit l'étude et qu'une autre main a écrit les conclusions.

« Ces conclusions peuvent se résumer ainsi :

« Les gérants de la Banque hypothécaire ont porté aux bilans de cette société des bénéfices éventuels et non acquis ; en 1863, ils y ont même fait figurer des bénéfices fictifs.

« C'est sciemment que les administrateurs ont dressé ainsi les bilans.

« Leur but était d'attirer les capitaux du public vers des opérations chanceuses, de présenter celles-ci autrement qu'elles n'étaient, de distribuer de gros dividendes ; de passer, enfin, moyennant un prix fabuleux, les affaires ruinées de leur banque à la Société de Crédit foncier international, et de dégager ainsi leur responsabilité compromise.

« Voilà l'accusation ! Nous avons la ferme conviction qu'après la publication que nous faisons aujourd'hui, elle ne sera plus reproduite.

« Notre défense est nécessairement un peu longue, puisqu'elle a dû rencontrer les nombreux griefs soulevés et que nous avons voulu la rendre complète. Nous avons dû entrer dans la discussion des détails et des chiffres.

« Nous prions le lecteur de ne pas se laisser rebuter par cette discussion, parfois un peu aride, et de nous lire attentivement jusqu'au bout. Nous lui demandons de lire aussi l'étude des curateurs et de comparer ainsi l'accusation et la défense.

« Nous lui demandons d'aborder cet examen avec une loyale impartialité ; avec une impartialité plus scrupuleuse encore, si ceux qu'on accuse sont ses adversaires politiques. Il arrive trop souvent, dans ce cas, que ce n'est pas la vérité que l'on cherche, et que l'on veut, mais des coupables, condamnés d'avance dans sa pensée.

« Nous allons résumer rapidement ici les conclusions de ce mémoire, en nous bornant aux points les plus essentiels et en opposant ces conclusions à celles des curateurs :

« I. Les opérations de prêts hypothécaires en Autriche, en vue desquelles la Banque s'est fondée, n'étaient nullement les opérations chanceuses et dangereuses que les curateurs blâment ; à preuve que des banques foncières établies aujourd'hui à Vienne et à Pesth, et qui ont hérité des affaires de la Banque hypothécaire belge, se trouvent dans une situation très prospère.

(page 71) « La constitution de la propriété et le régime hypothécaire de l'Autriche présentent toutes les garanties désirables. Les fondateurs avaient pris, du reste, à cet égard et, on le comprend, les informations les plus complètes.

« Il est bien certain que, si même ces opérations avaient présenté le caractère périlleux qu'indiquent les curateurs, les gérants, eux, étaient persuadés qu'elles étaient bonnes ; sinon, ils n'auraient pas fondé la Banque, d'abord et, ensuite, ils ne les auraient pas faites,

« Les curateurs accusent les gérants d'avoir eu pour but d'attirer les capitaux du public vers des opérations chanceuses, comme s'ils les avaient connues telles. C'est accuser leur bonne foi.

« Mais l'Hypothécaire était une commandite, ils en étaient les gérants solidairement responsables, et l'on veut qu'ils aient, de mauvaise, foi, engagé la société dans des opérations qu'ils savaient dangereuses ! C'est le comble de l'absurde. Il est évident que si les gérants avaient cru les opérations mauvaises, ils ne les auraient point faites ; s'ils les faisaient, c'est qu'ils les croyaient bonnes.

« On peut bien accuser les administrateurs de s'être trompés ; il est impossible de les accuser d'avoir voulu tromper.

« S'ils attiraient les capitaux du public vers ces opérations, il ne faut pas oublier qu'ils y apportaient aussi les leurs comme actionnaires.

« Cette première accusation des curateurs, laquelle tombe d'elle-même, donne la mesure de toutes les autres.

« III. Les opérations de prêts, faites par la Banque, ont, en général, été bien conduites et elles étaient excellentes.

« Ce fait, qui surprendra l'opinion égarée par le procès Mandel, est à l'abri de toute contestation sérieuse.

« Nous produisons à cet égard un document important et décisif.

« Les curateurs avaient allégué, pour infirmer la solidité des opérations de prêts, que, plus tard, l'International n'avait pu réaliser les créances qu'avec une perte considérable.

« Cette perte provenait de leur réalisation anticipée, qui s'explique naturellement, parce qu'elle avait pour but de s'assurer de la concession du chemin de fer de Kaschau dont les bénéfices devaient couvrir plus de neuf fois cette perte, et, en tout cas, elle ne prouvait nullement que les créances fussent mauvaises en elles-mêmes. »

Ici je m'arrête un instant dans ma lecture : ce reproche a été reproduit hier par M. Bara, c'est son argument principal pour prouver que les créances hypothécaires étaient mauvaises. Il s'écrie triomphalement : Elles étaient si mauvaises ces créances que lorsque la société les a réalisées, ce n'a été qu'avec grande perte !

Rien de plus vrai, mais en voici l'explication bien simple :

Oui, nous les avons réalisées anticipativement, avec grande, perte, mais ç’a été pour pouvoir entreprendre une autre et très grande affaire dont les résultats devaient compenser au décuple la perte subie. Vous allez en juger dans un instant.

Pour faire notre mémoire, nous nous sommes adressés à la société viennoise à laquelle l'International a cédé ces créances ; nous lui avons demandé quel en est l'état actuel, si elles rentrent régulièrement, si elles sont solides, en un mot une appréciation de leur valeur ; et voici la réponse, Je vous prie d'y être attentifs. C'est la rectification péremptoire, complète, indiscutable de l'erreur dans laquelle versent les curateurs, et après eux M. Bara, en répétant sans cesse que les créances hypothécaires, qui formaient la presque totalité des opérations de l'ancienne Banque hypothécaire, étaient mauvaises, chanceuses, ruineuses.

Cette preuve, la voici textuellement :

« Vienne, 14 octobre 1871.

« Monsieur, en réponse à la lettre très estimée du 7 octobre, courant, que vous avez bien voulu adresser à notre directeur, M. le chevalier de Hopfen, nous nous empressons de vous confirmer que les créances hypothécaires dans le bordereau ci-joint, et que nous avons acquises par voie de cession de la Banque hypothécaire belge, relativement au Crédit foncier international de Bruxelles, garanties par des hypothèques offrant une parfaite sécurité statutaire, ont passé en notre possession légale, comme étant inscrites en notre faveur dans les livres hypothécaires.

« Nous confirmons également que les annuités conventionnelles de ces créances venant à échoir ont été régulièrement payées, sans que nous eussions été réduits à avoir recours à aucun de nos droits statutaires, ni à ceux à nous acquis en vertu de la convention passée, pour mettre en demeure les emprunteurs respectifs.

« Veuillez agréer, etc.

« K. K. Privilegirte Allgemeine Oesterreichische Boden-Credit-Anstalt,

« (Signé) Hopfen. »

Cette déclaration constate que toutes les annuités souscrites par les emprunteurs sont payées régulièrement, qu'elle n'a jamais dû recourir aux voies judiciaires, que, par conséquent, ces créances valent aujourd'hui le pair entre ses mains.

Ce document est décisif ; il coupe court à toute contestation et renverse la base même de l'accusation des curateurs.

Voilà une preuve authentique, éclatante, à laquelle je n'ai rien à ajouter et que j'oppose à ce premier procédé habile employé contre la Banque hypothécaire belge.

Je reprends ma lecture :

« Cette dernière a fait environ soixante opérations, s'élevant au chiffre de 25,421,602 fr. 58 c. Les prêts hypothécaires constituent plus de 80 p. c. de ces opérations. Ces prêts étaient excellents. Presque toutes les créances qui en provenaient étaient des valeurs de premier ordre.

« Mais la Banque a fait trois opérations d'achat et de revente d'immeubles ; deux de ces opérations ont présenté des mécomptes. »

Je m'arrête de nouveau ici : on s'empare, contre nous, de la circonstance que deux opérations n'auraient pas été heureuses. Eh bien, ce grief que je trouve dans le rapport des curateurs, il a fait la base et presque toute l'argumentation du discours de M. Bara. Citant également ces deux affaires, qui sont les moins importantes des opérations de la Banque hypothécaire belge, il dit : Elles étaient mauvaises ces deux affaires ; vous, administrateurs, l'avez reconnu vous-mêmes ; donc, l'ensemble de vos affaires ne valait rien.

Voilà le procédé. Je demande à tout homme raisonnable si c'est à l'aide d'un semblable jeu qu'on peut apprécier la situation d'un établissement financier.

Mais qu'on prenne la première institution financière du monde, la plus puissante de la Belgique ; examinez, disséquez cette situation ; dans l'ensemble de ses opérations, vous en trouverez certainement quelques-unes qui ont produit des mécomptes, qui se sont traduites en revers et allez-vous en conclure que l'ensemble ne vaut rien, est malhonnête ou ruiné ?

Ce serait aussi odieux qu'absurde, et cependant c'est la tactique employée contre nous, et pour la justifier que fait-on ? On abuse de lettres, de lettres confidentielles dont je parlerai tout à l'heure.

Je lis :

« Que fait-on ? On prend ces deux opérations, on les met en relief, on s'écrie : Voilà les opérations de la Banque hypothécaire ! On laisse croire qu'elle n'a fait que celles-là ou qu'elle n'en a fait que de semblables !

« IV, L'actif transmis par l'Hypothécaire à l'International était réel et solide. Sur le total de cet actif, s'élevant à environ 28 millions de francs, deux opérations seulement, comme nous venons de le dire, ont donné lieu à des mécomptes, comme nous l'expliquons plus loin. Au moment de la fusion, c'est-à-dire de la cession que l'Hypothécaire fit de ses affaires à l'International, un million fut mis loyalement en réserve et déduit du prix de la fusion, pour parer aux chances de perte.. »

Vous l'entendez, messieurs, non seulement les administrateurs ne dissimulent pas ces pertes, et je vais vous démontrer par des pièces authentiques ce qu'ils ont fait, mais constatant un résultat malheureux ils mettent un million en réserve pour y parer. Quels trompeurs que ces administrateurs ! Mais il m'importe d'insister sur ces deux affaires, sur le parti que M. Bara en veut tirer et de discuter ce point à fond. Accordez-moi, messieurs, votre patiente attention.

M. Bara suit donc ce procédé : il prend deux ou trois affaires d'acquisitions d'immeubles, faites très accessoirement et, si je puis dire, comme essai ; il montre que cet essai n'a pas réalisé tout ce qu'on en attendait et il conclut en disant :

Toutes vos affaires étaient détestables, et vous les avez endossées à une autre société, sans dire un mot de leur fâcheuse situation, vous l'avez soigneusement cachée au public, aux actionnaires, à tout le monde ! il n'y avait que des pertes. Vous, administrateurs, le saviez et vous vous faites donner six millions de bénéfice. Voilà la fraude ! voilà les crimes !

Tout cela n'est que de la déclamation ; je vous prouverai, messieurs, que ces millions proviennent de tout autre chose et de sources parfaitement connues, indiquées et parfaitement légitimes.

M. Bara prétend donc, avec une logique qui lui est particulière, que parce qu'une affaire est mauvaise, toutes le sont, et que, par conséquent, nous sommes des scélérats et à l'appui il invoque une lettre datée devienne, du 27 août 1863, écrite par M. Timmery, qui était directeur d'une compagnie d'assurance, l'Ancre, qui existe encore et qui est une des plus prospères et considérées du monde : une preuve, en passant, que tout n'est pas fantasmagorie dans la fondation de ces sociétés.

(page 72) Voici cette lettre ; j'en prends le texte dans l'Echo de M. Bara :

« Vienne, 27 août 1803.

« Monsieur le directeur,

« Depuis assez longtemps, je n'avais pas eu l'honneur de recevoir de vos nouvelles et ne savais à quoi attribuer votre silence.

« Votre lettre du 24 est encore une fois une communication confidentielle d'une haute importance, et cette nouvelle marque de confiance que vous m'accordez de nouveau m'impose un devoir, celui de vous parler ouvertement de vos affaires, ce que je n'ai pas fait depuis quelque temps, quoique je doive nécessairement heurter plus ou moins vos idées et vos projets ; d'autre part, comme je croyais vous voir ici avant la fin d'août, je me réservais de vous parler au lieu de vous écrire.

« J'arrive au fait.

« La nouvelle société que vous avez érigée a un but multiple et la rédaction des statuts qui en exposent le but m'a plu pour que je me sois dit : C'est une société qui a le droit de faire toutes les bonnes affaires possibles, tant mobilières que foncières.

« Depuis lors, j'ai reçu la circulaire imprimée et j'y ai vu que le fait principal, le but essentiel, c'est l'achat et la revente.

« J'ai déjà pris la liberté de vous manifester mes craintes et appréhensions au sujet de ce genre d'opérations. Aujourd'hui que votre nouvelle société, où vous êtes seul gérant, seul responsable, existe, et que vous agissez sans conseil, c'est un devoir pour moi de vous prémunir encore une fois contre les achats et reventes tels qu'ils ont été pratiqués jusqu'à ce jour.

« Mon opinion consiste à dire que ces affaires sont magnifiques en théorie, mais impossibles en pratique, attendu qu'elles vous ménagent des difficultés d'exécution judiciaire contre lesquelles toutes les lois sont impuissantes, c'est-à-dire qu'il y a impossibilité à exécuter le paysan qui ne paye pas et le paysan ne payera pas, parce qu'il achète trop cher.

« Cette opinion, que je qualifie improprement de mon opinion, est le résultat de six mois de réflexions et de conversations avec tous ceux qui sont à même de juger la question.

« Vous, monsieur, qui êtes absent du pays et qui n'entendez que les raisonnements de ceux qui ont intérêt à vous recommander ce genre d'affaires, ou de ceux qui ne les jugent qu'avec les yeux de la théorie, vous n'êtes pas à même de vous renseigner à des sources assez positives et vous devez être étonné quand je vous dis que, de tous ceux qui parlent de ce genre d'affaires, je n'en ai pas encore rencontré un seul qui pût vous donner raison de faire ces opérations.

« Cette manière de voir est celle de M. Weiner, du comte Hartig, de M. Schwarts, du comte Hoyon, du comte Vanderstraeten-Ponthoz, du bourgmestre et des conseillers communaux de la commune de Baja.

« Cela vaut la peine que vous y réfléchissiez encore et que vous étudiiez davantage la question avant de vous y hasarder plus loin et avant de prôner ces opérations dans des circulaires au bas desquelles je lis votre nom. Si ces affaires, qui sont si simples, étaient bonnes, pourquoi les Schey, les Wodianer, les Todisa et tous ces riches et habiles banquiers juifs ne les ont-ils pas déjà faites en Hongrie ? Et si, jusqu'à présent, M. le directeur, vous êtes seul dans cette voie, sans que rien, jusqu'à ce jour, ne soit encore venu prouver que vous avez raison et que les choses marchent, n'est-il pas temps, avant d'avancer encore, de regarder encore une fois en arrière ? » (Sensation.) »

Voilà cette terrible lettre ! Je n'en retranche rien, pas même la « sensation » de l'Echo.

Eh bien, je le demande, pour tout esprit non prévenu qui lit ce qui est écrit, qu'y a-t-il ?

Rien que de simple, rien que de fort naturel.

M. Timmery écrit confidentiellement à M. Langrand, son bienfaiteur et son chef, il le prémunit contre ces opérations nouvelles ; il l'avertit et lui donne son impression parfaitement loyale et de bonne foi. Voici ce qui s'était passé (pardon de ces détails, je dois y entrer) : Nous avons eu l'idée, et cette idée était excellente, d'acquérir en Hongrie de grandes propriétés grevées d'hypothèques, pour les morceler et revendre en détail.

Ce projet n'était pas seulement une pensée heureuse, comme affaire ; mais il s'y rattachait, - passez-moi le mot, qui est peut-être un peu prétentieux, - un grand côté économique et social pour la Hongrie et dont elle nous a su gré. Nous avions pensé qu'il serait bon de faciliter aux paysans de la condition inférieure qui étaient, sur ces domaines, émancipés de droit depuis peu, mais pas de fait, car ils ne possédaient rien en propre, de leur faciliter, dis-je, l'acquisition du sol moyennant le payement d'annuités à long terme. On se mit donc à acheter ces immeubles, à les diviser en petites parcelles, et on commença à en revendre à des paysans dans une contrée du Bas-Danube.

Cette opération, je le reconnais, s'était faîte trop rapidement, sans qu’on se fût entouré peut-être de tous les renseignements qu'on a jugés plus tard nécessaires ; elle avait présenté certaines irrégularités, et les agents locaux qui en avaient été chargés, pour obtenir un prompt résultat et s'en prévaloir auprès de l'administration centrale, n'avaient pas apporté tous les soins, toute la délicatesse qu'on aurait pu désirer. C'est ce que M. Timmery signale ; il écrit sous cette impression.

La méthode que vous voulez suivre, dit-il, est dangereuse ; les paysans payeront difficilement et quand il faudra les exécuter, vous rencontrerez de grands obstacles. Cette appréciation se conçoit sans peine : il s'agissait d'une chose toute nouvelle et surtout il ne faut pas oublier à quelle date cette lettre remonte ; la date est importante : c'était à une époque où, je dois le dire, il y avait quelque hardiesse à aventurer des capitaux en Hongrie ; alors, en effet, ce pays - en 1863, ne l'oubliez pas - se trouvait dans une situation tout à fait exceptionnelle ; beaucoup de personnes désespéraient de son avenir, peu connaissaient cette grande et noble nation hongroise ; on nous disait souvent : Mais vous n'obtiendrez pas des tribunaux hongrois l'exécution des lois ; ce pays est à la veille de tomber dans l'anarchie, il est à demi-barbare, il n'y a ni lois ni sécurité ; vos créances ne rentreront pas et la justice du pays ne pourra pas, si même elle le veut, vous assurer l'exécution des contrats. Eh bien, nous avons cru le contraire ; nous avons eu confiance dans l'arrangement final des affaires austro-hongroises, dans la vitalité et l'avenir de la Hongrie, dans l'application des lois hongroises, dans la magistrature hongroise et aucune de nos prévisions, aucune entendez-vous, n'a été trompée.

Mais à côté de cette lettre de M. Timmery, on en place une autre, d'un caractère absolument intime et dont l'abus rappelle forcément ce Laubardemont, de méprisable mémoire, dont je parlais tantôt, c'est une lettre du 19 février 1864, qui m'est adressée par un homme qui me touche de près et dont personne ici n'oserait suspecter la droiture et l'honorabilité. Je défie qu'on l'ose.

Cette lettre intime, de beau-frère à beau-frère, on ne rougit pas de l'étaler au quatre coins de la publicité, dans les colonnes d'un journal ! Quel métier !

Relisez cette lettre, messieurs ; celui qui me l'écrit me rend compte d'une situation du moment. Il a appris combien ces premières affaires ont donné de regrettables résultats. Il les avait signalés plusieurs fois, et dans une heure d'épanchement, de découragement si vous voulez, il m'écrit à moi, son proche parent, et me dit : « Tâchez d'empêcher tout cela, faites qu'on mette de côté ces agents ou maladroits ou indélicats. Notre honneur y est engagé. Faisons des affaires loyales et avouables. » Il me l'a écrit et on s'en prévaut contre nous ! C'est à n'y pas croire ! Ah ! me dit M. Bara, mais vous, M. Nothomb, avez-vous communiqué cela ; en avez-vous fait part au conseil, à vos collègues ; avez-vous dévoilé la plaie ? On ose insinuer que j'ai mis cette lettre en poche, escamotant ainsi la vérité !

Eh ! non, messieurs, je n'ai rien caché, rien altéré, rien conservé pour moi seul de ce que j'avais appris.

Qu'ai-je fait ? Pour mieux frapper l'attention de M. Langrand, je lui ai remis cette lettre et il l'a conservée. Bien imprudent, par le temps qui court, est celui qui confie une. lettre, je le vois bien...

C'est cependant une lettre confidentielle : il suffit de la lire pour s'en convaincre ; elle est bien à moi, en conscience ; elle est ma chose et on me l'enlève ; c'est la surprise, le vol d'une pensée intime, c'est la violation morale du secret des lettres. C'est abominable et on la produit contre nous, en s'écriant avec une indignation de comédie : Tremblez, hommes déloyaux, vous connaissiez la vérité et vous l'avez gardée pour vous, afin de tromper les gens et de vous faire payer 6 millions. Voilà le refrain.

Mais non, cent fois non, je n'ai rien gardé de ces affaires, rien, entendez-vous, rien que mon honneur, que vous ne me prendrez pas.

Je remis donc cette lettre à qui devait la lire. Le conseil d'administration en fut également instruit, et vous allez voir ce que firent ces hommes déloyaux, avides, trompeurs. Je tiens en mains la délibération du conseil d'administration dans laquelle la situation irrégulière de ces affaires fut signalée et régularisée.

Ce fut dans la séance du 27 février 1864.

Voici le texte :

« Cependant, le conseil était loin de soupçonner que les abus commis par quelques sous-agents présentassent le moindre caractère de gravité.

« Sur ces entrefaites, M. Schaeffer fut nommé directeur de la succursale de la Banque de Crédit foncier et industriel à Vienne. Il ne tarda pas à reconnaître que le personnel employé à l'achat et à la revente des propriétés en Hongrie, ne répondait pas, en général, aux vues de l'administration (page 75) ; il le désavoua en refusant son concours ultérieur et en le remplaçant par des agents honorables et intelligents. Quant au passé, il apprit que certaines affaires avaient été traités de manière à provoquer des plaintes et à compromettre l’administration. Il prit sur lui de faire examiner officieusement les faits signalés à son attention ; puis, sur une invitation qui lui fut adressée par nous, il s'empressa de venir à Bruxelles nous communiquer personnellement les résultats de ce premier examen. Le conseil a reçu ces communications ms et, bien résolu à faire éclater les sentiments de loyauté et de justice qui l'animent, il a décidé immédiatement qu'une enquête publique et complète serait faite et il a délégué M. Schaeffer pour se charger de cette importante mission.

« Voici la teneur de cette délégation :

« M..., le conseil d'administration de la Banque hypothécaire belge a pris connaissance des réclamations qui se sont produites à l'occasion de la revente du domaine Borota.

« Décidé à faire droit à celles de ces réclamations qui seraient reconnues fondées, le conseil a jugé convenable de vous déléguer officiellement à l'effet de prendre les mesures nécessaires pour apprécier les faits qui ont donné lieu aux réclamations dont il s'agit et pour nous proposer les moyens équitables d'aplanir les difficultés et de donner une satisfaction légitime aux personnes qui, à l'insu de l'administration, auraient vu leurs droits méconnus et leurs intérêts compromis.

« Pour la Banque hypothécaire belges

« L'administration. »

Le conseil va plus loin : après avoir délégué M. Schaeffer pour faire une enquête, pour faire rendre justice à tout le monde, pour que les paysans ne soient pas maltraités, voici ce que fait le conseil dans la même séance :

« Attachant le plus grand prix à ce que cette enquête soit faite par une commission qui inspire la plus entière confiance aux populations hongroises, le conseil décide qu'une démarche officielle sera faite par M. Schaeffer auprès de M. Deak pour l'engager à composer lui-même cette commission et à la présider. Dans ce but, la lettre suivante, signée par tous les membres du conseil d'administration de la Banque hypothécaire belge, sera remise par M. Schaeffer au grand patriote hongrois :

« M... Les Banques hypothécaires belge et néerlandaise, dont nous sommes les administrateurs, ont fait en Hongrie et spécialement dans la Basca quelques opérations d'achat et de revente de propriétés qui semblent avoir donné lieu, de la part des personnes employées, à des irrégularités, des abus et peut-être à des fraudes. Comme rien n'est plus contraire aux intentions de nos établissements, nous croyons devoir, pour dégager notre responsabilité et, au besoin, réparer les torts qui, malgré nous, auraient pu être commis envers les paysans acquéreurs, faire faire une enquête sur les lieux par des hommes compétents, impartiaux et les plus honorables que nous puissions trouver.

« Nous vous serions reconnaissants de nous accorder votre concours « et nous venons, en toute franchise, vous le demander, car notre œuvre, « dans votre pays, est honnête, loyale et, dans notre conviction, de la plus incontestable utilité pour le progrès de votre patrie. »

« C'est au patriote dévoué comme au jurisconsulte éminent que nous n'hésitons pas à nous adresser.

« Nous prenons donc la liberté d'introduire chez vous M. Schaeffer, notre représentant général à Vienne, qui aura l'honneur de vous expliquer de plus près ce que nous désirons.

« Veuillez l'écouter avec bienveillance et agréer, avec l'expression de notre gratitude, celle de notre considération la plus distinguée.

« Pour la Banque hypothécaire belge,

« L'administration. »

Cette délibération est signée de MM. Mercier, Dechamps, De Decker, Langrand et Duval de Beaulieu.

C'est ainsi qu'agirent ces hommes, si pleins de dissimulation, artisans de fraude et de corruption ; et nous allâmes même au delà, car le conseil chargea un homme d'une honorabilité et d'un talent incontestés, M. Arntz, professeur à l'université de Bruxelles, de se rendre en Hongrie, d'aplanir toutes les difficultés qui pourraient se présenter et de faire aux paysans hongrois acquéreurs une position équitable.

Cela fait, comme il pouvait y avoir une perte éventuelle, le conseil prit des mesures en conséquence. Voici ce qu'il décida dans sa séance du 10 mars suivant :

« Le conseil examine la question de savoir ce qu'il convient de faire en attendant les résultats de l'enquête ordonnée dans la séance du 27 février, relativement aux plaintes faites par les acquéreurs de Borota.

« Le conseil ne pense pas que cette situation puisse créer des difficultés sérieuses à la société, puisque celle-ci ne s'est pas engagée à intervenir dans le partage des parcelles et que la Vindobona a assuré la rentrée des annuités à payer par ces acquéreurs.

« Néanmoins, en attendant que cette situation soit éclaircie, le conseil juge qu'il est prudent de ne pas distribuer immédiatement aux actionnaires de la Banque hypothécaire tous les bénéfices constatés au bilan et qu'il avait résolu de leur distribuer.

« En conséquence, le conseil décide qu'un million sera tenu en réserve, pendant le temps qu'il jugera nécessaire, pour parer à des éventualités imprévues qui pourraient se présenter relativement aux affaires traitées par la Banque hypothécaire belge.

« (Mêmes signatures.) »

Vous le voyez donc ! On a procédé à une enquête complète et consciencieuse, et comme il pouvait y avoir des mécomptes, on met un million en réserve, afin d'y parer.

Ici, messieurs, je dois continuer ma lecture et je constate, à regret, que je suis encore bien loin d'avoir fini :

« La conséquence qui ressort, avec une évidence éclatante de tous ces faits, c'est qu'au moment de la fusion le payement des 21 millions de lettres de gage en circulation était pleinement assuré et que, quelle que soit l'hypothèse la plus défavorable où l'on se place, il ne pouvait jamais arriver que les gérants eussent dû supporter une perte quelconque, voire celle d'un seul centime, dans la liquidation de la situation telle qu'elle existait alors.

« Le but des gérants, en participant à la fondation de l'International, ne pouvait donc être, comme on l'a tant de fois affirmé, de dégager leur responsabilité, qui n'était nullement compromise.

« Nous prions le lecteur de lire notre démonstration à cet égard ; elle est mathématique et nous osons prédire, avec la plus entière assurance, qu'elle ne sera pas réfutée, - du moins elle ne l'a pas été hier.

« VI, Les accusations concernant les bilans n'ont pas plus de valeur.

« Les curateurs constatent un premier fait important : c'est que tous les bilans et comptes ont été reconnus exacts comme chiffres par les experts comptables. » Les experts, ajoutent-ils, nous ont laissé le soin d'apprécier la valeur de chaque article.

« Les curateurs ont élevé deux critiques contre les bilans : l'une concerne la distribution du bénéfice provenant du rabais prélevé sur le capital prêté ; l'autre, l'escompte des créances en portefeuille, lors de la fusion au taux de 4 1/2 p. c., c'est-à-dire la cession de l'actif pour son prix coûtant, pour le prix coûtant des lettres de gage.

« Nous prouvons que ces deux critiques ne sont pas fondées.

« Le bénéfice sur le rabais était un bénéfice parfaitement acquis et il pouvait être porté au compte des profits et pertes.

« Nous justifions pleinement l'escompte à 4 1/2 p. c. des créances lors de la fusion ; il faut remarquer, du reste, que cet escompte n'était que le prix de cession, publiquement stipulé et accepté dans le contrat de fusion lui-même.

« VII. Nous établissons avec la dernière évidence qu'au moment de la fusion, l'Hypothécaire, loin d'être une affaire ruinée, était, au contraire, une affaire prospère. Tout lecteur de bonne foi le reconnaîtra facilement. La Banque avait réussi et dans l'émission de ses obligations, qui, en trois ans, avaient atteint le chiffre de 21 millions, et dans ses placements hypothécaires, dont la presque totalité étaient excellents.

« Elle avait organisé avec soin et succès ses agences, dont le personnel était, en général, un personnel modèle.

« Pour bien juger du prix et des conditions de la fusion, il faut se reporter à cette époque.

« Nous n'avons pas à apprécier ici les causes qui ont entravé plus tard le développement de l'International. Mais ce qu'il est aisé de constater, c'est que ces causes ont pris naissance dans des faits ultérieurs et ne sont certes pas imputables aux conditions de la constitution même de cette société.

« A son origine, l'International possédait d'incontestables éléments de succès. C'était une société sérieusement instituée. On l'a cependant erronément représentée comme un être fictif, imaginé pour donner un masque anglais à l'ancienne Banque hypothécaire et permettre ainsi à ses gérants de dégager leur responsabilité compromise, en substituant à la commandite une société à responsabilité limitée.

« VIII. Cette accusation est complètement détruite par la preuve, faite mathématiquement par nous, que cette responsabilité n'était en rien compromise.

« Pour admettre, du reste, une telle accusation, il faut supposer la chose la plus ridiculement invraisemblable : c'est que les administrateurs anglais, portant les noms les plus considérés et parmi lesquels figurait le marquis de Salisbury, l'un des chefs respectés du parti tory, le type de l'honneur anglais, il faut supposer, disons-nous, que tous ces hommes honorables se soient prêtés à une comédie impossible pour permettre aux administrateurs belges de donner une apparence anglaise à leur société, et cette comédie, ils l'auraient continuée et jouée, remarquons-le, pendant plus de deux ans et demi. Ils auraient consenti à se réunir périodiquement tous les quinze jours, en comité à Londres, a tenir ainsi environ cent séances ; ils se seraient condamnés à ce long et régulier travail administratif, et tout cela sans profit marqué, par complaisance pour autrui et pour servir de masque anglais à une société belge !

« Une telle accusation n'a pas besoin de réfutation.

(page 74) « IX. Elle repose sur une erreur plus grave peut-être encore et qui consiste à considérer l'International comme la continuation pure et impie de l'Hypothécaire sous un nom nouveau.

« Comme il arrive dans toute fusion, l'Hypothécaire apportait, sans doute, ses principaux éléments à la société nouvelle ; mais à ces éléments venaient s'adjoindre de nouveaux et nombreux éléments.

« C'était une société distincte. Pour s'en convaincre, il suffit de confronter les statuts des deux sociétés. Ce n'est évidemment pas la même personne juridique et commerciale. Capital, actionnaires, administration, opérations, pouvoirs des assemblées, tout diffère. L'objet de la société n'est plus le même.

« On a cependant commis cette erreur de confondre et d'identifier les deux sociétés. Les curateurs ont invoqué contre l'International le prétendu refus de l'anonymat subi par l'Hypothécaire. Nous établissons, avec les pièces à l'appui :

« 1° Que l'anonymat n'a jamais été refusé à l'Hypothécaire ;

« 2° Que l'eût-il été, on ne pourrait, en droit, se prévaloir de ce refus de l'anonymat contre l'International.

« Les deux sociétés, en effet, sont distinctes ; leurs fondateur se sont pas les mêmes ; l'anonymat n'a jamais été refusé à l'une ni sollicité par l'autre. Voilà la vérité.

« X. Pour apprécier sainement les conditions et le prix de la fusion, il faut donc se reporter en arrière, 1864, au moment même de la fusion.

« L'injustice et l'erreur sont de les apprécier en se plaçant au point de vue de la chute arrivée, en 1870, par des causes étrangères à la fondation de la société.

« L'Echo du Parlement, il y peu de temps encore, a osé qualifier de pots-de-vin les sommes touchées à la fusion par les anciens gérants de l'Hypothécaire.

« Nous renvoyons, pour s'éclairer sur ce point, l'Echo du Parlement à l'étude même des curateurs. Il y trouvera la réfutation de cette calomnie, puisque les curateurs constatent eux-mêmes que ces sommes ne sont autres que la part statutaire des gérants dans le prix de la fusion et que ce prix lui-même résulte d'un contrat produit et accepté publiquement en assemblée générale.

« Cette part statutaire des administrateurs était de 5 p. c. Trouvera-t-on des commandites où les gérants responsables aient moins ?

« XI. La fusion, ses conditions et son prix ont été ratifiés et acceptés par tous les intéressés, tant du côté des acheteurs que du côté des vendeurs.

« D'abord, dans le contrat même, la Banque hypothécaire a été représentée par ses gérants et l'International par trois de ses administrateurs, dont aucun n'était ni fondateur, ni gérant de l'Hypothécaire.

« La fusion a reçu ensuite, du côté des vendeurs, l'approbation des commissaires de l'Hypothécaire et la ratification de ses actionnaires.

« Cette ratification, qui avait été expressément réservée, a été donnée à l'assemblée générale du 31 mars 1864.

« Du côté des acheteurs, la fusion a été approuvée par les administrateurs anglais. Nous produisons la lettre de M. Worms qui l'atteste.

« La fusion, du reste, ne s'est réalisée qu'après l'entrée des administrateurs anglais dans le conseil. Le contrat, provisoire jusque-là, n'est devenu définitif que le 31 mars, et les administrateurs anglais étaient installés depuis le 21. Le prospectus de l'émission du capital faite à Londres mentionne l'acte de fusion.

« Les actionnaires de l'International ont adhéré, comme adhèrent les actionnaires dans toute société, par leur souscription même. Leur adhésion, c'est leur signature dans le bulletin de souscription.

« Ils ont adhéré de nouveau en opérant successivement leurs versements, qui étaient échelonnés.

« Ils ont adhéré surabondamment encore par l'approbation du bilan à la première assemblée générale de l'International, et cette adhésion, ils l'ont renouvelée par l'approbation de tous les bilans ultérieurs.

« Ajoutons que toutes ces adhésions et approbations ont été données au milieu d'un luxe de publicité sans pareil. Aucun fait financier n'a jamais été entouré de plus de publicité que l'acte de fusion.

« Il a été produit en assemblée générale d'actionnaires, reproduit le lendemain par la presse entière, porté directement à la connaissance des actionnaires par des brochures et des circulaires. Il a été immédiatement, dans certaine presse, l'objet des plus vives attaques. Tout s'est donc fait en pleine lumière et on ne peut pas parler de fraude, puisqu'il n'y a pas en dissimulation.

« Voilà quelles sont les conclusions que nous opposons à celles des curateurs. Nous prions encore une fois le lecteur de faire un examen attentif et comparé du mémoire de ces derniers et du nôtre. Nous sommes certains d'avance du résultat de cet examen pour tout esprit sincère.

« Nous savons que nos conclusions heurtent de front beaucoup d'erreurs et de préjugés, aujourd'hui très enracinés dans une partie du public, et combien il est difficile de détruire de pareilles préventions, surtout quand elles sont entretenues par la passion politique.

« Mais nous savons aussi que la bonne foi ne peut résister à l'évidence des faits et des chiffres, et c'est à la bonne foi du public que nous nous adressons avec confiance.

« Il résulte de tout l’ensemble de nos conclusions qu’au moment de la fusion, l’Hypothécaire se trouvait évidemment dans une situation très satisfaisante et que ce n’est pas, par conséquent, dans la reprise de cette affaire par l’Internationale, qu’il faut chercher la cause de la chite de cette dernière société, arrivée six années après.

« On n'a pas craint, cependant, d'affirmer que les gérants de l'Hypothécaire ont eu pour but, dans la fusion, de passer à l'International leurs affaires ruinées et qu'ils savaient telles ! On représente donc les gérants et les actionnaires de l'Hypothécaire comme leurrant, sciemment et à leur profit, la nouvelle société de Crédit foncier international.

« Mais on oublie une chose : c'est que les gérants de l'Hypothécaire sont devenus eux-mêmes administrateurs et actionnaires de l'International ; ils y ont engagé leurs capitaux, ils ont lié ainsi leurs personnes et leurs biens au sort de cette affaire. Ils la savaient ruinée, dites-vous, pourquoi y restaient-ils alors ?

« Nous demanderons aussi pourquoi les autres administrateurs, qui n'étaient pas à l'Hypothécaire, y sont-ils entrés ?

« On ne peut pas dire qu'ils aient ignoré, puisqu'ils connaissaient l'acte de fusion et, par conséquent, les conditions dans lesquelles se constituait l'International.

« N'est-ce pas la preuve la plus irrécusable de la bonne foi de tous et de leur confiance dans l'entreprise nouvelle ?

« Les actionnaires de l'Hypothécaire belge seraient, dans ce système de l'accusation, les complices des administrateurs dans le préjudice causé à l'International,

« Que font-ils cependant ? On leur offre en souscriptions 55,229 actions de cette société de Crédit foncier international, qu'ils trompent. Ils vont, sans doute, s'empresser de les répudier. Non, ils en souscrivent 110,764 !

« Tous les dupeurs, administrateurs et actionnaires de l'Hypothécaire consentent ainsi à devenir les dupés de l'International !

« Nous ne pensons pas qu'on ait jamais imaginé une accusation d'une invraisemblance aussi extraordinaire.

« S'il est un fait évident, au contraire, c'est la parfaite bonne foi qui a constamment dirigé l'administration des deux sociétés de la Banque hypothécaire et du Crédit foncier international. Nous ne parlons que de ces deux sociétés, parce que ce sont les seules dont le présent mémoire s'occupe.

« On a accusé les bilans de l'Hypothécaire. Nous prouvons de la manière la plus certaine, dans le chapitre cinquième, que les critiques élevées contre eux par les curateurs n'étaient pas fondées.

« Mais supposons, très gratuitement, que les curateurs aient raison. Quelle est la seule conclusion qu'on peut tirer ?

« Que les gérants se seraient trompés, sans doute ; mais il serait absolument impossible de suspecter leur bonne foi et de parler de fraude.

« Pourquoi ? par la raison péremptoire que la fraude c'est la dissimulation, et qu'ici on n'a rien caché. Ce qu'on faisait, on l'a dit et tout le monde l'a su.. »

« Les deux seuls faits incriminés, très à tort, par les curateurs, dans les bilans de l'Hypothécaire, c'est-à-dire la distribution du bénéfice sur le rabais et l'escompte à 4 1/2 p. c. à la fusion, ces deux faits, ils n'ont pas été dissimulés ; ils ont été renseignés dans les écritures, dans les bilans, dans les rapports aux assemblées. Ils ont reçu l'approbation d'autorités compétentes en fait de comptabilité, celle des commissaires et, enfin, celle des actionnaires.

« Si la bonne foi pouvait être suspectée dans des conditions pareilles, quelle bonne foi donc serait à l'abri du soupçon ?

« Notre mémoire ne s'étend pas au delà de la fondation de l'International. Ajoutons ici, toutefois, que les bilans de l'International sont également irréprochables. La Banque hypothécaire avait pour objet les opérations de prêts en Autriche. L'International s'est constitué surtout en vue des opérations d'achat et de revente d'immeubles.

« L'opinion publique, égarée par le procès Mandel, s'imagine volontiers que rien n'a été bon dans les affaires Langrand, que tout y était fictif, qu'elles se composent uniquement d'une série d'opérations plus malheureuses les unes que les autres.

« On croit ainsi que les propriétés en Hongrie n'étaient que des châteaux en Espagne.

« Nous saisissons ici l'occasion de détromper à cet égard le public. Sans nier certaines erreurs inévitables dans de grandes affaires, il est incontestable que, prises dans leur ensemble, les opérations d'achat et de revente de propriétés en Hongrie reposaient sur une base sérieuse et qu'elles ont été faites dans des conditions très avantageuses.

« Nous en fournissons la preuve chiffrée dans un document annexé. C'est le tableau officiel et complet, fait par la direction de Vienne à la date du 10 mai 1870, de tous les achats et reventes de propriétés de Hongrie (voir annexes).

« Ce tableau met en lumière les chiffres suivants :

« 1° La contenance totale des propriétés de Hongrie s'élève au chiffre de 221,699 jochs ;

« 2' Sur ce total, il avait été revendu, à la date du 10 mai 1870, 112,116 jochs, soit la moitié à peu près des propriétés.

(page 75) « Cette moitié, achetée pour le prix de 14,522,706 francs, a été revendue pour le prix de 22,797,058 francs, c'est-à-dire avec un bénéfice de 8,274,552 francs ;

« 3° La seconde moite restant aujourd'hui à vendre a été achetée pour le prix de 14,377,806 ; estimée et taxée par les experts du bureau de Vienne, elle vaut 24,563,135 francs.

« Le bénéfice sur les reventes des propriétés conservées s'élèverait ainsi à 10,185,349 francs.

« Il résulte donc de ce tableau que le total des propriétés de Hongrie atteint la valeur de 47,360,213 francs. Elles ont été achetées pour 28,900,512 francs.

« L'écart ou le bénéfice total serait de 18,459,701 francs.

« Ce ne sont pas là des châteaux en Espagne. La valeur des propriétés de Hongrie dépasse ainsi de beaucoup celle pour laquelle elles ont été cédées, en 1865, à la Société Générale allemande.

« Nous avons vu que les prêts hypothécaires en Autriche ont été également, en général, des opérations excellentes.

« Tout n'a donc pas été insuccès dans les sociétés Langrand, comme nous le disions au commencement de cette introduction. Et puisque nous parlons ici des opérations heureuses et des succès obteus, signalons encore la magnifique affaire du chemin de fer de Kaschau-Oderberg dont l'International avait obtenu la concession en 1868

« Cette affaire, qui l'a enlevée aux sociétés Langrand ? Nous le dirons tout à l'heure, c'est l'instruction judiciaire ouverte sur la plainte de M. Mandel et provoquée par la conspiration des passions politiques

« Elle a dû être cédée avec un bénéfice de 7 millions.

« Or, sait-on le bénéfice qu'en ont retiré, en dehors de ces 7 millions payés, ceux qui la possèdent aujourd'hui ?

« Un bénéfice de 22 millions de francs au moins, comme on peut le constater facilement par le calcul détaillé de M. Marsillon, ancien ingénieur en chef de la ligne, et que nous donnons aux annexes.

« C'était donc un bénéfice total de 29 millions de francs que l'International avait entre les mains et que l'instruction judiciaire a permis de lui ravir en tuant le crédit de M. Langrand.

« On voit quels remerciements les actionnaires des sociétés Langrand doivent à M. Mandel et à ses amis.

« Revenons, cette courte digression finie, au point où nous étions arrivés.

« Nous disions que nous avions établi dans cet écrit l'exactitude des bilans de l'Hypothécaire. Nous ajoutions que la bonne foi des administrateurs, dans la confection des bilans, éclatait avec une telle évidence que si on pouvait la suspecter aucune bonne foi ne serait plus désormais à l'abri du soupçon.

« Il nous reste à dire qu'il est une chose véritablement incompréhensible et qu'on ne peut s'expliquer que par les calculs peu scrupuleux des passions politiques : ce sont ces accusations de mauvaise foi et de fraude qu'on a osé produire contre des hommes d'un passé honorable, dont quelques-uns ont occupé de hautes positions politiques et siégé dans les conseils du Roi.

« Que l'on dise que ces hommes politiques n'étaient peut-être pas des financiers suffisamment capables, qu'ils manquaient de l'expérience pratique des affaires, qu'ils ont pu se tromper, nous pouvons le comprendre.

« Mais à qui fera-t-on croire qu'ils se soient entendus et coalisés pour organiser la dilapidation et le vol, pour signer et approuver sciemment des faux bilans ?

« On peut admettre les erreurs et les fautes ; il est impossible d'admettre la mauvaise foi.

« On cite des exemples, heureusement très rares, où l'on a vu un homme, d'un passé honorable, tomber dans des fautes coupables ; mais supposer que trente personnages, occupant la plupart de hautes fonctions, d'une réputation intacte jusque-là, deviennent tout à coup et tous ensemble des gens malhonnêtes et capables de délits, n'est-ce pas tomber dans les bas-fonds de l'absurde ?

« Les erreurs assurément sont possibles, la mauvaise foi collective ne l'est pas. Et pour tout esprit droit qui ne se laisse pas troubler par le tapage des déclamations intéressées la meilleure réponse, à ces soupçons haineux ne se trouve-t-elle pas dans les noms eux-mêmes ?

« Sait-on bien quels sont les administrateurs qui auraient sciemment signé ces faux bilans avec M. Langrand-Dumonceau et quels sont les commissaires qui les ont approuvés ?

« Pour l'Hypothécaire, belge, ce furent : MM. Mercier, Dechamps, De Decker, comte Duval de Beaulieu, comme administrateurs ; et, comme commissaires : MM. le baron Osy, Dumon, le baron de Wykerslooth, le comte d'Hane-Steenhuyse, le comte M. de Robiano, Terrade, le chevalier de Burtin, le baron de Poederlé, Ch. Boucqueau, G. de Mévius et J. Neef.

« Pour l'International, comme administrateurs :

« MM. Mercier, Dechamps, De Decker, le comte d'Hane-Steenhuyse, le comte de Liedekerke-Beaufort, A. Nothomb, le marquis de Rodes, le comte Duval de Beaulieu, le comte Ign. Vanderstraeten-Ponthoz, F. Schaeffer, le comte de Bizemont, le vicomte Cranborne (aujourd'hui lord Salisbury), chancelier d'Oxford, ancien ministre et l'un des chefs respectée du parti tory en Angleterre ; le colonel Talbot, gendre de lord Derby, sir Emerson-Tennent, secrétaire du Board of trade ; sir Stuart Denaldson, directeur de la Société Générale de crédit, et, comme commissaires ;

« MM. le baron Osv, Herry de Cocquéau, Ch, Boucqueau, G. de Mévius, le comte M. de Robiano, A. Leltllier, Terrade, le baron de Poederlé, Peacoke, membre du parlement, Quiller-Ball et Cie, à Londres,

« Dans le comité de surveillance de l'Industriel figuraient, à côté de sept administrateurs belges de l'International, MM. le baron d'Anethan, Janssens et Van Overloop.

« Pour expliquer comment une pareille accusation de mauvaise foi a pu naître, être avouée et produite, il est impossible de ne pas l'attribuer à la prévention politique, la plus aveugle et la plus implacable de toutes. »

Je finis ici cette lecture déjà trop longue. Pour notre défense, je devrais la prolonger, mais je ne veux pas trop abuser de l'attention bienveillante que vous avez bien voulu m'accorder. Je vous en remercie. Je n'ai jamais eu l'occasion de remercier M. Bara, il me la fournit aujourd'hui : c'est de m'avoir, par son agression, fourni l'occasion de placer, à côté de la publicité retentissante qu'il a donnée à ses accusations et aux pièces sur lesquelles elles sont basées la même publicité, à la même place, pour notre défense, si écourtée qu'elle soit, et pour les documents qui nous justifient.

Au moins, à côté de l'attaque, le lecteur impartial trouvera, face à face, la réponse.

J'arrive à un autre point.

Hier, M. Bara a beaucoup parlé de la Société Générale allemande, une des dernières fondations de M. Langrand, et il l'a représentée comme ayant été, de notre part, un acte de fraude, ajoutant que nous avions trompé le prince de Tour et Taxis ; sur ce thème, il a brodé de son mieux, le tout pour en tracer le tableau le plus noir.

Entre autres, dit-il, le prince de Tour et Taxis a acheté de vos actions sans en connaître la valeur, il a été trompé par vos affirmations ; et pour établir cette odieuse allégation, M. Bara, fidèle au système qu'il vient d'introduire, invoque une lettre écrite par M. Dechamps le 12 avril 1865, dans laquelle il prétend puiser la preuve de toutes les indignités dont on nous accable ; on incrimine cette lettre (lisez-la dans l'Echo), on y cherche ce qui n'y est pas, ce qui ne peut pas y être, tandis qu'il est si simple de l'expliquer naturellement, comme elle a été écrite, comme elle a été pensée, avec la loyauté, avec l'honnêteté qui animent l'honorable M. Dechamps, mon ami dévoué, une des gloires les plus éclatantes de cette tribune et auquel on ne ravira jamais, quoi qu'on fasse, son auréole de probité et d'honneur.

- Des membres. - Très bien !

M. Nothomb. - Il est un autre homme dont on ne peut plus rien dire, feu M. Mercier : la mort, ce dernier et doux ami des malheureux, lui a rendu, un grand service.

Messieurs, c'est une lettre confidentielle écrite à M. Langrand, à quelle époque et dans quelle circonstance ? Voyons-le.

Sans doute, les sociétés Langrand ont traversé des vicissitudes. Très souvent, il y a eu, dans les conseils d'administration, comme cela se présente dans toutes les sociétés, des dissentiments, des froissements.

Mais je voudrais bien que l'on m'indiquât une institution où de pareils désaccords ne se produiraient pas. Croyez-vous qu'il en existe ? Montrez-les alors. Eh bien, ces dissentiments, est-ce qu'on ne se les communique pas ? Mais c'est le devoir des administrateurs de se confier ce qu'ils pensent. Quelquefois même, on exagère le mal pour accélérer le remède, pour stimuler l'action de celui qui a le pouvoir. C'est ce qu'a fait M. Dechamps.

En 1865, les sociétés venaient de traverser une crise. Alors, je dois le dire, M. Langrand réussit à une chose qui, au premier abord, nous avait semblé impossible et qui, faite, nous parut la réalisation de l'idée la plus heureuse qui se pût concevoir :

M. Langrand nous faisait entendre qu'il négociait une association avec une puissante maison allemande, une maison princière, que, longtemps, il ne nomma pas. Je l'avoue, nous y vîmes quelque peu d'illusions.

Et lorsque M. Langrand eut réalisé son association avec la maison Tour et Taxis, nous l'en félicitâmes comme de l'acte le plus heureux pour nos sociétés. Il obtenait, en effet, le concours d'une maison puissamment riche, comptant un personnel nombreux et expérimenté, disposant d'une influence immense et dont le concours pouvait être précieux, inestimable.

Nous sommes en 1865. On ne va pas juger de la situation d'alors par ce qui s'est passé depuis ? M. Dechamps savait que M. Langrand négociait, il l'encourage et le stimule, il lui écrit : Vous devez réussir, et il le dit dans une correspondance confidentielle et vous viendrez en induire que M. Dechamps et ses amis connaissaient des secrets, qu'ils méditaient une trame frauduleuse. Encore une fois, c'est odieux et ridicule,

D'ailleurs, de la part de l'International, dont M. Bara s'est spécialement occupé, tout a été régulier et patent. Les procès-verbaux sont là qui l'attestent, les contrats existent. Vous dites qu'on a filouté le prince Tour et Taxis mais le prince Tour et Taxis y était représenté par ses agents principaux : le comte de Doernberg et le baron de Gruben ; ils ont pu, ils ont dû tout voir, tout examiner.

Voici le contrat avec l'International, je le tiens en main, il porte leur (page 76) signature et, pour l'International, il porte la signature respectée de lord Cranborne (aujourd'hui lord Ratisbury) et de M. Talbot, gendre de lord Derby, nos collègues dans l'administration, qui ont tout examiné, qui sont venus à Bruxelles, accompagnés de leurs hommes de loi, comme c'est l'usage des Anglais. Et c'est à cette société, soit dit en passant, où des administrateurs anglais, venus de Londres, traitent et signent le contrat, qu'on dénie le caractère de société anglaise !

Comment ose-t-on soutenir que nos rapports avec la maison Tour et Taxis n'ont pas été loyaux ? Je le sais, le succès n'a pas répondu à notre attente. Mais est-on nécessairement déloyal parce qu'on n'a pas prospéré ? Ce qui est vrai dans les affaires politiques, le serait-il aussi dans les affaires privées ? Le Vae victis est donc une loi fatale ! L'homme qui n'a pas réussi est-il décidément un scélérat ; et parce qu'il a succombé, et succombé de bonne foi, doit-il être désormais voué à l'exécration ? Ce serait une désespérante morale que vous proclameriez : la morale du succès ! Il n'y aura désormais de respectables que les gens heureux.

Quiconque n'est pas heureux n'aura plus qu'à mourir ; car vivre sans honneur, est-ce vivre ?

Que Dieu nous garde à jamais du malheur !

Après 1865 est venue la crise de 1866. Toutes les affaires ont été enrayées, on le sait ; tout a été remis en question.

Je le répète, la constitution de la société La Tour et Taxis était une idée féconde, c'était le moyen d'organiser le véritable crédit foncier en Allemagne ; mais la crise a paralysé l'essor de cette institution qui n'a pu accomplir son programme ; tout a été arrêté, interrompu ; et alors cependant, dans cette crise même, nous trouvâmes un moyen de salut pour nos sociétés.

C'était en 1867, nous parvînmes à obtenir la concession du chemin de fer de Kaschau à Oderberg ; le cautionnement était fait ; les travaux concédés à un constructeur belge, honorablement connu ; le gouvernement autrichien nous devait une somme de dix millions comme subvention. La première section était achevée ; tout marchait à souhait ; et dans cette magnifique entreprise, les sociétés Langrand avaient la certitude de trouver leur restauration complète, lorsque, sur la dénonciation de M. Mandel, du jour au lendemain, quand aucun intéressé ne s'était jamais plaint, au mois d'octobre 1868, sans nous avertir, sans nous entendre, - les intérêts des Belges engagés dans nos affaires méritaient pourtant bien cela, - subitement, tout à coup, on dirigea contre M. Langrand une enquête judiciaire et on apposa les scellés à la société de l'Industriel.

A Vienne, je puis le dire, où je me trouvais, ce fut un coup de foudre ; notre crédit fut abîmé et cette entreprise de Kaschau, qui avait suscité contre nous en Autriche, chez un certain monde de la finance, tant de colères jalouses, fut immédiatement compromise et menacée. Je le sais, j'y étais, j'en ai les preuves.

Pour nous, pour des étrangers, pour des Belges, aux yeux de ce monde, le bénéfice était trop beau. On avait tout mis en œuvre contre nous, pendant des années ; pour nous discréditer, on accueillait avec avidité les attaques systématiques parties d'ici. Quelquefois je me l'étais demandé : Ne peut-on laisser de côté les passions politiques ; est-ce que nous ne pouvons pas obtenir de l'équité dans notre pays, sinon la protection pour nos affaires, ou tout au moins de l'indifférence ?

L'annonce de l'instruction judiciaire fut formidable, notre crédit sombra, les appétits et les jalousies excitées contre nous eurent beau jeu cette fois : on leur avait fourni le moyen de nous exécuter. J'entends encore ce que l'on disait : M. Langrand est sous le poids d'un instruction criminelle, la justice a fait une descente à la Banque qu'il dirige, ses papiers sont saisis, toutes ses sociétés sont discréditées.

Comment encore confier à un tel homme et à ces sociétés la construction d'une ligne de soixante et dix lieues à laquelle le gouvernement autrichien garantit un intérêt de cinq p. c, jusqu'à concurrence de 150 millions de francs ? On effraya ainsi des personnages considérables qui nous avaient toujours montré la plus vive sympathie.

Le tour réussit sans que nous eûmes même pu parler. Bientôt on vint nous dire : Vous n'avez plus de crédit, votre solvabilité nous inspire des craintes ; versez, avant trois semaines, huit millions de florins dans la caisse de votre chemin de fer. Versez, sinon vous serez déchus.

Eh bien, nous ne pûmes pas verser sur l'heure seize millions de francs. Le gouvernement autrichien nous devait cependant dix millions, et il nous en demandait seize !

Nous ne pûmes les fournir. Toujours le Vae victis. Nous étions vaincus ; alors par une pression inavouable et que j'ai le regret de n'avoir pu combattre publiquement devant les tribunaux hongrois, on força M. Langrand, réduit aux abois, à céder l'affaire de Kaschau pour une somme relativement chétive. Voilà comment l'entreprise de Kaschau fut enlevée à nos sociétés et comment les actionnaires belges furent spoliés d'un profit immense dont tantôt j'ai établi le chiffre : vingt-deux millions au plus bas.

M. Bara et d'autres avant lui nous reprochent sans cesse de n'avoir pas fait connaître toutes les vicissitudes, toutes les phases à nos assemblées générales. Mais nous eussions agi imprudemment. Demandez aux hommes d'affaires qui siégent sur vos bancs, et ils sont nombreux, s'ils vont proclamer dans les assemblées les désaccords et dévoiler toutes les crises ?

Les dissentiments ils les apaisent entre eux ; ils parent aux situations fâcheuses ; quand les difficultés sont surmontées, les périls passés, quand la situation est redevenue bonne, on ne parle pas d'un passé qui a été dangereux et qu'on a surmonté. Ce serait un singulier moyen de raffermir le crédit.

Je vais bientôt terminer. Je n'ai pas nié les fautes et les erreurs commises. Quelles sont les affaires humaines à l'abri des fautes et des erreurs ? Si vous en connaissez, nommez-les. Mais nous avons tout fait pour réparer ces erreurs. J'affirme que mes amis et moi y avons consacré de laborieux et pénibles efforts. Nous avons usé dix ans de notre existence pour soutenir ces affaires.

J'en appelle à tous ceux qui ont connu ces efforts. Pas un ne viendra nous démentir. Quand la chute a été accomplie, vous savez par quels moyens et dans quelles circonstances, nous avons tout fait pour atténuer les ruines. Qui oserait le nier ? Il ne me convient pas d'énoncer des chiffres.

Mais on serait peut-être surpris si je disais publiquement l'étendue de nos sacrifices et la nature de nos offres. Ces offres, on n'a pas même daigné les discuter. On ne nous a rien épargné, rien : on nous a fait subir la situation la plus épouvantable que des hommes puissent connaître ! Pendant six semaines j'ai été, et trois de mes malheureux collègues aussi, à l'état de mort civilement. J'ai vu ma correspondance saisie et interceptée ; j'ai vu les scellés apposés chez moi ; j'ai été rationné et j'ai dû demander au magistrat la permission de m'absenter pour aller voir ma femme et mes enfants.

Nous avons souffert ainsi pendant six semaines et il a fallu l'intervention de la cour d'appel pour faire disparaître une telle sentence. Le supplice a été si cruel que moi, qui suis votre ennemi comme vous êtes le mien, je ne vous souhaite pas une torture semblable.

- Voix à droite. - Très bien !

M. Bara. - Je ne m'y exposerai certainement pas.

M. Nothomb. - Ah ! vous ne vous y exposerez pas ! Ne défiez pas le sort, c'est dangereux ! Sur votre tête, comme sur tout mortel, le bonheur est posé comme l'oiseau sur la branche.

Vous pouvez connaître, vous connaîtrez d'autres malheurs !

Quand les angoisses et les pâleurs seront assises à votre chevet, que Dieu vous les fasse supporter comme je les ai supportées !

- Voix à droite. - Très bien !

M. Nothomb. - Messieurs, je me résume : j'ai prouvé que nos opérations hypothécaires avaient été excellentes ; que le prix de la fusion avait été réel, sincère, loyal. Dites de nous tout ce qu'il vous plaira ; mais vous ne ferez pas croire que nous sommes des sots : il eût fallu l'être pour rester dans une affaire que l'on eût sue perdue et ruinée d'avance !

Je vous ai montré aussi comment notre crédit avait été anéanti et comment la concession de Kaschau a pu nous être enlevée.

Si l'on nous avait laissé cette affaire et une autre plus importante encore, une des plus vastes du siècle, une entreprise de 300 millions, les chemins de fer ottomans, que le gouvernement autrichien voulait faire faire par nous et avec nous, je l'affirme et puis le prouver, une affaire où d'autres sociétés, dit-on, s'enrichissent ; si on nous avait permis de conserver les positions acquises, nous aurions pu réparer les désastres et restaurer la situation. Il n'en a rien été et les vrais auteurs de ces ruines, je les ai indiqués : vous en êtes.

Maintenant pour finir je veux dire notre pensée tout entière et donner à la conduite de nos adversaires sa véritable signification.

Jusqu'ici nous ne connaissons qu'une décision de la justice, c'est l'ordonnance de non-lieu à laquelle la première instruction judiciaire a abouti, et dans laquelle les administrateurs n'avaient figuré que comme témoins !

La seconde instruction judiciaire est commencée, et, jusqu'ici, les administrateurs n'y ont pas même figuré comme témoins, non plus que les comptables, les commissaires, les jurisconsultes du contentieux de l'Hypothécaire belge et de l'International.

L'instruction se poursuit donc. Eh bien, quel est le spectacle que donne en ce moment une partie de la presse libérale ? Est-ce qu'elle laisse l'instruction à elle-même, dans le silence du parquet ? Nullement ; on voit cette presse en préjuger les résultats, sans en connaître les éléments ! On la voit chercher à exciter autour d'elle des émotions contagieuses, à soulever l'opinion par une polémique honteuse et sans frein, et à exercer ainsi une pression inavouable sur le parquet !

Il est, cependant, de justice et de raison qu'un inculpé soit toujours présumé innocent jusqu'à sa condamnation. Ici, les administrateurs ne sont pas des inculpés ; mais dans une presse qui a perdu toute retenue et toute dignité, on les traite en inculpés ; non seulement on les traite en inculpés, mais on les affirme coupables ; non seulement on signale comme coupables quelques-uns d'entre eux, mais on les condamne tous à la fois et on les traîne sur la claie des calomnies les plus odieuses.

On condamne ainsi, du moins, dans cette partie de la presse, tous ceux qui ont été mêlés à la lutte politique. Car, chose bien digne de remarque et qui démontre clairement le but de spéculation politique et électorale que l'on poursuit, parmi les trente noms de ceux qui ont figuré, comme administrateurs ou commissaires, on choisit et on incrimine spécialement ceux portés par des hommes politiques. Peut-on révéler, involontairement, mais avec plus d'évidence, la trame indignement ourdie par la haine politique ?

- Plusieurs membres à droite. - La clôture !

(page 54) M. Guillery. - Messieurs, je n'ai point provoqué ce débat, mais il me semble qu'il est impossible qu'il se termine sans des explications sur toutes les questions qui ont été soulevées. (Interruption.) On a parlé de l'instruction criminelle, on a parlé de l'administration de la faillite ; il me semble que nous sommes en droit de demander au gouvernement des explications sur différents points qui concernent l'instruction criminelle notamment ; la Chambre doit être admise, dans un pareil débat, à émettre son opinion.

Il ne suffit pas qu'on ait entendu un ou deux orateurs d'un côté et un ou deux orateurs de l'autre ; il ne suffit pas que certain orateur renonce à la parole sous un prétexte fallacieux ; un débat semblable ne doit pas être étouffé.

On nous a reproché de nous être transformés en cour de justice. Eh bien, si la Chambre est transformée en cour de justice, jamais débat plus considérable n'a été plus digne d'une aussi haute juridiction. (Interruption.) Il s'agit d'intérêts qui concernent la nation tout entière. (Interruption.)

M. Bergé. - Et la dignité du parlement.

M. Guillery. - Ils concernent la nation tout entière par le nombre des victimes, par le nombre des intéressés, des créanciers, et ils concernent la nation tout entière parce qu'il y a dans cette question un haut intérêt de moralité publique.

- Voix à droite. - Allons donc !

- Voix à gauche. - Oui ! oui !

M. Guillery. - On a attaqué à peu près tout le monde ; on a attaqué à cette tribune la magistrature ; on a attaqué des magistrats, des membres du tribunal de commerce qui ont rempli honorablement, loyalement leur devoir. C'est même par la bouche de M. le ministre de la justice que se sont produites les attaques les plus dures, les plus sévères, les plus cruelles contre des hommes qui ne méritent que des éloges. Nous pouvons avoir à notre tour à examiner la conduite de M. le ministre de la justice dans cette affaire.

S'il convient à la majorité d'étouffer la discussion, je ne craindrai pas de dire qu'elle redoute la vérité, les révélations (interruption), qu'elle redoute le jugement de l'opinion publique et la flétrissure qui s'attache aux coupables et à leurs complices.

- Des membres. - La clôture ! la clôture !

- D'autres membres. - L'appel nominal !

M. Bara. - J'ai demandé la parole.

M. le président. - Je vous l'avais accordée ; vous ne vous êtes pas levé. (Interruption.) Vous avez la parole.

M. Bara. - Je ne nie pas que vous me l'ayez accordée ; mais si je ne l'ai pas entendu, il est clair que vous ne pouvez en tenir compte.

M. le président. - Vous avez la parole sur la clôture.

M. Bara. - Je demande à répondre pour rectifier les allégations du discours de M. Nothomb.

- Des membres. - Non ! non !

M. Bara. - Vous en ferez ce que vous voudrez.

Le pays jugera votre conduite. Vous pouvez m'imposer le silence, faites-le si vous le voulez.

M. Brasseur. - Je demande la parole sur la clôture.

- Des membres. - Non ! Non !

M. Bouvier. - Il est accusé ; laissez-le parler.

M. Brasseur. - Je supplie la Chambre de ne pas clôturer le débat. (Interruption.) Je veux exposer le motif pour lequel je ne comptais pas intervenir dans cette discussion ; maintenant, j'y suis forcé.

- Des membres. - Non ! non !

M. Brasseur. - J'y suis forcé et tout le monde comprendra pourquoi je supplie la Chambre de me laisser donner quelques explications. (Non ! non !) Laissez-moi donc opposer aux dires de l'honorable député de Mons quelques paroles. Donnez-moi dix minutes. (Non ! non !)

M. Van Humbeeck. - Il est impossible de refuser la parole à M. Brasseur ! Vous ne pouvez prononcer la clôture de la discussion ; évidemment, M. Brasseur a le droit de prendre la parole pour un fait personnel. Si vous la lui refusiez, ce serait un soufflet que vous donneriez à votre règlement.

- Des membres. - Aux voix ! aux voix !

- La clôture est mise aux voix par appel nominal.

111 membres sont présents.

64 adoptent.

46 rejettent.

1 membre s'abstient.

En conséquence, la clôture est prononcée.

Ont voté l'adoption :

MM. Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Baets, de Borchgrave, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion, Drubbel, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Lelièvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Pety de Thozée, Reynaert, Royer de Behr, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Berten, Biebuyck et Thibaut.

Ont voté le rejet :

MM. Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Brasseur, Couvreur, d'Andrimont, Dansaert, de-Baillet-Latour, de Dorlodot, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Puissant, Rogier, Sainctelette, Tesch, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Warocqué, Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara et Bergé.

M. Nothomb s'est abstenu.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est prié, aux termes du règlement, de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Nothomb. - La Chambre comprendra parfaitement les motifs pour lesquels je me suis abstenu.

M. Orts. - C'est plus digne.

(page 55) M. Bara. - M. Bara. - Messieurs, la discussion a été close et le débat doit avoir une solution. Je propose l'ordre du jour suivant :

« La Chambre, regrettant la nomination de M. le gouverneur du Limbourg, faite dans les circonstances actuelles, passe à l'ordre du jour. »

- L'appel nominal est demandé.

Il est procédé à cette opération.

110 membres répondent à l'appel nominal.

66 répondent non.

44 répondent oui.

En conséquence, l'ordre du jour proposé par M. Bara n'est pas adopté.

Ont répondu non :

MM. Brasseur, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Baets, de Borchgrave, de Clercq, de Dorlodot, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion, Drubbel, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Lelièvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Reynaert, Royer de Behr, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut,

Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Berten, Biebuyck et Thibaut.

Ont répondu oui ;

MM. Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Couvreur, d'Andrimont, Dansaert, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescart, Mascart, Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Puissant, Rogier, Sainctelette, Tesch, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Warocqué, Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara et Bergé.

M. le président. - Le second objet à l'ordre du jour est la discussion du projet de loi relatif aux servitudes militaires.

- Voix nombreuses. - A demain !

M. le président. - Demain c'est vendredi ; la Chambre entend-elle s'occuper de pétitions ?

- De toutes parts. - Oui !

M. le président. - Il en sera ainsi ; toutefois, je vous propose de mettre en tête de l'ordre du jour le budget des dotations. (Adhésion.)

- La séance est levée à 4 heures et demie.