(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Tack, premier vice-président.)
(page 17) M. Reynaert fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Hagemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Somers, détenu politique à bord du vaisseau la Ville de Nantes, en rade à Cherbourg, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir sa mise en liberté. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Leclercq, commis des accises de première classe, prie la Chambre d'allouer, pour l'année courante, une indemnité aux fonctionnaires inférieurs du département des finances. »
- Même renvoi.
« Le sieur Dekerf demande une enquête sur les faits qui ont donné lieu à sa révocation des fonctions de commissaire de police de la ville de Binche. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Rouveroy prient la Chambre de consacrer, pour les servitudes douanières, le principe de l'indemnité inscrit pour les servitudes militaires dans le projet de loi présenté par le gouvernement. »
- Même renvoi.
« Les secrétaires communaux de Casterlé et de Lichtaert proposent des mesures pour améliorer la position des secrétaires communaux. »
« Même pétition des secrétaires communaux de Pipaix, Braffe, Baugnies, Bovy. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Autryve demandent que l'ancienne partie de l'Escaut qui baigne cette commune et qui est désignée sous le nom de Vieil-Escaut, soit rendue navigable. »
M. de Haerne. - Messieurs, cette pétition réclame une amélioration au cours de l'Escaut dans la Flandre occidentale. Ce travail n'exigerait qu'une légère dépense ; mais il est nécessaire au point de vue sanitaire et présente un véritable caractère d'urgence. C'est pourquoi j'ai l'honneur de demander le renvoi de la pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
M. De Lehaye. - Ce qui rend plus évident le caractère d'urgence, c'est que ce travail que l'on demande dépend entièrement d'un second travail qui se fait en ce moment, et que, plus tard, vous ne pourriez faire droit à la demande des pétitionnaires qu'en vous soumettant à de grandes dépenses. C'est ce qui nous engage à demander un prompt rapport et j'appuie à cet égard la proposition de l'honorable M. de Haerne.
- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport est ordonné.
« La chambre de commerce de Termonde demande la discussion du projet de réforme du code de commerce. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, dix demandes de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. Rembry, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.»
- Ce congé est accordé.
M. Drubbel. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section, centrale qui a examiné le projet de loi relatif aux servitudes militaires, sur une pétition relative aux servitudes douanières.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport triennal sur la situation de l’enseignement supérieur pendant les années 1868, 1869 et 1870.
- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce rapport. La Chambre en ordonne l'impression et la distribution.
M. Nothomb dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de la guerre pour l'exercice 1872.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.
M. Bouvier. - Messieurs, dans la séance d'hier, M. le ministre des travaux publics a promis de répondre aujourd'hui à diverses questions que j'avais posées. Je lui demanderai de vouloir bien le faire.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, j'aurais pu répondre dès hier à deux des questions posées par l'honorable M. Bouvier, à celles qui sont relatives au chemin de fer d'Athus à Givet et au chemin de fer de la Vire.
Si j'ai attendu jusqu'aujourd'hui, c'est que je ne voulais pas scinder mes explications.
Quant aux chemins de fer d'Athus et de la Vire, vous savez sans doute, messieurs, que des négociations sérieuses sont entamées entre l'Etat et la compagnie du Luxembourg pour le rachat de ses lignes. Da's cette situation, la Chambre comprendra parfaitement qu'il m'est impossible de donner aucun détail sur les projets du gouvernement relativement aux deux chemins de fer dont on demande la construction.
En ce qui touche le chemin de fer de Virton, je puis dire à l'honorable membre que la première section, celle de Marbelian à Sainte-Marie, est à peu près terminée.
Sur 175,000 mètres cubes de terrassement, 145,000 étaient exécutés au 1er novembre ; la pose de la voie continue avec activité et le ballastage est en train. 250 ouvriers étaient encore occupés au commencement de ce mois.
Pour la seconde section, les renseignements sont loin d'être aussi satisfaisants.
L'honorable membre sait que, depuis longtemps déjà, j'ai décrété le tracé de cette seconde section par Ethe ; de nouvelles combinaisons m'ont été soumises par lettre du 21 avril 1871 ; j'ai fait connaître au concessionnaire qu'après avoir mûrement examine l'affaire, je maintenais carrément ma résolution du 18 octobre 1870. Le concessionnaire a fait beaucoup d'objections.
(page 18) Pour lever ces différentes objections et prévenir toutes difficultés ultérieures, j'ai chargé un des fonctionnaires les plus éminents de mon département, qui connaît particulièrement ces localités - je fais allusion à M. l'inspecteur général Maus - je l'ai chargé de faire une démarche auprès du concessionnaire ; c'est ce qui s'est fait. M. Maus s'est rendu sur les lieux ; il a discuté avec le concessionnaire et il a fini par convaincre celui-ci de la nécessité qu'il y avait, pour lui, de se ranger aux ordres du gouvernement.
Des instructions pour la formation des plans ont été données a M. Parent-Pêcher le 22 août dernier ; je lui ai rappelé à plusieurs reprises que j'attendais ces plans ; mais je dois dire que mes rappels sont demeurés sans résultats.
Je suis revenu à la charge, notamment le 15 septembre et le 6 octobre. A la date du 7 octobre, le concessionnaire s'excuse en signalant les difficultés inouïes qu'il y a à faire des tracés dans les forêts et dans les nombreuses montagnes du Luxembourg ; il termine en promettant l'envoi des plans pour le 15 octobre. Nous voilà arrivés au 17 novembre, et je n'ai encore rien reçu.
Une nouvelle invitation très sérieuse lui a été faite, il y a deux jours ; je lui ai déclaré que s'il n'obtempérait pas aux ordres du gouvernement, j'emploierais envers lui les mesures rigoureuses auxquelles le cahier des charges me permet d'avoir recours.
Si je n'ai pas agi jusqu'ici avec plus de rigueur, - c'est ce dont on me fera peut-être un reproche, - c'est dans l'intérêt réel du chemin de fer ; car une mise en demeure, une déchéance, une réadjudication font perdre beaucoup plus de temps que des négociations amicales lorsqu'elles ont chance d'aboutir à des arrangements avec le concessionnaire, lorsqu'il est de bonne foi et qu'il veut s'exécuter.
Je répète, en terminant, que si M. Parent-Pêcher n'obtempère pas à la dernière injonction du gouvernement, j'emploierai contre lui les moyens mis à ma disposition.
M. Bouvier. - Je remercie l'honorable ministre des travaux publics des explications qu'il vient de donner, en ce qui concerne le chemin de fer de Virton. Nous avons affaire à un concessionnaire récalcitrant : c'est connu depuis longtemps : l'honorable ministre le reconnaît d'ailleurs ; et je dois le dire à regret, mais avec conviction, je crois que les mesures rigoureuses auxquelles il vient de faire allusion devront être prises sans délai par lui, si nous voulons que la construction du chemin de fer devienne une réalité.
Quant à la première question que j'ai posée à l'honorable ministre, celle du chemin de fer d'Athus à Givet, il y a répondu par une espèce de fin de non-recevoir tirée des négociations entamées entre le gouvernement et la compagnie du Luxembourg pour la reprise de cette ligne par l'Etat. Je ne révoque pas en doute ces négociations, qu'il dit être sérieuses ; mais il est un point sur lequel j'appelle toute l'attention du ministre, c'est que, quoi qu'il advienne de ces négociations, qu'elles aboutissent ou non, il y aura à construire une tête de ligne qui est celle d'Ethe à Athus.
La nature des choses le veut ainsi. Cette ligne comporte un développement d'une vingtaine de kilomètres, elle est indispensable, elle doit se faire dans tous les cas. En effet, messieurs, les établissements métallurgiques du bassin de Charleroi demandent avec instance et persistance la création de cette ligne. Pourquoi ? Parce qu'elle renferme une grande quantité de minerai qu'on peut évaluer à un chiffre de 26 millions de tonnes, soit 2,600,000 waggons de 10,000 kilogrammes chacun.
Les usines métallurgiques, tant du bassin de Charleroi que de celui de Liège, n'obtiennent qu'en partie le minerai qui leur est nécessaire, tandis que le bassin de Longwy, qui s'approvisionne de charbons et de cokes belges, se voit forcé de réduire sa production par suite du défaut de voies de communication.
Eh bien, messieurs, je dis ceci : que le gouvernement parvienne ou ne parvienne pas à s'entendre avec la compagnie du Luxembourg, il est nécessaire que ce tronçon de ligne soit concédé par l'Etat.
Une autre considération milite en faveur de l'octroi de cette concession, c'est l'intérêt du trésor public.
En effet, messieurs, la ligne de Virton s'exécutera. Le gouvernement et les Chambres ont alloué une garantie d'un minimum d'intérêt s'élevant à 275,000 francs par an. Or, messieurs, la ligne de la Vire que je préconise en ce moment, ligne où se trouvent des gisements de minerais considérables et dont je vous ai indiqué le chiffre, doit nécessairement exonérer le trésor public de cette garantie qui ne sera plus que nominale. Le trésor public a donc le plus grand intérêt à ce que cette ligne soit concédée.
Pour vous démontrer la nécessité d'accorder la concession du chemin de fer d'Athus-Givet, ai-je besoin, messieurs, d'invoquer le grand nombre des pétitions adressées à la Chambre et dont le chiffre s'élève à plus de quatre cents ? Parmi celles-ci, vous aurez remarqué celles émanées de quatre-vingts communes belges, des comices agricoles, des associations métallurgiques du Hainaut.
Les vœux exprimés pour l'octroi de cette concession par les conseils provinciaux de Luxembourg, de Namur et du Hainaut ne sont pas entièrement effacés de votre mémoire. Vous n'avez pas oublié non plus ceux formés par plusieurs chambres de commerce du pays.
En ce qui touche l'arrondissement de Virton et tout spécialement les cantons d'Etalle et de Florenville, l'établissement de cette voie ferrée est de la plus haute importance. Elle s'impose comme une question de vie ou de mort pour ces deux cantons.
En présence des considérations que je viens de faire valoir, j'espère bien que l'honorable ministre des travaux publics s'empressera de concéder dans le plus bref délai le chemin de fer de la Vire. Il y a, comme je l'ai dit hier, plusieurs personnes et des plus honorables pouvant justifier du capital nécessaire à l’établissement de cette voie qui demandent la concession.
L'honorable ministre n'a que l'embarras du choix, ce qui est fort heureux ; et j'espère qu'il ne tardera pas à rendre justice à cette intéressante partie de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte.
M. Pirmez. – Je dois appeler l'attention la plus sérieuse du gouvernement sur la question du transport des minerais du Luxembourg vers nos grands centres métallurgiques, notamment vers ceux de l'arrondissement de Charleroi. Il s'agit ici d'une question de la plus haute importance, d'une question vitale. Je désire que M. le ministre des travaux publics se pénètre bien de l'importance de cette question. Je dirai, et ici je suis plus que désintéressé, que, pour le gouvernement actuel, il y a un devoir tout particulier dans cette question.
En effet, lors des dernières élections on a prétendu que l'avénement de la majorité nouvelle aurait pour résultat la réalisation immédiate des transports à bon marché des minerais de l'Est de la France et du Luxembourg vers Charleroi. Les promesses les plus positives ont été faites.
M. Bouvier. - Avant les élections ?
M. Pirmez. - Oui, avant les élections.
M. Bouvier. - C'est toujours comme cela. (Interruption.)
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Cela s'est vu dans d'autres cabinets encore.
M. Pirmez. - J'ai d'autant plus le droit de rappeler ces promesses que, craignant que des difficultés ne. s'élevassent, sur la réalisation de ce qu'on annonçait comme devant être fait immédiatement, je n'ai pas voulu prendre d'engagement, et cette circonspection à ne pas faire de téméraires promesses a été un prétexte à me combattre pour les amis de M. le ministre des travaux publics.
Pendant toute la durée d'une longue lutte et jusqu'en face du scrutin, j'ai préféré perdre des suffrages que de promettre ce que peut-être je ne réaliserais pas.
Mais ces promesses ont été faites par le parti qui est au pouvoir.
Je viens demander aujourd'hui au gouvernement pourquoi on n'exécute pas ce qu'on a promis en son nom ?
L'exécution de ces promesses serait la concession du chemin de fer d'Athus à Givet avec un tarif réduit ; il y a des obstacles, des inconvénients ; il est un peu tard pour s'en apercevoir, mais qu'on trouve alors un équivalent.
S'il est impossible ou s'il ne convient pas de concéder le chemin de fer promis, il faut obtenir l'abaissement du tarif du chemin de fer actuel, soit au moyen du rachat, soit autrement.
Pour ma part, je ne demande qu'à seconder l'adoption de toute mesure qui résoudra la difficulté ; et je vais indiquer à l'honorable ministre des travaux publics quelques idées qui me paraissent devoir faciliter le rachat de la ligne du Luxembourg.
On ne pensera certainement pas à racheter la ligne du Luxembourg pour un capital immédiatement payé ; on négociera le rachat pour une rente annuelle.
Il y a deux modes de constituer la rente ; on peut payer une rente fixe ou une rente variable.
On a déjà employé le système de la rente fixe ; par exemple, pour la ligne de Mons à Manage, il y a une dizaine d'années ; mais je crois qu'il offrirait, dans le cas actuel, de très grands inconvénients ; il entraînerait pour l'Etat une charge très lourde ; il donnerait, en effet, aux obligataires des chemins de fer des avantages auxquels ils n'ont aucun droit et qui constitueraient un véritable cadeau.
(page 19) Je m'explique.
Les obligations de la ligne du Luxembourg se cotent, si on prend une moyenne depuis un certain temps, à environ 450 francs ; le revenu étant de 85 francs, elles constituent donc un placement à 5 1/2 p. c. à peu près.
Il est clair que si le gouvernement rachetait pour une rente fixe de manière que le service des obligations fût aussi assuré que celui des rentes de l'Etat, il y aurait une hausse énorme sur ces titres. Si, au lieu de la garantie d'une entreprise de chemin de fer toujours affectée decertaines mauvaises chances, les obligations ont la garantie de l'Etat, elles ne se réaliseront plus à un taux d'affaires industrielles, mais au même taux que les rentes de l'Etat.
Ainsi, au lieu de se capitaliser à 5 1/2 p. c, elles se capitaliseront à 4 1/2 à peu près ; les 25 francs d'intérêts, au lieu de correspondre à une valeur vénale de 450 francs, correspondrait à un capital qui approcherait de 600 francs.
Or, l'Etat ne peut donner de pareils avantages ; ils résulteraient de l'excellence de son crédit ; or, l'Etat doit tirer parti de son crédit en faveur du trésor ou d'intérêts généraux, et non le faire servir à donner de pareils profits à des porteurs de titres qui n'y ont pas droit.
Il ne faut donc pas adopter le système de la rente fixe.
Il faut adopter le système d'une rente variable d'après le résultat du trafic, et se calculant sur un tantième de la recette brute, comme il a été fait dans la convention du 25 avril 1870 qui a tant occupé la Chambre dans sa dernière session.
Le crédit dont jouit l'Etat doit lui permettre d'obtenir un double résultat : le rachat moyennant un tantième modéré et la diminution de la charge dont la ligne est grevée au profit des obligataires, sans leur porter aucun préjudice.
Si le gouvernement rachète, en s'engageant à payer un tantième qui représente à peu près ce que la ligne rapporte aujourd'hui, il est clair qu'il n'y aura aucune hausse dans la valeur des obligations. Nous avons vu que les obligations de la compagnie des Bassins houillers ou des compagnies qui en dépendent sont restées, après la convention du 25 avril, au taux où elles étaient auparavant.
Ce fait prouve que le rachat pour une rente constituée sur les résultats de l'exploitation n'a pas pour effet de faire monter le taux des obligations ; et il doit en être ainsi. En effet, les obligations sont frappées des mêmes chances défavorables que l'exploitation soit faite par l'Etat ou par les compagnies ; les revenus dépendent également des produits de l'exploitation.
Ce point étant bien constaté, voici comment l'Etat ne paraît pouvoir tirer parti de son crédit.
L'Etat peut s'engager à effectuer, pendant un certain délai, l'échange des obligations contre de la rente belge, dans des conditions qui, avantaugeuses aux obligataires, le soient encore plus à l'Etat : il suffit pour cela de tenir compte de la différence du taux d'intérêt que paye l'Etat et de celui que paye la compagnie.
Je suppose que l'Etat offre, pour chaque obligation se négociant à 450 francs, 500 francs de rente belge. 4 p. c ; au cours actuel, cette rente vaudra 480 francs environ ; c'est donc une prime de 30 francs que l'Etat offrira aux obligataires ; il leur offre plus qu'ils ne peuvent obtenir de leur titre actuel, et il n'est personne qui, à la Bourse, ayant le choix entre une obligation du Luxembourg et 500 francs de 4 p. c. belge, ne prenne cette dernière valeur.
Et cependant, si cet échange se fait, l'Etat, au lieu de payer 25 francs d'impôt, ne payera plus que 20 francs, soit 20 p. c. de réduction, ce qui est énorme.
Offrir de s'engager à cet échange, est une condition qui me paraît devoir rendre la compagnie plus accommodante sur la fixation du tantième d'exploitation, et qui permettra sans doute à l'Etat de s'exonérer d'une somme très considérable, car la rente que paye la compagnie du Luxembourg à ses obligataires se chiffre par millions.
Messieurs, quand j'indique les chiffres de 450 et de 500 francs, je irai pas la prétention d'indiquer des chiffres justes, des chiffres exacts. J'indique l'idée qui me paraît devoir être réalisée. Je veux montrer que, ce que l'Etat doit faire dans ce cas, c'est de tâcher, au moyen de son crédit, bien supérieur à celui des compagnies, de substituer un capital à un autre, de substituer un capital plus considérable à un capital moins considérable pour obtenir la réduction des charges. Je n'hésite pas à dire que si cette combinaison se réalise dans de bonnes conditions, le gouvernement pourra racheter la ligne du Luxembourg en s'exonérant d'une quotité très considérable des charges qui grèvent aujourd'hui cette compagnie.
Ce que je viens de dire des obligations s'applique avec bien plus de force encore aux actions ; leur revenu est bien plus incertain que celui des obligations ; le taux de capitalisation est par conséquent bien plus élevé et par suite l'offre de la rente de l'Etat aura pour résultat une bien plus notable réduction de la charge. Ce sont les actionnaires qui décident de l'acceptation du contrat à faire ; en leur offrant la haute valeur des actions en rente 4 p. c, l'Etat obtiendra certainement de bien meilleures conditions de tantième que s'il ne fait pas cette offre, et l'acceptation ultérieure de l'échange par les porteurs sera pour lui une réduction très considérable de charges.
Je crois avoir assez clairement exprimé ma pensée pour qu'il soit bien compris que je n'entends nullement imposer aux détenteurs d'obligations ou d'actions un échange forcé ; je propose seulement une faculté d'échange, mais offerte dans des conditions où elle ait chance d'être acceptée par le plus grand nombre des détenteurs. Ceux qui voudront conserver leurs titres actuels les conserveront avec tous les droits y afférents ; ils auront, dans l'avenir comme dans le passé, la même quotité de droits aux résultats de l'exploitation ; il en sera comme des obligataires ou des actionnaires du Centre ou de Hainaut-Flandres à l'égard desquels l'Etat n'a pris aucun engagement d'échange.
Voyez quelles seraient les conséquences de cette combinaison.
Supposons que le gouvernement parvienne à obtenir ainsi une réduction des charges de 20 p. c., et qu'il réduise par suite le prix des transports également de 20 p. c, même sans augmentation de trafic, il aura exactement, comparativement à la charge, le revenu qu'il a aujourd'hui ; mais on voit de suite qu'ayant abaissé le prix des transports, il aura augmenté le trafic et réalisera par cette augmentation un véritable bénéfice. Il aura rendu un grand service à l'industrie avec profit pour le trésor.
Messieurs, je viens de parler du crédit de l'Etat et de son application aux chemins de fer. J'engage le gouvernement à examiner s'il n'y a pas lieu, quant aux autres lignes à construire, à la ligne de ceinture de Charleroi, par exemple, d'entrer dans cette voie également.
La convention du 25 avril a racheté des chemins de fer pour une rente variable. Elle ne préjugeait rien sur l'application d'une combinaison d'échange du genre de celle que j'ai indiquée.
Le gouvernement actuel, qui a trouvé le champ libre à cet égard, n'a pas cru devoir faire la combinaison ; elle a été essayée au moyen de la caisse d'annuités par la compagnie des Bassins houillers qui voulait en obtenir le bénéfice ; j'ignore quel résultat elle a produit, mais évidemment elle n'a pas pu se faire aussi avantageusement par une compagnie que par l'Etat.
Je ne veux pas examiner si elle est encore possible pour les anciennes lignes dont l'exploitation a été cédée par cette convention, mais je demande au gouvernement de voir si elle n'est pas utilement applicable aux lignes à construire.
Les divers arrangements que nous avons discutés l'hiver dernier ont eu pour résultat de prendre aux lignes à construire une partie de la rente qui leur était afférente, pour la reporter sur les anciennes lignes.
Il en est résulté que dans l'arrondissement de Charleroi, par exemple, la compagnie au lieu d'une rente de 7,000 francs par kilomètre à construire n'a plus qu'une rente de 5,500 francs. On comprend très bien qu'il résulte de là une difficulté plus grande pour la compagnie à construire ces lignes.
La responsabilité du gouvernement me paraît engagée ; il a autorisé les diminutions des garanties d'exécution du réseau de Charleroi ; je signale ce point pour l'engager à se préoccuper de cette situation et à chercher un moyen de venir en aide à la compagnie, s'il est nécessaire, pour que les embranchements soient construits.
Il reste, comme je viens de dire, pour cette construction, une rente de 5,500 francs par kilomètre ; j'engage le gouvernement à examiner s'il ne pourrait pas, au moyen de son crédit, fournir ou faire obtenir à la compagnie les capitaux qui lui sont nécessaires, à des conditions meilleures que celles auxquelles elle peut se les procurer actuellement ; il faciliterait ainsi l'exécution de lignes qui, par suite de la réduction de la rente, se construiront bien moins facilement sans son intervention.
Je ne prétends pas que le gouvernement fasse un avantage à la compagnie concessionnaire ; je demande que, dans l'intérêt public, il facilite l'exécution de ces lignes, mais en échange, il pourrait stipuler des avantages pour le trésor public.
L'opération est assez vaste, a des aspects assez divers, pour que le gouvernement ne soit pas embarrassé d'indiquer des compensations qui le (page 20) payeraient des facilités qu'il aurait procurées par le simple emploi de son crédit et sans avoir fait aucun sacrifice pécuniaire.
Je demande donc que le gouvernement facilite la construction des chemins de fer et qu'en compensation il stipule des avantages au profit du trésor public.
Voilà les observations que j'avais à soumettre au gouvernement et je le prie de vouloir bien y avoir égard.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je dois supposer que l'honorable M. Pirmez n'était pas présent au commencement de la séance, lorsque j'ai déclaré que des négociations très sérieuses sont engagées avec la compagnie du Luxembourg pour le rachat de la ligne de cette société. Cette déclaration, si l'honorable membre l'avait entendue, lui aurait fait reconnaître que le gouvernement prend à cœur les intérêts de l'arrondissement de Charleroi.
Lui-même vient de dire que le moyen de donner satisfaction à ces intérêts consisterait aussi bien dans l'abaissement des tarifs que dans l'établissement d'une ligne nouvelle. Si les pourparlers qui sont ouverts n'aboutissaient pas, nous aurions à rechercher une autre solution.
Quant au conseil que l'honorable membre a bien voulu me donner, je dirai que la question n'avait pas échappé à l'attention de l'administration ; au contraire, cette question est étudiée dans l'ordre d'idées qui vient d'être développé devant la Chambre. Que l'honorable M. Pirmez me permette de le lui faire remarquer : il aurait agi avec plus de prudence s'il était venu m'entretenir de cet objet dans mon cabinet, où je le recevrai toujours avec empressement.
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, l'incident est clos.
M. Bara. - Messieurs, je crois de mon devoir d'annoncer à la Chambre que j'ai l'intention d'interpeller M. le ministre de l'intérieur, dans une séance prochaine, au sujet de la nomination de M. De Decker comme gouverneur de la province de Limbourg.
Mais avant de formuler cette interpellation, je dois informer M. le ministre de l'intérieur que je me servirai de certains documents et de certains faits qui sont relatifs aux affaires des sociétés Langrand-Dumonceau, sociétés dans plusieurs desquelles M. de Decker a figuré comme administrateur.
Je suis porté à croire que M. le ministre de l'intérieur a connaissance de ces pièces et de ces faits, qu'il a fait cette nomination en parfaite connaissance de ce que ces documents contiennent. Mais comme M. le ministre de l'intérieur pourrait dire qu'il ne les connaissait pas et qu'il ne les connaît pas encore, je lui demanderai de vouloir bien s'informer auprès de son collègue de la justice des faits relatifs aux sociétés Langrand-Dumonceau, dans lesquelles M. De Decker était administrateur.
M. le ministre de la justice a le droit de se faire rendre compte de tout ce qui peut intéresser, dans une faillite ou dans une instruction judiciaire, un fonctionnaire du gouvernement. Peut-être M. le ministre de la justice a-t-il déjà reçu à cet égard des rapports de l'autorité judiciaire ; dans beaucoup de cas, le procureur général fait connaître au gouvernement des faits qui touchent à des fonctionnaires. Si M. le ministre de la justice n'a pas reçu ces rapports, il a le devoir de les provoquer, d'autant plus que plusieurs documents que j'invoquerai ont été rendus publics et qu'un grand nombre de faits sont également tombés dans le domaine public.
Je crois avoir rempli consciencieusement mon devoir en informant M. le ministre de l'intérieur de mes intentions.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'accepte l'interpellation pour le jour que l'honorable M. Bara indiquera plus tard. Mais l'honorable membre voudra bien reconnaître que je suis juge du terrain sur lequel j'entends me placer.
M. Bouvier. - Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. le président. - Nous abordons la discussion des prompts rapports.
M. Bara. - Pardon, M. le président, je demande la parole. (Interruption à droite.) L'incident n'a pas été clos.
M. le président. - Comme personne ne demandait la parole après M. le ministre de l'intérieur, j'ai pensé que M. Bara n'insistait pas ; puisqu'il en est autrement, je lui donne la parole.
M. Bara. - M. le président clôture les incidents un peu trop promptement ; on n'a pas même le temps de demander la parole.
Voici, messieurs, l'observation que je voulais faire. J'ai cru par convenance devoir informer le gouvernement que je me servirais de certains documents, pour le cas où il ne connaîtrait pas ces documents.
M. Jacobs, ministre des finances. - Lesquels ?
M. Bara. - Tous les documents relatifs aux sociétés Langrand.
Recherchez-les. Vous avez le droit de les avoir ; vous avez le droit d'en prendre connaissance. De plus, MM. les curateurs ont publié des mémoires contenant des accusations excessivement graves à l'égard des administrateurs des sociétés Langrand.
Il importe que M. le ministre de l'intérieur ne prétexte pas ignorance de tous ces documents.
J'ai donc cru, par convenance, devoir prévenir M. le ministre de l'intérieur de ce que j'ai l'intention de faire.
L'honorable ministre ne me répond pas ; cela veut-il dire qu'il ne veut pas connaître ces documents ? Il est inutile dès lors que j'ajourne mon interpellation.
Nous pourrions la fixer à mardi prochain. Si M. le ministre de l'intérieur déclare qu'il connaît ces documents, nous pourrions également fixer l'interpellation à un délai très rapproché. S'il ne les connaît pas et s'il veut les examiner, il faut évidemment retarder l'interpellation. Je ne veux pas le prendre au dépourvu ; je ne veux pas entamer le débat sans le mettre à même de me répondre.
En agissant ainsi, je ne fais qu'accomplir un devoir. Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur de me faire savoir non le terrain sur lequel il veut se placer, mais s'il a besoin de temps pour prendre connaissance des pièces dont j'entends me servir.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Je trouve l'attitude que prend l'honorable membre au moins étrange. Il annonce qu'il fera usage de pièces et de documents dans l'interpellation relative à la nomination de M. De Decker ; et il se garde bien d'indiquer ces documents. Il se tient à cet égard sur une réserve absolue.
Il demande à M. le ministre de l'intérieur de se mettre au courant de toutes les affaires Langrand et de tous les documents judiciaires ou extra-judiciaires qui peuvent exister dans cette instruction. Il ajoute que si M. le ministre de l'intérieur veut se renseigner, il n'a qu'à s'adresser à son collègue de la justice, qui a le droit de se faire donner tous les documents en question.
Mais n'est-il pas évident que, préalablement à une pareille demande de ma part, il faudrait que M. Bara indiquât les documents dont il veut faire usage ?
Ne suis-je pas autorisé aussi à lui demander comment il est en possession de ces documents qu'il m'indique comme faisant partie d'une instruction judiciaire et dont je pourrais, à ce titre seulement, demander la production ?
Il serait intéressant pour la Chambre et pour le pays de savoir quels sont les documents dont M. Bara me prie de demander la production, qu'il a, lui, en sa possession et comment surtout il se les est procurés.
M. Bara. - Ce ne sont pas habituellement les membres de la Chambre qui subissent des interpellations. Quoi qu'il en soit, je ne serai pas aussi difficile que M. le ministre de l'intérieur : je répondrai très nettement, très carrément.
Je me hâte de le dire, ce ne sont pas les pièces de l'instruction judiciaire actuelle que je possède ; celles-là je ne pourrais les avoir que par le juge d'instruction ou par le parquet, et les honorables magistrats qui s'occupent de l'instruction des affaires Langrand n'ont eu aucun rapport avec moi.
Les pièces que j'ai en ma possession sont celles qui se rattachent à la faillite ; elles sont la propriété des créanciers ; et des copies m'en ont été remises par le juge-commissaire à la faillite, M. Vanderstraeten. Cet honorable ancien magistrat consulaire m'a autorisé à me servir de ces pièces dans l'intérêt de la moralité publique, et à déclarer devant cette Chambre qu'il acceptait la responsabilité de la publicité de ces documents. (Interruption.)
Vous pouvez aussi vous procurer le dossier Langrand. Il se compose de pièces qui ont été saisies chez M. Langrand ; elles sont la propriété de ses créanciers : c'est à l'aide de ces pièces qu'ils pourront faire valoir leurs droits.
Il y a de plus les travaux des curateurs, dont les créanciers ont également le droit de se prévaloir. Déjà, du reste, une étude des curateurs sur la banque hypothécaire a été publiée ; d'autres travaux émanés d'eux ont (page 21) été produits dans des procès ; par conséquent, vous ne pouvez pas prétexter ignorance quant à ces divers documents ; et quand la Chambre le voudra, je démontrerai qu'il était impossible que le gouvernement ignorât l'existence et le contenu d'une importante partie de ces documents.
Vous pouvez donc les demander ; vous avez le pouvoir de les obtenir, et vous ne serez pas fondé, le jour de la discussion, à venir nous dire que vous ne les connaissez pas. Vous devez les connaître ; c'est votre devoir ; car vous avez le devoir de rendre compte au pays des nominations que vous faites, des choix auxquels vous vous livrez pour les fonctions les plus élevées du pays.
M. le président. - Jusqu'à présent, aucune proposition n'a été faite quant au jour de l'interpellation.
M. Bara. - Je proposerai mercredi.
Si l'honorable M. Kervyn ne veut pas répondre à ma question, c'est, je suppose, parce qu'il possède les documents auxquels j'ai fait allusion.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Mercredi, j'aurai l'occasion de m'expliquer.
M. le président. - L'interpellation est donc fixée à mercredi.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Wanzone, le 1er mai 1871, le sieur de Géradon-d'Omalius demande la suppression des barrières sur la route de Huy à Tirlemont ou, du moins, la rectification du tableau des barrières annexé à la loi du 10 mars 1838, pour exempter de la barrière de Stade les voitures et chevaux qui se dirigent du côté de Huy.
Votre commission, messieurs a examiné avec attention la demande du pétitionnaire ; elle n'a pas trouvé fondées les assertions du pétitionnaire ; elle partage, au contraire, l'avis de l'avocat et l'opinion du gouvernement, qui a rejeté une première demande du pétitionnaire. Cependant, elle a conclu, sans rien préjuger, au renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Tamise, le 25 avril 1871, des bateliers de Tamise se plaignent du préjudice causé à leur industrie par suite de l'abolition de la loi du 5 janvier 1844 et de la libre entrée des sels raffinés et demandent une indemnité pour faire changer leurs bateaux de construction spéciale au transport de l'eau de mer en bateaux de transports ordinaires.
Messieurs, vous savez tous que depuis qu'une loi a rendu libre le commerce du sel, ces propriétaires de bateaux qui allaient chercher l'eau de mer pour l'introduire dans le pays n'ont plus, en quelque sorte, lieu d'être.
Ils se trouvent aujourd'hui sans gagne-pain et demandent une indemnité au gouvernement pour faire reconstruire leurs bâtiments de mer, de manière à pouvoir transporter d'autres objets.
Votre commission, messieurs, n'a pas cru pouvoir entrer dans cette voie, parce que le gouvernement a, par tous les moyens possibles, adouci le sort des sauniers ; mais cependant, quant à ceux qui transportent l'eau de mer, votre commission n'a pas cru qu'ils avaient les mêmes droits. Toutefois, elle a conclu au renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Des habitants de Rebecq-Roghon demandent que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire.
Messieurs, cette pétition tranche une question des plus graves et qui, jusqu'ici, n'a pas été examinée par la Chambre.
Un projet de loi est déposé et d'ici à quelque temps ce projet sera soumis à vos délibérations. En attendant, votre commission a cru qu'il n'y avait pas lieu, quant à présent, d'examiner cette question, qu'il fallait attendre la discussion du projet qui est déposé et elle a conclu à l'ordre du jour.
M. Van Humbeeck. - La pétition soumise aux délibérations de la Chambre demande l'inscription dans la loi du principe de l’enseignement obligatoire.
La commission propose l'ordre du jour. L'ordre du jour, messieurs, a, dans les habitudes parlementaires, un sens dédaigneux ; l'ordre du jour n'est pas même, dans le cas qui nous occupe, la conclusion logique des considérations que fait valoir l'honorable rapporteur ; sa conclusion n'est inspirée, dit-il, que par l'existence d'une proposition de loi qui permettra de discuter bientôt la question au fond.
Les conclusions de la commission doivent donc être modifiées ; malgré les explications dont l'honorable rapporteur les a accompagnées, elles seraient interprétées certainement comme une marque de dédain.
Or, la question par elle-même mérite évidemment un autre accueil ; elle le mérite surtout dans les circonstances où elle se produit. Hier, deux honorables organes de la section centrale saisie de la proposition de l'honorable M. Funck ont reconnu l'importance de la question ; ils ont déclaré que la section centrale désirait s'en occuper avec un soin tout particulier, qu'elle avait pour cela demandé au gouvernement un grand nombre de documents qu'elle comptait examiner avec la plus vive attention.
Eh bien, messieurs, que la Chambre reste conséquente avec ses antécédents.
Elle a voté la prise en considération de cette proposition ; elle entend la soumettre à un examen sérieux. Qu'on prenne par conséquent la seule mesure qui me paraisse en situation, qu'on renvoie la pétition à la section centrale qui est chargée d'examiner la proposition de l'honorable M. Funck.
M. Lelièvre. - Il est évident qu'il est impossible de prononcer l'ordre du jour. Le principe que la pétition tend à faire consacrer est l'objet d'une proposition faite par l'honorable M. Funck et prise en considération par la Chambre. Il est donc évident que cette pétition doit être renvoyée à la section centrale qui est chargée de l'examen de la proposition ci-dessus énoncée et qui se prononcera en même temps sur la requête dont nous nous occupons.
M. le président. - La parole est à M. Guillery.
M. Guillery. - Je voulais faire la même proposition et la même observation que l'honorable M. Van Humbeeck.
M. Vander Donckt, rapporteur. - A moins d'avoir deux discussions sur le même objet, il convient de s'entendre. Je crois que la proposition de l'honorable M. Van Humbeeck peut être acceptée. Nous n'aurons ainsi qu'une discussion, tandis que si nous ouvrions aujourd'hui un débat, nous devrions en avoir un second lorsque nous nous occuperons de la proposition de l'honorable M. Funck, et nous ferions perdre à la Chambre un temps précieux.
Je dirai, pour la justification de la commission, que la proposition de M. Van Humbeeck est amenée en suite des observations qui ont été faites dans la séance d'hier, tandis que les conclusions de la commission des pétitions datent du mois de mai de la session passée.
Je ne m'oppose pas à la proposition de l'honorable M. Van Humbeeck.
- Le renvoi de la pétition à la section centrale chargée d'examiner la proposition de M. Funck est prononcé.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Marche-Ies-Ecaussines, le 1er juin 1871, le conseil communal de Marche-les-Ecaussines demande la remise de l'impôt foncier de l'exercice courant pour les cultivateurs de cette commune.
Messieurs, il y a une proposition de loi faite pas nos honorables collègues MM. Delexhy, Bricoult et autres.
Votre commission, messieurs, n'a pas voulu préjuger la question. En la laissant entière, elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances, puisqu'il doit y avoir une discussion sur cet objet lorsque nous nous occuperons du projet de loi présenté par d'honorables membres de cette Chambre.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Gand, le 28 mai 1871, les sieurs De Potter et Van Broeckaert prient la Chambre de prendre des mesures pour la conservation des archives qui se trouvent dans les communes.
Messieurs, nous avons assisté déjà à une discussion sur cet objet ; l'honorable M. de Baets vous a signalé les inconvénients qu'il y a aujourd'hui quant à la conservation des archives ; il vous a indiqué même un local à Gand où les archives de la province auraient pu être placées en lieu de sûreté et de manière à ne pas être exposées à se perdre ou à se détériorer, comme cela est déjà arrivé dans plusieurs localités.
Votre commission, messieurs, tout en recommandant cet important objet à la sollicitude toute spéciale du gouvernement, conclut au renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Jodoigne-Souveraine, le 24 mai 1871,le sieur Rasquart, combattant de 1830, demande une augmentation ou un secours.
Il s'agit, messieurs, d'un combattant de 1830 qui demande une augmentation de pension ou un secours. Il a pris part à différents combats pour notre émancipation politique et il a été blessé au genou au combat de Bautersem. Il a été décoré par Sa Majesté le Roi. Aujourd'hui, il se trouve âgé et infirme par suite de ses blessures. Il n'a qu'une misérable pension de 100 francs par an.
Votre commission, messieurs, a cru pouvoir recommander ce combattant de 1830 à la bienveillance spéciale de l'honorable ministre de (page 26) l'intérieur afin qu'il obtienne un adoucissement à l'état précaire dans lequel il se trouve.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Maeseyck, le 26 mai 1871, le bourgmestre de Maeseyck transmet copie d'une requête du conseil communal à M. le ministre des travaux publics, pour obtenir l'intervention pécuniaire de l'Etat dans les frais de construction d'un pont sur la Meuse à Maeseyck.
Votre commission a cru devoir adopter cette manière de voir et elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par deux différentes pétitions, des habitants de Bruxelles prient la Chambre de s'occuper de la question des sépultures. Voici comment ils s'expriment :
« Les soussignés, en présence des profanations dont les cimetières catholiques sont à chaque instant l'objet, demandent avec instance qu'une solution, qui puisse satisfaire la grande majorité des Belges, soit donnée au plus tôt à l'importante question des sépultures.
« Cette question étant une de celles qui préoccupent le plus vivement l'opinion publique, ils osent espérer, messieurs, que vous voudrez bien prendre leur demande en sérieuse considération. »
Votre commission, partageant la manière, de voir des pétitionnaires, a cru devoir conclure au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
Une commission a déjà été nommée par le gouvernement. Cette commission a terminé ses travaux ; elle a déposé son rapport. Le pays attend une prompte solution de cette question épineuse, qui constitue un véritable brandon de discorde dans les communes.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Beaumont, le 5 juin 1871, les membres du conseil communal de Beaumont réclament l'intervention de la Chambre pour que le gouvernement s'engage à exploiter la ligne de Beaumont à Thuillies et Berzée dès qu'elle sera terminée,
La commission propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, des habitants de Hamme demandent que le service de la poste entre Hamme, Saint-Nicolas et Termonde se fasse par une voiture fermée, à quatre roues, attelée de deux chevaux.
Messieurs, la commune de Hamme joue vraiment de malheur ; une commune qui est un chef-lieu de canton important aurait droit à une voie ferrée ; malheureusement, il y en a plusieurs dans le voisinage et par suite les communications, au lieu d'augmenter, sont encore réduites davantage.
Votre commission, dans l'intention de favoriser l'industrie et le commerce de cette importante localité, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
M. Vermeire. - Je viens appuyer les conclusions de la commission des pétitions.
Comme l'a dit l'honorable rapporteur, la commune de Hamme semble jouer de malheur, car non seulement le service pour le transport des voyageurs entre Termonde et Saint-Nicolas se faisait au moyen d'une mauvaise carriole sur deux roues et ouverte ; mais depuis le 15 de ce mois le service entre Hamme et Saint-Nicolas est complètement interrompu. Quels peuvent en être les motifs ? Je l'ignore ; ce que je sais, c'est qu'il y a un an environ le gouvernement a fait faire une enquête sur le point de savoir si le subside accordé à cette carriole devait être continué. Mais je ferai remarquer que cette enquête a été faite précisément à l'époque de l'année où il y a le moins de voyageurs, c'est-à-dire au mois de décembre, si ma mémoire est fidèle.
Si le service du transport des voyageurs entre Hamme et Saint-Nicolas devait être définitivement interrompu, quelle serait la conséquence de cette interruption ? C'est que, pour une distance de deux lieues, les lettres de Hamme partant pour Saint-Nicolas devraient aller d'abord à Termonde, ensuite à Gand, puis revenir à Saint-Nicolas, c'est-à-dire qu'elles auraient à faire un trajet qui en retarderait trop longtemps la remise.
Nous sommes privés de tous moyens de communication. Malgré le chemin de fer, qui sera probablement construit l'année prochaine, nous restons pour ainsi dire dans un état dont il convient absolument que nous sortions.
Il me semble donc que la meilleure mesure à prendre serait de mettre en adjudication publique le transport des personnes et des lettres entre Termonde et Saint-Nicolas par Hamme, en ajoutant à cette adjudication le camionnage qui se fait aujourd'hui à la station de Termonde. De cette façon, le gouvernement ne ferait pas un grand sacrifice, si tant est qu'il en fasse un ; toutes les communes importantes des arrondissements de Saint-Nicolas et de Termonde seraient, de cette façon, convenablement desservies.
Je recommande donc cet objet à la haute bienveillance du gouvernement. J'ajouterai que la chambre de commerce de Termonde, frappée de cet inconvénient, a cru devoir s'adresser dans le même sens à M. le ministre des travaux publics.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je prends volontiers l'engagement de faire soumettre à un nouvel examen une question qui a déjà été tranchée contrairement aux vieux de l'honorable préopinant. Les raisons qu'il vient de donner à l'appui de ses réclamations pariassent sérieuses et me font désirer qu'elles soient pesées à nouveau.
Je ferai cependant une observation à l'honorable M. Vermeire.
Pour ce qui concerne les services de la nature de ceux dont il s'agit, le gouvernement est lié par des contrats passés avec les maîtres de poste du royaume et, notamment, il ne peut disposer du camionnage avec toute liberté d'action même au profit de tiers qui désireraient et pourraient se charger de l'entreprise à de bonnes conditions pour l'Etat et pour le service public. En tous cas, la question sera soumise à une nouvelle étude.
- Les conclusions du rapport sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Looz, le 1er juin 1871, le conseil communal et des habitants de Looz prient la Chambre d'accorder au sieur Maréchal la concession d'un chemin de fer d'Ans à Breda, par Lowaige, Looz et Hasselt.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d’Orsmael-Gussenhoven, le 31 mai 1871, le conseil communal d'Orsmael-Gussenhoven demande que le chemin de fer projeté de Tirlemont à Diest, partant de la station de l'Etat à Tirlemont, laisse cette ville à gauche et se dirige ensuite sur Wommersom, Melckwezer, Heelenbosch et Léau, avec station entre Léau et Heelenbosch.
Même demande des conseils communaux de Melckwezer, Heelenbosch, Dormael, Halle-Boyenhoven.
Votre commission, messieurs, n'a pas les éléments d'appréciation nécessaires pour développer ses conclusions. Elle se borne donc à proposer le renvoi pur et simple de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, des propriétaires et cultivateurs de l'arrondissement d'Arlon, se plaignant d'une décision par laquelle l'administration remet en vigueur la loi du 7 ventôse an XII, concernant la largeur des jantes de voitures, prient la Chambre de faire disparaître ou de modifier cette loi.
Messieurs, un des grands inconvénients qu'éprouvent nos cultivateurs provient de cette prescription relative à la largeur des jantes des voitures, établie par une loi bien ancienne déjà et qui est, en quelque sorte, tombée en désuétude.
Depuis quelque temps, l'administration semble s'être réveillée et elle applique la loi de ventôse, an XII avec une rigueur extraordinaire.
Il y aurait, ce me semble, d'autant plus de raison d'abroger formellement cette loi surannée qu'elle n'est plus guère qu'un moyen de vexer les cultivateurs qui ne veulent pas donner de pourboires aux agents de l'administration. (Interruption.)
Votre commission croit, messieurs, qu'en réalité cette loi est surannée et qu'il y a lieu de prendre des mesures pour concilier l'intérêt général avec l'intérêt des particuliers.
Dans ce sens, elle a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. Van Hoorde. - J'appelle aussi la sérieuse attention de l'honorable ministre des travaux publics sur cette pétition.
La loi de ventôse an XII, dans les dispositions qui concernent la largeur des jantes, est, comme vient de le dire l'honorable rapporteur, tout à fait tracassière et de plus souverainement injuste.
Elle est tracassière parce qu'elle ouvre la porte à une foule de contestations.
Elle est souverainement injuste parce qu'elle met tous les petits cultivateurs indistinctement dans l'impossibilité absolue de profiter des avantages de notre beau réseau de routes.
(page 27) Son utilité, au point de vue de la conservation des routes, est fort contestable, et si cette utilité existe, elle ne compense pas, à coup sûr, les inconvénients dont se plaignent les pétitionnaires,
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je ne puis accepter les conclusions dans les termes où elles ont été proposées.
D'abord, je proteste de toutes mes forces contre l'interprétation donnée aux procès-verbaux des agents de l'Etat par l'honorable rapporteur.
Je suis convaincu que ces agents font consciencieusement leur devoir envers tout le monde.
La loi n'est pas tombée en désuétude.
Seulement, si l'honorable membre connaissait ce qui se passe pour les chaussées macadamisées, lui qui ne voit que des routes pavées, il saurait les avantages qu'il y a à employer des jantes larges.
On a toléré pendant quelque temps des jantes plus étroites. On en a éprouvé de grands inconvénients et c'est alors qu'on est revenu au système de la loi de ventôse an XII.
Sauf meilleur avis et je ne crois pas qu'il me serait donné par une nouvelle instruction, je suis décidé à maintenir cette loi.
M. Van Hoorde. - Je ne demande pas une solution immédiate de la question : je prie seulement l'honorable ministre des travaux publics de la soumettre à un examen. Cet examen lui démontrera l'exactitude de ce que j'ai dit.
Il verra que la disposition dont il s'agit est une source de difficulté. Je n'en fais pas un reproche à l'administration : ces difficultés dérivent de la nature même des choses, et elles seront inévitables aussi longtemps que la loi n'aura pas été modifiée.
Il verra, en outre, que, actuellement, les propriétaires d'attelages légers sont dans l'impossibilité absolue d'effectuer leurs transports eux-mêmes.
M. Muller. - Je n'interviens dans cette discussion que pour appuyer les observations présentées par M. le ministre des travaux publics sans toutefois entrer dans le fond du débat.
Messieurs, il est notoire que la plupart des conseils provinciaux, si pas tous, ont porté des règlements pour proscrire l'emploi de jantes étroites, parce qu'elles dégradent considérablement les routes.
Il ne faut donc pas traiter cette question légèrement, ni déclarer que la loi en vigueur est vicieuse et qu'elle ne tend qu'a faire subir des vexations aux habitants.
Je pense, moi, que l'interdiction des jantes étroites est très utile, qu'elle est même nécessaire pour maintenir les routes dans un état de bonne constitution.
Autrefois, si l'on était quelque peu tolérant, c'est parce qu'on voulait permettre aux possesseurs d'attelages à jantes étroites de les remplacer par d'autres, au fur et à mesure qu'ils étaient mis hors de service. Mais déclarer, aujourd'hui, en pleine Chambre, qu'il faut autoriser de nouveau sans limites l'emploi de jantes étroites pour les chariots des campagnards, ce serait rendre, je le répète, un très mauvais service à la voirie vicinale. Avant d'en arriver là, il faudrait, au moins, qu'on consultât de nouveau les conseils provinciaux, et je crois qu'ils n'hésiteraient pas à maintenir l'interdiction dont on demande imprudemment le retrait.
M. de Theux. - Messieurs, la question qui est soulevée a certainement beaucoup d'importance. Après les observations qui viennent d'être échangées, je crois qu'il conviendrait de renvoyer la pétition à M. le ministre des travaux publics et d'engager l'honorable ministre à communiquer un mémoire en réponse qui éclaircisse définitivement la question qu'il importe d'élucider.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. de Theux. Je ne me suis pas refusé à examiner la pétition dont il s'agit ; j'ai simplement exprimé mon opinion.
L'entretien des routes nous coûte beaucoup d'argent. Récemment encore certains baux d'entretien ont été renouvelés à des prix beaucoup supérieurs à ceux des baux qui venaient d'expirer. Il est connu de nous tous représentants des provinces wallonnes que les jantes étroites coupent d'une façon déplorable les chemins macadamisés.
Je crois donc qu'il est de bonne administration, dans l'intérêt de la conservation des routes, de maintenir la loi du 7 ventôse an XII.
Je ne refuse pas de faire examiner de quel poids devrait peser dans la balance l'intérêt des petits cultivateurs. C'est à ce point de vue seulement que l'examen pourrait peut-être amener un changement. J'ai exprimé mon sentiment personnel. Je soumettrai la question aux hommes compétents du département et je suis disposé à faire connaître à la Chambre le résultat de cet examen, ainsi que l'a demandé l'honorable comte de Theux.
M. Pety de Thozée. - Je désirerais que M. le ministre des travaux publics voulût bien faire examiner la question à un autre point de vue encore. Je comprends, comme l'a dit tantôt l’honorable M. Muller, qu'il puisse être dans l'intérêt de l'entretien facile et peu coûteux des routes, de réglementer la largeur des jantes des voitures, Mais de pareilles mesures causent aux cultivateurs des ennuis et des tracasseries de tous genres, qui vont à l’encontre du but que l'on vont atteindre. Quand on construit des routes, il faut que l'on y circule le plus et le plus aisément possible.
Il y a à cet égard un grand intérêt ; et sur un autre terrain, ou plutôt sur le même terrain, il se passe ici quelque chose d'analogue à ce qui se présentait lorsque les barrières venaient entraver la circulation sur les grandes routes. On a aboli les barrières dont le produit servait à l'entretien des routes. D'autres ressources ont été créées, et les routes sont aujourd'hui dans un excellent état, quoique l'allocation des barrières vienne à manquer.
Dans l'intérêt de l'agriculture, je crois donc devoir engager l'honorable ministre des travaux publics à examiner la question soulevée par la pétition des propriétaires et cultivateurs de l'arrondissement d'Arlon, dans un sens beaucoup plus large que celui qu'il vient d'indiquer.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Je n'ai pas proposé autre chose que d'examiner la question. Les pétitionnaires se plaignent amèrement de la situation qui leur est faite. Le renvoi à M. le ministre n'a d'autre but que de faire examiner les griefs des pétitionnaires et l'intérêt général des routes, de manière à concilier, autant que possible, ces divers intérêts.
Je me rallie donc à la proposition de l'honorable comte de Theux.
M. Lelièvre. - Il y a également un point de vue qui doit fixer l'attention de M. le ministre des travaux publics, c'est celui qui concerne le poids des voitures et la manière de constater les surcharges. Il s'élève souvent, à cet égard, des questions délicates, sur l'une desquelles il a même existé un conflit entre la cour régulatrice et les tribunaux inférieurs.
J'appelle donc la sollicitude de M. le ministre des travaux publics sur cette question qui a déjà été signalée antérieurement à l'attention du gouvernement. Elle a trait à la loi dont les pétitionnaires demandent la révision.
- Le renvoi à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explications, est mis aux voix et adopté.
(page 21) M. Dumortier. - Messieurs, tout à l'heure vous avez décidé que, dans la séance de mercredi prochain, on traiterait la question de la nomination de l'honorable M. De Decker au gouvernement de la province de Limbourg. Puisque vous allez vous occuper de cet ordre de questions, je demanderai au gouvernement le dépôt d'un document auquel j'attache la plus haute importance. Si le bruit qui est répandu est exact, la veille ou l'avant-veille de l'ouverture de la session, le juge d'instruction de Bruxelles aurait envoyé des agents de police faire des visites domiciliaires qui sont un véritable scandale.
J'ai entendu dire que, chez l'honorable M. De Decker, on est allé à ce point qu'on a scié son coffre-fort en fer. Chez l'honorable M. Nothomb, on est arrivé avec des crochets pour crocheter tout ce qu'il y avait dans la maison (interruption) sans la présence du juge d'instruction.
Or, messieurs, la loi et la Constitution sont formelles ; la loi exige que les visites domiciliaires soient faites d'après les règles qu'elle prescrit et la Constitution déclare que le domicile du citoyen est inviolable. Je sais qu'on a invoqué un arrêt de la cour de cassation. Mais, messieurs, nous sommes les gardiens de la Constitution, et s'il arrivait qu'une cour quelconque, fût-ce la cour suprême, violât la Constitution, nous devons faire respecter le pacte fondamental.
Je vous ai rappelé dans une autre circonstance un axiome belge : c'est que bourgeois est maître dans son pays ; c'est que le domicile du citoyen y est sacré !
Il n'appartient pas à un agent de police d'entrer dans une maison, pour y visiter des papiers, pour ouvrir des tiroirs, pour en enlever des documents dont on ne fait pas un inventaire et dont on ne donne pas un reçu !
Si de pareils faits sont vrais, la Chambre a un devoir à remplir ; nous devons avant tout faire respecter la Constitution, mettre le domicile à l'abri des agents de police qui viennent l'envahir, le visiter sans la présence du juge d'instruction.
Je le répète, dans le cas dont il s'agit, les agents de police ont enlevé des documents dont ils n'ont pas donné un reçu. Tout cela est intolérable.
Je demande que, pour la séance de mercredi prochain, M. le ministre de la justice nous fasse un rapport sur les faits que je viens de dénoncer à la Chambre et qui sont d'une tout autre gravité que la nomination du nouveau gouverneur du Limbourg.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Messieurs, les observations que vient de présenter l'honorable M. Dumortier pourront être examinées en même temps que celles que l'honorable M. Bara fera valoir lors de son interpellation. Je dois dire cependant que je fais toutes mes réserves sur les paroles qui viennent d'être prononcées par l'honorable M. Dumortier.
Je ne sais s'il est vrai, comme l'honorable membre l’a dit, que de simples agents de police auraient pénétré dans la maison d'une personne qu'il a désignée. Je prendrai des renseignements à cet égard ; et c'est seulement après qu'ils m'auront été fournis, qu'il me sera possible de m'expliquer sur les faits dont il s'agit.
M. Dumortier. - Je ne vous demande pas de vous expliquer sur les faits ; je réclame un rapport.
M. Bara. - Messieurs, je suis vraiment étonné de la réclamation que vient de formuler l'honorable M. Dumortier, en tant qu'il la rattache aux observations que j'ai présentées tout à l'heure.
Je ne vois pas quelle espèce d'analogie il y a entre la nomination du gouverneur du Limbourg et sa participation dans certaines sociétés en faillite et les actes qu'un fonctionnaire judiciaire aurait posés contrairement à la loi.
Une chose m'étonne : c'est que la question de savoir si un juge d'instruction peut déléguer à un commissaire de police le droit de faire une visite domiciliaire soit soulevée par M. Dumortier précisément à propos d'une visite faite chez les administrateurs de Langrand. Il a fallu que cette jurisprudence fût appliquée à ces administrateurs pour que la verve de M. Dumortier s'allumât.
M. Dumortier sait parfaitement bien que cette jurisprudence est appliquée depuis bien longtemps en Belgique. (Interruption de M. Dumortier.) Vous avez vous-même tout à l'heure cité un arrêt de la cour de cassation, ce qui prouve que la jurisprudence signalée a été appliquée puisqu'elle a été contestée et qu'un arrêt de la cour suprême a déclaré qu'elle était conforme à la loi.
Comment se fait-il, et c'est sur ce point que j'appelle l'attention de la Chambre et du pays, comment se fait-il que M. Dumortier, si plein de sollicitude quand il s'agit des droits du bourgeois, quand il s'agit de défendre le foyer domestique, n'ait pas élevé la voix alors qu'on faisait chez de pauvres gens, chez des hommes du peuple, des perquisitions du genre de celles dont il se plaint, aujourd'hui qu'il s'agit de personnes riches et de ses amis politiques. (Interruption.)
Oh ! voilà la moralité de votre interpellation ; je la signale dès maintenant à l'attention publique. Vous ne voulez parler de cette prétendue question de droit que comme dérivatif à la question de moralité publique que nous manifestons l'intention de soulever. Mais ne vous y trompez pas : il n'y a aucun lien entre ces questions, et vous ne parviendrez pas à détourner le débat et à escamoter la discussion par un dérivatif. (Interruption.) Je regrette que ce soit M. Dumortier qui se fasse le promoteur d'un pareil plan de campagne ; son passé devait le prémunir contre un pareil acte.
M. Dumortier. - Je suis vraiment étonné de voir l'honorable préopinant me reprocher de n'avoir de sollicitude que pour les administrateurs des sociétés Langrand avec lesquels je n'ai jamais eu aucun rapport ni direct ni indirect...
M. Bara. - Je vous en félicite.
M. Dumortier. -... et de n'en pas avoir lorsqu'il s'agit de pauvres diables. L'honorable membre doit savoir d'abord que des faits pareils ne nous sont pas révélés souvent. Je saisirai dans ma vie politique toutes les occasions qui se présentent pour les signaler. J'ai exposé ici ce qui s'est passé à Louvain, en 1859, dans l'affaire Coppin. J'ai montré la conduite scandaleuse que l'on a tenue à Saint-Génois lorsqu'on a cherché à Gand un commissaire de police pour faire des visites domiciliaires dans la Flandre occidentale. J'ai toujours regardé l'inviolabilité du domicile comme l'une des plus hautes garanties qui existent en Belgique. Que devient cette inviolabilité du domicile si, en votre absence, un agent de la justice se présente chez vous, bouleverse vos papiers au risque d'occasionner la mort de votre femme ou de vos filles ? L'effroi que peuvent occasionner de pareilles visites ne compte-t-il donc pour rien ?
L'inviolabilité du domicile n'est-elle plus rien pour M. Bara ? J'aurais voulu qu'il appuyât ma motion. Le domicile doit être inviolable et la Constitution respectée.
Vous dites, M. Bara, que de pareilles visites domiciliaires se font tous les jours. Je l'ignore, mais raison de plus pour que nous nous occupions de tels faits le jour où ils nous sont signalés et pour que nous recherchions si nous n'avions pas de mesures à prendre pour les empêcher. Le devoir des Chambres est de prendre ces mesures ; elles doivent au besoin blâmer le juge d'instruction qui se les est permises. Le parlement anglais (page 22) en pareille circonstance ne faillirait pas à ce devoir. Le même devoir nous est dicté aujourd'hui vis-à-vis de nos commettants, vis-à-vis de la nation entière. L'inviolabilité du domicile est dans l'ordre civil l'une des plus grandes garanties qui soient assurées aux citoyens d'un pays libre.
Si cette garantie est en cause, je demande que M. le ministre nous fasse un rapport non sur son opinion, mais sur les faits tels qu'ils se sont passés.
S'il est vrai que la maison de l'ancien ministre de l'intérieur, de l'ancien président du conseil des ministres a été envahie, que ses coffres-forts ont été ouverts, que l'on a saisi ses papiers, si l'on a même été jusqu'à violer la correspondance la plus intime d'un ancien membre de la Chambre des représentants, s'il est vrai que l'on a emporté ses papiers, ses documents, sans même lui en donner un récépissé, alors même que ceux chez lesquels on a fait des visites domiciliaires n'ont pas le plus petit document pour réclamer leurs pièces, s'il est vrai même qu'on a fait ces visites domiciliaires chez un avocat qui par sa profession - M. Bara le sait - doit conserver les secrets de ses clients.
Cela est-il vrai, oui ou non ? Est-il vrai que l'en ait été fouiller dans les pièces d'un avocat ?
Peu m'importent les personnes qui sont ici en cause. Ce n'est pas une question personnelle qui me préoccupe : ce qui me touche, c'est le respect de nos libertés publiques, qui sont, par-dessus tout, chères à mon cœur. Je n'examine donc pas l'affaire qui a donné lieu à ces perquisitions ; je me borne à signaler une violation scandaleuse de la Constitution ; et je me réserve, s'il y a lieu, de formuler une proposition de blâme ou de censure contre l'auteur de cette violation. Cela n'empêchera pas l'honorable M. Bara de discuter la question qu'il a annoncée ; j'admets que cette discussion ne doive pas être confondue avec la mienne ; mais il s'agit ici d'un scandale tel que la Chambre ne peut pas rester indifférente et silencieuse devant les faits dont je viens de parler.
M. Bara. - L'honorable M. Dumortier vient de trancher la question et d'y donner sa véritable solution. Il a parfaitement compris qu'il n'y avait aucune, connexité entre l'interpellation que j'ai annoncée à la Chambre et la question qu'il a soulevée.
Mais l'honorable M. Dumortier veut faire croire au public que je ne serai pas toujours prêt à défendre l’inviolabilité du domicile. J'ai toujours été et je suis encore un défenseur bien résolu du respect du domicile des citoyens.
D'autre part, l'honorable membre avance une foule de faits et je m'étonne beaucoup que M. le ministre de la justice ne soit pas à même de se prononcer sur ces faits et de défendre la magistrature. Car, enfin, tout ce que l'honorable M. Dumortier est venu révéler aujourd'hui au pays est le secret de tout le monde.
Son interpellation était annoncée depuis trois jours et les faits qu'il cite étaient mis en circulation, depuis la rentrée, sur tous les bancs de la Chambre. Il serait vraiment bien surprenant que M. le ministre de la justice seul n'en eût pas eu connaissance.
Il n'y a cependant pas si loin du cabinet du procureur général au cabinet de M. le ministre de la justice et il est profondément regrettable que l'honorable ministre ne soit pas à même, dès maintenant, de dire ce qui en est de la conduite des fonctionnaires qui viennent d'être mis en quelque sorte en accusation. Il a la mission de défendre ces fonctionnaires s'ils n'ont fait que leur devoir, ce que nous devons admettre jusqu'à preuve contraire.
Si ces fonctionnaires ont violé la loi, ce n'est pas moi qui prendrai leur défense, mais je me garderai bien de me prononcer sans preuves bien formelles.
Jusqu'à ce qu'on me donne des preuves, je maintiens que la justice n'a fait que son devoir, ne me fiant nullement aux allégations de l'honorable M. Dumortier ; ce qu'il vient de dire des arrêts de la cour de cassation donne la mesure de la confiance que l'on peut avoir dans ses allégations.
Je prierai donc la Chambre de n'établir aucun lien entre mon interpellation et celle de l'honorable M. Dumortier..
M. Guillery. - Lorsque l'honorable ministre de la justice aura donné à la Chambre les explications demandées par l'honorable M. Dumortier, nous examinerons avec le plus grand soin les faits, et s'il y a eu des irrégularités, ce n'est certes pas sur nos bancs que l'on trouvera les représentants les moins disposés à les blâmer.
Mais lorsque j'entends l'honorable M. Dumortier de sa voix toujours jeune, toujours chaleureuse, toujours vibrante, crier au scandale, et quand j'entends appliquer ces expressions aux magistrats, j'avoue que je suis stupéfait.
Il y a de grands scandales, oui ! l'opinion publique est très émue, oui ! mais c'est pour cela même que nous devons respecter notre magistrature et ne pas énerver son action dans un moment où elle a plus que jamais besoin de toute son énergie et de toute son indépendance.
Dans ce qui concerne la garantie du domicile, il y a deux choses : il y a la loi et il y a les magistrats qui l'appliquent.
Je ne suis point le défenseur des lois sur l'instruction criminelle. Je sais qu'elles renferment de grands abus et je serai l'un des premiers à appuyer toute réforme possible, pratique qui sera proposée dans cette enceinte.
Il y a évidemment mieux à faire que ce qui a été fait ; mais je suis indigné du fond de mon âme lorsque j'entends blâmer aussi légèrement des magistrats qui remplissent consciencieusement un grand devoir social et qui ne font qu'appliquer les principes que leur trace la jurisprudence des arrêts.
Quant à moi, messieurs, j'attendrai pour juger que les faits soient connus. Mais je n'attendrai pas que le rapport de M. le ministre de la justice soit déposé pour venir ici me porter garant de la magistrature que je connais, que je respecte et que j'honore, que tout le monde doit respecter et honorer et qui, je n'en puis douter, a rempli son devoir comme elle devait le faire. Je suis convaincu que dans tout ce qui s'est fait il y a la plus grande loyauté et le plus grand respect de la loi, et je maintiendrai cette opinion jusqu'à preuve du contraire..
M. Cornesse, ministre de la justice. - Messieurs, je crois que toutes les observations qui viennent d'être présentées sont parfaitement prématurées. Je ne serai pas le dernier à défendre la magistrature contre des imputations qui seraient éminemment regrettable, je n'hésite pas à le dire, si elles n'étaient pas justifiées.
Mais un vétéran de la Chambre dénonce des faits graves et demande que le ministre de la justice prenne des informations. Je crois que dans ces conditions le devoir du ministre de la justice est d'attendre des renseignements pour se former une opinion. Il ne s'agit pas de discuter ici à priori, sur le respect qui est dû à la magistrature.
Je ne demanderai de leçons à cet égard ni à mon honorable prédécesseur ni à l'honorable M. Guillery. Nul plus que moi n'est disposé à défendre la magistrature lorsqu'elle exerce ses prérogatives dans les limites légales ; nul plus que moi ne la poussera à remplir son devoir envers et contre tous, quels que soient les accusés mis en cause.
Mais je me suis, en matière d'instruction judiciaire où la passion politique peut être soupçonnée de se mêler, je me suis, dis-je, tracé une ligne que je ne veux pas franchir ; c'est de ne pas intervenir, c'est de ne pas y mettre la main, c'est de laisser à la justice sa pleine et entière liberté et voilà pourquoi j'ignore aujourd'hui officiellement ce qui s'est passé. Ce n'est pas sur des bruits qui peuvent circuler sur les bancs de la Chambre que je veux me former une opinion ; je ferai donc droit aux observations de M. Dumortier ; je demanderai des renseignements officiels, je les communiquerai à la Chambre et alors chacun fera son devoir.
Si la magistrature est sortie des limites légales, je serai le premier à m'associer au blâme qui lui serait infligé ; si, au contraire, elle est restée dans les bornes que la loi lui trace, je suis convaincu que l'honorable M. Dumortier s'associera lui-même à moi pour la féliciter d'avoir rempli son devoir.
M. Dumortier. - Je ne puis que confirmer ce que vient de dire M. le ministre de la justice.
Pour mon compte, je suis le premier à déclarer que si la magistrature n'est pas sortie des limites que la loi lui trace, je dirai qu'elle a bien fait. Mais je ne puis pas admettre avec l’honorable M. Guillery, qu’on puisse confondre le juge d’instruction, opérant comme juge d’instruction, avec le magistrat proprement dit. Il y a, dans le juge d’instruction, deux hommes ; il y a le magistrat qui est irresponsable vis-à-vis de vous ; mais il y a aussi le juge d’instruction qui est un délégué du pouvoir et qui est tellement responsable devant vous qu’il l’est même devant le procureur général.
Ne confondons pas ces situations, mon honorable collègue ; comme juge, nous n'avons pas à nous occuper de ses jugements ; nous avons à nous y soumettre ; nous avons à réformer la loi, si la loi prête à des abus. Mais, comme juge d'instruction, il est l'agent du pouvoir et, en vertu de la Constitution, tous les agents du pouvoir sont responsables devant le parlement.
Voilà la distinction que je prie l'honorable M. Guillery de faire et qui (page 23) renverse complètement le reproche qu'il m'a adressé, d'ailleurs, je dois le dire, avec beaucoup de bienveillance.
M. Guillery. - Je ne comprends pas trop la distinction que fait l'honorable M. Dumortier, et les reproches qu'il m'adresse, puisque j'ai dit que je serais le premier à blâmer toute irrégularité, quel que soit celui qui la commet, fût-ce un magistrat inamovible. Partout où je verrai une violation de la loi, je n'hésiterai pas à la blâmer. Il n'y a, à cet égard, aucune espèce de distinction à faire et je ne réclame l'irresponsabilité pour personne.
Quant à M. le ministre de la justice, je ne comprends pas, je l'avoue, ses reproches. Je n'ai pas dit un mot de lui ; je ne lui ai pas répondu ; je n'ai fait aucune allusion à ses observations ; et il croit devoir déclarer à la Chambre qu'il ne prendra pas de mes leçons pour défendre la magistrature. Je n'ai jamais eu la prétention de donner des leçons à M. le ministre de la justice. C'est à moi de lui en demander. Je reconnais volontiers sa supériorité en toutes choses et je serai trop honoré d'aller à son école.
Je n'ai pas eu la prétention de lui tracer une ligne de conduite, mais je me suis trouvé dans un parlement où l'on a attaqué vivement la magistrature et où je n'ai pas entendu qu'elle fût défendue. J'ai cru de mon devoir de vieil avocat, ayant vu la justice de près, ayant appris à l'estimer et à l'honorer, de protester contre des paroles que j'avais trouvées blessantes et injustes ; je crois que, dans tous les cas, un arrêt de la cour de cassation est pour le juge d'instruction une règle à suivre.
Je me suis borné, messieurs, à défendre ceux qui ont été attaqués.
(page 27) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Hoesselt, le 19 juin 1871, des détenteurs de chevaux de troupes étrangères désarmées à leur entrée sur le territoire belge demandent que le gouvernement autorise ceux qui en exprimeront le désir à garder les chevaux contre payement du prix de l'estimation consignée au procès-verbal de la remise et que les autres ne soient pas obligés de les conduire à Blandain.
Messieurs, cette pétition est devenue sans objet. Si le gouvernement a accordé à des cultivateurs belges des chevaux appartenant soit à l'armée belge, soit aux armées étrangères, aujourd'hui tout cela n'a plus lieu et les chevaux sont rendus à leurs propriétaires. En conséquence, messieurs, je crois pouvoir modifier la première proposition de la commission qui avait conclu au renvoi de M. le ministre de la guerre et j'ai l'honneur de vous proposer le dépôt au bureau des renseignements.
- Cette proposition est adoptée.
- M. Schollaertù remplace M. Tack au fauteuil.)
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Champs, le 21 juin 1871, des habitants de Champs-et-Rouette, section de la commune de Longchamps, demandent la construction d'un bâtiment d'école.
La Chambre a constamment témoigné de tout l'intérêt qu'elle attache à ce que chaque commune et même chaque hameau soit pourvu d'une maison d'école.
Les pétitionnaires se plaignent amèrement de l'état où se trouve leur localité sous le rapport de l'enseignement primaire.
Votre commission, messieurs, a cru devoir proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Amonines, le 20 juin 1871, les membres du conseil communal et des habitants d'Amonines demandent le rétablissement de la malle-poste faisant le parcours de Hotton à Erezée ; 2° de la seconde levée de la boîte aux lettres à Amonines.
Messieurs, il est un point que je tiens à signaler au gouvernement ; (page 28) c'est que partout où l'on établit des chemins de fer dans le voisinage de localités importantes, on supprime les malles-postes, de sorte que ces localités n'éprouvent pas seulement le malheur de n'être pas rattachées au réseau du chemin de fer ; mais on les prive encore du léger avantage dont elles jouirent encore aujourd'hui par les malles-poste, par les carrioles, à mesure que le réseau du chemin de fer s'étend.
Les pétitionnaires demandent que la malle-poste qui a été supprimée, encore une fois à cause de l'établissement d'un chemin de fer dans leur voisinage, que cette malle-poste soit rétablie et que la seconde levée de la boîte aux lettres ait lieu de nouveau.
Dans ces termes, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je puis annoncer à l'honorable rapporteur qu'une première satisfaction a déjà été donnée aux pétitionnaires.
Par un ordre spécial du 7 octobre, la seconde levée de la boîte aux lettres a été rétablie.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Bien !
M. Pety de Thozée. - M. le ministre des travaux publics n'a pas répondu, je pense, à la première partie de la pétition, qui demande le rétablissement, de la malle-poste de Melreux à Erezée.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'ai dit qu'une première satisfaction avait déjà été donnée aux pétitionnaires. Je veux parler du rétablissement de la seconde levée de la boîte aux lettres à Amonines. Quant au second objet, qui est le rétablissement de la malle-poste, j'accepte le renvoi de la pétition à mon département, et j'examinerai l'affaire.
M. Pety de Thozée. - Je n'insiste pas, M. le ministre, et, dans ces fermes, j'appuie les conclusions de la commission, persuadé que vous examinerez cette demande avec la même bienveillance que l'autre partie de la pétition.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Ham-sur-Sambre, le 25 mai 1871, des habitants de Ham-sur-Sambre demandent le prolongement jusqu'à Sart-Laurent, et par Ham-sur-Sambre, de la route d'Eghezée à la Sambre.
La commission vous propose le renvoi de cette pétition à M, le ministre des travaux publics.
M. Lelièvre. - J'appuie la demande des pétitionnaires qui est fondée sur les plus justes motifs. Il s'agit d'une œuvre d'utilité publique qui doit procurer d'immenses avantages à de. nombreuses populations. J'appelle donc sur la requête l'attention spéciale de M. le ministre des travaux publics et je prie ce haut fonctionnaire de vouloir faire en sorte que la voie dont il s'agit soit établie dans le plus bref délai.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je puis annoncer à mon honorable collègue, M. Lelièvre, que l'instruction de cette affaire est déjà commencée et que les études continuent.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Jupille, le 24 juin 1871, des habitants de Jupille demandent que le gouvernement ne relève point les tarifs des chemins de fer pour le transport des voyageurs.
Même demande d'habitants de Bruxelles, Huy, Liège, Verviers, Hodimont, Taviers et d'un grand nombre de communes du pays.
Cette pétition est également devenue sans objet par suite de la réforme du tarif des chemins de fer. J'ai donc l'honneur d'en proposer le dépôt au bureau des renseignements.
- Le dépôt au bureau des renseignements est ordonné.
- Impression et distribution.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Ninove, le 6 janvier 1871, des propriétaires ou locataires de prairies riveraines du Molendender, à Ninove, réclament l'intervention de la Chambre : 1° pour obtenir l'indemnité qui leur est duc par suite du dommage que leur a fait subir le changement du régime des eaux de la Dendre et du Molendender ; 2° pour que le département des travaux publics fasse cesser la cause de ces dommages ; 3° pour qu'il leur soit accordé une indemnité à raison de la privation de la propriété du lit du Molendender, si l'Etat persiste à les en priver.
Les pétitionnaires prétendent que le lit même du Molendender, branche de la Dendre qui s'étend dans leurs terres, est leur propriété privée ; que l'Etat a, en conséquence, disposé de leur bien, et ils réclament de ce chef une indemnité. D'autre part, messieurs, il paraît que ces pétitionnaires ont subi des dommages considérables par suite de la canalisation de la rivière, qui donne lieu à des inondations fréquentes, à cause des fausses manœuvres des écluses et ils demandent également à être indemnisés de ce chef.
Votre commission, tout en appuyant les réclamations des pétitionnaires, conclut au renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
M. de Naeyer. - Je crois devoir recommander cette pétition à toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics. La situation des propriétés dont il s'agit est devenue réellement intolérable. C'étaient autrefois des prairies magnifiques, des prairies de première classe et bientôt elles seront réduites à l'état de marais ne produisant plus que de mauvaises herbes. Cela doit être évidemment attribué à des causes résultant de la canalisation de la Dendre.
En effet, les prairies dont il est ici question sont situées des deux côtés d'une dérivation de la Dendre, appelée de Molendender, et qui est en communication tout à fait libre avec le bief en amont de l'écluse de Tollaere ; or, par suite, de la canalisation de la rivière, l'étiage a été élevé considérablement dans ce bief et par conséquent aussi dans le Molendender, à tel point que les berges ont dû être exhaussées par la construction de digues. En outre, il arrive presque toujours que, pour favoriser la navigation, on laisse les eaux dépasser la cote réglementaire de 10, 20 et même 30 centimètres. De manière que les prairies riveraines se trouvent pour ainsi dire constamment à un niveau plus bas que les eaux retenues dans le Molendender. De là des infiltrations qui entraînent pour les prairies un excès d'humidité permanent, c'est-à-dire une détérioration telle que, sans rien exagérer, elle doit être considérée comme une véritable expropriation sans indemnité de la valeur de ces propriétés.
J'appelle sur ce point la plus sérieuse attention de l'honorable ministre des travaux publics. Il y a ici évidemment une injustice à redresser et j'espère que l'honorable ministre fera prendre les mesures nécessaires à cet effet.
- Les conclusions du rapport sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition, datée de Mons, le 24 avril 1871, le sieur Colson, ancien directeur d'hôpital, demande à être mis en jouissance de sa pension.
Le pétitionnaire s'est adressé d'abord au département de la guerre, qui n'a pas trouvé ses prétentions fondées ; ses différentes pétitions et réclamations, présentées à diverses époques, depuis nombre d'années, ont été successivement repoussées.
Votre commission, messieurs, n'a pas cru pouvoir accueillir cette pétition. Elle a, en conséquence, l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Gilles lez-Bruxelles, le 14 mars 1871, le sieur Luyten demande que les employés qui ne savent pas le flamand soient remplacés dans les provinces flamandes.
Le. sieur Luyten s'est rendu au bureau de la poste aux lettres à Saint-Gilles, où pas un employé n'a pu ou n'a voulu lui répondre en flamand ; il s'est retiré en protestant ; il s'adresse aujourd'hui à la Chambre pour demander que les employés qui ne savent pas le flamand soient remplacés dans les provinces flamandes.
Votre commission croit devoir vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 19 mars 1871, le sieur Vésalle demande que les frais du passage en Belgique d'un ancien souverain ne soient pas à la charge du trésor belge.
C'est à l'empereur Napoléon que le pétitionnaire fait allusion. Votre commission, messieurs, n'a pu considérer sa demande comme sérieuse et elle vous propose, en conséquence, de prononçai l'ordre du jour.
- Adopté.
(page 29) Par pétition datée de Jeneffe, le 10 mars 1871, le sieur Grevesse, ouvrier à Jeneffe, demande que son fils Théophile, milicien de 1868, incorporé au 8ème de ligne, soit renvoyé dans ses foyers.
Votre, commission, messieurs, n'a pas cru que les motifs allégués par le pétitionnaire fussent de nature à être pris en considération. Elle a donc l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Gentbrugge lez-Gand, le 16 mars 1871, le sieur Vandeputte réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la dispense nécessaire afin de contracter mariage avec sa belle-sœur.
La Chambre, messieurs, n'a pas à s'occuper de pareilles questions. La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Jemelle, le 26 mars 1871, le sieur Sanlet demande que les bergers ne puissent mener les moutons dans ses prairies.
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Schaerbeek, le 5 mai 1871, le sieur Lemaire, ancien employé à l'administration de chemins de fer concédés, demande une place au contrôle des marchandises aux chemins de fer de l'Etat.
Le sieur Lemaire a été révoqué de ses fonctions ; par conséquent, votre commission a cru que la Chambre n'était pas disposée à accueillir cette demande. Elle a l'honneur de vous proposer de passer à son ordre du jour sur cette requête.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Marcq, le 30 mars 1871, le sieur Jacquelot demande la rédaction d'un code de morale universelle.
Cette demande n'est pas sérieuse. Votre commission, messieurs, conclut à l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Froidmont, le 21 avril 1871, le conseil communal de Froidmont présente des observations contre l'arrêté royal du 15 janvier 1871, annulant sa délibération du 23 novembre 1870 et le règlement de police communale voté le même jour, et prie la Chambre d'examiner : 1° S'il entre dans les. attributions de l'Etat de posséder et d'administrer par lui-même un établissement d'aliénés ; 2° en cas affirmatif, s'il peut par un règlement porter atteinte à un pouvoir que le conseil communal tient de la loi.
Votre commission, messieurs, n'a pas cru que les diverses observations et les questions du conseil communal méritaient un examen sérieux. Elle a donc conclu purement et simplement à l'ordre du jour. Au fond, cette pétition est le résultat d'un conflit entre l'administration communale et le gouvernement.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 28 avril 1871, le sieur Hierry demande l'abolition de la loi sur la contrainte par corps en matière commerciale.
Votre commission, messieurs, a conclu au renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
« Par pétition datée de Rumbeke, le 18 mars 1871, le conseil communal de Rumbeke demande la révision de la loi sur le domicile de secours.
Messieurs, c'est là une des pétitions les plus importantes que vous puissiez avoir à examiner dans le cours de cette session.
Le domicile de secours est excessivement défavorable et nuisible aux communes du plat pays, qui se ruinent par le grand nombre d'indigents qui sont placés à leurs frais dans les différentes institutions de bienfaisance.
Il y a même une tactique que je tiens à signaler et qui consiste en ceci : c'est que les ouvriers des campagnes qui viennent s'établir dans une commune importante, telle que Bruxelles, Gand ou d'autres grandes villes, sont, à leur insu, désignés comme habitants d'une localité voisine et changés assez à temps de résidence pour rester invariablement domiciliés dans leur lieu de naissance.
C'est là, comme vous le voyez, messieurs, un moyen d'éluder les effets de la loi. Il ne suffit pas d'avoir résidé pendant huit ans dans une commune ; quand bien même on y aurait habité pendant trente ans, on reste toujours habitant de son lieu de naissance.
Il y a même, dans ces villes, un bureau spécial où l'on s'occupe exclusivement de cette branche d'administration et, en cas de conflit, l'ouvrier pauvre est tout étonné d'apprendre qu'il a habité un endroit où il n'a jamais mis le pied ; mais l'existence d'un registre le constate et le procès est jugé malgré sa dénégation !
C'est donc là une considération qui milite en faveur d'une modification à apporter à la loi. La commission a fortement appuyé les motifs allégués par les pétitionnaires et, dans ce sens, elle a conclu au renvoi à 3M le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Lelièvre. - Depuis longtemps la nécessité de réviser la loi sur le domicile de secours est reconnue. Le régime actuellement en vigueur donne lieu à une foule d'inconvénients et aux abus les plus sérieux. Il est surtout fatal aux communes de second ordre qui sont véritablement ruinées par les conséquences de la législation actuelle.
Je prie donc M. le ministre de la justice de déposer, si possible, dans le cours de la présente session, un projet de loi destiné à mettre fin à un état de choses intolérable. Il n'existe pas d'objet plus important et plus urgent.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Il sera fait droit dans un très bref délai aux observations qui viennent d'être présentées par l'honorable représentant de Namur : un projet de loi sur le domicile de secours sera incessamment déposé par le gouvernement.
- Les conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Gand (Meulestede), le 19 mars 1871, des membres de la société de Eendracht, à Meulestede, demandent que la langue flamande soit mise sur le même rang que la langue française.
Même demande d'habitants de Wetteren, Berlaere, Verrebroek et de sociétés flamandes à Gavere et Louvain.
Messieurs, je n'ai pas besoin d'entrer dans beaucoup de détails à cet égard ; c'est le cri général de tous les flamingants, qui demandent que la langue flamande soit mise sur le même pied que la langue française.
En conséquence, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Denderleeuw, le 1er mai 1871, le sieur Jacobs propose des mesures dans le but de sauvegarder l'ordre public contre les entreprises coupables de sociétés dangereuses.
Votre commission conclut au renvoi à M. le ministre, de la justice.
M. Bergé. - Messieurs, il est incontestable que l'on ne peut prendre en considération la demande du sieur Jacobs, et que la renvoyer à M. le ministre de la justice, c'est faire beaucoup trop d'honneur à la pétition.
En effet, quelles sont les mesures à prendre en vue de défendre l'ordre public contre les entreprises coupables de sociétés dangereuses ? C'est nous entraîner évidemment à une classification des sociétés, ce qui est assez difficile. Pour les uns, ce sera telle société qui présentera des dangers ; pour les autres, ce sera telle autre société. Ainsi, aux yeux de beaucoup, la société de Jésus, la société de Saint-Vincent de Paul même peuvent constituer des sociétés dangereuses. Pour les autres, ce sera l'Internationale ; pour d'autres enfin ce sera la maçonnerie.
Dans un pays de liberté comme le nôtre, et au siècle où nous vivons, nous ne pouvons pas songer à prendre des mesures contre les sociétés qui peuvent se former, et il y a lieu de passer purement et simplement à l'ordre du jour.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, ce n'est pas contre la société que la commission propose de prendre des mesures, c'est contre les abus du droit d'association, c'est contre ceux qui ont dans leurs sociétés des relations dangereuses pour l'ordre public. Nous ne proposons d'ailleurs aucune mesure, nous proposons le renvoi pur et simple à M. le ministre de la justice et s'il trouve que, parmi les sociétés, il en est qui soient réellement dangereuses pour le pays et pour la sécurité des habitants, il avisera ; tout ce que nous demandons, c'est un examen sérieux de la question.
M. Bouvier. - La Constitution s'oppose à ce que demande le pétitionnaire.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Elle ne s'oppose pas a la répression des abus.
M. Bergé. - Je maintiens ma proposition d'ordre du jour. Si une société se rendait coupable d'un abus, il y a des lois répressives, c'est pour cela que les lois sont faites. Si un délit quelconque n'a pas été prévu, il n'y a qu'à compléter les lois répressives, mais il n'y a pas lieu d'examiner si l'on peut prendre des mesures contre les sociétés. Le seul renvoi de la pétition au ministre serait véritablement une atteinte au droit (page 30) d'association. Ordonner ce renvoi, ce serait entrer dans une voie extrêmement dangereuse et porter atteinte ù nos libertés constitutionnelles qui garantissent aux citoyens le droit de s'associer.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Je ne crois pas qu'il entre le moins du moins du monde dans la pensée de la commission de donner au renvoi qu'elle propose la portée qu'y attache l'honorable M. Bergé. Il ne peut pas être question de porter atteinte au droit d'association, et si j'ai bien entendu, la pétition ne parle que d’« entreprises coupables. » Le renvoi ne préjuge donc absolument rien. C'est dans ce sens, je pense, qu'il est proposé, et c'est dans ce sens que je l'accepte.
M. le président. - Je ferai observer que la proposition de la commission tend non pas à demander des explications, mais à renvoyer purement et simplement la pétition à M. le ministre de la justice.
Nous sommes en présence de deux propositions : 1° le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre de la justice, demandé par la commission ; 2° la proposition d'ordre du jour faite par M. Bergé.
M. Jottrand. - Je demande que lecture nous soit donnée de la pétition, afin que la Chambre sache sur quoi elle va voter. (Oui ! oui !)
M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, voici comment la pétition est conçue :
« Messieurs les membres de la Chambre des représentants,
« Messieurs,
« Afin de sauvegarder l'ordre public contre les entreprises coupables de certaines sociétés dangereuses, notamment de la franc-maçonnerie et de l'Internationale, je vous prie respectueusement de décréter les mesures suivantes :
« 1° D'imposer aux fonctionnaires publics le serment de révéler au gouvernement tout complot qui se formerait dans la franc-maçonnerie ou l'Internationale contre l'ordre public, aussitôt qu'il parviendrait à leur connaissance ;
« 2° D'édicter des peines spéciales contre ceux qui affilieraient aux susdites sociétés un mineur sans le consentement écrit de ses parents ou tuteur. Cette mesure se justifie par la responsabilité qui pèse sur les parents et les tuteurs ;
« 3° D'obliger les instituteurs et professeurs rétribués par l'Etat de prémunir la jeunesse contre les dangers de la franc-maçonnerie et de l’Internationale ;
« 4° De défendre aux militaires de tout grade de se mettre au service de la franc-maçonnerie et l'Internationale aussi longtemps qu'ils sont au service de l'Etat.
« Agréez, messieurs, l'hommage de mon profond respect.
« P. Jacobs.
« Denderleeuw, le 1er mai 1871. »
M. Cornesse, ministre de la justice. - Messieurs, à la suite de la lecture qui vient d'être faite de la pétition, je me rallie à la proposition d'ordre du jour.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Arlon, le 6 février 1871, le sieur Heuschling demande le retrait de l'arrêté royal du 18 mars 1866, fixant le domicile en vue de la déclaration de succession et propose une disposition additionnelle à la loi du 27 décembre 1817 pour déterminer ce domicile.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. le président. - Est-il dans les intentions de la Chambre de continuer l'examen des pétitions demain ?
M. Vleminckx. - Non. La Chambre pourrait continuer demain cette discussion, mais il y a à l'ordre du jour un projet dont elle pourrait s'occuper également. Je veux parler de celui qui autorise la création de l'académie militaire à l'établissement de la Cambre ; ce projet était déjà à l'ordre du jour à la fin de la session dernière, mais, sur la proposition de l'honorable M. Schollaert et sous prétexte qu'on n'était pas d'accord sur la propriété de l'immeuble, la Chambre en ajourna la discussion ; je dis « sous prétexte », parce que je crois qu'en cette circonstance l'honorable M. Schollaert a obéi à une autre préoccupation que celle qu'il a indiquée.
Quoi qu'il en soit, si mes renseignements sont fidèles, il doit y avoir, en ce moment, une sorte d'arrangement entre l'honorable ministre de la guerre et l'honorable ministre de la justice d'après lequel le premier occuperait la Cambre dès à présent.
L'académie militaire doit ou ne doit pas exister ; si elle doit exister, il faut l'organiser dans de bonnes conditions et pour cela, nous ne pouvons nous dispenser de discuter le crédit qui la concerne, le voter peut-être ; si l'on ne veut pas qu'elle existe, eh bien, qu'on retire le projet.
Je demande donc que pour demain on mette à l'ordre du jour la discussion du projet de crédit sur lequel rapport vous a été fait.
M. Jacobs, ministre des finances. - Je demande qu'on n'intervertisse pas l'ordre du jour ; avant le projet relatif à l'académie militaire se trouve le projet de modification à l'article 132 de la loi provinciale ; si donc demain la Chambre a terminé la discussion des rapports de pétitions avant la fin de la séance, je demanda que ce soit ce dernier objet qu'elle aborde d'abord.
Quant à l'académie militaire, l'honorable M. Schollaert a demandé, et la Chambre a été de cet avis, des renseignements quant à la question de propriété.
Si je suis bien informé, cette question de propriété se plaide en ce moment-ci. Le tribunal de Bruxelles rendra incessamment un jugement.
En laissant cet objet à l'ordre du jour, quand il viendra à son tour de rôle nous nous trouverons vraisemblablement devant une situation éclaircie.
Si la Chambre croit donc pouvoir consacrer sa séance, de demain à l'examen d'un projet de loi, et je l'en laisse juge, elle pourrait aborder celui qui concerne la modification à l'article 132 de la loi provinciale.
M. Vleminckx. - Je ne crois pas que la discussion sur l'académie militaire doive dépendre du résultat du procès actuellement entamé. En supposant, en effet, que la Cambre ne devienne, pas la propriété de l'Etat, il est probable que celui-ci, ayant besoin de l'établissement, l'expropriera, En tous cas, la Cambre est occupée à cette heure.
M. Bouvier. - Cela ne devrait pas être.
M. Vleminckx. - Mais au fond là n'est pas la question. On ne veut pas se prononcer, tout au moins une partie de la droite ne veut pas se prononcer sur l'institution de l'académie militaire.
M. Jacobs, ministre des finances. - La question sera tranchée à la fin de ce mois.
M. Vleminckx. - Nous savons ce qui s'est passé à la fin de la dernière session.
L'honorable ministre de la guerre a déjà fait de la création de l'académie militaire une question de portefeuille. Voilà le fond de la question. M. le ministre de la guerre exige la création d'une académie militaire et M. le ministre des finances ne paraît pas en vouloir du tout.
H ne faut pas que nous attendions la solution judiciaire pour nous occuper de la question et je demande que l'objet reste à l'ordre du jour.
M. Jacobs, ministre des finances. - Je suis d'accord avec l'honorable membre pour demander que la question reste à l'ordre du jour. Cet objet sera discuté dans le mois si l'ordre du jour est suivi à la lettre.
Le gouvernement n'est pas divisé le moins du monde à l'égard de ce projet ; il n'a jamais été posé de question de cabinet à ce sujet.
M. Vleminckx. - J'ai dit que M. le ministre de la guerre avait posé la question de portefeuille.
M. Jacobs, ministre des finances. - Vous vous trompez. Vous confondez un crédit relatif aux subsistances qui a été voté dans la dernièr 'session avec, le projet de loi relatif à l'académie militaire.
Il y a une confusion complète dans votre esprit. J'insiste donc pour que l'ordre du jour reste fixé comme il l'a été. S'il convient à la Chambre, je le répète, d'entamer demain la discussion d'un projet de loi, je demande que ce soit celle du projet modifiant l'article 132 de la loi provinciale.
M. le président. - La Chambre entend-elle remettre la séance à demain ?
- Plusieurs membres. - A mardi !
M. Guillery. - J'entends demander le renvoi à mardi. J'avoue que je suis très étonné et très peiné de cette demande : nous avons à notre ordre du jour un projet de loi qui ne semble pas devoir provoquer un long débat.
Ne serait-il pas infiniment regrettable, pour ne pas dire plus, que la Chambre prît déjà des vacances, si courtes qu'elles fussent, alors qu'elle a un ordre du jour assez chargé en ce sens qu'il comporte d'importantes questions à résoudre ? J'engage donc la Chambre à se réunir demain et à s'occuper des projets à l'ordre du jour.
M. Vander Donckt. - Je demande que l'on continue demain la, discussion des rapports de pétitions.
(page 31) - Plusieurs voix. - Oui ! Oui !
M. le président. - On semble d'accord.
Nous aurons donc à l'ordre du jour de demain la continuation des rapports de pétitions ; ensuite, les rapports de pétitions faits par des commissions spéciales ; des demandes de naturalisation ordinaire et, enfin, le budget de la guerre.
M. Bara. - Nous pourrons donc n'avoir rien à l'ordre du jour de mardi ?
M. le président. - Il y aura le budget de la Chambre.
M. Bara. - Alors, je demanderai qu'on ne discute pas les servitudes militaires mardi prochain.
M. le président. - Les servitudes militaires viendront après le budget de la Chambre, la modification à l'article 132 de la loi provinciale et le budget de la guerre.
On avait décidé de fixer la discussion sur les servitudes militaires à mardi.
Si la Chambre veut revenir sur sa décision, elle peut le faire.
M. Bara. - Il est impossible que mercredi on épuise tous ces objets et que l'on aborde les servitudes militaires. Il faudrait, pour que l'interpellation puisse avoir lieu mercredi, que les servitudes militaires soient discutées ultérieurement.
Je demanderai le renvoi à la commission de l'industrie d'une pétition du conseil provincial du Hainaut qui réclame l'indemnité pour les servitudes des carrières. ;
L'honorable rapporteur, M. Drubbel, a dit qu'il devait faire un rapport sur une pétition semblable de Péruwelz.
Il pourrait faire rapport en même temps sur les deux pétitions.
M. Jacobs, ministre des finances. - L'honorable membre n'était sans doute pas présent au début de la séance quand l'honorable M. Drubbel a déposé son rapport sur la pétition de Péruwelz ; cette pétition est identique à celle du conseil provincial du Hainaut ; on ne peut demander à la section centrale un nouveau rapport sur la même question.. Je propose à la Chambre d'ordonner le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux servitudes militaires.
M. Bara. - C'est absolument la même chose.
- La proposition de M. le ministre des finances est adoptée.
- M. Crombez demande un congé de quelques jours pour motif de santé.
(page 23) La séance est levée à 5 heures.
Séance du 18 novembre 1871