(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)
(page 1721) M. Wouters procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Mouscron demandent le maintien du tarif actuel des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat. »
« Même demande d'habitants de Bruxelles et d'autres communes du pays. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.
« M. de Haerne demande un congé pour cause d'indisposition. »
- Accordé.
M. Schollaert (pour une motion d’ordre). - Messieurs, le premier objet à l'ordre du jour est un crédit spécial de 450,000 francs au département de la guerre pour l'installation de l'académie militaire à la Cambre. Je proposerai à la Chambre de remettre cet objet à la prochaine session. Personnellement et au fond, je ne suis pas contraire à l'établissement d'une académie militaire ; quelle que soit l'organisation militaire à laquelle le pays s'arrêtera, il est évident qu'on aura besoin d'une école militaire ; mais la question de la propriété de la Cambre soulève, paraît-il, d'assez sérieuses difficultés et il serait désirable que la Chambre eût à cet égard des apaisements complets avant de prendre un parti définitif.
Pendant l'intervalle assez court, du reste, qui s'écoulera entre la session actuelle et la session prochaine, le gouvernement pourra déposer sur le bureau les actes et les documents propres à jeter la lumière sur cette question de propriété et nous mettre à même de nous prononcer en connaissance parfaite de cause.
Pour le fond, je le répète, la demande de l'honorable ministre de la guerre ne me paraît pas pouvoir rencontrer une bien sérieuse opposition.
M. Dumortier. - Je voulais parler dans le sens de mon honorable ami, M. Schollaert ; je voulais demander le dépôt sur le bureau des documents relatifs à la question de propriété, afin que la Chambre puisse statuer en connaissance de cause. Je me rallie donc entièrement à la proposition de M. Schollaert.
- La proposition de M. Schollaert est mise aux voix et adoptée.
« Art. 1er. Un crédit complémentaire, à concurrence de deux cent cinq mille francs (205,000 francs), est alloué au département des travaux publics pour faire face à l'insuffisance que présente le crédit de 4,450,000 francs, mis à la disposition de ce département par la loi du 24 février 1871, pour l'extension du matériel de traction et des transports. »
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, ce projet de loi confirme ce que je disais hier, que désormais il est inutile de limiter les crédits que nous accordons au gouvernement. Voici un crédit de 4,250,000 francs voté par la Chambre pour un objet parfaitement désigné et, sans qu'aucune raison valable soit donnée, le ministre, de son autorité privée, dépense 205,000 francs de plus. Je le répète, puisque nous entrons dans cette voie, il est inutile de poser des limites aux crédits que nous votons ; tous les ministres pourront dépenser ce qui leur plaît. C'est là un système contre lequel je ne puis assez protester.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - En thèse générale, messieurs, les observations de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu pourraient être parfaitement justes, mais j'ai cru répondre au sentiment général manifesté par la Chambre et le Sénat en me préoccupant plutôt du chiffre indiqué pour le nombre des waggons et des locomotives que du chiffre du crédit sollicité pour les payer. J'avais déclaré que je me proposais de faire construire mille waggons et 50 locomotives, etc. Je n'ai pas pu arriver à ce résultat avec le crédit voté et j'ai cru me conformer aux intentions de la Chambre en dépassant le crédit plutôt que de rester en dessous des nécessités du service.
- L'article est adopté.
« Art. 2. Ce nouveau crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires du trésor. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal.
66 membres y prennent part.
64 répondent oui.
2 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté,
Ont répondu oui :
MM. Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Beeckman, Biebuyck, Boucquéau, Brasseur, Coomans, Coremans, Cornesse, de Baillet-Latour, Borchgrave, de Clercq, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, de Macar, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Gerrits, Guillery, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Lescarts, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Sainctelette, Schollaert, Snoy, Tack, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Amédée Visart, Léon Visart et Thibaut.
Ont répondu non : MM. David et Le Hardy de Beaulieu.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, le projet de loi qui vous est soumis est une des conséquences, qui deviendront chaque année plus nombreuses, de l'ingérence de l'Etat dans les choses de l'industrie. Nous sommes en présence des conséquences qui naissent nécessairement du défaut de responsabilité de la part des agents du gouvernement. Car je ne puis rendre les ministres des travaux publics responsables de choses qui sont en dehors de leur compétence.
(page 1722) Généralement tous les ministres des travaux publics qui se sont succédé jusqu'à présent ont été des avocats très distingués et des administrateurs très compétents. Mais je ne sache pas qu'aucun ingénieur, aucun homme compétent en matière de travaux ait encore eu la signature ministérielle.
Ils ont donc été obligés de s'en rapporter aux commissions spéciales et aux ingénieurs de leur département ; ils doivent signer aveuglément tous les projets qu'on leur présente.
Les cahiers des charges qui doivent protéger les intérêts publics sont toujours très « cuirassés », pour employer l'expression américaine, et l'on croit, dès lors, avoir pris toutes ses mesures.
C'est ainsi que l'administration essaye de se décharger de toute responsabilité, mais en même temps d'avoir tout à dire, et d'être maîtresse absolue des biens et de la vie, si c'était possible, des entrepreneurs ; mais des discussions s'élèvent bientôt et il arrive qu'on s'adresse aux tribunaux.
Les tribunaux mettent toute cette fantasmagorie d'irresponsabilité de côté, ils prennent les choses comme elles doivent être prises et restituent à chacun sa responsabilité.
De là naissent des condamnations comme celle que nous avons à payer.
Mais l'amour-propre des administrations est engagé ; elles ne veulent pas céder, elles veulent avoir raison quand même, elles poursuivent les procès envers et contre tous, à travers tous les obstacles, et au lieu de 300,000 ou 400,000 fr. qu'elles auraient eu à payer, si elles avaient voulu être raisonnables, elles ont à payer des millions, comme c'est le cas maintenant. Et ce n'est que le commencement des condamnations auxquelles nous pouvons être exposés.
J'ai donc pris la parole pour vous montrer, par cet exemple, combien il est urgent que la Chambre reprenne un peu d'autorité sur les affaires publiques et principalement sur les affaires des travaux publics.
Si elle veut accepter aveuglément tout ce que les ministres voudront lui proposer, elle sera exposée, dans quelque temps, à voter de nombreux crédits de la même nature et que nous ne pourrons nous refuser à voter puisqu'ils résulteront de condamnations judiciaires, et les budgets, qui sont déjà très élevés aujourd'hui, vont se grossir encore d'un nouveau chapitre, celui des condamnations.
Je termine en engageant de nouveau la Chambre à ne pas accorder aveuglément tout ce que les ministres demandent,. et à examiner sérieusement les choses et même à recourir à l'enquête lorsqu'il s'agit d'affaires aussi importantes.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, je n'entends pas justifier le crédit actuel, si ce n'est au point de vue des décisions judiciaires devenues irrévocables. Il s'agit de choses qui remontent à 1852. Mais je répondrai à l'honorable M. Le Hardy, quant au conseil qu'il donne à l'administration et au reproche qu'il m'adresse de ne pas transiger souvent au lieu de plaider, que ce reproche ne peut m'atteindre.
J'ai encore prouvé hier mon désir d'éviter les procès par la demande d'un crédit que vous avez voté et qui contenait une somme de 85,000 fr. pour le règlement par transaction d'une affaire en litige.
Quant à l'affaire dont il s'agit ici, il eût été assez difficile de conclure un arrangement puisque le demandeur réclamait 2,800,000 francs, tandis que la somme allouée en principal, par les tribunaux ne s'est élevée qu'à 488,000 francs ; la différence était trop grande pour que l'on pût arriver à une transaction.
Quant au crédit, comme l’a reconnu l'honorable membre, il est impossible de ne pas le voter et même de ne pas le voter dans un bref délai, puisque les intérêts courants s’élèvent à 5,000 francs par mois.
« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit de onze cent mille francs (1,100,000 francs) pour solder les sommes dont l'Etat a été définitivement déclaré débiteur, par diverses décisions judiciaires, envers la faillite du sieur Beaulieu, entrepreneur des travaux de construction de la 3ème section du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut, et les cautions de cet entrepreneur. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1871. »
- Adopté.
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 67 membres présents.
Il sera transmis au Sénat.
Ont pris part au vote :
MM, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Beeckman, Biebuyck, Boucquéau, Brasseur, Coomans, Coremans, Cornesse, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, de Macar, de Naeyer, de Rossius, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Gerrits, Guillery, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Amédée Visart, Léon Visart et Thibaut.
M. Le Hardy de Beaulieu. - J’approuve complètement le projet de loi qui nous est soumis, et si je prends la parole, c’est uniquement pour demander au ministère s’il a l’espoir de voir aboutir les négociations qui, d’après l’exposé des motifs et le rapport de la section centrale, sont entamées ; s’il espère qu’au moyen du minimum qu’il s’agit de garantir, il parviendra à s’entendre avec les entrepreneurs du service dont il s’agit. S’il avait quelque crainte d’échouer, comme il a échoué une première fois, je serais tout disposé, je le déclare très nettement pour ma part, à augmenter le chiffre de la garantie si cela était nécessaire au succès des négociations.
Je considère un service de paquebot à vapeur vers l'Amérique du Nord comme indispensable à la prospérité de notre commerce et de notre industrie.
Je regrette que, depuis bien longtemps, on n'ait point pris de mesures pour arriver à ce résultat ; j'aurais voté les sommes qu'on nous eût demandées, avec infiniment plus de plaisir que beaucoup d'autres que j'ai votées depuis que je siège dans cette enceinte.
J'approuve donc ce projet de loi. (Interruption.)
L'honorable M. Rogier paraît croire que je suis ici en contradiction avec moi-même. Il n'en est rien. S'il s'agissait d'un service de navigation à exploiter par l'Etat, je m'y opposerais de toutes mes forces, bien plus que s'il s'agissait pour lui de reprendre des chemins de fer, car la complication du service est telle que l'Etat est parfaitement incapable d'administrer une affaire semblable. C'est une affaire d'initiative et de surveillance personnelle. Il n'y a qu'une personne privée qui puisse gouverner ces choses-là.
Mais j'admets l'intervention pécuniaire de l'Etat, lorsque la responsabilité des conséquences incombe aux particuliers ; je suis beaucoup plus disposé à entrer dans cette voie qu'à encourager les exploitations par l'Etat. Mais je ne pourrais consentir à ce que le gouvernement se chargeât d'une pareille exploitation ; je ne veux pas plus qu'il se fasse batelier que cocher ou commissionnaire. Ce n'est ni son rôle, ni sa mission.
Pour me résumer, en finissant cet aparté, je suis prêt à voter le projet de loi en discussion, si le gouvernement m'affirme d'une façon nette et décisive qu'il a l'espoir sérieux d'aboutir dans les négociations qu'il a entamées.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, je remercie d'abord l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, de l'appui sans réserve et même très généreux qu'il vient de donner à un projet de loi déposé par mon département. J'y suis d'autant plus sensible que cela arrive plus rarement.
Je puis assurer à l'honorable M. Le Hardy que nous avons un concessionnaire sérieux. Nous attendons des renseignements qui doivent nous arriver prochainement ; si ces renseignements concordent avec ceux que nous avons déjà obtenus, je crois pouvoir annoncer à l'honorable membre et à la Chambre que le gouvernement a l'espoir fondé que le service entre Anvers et New-York pourra fonctionner sans trop de retard.
Je dois faire remarquer à la Chambre que d'après le contrat primitif, l'Etat n'était engagé que pour dix ans. Cependant chacun sait que, dans une entreprise de ce genre, les premières années sont très difficiles pour les concessionnaires, qui souvent y perdent d'abord de l'argent, sauf à se récupérer avec bénéfice dans les années suivantes ; le gouvernement a cru, dans ces conditions, devoir augmenter le terme fixé dans l'ancien cahier des charges et le porter à quinze années sans renon.
Si donc la Chambre adopte le projet de loi, elle sera engagée pour quinze ans.
(page 1723) Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
70 membres y prennent part.
69 répondent oui.
1 s'abstient.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui :
MM. Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Beeckman, Biebuyck, Boucquéau, Brasseur, Coomans, Coremans, Cornesse, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, de Macar, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Gerrits, Guillery, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Jottrand, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Amédée Visart, Léon, Visart et Thibaut.
S'est abstenu : M. Vermeire.
M. le président. - M. Vermeire est prié de faire connaître les motifs de son abstention.
M. Vermeire. - Messieurs, je n'ai pas voté contre le projet de loi, parce que j'ai la conviction que l'intervention pécuniaire du gouvernement dans le service dont il s'agit est parfaitement justifiée ; je n'ai pas voulu voter pour le projet de loi, parce que je trouve que le chiffre de 500,000 francs est beaucoup trop élevé et que la somme de 300,000 francs sollicitée primitivement était plus que suffisante.
La discussion générale est ouverte.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?
M. Jacobs, ministre des finances. - Je m'expliquerai au fur et à mesure des amendements.
M. le président. - La discussion s'ouvre donc sur le projet du gouvernement.
M. Thonissen. - Je voudrais obtenir de M. le ministre de la guerre une explication sur le point suivant.
D'après l'article 20 de la loi du 21 mai 1838, la pension militaire, après trente ans de service, est augmentée d'un dixième.
Le tableau annexé au projet de loi que nous discutons garde le silence sur cette disposition.
Je voudrais savoir si, dans la pensée du gouvernement et des membres de la section centrale, cette disposition est maintenue.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, le projet de loi qui est soumis aux délibérations de la Chambre n'a pas d'autre but que de substituer un nouveau tableau à celui qui est annexé à la loi de 1838 ; par conséquent, toutes les dispositions de la loi de 1838 sont maintenues, et continueront à fonctionner. Dans le cas spécial indiqué par l'honorable M. Thonissen, la loi sera appliquée comme elle l'a toujours été, c'est-à-dire que le maximum de la pension sera augmenté d'un dixième après un certain nombre d'années.
M. Pirmez. - Messieurs, je veux faire une simple observation de détail.
Je vois que la pension du simple soldat, après trente ans de service, sera de 200 francs. Je signale ce point parce que l'an dernier, lorsque le gouvernement a présenté et lorsque la Chambre a voté un projet de loi sur la rémunération, on s'est beaucoup récrié sur l'insuffisance de cette rémunération. M. le ministre des finances et M. le ministre de l'intérieur entre autres ont considéré que par cette insuffisance la rémunération offrait quelque chose qui n'était pas bien sérieux.
Or, la rémunération, telle qu'elle est fixée par la loi, atteint 180 francs lorsque le service a été de quatre ans. Elle est en moyenne de 150 francs ; le gouvernement actuel qui trouvait que cette rémunération n'était pas quelque chose de sérieux pour un service si court, propose aujourd'hui de donner 200 francs de pension après un service de trente années.
Je me demande comment il est possible qu'on ait ainsi attaqué la rémunération de 180 francs, après un service de quatre ans et qu'on trouve qu'une pension de 200 francs soit suffisante pour un service de trente ans.
C'est la seule observation que je voulais faire.
M. Jacobs, ministre des finances. - Il est très vrai que j'ai critiqué le système de rémunération annexé à la loi de milice, d'après lequel une pension de 150 francs est donnée à l'âge de 55 ans aux miliciens ; mais quel est le point de vue auquel je me suis placé ? Ce n'est pas que le chiffre fut, à mon avis, dérisoire ; j'ai dit que les miliciens qui abandonnent le service fort jeunes encore ne considéreront pas comme une rémunération efficace cette perspective éventuelle d'avoir une pension de 150 francs s'ils parviennent à l'âge de 55 ans. C'est cet aléa et l'éloignement de la rémunération qui m'ont fait préférer un système suivant lequel, une année après le congé définitif, on aurait donné au milicien une somme qui lui aurait fourni le petit capital nécessaire pour s'établir dans l'industrie ou dans l'agriculture.
Ici il s'agit d'un soldat qui est rémunéré tout le temps qu'il reste sous les drapeaux, qui se fait des armes une véritable carrière, qui, sans discontinuer, touche une solde pendant trente ans et, aussitôt après sa sortie du service, une pension qui, en vertu de la loi de rémunération, sera majorée de 150 francs.
M. Pirmez. - Je suis charmé de l'observation que vient de présenter M. le ministre des finances.
Je constate donc que, d'après lui, la rémunération qui a été votée par la Chambre est chose tout à fait sérieuse ; que cette rémunération, que l'on obtient pour un service très court, est un avantage notable pour le milicien.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Nous ne sommes pas d'accord.
M. Pirmez. - Je réponds à M. le ministre des finances. Si vous voulez modifier le système adopté l'année dernière et en présenter un autre, nous le discuterons. Mais ce que je constate, c'est que vous reconnaissez que la rémunération qui a été votée est chose sérieuse et importante pour le milicien.
Aujourd'hui que vous présentez un projet de loi pour donner 200 francs de pension après trente années de service, vous ne pouvez plus contester qu'une pension de 150 francs pour deux années de service est une pension sérieuse et infiniment plus avantageuse que la pension que vous proposez, et que quand on compare les deux projets, on doit trouver que la rémunération que vous qualifiez de dérisoire était supérieure du tout au tout à ce que vous proposez.
Voilà ce que je voulais constater et je n'ai que des remerciements à adresser à M. le ministre des finances pour ce qu'il a déclaré.
M. le ministre des finances, il est vrai, a apporté à sa déclaration un certain tempérament et nous dit ceci : Mais cette rémunération que vous accordez pour le service qui se fait à l'âge de 20 ou 22 ans, vous la différez jusqu'à l'âge de 55 ans et le milicien a toutes sortes de chances à traverser pour atteindre cette pension. Mais le soldat à qui vous donnez une pension de 200 francs après trente ans de service, pendant lesquels il peut y avoir des années de campagne, me paraît être soumis à toutes les mêmes chances ; car si vous ajoutez 30 ans à 25 ans, vous avez 55 ans et vous n'arrivez pas loin du terme assigné pour la rémunération. De sorte que si vous trouvez qu'il y a des chances défavorables pour le milicien, ce que j'admets, vous devez reconnaître que ces chances se présentent pour le soldat, dont vous vous occupez aujourd'hui. A ces deux points de vue, il y a absolument identité de chance.
M. le ministre des finances ajoute : Mais celui qui s'est engagé et qui passe trente ans sous les drapeaux, touche sa solde pendant trente ans. Oui, messieurs, mais quelle solde ! Il a été admis et M. le ministre de l'intérieur a insisté sur ce point, que la rémunération devait être d'autant plus forte que le titulaire a passé plus de temps sous les drapeaux. M. le ministre de l'intérieur faisait alors le procès à la loi que nous avions proposée, il voulait qu'on augmentât la rémunération de celui qui a passé un temps plus long sous les drapeaux, non seulement proportionnellement, mais par une progression croissante.
Nous disions, nous, que la proportion ne devait pas même être entièrement proportionnelle.
Aujourd'hui on dit que plus le temps passé sous les drapeaux a été long, plus la rémunération doit être faible, et on arrive à donner pour trente ans de service 20 francs de plus que pour quatre ans.
MM. les ministres reconnaîtront qu'ils sont en désaccord parfait avec leurs anciens principes. Je ne m'en plains pas ; mon but est atteint en constatant que la rémunération présente des avantages bien plus considérables que la pension qui est proposée aujourd'hui, et qu'elle est vengée des critiques qu'on a soulevées contre son chiffre.
(page 1724) M. Coomans. - Je ne suis pas fâché, messieurs, que l'honorable M. Pirmez me fournisse l'occasion de revenir sur la loi vraiment dérisoire de 1870.
M. le président. - Il n'est pas question de cette loi.
M. Coomans. - Il n'en était pas question non plus il y a cinq minutes, quand M. Pirmez en a parlé.
M. le président. - C'est par comparaison avec la loi en discussion.
M. Coomans. - Je comparerai aussi. La rémunération votée l'an dernier, comme celle-ci, est insuffisante pour ces deux raisons-ci : d'abord, qu'elle n'était pas accordée au milicien mort avant l'âge de 55 ans, ensuite parce qu'on exproprie des fonctionnaires forcés tandis que dans ce cas-ci l'injustice est moindre. Vous pensionnez très peu, il est vrai, pas assez, au prix de 200 francs, des soldats ayant servi trente ans, mais ce sont des volontaires ; il était libre à eux de quitter, à chaque expiration de terme. Ils savaient donc à quoi l'Etat s'engageait envers eux. (Interruption.) Au bout de deux, trois, quatre ans ou davantage, selon les conventions et selon l'arme dans laquelle ils étaient engagés ; s'ils ont continué à servir, et c'est l'hypothèse de la loi, à servir pendant vingt-sept ou vingt-huit ans encore, c'est qu'ils l'ont bien voulu. Par conséquent, je ne trouve pas injuste la loi présentée. Seulement, je suis étonné que l'honorable M. Pirmez ait eu le courage de louer une loi morte. Cette loi est morte ; votre loi de cinquante-cinq ans ne sera jamais exécutée.
Puisqu'on va réorganiser l'armée, je le prévois à mon vif chagrin, on va la réorganiser ou la désorganiser de telle façon, que l'exécution de votre loi de 1870 sera impossible.
Quand le service sera général, vos combinaisons échoueront, et loin de pouvoir donner 150 fr. en moyenne à celles de vos victimes qui n'ont pas péri avant l'âge de 55 ans, vous devrez diminuer de moitié et peut être des trois quarts ce chiffre déjà dérisoire aujourd'hui.
Il me semble que l'honorable membre eût mieux fait de ne pas réveiller ce chat presque mort.
Messieurs, la grande raison pour laquelle je repousse ce projet, c'est qu'il ne favorise, encore une fois, que des employés volontaires, des officiers qui ont été rétribués dans le cours de leur service, tandis que vous continuez à laisser entièrement à l'écart la catégorie la plus estimable des fonctionnaires belges, les miliciens, parce qu'ils travaillent gratis et forcément.
Ne parlez donc pas de la loi de l'an dernier, qui ne sera jamais exécutée au profit des miliciens et que vous enterrerez prochainement avec moi.
Vous ne donnez rien aux anciens miliciens et cette loi accorde rétroactivement de nouveaux avantages aux officiers.
Je trouve très inique que le même système, très ancien, je le reconnais, pratiqué par l'honorable M. Pirmez comme par ses prédécesseurs et ses successeurs, continue de prévaloir : Beaucoup aux grands, rien aux petits ou presque rien.
Je ne conçois pas que, sur le terrain militaire, vous supprimiez toute espèce d'indemnité pour les employés forcés, alors que vous augmentez considérablement l'indemnité pour les employés volontaires.
Je reconnais volontiers que l'argent que vous allez voter recevra un emploi très convenable.
Beaucoup de nos officiers pensionnés n'ont pas de quoi vivre décemment ; mais reconnaissez aussi, qu'il y a un demi-million de Belges dans le même cas.
Du reste, c'est un principe exorbitant, selon moi, que de réserver presque toutes les ressources de l'Etat pour les fonctionnaires.
Ici, j'attaque jusqu'à un certain point le principe même des pensions, mais je n'en suis pas embarrassé. J'avoue que ce principe m'a toujours déplu.
Je crois que l'Etat a rendu aux fonctionnaires des services plus grands que les services qui ont été rendus à l'Etat par les fonctionnaires.
Je ne conçois pas que l'Etal soit obligé de pensionner des fonctionnaires qui ont travaillé, je le reconnais, au profit de l'Etat, alors qu'il ne songe pas le moins du monde à pensionner deux ou trois millions de travailleurs qui ont aussi rendu des services à la société et des services tout aussi considérables.
J'espère, messieurs, que l'on m'écoutera avec bienveillance sur certains bancs de la gauche, car je ne fais que répéter, en substance, des arguments que l'honorable M. Frère a fait valoir plus d'une fois contre toute augmentation des pensions.
Quand on lui parlait de l'état de gêne où se trouvaient un grand nombre d'officiers pensionnés, il répondait régulièrement : Il y a beaucoup d'autres familles qui sont dans la gêne et dont vous ne vous occupez point.
Quant à moi, je m'en occupe au point de vue des principes et je crois, qu'au lieu de développer notre système de pensions, nous devrions le restreindre.
Je verrais avec plaisir supprimer toute espèce de pension pour autant que les droits acquis le permissent, et laisser à chacun le libre aménagement de son avenir. Je ne reconnais pas le moins du monde que nos fonctionnaires rendent plus de services que nos industriels, que nos commerçants, que nos agriculteurs. Eh bien, quand un petit paysan a travaillé toute sa vie pour vous donner du pain, quand il est dans la débine, vieux et infirme, songez-vous à le pensionner ?
Vous accordez, dites-vous, des pensions pour services rendus à l'Etat, mais l'agriculteur a aussi, lui, rendu des services à l'Etat.
Il est impossible de pensionner tout le monde, je le veux bien, cela nous mènerait à des dépenses trop considérables, à une variété de socialisme ; mais alors j'aime mieux ne pensionner personne.
Voilà mon idéal ; je sais bien que ce n'est pas celui de tout le monde, je sais même pourquoi, mais je n'ose pas le dire,
M. Guillery. - Il y aurait peut-être inhumanité à blâmer le gouvernement d'avoir amélioré la position d'anciens fonctionnaires certainement très dignes d'intérêt. Mais à côté des sentiments sans doute très louables qui ont inspiré le gouvernement, il y a des idées qui doivent nous préoccuper.
Nous devons veiller à ménager les ressources de l'Etat et à arrêter le gouvernement qui semble entraîné à augmenter les dépenses militaires. Depuis nombre d'années, j'ai entendu protester contre les dépenses militaires et notamment contre les pensions.
On a dit au gouvernement : Mais vous pensionnez les officiers beaucoup trop tôt ; vous voulez ménager l'avancement pour la jeunesse et vous vous privez des services d'hommes qui seraient encore parfaitement capables de remplir leurs fonctions.
Nous avons vu notamment des médecins mis à la pension, il y a quelques années, sous prétexte qu'ils étaient trop vieux. Ces médecins ont continué leur clientèle civile et je pourrais en citer qui la continuent encore et qui se portent parfaitement bien.
Il y a donc là un système vicieux et j'avoue que je m'attendais pas à voir un ministère progressiste, réformiste, qui avait promis la réduction des dépenses militaires, ne nous présenter que des projets d'augmentation de dépenses. (Interruption.)
Jusqu'à présent, nous n'avons eu que cela. Hier nous avons dû protester contre une dépense qui nous a paru excessive. Et l'honorable M. Gerrits a rappelé hier avec plus d'éloquence, d'énergie et d'autorité que je ne pourrais le faire, les engagements qui avaient été pris lors des dernières élections qui ont porté, par un détour, il est vrai, mais qui ont porté le ministère au pouvoir.
Il y a des engagements d'honneur, dit M. Gerrits, qui résultent de notre programme, programme qui nous est commun, programme qui a été sanctionné par le corps électoral et en vertu duquel nous avons reçu un mandat auquel nous ne pouvons pas manquer.
Il est vrai qu'à côté de ce programme il y avait des promesses. Le dernier ministère résistait à la demande d'augmentation de pensions militaires, non pas qu'il ne fût pas animé de sentiments aussi bienveillants pour l'armée que qui que ce fût, mais parce que les dépenses paraissaient considérables ; il y avait toujours cette question du trésor public qui l'arrêtait et comme il semblait que le ministère précédent était menacé dans son existence par le mécontentement que cette résistance avait suscité, il paraît, d'après ce qu'on a dit et je serais bien tenté de le croire, en présence du projet que nous discutons en ce moment, il paraît qu'on a très habilement profité dans le pays de cette situation et qu'à Gand, notamment, il y a eu beaucoup de promesses faites ; tout en défendant les grands principes politiques, tout en défendant la religion menacée par les libéraux, comme on sait, tout en défendant l'autel et même le trône, parce que cela fait toujours bien dans la phrase, on ne dédaigna pas de dire sous main aux officiers pensionnés : Mais ces libéraux ne lâchent pas les cordons de la bourse assez facilement.
Ce sont des avares ; le gouvernement ne donne pas ce qui est dû à d'anciens serviteurs de l'Etat. Nous nous montrerons beaucoup plus faciles et le seul moyen que les pensions soient augmentées, c'est d'avoir un ministère catholique.
Nous avons des ministres progressistes catholiques nommés comme tels à Anvers et à Verviers ; nous aurons des réformes militaires et sous la protection du grand programme de Saint-Nicolas, qui planait au-dessus de toute l'élection, comme au-dessus de tout le ministère, nous aurons des réductions de dépenses, des réductions de budgets.
(page 1725) Et en même temps il fallait satisfaire à des demandes d'augmentation de pensions et on est venu nous présenter le projet en discussion.
J'avoue qu'il me semble résulter de là pour le pouvoir, en face du pays, une position véritablement extraordinaire.
Je ne sais si la motion d'ordre de l'honorable M. Schollaert, par laquelle la séance s'est ouverte, est l'expression du trouble, de l'anxiété, qui doit évidemment résulter de cette situation, qui s'est manifestée hier d'une manière si éclatante ; cette situation a amené hier des déclarations si énergiques de la part de membres de la droite, qui ont déclaré que, quant à eux, ils n'entendaient pas, pour une question de cabinet, pour une question politique ou diplomatique, manquer au mandat dont ils sont investis.
Je regretterais de prolonger outre mesure la discussion dans les circonstances présentes ; mais il s'agit ici d'intérêts bien supérieurs à celui qui s'attache au projet de loi ; il s'agit de savoir où nous nous trouvons et à qui le pouvoir est confié ; il s'agit de savoir, dans le moment actuel, si nous sommes en présence d'un ministère réformiste ou d'un ministère qui va augmenter encore nos dépenses militaires. Il s'agit de savoir si les élections au nom desquelles on a renversé le dernier ministère doivent avoir pour conséquence une augmentation de notre état militaire, ou si l'on va entrer sérieusement dans la voie des réductions.
Pour ce qui concerne spécialement la question actuelle, il y avait divers moyens bien simples de faire droit aux réclamations des pensionnés, sans augmenter les charges du trésor : c'était de prolonger la durée du service militaire des officiers ; c'était aussi de réduire notre effectif militaire qui, aux yeux de beaucoup de personnes, est trop considérable.
Il y avait d'autres moyens encore qui auraient produit le même résultat. Tous ces moyens ont nécessairement dû être examinés par ceux qui promettaient des réformes aux électeurs. Lorsqu'on se présente devant le corps électoral en affirmant que le ministère qui occupe le pouvoir ne remplit pas sa mission, qu'il fait des dépenses exagérées, qu'on veut y mettre un terme, on doit nécessairement avoir étudié les moyens de faire mieux que ce ministère qu'on cherche à renverser ; on doit avoir, sinon un projet de loi complètement formulé, tout au moins des idées bien arrêtées et qu'on est prêt à mettre en pratique.
Il doit donc y avoir moyen d'arriver à une réduction des dépenses militaires. Je ne veux pas interroger le ministère, puisqu'il paraît qu'il est dans un état de crise qui ne lui permet plus même de discuter la question de l'académie militaire qui ne semblait pas avoir la moindre portée politique.
Seulement, je tiens à appeler l'attention de la Chambre sur une situation qui me paraît extrêmement grave et j'avoue qu'il m'en coûte beaucoup de devoir attendre jusqu'à la session prochaine pour savoir devant quelle politique nous nous trouvons spécialement en ce qui concerne les dépenses militaires.
M. Jacobs, ministre des finances. - A entendre l'honorable membre quand le cabinet a soumis sa politique aux électeurs le 2 août 1870, il aurait promis : d'une part, des réductions de charges militaires ; et d'autre part, des augmentations de charges en faveur des officiers pensionnés.
Messieurs, si le cabinet avait tenu ce langage contradictoire, s'il avait posé une pareille énigme au pays, il est peu probable que les électeurs lui eussent fait l'accueil dont la Chambre est l'expression.
La vérité est qu'il importe de ne pas confondre deux questions essentiellement distinctes.
Sans doute, quand on fait le relevé général de tout ce que coûte l'armée, on doit y comprendre les pensions militaires aussi bien que toutes les autres dépenses ; il n'en est pas moins vrai que ces pensions et les charges militaires proprement dites sont deux questions absolument distinctes,
Quand on parle de la réduction et de l'augmentation des charges militaires, c'est de l'extension ou de la diminution de notre état militaire qu'il s'agit, c'est l'organisation même, c'est le chiffre de l'armée qu'on a en vue ; ce sont toutes les questions qui constituent notre état militaire.
Mais lorsque nous soumettons à la Chambre un projet de loi relatif aux pensions militaires, nous lui proposons de résoudre une question qui laisse l'organisation à part ; une simple question d'équité.
En Belgique deux systèmes régissent les pensions ; il existe des règles pour les pensions civiles et des règles pour les pensions militaires.
Quel que soit l'effectif, quelle que soit l'organisation de l'armée, quelle qu'en soit l'importance, chacun doit désirer qu'il y ait un équilibre aussi exact que possible entre la manière dont on traite les fonctionnaires militaires qui ne sont plus aptes à rendre des services, et les fonctionnaires civils qui sont dans le même cas.
L’honorable préopinant rappelle que le précédent ministère résistait aux demandes des militaires ; je crois, messieurs, qu'il y résistait comme nous, il résistait aux demandes exagérées.
L'honorable M. Frère, dans un discours récent, parlant du projet que nous venions de déposer, a dit que nous faisions à peu près ce que, d'après lui, il y avait à faire.
Le rapport que mon honorable prédécesseur a déposé sur le bureau, au dernier jour de la session dernière, ne contient pas de conclusion ; il se borne à mettre sous les yeux de la Chambre le résultat de ses recherches et de ses études.
La question était mûre, il fallait la résoudre.
L'organisation, l'étendue même de l'armée, sont à l'étude en Belgique comme dans tous les autres pays. A la suite des événements considérables qui viennent de se passer, il n'est pas une armée en Europe qui sache ce qu'elle sera demain.
En présence de ces études, qui peuvent se prolonger longtemps, nous devons nous rendre compte de ce que feront les autres peuples, pour profiter de leur expérience ; il faut attendre, mais nous avons pensé que, pour réviser les pensions militaires, nous ne pouvions pas attendre que ces graves questions fussent résolues.
Quelles que soient les solutions qui interviennent, les militaires pensionnés ont droit à une augmentation de pension, comme les fonctionnaires civils en ont obtenu une. Autrefois il existait entre les pensions civiles et militaires un équilibre qui a été rompu lorsque les traitements ont été augmentés ; les fonctionnaires civils voient régler leur pension d'après leurs traitements, une augmentation de traitement a pour conséquence une augmentation de pension ; les pensions militaires, au contraire, sont fixées par la loi, indépendamment du traitement dont l'augmentation n'a pas rejailli sur elles.
Pour rétablir l'équilibre, il fallait augmenter ces pensions d'une quotité correspondante à l'augmentation qu'ont subie les traitements ; c'est ce que nous faisons par le projet de loi ; nous résolvons une question d'équité, en rétablissant l'équilibre qui a existé jusqu'en 1863 et qui, de l'aveu de tous, doit être rétabli.
Dans ces conditions, quelque opinion qu'on ait sur la question militaire en général, cette question spéciale doit être résolue à part, comme question de justice, d'équité et d'équilibre entre nos différentes catégories de fonctionnaires.
M. Pirmez. - Messieurs, j'ai parlé de la rémunération qu'une loi récente a accordée aux miliciens. L'honorable M. Coomans dit que cette loi est une loi morte ; que les articles qui concernent la rémunération ne seront pas exécutés. Je demande à l'honorable membre de vouloir bien me dire pourquoi.
Celte loi a été votée ; elle fonctionne ; le gouvernement a pris des arrêtés d'exécution ; les dispositions relatives à la rémunération sont applicables et appliquées dès à présent.
Modifiera-t-on cette loi ? Qui la modifiera ? Ce n'est pas nous, c'est donc vous, M. Coomans, ou vos amis...
M. Coomans. - Je supprimerais la loi.
M. Pirmez. - L'honorable M. Coomans a prononcé des centaines de discours sur le malheureux sort des miliciens ; il est très naturel qu'il leur retranche toute espèce de pension ; c'est sa manière habituelle de raisonner.
Il y a, messieurs, dans ce qu'a dit M. Coomans, quelque chose d'inconcevable pour nous, et je désirerais savoir si le gouvernement et la majorité ont l'intention de faire tomber cette loi. (Interruption.)
Mais, messieurs, la chose est importante. Je demande aux amis de M. Coomans si l'amélioration qu'on a promise aux miliciens, si toute cette campagne électorale faite en faveur des miliciens doit conduire à cette conséquence qu'on supprimera la rémunération qui leur a été accordée.
Si cela est, il y aura une mystification électorale de plus pour le pays qui, croyant diminuer les charges militaires et améliorer le sort des miliciens, a été conduit tout simplement à supprimer cette institution qui préparait des ressources pour la vieillesse de ceux qui ont rempli leur devoir-militaire.
Je ne sais si j'obtiendrai une réponse ; mais il me paraîtrait important d'être éclairé sur ce point.
J'ai maintenant des remerciements à adresser à M. le ministre des finances que vous a déclaré que ce qu'il a fait est, en définitive, ce qu'aurait fait le cabinet précédent.
Je ne connais pas très bien les détails de la question des pensions militaires, je l'avoue ; mais je m'en rapporte bien volontiers à ce que nous a dit M. Jacobs, que le cabinet actuel ne fait que ce que son aîné eût fait.
(page 1726) M. Jacobs, ministre des finances. - C'est M. Frère-Orban qui l'a déclaré.
M. Pirmez. - Je suis charmé que vous constatiez cet accord et je me permettrai d'en tirer quelques conséquences. Vous avez fait tout simplement ce que le ministère précédent aurait fait : il n'y a donc pas de changement. (Interruption.)
Eh bien, s'il en est ainsi, que signifie toute cette campagne électorale contre le cabinet précédent et en faveur des pensions militaires, que signifie ce racolement de tous les pensionnés du pays pour renverser l'administration libérale ?
Tous les pensionnés ont été trompés, ils ont été mystifiés et après toutes les promesses que vous leur aviez faites, vous n'avez fait que ce que vous déclarez aujourd'hui identique à ce que la majorité libérale eût fait.
Ce n'est pas un reproche que je fais à M. le ministre des finances, je suis tellement charmé au contraire, de sa déclaration que, pour lui témoigner ma satisfaction, je voterai le projet de loi.
Il est très agréable pour nous de voir que, sur toutes les questions oùnos adversaires nous ont combattus, ils font exactement la même chose que nous.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Eh bien donc embrassons-nous et que cela finisse. (Interruption.)
M. Pirmez. - Mais, messieurs, je ne comprends pas ces interruptions ; n'en a-t-il pas été ainsi pour la question de l'impôt foncier, pour la question du genièvre, pour la reconnaissance du royaume d'Italie ? (Interruption.)
Mais, je le répète, je ne comprends rien à ces interruptions ; je dis que vous faites comme l'ancienne majorité. Cela n'a rien, je le répète, de blessant pour vous, mais c'est flatteur pour nous.
Voilà donc que tous les grands moyens électoraux tournent en déceptions complètes. Vous avez fait jouer aux dernières élections divers éléments d'opposition surtout : à Gand, les pensions militaires ; dans le pays wallon, la péréquation cadastrale et, dans le pays entier, l'augmentation de l'accise sur le genièvre et les charges militaires. Voilà ce qui est arrivé, et vous n'oseriez pas le contester. Eh bien, j'ai le droit de constater que sur tous ces points vous n'avez rien fait, et vous ne ferez rien, ou si vous faites un changement, il sera contraire à celui que vous avez indiqué.
Certainement, reste derrière tout cela la question clérico-libérale. Nous le savons bien, et le grand résultat obtenu a été de cacher cette question sous celles que j'ai indiquées et de la faire dominer dans le résultat en la mettant à l'ombre dans les élections sous des promesses qui ne se réaliseront jamais.
Si vous voulez un jour élever un monument à votre victoire de l'année passée, vous pourrez le composer d'une statue de la Religion dans la main de laquelle vous mettrez une épée brisée et une branche de genévrier. (Interruption.)
M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, je ne veux pas examiner si, en règle générale, nous avons copié nos prédécesseurs, même dans la réforme électorale et dans la question des cabaretiers. Je ne m'occupe que de la question que nous discutons en ce moment.
A entendre l'honorable M. Pirmez, il semblerait que j'ai trouvé au ministère des finances un projet de loi préparé par mon prédécesseur, que je me sois borné à le copier et à venir le déposer sur le bureau de la Chambre. Je tiens à ce qu'il n'y ait aucune espèce d'équivoque au sujet de ce qui s'est passé.
Je n'ai rien trouvé de pareil au ministère des finances ; mes collègues et moi nous avons examiné la question, nous y avons consacré notre temps et nous vous avons apporté de notre initiative, de notre seule initiative, le projet que vous allez voter.
Mais il s'est trouvé que, quelques jours après le dépôt du projet, l'honorable M. Frère, dans une autre discussion, nous a dit : « C'est à peu près ce que j'aurais fait moi-même. »
Je vous signale, messieurs, combien cela s'écarte d'un plagiat. Il paraît que nous avons deviné, sans les connaître, les intentions non manifestées de l'honorable M. Frère. Il me semble que c'est celui qui prend l'initiative qui peut réclamer les droits d'auteur et qu'en cette matière, ce n'est pas nous qui avons copié nos prédécesseurs, mais bien eux qui nous copient.
Il est procédé à l'examen des articles.
« Art. 1er. Le tarif des pensions, joint à la loi du 27 mai 1840, est remplacé par le tarif annexé à la présente loi. »
M. le président. - La section centrale propose de répéter à chacun des grades indiqués au tableau joint au projet de loi la formule suivante : « des membres de l'armée assimilés à ce grade. »
M. Jacobs, ministre des finances. - Nous sommes d'accord.
- L'article est adopté.
« Art. 2. Les pensions des adjudants, des sous-officiers, caporaux, soldats et des membres de l'armée assimilés à ces positions qui ne sont pas dans le cas de jouir du bénéfice de la loi du 3 juin 1870, relative à la rémunération des miliciens, sont augmentées de 10 p. c. »
M. Jottrand. - Messieurs, je ne demande pas la parole pour faire des observations sur le fond de cet article. Mais c'est la forme qui me paraît singulière au point de vue grammatical.
« Les pensions des adjudants, des sous-officiers, caporaux, soldats, et des membres de l'armée assimilés à ces positions... »
Je m'arrête ici et je me demande si l'on peut dire d'un homme qu'il est assimilé à une position quelconque. Je me demande à quoi se rapportent ces mots : « cette position ». Des caporaux, des sous officiers, des soldats, sont-ils une position ? Evidemment non.
Je continue. Après la phrase que je viens de critiquer, se présente celle-ci : « qui ne sont pas dans le cas de jouir du bénéfice de la loi du 3 juin 1870, relative à la rémunération des miliciens. »
Je me demande à quoi se rapporte ce « qui » ? Est-ce aux pensions, aux officiers, adjudants, etc., ou aux positions ?
Je demande qu'on me dise à quoi ce qui se rapporte.
Nos lois ne brillent pas par la clarté de la rédaction ; souvent la rédaction est mauvaise, et si une mauvaise habitude a été prise, ce n'est pas une raison pour qu'on y persévère.
Je crois que la rédaction doit être remaniée, d'abord pour la rendre française, ensuite pour la rendre claire.
M. De Lehaye, rapporteur. - La section centrale s'est occupée de la rédaction de cet article ; mais pour le bien comprendre, il faut consulter le tableau annexé au projet de loi de 1840. C'est ainsi qu'on assimile au grade de colonel les intendants militaires de première classe, et ainsi de suite. Quant aux grades inférieurs, il y a dans l'armée des inférieurs et d'autres personnes qui rendent certains services, et ces personnes sont assimilées aux grades auxquels ils se rapportent.
En ce qui concerne la manière dont l'article est rédigé, je ne suis pas académicien et je ne sais pas s'il aurait pu être plus clair, mais je crois qu'au point de vue de la loi de 1840 il ne peut y avoir aucun doute. Ainsi pour la marine, nous savons que le grade de capitaine de vaisseau correspond au grade de colonel, le grade de porte-enseigne correspond au grade de lieutenant. C'est précisément parce que nous voulons maintenir tous ces rapports que nous avons proposé de répéter à chacun des grades indiqués au tableau la formule : « des membres de l'armée assimilés à ce grade. »
M. Jacobs, ministre des finances. - Pour les officiers on se sert généralement des termes : « assimilés à ce grade. » Mais le soldat n'a pas de grade et c'est pour cela qu'on s'est servi du mot « position. »
Quant au » qui », il y aurait moyen de le retrancher en modifiant la rédaction de la manière suivante :
« Les pensions des adjudants, des sous-officiers, caporaux, soldats, et des membres de l'armée assimilés à ces positions, sont augmentées de 10 p. c. à moins que les titulaires ne soient dans le cas de jouir du bénéfice de la loi du 3 juin 1870 relative à la rémunération des miliciens,. »
- L'article ainsi rédigé est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Les pensions militaires actuellement existantes, conférées depuis la promulgation de la Constitution, à l'exception de celles qui font l'objet de la loi du 12 mai 1853, seront révisées conformément au tableau annexé à la présente loi. »
- Adopté.
M. le président. - Ici vient l'article nouveau proposé par la section centrale et qui est ainsi conçu :
« Les pensions révisées en vertu de la présente loi prendront cours à dater du 1er janvier de l'année courante. »
M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, je propose, par transaction, de faire remonter le bénéfice de la révision au 1er juillet courant.
Les pensions se liquident par trimestre ; au moment où la loi sera promulguée, il y aura deux trimestres liquidés ; il y aurait beaucoup d'écritures à refaire si la loi devait produire ses effets à partir du 1er janvier. Je proposerai donc de dire :
« Cette révision produira ses effets à partir du 1er juillet 1871. »
Mais alors, pour permettre au gouvernement de faire face à cette dépense, je propose un article 5 ainsi conçu :
« Art. 5. L'article 15 du budget de la dette publique de l'exercice 1871 est augmenté d'une somme de 175,000 francs. »
(page 1727) « Un crédit extraordinaire de 10,000 francs est ouvert au département des finances pour couvrir les frais résultant de la révision des pensions militaires. »
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 4, proposé par M. le ministre des finances.
M. De Lehaye. - Je ne puis parler au nom de la section centrale en ce qui concerne les modifications proposées par M. le ministre, mais je ne saurais personnellement y donner mon assentiment.
L'honorable ministre dit que ce que nous proposons compliquerait le travail.
Il me semble, messieurs, qu'il y a au ministère assez d'employés pour faire face facilement au petit surcroît de besogne que pourrait entraîner la proposition de la section centrale, tandis que Les modifications introduites par le ministre entraîneraient pour les lieutenants et les sous-lieutenants une perte très sensible.
Je pense que l'on ferait bien de faire remonter les pensions au premier janvier dernier.
Le sacrifice ne serait pas grand pour le trésor et ce serait un soulagement très important pour les officiers pensionnés.
M. le président. - La rédaction de la section centrale étant reproduite par M. De Lehaye, je la soumets d'abord à la Chambre comme présentant un chiffre plus élevé que la proposition de M. le ministre des finances.
- Il est procédé au vote par assis et levé.
La proposition est rejetée.
L'article 4 proposé par M. le ministre des finances est adopté.
M. le président. - Nous passons à l'article 5, proposé par M. le ministre des finances.
- Il est procédé au vole par assis et levé.
L'article 5 est adopté.
M. le président. - Si la Chambre est décidée à passer immédiatement au vote du projet de loi, je dois, pour suivre le règlement, remettre aux voix les amendements adoptés au premier vote.
- Les articles remis en discussion sont définitivement adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble.
70 membres y prennent part.
59 répondent oui.
10 répondent non.
1 (M. Hayez), s'abstient.
Ont répondu oui :
MM. Wasseige, Wouters, Anspach, Beeckman, Biebuyck, Brasseur, Coremans, Cornesse, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, de Macar, de Naeyer, de Rossius, de Smet, Dethuin, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Funck, Gerrits, Houtart, Jacobs, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Lescarts, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, L. Visart, Vleminckx et Thibaut.
Ont répondu non :
MM. Allard, Coomans, David, Defuisseaux, Descamps, Guillery, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Snoy et Vander Donckt.
M. le président. - M. Hayez, qui s'est abstenu, est prié de faire connaître les motifs de son abstention.
M. Hayez. - La Chambre comprendra mes motifs.
M. le président. - Pour qu'il n'y ait pas de doutes au sujet de la loi, le tableau des grades auxquels sont assimilés les divers fonctionnaires et qui se trouve joint en manuscrit au projet du gouvernement, fera partie de la loi.
M. Dumortier. - Je demanderai à la Chambre la permission de lui donner une petite explication.
Les services du général Niellon ont été reconnus par toutes les sections qui ont admis le principe de la loi. Mais des observations ont été présentées quant au chiffre ; ces observations reposent sur une erreur. On a cru que la pension de la veuve d'un général de division était de 2,100 francs c'est le chiffre donné par une loi ancienne. Mais M. le ministre de la guerre vous a déclaré hier que cette pension serait de 2,500 francs. Dès lors il n'y a plus qu'une légère différence avec le chiffre présenté par les signataires de la proposition.
Les services du général Niellon sont devenus historiques, tous les auteurs qui ont écrit sur l'histoire de la révolution les ont reconnus. Le Livre d'or déclare que c'est à lui qu'est dû le succès de la campagne de 1830. Et quant à celle de 1831, l'ouvrage de M. Ch. White, ancien officier anglais et bien connu pour son rare mérite d'appréciation porte : « Pendant le courant de la campagne de 1831, Niellon déploya des talents militaires d'un ordre supérieur. »
La Chambre a trop de patriotisme pour ne pas adopter le projet qui lui est présenté par d'anciens députés de 1830 en faveur de la veuve de celui à qui la patrie doit tant. Une nation s'honore en récompensant les services qu'on lui a rendus.
Ajoutons qu'il n'est pas à craindre que cette pension serve de précédent, car nul n'a rendu autant de services que le général Niellon ; nul n'a, comme lui, été victorieux dans toutes les batailles qu'il a livrées pour la défense du pays.
- La discussion est close.
« Article unique. Une pension viagère de quatre mille francs (fr. 4,000) est accordée a la dame Louise-Christine-Emilie Torris, veuve du général Niellon, en récompense des services éminents rendus par feu son mari, lors de l'affranchissement de la patrie.
a Cette pension prendra cours à partir du décès du général Niellon. »
- Un membre. - Il y a un amendement de la section centrale.
M. Vleminckx. - Je demande la parole.
M. le président. - La parole est à M. Vleminckx.
M. Vleminckx. - Je désirerais savoir si la section centrale entend que la pension de Mme veuve Niellon soit incessible et insaisissable. Dans l'affirmative, il serait nécessaire que la formule fût insérée dans le projet de loi.
Quant à ce qui s'est passé au sein de la section centrale, vous avez pu remarquer, messieurs, que si trois membres ont approuvé l'allocation de 4,000 francs, tandis que trois autres l'ont rejetée, il est vrai aussi qu'un septième membre a déclaré que s'il avait été présent à la séance, il eût donné un vote favorable au projet tel qu'il a été présenté.
Je pense donc, messieurs, que la proposition qui vous est soumise peut et doit recevoir votre approbation.
Il ne faut pas vous dissimuler, messieurs, et nous, les contemporains de Niellon, nous pouvons en témoigner, c'est en grande partie grâce à lui que notre capitale a été affranchie presque immédiatement du joug de l'étranger et que le gouvernement provisoire a pu y fonctionner avec sécurité.
Puisqu'il est question du comte Frédéric de Mérode dans les développements de l'honorable M. Dumortier, eh bien, laissez-moi ajouter quelques mots qui concernent le général Niellon.
J'ai suivi le comte Frédéric de Mérode de Berchem à Malines ; je ne l'ai, pour ainsi dire, pas quitté jusqu'à ce qu'il eût rendu le dernier soupir.
C'est pendant les quelques jours qui ont précédé sa mort que je me suis entretenu plus d'une fois avec lui du général Niellon.
Il me faisait toujours le plus grand éloge de ce général ; c'est, me disait-il, « grâce à la confiance qu'il a su inspirer à mes volontaires, que nous sommes parvenus à forcer l'ennemi à quitter les frontières, à abandonner Lierre et à se retirer jusque sous les murs d'Anvers. Si je l'avais écouté, ajoutait-il, je ne serais pas aujourd'hui mortellement blessé ; je me suis trop avancé, malgré lui, et j'ai été atteint. Et pourtant il ne manque pas de courage, à coup sûr, car il est toujours le premier et le dernier au feu, mais il sait ménager la vie de ses soldats et ne pas les exposer inutilement. »
Je ne pense pas, messieurs, qu'il faille lésiner dans cette circonstance. Le général Niellon a rendu à la Belgique les plus grands services qu'un homme peut lui rendre, il a contribué puissamment à nous rendre indépendants. Il ne faut pas que la Belgique se montre ingrate envers des hommes comme Niellon et Frédéric de Mérode. Elle leur doit une éternelle reconnaissance, car ils lui ont fait obtenir, de concert avec quelques autres patriotes, le plus grand de tous les bienfaits, à savoir l'indépendance et la neutralité.
M. le président. - M. Vleminckx propose d'ajouter après le paragraphe 2 de l'article unique ces mots : « Elle est incessible et insaisissable. »
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique de la proposition de loi.
67 membres répondent à l'appel.
57 répondent oui.
10 répondent non.
(page 1728) En conséquence, la proposition de loi est adoptée.
Elle sera transmise au Sénat.
Ont répondu oui :
MM. Wasseige, Anspach, Beeckman, Bergé, Biebuyck, Brasseur, Cornesse, Couvreur, de Borchgrave, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, De Lehaye, de Macar, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Elias, Funck, Guillery, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Jamar, Janssens, Jottrand, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mulle de Terschueren, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Van Iseghem, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Amédée Visart, Léon Visart et Vleminckx.
Ont répondu non :
MM. Wouters, Allard, David, de Clercq, Muller, Schollaert, Snoy, Vander Donckt, Van Hoorde et Thibaut.
M. le président. - L'ordre du jour appelé le vote sur des feuilletons de naturalisations.
- Plusieurs membres. - Non ! non !
M. Guillery. - Messieurs, il y a des demandes de naturalisations qui ont un véritable caractère d'urgence. Toutes ces demandes se trouvant réunies dans un même feuilleton, nous pourrions y procéder immédiatement ; l'opération ne serait pas longue et nous ferions beaucoup de besogne en peu de temps.
M. le président. - Nous allons d'abord fixer l'ordre du jour de mardi.
M. Couvreur. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
M. le président. - Ne voulez-vous pas d'abord laisser fixer l'ordre • du jour ?
M. Couvreur. - C'est précisément sur l'ordre du jour.
Je désire informer la Chambre que j'interpellerai le gouvernement sur les mesures qu'il a cru devoir prendre pour régler l'entrée, en Belgique, des Belges et des étrangers et je demande qu'elle décide que cette interpellation aura lieu au commencement de la séance de mardi.
M. Dumortier. - M. le ministre des affaires étrangères n'est pas ici, mais on pourrait le faire appeler pendant le vote sur les naturalisations. Il n'est que trois heures ; rien n'empêche que l'interpellation de M. Couvreur ait encore lieu aujourd'hui ; cela avancerait nos travaux.
- Plusieurs membres. - Non ! non ! ;
M. le président. - L'interpellation aura donc lieu au commencement de la séance de mardi et le second objet à l'ordre du jour sera le projet de crédits spéciaux à concurrence de 22 millions pour exécution de travaux publics.
M. Simonis. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport sur la pétition des fermiers d'Ath et de Chièvres demandant l'abaissement du prix de transport des matières fertilisantes telles que les déchets de laine, le guano et les tourteaux.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
- M. Tack remplace M. Thibaut au fauteuil.
Il est procédé au scrutin sur la prise en considération de diverses demandes de naturalisation. Ce scrutin donne le résultat suivant :
Nombre de votants, 65
Majorité absolue, 35.
Le sieur Arnold-Marinus Jansen, garde-barrière, né à Lendt (Pays-Bas), le 26 mars 1815, domicilié à Tilleur (Liège), obtient 55 voix.
George-Adolphe Dielz, chimiste, né à Colmar (Alsace), le 14 septembre 1818, domicilié à Uccle lez-Bruxelles. 55.
Pierre-Gérard Tegelers, musicien ambulant, né a Ittervoort (partie cédée du Limbourg), le 30 décembre 1802, domicilié à Liège, 52.
Pierre-Paul Struis, né à Neer (partie cédée du Limbourg), le 29 juin 1843, domicilié à Lille-Saint-Hubert (province de Limbourg). 53.
Archibald Patton, négociant en lin, né à Belfast (Irlande), le 19 décembre 1845, domicilié à Courtrai. 56.
Henri-Joseph Schlösser, chef mineur à la houillère du Bois d'Avroy, né à Kerkrade (partie cédée du Limbourg), le 23 mars 1832, domicilié à Saint-Nicolas lez-Liège. 55.
François-Guillaume Jacobs, horloger, né à Maastricht, le 22 septembre 1834, domicilié à Namur. 56.
Louis-Joseph Moreau, cabaretier et propriétaire, né a Baives (France), le 24 août 1818, domicilié à Salles (Hainaut). 54.
Jean-François Etienne, cultivateur, né à Butgenbach (Prusse), Je 14 mars 1844, domicilié à Jalhay (province de Liège). 54.
Etienne Franckard, employé aux usines de Val-de-Poix, né à Ell (grand-duché de Luxembourg), le 1er septembre 1834, domicilié à Vesquevjlle (Luxembourg). 56.
François Duvivier, sergent-major au 6ème de ligne, né à Redange (grand-duché de Luxembourg, le 8 mars 1844. 56.
Alphonse-Octave-Louis-Manuel De La Riva-Agüero, propriétaire, né à Lima (Pérou), le 6 décembre 1834, domicilié à Niel-Saint-Trond (province de Limbourg). 58.
André-Manuel-Severin De La Riva-Agüero, propriétaire, né à Lima (Pérou), le 8 janvier 1837, domicilié à Niel-Saint-Trond (province de Limbourg). 58.
Jean-Jacques-Edouard Kalls, fabricant, né à Juliers (Prusse), le 30 mai 1817, domicilié à Saint-Josse-ten-Noode lez-Bruxelles. 57.
Pierre Schmitz, relieur, né à Maestricht, le 21 novembre 1831, domicilié à Liège. 56.
Ignace-Ferdinand Neuens, sergent-major au régiment des grenadiers, né à Vianden (grand-duché de Luxembourg), le 20 septembre 1849.- 58.
En conséquence, ces diverses demandes sont prises en considération. Elles seront transmises au Sénat.
- La séance est levée à 5 heures trois quarts.