(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)
(page 1310) M. de Vrints procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analysé suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des négociants et banquiers, a Anvers, prient la Chambre de voter, pendant la session actuelle, un projet de loi accordant le privilège des avances sur connaissements, dans le sens le plus étendu. »
- Renvoi à la commission pour le code de commerce.
« Le sieur Van Leer demande la libération du service de son fils Nicolas-Joseph, milicien de 1809, lancier au 2ème régiment. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
. « Des habitants de Glimes prient la Chambre de rejeter les augmentations à la contribution foncière proposées par le gouvernement. »
« Même demande d'habitants de Genval et de Walhain-Saint-Paul-Sart-lez-Walhain. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi qui apporte des modifications aux lois d'impôt.
« Le conseil communal de Gérouville demande que le gouvernement lève la prohibition du bétail à la sortie, d'Athus à la mer, ou du moins qu'il rende libre la frontière française qui touche à la province de Luxembourg. »
« Même demande des conseils communaux de Rochehaut, d'Allez et d'Ortho. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
Par messages en date du 31 mai, le Sénat informe la Chambre des représentants :
1° Qu'il a adopté les projets de loi suivants :
Réforme électorale ;
Nouvelle délimitation des communes d'Anvers et de Merxem ;
Erection de la commune de Bressoux ;
Crédit provisoire de 8,000,000 à valoir sur le budget des travaux publics pour l'exercice 1871 ;
2° Qu'il a pris en considération vingt-trois demandes de naturalisation ordinaire.
- Pris pour notification.
MM. Le Hardy de Beaulieu, d'Hane-Steenhuyse, Eug. de Kerckhove et Bergé, retenu chez eux pour divers motifs, demandent des congés.
- Ces congés sont accordés.
M. le président. - L'ordre du jour appelle, en premier lieu, le tirage des sections pour le mois de juin. Si la Chambre n'y voit pas d'inconvénient, nous remettrons cet objet à la fin de la séance. (Assentiment.)
M. le président. - La parole est à M. Lelièvre.
M. Lelièvre. - Les articles premier, 11 et 14 de la loi du 27 décembre 1817, modifiant la loi du 22 frimaire an VIII, frappant de l'impôt, à titre du droit de succession, les immeubles dépendant de l'hérédité d'un habitant du royaume situés en pays étranger.
Ces dispositions sont contraires aux règles de la justice.
Les immeubles sont soumis à la loi de leur situation (article 3 du code civil).
Il résulte de là que les biens de cette nature, situés en pays étranger, échappent entièrement à l'action de la loi belge, et par conséquent ils ne peuvent être soumis en Belgique à un impôt quelconque.
La nature de l'impôt sur les successions confirme cette vérité.
Le droit de succession est fondé sur la protection accordée par la loi au droit de propriété de celui qui recueille l'héritage du défunt.
Or, quand il s'agit d'immeubles situés à l'étranger, c'est la loi étrangère qui protège la propriété dévolue à l'héritier et non pas la loi belge.
On ne comprend pas dès lors que le passage de la propriété sur la tête du successeur puisse donner lieu à un droit quelconque en faveur du trésor belge.
Le régime actuel consacre d'ailleurs une injustice qu'il est impossible de méconnaître. C'est ainsi qu'en cas de décès d'un individu habitant la Belgique, l'immeuble appartenant au défunt, situé en pays étranger, est soumis au droit de mutation réglé par la loi de la situation. Or, d'après les dispositions de la loi du 27 décembre 1817, il est encore frappé, au profit de l'Etat belge, d'un droit de succession nouveau.
La propriété se trouve ainsi atteinte d'un double impôt, état de choses exorbitant qu'il est impossible de justifier.
Du reste, les immeubles sont régis, par les principes concernant le statut réel. C'est la loi en vigueur au lieu de la situation de ces biens qui règle le sort de ceux-ci en cas de mutation par décès.
L'on sait que, relativement aux immeubles, il y a autant de successeurs qu'il y a de pays différents, tot successiones quot provinciae. Telle était la maxime admise sous les anciennes coutumes et conforme à la nature même des choses.
Il résulte de là que les immeubles situés en pays étranger forment une succession particulière soumise aux lois de la situation.
C'est ce qu'a reconnu l'article premier de la loi du 17 décembre 1851 en ne frappant du droit de mutation en ligne directe que les immeubles situés dans le royaume.
Ce principe fondé en raison doit être appliqué à toutes les mutations par décès, sous peine de laisser subsister dans la législation une anomalie injustifiable.
Les articles premier, 11 et 14 delà loi de 1817, qui introduisaient un autre régime, étaient fondés sur des motifs politiques qui ont cessé d'exister.
Le gouvernement des Pays-Bas, dans le but de séparer le royaume néerlandais des pays voisins, voulait empêcher les Belges de faire des acquisitions à l'étranger ‘arrête du 9 septembre 1814, rapport fait au nom de la commission de la Chambre des représentants sur la révision du régime hypothécaire (Parent, page 143)).
De là la disposition exorbitante écrite dans la loi de 1817.
(page 1311) C'est celle même pensée qui avait fait frapper les fonds étrangers d'un supplément.de droit de succession (article 28 de la loi du 31 mai 1824).
Cet état de choses n'a plus aucune raison d'être, aujourd'hui que les relations internationales sont empreintes d'un tout autre esprit et qu'elles ont pour base une commune bienveillance de la part des peuples et de leurs gouvernements.
Les règles de justice doivent prévaloir pour faire cesser un régime peu équitable et remettre en vigueur les dispositions de la loi du 22 frimaire an VII qui, sous ce rapport, retracent la saine doctrine (arrêt de la cour de Liége du 10 avril 1842).
Le système de la loi de 1817 qu'il s'agit d'abroger n'est pas, du reste, conforme aux principes qui doivent présider aux relations internationales.
Il n'est pas rationnel que l'action de la loi belge puisse s'étendre à des immeubles soumis à une autorité étrangère et frapper ceux-ci d'impositions.
Les législations des pays voisins n'offrent pas d'exemple de semblable énormité. A quel titre la Belgique maintiendrait-elle cette disposition anomale dans les lois dont elle poursuit la réforme en réalisant le progrès ?
En conséquence, nous soumettons avec confiance à la sanction de la Chambre une proposition qui décrète un ordre de choses conforme aux règles invariables du droit et introduit une modification dont la nécessité a souvent été signalée au sein du parlement.
- La proposition est appuyée par plus de cinq membres.
La discussion est ouverte sur la prise en considération.
M. Jacobs, ministre des finances. - Je ne viens pas m'opposer à la prise en considération de la proposition des honorables MM. Lelièvre et de Baets ; mais je tiens à déclarer dès à présent que je ne me rallie pas à cette proposition. Ce qui me porte, messieurs, à ne pas m'y rallier, ce n'est pas seulement l'intérêt financier, bien qu'il doive en résulter pour le trésor une perte annuelle de 200,000 à 300,000 francs ; mate c'est encore le fond même de la mesure.
La Chambre sait, d'après les développements que l'honorable M. Lelièvre a donnés à sa proposition, qu'en France il existe un droit de mutation établi par la loi du 22 frimaire an VII. Ce droit porte sur les immeubles situés en France et sur tous les meubles dépendants de la succession d'un habitant du pays. Aucune dette n'est déduite des biens frappés par ce droit de mutation.
En Belgique, au contraire, ou plutôt dans le royaume des Pays-Bas, depuis 1817, on a substitué au droit de mutation un droit de succession. Ce droit frappe le reliquat net de la succession, déduction faite de toutes les dettes. Mais il est de l'essence du droit de succession de comprendre l'universalité des biens, sans aucune exception. Sinon, ce n'est plus un droit de succession ; c'est le retour au droit de mutation.
Or, dans le système des honorables auteurs de la proposition, on cumulerait les bénéfices des deux systèmes ; on aurait la déduction des dettes, comme en Belgique, et en même temps la déduction des immeubles situés à l'étranger, comme en France.
Si l'on compare les deux systèmes, il paraît incontestable que le système existant en Belgique est plus favorable que le système existant en France. Il y a plus d'avantage à pouvoir déduire les dettes qu'à pouvoir déduire les immeubles sis à l'étranger.
La loi de 1817 a continué à exister telle qu'elle est, sans la modification qu'on propose, dans les trois fractions du royaume des Pays-Bas : en Hollande, en Belgique et dans le grand-duché de Luxembourg. Dans chacun de ces pays, on a proposé parfois de ne pas tenir compte des immeubles sis à l'étranger ; nulle part, cette modification n'a été admise jusqu'à présent.
Quelles sont les raisons qu'on invoque pour déduire les immeubles sis à l'étranger des déclarations de succession ? Il y en a deux : on dit d'abord : il y a double emploi, il y a un double droit à payer pour la même propriété, le droit de succession en Belgique, le droit de mutation en France si l'immeuble est situé en France.
Il n'est pas équitable, dit-on, de faire payer deux fois le droit pour une même propriété.
Mais, messieurs, lorsqu'on produit cet argument, on dirige ses regards exclusivement vers la France. Or, il y a bien des pays où il n'existe pas de droit de mutation par décès.
Il en est ainsi en Prusse, en Russie et dans différents autres pays de. l'Europe. On n'y rencontre qu'un droit de timbre sur les contrats, il n'y a pas de droit de mutation par décès.
Il en résulterait donc que les immeubles, situés dans ces pays et possédés par des Belges, seraient mieux traités que les immeubles situés en Belgique.
Le Belge qui hérite d'immeubles en Belgique payerait sur la succession entière : celui qui hérite d'immeubles sis en Prusse ne payerait rien sur cette partie de la succession.
Je ne demande pas une mesure de protection en faveur de la propriété belge, mais je dois m'opposer à ce que l'on établisse une protection en faveur des immeubles de certains pays étrangers.
J'ajoute, messieurs, que, si le motif donné par l'honorable M. Lelièvre pour appuyer sa proposition est fondé, il ne doit pas la restreindre aux immeubles.
En France, les inscriptions nominales au grand-livre de la dette publique, alors même qu'elles appartiennent à des étrangers, sont soumises à un droit de mutation par décès.
Là encore, en supposant que la proposition fût admise, vous auriez deux droits à payer, un droit de succession en Belgique, un droit de mutation, en France. Et s'il convenait au gouvernement français d'établir des droits de mutation par décès sur les actions de la Banque de France, sur celles des sociétés de chemins de fer français, sur toutes les valeurs mobilières françaises se trouvant dans la succession d'un étranger, il serait payé un double droit sur ces valeurs.
La proposition de l'honorable M. Lelièvre ne serait donc logique que si l'on pouvait établir ce principe général qu'on ne payera les droits de succession en Belgique que sur les valeurs immobilières ou mobilières qui ne. sont pas assujetties à un droit de mutation par décès à l'étranger.
Or, cela est-il possible ? Pouvons-nous nous traîner ainsi à la remorque des législations étrangères ? Pouvons-nous nous résigner à n'imposer que ce qu'il leur plaira de n'imposer pas elles-mêmes ?
Il est un second argument que l'honorable M. Lelièvre a fait valoir, c'est l'absence de protection donnée par la loi belge aux immeubles situés à l'étranger.
Mais, messieurs, ici encore l'argument n'est pas en rapport avec la portée de sa proposition
Ce ne sont pas seulement les immeubles situés à l'étranger qui ne sont pas protégés par la loi belge ; les valeurs mobilières françaises, les inscriptions nominatives au grand-livre de la dette publique, les actions en nom inscrites sur les registres de sociétés en France, n'obtiennent aucune protection de la loi belge.
Les meubles meublants qui, en France, garnissent l'immeuble, maison de ville ou de campagne, appartenant à un Belge, ne sont pas plus protégés par la loi belge que l'immeuble qu'ils garnissent.
Cela prouve, messieurs, que le droit de succession, tel qu'il est établi en Belgique, ne constitue pas la rémunération d'une protection spéciale donnée aux objets auxquels il s'applique, c'est un droit que perçoit l'Etat d'une façon générale sur l'actif net des successions recueillies par les régnicoles pour rémunérer la protection générale qu'il donne à leurs personnes et à leurs biens.
Ce droit est en rapport avec sa cause, et c'est pourquoi je ne puis ms rallier à la proposition de l'honorable membre.
M. de Smet. - J'appuie la proposition de loi qui vient d'être développée par l'honorable M. Lelièvre.
La loi du 27 décembre 1817 a consacré un principe injuste en frappant d'un droit de succession les immeubles d'un habitant du royaume situés en pays étranger attendu qu'ils se trouvent ainsi doublement atteints.
Je puis citer un cas où un pareil immeuble peut donner lieu à un droit exorbitant de 26 p. c, soit plus du quart de sa valeur.
Il me paraît donc essentiel d'affranchir ces immeubles de tout droit dans le pays alors qu'ils sont imposés au lieu de leur situation.
La loi du 17 décembre 1851 a déjà porté remède à cet abus pour les successions en ligne directe.
J'en rencontre un autre dans la loi du 27 décembre 1817. Les fonds publics étrangers y sont majorés de 50 p. c. Je crois que le gouvernement d'alors a pris cette mesure en vue de favoriser l'émission de ses fonds nationaux. Nous n'avons pas besoin d'avoir recours à cette rigueur, les fonds belges étant toujours d'un placement facile.
Je voudrais voir introduire encore une modification dans notre législation sur le droit de succession, en laissant aux héritiers la faculté de (page 1312) jouir du bénéfice de l'article 3 de la loi du 17 décembre 1851, à tous les degrés, pour l’établissement de la valeur des immeubles. Cette disposition éviterait une foule de difficultés qu'entraîne toujours la fixation de la valeur des immeubles aussi bien pour le fisc que pour les contribuables.
- La proposition est prise en considération ; elle sera renvoyée à l'examen des sections.
M. Lelièvre. - Je ferai d'abord remarquer qu'il ne s'agit que de la prise en considération de la proposition. Or, il résulte des explications mêmes données par M. le ministre des finances qu'il s'agit d'une question grave, qui doit faire l'objet d'un examen approfondi de la part des sections et de la section centrale. Sous ce rapport, il y a lieu d'accueillir la prise en considération et j'espère que le gouvernement, éclairé par le rapport de la section centrale et les discussions des sections, se ralliera a une proposition fondée en droit et en équité.
Toutefois, il m'est impossible de ne pas répondre dès maintenant à quelques objections présentées par M. le ministre des finances.
M. le ministre pense que, pour être conséquents, les auteurs de la proposition devraient l'étendre aux objets mobiliers se trouvant en pays étranger. Mais on sait que les objets mobiliers sont réputés avoir leur situation au domicile du propriétaire, comme les créances ont leur situation fictive au domicile du créancier. Or, comme il s'agit ici d'un individu habitant la Belgique, il est naturel que les objets mobiliers, même se trouvant en pays étranger, mais réputés, par une fiction légale, se trouver en Belgique, doivent être compris dans la déclaration de succession, eu égard au domicile du défunt.
Mais il en est tout autrement des immeubles situés en pays étranger. Ces biens ne peuvent être soumis à la loi belge, parce qu'il s'agit d'un statut réel et que par conséquent la loi seule du territoire où ils sont situés peut les régir et en régler le sort.
Il faut perdre de vue toutes les règles concernant le statut réel pour prétendre soumettre a la loi belge des biens sur lesquels celle-ci n'a aucune action.
Veut-on avoir une preuve décisive de ce que j'avance, c'est qu'en cas de décès d'un individu habitant la Belgique, les immeubles qu'il possède en pays étranger sont partagés entre les héritiers, non pas conformément aux règles établies par le code civil, mais bien d'après l'ordre successif réglé par la loi étrangère ; ce. qui prouve que sous aucun rapport ces biens ne peuvent être soumis à un droit de succession établi en Belgique, puisque le partage entre les héritiers et le règlement de leurs droits doivent avoir lieu uniquement d'après la loi étrangère.
Enfin, la loi du 17 décembre 1851, en établissant le droit de mutation en ligne directe, a formellement restreint l'impôt aux immeubles situés en Belgique. Or, à quel titre n'étendrait-on pas à toutes les successions ce principe de raison introduit pour la succession en ligne directe ?
La loi de 1851 est, sous ce rapport, la conséquence du droit commun et des principes généraux du droit. D'ailleurs, le motif qui a dicté la disposition de la loi de décembre 1851 milite également en faveur de notre proposition et il serait impossible de déduire une raison de différence.
Du reste la considération que les immeubles sont nécessairement régis par le statut réel décide formellement la difficulté soulevée.
Je pourrais ajouter d'autres motifs décisifs, mais M. le ministre des finances ayant déclaré lui-même ne pas s'opposer à la prise en considération, je ne crois pas devoir continuer une discussion pour le moment sans objet. Après le rapport de la section centrale, nous pourrons l'aborder avec fruit.
M. David. - Les griefs articulés aujourd'hui encore, par la majorité des habitants de Dolhain-Baelen contre la commune mère, Baelen, subsistent depuis de longues années ; il y a quarante ans, l'honorable M. Delcour, qui est un enfant de Dolhain, vous l'a dit dans la séance du 10 février dernier, Dolhain-Baelen se plaignait déjà de son administration communale et désirait sa séparation.
Afin de faire représenter ses intérêts au sein du conseil communal, ce hameau réclama, vers l'année 1849 ou 1850, de former une section électorale, croyant pouvoir obtenir ainsi, par l'influence de conseillers à élire dans son sein, les améliorations indispensables à son bien-être.
A cette époque, le 3 mars 1851, M. le commissaire d'arrondissement de Verviers, M. Jamme, fit, à l'appui delà demande d'érection en section électorale, le rapport suivant :
« La population de Dolhain-Baelen est wallonne et industrielle, tandis que celle du reste de la commune est allemande et agricole ; les mœurs de ces deux subdivisions de la commune sont on ne peut plus dissemblables et leurs intérêts sont différents et parfois opposés. Il existe entre les deux races peu de sympathie et les faits ont prouvé que les administrateurs choisis dans la partie allemande n'ont aucune sollicitude pour le village manufacturier et wallon de Dolhain.
« Il suffit de mettre le pied dans ce village pour reconnaître que l'action de l'autorité communale y fait défaut. La voie publique est envahie par des dépôts d'immondices que, malgré mes invitations les plus pressantes, je n'ai pu parvenir à faire enlever entièrement même à l'époque des ravages du choléra. Les constructions neuves ou du moins récentes, sont semées sans aucun alignement. Les enfants pauvres ne fréquentent l'école que depuis cette année, et il a fallu toute la persévérance de l'autorité supérieure pour obtenir ce résultat, dont l'administration communale n'a pas encore pris son parti.
« La police est tellement mal exercée à Dolhain-Baelen, que l'autorité communale de Limbourg m'a signalé le préjudice qui en résulte pour le maintien de l'ordre dans le village contigu de Dolhain-Limbourg. Tout ce que l'on défend d'un côté de la rivière est permis de l'autre ; quand la police de Limbourg fait fermer les cabarets le soir, les buveurs passent dans ceux de Dolhain-Baelen ; et il est arrivé que, s'arrêtant sur le pont qui réunit les deux communes, ils se livraient à un tapage injurieux pour l'administration de Limbourg. »
Le hameau de Dolhain-Baelen fut érigé en section électorale, mais les électeurs de Baelen, beaucoup plus nombreux, décidèrent presque toujours du choix des conseillers de cette section ; une fois cependant deux hommes indépendants obtinrent des sièges au conseil, ils réclamèrent des améliorations pour leur localité ; l'un des échevins, organe de la majorité, leur répondit, en séance du conseil : Vous êtes les premiers à la queue. C'était un refus dédaigneux de faire droit à leurs justes demandes, et ils donnèrent leur démission.
L'administration communale de Baelen a poursuivi son système d'indifférence à l'égard de ses administrés de la section de Dolhain-Baelen, les a poussés à bout, et le 30 août 1869, cinquante-sept des principaux contribuables y domiciliés, appuyés le 11 mai 1870 par vingt-et-une personnes non domiciliées à Dolhain-Baelen, mais y possédant les trois quarts des propriétés, ont demandé l'annexion à la commune de Limbourg, de la partie teintée par un tracé jaune au plan cadastral joint au dossier adressé par la députation permanente de Liège à M. le ministre de l'intérieur.
M. le commissaire actuel de l'arrondissement de Verviers, M. Sagehomme, a été consulté sur celle question, et le 17 mai 1870 il a fait son rapport à M. le gouverneur de Liège.
Ce rapport, à lui seul, peut servir d'exposé des motifs du projet de loi d'annexion réclamé ; le voici :
« Verviers, 17 mai 1870.
« Monsieur le gouverneur,
« J'ai l'honneur de vous renvoyer la requête en double expédition par laquelle des habitants de la partie du bourg de Dolhain, désignée sous le nom de Dolhain-Baelen, demandent que cette section soit distraite de la commune de Baelen et réunie à la commune de Limbourg.
« Je joins une contre-pétition et les avis des deux conseils communaux ; celui de Baelen s'est prononcé contre l'objet de la requête ; le conseil de Limbourg l'a appuyée.
« Les pétitionnaires font valoir que Dolhain-Baelen, d'une population de plus de 1,000 habitants, est distant du chef-lieu d'environ trois kilomètres, tandis qu'il confine à Dolhain-Limbourg, agglomération principale de la commune de Limbourg.
« Ils invoquent la diversité de langage et ils auraient pu ajouter l'absence de rapports avec Baelen, presque entièrement agricole, tandis que Dolhain est essentiellement industriel.
« L'administration communale de Baelen a, de tout temps, négligé cette partie de sa circonscription, et, pour le prouver, les pétitionnaires font remarquer, notamment, qu'ils n'ont pu obtenir une école, ce qui oblige les parents des élèves indigents soit à envoyer leurs enfants à l'école de Baelen, soit, s'ils veulent leur éviter ce long trajet, à payer aux écoles de Limbourg ; ils signalent aussi des actes de mauvais vouloir posés à leur détriment lorsque l'administration de Limbourg a subordonné au concours pécuniaire de la commune de Baelen la continuation de l'usage de son cimetière, et plus tard de l'unique pompe publique existant dans les deux sections de Dolhain.
« Réuni à Limbourg, disent les pétitionnaires, Dolhain-Baelen serait traité sur le même pied que Dolhain-Limbourg, qui est bien pavé, entretenu et éclairé la nuit ; la police y serait faite convenablement et de manière à mettre fin aux rixes et tapages favorisés par l'absence des autorités.
(page 1313) « Les pétitionnaires ne doutent pas que l'administration de Limbourg exécuterait les travaux de nivellement que l'embellissement de leur localité exige, ainsi que ceux nécessaires pour les mettre a l'abri des inondations causées par les crues des eaux de la Vesdre.
« Le conseil communal de Baelen est d'avis que les griefs des pétitionnaires, en admettant qu'ils soient fondés, ne sont pas irrémédiables et, partant, ne suffisent pas à motiver une séparation.
« Il allègue aussi que la commune perdrait le tiers de sa population et une part considérable de ses revenus, tandis que les frais d'administration resteraient les mêmes.
« La considération de la perte pécuniaire que subirait Baelen est la raison déterminante de l'attitude du conseil communal ; on savait d'avance qu'il s'opposerait à la disjonction d'une section qui ne lui coûte presque rien et qui lui rapporte beaucoup ; mais ce point de vue peut d'autant moins être celui de l'autorité supérieure, que la commune est dans une situation financière qui la met à même, en cas de séparation, de faire fonctionner les différents services communaux.
« La population totale de la commune est de 2,780 habitants. La séparation en laisserait plus de 1,700 à Baelen ; ce chiffre permet de constituer une circonscription respectable.
« Je suis d'avis, monsieur le gouverneur, qu'il y a lieu d'accueillir la demande des pétitionnaires.
« Les deux parties du bourg de Dolhain, reliées par un pont en pierres établi par la société de la route de la Vesdre, forment un centre industriel considérable ; sauf pour les rapports administratifs, tout leur est commun : elles ressortissent à la même paroisse, presque tous les enfants fréquentent les mêmes établissements d'instruction, les intérêts et les besoins de leur population sont identiques. Mais il s'en faut que leurs administrateurs s'en préoccupent au même degré.
« Dolhain-Limbourg, régulièrement pavé et bâti, est éclairé pendant la nuit ; la police, dont l'action est si nécessaire dans les agglomérations d'ouvriers, s'y fait activement et tout y fait remarquer une administration vigilante et placée à proximité de ses administrés.
« Le contraste est frappant à Dolhain-Baelen ; il n'y existe ni pavage ni éclairage ; la plus grande partie des habitations sont en contre-bas de la route, sans que l'administration se soit jamais occupée des moyens de remédier à ce que cet étal de choses a de disgracieux ; l'absence d'alignement et de règlement en matière de bâtisses est évidente. Tout dénote l'abandon, par l'administration du chef-lieu, de cette partie de la commune, et son indifférence pour les améliorations que le développement de cet endroit nécessitait ; ce n'est que dans ces derniers temps qu'il a été exécuté un travail de voirie vers Bilstain, mais dans des conditions insuffisantes quant à l'hygiène et à l'embellissement.
« Le grief des pétitionnaires, en ce qui concerne la police, n'est que trop vrai, et il ne pourrait en être autrement dans l'état d'organisation du service : la commune de Baelen, quoique sa superficie soit de 1,844 hectares, a pour tout agent un seul garde champêtre, résidant dans la section opposée à Dolhain ; son traitement de 500 francs l'oblige à chercher dans des occupations étrangères à son emploi les ressources qu'il ne peut lui procurer.
« On comprend, par là, que la police n'existe que de nom en cet endroit, où cependant son action incessante est rendue nécessaire par le grand nombre d'ouvriers étrangers que l'industrie y attire.
« Cette nécessité a été comprise par l'administration de Limbourg ; quoique la surface de cette commune ne comporte que 678 hectares, elle alloue 1,200 francs annuellement aux deux agents préposés à ce service.
« La délibération du conseil de Baelen s'abstient de faire aucune promesse quant au moyen de remédier aux griefs signalés. Celle de Limbourg, au contraire, contient l'engagement d'exécuter les travaux d'amélioration nécessaires.
« De tout temps, Dolhain-Baelen a été délaissé par l'administration du chef-lieu, et son abandon a été surtout remarqué à la dernière invasion du choléra ; lorsqu'il a été question, l'année dernière, de placer un poteau de barrière d'une façon nuisible aux transports vers l'intérieur de l'endroit, c'est le conseil communal de Limbourg qui a appelé l'attention de l'autorité supérieure sur les inconvénients de la mesure.
« La contre-pétition, évidemment inspirée par les autorités de Baelen, des actes desquelles elle est l'apologie, ne paraît devoir être considérée comme un simple développement de la délibération du conseil. À mon avis elle laisse entiers les griefs articulés.
« Ses signataires font remarquer que les charges communales sont moins élevées à Baelen qu'à Limbourg ; mais s'il est vrai, ce que l'enquête à laquelle procédera un membre de la députation permanente pourra constater, que les demandeurs en séparation sont les plus fort imposés, tandis que les opposants sont en grande partie des ouvriers qui ne figurent pas aux rôles, ce grief énoncé par eux serait sans valeur.
« Au surplus, ainsi que le fait observer le conseil communal de Limbourg, si les impositions sont plus élevées en cette commune, c'est qu'elle a organisé différents services publics qui font défaut à Baelen.
« Or, l'objectif en matière d'impôts ne doit pas être exclusivement leur réduction ; lorsque leur produit est bien employé et en vue de satisfaire les besoins de la communauté, ils ont un résultat avantageux.
« Je suis d'avis, monsieur le gouverneur, que la séparation sollicitée par des habitants de Dolhain-Baelen est dans l'intérêt de cette localité.
« Le commissaire d'arrondissement,
« Sagehomme. »
M. le commissaire d'arrondissement aurait pu également affirmer qu'il existe à Dolhain-Baelen aucune pompe à incendie et qu'en cas de sinistre, les pompes, les pompiers et la police de Limbourg sont obligés d'aller y combattre les sinistres, et de plus que tous les travaux publics, à l'exception du petit bout de route de 418 mètres de Bilstain à Dolhain-Baelen, pour une somme de près de 100,000 francs ont été exécutés au chef-lieu de la commune et dans ses alentours.
Un membre de la députation permanente de Liège a procédé aux enquêtes prescrites le 30 mai 1870 à Baelen et le 31 mai à Limbourg.
Le 30 mai, 51 habitants du chef-lieu Baelen et de Dolhain-Baelen, se sont prononcés contre la séparation et trois seulement pour cette séparation ; ce résultat était inévitable, les personnes consultées appartenant en grande partie au chef-lieu qui s'oppose à l'annexion à Limbourg d'une partie de la commune.
Le 31 mai, à Limbourg, 51 habitants de Dolhain-Baelen et autres ont demandé l'annexion ; un seulement l'a rejetée et un a été indifférent à l'une et à l'autre mesure.
Le rapport du membre de la députation permanente, en date du 24 juin 1870, est favorable à l'annexion ; en voici les conclusions :
« Nous référant en outre aux considérations émises par M. le commissaire d'arrondissement de Verviers, dans son rapport du 17 mai dernier, nous estimons qu'il y a lieu de distraire de la commune de Baelen la section de Dolhain et de la réunir à la commune de Limbourg en suivant le tracé indiqué au plan ci-joint par un liséré jaune. »
La question a été soumise en cet état au conseil provincial de Liège, qui la renvoya à l'examen de sa quatrième commission ; celle-ci déposa son rapport dans la séance du 14 juillet 1870, elle concluait à ce qu'il n'y avait pas lieu, dès maintenant, à donner un avis favorable à la séparation et à l'annexion demandées, engageant les auteurs de cette demande à la renouveler à la session prochaine, si l'administration communale de Baelen n'a pas, dans l'intervalle, donné satisfaction à la section de Dolhain-Baelen, en adoptant immédiatement les mesures suivantes :
1° L'érection d'une école primaire ;
2° Le placement des réverbères en nombre suffisant ;
3° Le séjour d'un garde champêtre dans cette section ;
4° L'achat d'une pompe à incendie ;
5° Le bon entretien des rues et places.
De ces cinq prescriptions, une seule est remplie jusqu'à ce moment, cinq réverbères au pétrole ont été placés sur la vaste place de Dolhain-Baê'en.
Dans sa séance 15 juillet, le conseil provincial de Liège eut à se prononcer sur les conclusions de sa quatrième commission ; il les rejeta et sur la proposition de seize de ses membres, il vota la séparation de la section de Dolhain-Baelen d'avec la commune de Baelen et son annexion à la commune de Limbourg à une forte majorité.
Tous les faits qui précèdent démontrent la complète inexactitude de la protestation qui vous a été distribuée dernièrement sous forme de brochure par le conseil communal de Baelen, et l'urgence de séparer ce hameau de la commune de Baelen pour l'annexer à la commune de Limbourg pour que celle-ci, dans l'intérêt de l'avenir de ce hameau, l'assainisse, y établisse une bonne police et y exécute les améliorations réclamées dans un centre industriel qui attend ces mesures pour se développer.
- La discussion est ouverte sur la prise en considération.
Personne ne demandant la parole, la proposition est prise en considération et renvoyée à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau.
M. Van Outryve. - Messieurs, dans la séance de vendredi dernier, (page 1314) M. le ministre des travaux publics, répondant à l'honorable M. de Clercq, nous a annoncé que dans l'affaire de l'écluse de garde à Blankenberghe le gouvernement ne pouvait aller au delà des propositions qu'il avait transmises à l'administration de la wateringue.
Messieurs, je regrette de devoir dire à M. le ministre qu'il m'est impossible de partager sa manière de voir sur cette question.
Je crois que la décision que M. le ministre semble avoir prise n'est ni juste, ni équitable.
En effet, voici la question dans toute sa simplicité. Le gouvernement, par les travaux qu'il a fait exécuter au port de refuge de Blankenberghe, a causé, contre son attente, un préjudice considérable aux intérêts agricoles d'une des parties les plus riches de l'arrondissement de Bruges. De l'avis des ingénieurs de l'Etat, de l'avis de tout le monde, il peut être remédié aux inconvénients signalés par la construction d'une écluse de garde à établir en amont du bassin de retenue de Blankenberghe. Or, à qui incombe cette construction ? Est-ce à la wateringue qui représente les intérêts lésés, ou est-ce au gouvernement, qui est l'auteur du dommage dont on se plaint ?
Messieurs, il me semble que poser la question, c'est presque la résoudre ; il me semble qu'il ne peut être un seul instant douteux que ce soit au gouvernement qu'incombe exclusivement la construction de cet ouvrage ; c'est lui qui en a provoqué la nécessité, c'est donc lui qui doit en supporter tous les frais.
M. le ministre nous dit qu'il s'agit ici principalement d'intérêts privés ; que c'est à la wateringue à sauvegarder ces intérêts et que le gouvernement, en proposant d'intervenir dans la dépense jusqu'à concurrence de moitié, remplit et au delà toutes les obligations qui peuvent peser sur lui.
Messieurs, il est vrai que des intérêts privés très considérables sont ici en jeu. Mais, puisque ces intérêts ont été lésés par le fait du gouvernement, c'est à ce dernier à réparer le préjudice dont il est la cause. D'ailleurs, la question qui nous occupe n'est pas exclusivement une question d'intérêt local. En effet, les eaux du canal de Blankenberghe, auxquelles nous désirons conserver toute leur pureté, doivent servir sur une étendue de plusieurs milliers d'hectares, pour les abreuvoirs du bétail et même pour l'usage des populations riveraines qui n'ont et ne peuvent avoir d'autre eau potable à cause de la nature tourbeuse du sol. Il y a donc ici une question d'hygiène et de salubrité publique qui mérite de fixer toute l'attention du gouvernement.
M. le ministre semble aussi avoir bien mal compris la réponse que la wateringue a faite aux offres d'intervention du gouvernement, quand il nous dit que cette administration s'est montrée moins exigeante que nous et qu'elle a accepté avec empressement et reconnaissance l'intervention du gouvernement jusqu'à concurrence de la moitié de la dépense, que par conséquent la question était définitivement réglée. Messieurs, la wateringue, qui sait par expérience ce qu'il peut lui en coûter de ne pas accepter d'emblée les faveurs du gouvernement, a cru devoir accepter l'offre d'intervention qui lui a été faite, mais tout en l'acceptant, elle a entendu recommander derechef ses justes droits à la bienveillante sollicitude de M. le ministre des travaux publics et elle n'a pas renoncé à l'espoir de voir revenir M. le ministre à une décision plus équitable. C'est ce qui résulte à l'évidence et du texte de la réponse qu'elle a adressée aux départements des travaux publics et des débats de l'assemblée générale de cette wateringue. J'espère donc que M. le ministre voudra bien soumettre la question à un nouvel examen, et je compte qu'il finira par faire droit à nos justes réclamations.
Messieurs, je crois également devoir appeler pour quelques instants l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une question qui intéresse vivement l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre. Je veux parler des chemins de fer concédés de la Flandre occidentale.
Vous savez, messieurs, que nous sommes menacés en ce moment de voir dénoncer les tarifs mixtes en vigueur entre l'Etat et la Société des Bassins houillers. II y a plus : s'il faut en croire certains renseignements, l'exploitation de ces lignes se ferait désormais d'une manière incomplète et défectueuse. La société concessionnaire se contenterait de remplir les obligations qui résultent pour elle de ses cahiers des charges et au delà elle n'aurait aucun égard pour les justes exigences du public.
Messieurs, je crois inutile d'insister sur le dommage considérable que cette rupture causerait au commerce et à l'industrie de la Flandre occidentale ; les conséquences en seraient vraiment désastreuses pour les intérêts que nous avons mission de défendre dans cette enceinte. Je me permettrai de citer un exemple qui vous montrera la gravité du' mal dont nous sommes menacés.
Le prix de transport pour le charbon, qui constitue un des principaux éléments de trafic sur les lignes de la Flandre occidentale, sera presque doublé pour certaines localités. Ainsi, de Mons à Adinkerke, station du chemin de fer de Furnes à Dunkerque, le prix du transport de 10,000 kilogrammes de charbon est aujourd'hui de 50 fr. 30 c. ; après la rupture du service mixte, grâce aux augmentations des tarifs et aux réinscriptions qui devront se faire à Courtrai, à Lichtervelde et à Fumes, il sera de 99 fr. 50 c. soit 49 francs, ou, en d'autres termes, près de cent pour cent d'augmentation. Il serait facile de multiplier ces exemples.
Déjà aujourd'hui, sous l'empire des tarifs mixtes, nous sommes dans une infériorité incontestable comparativement aux provinces qui jouissent des immenses bienfaits de l'exploitation des chemins de fer par l'Etat ; nous n'avons, pour les communications et les correspondances, ni la facilité ni la régularité dont on jouit ailleurs, et l'abaissement des tarifs des voyageurs, qui a été adopté par le gouvernement il y a quelques années, est resté une lettre morte pour beaucoup d'entre nous.
Or, si la dénonciation du service mixte ne peut être évitée par la reprise par l'Etat des lignes concédées, la situation deviendra vraiment intolérable.
Cependant, messieurs, je dois reconnaître que la responsabilité de cette situation ne retombe pas sur l'honorable ministre des travaux publics ; cette situation est la conséquence directe et (erratum, page 1368) prévue du déni de justice dont nous avons été victimes lors de la conclusion de la convention du 25 avril 1870. En effet, par cette convention, le gouvernement reprenait toutes les lignes de la société des Bassins houillers ; mais une exception difficile à comprendre était formulée pour les lignes de la Flandre occidentale. Tandis que l'on croyait devoir assurer au Hainaut, au Brabant et à une partie de la Flandre orientale les avantages résultant de l'exploitation par l'Etat, on privait systématiquement la Flandre occidentale de sa part légitime dans les faveurs du gouvernement.
Et pourtant rien n'eût été plus rationnel que de ne pas faire cette exception qui devait nous être si préjudiciable. La convention du 25 avril était généralement envisagée comme favorable aux intérêts financiers de l'Etat, les membres de l'ancien cabinet l'ont répété à différentes reprises dans cette Chambre.
Or, cette reprise jugée si bonne pour le Hainaut ne pouvait devenir mauvaise quand il s'agissait de la Flandre. Si nous avons quelques lignes peu productives, nous en avons aussi de fort bonnes, comme celle de Bruges à Courtrai, tout comme, parmi les lignes reprises, il y en a de bonnes et de mauvaises. Il faut encore noter que plusieurs des lignes les moins productives de la Flandre jouissent d'une garantie de minimum d'intérêt ; par conséquent, pour ces lignes, il n'y avait pas de perte possible pour l'Etat qui les aurait reprises ; car ce qu'il aurait perdu d'un côté, il l'aurait gagné de l'autre. Mais même si la reprise était jugée onéreuse, pourquoi n'a t-on pas fait en faveur de la Flandre les sacrifices qu'on a cru devoir faire pour d'autres provinces ?
J'avoue, messieurs, que je n'ai pas compris la distinction qui a été faite entre les lignes qu'on a reprises et celles qu'on n'a pas voulu reprendre. Il est vrai que la convention du 25 avril a été votée par les Chambres peu de semaines avant les élections législatives dans le Hainaut et la Flandre orientale et que la lutte promettait d'être des plus vives dans plusieurs localités de ces provinces ; tandis que, sans la dissolution, nous n'avions pas d'élection dans la Flandre occidentale. C'est là que quelques-uns ont cru, à tort ou à raison, découvrir le véritable motif de l'exclusion dont nous avons été frappés.
Il faut convenir que la promptitude inouïe avec laquelle le vote de la Chambre a été enlevé en celle circonstance est plus ou moins de nature à justifier ces suppositions.
Quoi qu'il en soit, une chose était facile à prévoir, c'est que la société des Bassins houillers, pour forcer le gouvernement à reprendre, à des conditions plus ou moins onéreuses, ce qu'il n'avait pas voulu reprendre de prime abord, aurait trouvé un moyen bien simple d'arriver à son but en dénonçant les tarifs mixtes et en prenant d'autres mesures propres à froisser les intérêts des populations. C'est, en effet, ce qui se fait dès aujourd'hui.
Je prierai donc M. le ministre des travaux publics d'examiner avec la bienveillance que nous lui connaissons les moyens d'arriver à une entente avec la société des Bassins houillers.
Je sais que des pourparlers ont déjà été engagés ; malheureusement ils n'ont pu aboutir. Je compte que M. le ministre parviendra à les renouer et que la reprise de l'exploitation se fera dans un avenir peu éloigné.
Ce n'est pas à nous à déterminer à quelles conditions cette reprise doit se faire. Il se peut que dans les propositions de la Société des Bassins houillers il y ait certaines exigences peu admissibles. Toutefois je ferai (page 1315) remarquer que, si mes renseignements sont exacts, d'après ces propositions, la charge kilométrique ne dépasserait pas 6,500 francs pour les lignes déjà construites et 4.500 francs pour celles qui sont encore à construire ; par conséquent, au moins sous ce rapport, la reprise se présenterait dans des conditions plus favorables que celle du 25 avril, d'après laquelle la charge kilométrique pour les lignes construites et même pour celles à construire était fixée au minimum de 700 francs. De plus, les intérêts des obligataires seraient parfaitement sauvegardés et l'on n'aurait plus à redouter les difficultés qui ont si longuement occupé la Chambre dans le courant de cette session.
Messieurs, puisque j'ai la parole, je soumettrai une autre demande à M. le ministre des travaux publics.
Il est certain que d'ici à un temps donné, toutes les stations du chemin de fer de l'Etat auront leur bureau télégraphique ; les exigences du service et l'augmentation constante de la population et de la prospérité publique en feront une nécessité.
Toutefois, en attendant que cette mesure générale soit décrétée, je crois qu'il serait opportun d'accorder, dès à présent, des bureaux télégraphiques à certaines stations qui en sont privées jusqu'ici et où, cependant, un service télégraphique est d'une nécessité indispensable. Je recommanderai d'une manière spéciale a M. le ministre une des communes les plus importantes des environs de Bruges, la commune d'Oostcamp. Cette commune a une population et une industrie plus que suffisantes pour justifier les frais que l'installation de ce service doit entraîner pour l'Etat.
M. Magherman. - Je commence par adresser mes remerciements à l'honorable ministre des travaux publics d'avoir maintenu en son entier la ligne principale du chemin de fer projeté d'Anvers à la frontière de France vers Douai, ligne que, sous le prétexte d'un double emploi qui n'existe pas, il a été un instant question de détourner, au préjudice des populations nombreuses et intéressantes qui se seraient considérées comme privées d'un droit acquis.
J'ai cependant aussi à exprimer un regret, c'est que l'exécution de cette importante ligne internationale est renvoyée à une époque assez éloignée. D'après l'arrêté ministériel du 14 janvier 1871, les travaux de la section de Malderen à Renaix ne doivent être entamés que le 1er juillet 1873 et finir au 1er juillet 1875 ; et ceux de la section de Renaix à Tournai ne doivent commencer que le 1er juillet 1874 pour être terminés le 30 novembre 1876.
J'ai le même regret à exprimer, et même dans une plus forte mesure, en ce qui concerne l'exécution de la section du chemin de fer de Bassilly à Lessines et Renaix, du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai, dont l'exécution est également renvoyée au 1er juillet 1873. La date de la loi qui autorise la concession de cette importante ligne qui doit mettre la ville de Renaix, l'arrondissement de Courtrai et toute la Flandre occidentale en communication directe avec les bassins houillers du centre et de Charleroi remonte au mois de mai 1856 ; la section de Courtrai à Renaix est en exploitation depuis plus de deux ans, et il me semble qu'eu égard a ces circonstances, la section de Renaix à Bassilly, qui reste à construire, aurait pu avoir le pas sur d'autres travaux décrétés à une date beaucoup plus récente.
Quoi qu'il en soit, cet arrêté formant aujourd'hui le contrat entre le gouvernement et la société des Bassins houillers, ce n'est que de commun accord que les époques pourraient être modifiées ; et comme il n'est pas à croire que cette société, qui est chargée d'un grand nombre de travaux, consente à rapprocher le terme fixé pour l'exécution de la ligne prémentionnée, je convie le gouvernement de tenir la main à ce qu'il ne soit apporté aucun retard à la réalisation tant de la section complémentaire du chemin de fer de Courtrai à Braine-le-Comte qu'à celle du chemin de fer d'Anvers vers Douai.
La loi du 31 mai 1866 autorise le gouvernement à concéder, entre autres un chemin de fer d'Audenarde vers la frontière des Pays-Bas, dans la direction de Watervliet, et un arrêté royal du 12 février 1869, pris en exécution de cette loi, accorde à la Société anonyme pour la construction de chemins de fer vicinaux en Belgique, représentée par les sieurs Neelemans et Aernaut, la concession du chemin de fer prémentionné, en indiquant, comme lieux de passage, Deynze, Nevele, Somergem et Eecloo.
Je regrette que cet arrêté ne mentionne pas également, comme lieu de passage obligé, l'importante commune de Cruyhautem, qui se trouve entre Audenarde et Deynze. Comme il est autant de l'intérêt public que de celui de la compagnie de rattacher les centres importants à ces voies de communication, j'aime à croire que la compagnie ne présentera pas et que l'honorable ministre des travaux publics n'agréera pas un plan qui ne tiendrait pas compte des intérêts de la commune de Cruyshautem.
Mais, depuis quelque temps déjà, je n'ai plus rien appris de cette concession. Serait-elle abandonnée ? J'aime à croire que non et je prie l'honorable ministre de ne point perdre de vue cet important objet.
Il existe sur le chemin de fer de Denderleeuw vers Hazebrouck, entre les stations de Sottegem et de Nederzwalm, un espace de dix kilomètres sans station ni halte. Les communes de Munckzwalm et Rooborst sollicitaient vivement depuis quelque temps le comblement de cette lacune par l'établissement d'une station intermédiaire que toutes deux désiraient voir s'ériger sur leur territoire. J'ai reçu avec plaisir la nouvelle, et j'en remercie M. le ministre, au nom des populations intéressées, qu'une station est décrétée en principe sur le territoire de la commune de Rooborst, mais à une distance peu éloignée du territoire de Munckzwalm. Cette station est appelée à desservir les intérêts d'une population très dense qui se groupe autour de ces communes.
Quoique cette population soit presque exclusivement agricole, cette station est appelée à fournir son contingent de voyageurs, et même pas mal de marchandises pondéreuses s'y déchargeront. Je citerai notamment le charbon et la chaux ; le charbon pour le chauffage domestique, pour la consommation des brasseries et distilleries qui existent dans le rayon de la nouvelle station ; la chaux dont les terres argileuses de cette fertile contrée font un grand emploi comme amendement, emploi qui ne tardera pas à s'augmenter encore par suite de la facilité du transport.
Je prie l'honorable ministre d'ouvrir le plus tôt possible celle nouvelle station, et d'accorder aux communes qui sont appelées à s'en servir, les subsides nécessaires pour établir de bonnes voies de communication y donnant accès. A une petite distance de là, se trouve la route de l'Etat de Gand vers Grammont par Hundelgem ; un bout de pavé entre cette voie de grande communication et la nouvelle station la rendra facilement accessible à plusieurs communes.
J'ai entendu avec plaisir, dans la réponse, qu'a faite l'honorable ministre à l'honorable M. Brasseur, que la situation financière, de nos établissements télégraphiques est satisfaisante, et qu'il est tout disposé à ouvrir de nouveaux bureaux télégraphiques.
Je me permets de lui recommander la commune de Berchem près d'Audenarde, pour la création d'un semblable bureau. Quoique cette commune n'ait qu'une population de 2,200 habitants, elle est plus importante que beaucoup d'autres communes ayant une plus forte population, au point de vue de la correspondance, et cela s'explique par la circonstance que la population y est agglomérée et en grande partie industrielle. La fabrication de la chicorée a acquis un grand développement dans cette commune ; elle a un marché hebdomadaire fréquenté, elle est chef-lieu d'un canton de milice, et il s'y fait un commerce qui prend de l'extension. Entourée de chemins de fer, mais éloignée à une et deux lieues des stations voisines et n'ayant guère l'espoir d'être un jour rattachée à un railway quelconque, la commune de Berchem désire vivement d'être dotée d'un bureau télégraphique, qui pourrait y être desservi par le percepteur de la poste aux lettres.
Plusieurs orateurs ont exprimé le désir de voir améliorer la position des conducteurs des ponts et chaussées. Je forme le même vœu. Ces fonctionnaires rendent des services qui ne sont pas suffisamment appréciés et pour lesquels il faut des connaissances spéciales. Comme, dans l'exercice de leurs fonctions, ils sont sujets à de fréquents déplacements, et qu'ils ne reçoivent que de modiques frais de route, j'estime qu'il serait utile de leur accorder le parcours gratuit sur les chemins de fer dans l'étendue de leur circonscription : des motifs d'économie ne les empêcheraient plus de rendre hors de leur résidence tous les services qui sont dans leurs attributions. J'engage M. le ministre des travaux publics à examiner l'utilité de cette mesure.
J'aborde un autre sujet, celui qui a fait la matière d'une interpellation de l'honorable M. Descamps, relatif à l'exécution des chemins de fer de Blaton ou Basècles (carrières) à Ath et de Saint-Ghislain à Ath ; et ici, je regrette de devoir le dire un ministre, que j'ai l'honneur de pouvoir compter au nombre de mes amis, ce sont des observations critiques que j'ai à présenter.
Le gouvernement semble vouloir la construction de deux lignes, presque entièrement distinctes, l'une partant de Basècles (carrières) aboutissant à Ath, en passant par Quevaucamps, Beloeil et Chièvres ; l'autre partant de Saint-Ghislain, passant par Baudour, Sirault, Neufmaison et rejoignant la première à Chièvres seulement, ce qui n'établit un parcours commun que sur une étendue d'un peu plus d'une lieue.
Cette solution ne me paraîtrait heureuse ni au point de vue de sa conformité au texte et à l'esprit des lois de concession, ni au point de vue des intérêts des populations, ni au point de vue des finances de l'Etat.
La convention du 25 avril 1870, qui a acquis force de loi par (page 1316) l'approbation législative qu'elle a reçue le 3 juin 1870, porte à son article 18, parmi les concessions nouvelles accordées aux Bassins houillers :
« 1° Un chemin de fer partant de Basècles (carrières) et se raccordant vers Stambruges au chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath. »
Cette disposition établit à l'évidence que le chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath doit passer à Stambruges ou près de Stambrugce ; elle est donc exclusive du parcours par Neufmaison, presque en ligne droite, qu'on semble préférer aujourd'hui.
En vain objecte-t-on une déclaration que l'honorable M. Jamar, alors ministre des travaux publics, aurait faite en section centrale et qui se trouve consignée dans le rapport de M. Sainctelette, que les mots « vers Stambruges » n'étaient point absolument obstatifs à la réalisation de quelque jonction que ce fût entre Saint-Ghislain et Ath. Il résulte au moins de cette déclaration qu'à cette époque la jonction à Stambruges paraissait la plus probable et les Chambres en votant ce texte ont dû le comprendre dans son sens naturel et grammatical ; c'est-à-dire que les deux lignes à construire devaient opérer leur jonction soit à Stambruges, soit à une petite distance en deçà ou au delà de Stambruges. Il est impossible de donner à ce texte un autre sens raisonnable, surtout de vouloir le concilier avec une jonction à Chièvres qui est à deux lieues de Stambruges et à quelques kilomètres seulement d'Ath, le point d'arrivée. S'il s'agissait d'un parcours d'une centaine de kilomètres, il serait déjà bien difficile d'admettre que Chièvres, qui est séparé de Stambruges par plusieurs communes, pût être compris dans l'expression « vers Stambruges » ; mais comme il s'agit ici d'une ligne qui n'a en tout qu'une étendue d'une vingtaine de kilomètres, il est absurde de soutenir que pour un pareil parcours la jonction à Chièvres, qui est à dix kilomètres de Stambruges, puisse être considérée comme s'opérant « vers Stambruges ».
Je ne puis admettre, avec l'honorable M. Descamps, que la loi du 30 juin 1869, qui met à la disposition du gouvernement un crédit pour la construction d'un chemin de fer de Blaton à Ath, reste debout en présence, de la loi du 3 juin 1870 qui concède à la Société des Bassins houillers un chemin de fer de Basècles à Ath ; ces deux lignes évidemment n'en forment qu'une ; tout au plus pourrait-on soutenir que pour rester fidèle aux intentions du législateur de 1869, l'Etat doit construire la jonction de Blaton à la ligne de Basècles (carrières) à Ath.
Je démontrerai plus loin que le projet qui semble avoir les préférences du gouvernement n'est pas plus conforme à l'esprit des lois de concession qui accordent la construction de la ligne de Saint-Ghislain à Gand avec ses embranchements, et celle de Braine-le-Comte à Gand, qu'à celui de la loi du 3 juin 1870.
Intérêt des populations et du trésor. Ici, messieurs, je laisse parler un homme plus compétent que moi, l'honorable M. Hubert, sénateur de Mons, qui habite Baudour, commune importante située entre Saint-Ghislain et Ath, y exerce depuis de longues années la profession de notaire, est administrateur de houillères, et qui par conséquent connaît parfaitement ces localités et leurs intérêts, lesquels coïncident en cette circonstance avec ceux du trésor.
Voici comment il s'exprimait, il y a quelques jours seulement, au Sénat :
« Si M. le ministre mettait à exécution les intentions qu'on lui prête, il construirait deux lignes, l'une partant de Basècles (carrières), passant à Quevaucamps, Stambruges, Belœil, Chièvres et Ath, et l'autre partant de Saint-Ghislain, passant à Baudour, laissant Sirault sur la gauche et arrivant à Chièvres, puis à Ath.
« Le tracé adopté par la convention du 25 avril au contraire, tout en faisant passer la ligne de Saint-Ghislain à Ath par Baudour, Sirault et Hautrage, arrive à Stambruges. Dans cette commune la ligne de Basècles (carrières) vient s'y rattacher et elles marchent toutes deux de concert, ne faisant qu'une seule ligne, par Belœil, Chièvres et Ath. Ce tracé tout en respectant les conventions intervenues, tout en étant plus conforme au but que l'on a voulu atteindre, a le grand avantage de desservir toutes les communes et de les relier entre elles.
« Si l'on exécute l'autre projet, au contraire, on laisse de côté la commune d'Hautrage dont les industries sont importantes.
« L'an passé, cette commune a exporté et importé respectivement plus de 35,000,000 de kilogrammes de produits.
« Les transports de ces produits échappent entièrement au chemin de fer que l'on doit construire, si l'on construit les lignes telles que le département des travaux publics veut, dit-on, les établir.
« En ne comptant qu'un franc de transport par tonne, c'est une somme de 35,000 francs annuellement qui est perdue pour la nouvelle ligne, tout en grevant les industries d'une seule commune, à tout jamais, d'une charge de 40,000 à 50,000 francs chaque année.
« La seconde ligne ne viendra en rien compenser cette perte, car elle ne rapporterait pas assez à l'Etat pour payer le personnel de la seule station qui s'y trouverait.
« Maintenant, messieurs, après avoir examiné la question au point de vue de l'intérêt des populations et des industries des localités intermédiaires entre Saint-Ghislain et Ath, si on l'envisage au point de vue des règles d'une bonne exploitation et de l'intérêt du trésor, on doit encore reconnaître qu'en n'exécutant pas cette convention du 25 avril, on pose un acte contraire à ces règles et à cet intérêt.
« En effet, on devrait absolument établir deux services distincts, l'un de 25 kilomètres et l'autre de 23 kilomètres au moins, ensemble 48 kilomètres, ce qui constituerait, à raison de 11,500 francs par kilomètre, chiffre généralement admis, une dépense annuelle de 552,000 francs. Par le projet adopté l'an dernier, l'on ne doit parcourir en tout que 36 kilomètres, ne donnant pour les frais d'exploitation, établis sur les mêmes bases qu'un chiffre de 414,000 francs, différence annuelle en faveur de l'Etat, 138,000 francs. Ajoutez encore, messieurs, qu'en faisant deux lignes, moins utiles, je le répète, que la ligne combinée dont, je viens de parler, la société des Bassins houillers aura à réclamer de l'Etat un minimum de 42,000 francs par année pour 6 kilomètres en plus qu'elle aurait à construire..
« En ajoutant cette somme aux 138,000 francs mentionnés plus haut, cela ferait une somme de 180,000 francs que l'on puiserait annuellement dans les caisses de l'Etat pour faire un service moins régulier, moins complet que celui qu'on ferait en exécutant l'autre ligne.
« A cette somme l'on a encore à ajouter le produit des transports d'Hautrage dont je viens de parler et que le chemin de fer perdrait complètement.
« A tout ce qui précède on pourrait objecter que les intérêts du Couchant de Mons seraient sacrifiés en exécutant la ligne adoptée l'an dernier, mais c'est le contraire qui doit exister, car la société des Bassins houillers et celle de Hainaut et Flandres, déjà par dépêche du 22 août 1868, adressée à M. le ministre des travaux publics, ont consenti qu'il ne soit compté, pour les transports de Saint-Ghislain à Ath, que 21 kilomètres, c'est-à-dire quatre lieues seulement, quelle que soit la longueur de la ligne. Cela constituera pour l'industrie houillère et pour les consommateurs d'Ath et des localités au delà de cette ville, un bénéfice de 20 centimes à la tonne de houille, car ils ne devront payer, pour le parcours de Saint-Ghislain à Ath, que 1 fr. 80 c. au lieu de 2 francs qu'on devrait nécessairement payer par l'exécution de tout autre projet, en ne s'entendant pas avec la société concessionnaire. »
Messieurs, il est un autre intérêt également respectable que je crois devoir défendre ici : c'est celui des nombreuses personnes qui, sur la foi de l'acte de concession du 15 août 1856 accordé à MM. Maertens et Dessigny, qui est devenu l'objet d'une société anonyme connue sous le nom de Hainaut-Flandres, ont engagé des capitaux dans cette affaire, un grand nombre dans l'intention de concourir à constituer une entreprise utile aux intérêts locaux, tous dans l'espoir de trouver dans cette entreprise d'utilité publique un intérêt raisonnable de ces capitaux.
Eh bien, la construction de l'embranchement en ligne directe, de Saint-Ghislain à Ath, tel que le gouvernement semble vouloir le faire exécuter sans tenir compte des intérêts des localités intermédiaires, pourrait avoir pour effet d'enlever à Hainaut-Flandres les transports du Couchant de Mons en destination de Gand, en vue desquels il a été principalement concédé et construit. En effet, cet embranchement, combiné avec la ligne de Dendre-et-Waes depuis Ath jusqu'à Grammont, avec celle de Braine-le-Comte vers Gand, jusqu'à Melle, puis enfin avec le tronçon de l'Etat depuis Melle jusqu'à Gand, constitue une ligne plus courte de quelques kilomètres entre Saint-Ghislain et Gand, que celle de Saint-Ghislain à Gand par Leuze, Renaix et Audenarde.
On ne manquera pas de se prévaloir de cette circonstance pour réclamer de l'Etat la direction des trains de charbon en destination de Gand par la ligne Ath-Grammont, au préjudice de la ligne Hainaut-Flandres, quoique en vertu de conventions de tarif qui réduisent la longueur de celle-ci à 70 kilomètres, elle puisse desservir le marché de Gand à un prix inférieur à celui auquel pourrait le faire la ligne rivale.
Eh bien, ce serait là une véritable iniquité, une spoliation révoltante, sans avantage pour les consommateurs, en vue de favoriser une ligne qui a été créée dans un but tout autre.
Il me sera facile de prouver que la ligne Hainaut-Flandres a eu pour but de desservir le Couchant de Mons dans la direction des deux Flandres et surtout de Gand, principal centre de consommation de ces provinces, et (page 1317) que la concession de Braine-le-Comte à Gand n'a eu pour but que de desservir les intérêts des bassins du Centre et de Charleroi vers la même ville de Gand et une partie de la Flandre,
A cet effet, on n'a qu'à jeter un coup d'œil sur l'exposé des motifs qui a accompagné le dépôt des lois relatives à ces concessions et celui du projet de concession de Luttre à Denderleeuw auquel Braine-le-Comte à Gand est venu se substituer plus tard, ainsi que sur les rapports faits sur ces projets et les discussions de cette Chambre.
Voici ce que dit l'exposé des motifs :
« C'est ainsi que les distances de Saint-Ghislain à Ath, à Gand et à Tournai, qui sont aujourd'hui par la voie la plus courte de 37,108 et 69 kilomètres, seront réduites respectivement à 21, 76 et 39 kilomètres environ. »
L'exposé fait voir ensuite qu'il existait un projet offrant des distances moindres, celui de Moucheron et Lavaleye. Mais des motifs d'intérêt général, l'importance des localités à traverser, et ce fait capital que les sieurs Maertens et Dessigny se sont engagés à rendre l'Etat indemne du chef de la garantie de minimum d'intérêt accordée aux concessionnaires de la ligne d’Audenarde vers Gand, ont déterminé le gouvernement à donner la préférence au projet de Maertens et Dessigny. (V. Doc. de la Chambre, session 1855-1856, n°111).
Remarquez, messieurs, que la ligne de Moucheron et Lavaleye parlait de Saint-Ghislain sur Ath, directement de là sur Sottegem, sans faire le léger détour par Grammont, se dirigeait en ligne droite sur Gand, sans se joindre à la ligne de l'Etat à Melle. Eh bien, quoique cette ligne fût incontestablement plus courte que celle de Hainaut-Flandres, même plus courte que ne le sera la ligne de Braine-le-Comte combinée avec celle d'Alt à Saint-Ghislain en ligne droite, le gouvernement lui a préféré par des motifs d'intérêt public la ligne appelée aujourd'hui Hainaut-Flandres, pour mettre les charbonnages du Couchant de Mons plus directement en communication avec les deux Flandres.
Remarquez encore, messieurs, que cette concession n'a pas été gratuite, puisqu'elle a rendu l'Etat indemne du chef de la garantie de minimum d'intérêt qu'il s'était engagé, par la loi du 20 décembre 1851, à payer sur un capital de 1,800,000 francs aux concessionnaires du chemin de fer de Gand à Audenarde.
Remarquez enfin, messieurs, la circonstance toute spéciale que je vais exposer.
Lorsque la concession de Saint-Ghislain à Gand a été accordée, il se trouvait en présence plusieurs lignes concurrentes, entre autres la ligne directe de Moucheron et Laveleye, dont j'ai parlé tout à l'heure et qui avait des partisans très prononcés dans cette Chambre. Le ministre des travaux publics de l'époque, embarrassé de choisir entre ces projets, qui, certes, avaient chacun leur mérite, et qui avaient partagé les suffrages de la commission d'enquête à laquelle ils avaient été soumis, exigea une entente entre les divers solliciteurs de concessions. Cette entente fut obtenue et produisit le désistement de MM. Moucheron et Laveleye ; mais une indemnité considérable, prix de ce désistement, leur fut payée par la compagnie Hainaut-Flandres. Cette indemnité et plusieurs autres, qui furent connues du gouvernement, qui les imposa en quelque sorte, puisqu'il faisait, de l'entente entre les compétiteurs, la condition de la concession, vinrent ainsi augmenter considérablement le capital de construction des lignes de Hainaut-Flandres. Et l'on viendrait aujourd'hui reconstituer cette ligne directe gratuitement au profit de la concession Boucquéau ; ravir au Hainaut-Flandres les transports vers Gand, qu'il a acquis à un double titre onéreux ; 1° en exonérant le gouvernement du minimum d'intérêt garanti à la ligne de Gand-Audenarde ; 2° en accordant, en quelque sorte sous la pression du gouvernement, des indemnités considérables à MM. Moucheron et Laveleye, comme prix de leur désistement de la demande de la ligne directe.
On peut dire que si le gouvernement n'est pas intervenu officiellement dans ces arrangements, il les a parfaitement connus et implicitement sanctionnés en accordant la concession Maertens et Dessigny.
L'équité, la moralité exigent que le gouvernement maintienne au Hainaut-Flandres des transports acquis dans de semblables conditions et nécessaires à son existence.
Le rapport de la section centrale, présidée par l'honorable M. de Naeyer qui y a plaidé chaudement la cause de la ligne de Braine-le-Comte par Sottegem, fut présenté par l'honorable M. Coomans, dont on connaît les vues larges en matière de concessions de chemins de fer. Après avoir fait les réserves les plus formelles en faveur de l'établissement éventuel de toute voie concurrente, et notamment en faveur de celle par Sottegem, le rapporteur ajoute : « En effet, nous n'avons pas besoin de dire que l'Etat s'abstiendra toujours d'autoriser une concurrence qui ne serait pas réclamée par des intérêts généraux bien constatés. Ainsi comprise, la règle que nous formulons assure aux capitaux engagés dans les chemins de fer une protection raisonnable. »
C'est cette protection raisonnable que je réclame aujourd'hui pour Hainaut-Flandres contre une concurrence nullement justifiée par des intérêts généraux.
Voici comment s'exprimait l'honorable M. de Naeyer dans une note ajoutée au rapport de la section centrale :
« Le gouvernement objecte contre la ligne de Braine-le-Comte à Gand qu'elle porterait préjudice à la concession accordée aux sieurs Maertens et Cie, et ayant pour objet la construction d'un chemin de fer de Saint-Ghislain, vers Gand, passant par Leuze, Renaix et Audenarde, parce que les sections combinées de Gand à Grammont, de Grammont à Ath et d'Ath à Saint-Ghislain relieraient plus directement les charbonnages du Couchant à la ville de Gand que la ligne par Leuze, Renaix et Audenarde ; mais il est à remarquer d'abord que les études ne sont pas assez avancées pour affirmer positivement que le trajet par Ath et Grammont serait moins long que celui par Renaix et Audenarde, car il paraît que le tracé entre Saint Ghislain et Ath devra subir des inflexions considérables. Dans tous les cas, la différence de parcours serait très peu importante, et l'on semble perdre de vue que la ligne par Renaix et Audenarde serait exploitée sur tout son parcours par une même compagnie, tandis que l'autre ligne par Ath et Grammont serait, en quelque sorte, brisée, par deux solutions de continuité dans le service d'exploitation (à Ath et Grammont), et, en outre, que la première section, vers Saint-Ghislain, appartiendrait à la société exploitant l'autre ligne. N'est-il pas évident que, dans de pareilles conditions, une concurrence sérieuse serait une véritable impossibilité ? D'ailleurs, si on veut mettre la compagnie Maertens même à l'abri de craintes chimériques, on peut abandonner la section de Saint-Ghislain à Ath ; mais il y aurait une criante injustice à frapper une seconde fois d'un véritable interdit les localités importantes situées entre Grammont et Gand. » (Chambre des représentants, Documents parlementaires, tome IV, n°178, annexe.)
On sait que le projet de M. Boucquéau, que nous nous félicitons d'avoir aujourd'hui pour collègue, fut introduit par voie d'amendement dans la discussion, pour remplacer le projet de Luttre à Denderleeuw. Or, le projet de Luttre à Denderleeuw avait évidemment pour but de desservir les intérêts du Centre et de Charleroi et nullement ceux du bassin de Mons. En substituant le projet de M. Boucquéau à celui de Luttre à Denderleeuw, les auteurs de l'amendement qui étaient notamment MM. Manilius, de Naeyer, Ansiau, Matthieu, Faignart et de Portemont, n'avaient d'autre but que de mieux sauvegarder les intérêts du Centre que ne protégeait pas suffisamment le projet de Luttre ; MM de Naeyer et de Portemont s'intéressaient, en outre, plus spécialement à une partie du district d'Alost non encore reliée au chemin de fer. Personne ne songeait à faire concurrence au projet Maertens et Dessigny ; au contraire, tous rejetaient bien loin l'idée que leur amendement pût lui faire le moindre tort.
Le texte de l'amendement de MM. Manilius et consorts en indiquait clairement le but. Il était conçu comme suit :
« Pour relier les bassins de Charleroi et du Centre aux Flandres, le gouvernement autorise à concéder un chemin de fer de Braine-le-Comte vers Gand par Enghien, Grammont et Sottegem, à condition que cette ligne sera construite et exploitée aux frais et risques des concessionnaires. »
Voilà donc le but bien clairement déterminé, il ne s'agit pas du Couchant de Mons.
Voici comment s'exprimait l'honorable M. Dechamps sur l'ensemble des projets de loi en discussion :
« L'idée prédominante des projets de loi actuellement soumis à nos délibérations, c'est de rattacher les bassins houillers du Hainaut aux deux chefs-lieux industriels de la Flandre, à Gand et à Courtrai.
« Ainsi le chemin de Luttre à Denderleeuw doit rattacher les bassins de Charleroi et du Centre à la ville de Gand ; le chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai est destiné à ouvrir le marché de la Flandre occidentale au bassin de Charleroi et à celui du Centre ; le chemin de fer de Saint-Ghislain est destiné à mettre le bassin de Mons en communication directe avec Gand et les Flandres.
« Voilà l'idée dominante du projet, etc. » (Ann. parl., 1855-1856, p. 1424.)
(page 1318) Et plus loin :
« Le projet Boucquéau, qui présente à coup sûr certains avantages, a le tort de compromettre le sort des deux bassins de Charleroi et de Mons pour ne se préoccuper que de celui du Centre, etc. » (Ann. parl., p. 1423.)
A quoi M. de Naeyer, qui a prononcé le discours capital en faveur du projet Boucquéau et qui a porté le coup mortel au projet de Luttre, répondit :
« Mais, dit-on pour la concession Maertens, vous la détruisez complètement par votre projet. C'est encore complètement faux ; je vais le prouver.
« Supposons que la ligne de Saint-Ghislain à Tournai soit construite ; c'est celle qui intéresse plus particulièrement M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). Je l'admets donc ; ce chemin sera construit si l'on trouve de l'argent. Supposons que la ligne de Saint-Ghislain à Gand, passant par Leuze, par Renaix et par Audenarde soit également construite. Je le demande : « Quelle concurrence la ligne de Braine-le-Comte à Gand peut-elle faire à ces lignes ? »
« Mais ces lignes sont destinées à desservir les relations du Couchant ; tandis que celle de Braine-le-Comte est destinée exclusivement à desservir les relations du Centre et de Charleroi. Comment peut-il être nuisible ? »
Je pourrais citer dans le même sens les discours de MM. Matthieu (Ann. parl., p. 1559), Ansiau (p. 1385), Manilius, Van Hoorebeke, Faignart et beaucoup d'autres. Mais en voilà bien assez, je pense, pour prouver que chacune des concessions avait un but spécial et déterminé : la concession Maertens, le Couchant de Mons ; celle de Luttre et puis celle de M. Boucquéau, les bassins de Charleroi et du Centre.
Rassurés par tous ces discours qui semblaient exclure toute idée de concurrence, rassurés surtout par l'observation de M. de Naeyer, que la ligne de Braine se composerait de trois tronçons exploités par des directions différentes, ce qui rendrait toute concurrence impossible, MM. Maertens et Dessigny m'ont autorisé à faire en leur nom, à la séance du 17 mai 1856, la déclaration suivante :
« Que si la concession provisoire qui leur est accordée par le gouvernement est confirmée par une loi, ils sont prêts à exécuter les chemins de fer qui font l'objet de cette concession, quelles que soient les autres concessions qui pourraient être accordées en même temps ; ainsi, la ligne de Braine-le-Comte à Gand par Sottegem, si elle est concédée, ne les empêchera pas d'exécuter leur projet dans toutes ses parties. »
Messieurs, on a depuis beaucoup abusé de cette déclaration ; on l'a présentée comme la preuve que les concessionnaires avaient assumé l'obligation d'exécuter en ligne droite, pour ainsi dire, à vol d'oiseau l'embranchement de Saint-Ghislain à Ath.
Il n'en est rien ; cette déclaration n'a d'autre signification que l'engagement pour les concessionnaires de construire la ligne d'Ath dans un sens raisonnable, c'est-à-dire conformément à l'intérêt général combiné avec celui de l'ensemble de leur concession ; en d'autres mots, c'est une adhésion au principe mis en avant par l'honorable M. Coomans dans le rapport de la section centrale et l'engagement de ne pas s'opposer à la construction de la ligne de Braine-le-Comte à Gand par Sottegem.
Eh bien, messieurs, cet engagement a été loyalement tenu. L'honorable M. Vanderstichelen ayant présenté la loi de concession du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand, en remplacement du chemin de Luttre ajourné par la Chambre, non seulement aucune opposition n'a été faite à ce projet par la compagnie Hainaut-Flandres, mais je l'ai soutenu de ma parole et de mon vote.
Le but de la concession Boucquéau est encore clairement exposé dans le rapport présenté au Sénat par l'honorable M. Spitaels au nom de la commission des travaux publics.
« Le tracé nouveau de Braine-le-Comte à Gand, dit-il, par Enghien, Grammont et Sottegem raccourcirait notablement le parcours pour les charbons des bassins du Centre et de Charleroi ; il forme de Braine à Gand une ligne presque droite, et utile pour les charbons venant de ces bassins, par le chemin de fer de l'Etat de Charleroi à Braine. »
Pas un mot du Couchant de Mons, pas plus que dans toute la discussion de ce projet. (V. Annales parlementaires, Sénat, p. 200.)
On a voulu tirer un argument en faveur de la construction en ligne directe de la branche de Saint-Ghislain à Ath, de ce que l'exposé des motifs assigne à ce projet une longueur seulement de 21 kilomètres. Mais c'est là une indication superficielle, à vol d'oiseau, qui n'est pas même réalisable ; la même chose existe pour la ligne principale : la longueur en est indiquée à 76 kilomètres, et cependant dans l'exécution on lui a donné un développement de 85 kilomètres. Pourquoi ? On ne l'a certes pas allongée a plaisir, mais on l'a fait dans un but d'utilité publique : pour y rattacher je plus grand nombre de populations.
C'est ce que fait aussi le plan de Saint-Ghislain à Ath qui, conformément aux indications de la loi du 3 juin 1870, opère la jonction des deux lignes à Stambruges.
Messieurs, dans une circonstance récente, le gouvernement a prouvé qu'il prend sérieusement à cœur l'intérêt des personnes qui confient leurs capitaux à des entreprises d'utilité publique ; il a pris les soins les plus minutieux pour sauvegarder les intérêts des porteurs d'obligations des divers chemins de fer dont il a fait la reprise pour l'exploitation.
J'ai la conviction qu'après avoir tout bien mûri, il ne voudra pas exposer les obligataires de Hainaut-Flandres avoir diminuer leurs garanties de l'Etat par suite de la transmission à une ligne non construite dans ce but des produits da Couchant de Mons. Aujourd'hui que l'impossibilité de concurrence, citée par M. de Naeyer comme résultant des lignes brisées, comme les appelait l'honorable membre, n'existe plus par suite de l'exploitation de tous ces tronçons par l'Etat, la construction en ligne directe de la branche d'Ath à Saint-Ghislain n'inspirerait plus des craintes chimériques, mais établirait pour le Hainaut-Flandres un véritable danger. Et cependant la spoliation que cette situation amènerait ne profiterait que dans une faible mesure à la ligne de Braine-le-Comte, car les transports du Couchant de Mons vers Gand n'emprunteraient à cette ligne que le tronçon depuis Gand jusqu'à Melle, ce qui ne comporte en tout qu'une longueur de 29 kilomètres.
Nous avons prouvé que la légalité, l'intérêt des populations, celui du trésor public, même celui de la moralité publique, puisque la concession de Gand à Saint-Ghislain n'a pas été gratuite ; que tout, en un mot, concourt pour que le gouvernement se prononce en faveur du plan de jonction à Stambruges.
J'ose espérer que le gouvernement tiendra compte des raisons que je viens de développer. Ce sera aussi le meilleur moyen d'amener le prompt résultat que l'honorable M. Descamps désire et que je désire comme lui.
M. Cornesse, ministre de la justice. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi sur la contrainte par corps.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.
M. Delcour. – J’ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission des naturalisations sur une demande de naturalisation ordinaire.
- Cette demande sera portée sur un prochain feuilleton.
M. Pery de Thozée. - Messieurs, des tarifs beaucoup plus élevés que ceux de l'Etat, une administration généralement moins régulière, placent les populations desservies par des compagnies concessionnaires, dans une position d'infériorité, qu'elles peuvent invoquer pour réclamer une large part dans les crédits destinés à établir de bonnes routes de raccordement avec les stations du chemin de fer. Sous ce rapport, aucune province n'est plus mal partagée peut-être que le Luxembourg ; il reste surtout beaucoup à faire dans l'arrondissement dont j'ai plus spécialement le devoir de défendre les intérêts. Aussi, c'est avec l'espoir d'être écouté de l'honorable ministre dont nous discutons le budget, que je signalerai les travaux de voirie les plus nécessaires pour relier aux stations du Grand-Luxembourg les localités laissées à l'écart par les deux lignes de chemin de fer qui traversent l'arrondissement de Marche.
La petite ville de Laroche en est fort éloignée. C'est un motif de plus, pour que le gouvernement se préoccupe d'améliorer les routes qui relient cette localité si prospère aux stations de Melreux et de Marche.
Il est tout à fait urgent de réparer la route de Queue-de-Vache, aux abords de Laroche. Bordée de précipices, elle est impraticable depuis plusieurs mois. L'honorable ministre des travaux publics ne me suivrait pas en voiture, dans ces parages dangereux, où de graves accidents se sont produits déjà. Des éboulements ont rétréci le chemin au point de laisser à peine passage pour une voiture. Les voyageurs effrayés mettent pied à terre ; et les étrangers qui affluent à Laroche, pendant la saison d'été, s'étonnent de trouver en pareil état, dans un pays renommé pour ses bonnes voies de communication, une route fréquentée, que parcourent trois services de malle-poste.
Un nouveau tracé par le fond de l'Ourthe avait été reconnu le meilleur. 1Il a été abandonné, provisoirement du moins, on ne sait trop pour quels motifs. Il donnait lieu à l’établissement d'un pont sur l'Ourthe, qui devra (page 1319) dans tous les cas être construit, pour permettre à la ville, resserrée dans un étroit vallon, de s'étendre et de se développer. Pour donner une idée de l'importance qu'elle attachait à la construction de ce pont, ainsi qu'au redressement de la route par cette direction, il suffira de rappeler que Laroche avait spontanément offert d'intervenir dans la dépense pour une somme de 30,000 francs.
La partie du populeux canton de Laroche, traversée par la route de Marche à Bastogne, est imparfaitement reliée au chemin de fer. La route de Nassogne à Champlon-Ardennes, qui est décrétée, comblera cette lacune et rendra de grands services. Au même point de vue, une route de Laroche à Bérisménil serait fort utile à une autre partie de ce canton, et aurait en outre le mérite d'établir une communication directe entre les deux villes de Marche et d'Houffalize.
La station de Melreux, sur la ligne de l'Ourthe, devrait être reliée directement avec plusieurs localités qui viennent y prendre le chemin de fer. Le tracé d'une route vers Grandhan est définitivement arrêté, et nous espérons que la première section sera adjugée sans retard. Des chemins devront être établis dans d'autres directions encore, notamment vers Soy, et je ne doute pas que les études commencées seront poursuivies activement.
La station de Grupont n'est pas reliée à Nassogne, chef-lieu du canton. Quelques kilomètres de route combleraient cette lacune regrettable.
Dans la séance du 11 mars 1870, la Chambre a entendu un rapport constatant l'utilité d'un projet de route de Forrières à Masbourg, vers Saint-Michel, dont les communes intéressées sollicitaient l'exécution. Ce chemin, de trois kilomètres à peine, deviendrait un des affluents les plus importants de la station de Forrières ; il servirait à la vidange des coupes de la riche forêt domaniale de Saint-Michel, et l'intervention pécuniaire du département des finances serait parfaitement justifiée pour la construction d'une route qui augmentera notablement la valeur d'une propriété boisée de l'Etat.
Il faudrait construire un kilomètre de route à peine, du moulin de la Fange-Amelette, territoire de Nassogne, à la route de Chavanne à Saint-Hubert, pour ouvrir l'accès des stations de Forrières et de Grupont à plusieurs villages.
Le corps des ponts et chaussées de la province de Luxembourg a reconnu la nécessité d'établir une route de Durbuy à la station d'Hamoir.
Enfin, messieurs, nous réclamons le prompt achèvement de la route de Tohogne à Manhay, et l'étude sérieuse du projet qui relierait directement Manhay à la station de Viel-Salm, par Vaux-Chavanne, Lierneux et Goronne. Cette dernière route rendrait de grands services aux habitants de plusieurs cantons.
Quelques-uns de ces travaux sont des chemins vicinaux plutôt que de grande voirie, m'objectera M. le ministre ; et il me renverra à son collègue de l'intérieur et à la députation permanente du Luxembourg. Mais je reviendrai à la charge, en faisant valoir que les ressources locales sont insuffisantes et que ces affluents de stations ou de grandes routes offrent un degré d'intérêt général assez marqué pour justifier l'intervention du département des travaux publics. Il se rendra à ces raisons et j'aime à croire qu'il accordera à la province et aux communes des subsides assez élevés pour que les voies de communication les plus utiles ne restent pas à l'état de projet sur le papier.
D'un autre côté, je puis donner l'assurance que les communes interviendront dans la dépense aussi largement que le permettront leurs ressources. Jamais les administrations luxembourgeoises ne marchandent leur concours, quand il s'agit de routes ou d'écoles. Pour répandre l'instruction, comme pour améliorer la voirie, nos pauvres communes ne reculent devant aucun sacrifice, comprenant qu'elles ne peuvent rien faire de plus utile à nos intérêts moraux et matériels.
Mes honorables collègues de l'arrondissement de Dinant se joindront sans doute à moi, pour demander une route de Marche à Havelange, passant par Waillet et Heure. Le conseil communal de Marche a déjà réclamé ce travail d'une utilité incontestable, et M. le ministre des travaux publics a bien voulu répondre qu'il mettra ce projet à l'étude, dès que l'emplacement des stations du chemin de fer de Hesbaye-Condroz sera définitivement arrêté.
C'est nous renvoyer aux calendes grecques, si le gouvernement ne tient pas la main à ce qu'une ligne concédée depuis le 31 mai 1865, se construise enfin. On travaille de Huy à Pont-de Bonne ; mais rien n'est fait de Landen à Huy, non plus que dans la section du haut Condroz, d'Aye à Bonne : le plan n'est pas même définitivement arrêté sur le papier.
Dans la séance du 28 avril dernier, les honorables MM. de Lexhy et de Macar ont réclamé l'exécution, dans le plus bref délai possible, de ce railway attendu depuis huit ans. Comme mes honorables collègues de Waremme et de Huy, j'exprime le désir que rien ne soit négligé pour assurer l'exécution de la loi, pour décider la compagnie à mettre vigoureusement la main à l'œuvre sur tout le tracé, vers Landen et vers Aye aussi bien que dans' les environs de Huy. Le gouvernement est armé parla loi du 12 juin 1869, qui a relevé la société du chemin de fer de Hesbaye-Condroz de la déchéance qu'elle avait encourue, et il veillera, nous y comptons, à ce que les travaux de la section d'Aye à Bonne soient commencés au mois de septembre prochain, comme les stipulations du cahier des charges en font un devoir à la compagnie.
En terminant, j'insiste, messieurs, pour que le gouvernement se' hâte d'examiner les travaux utiles que je viens de détailler. Je le conjure de les exécuter aussitôt que possible, afin de donner de l'ouvrage à tous les bras inoccupés, afin de venir en aide à des populations laborieuses, ruinées par une disette effrayante et menacées de la famine.
Lorsqu'il s'agit de porter remède à de tels maux et de préparer en même temps de nouveaux éléments de prospérité à tout un arrondissement, dois-je m'excuser, messieurs, de vous avoir fait entendre une sèche nomenclature des bouts de route dont j'ai demandé la prompte exécution avec confiance ? Je ne crois pas avoir dépassé les bornes, et d'ailleurs, je suis persuadé que mon excellent ami M. Wasseige, tient bonne note des moindres travaux, des réformes les plus minimes que nous recommandons à son attention, lorsqu'un intérêt sérieux les réclame. Sans doute, l'honorable chef du département des travaux publics doit se préoccuper avant tout des grandes questions d'intérêt général eque soulève l'examen de son budget ; mais il est trop préoccupé d'améliorer les divers services qu'il dirige, pour négliger le soin des détails, qui en assure la marche régulière et qui est d'une telle importance, que souvent il sauve les affaires les plus compromises.
M. Delcour, rapporteur. - Messieurs, mon honorable collègue, M. Wouters, a appelé l'attention du gouvernement sur une série de travaux d'utilité publique qui intéressent l'arrondissement de Louvain. Je n'ai pas l'intention de refaire son discours. Je tiens seulement à exprimer à l'honorable ministre des travaux publics toute la satisfaction que l'on a éprouvée à Louvain, lorsqu'on a connu la déclaration qu'il a bien voulu faire dans la séance de samedi dernier.
Parmi les travaux que nous réclamons depuis longtemps se trouve l'agrandissement de la station de Louvain. Jusqu'à présent nous n'ayons obtenu que des promesses. Nous avons aujourd'hui la certitude officielle que le travail se fera et qu'un projet de loi, qui sera prochainement présenté, renfermera un crédit spécial pour ce travail si unanimement réclamé.
Je dois aussi remercier M. le ministre des travaux publics de la déclaration qu'il a faite au sujet du chemin de fer de Tirlemont à Diest. Depuis longtemps aussi nous avons demandé de relier Tirlemont à Diest par un chemin de fer ; c'est un des premiers objets que j'ai réclamés lorsque j'ai eu l'honneur d'entrer à la Chambre, en 1863.
M. le ministre est en présence de plusieurs tracés. Je me borne à lui adresser une recommandation générale ; c'est qu'il veuille bien se préoccuper, dans la décision qu'il prendra, des intérêts de l'agriculture, des intérêts généraux de notre arrondissement en même temps que des intérêts industriels de toute nature, engagés dans la question.
Mon honorable collègue, M. Beeckman, qui était ici au commencement de la séance, ayant dû s'absenter, m'a prié d'appeler l'attention de M. le ministre sur les inondations auxquelles sont exposées les belles prairies du Demer, inondations qui proviennent des travaux qui ont été faits pour régulariser le cours de cette rivière.
Cette question, si importante pour notre agriculture, a été maintes fois soulevée dans cette enceinte par mes honorables collègues ; moi-même j'ai eu l'occasion de la traiter.
L'honorable M. Beeckman, si compétent dans la matière, m'a signalé deux moyens d'obtenir le résultat désiré. Le premier consisterait dans la construction de barrages ; mais, comme ces barrages pourraient donner lieu à une dépense assez considérable, le gouvernement s'y ralliera difficilement. L'autre moyen est beaucoup plus simple : il suffirait de revenir aux anciennes ordonnances de Marie-Thérèse.
En vertu de ces ordonnances, les écluses devant rester fermées pendant certaines époques de l'hiver, l'inondation des prairies en résulterait naturellement. L'honorable M. Beeckman a recommandé déjà ce moyen a la bienveillante attention de M. le ministre.
Messieurs, on a parlé encore, dans la discussion générale du budget des travaux publics, des barrages de la Gileppe.
(page 1320) Permettez-moi, en ma qualité d'ancien habitant de ces contrées, d'en dire également un mot.
Lorsque en 1865 il a été question de cet important travail d'utilité publique, j'ai défendu le projet du gouvernement et j'ai démontré tous les avantages que l'industrie pourrait en retirer. Mais aujourd'hui, j'ai une inquiétude que je me permets de signaler à mon honorable ami, M. le ministre des travaux publics ; je le fais avec la plus entière confiance, convaincu qu'il ne voudra pas nuire à ce que j'appellerai des droits acquis.
Il résulte des explications données par M. le ministre en réponse au discours de l'honorable M. Simonis que le gouvernement examine s'il convient de conserver aux barrages une élévation de48m80. Il ne m'appartient pas de juger cette question technique, le corps des ponts et chaussées est saisi de l'examen, et j'ai la certitude que la question sera étudiée avec tout le soin que peut y mettre l'administration.
On a parlé de la sécurité de la contrée qui pourrait être menacée par une rupture du barrage. Je ne la crains pas, mais je sais que cette inquiétude s'est produite depuis longtemps, et la presse étrangère s'en est occupée. Le gouvernement ne négligera rien pour donner à nos populations la plus complète sécurité sous ce rapport.
Mais voici le point important : lorsque j'ai défendu l'établissement des barrages de la Gileppe, c'était surtout au point de vue des nombreux établissements industriels qui existent sur la Vesdre en amont de Verviers, depuis cette ville jusqu'à l'embouchure de la Gileppe dans la Vesdre. Eh bien, messieurs, je crains que les promesses qui nous ont été faites, que les engagements pris par le gouvernement à cette époque ne soient pas toujours respectés. En ne donnant pas aux barrages l'élévation de quarante-huit mètres, la quantité d'eau réservée sera beaucoup moindre. Je me demande si l'on ne donnera pas l'eau à Verviers de préférence aux nombreux établissements industriels dont j'ai défendu les intérêts. Je compte, je suis sûr que M. le ministre tiendra les engagements pris en 1865, et que le danger que je redoute ne se présentera jamais.
Je rentre maintenant dans mon rôle de rapporteur ; je m'occuperai d'un point d'administration.
Le rapport de la section centrale a touché à quelques questions générales d'organisation que je n'aborderai pas pour le moment ; il en est une sur laquelle je crois utile d'insister.
Nous avons appris par les journaux qu'un vol considérable a été commis a Bruxelles dans la station du Midi.
L'employé qui était chargé en fait de la comptabilité de la station, s'est enfui, emportant, dit-on, une somme d'environ 60,000 francs, constituant la recette de la journée.
Je me suis demandé, messieurs, si les règlements d'organisation du département des travaux publics présentent une garantie suffisante à cet égard.
Mon intention n'est point de toucher aux questions de responsabilité que le vol commis à la station de Bruxelles (Midi) peut soulever, les tribunaux en décideront.
. Mais je me demande s'il est prudent, sage, convenable même de confier à un employé en sous-ordre une comptabilité aussi importante que celle qui existe dans les stations de nos grandes villes ? Un cautionnement de 1,000 francs, et c'est le seul qu'a dû fournir l'employé coupable, suffit-il pour sauvegarder les intérêts du trésor ?
IlI me semble impossible de confier le maniement de fonds aussi considérables à des employés qui ne fournissent que des sûretés insuffisantes à l'Etat.
Les comptables sont justiciables de la cour des comptes ; leurs biens sont grevés d'une hypothèque légale ; ils doivent fournir un cautionnement sérieux : je ne rencontre aucune de ces garanties dans les cas dont je parle.
Cependant, messieurs, les règlements existants permettent d'y pourvoir.
J'ai sous la main un arrêté royal conçu en ces termes :
« Le 15 juin 1868.
« Léopold II, etc.
« Considérant que l'importance exceptionnelle de certains services est un obstacle à ce que les chefs qui les dirigent puissent à la fois en assurer une marche régulière et exercer sur la comptabilité qui s'y rattache une surveillance qui rende sans danger la responsabilité qui pèse sur eux ;
« Considérant que, dès lors, il est équitable et de bonne administration de décharger les chefs de ces services de la responsabilité directe d'une gestion qu'ils ne peuvent surveiller d'une manière efficace et complète, et de préposer des fonctionnaires spéciaux à la gestion comptable des bureaux chargés de la perception des recettes ;
« Sur la proposition de Notre Ministre des travaux publics,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Article unique. Dans les localités où l'intérêt du service l'exige, Notre ministre des travaux publics pourra instituer des comptables spéciaux responsables de leur gestion envers l'Etat et justiciables de la cour des comptes.
« Sauf les exceptions à déterminer par M. le ministre, les chefs des administrations dans lesquelles seront institués ces comptables spéciaux auront la surveillance et le contrôle de la comptabilité. »
L'administration des chemins de fer est donc autorisée à établir des comptables spéciaux. Pourquoi ne le fait-on pas ? Pourquoi néglige-t-on cette précaution, dans les grandes stations surtout, où les recettes sont considérables et dans lesquelles le chef de station, absorbé par ses nombreuses fonctions, ne peut surveiller la comptabilité que très imparfaitement ?
Je sais qu'on a fait usage de l'arrêté royal que je viens de citer au bureau central de la poste à Bruxelles : si la mesure est bonne pour la poste, il me semble qu'on pourrait l’appliquer également aux grandes stations.
La question que je me permets de soumettre à l'attention de l'honorable ministre des travaux publics est sérieuse ; elle touche à de grands intérêts. Je ne demande pas à M. le ministre de prendre une décision immédiate, mais j'ai considéré comme un devoir de le prier de l'examiner avec toute l'attention qu'elle réclame.
M. Lescarts. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour présenter à M. le ministre des travaux publics quelques réclamations qui intéressent l'arrondissement de Mons.
Dans la séance du 25 mai, notre honorable collègue, M. Puissant, s'est élevé très vivement, au nom des intérêts locaux de l'arrondissement de Thuin, contre l'arrêté royal du 30 novembre dernier, supprimant la section de Bonne-Espérance à Beaumont, de la ligne de Frameries à Chimay.
Cette suppression, messieurs, n'a pas été mieux accueillie dans l'arrondissement de Mons qu'elle n'a pu l'être dans l'arrondissement de Thuin. La décision de l'honorable M. Wasseige aura en effet pour conséquence de faire perdre à l'industrie charbonnière du Couchant de Mons les avantages que la loi du 12 août 1862 avait eu en vue de lui conférer.
Quel était en effet le but que se proposait la loi du 12 août 1862 ?
C'était, tout en desservant un grand nombre de localités importantes du Hainaut, jusque-là privées de voies ferrées, de mettre en communication directe, et la plus directe possible, les charbonnages du Couchant de Mons avec Chimay et l'Est de la France.
Le but que l'on se proposait en créant cette ligne a toujours été indiqué comme tel, dans les discussions de la loi : il résulte de la dénomination même de la ligne Frameries-Chimay : il résulte également du cahier des charges, dont l'article premer dit : « Le chemin de fer dont la concession est accordée aux clauses et conditions du présent cahier des charges prendra son origine à Frameries et aboutira au chemin de fer de Chimay ; il aura un embranchement de Beaumont à Thuin.
« Il devra être raccordé convenablement avec les chemins de fer concédés de Chimay, de Mons à Hautmont, du Centre et de Charleroi à Erquelinnes. »
D'après cet article premier du cahier des charges, il est évident que la ligne principale devait être celle partant de Frameries, passant par Bonne-Espérance et Beaumont et aboutissant à Chimay. Quant à la section de Beaumont à Thuin, ce ne devait être qu'un embranchement.
C'est du reste ainsi que cela a toujours été entendu par les honorables prédécesseurs de l'honorable M. Wasseige.
La suppression de la section de Bonne-Espérance à Beaumont va tout à fait à l’encontre des intérêts qu'on s'était proposé de desservir, en décrétant la ligne de Frameries à Chimay. Cette ligne est devenue, par suite de cette suppression, non plus la ligne la plus directe entre le bassin du Couchant de Mons et Chimay, mais la plus directe entre les bassins du Centre et de Charleroi et Chimay. La distance entre les houillères du Couchant de Mons et Chimay a été en effet considérablement allongée, tandis que la distance entre les houillères du Centre et de Charleroi reste la même.
De sorte que cette ligne de Frameries-Chimay, qui avait été créée dans le but de favoriser ou plutôt de rétablir l'équilibre entre le Couchant de Mons et les autres bassins houillers du Hainaut, dans la direction de Chimay et de l'Est de la France, se trouve actuellement, par les modifications apportées au tracé de la ligne par l'arrêté du 60 novembre, favoriser les bassins du Centre et de Charleroi au détriment du Couchant de Mons. Par (page 1321) suite de la suppression de la section de Bonne-Espérance à Beaumont, les charbons du Couchant de Mons auront, en effet, environ 12 à 14 kilomètres de plus à parcourir pour arriver a Chimay.
Dans sa réponse aux observations présentées par M. Puissant, l'honorable ministre des travaux publics, dit : « Les charbonnages du Hainaut sont reliés à l'Est de la France, via Chimay, par une ligne venant de Mons, et qui, à Bonne-Espérance, se serait partagée en deux tronçons venant de nouveau se réunir à Beaumont.
« Une seule ligne était suffisante pour ces transports.
« J'avais le choix entre les deux directions projetées pour le trajet de Bonne-Espérance à Beaumont : j'ai préféré celle passant par Thuin, parce que cela m'a paru plus conforme à l'intérêt général. Les relations entre Mons et l'Est de la France seront, par cette voie, assurées dans d'excellentes conditions, et sans allongement sensible du parcours. »
Cette appréciation de l'honorable ministre, messieurs, n'est nullement exacte : comme je viens d'avoir l'honneur de le dire à la Chambre, la distance de Frameries à Chimay sera allongée de 12 à 14 kilomètres, ce qui constituera, pour le transport des charbons du Couchant de Mons vers Chimay, une augmentation de 50 à 60 centimes à la tonne. C'est là pour l'industrie charbonnière du Couchant de Mons un surcroît de charges considérable, qui ne lui permettra pas de soutenir la concurrence avec les charbons du Centre et de Charleroi, dans la direction de Chimay et de l'Est de la France. Il n'est donc pas exact de dire que les relations entre Mons et l'Est de la France seront par cette voie assurées dans d'excellentes conditions et sans allongement sensible de parcours.
Si, messieurs, l'honorable ministre a cru pouvoir, sans léser les intérêts locaux, supprimer la section de Bonne-Espérance à Beaumont, il est incontestable que sa décision lèse considérablement les intérêts charbonniers du Couchant de Mons, auxquels on avait eu en vue, on ne saurait trop le répéter, de venir en aide, en décrétant la ligne de Frameries à Chimay. En supprimant l'une des deux sections qui, d'après lui, faisaient double emploi, l'honorable ministre a cru agir dans l'intérêt du trésor public ; mais est-il juste que le Couchant de Mons supporte les conséquences de cette suppression et perde tout le bénéfice de la loi du 12 août.1862 ?
Je ne le pense pas et je ne doute pas que l'honorable ministre ne soit de mon avis.
J'engage donc l'honorable ministre à prendre, à l'égard de l'industrie charbonnière du Couchant de Mons, une mesure qui fasse cesser pour elle les effets désastreux de la suppression de la section de Bonne-Espérance à Beaumont ; je lui demande de n'appliquer aux transports de Frameries vers Chimay et vice versa, qu'un tarif d'application et non un tarif basé sur la distance réelle : de telle sorte qu'une tonne de charbon allant de Frameries à Chimay ne paye pas plus de frais de transport qu'elle n'en eût payé si la section de Bonne-Espérance à Beaumont n'eût pas été supprimée. De la sorte, les intérêts du Couchant de Mons seraient sauvegardés : l'honorable ministre agirait conformément au but que s'était proposé la loi du 12 août 1862 et poserait, vis-à-vis de notre arrondissement, un acte de justice ; l'équilibre serait rétabli entre, les bassins de Mons, du Centre et de Charleroi quant aux transports vers Chimay et l'Est de la France.
J'espère, messieurs, que ce ne sera pas en vain que j'aurai fait appel à l'équité de l'honorable M. Wasseige.
Quant à la ligne de Saint-Ghislain à Ath, je demanderai à l'honorable ministre de vouloir bien faire hâter l'examen et l'approbation des plans du tracé de cette ligne, de façon telle que l'exécution puisse en être terminée le 1er juillet 1873, ainsi que l'a fixé l'arrêté ministériel du 15 janvier dernier.
J'attire sur ce point l'attention de M. le ministre, avec d'autant plus de raison que je sais que la compagnie de Hainaut-Flandres a fait notifier à l'Etat belge et à la société des Bassins houillers défense d'avoir à exécuter l'un des tracés soumis à l'examen de l'administration, à péril de dommages-intérêts et même de résiliation des contrats existants. C'est là une situation judiciaire menaçante et de nature à occasionner des retards dans l'exécution de ces travaux.
J'espère que la prudence de M. le ministre des travaux publics saura éviter cet écueil.
Quant à la ligne de Dour à Quiévrain, elle est en voie d'exécution : les expropriations de terrains ont lieu et j'ai vu dernièrement dans les journaux la mise en adjudication des travaux : j'espère donc que cette ligne sera terminée et livrée à l'exploitation avant le 1er juillet 1872.
J'ai une demande à adresser à l'honorable ministre, en ce qui concerne la commune de Dour.
L'administration communale de Dour, il y a deux mois environ, a fait remettre à M. le ministre des travaux publics une enquête, à l'effet d'obtenir que les trains de voyageurs, au lieu de partir, comme aujourd'hui, de la gare de formation, partissent de Dour même pour se rendre à Mons. Mes collègues de la députation de Mons et moi avons appuyé vivement, auprès du département des travaux publics, cette réclamation si légitime des habitants de Dour. Par lettre en date du 13 avril dernier, l'honorable ministre des travaux publics nous fit savoir que la question de l'organisation d'un service de voyageurs sur la section comprise entre Dour et la gare de formation était en instruction. L'administration, nous disait l'honorable M. Wasseige, devait s'assurer au préalable si la longueur de voie de 3,700 mètres, que. l'on demandait de faire parcourir par les trains de voyageurs circulant entre Wasmes et Mons, présentait les conditions voulues pour que le service des voyageurs pût y être assuré avec la sécurité désirable.
Depuis le 13 avril, sept semaines se sont écoulées et aucune solution n'a été donnée à cette affaire. Je ne sais ce qui arrête la décision du département des travaux publics.
L'un de mes collègues, administrateur à la Société générale d'exploitation, m'affirme que, peu de temps avant la reprise par l'Etat, la compagnie avait eu elle-même ses apaisements et s'était résolue à faire droit aux désirs de la commune de Dour. Ce qui donne, du reste, à ces renseignements une valeur et une portée considérables, indépendantes de leur source, c'est que dans l'instruction actuelle, l'administration a fait entendre l'un des fonctionnaires distingués de la compagnie, l'honorable M. Quenon, qui a déclaré formellement que ce service pouvait être établi immédiatement sans craindre de compromettre la sécurité des voyageurs.
La preuve, de cette affirmation est du reste faite, cette ligne ayant déjà servi au transport des voyageurs. Les jours d'élections et de kermesses, la Société d'exploitation organisait des trains de voyageurs parlant de Dour et se dirigeant sur Mons.
Il me reste, messieurs, une dernière réclamation à adresser à M. le ministre des travaux publics.
La commune de Masnuy-Saint-Pierre a sollicité, il y a plusieurs années déjà, une station ou un point d'arrêt sur la ligne de chemin de fer de l'Etat, entre les stations de Jurbise et de Neufvilles. Dans sa séance du 20 mai, le conseil communal de Masnuy a décidé qu'une réclamation nouvelle serait adressée à M. le ministre des travaux publics. C'est à cette requête que je viens prier l'honorable M. Wasseige de faire droit. Les stations de Jurbise et de Neufvilles, entre lesquelles est située à égale distance la commune de Masnuy-Saint-Pierre, sont éloignées l'une de l'autre de sept kilomètres ; c'est la distance la plus considérable qui existe, entre deux stations sur la ligne de. Bruxelles à Quiévrain.
La station établie à Masnuy-Saint-Pierre desservirait également les communes de Masnuy-Saint-Jean et de Montignies lez-Lens. La commune de Masnuy-Saini-Pierre s'engagerait à garantir à l'Etat un minimum de recettes.
J'ai la confiance que la décision du département des travaux publics sera favorable à la demande de l'administration communale de Masnuy-Saint-Pierre ; l’établissement d'une station dans cette commune n'occasionnerait à l'administration des chemins de fer que très peu de frais, qui seraient certainement plus que couverts par les recettes.
Je pense d'ailleurs, messieurs, qu'il y a en quelque sorte une obligation pour l'Etat, toutes les fois qu'il peut le faire sans préjudice pour ses finances, de relier le plus de communes possible du pays à ses voies ferrées.
Telles sont les demandes que j'ai cru devoir adresser à l'honorable ministre des travaux publics ; j'espère que leur légitimité et leur excessive modération lui permettront de nous donner pleine et entière satisfaction sous tous rapports.
M. de Theux. - Les intérêts de la province de Limbourg ayant été recommandés à la sollicitude de M. le ministre des travaux publics par mes honorables collègues du Limbourg et M. le ministre leur ayant répondu avec bienveillance, je me dispenserai de reproduire ces recommandations. Mais je demanderai à l'honorable chef du département des travaux publics de faire tous ses efforts pour obtenir des sociétés qui exploitent les chemins de fer du Limbourg l'uniformité du prix des transports. La province de Limbourg, on le sait, n'a pas de chemins de fer exploités par l'Etat.
Je recommanderai aussi à l'attention de M. le ministre des travaux publics la demande de la société centrale d'agriculture relative au transport des engrais et des produits agricoles.
M. Santkin. - L'honorable M. Brasseur s'est, dans la séance du 23 mai dernier, occupé incidemment du chemin de fer d'Athus à Givet (page 1322) et il a appelé l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'urgente nécessité de concéder cette ligne qui permettra à Mons et à Charleroi de soutenir la concurrence que les houilles de la Ruhr, favorisées par le gouvernement prussien, préparent à leurs cokes.
M. le ministre des travaux publics a, dans la séance du lendemain, répondu à l'honorable M. Brasseur qu'Athus-Givet avait fait de sa part l'objet d'une étude spéciale ; que le transport des matières premières, houilles et minerais, venant du Hainaut et du Luxembourg, mérite toute la sollicitude du gouvernement, qui ne méconnaît point l'importance d'Athus-Givet, mais que des faits nouveaux se sont produits depuis son examen ; que la situation n'est plus la même et qu'il ne peut penser en ce moment à accorder la concession dont il s'agit.
La réponse de M. le ministre des travaux publics a, j'aime à le dire, alarmé les nombreux arrondissements intéressés à la construction du chemin de fer d'Athus-Givet. Il leur a paru que cette réponse comportait un vague nébuleux et inexplicable, parce qu'on se demande en vain quels sont les faits nouveaux qui se sont produits, et une tangente par laquelle le gouvernement cherchait à échapper, au moins pour un temps, a l'obligation de refuser nettement la concession que cinq cents pétitions, quatre-vingts conseils communaux, les chambres de commerce d'Arlon, de Namur, de Charleroi et de Mons, les conseils provinciaux du Luxembourg, de Namur et du Hainaut, les issociations charbonnières et métallurgistes du Hainaut, ont vivement engagé le pouvoir à accorder.
Puissent-Ils se tromper ; mais, en vérité, messieurs, l'attitude dilatoire de celui-ci ne se comprend pas !
La question est née depuis deux ans ; elle a été l'objet d'examens successifs et répétés en dehors de cette Chambre et les intérêts les plus considérables sont là qui demandent une prompte satisfaction. Il faut donc que la question vienne ici, non pas incidemment, mais à titre principal.
Les charbonnages et les hauts fourneaux de Charleroi et de Mons occupent 200,000 ouvriers. Il est d'une vulgaire prudence de prêter la main à toute mesure qui peut ou développer ces puissantes industries ou leur éviter une crise redoutable. Il n'est pas pour elles de mesure plus utile que la création de moyens de transport nouveaux et plus économiques, car la facilité des communications équivaut souvent à la valeur même du produit qui, sans elles, reste sur place inerte et dédaigné.
Les facilités de communication indispensables en tout temps sont bien plus nécessaires lorsqu'il s'agit de parer à une concurrence active et intelligente : c'est le cas qui se présente aujourd'hui. Les cokes de Mons et de Charleroi sont en ce moment en possession des marchés du grand-duché et de la Moselle, mais demain les houilles prussiennes viendront leur disputer le. terrain. N'ont-elles pas fait un jour à Gand une apparition qui a produit une sensation dont le monde industriel a conservé le souvenir ?
Aujourd'hui la compagnie du Luxembourg transporte seule, et sans concurrence aucune, les houilles du Hainaut à Longwy et dans le grand-duché. Ses prix sont exorbitants ; son matériel insuffisant et mal organisé ; l'encombrement existe sur toute la ligne ; les hauts fourneaux de la Moselle demandent souvent en vain le coke au Hainaut ; nous les verrons demain prendre le chemin de la Ruhr pour obtenir la houille qu'il est impossible de leur expédier de Charleroi, par suite de l'impuissance de la Compagnie du Luxembourg et qu'Athus et Givet faisant, sous ce rapport, concurrence à la Compagnie du Luxembourg, leur procurerait non seulement avec plus de promptitude, mais encore à meilleur marché.
Je dis à meilleur marché, car le transport de la tonne par la société du Luxembourg coûte actuellement d'Athus à Châtelineau, 7 fr. 50 c, et M. Errera-Oppenheim, un des demandeurs en concession d'Athus-Givet, offre de s'engager, lors de la rédaction du cahier des charges, à transporter la tonne d'Athus à Châtelineau pour 5 fr. 40 c ; soit 20 p. c. de moins qu'aujourd'hui.
L'industrie métallurgique en Belgique est menacée de dépérissement et ce dépérissement est proche si l'on n'y prend garde.
Le Grand-Duché et la Moselle possèdent des gîtes inépuisables de minerai ; l'industrie y a construit et y construit encore des hauts fourneaux qui consomment le minerai sur place et qui, pour produire une tonne de fonte, n'ont besoin que de 1,200 kilog. de houille dont le transport coule, de Charleroi à Longwy, 9 fr. 60 c.
C'est contre ces établissements aussi avantageusement placés que Charleroi doit lutter. Il lutte en achetant au Grand-Duché et à la Moselle les minerais qui lui sont nécessaires ; mais pour produire avec la houille qu'il consomme sur place une tonne de fonte, il est obligé de faire venir 4,000 kilogrammes de minerai dont, à raison de 8 francs par 1,000 kilog., le transport lui coûte, de Longwy à Charleroi, 32 francs.
Quelle écrasante cause d'infériorité et n'est-il pas à appréhender vivement que l'heure de la décadence ne sonne pour les forges de Charleroi si, immédiatement, l'honorable ministre des travaux publics, laissant de côté les faits nouveaux qui, à son dire, se sont produits, s'inspirant d'une situation qui reste la même avec ses exigences et ses dangers, ne s'empresse d'accorder la concession du chemin de fer dont il s'agit et qui, transportant le minerai à bas prix, avec promptitude et régularité, viendra en aide puissante à une industrie qu'il faut énergiquement soutenir.
En effleurant la question, l'honorable M. Brasseur n'a parlé que des houilles et des fers et il semble n'avoir eu en vue que les intérêts de Mons, de Charleroi, du Grand-Duché et de la Moselle.
D'autres intérêts sont en jeu : Athus-Givet, qui d'Athus à Charleroi raccourcit la distance de 15 kilomètres, traverse les arrondissements de Virton, de Neufchâteau, de Dinant et il y rencontre des carrières importantes de pierres de taille, les bassins ardoisiers les plus considérables du Luxembourg, Herheumont, Alle et d'autres qui emploient une nombreuse population d'ouvriers et qui, paralysés aujourd'hui par l'élévation, du prix des transports, acquerraient de suite sous son influence une incalculable extension, des forêts comme Chiny, Herbeumont et autres qui contiennent 20,000 hectares et qui, riches en arbres de toute nature, fourniraient à Charleroi les perches de houillères dont il s'approvisionne péniblement ailleurs. Il en consomme pour 1.500,000 francs par an.
En essayant de scruter les impénétrables profondeurs de la réponse de l'honorable M. Wasseige, je me suis demandé si, àtravers les obscurités dont il s'est enveloppé, il ne fallait pas voir la crainte d'autoriser une concurrence dont la grande compagnie du Luxembourg souffrirait.
Dans sa réponse, lors de la même séance du 26 mai dernier, à l'un de nos collègues qui l'avait engagé à répandre la rosée gouvernementale sur son arrondissement altéré, - ici je prie la Chambre de remarquer que la concession d'Athus-Givet ne coûtera pas un centime à l'Etat, - l'honorable ministre déclarait que le passé avait été trop loin dans le régime des concessions et qu'à tort il avait en plusieurs occasions permis l'établissement de lignes rivales.
Si mon interprétation est une illusion de mon esprit, tant mieux ; si elle est conforme à la réalité trop peu perceptible en ce moment, je dirai à M. le ministre des travaux publics que la Compagnie du Luxembourg ne mérite ni « cet excès d'honneur ni cet excès de sympathie. »
Qu'on agisse avec elle comme on a agi vis-à-vis de toutes les sociétés de chemins de fer ; comme l'Etat a agi vis-à-vis de lui-même quand il a été question du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain et de la ligne directe de Bruxelles à Charleroi ! Que la société du Luxembourg subisse la concurrence, qui est la grande loi du monde économique et qui est surtout utile en matière de chemins de fer, où le monopole des transports s'établit en quelque sorte par la force des choses avec tous ses inconvénients et avec tous ses abus, et presque toujours sans remède possible !
Si une dérogation spéciale à cette grande loi économique doit passer dans le domaine des faits, qu'elle n'y passe pas au profit de la Compagnie du Luxembourg qui s'est jouée à plaisir de ses engagements ; témoin sa conduite dénoncée récemment à la Chambre à l'égard de la ville de Wavre, privée d'un embranchement garanti par une loi, témoin sa conduite à l'égard de l'embranchement de Bastogne garanti aussi par une loi formelle et qu'elle s'est abstenue de construire pendant vingt-trois ans, malgré les plus justes et les plus vives réclamations ; témoin enfin les vices de son exploitation qui lui ont valu, en Belgique, une notoriété sans égale !
Que parle-t-on d'ailleurs de concurrence, et de concurrence ruineuse ? Si le marché du Grand-Duché et de la Moselle reste à Charleroi et à Mons, et il leur restera à la condition qu'Athus-Givet soit promptement construit, la compagnie du Luxembourg ne perdra rien, par la construction de celui-ci, des transports qu'elle possède aujourd'hui. Dans cette hypothèse, en effet, le transport des houilles pour Athus et des minerais en retour pour Charleroi, est appelé, sous l'influence des hauts fourneaux qui se construisent aujourd'hui dans le Grand-Duché et dans la Moselle et de l'activité nouvelle qu'Athus-Givet créera dans le bassin métallurgique de Charleroi, à prendre une extension tellement considérable que le Grand Luxembourg et Athus-Givet pourront à peine suffire aux transports qui afflueront ; que le Luxembourg vivra comme il vit aujourd'hui rétribuant sur un pied sortable les capitaux dépensés utilement pour sa construction (je ne parle pas de ceux qui ont été gaspillés par les directeurs primitifs) et qu'Athus-Givet, construit à peu de frais, servira un intérêt rémunérateur aux actionnaires qui l'entreprendront.
Il importe, au surplus, que l'honorable ministre ne perde pas ce point de vue : si Athus-Givet peut faire concurrence au Grand-Luxembourg, ce n'est que quant aux transports expédiés des deux extrémités, Athus et Charleroi.
Hors de ces deux points, plus de concurrence, et partant plus de grief même imaginaire : Herbeumont et Alle, en effet, avec leurs bassins (page 1323) ardoisiers, sont à cinq et dix lieues du Grand Luxembourg ; les forêts de Chiny et d'Herbeumont en sont à quatre et cinq lieues ; les cantons de Paliseul, de Gedinne, de Beauraing en sont à six, neuf et douze lieues.
Faudra-t-il que ces cantons soient éternellement isolés du mouvement commercial et industriel, parce que le Grand Luxembourg redoute aux extrémités une concurrence que de puissantes raisons convient à établir et qui n'existera nulle part au centre depuis Herbeumont jusqu'à Givet, c'est-à-dire sur une étendue de seize lieues. En ce cas, c'est pour leurs forêts, c'est pour leurs ardoises, c'est pour leurs pierres de taille, c'est pour leurs produits de toute nature que ces paroles que l'honorable M. Tesch écrivait dans un mémoire qu'il adressait, à propos de chemins de fer, au gouvernement en 1850, resteront cruellement vraies :
« Le Luxembourg subit cette loi funeste et ruineuse, que les frais de transport augmentent d'une manière excessive le prix de tout ce qu'il pourrait acheter et diminuent dans la même mesure le prix de tout ce qu'il pourrait vendre. »
Je réclame donc de l'honorable ministre des travaux publics la solution de la question d'Athus-Givet. Je la demandé prompte et favorable.
De la réponse qui sera faite ou du silence qui sera gardé, dépendra mon vote sur le budget des travaux publics.
M. Vanden Steen. - Messieurs, j'aurais désiré ne devoir prendre la parole dans cette discussion que pour remplir la tache facile et agréable de remercier l'honorable ministre des travaux publics, non pas de ses faveurs, mais des satisfactions qu'il aurait accordées aux légitimes réclamations que mes honorables collègues de cette Chambre et l'honorable comte de Ribaucourt, au Sénat, ont si souvent et si justement fait valoir à la tribune ; mais, je le regrette, ce sont pour ainsi dire les mêmes plaintes que j'ai à formuler, les mêmes protestations contre l'oubli dans lequel est laissé l'important arrondissement de Termonde.
Il est généralement reconnu aujourd'hui, messieurs, que toutes nos stations de chemin de fer sont beaucoup trop petites. Depuis la création des chemins de fer en Belgique, la prospérité publique s'est accrue, l'industrie et le commerce ont pris des développements si considérables, le mouvement sur nos lignes a augmenté dans des proportions si imprévues que nos stations, même les plus récentes, ne répondent déjà plus aux besoins toujours grandissants et aux exigences nouvelles de la situation.
La station de Termonde a subi, comme les autres, les effets de cette loi générale ; son insuffisance est constatée depuis longtemps et le peu de profondeur de la gare lui a fait, sous ce rapport peut-être, une situation particulièrement désavantageuse. Resserrée entre le bâtiment des recettes et celui où se trouve la machine fixe et qui est acculé aux fortifications, les voies s'y croisent et s'enchevêtrent de manière à rendre la manœuvre des trains et des waggons de marchandises excessivement longue, difficile et même dangereuse. Les voies pour le garage et le déchargement sont trop courtes, et souvent inabordables, la rampe trop étroite et peut-être trop roide ; les locaux aussi, les bureaux par exemple, laissent beaucoup à désirer, surtout en hiver ; les salles d'attente sont trop petites et même l'auvent qui se trouve à l'intérieur de la gare a dû être établi, faute d'espace, dans de proportions si mesquines qu'il ne peut guère servir à préserver de la pluie les voyageurs qui vont s'y abriter. Somme toute, les installations sont mauvaises et les difficultés qui en résultent se sont fait sentir surtout pendant la dernière période ; mais elles seront bien plus grandes encore, et le service deviendra complètement impossible, après la construction et la mise en exploitation des deux nouvelles lignes déjà concédées, la ligne directe de Bruxelles et celle de Saint-Nicolas par Hamme et Waesmunster, qui aboutissent également à Termonde.
Un autre inconvénient que je tiens à signaler et qui provient de la même cause, c'est l'encombrement qui se produit toujours au passage à niveau qui se trouve à la hauteur de la route de Termonde à Bruxelles ; la circulation y est souvent interrompue par les manœuvres de waggons vides ou chargés et il n'est pas rare d'y voir des voitures et des chariots arrêtés sur la chaussée pendant plus d'une demi-heure.
Cette situation, messieurs, appelle toute l'attention du gouvernement et nécessite impérieusement l'agrandissement de la station de Termonde ; je la signale à M. le ministre avec toutes ses difficultés, dans l'espoir qu'il y fera apporter un prompt remède et qu'il tiendra compte des exigences plus grandes qui vont résulter de l'exploitation des deux nouvelles lignes qui, dans un avenir prochain, vont venir s'y raccorder. D'ailleurs je ne pense pas qu'il y ait dans tout le pays une station du chemin de fer de l'Etat qui, relativement à son importance, soit plus mal partagée que la station de Termonde.
J'ai déjà eu l'occasion de signaler à M. le ministre des travaux publics l'utilité qu'il y aurait d'agrandir également la station d'Audegem, près Termonde, ou du moins de prolonger la voie d'évitement qui y existe aujourd'hui et d'en rendre l'accès plus facile.
Mais ces réclamations, qui nous sont communes avec beaucoup d'autres arrondissements, ne sont pas les seules ; nous en avons d'autres encore à formuler, plus spéciales, plus importantes peut-être et au moins aussi légitimes. Mon honorable collègue et ami, M. Van Cromphaut, en a déjà dit un mot dans une précédente séance ; je veux parler de la construction d'un barrage avec écluse à sas, à établir à Termonde au confluent de la Dendre et de l'Escaut.
En examinant le budget des travaux publics pour le présent exercice, j'y ai cherché en vain les crédits nécessaires pour l'exécution de cet important travail. Je me disais que probablement les plans n'avaient pu être approuvés en temps utile et que le budget de 1872 serait venu combler cette lacune mais mon étonnement fut grand d'y constater la même omission et de voir qu'il n'y était pas même fait mention de ces travaux d'un intérêt si général, d'une utilité si évidente et dont la ville et la chambre de commerce de Termonde ont démontré l'urgence et réclamé l'exécution depuis plus de vingt ans.
Le gouvernement a promis, comme toujours, un bienveillant examen ; il a fait faire des études, des rapports et des plans, mais tout cela est resté à l'état de projet et il ne paraît pas qu'on soit très pressé d'achever cette toile de Pénélope. Cependant, au moins d'avril de l'année dernière, on semblait toucher au dénouement, nos populations avaient repris un espoir, sinon perdu, au moins fort ébranlé depuis longtemps ; la déclaration suivante faite par l'honorable ministre des travaux publics à cette époque leur avait inspiré une confiance nouvelle. Répondant à une question qui lui avait été posée par la section centrale, M. le ministre disait :
« L'étude des travaux à entreprendre à Termonde a été longue et difficile ; il y a, accumulées sur ce point, des circonstances diverses dont la prudence ordonne de tenir compte. Dans ces derniers temps, l'opinion des hommes techniques a fait un grand pas, et il y a lieu de croire que, dans un avenir prochain, l'on pourra meure la main à l'œuvre pour utiliser ceux des crédits dont le gouvernement dispose encore aujourd'hui. »
La question, semblait donc résolue, les difficultés d'exécution paraissaient aplanies, le gouvernement disposait de fonds qu'il désirait utiliser pour l'exécution de ces travaux dont l'étude avait été si longue et si difficile, on allait mettre la main à l'œuvre.
Depuis lors, plus d'une année s'est écoulée et rien ne s'est fait ; bien plus, l'espoir qu'on avait de voir commencer les travaux dans un avenir rapproché s'est de nouveau évanoui, et nous sommes condamnés à attendre la présentation du budget de 1873, sans avoir la moindre certitude de voir enfin se réaliser un projet dont l'exécution a été réclamée et promise depuis si longtemps.
Dans l'entre-temps, la ville continuera à être inondée régulièrement dix ou douze fois chaque hiver, le commerce et l'industrie continueront à subir les inconvénients et les frais d'une situation qui s'empire de jour en jour, l'entrée de la rivière s'envasera de plus en plus et rendra bientôt la navigation pour ainsi dire impossible. Car, remarquez-le bien, messieurs, si le barrage que nous réclamons est un véritable bienfait pour la ville de Termonde, il est aussi le complément indispensable des travaux de canalisation et de rectification exécutés à la Dendre et dont l'honorable M. Houtart a évalué, dans une précédente séance, la dépense totale à plus de 8 millions de francs.
En effet, messieurs, aujourd'hui l'entrée pour les bateaux est très difficile à cause de l'envasement qui existe au confluent de la Dendre et du peu de profondeur de la rivière en cet endroit ; elle ne peut, pour ainsi dire, s'opérer qu'à marée pleine, et le pont du chemin de fer de Dendre-et-Waes qui la coupe un peu plus loin constitue une nouvelle entrave. Ce pont ne s'ouvre qu'à certaines heures, à cause du passage des trains, et depuis le coucher jusqu'au lever du soleil, il faut une autorisation spéciale de la police et la présence d'un agent.
En ville même, il faut traverser encore deux autres ponts avant d'arriver au sas qui existe en amont, et où les bateaux subissent un nouvel arrêt. Ce sas a été construit dans de très mauvaises conditions, il ne peut recevoir qu'un seul bateau à la fois et encore est-il trop court pour les grands bateaux de canal, qui sont très nombreux sur la Dendre et qui doivent forcément attendre que la marée ait rétabli le niveau des eaux en amont et en aval, avant de pouvoir passer. De là, messieurs, un encombrement constant et des retards tellement considérables, qu'ils finiront par compenser le raccourcissement de la distance, qu'on a voulu obtenir par la canalisation Ajoutez à cela le peu d'enfoncement que les bateaux peuvent avoir, 1 m 80 au maximum, comme l'a déclaré également l'honorable M. Houtart, et vous comprendrez, messieurs, que dans peu de temps la navigation de la Dendre sera singulièrement compromise.
(page 1324) La construction du barrage que nous réclamons couperait court à tous ces inconvénients, mais il faut pour cela qu'on l'établisse dans de bonnes conditions, il faut qu'on le reporte assez avant, au confluent même de la Dendre et qu'on fasse un sas convenable. De cette manière l'envasement disparaîtrait, l'entrée de la ville serait plus facile et presque toujours praticable ; nous serions préservés des inondations de l'hiver et des émanations malsaines que dégage, pendant l'été, la partie de la rivière qui longe l'arsenal et la rue de l'Escaut et qui est mise complètement à sec pendant plusieurs heures par jour ; les eaux, maintenues constamment à un niveau régulier, donneraient aux bateliers des places où ils pourraient amarrer en toute sécurité pour opérer le chargement et le déchargement de leurs bateaux ; le commerce y trouverait plus de facilité et s'épargnerait beaucoup de frais de transport, de camionnage, etc., qu'il subit forcément aujourd'hui. Enfin, la sortie de la ville serait débarrassée de sa plus grande entrave et l'encombrement actuel disparaîtrait pour ainsi dire complètement.
Ces avantages justifient, je pense, suffisamment et l'utilité du travail dont nous réclamons l'exécution et les persévérants efforts qui ont été faits depuis si longtemps pour l'obtenir.
On m'objectera peut-être que la navigation ne s'est cependant pas ralentie, que le mouvement, au contraire, a augmenté et qu'en 1869, malgré une interruption assez longue sur le canal de Blaton à Ath, pour cause de réparations, il est passé à l'écluse de Termonde 251 bateaux de plus qu'en 1868 (au total 4,343 bateaux).
En effet, messieurs, cette augmentation est assez considérable, mais, remarquez-le bien, les inconvénients que je signalais tout à l'heure ont augmenté dans les mêmes proportions, et le passage par la ville, où la Dendre est étroite, peu profonde et tortueuse, déjà si difficile et si dangereux aujourd'hui, deviendra, si la situation actuelle se prolonge, à peu près impossible dans peu de temps.
Oui, le mouvement a augmenté sur la Dendre et il devrait augmenter encore, mais ce n'est certes pas à cause des facilités qu'on accorde à la navigation. Déjà dans plusieurs localités, et à Termonde notamment, les droits de passage aux ponts, et sans doute aussi les droits de navigation de toute espèce, les droits de sas, de quai, etc., se perçoivent d'après un mode de jaugeage tout nouveau et qui les a augmentés dans une proportion telle, que l'abaissement de la patente sera très amplement compensé.
Oui, le mouvement a augmenté, parce que la Dendre est la voie la plus courte, mais on est parvenu à accumuler, à Termonde seulement, tant de difficultés, de frais et d'entraves, que bientôt les bateliers préféreraient la voie la plus longue, par l'Escaut, si, là aussi, ils ne rencontraient des obstacles et des dangers.
Et d'abord, à Termonde même, le grand pont sur l'Escaut, qui ne s'ouvre qu'à ses heures, car c'est un pont de chemin de fer ; puis le nouveau pont récemment construit entre Schoonaerde. et Berlaere, travail important et d'une utilité incontestable pour les populations riveraines, mais qui n'en constitue pas moins une entrave sérieuse pour la navigation, mais surtout l'état déplorable dans lequel on laisse, depuis des années, le fleuve, entre Appels et Berlaere.
L'Escaut y fait un coude très grand et creuse, constamment l'une de ses rives en empiétant considérablement sur le terrain de la commune d'Appels. Ces empiétements ont formé à la longue un schorre de plusieurs hectares d'étendue, le lit du fleuve s'est déplacé et a perdu en profondeur ; des bancs de sable obstruent la passe étroite qui est encore navigable et rendent cet endroit excessivement dangereux. Les accidents n'y sont pas rares et, il y a peu de jours, j'ai eu encore moi-même l'occasion d'en constater.
A marée basse d'ailleurs, le passage pour bateaux chargés y est impossible, et, même à marée pleine, il est toujours difficile et peu sûr, de manière que, pendant la saison où les eaux sont peu abondantes, les bateaux, qui ont un tirant d'eau de quelques pieds y sont souvent arrêtés.
Cet état de choses et les accidents si nombreux et si déplorables qui en sont résultés ont déjà préoccupé depuis longtemps le corps des ponts et chaussées, et je crois même qu'on a agité la question d'une rectification du cours du fleuve, mais j'ignore si l'on a abouti à quelque résultat pratique.
J'appelle également sur ce point toute l'attention de M. le ministre des travaux publics.
Un dernier mot. Mon honorable collègue et ami, M. Van Cromphaut, a déjà entretenu la Chambre d'un service de malle-poste destiné à relier à la station de Wetteren les importantes communes de Laerne, Overmeire, Calcken, etc., ainsi que d'un bureau des postes à établir dans cette dernière commune.
Je me rallie complètement aux observations si judicieuses et si concluantes, présentées par mon honorable collègue, et comme lui, j'exprime l'espoir que ce service sera bientôt organisé, sans préjudice toutefois de la concession de chemin de fer qui est sollicitée depuis plusieurs années déjà et doit enfin tirer ces communes de l'isolement auquel elles ont été trop longtemps condamnées.
Mon honorable collègue a parlé à ce propos d'une ligne partant de Sottegem pour aboutir à la Tête de Flandre ; je ne viens pas combattre ce tracé, mais comme je ne sais jusqu'à quel point il peut avoir de chances d'être admis, je crois devoir rappeler à M. le ministre qu'il existe un autre projet reliant la ville de Gand à Tamise, en passant par Destelbergen, Laerne, Calcken, Overmeire, Zele, Waesmunster, Hamme, Elyersele et Thielrode, et rencontrant sur un parcours de 38 kilomètres une population industrieuse et riche de 57,000 habitants.
Cette ligne, demandée en concession dès le mois de février 1865, par M. Is. Neelemans, se construirait sans l'intervention pécuniaire de l'Etat, et le capital peu considérable que nécessiterait sa construction, la richesse du pays qu'elle traverse, l'extension toujours plus grande que prennent l'industrie et le commerce dans ces communes qui comptent de 6,000 à 12,000 âmes et sont rangées parmi les plus belles du pays, garantissent suffisamment son avenir et sa prospérité.
Cette concession d'ailleurs a déjà été accordée en principe depuis 1866. L'honorable M. Vanderstichelen, alors ministre, en fit l'éloge dans la séance du 1er février, et la loi du 31 mai de la même année vint confirmer son appréciation, en autorisant le ministre des travaux publics à la concéder. Il ne s'agirait donc plus aujourd'hui que de l'approbation des plans et de la signature de la convention.
Une autre ligne, déjà concédée et qui appartient au réseau encore à construire par la société des Bassins houillers du Hainaut, est celle de Bruxelles à Termonde, dont l'exécution a été malheureusement reculée jusqu'en 1871. J'appelle, sur cette ligne, l'attention toute spéciale de M. le ministre des travaux publics et je l'engage vivement à n'approuver aucun plan qui négligerait la belle commune de Lebbeke, dont l'importance a été si clairement démontrée par une récente pétition du conseil communal, que je crois pouvoir me dispenser d'insister davantage.
L'intérêt du trésor s'accorde d'ailleurs ici avec celui des populations et ce tracé présenterait le grand avantage de permettre, en descendant vers Termonde et en passant à gauche de Lebbeke, de raccorder au chemin de ferles deux communes de Wieze et de Denderbelle, ou du moins de raccourcir notablement la distance qui les en sépare aujourd'hui et de leur assurer, en augmentant le produit de la ligne, de nouveaux éléments de prospérité et de richesse.
Enfin, les déclarations faites par l'honorable ministre, au sujet de la multiplication des bureaux télégraphiques, m'engagent à lui adresser une dernière demande concernant l'établissement d'un de ces bureaux à l'intérieur de la ville de Termonde ; au local des postes, par exemple, où il pourrait être installé sans grandes dépenses. Ce serait un véritable avantage pour la ville et une grande facilité pour le commerce, dont l'importance sur notre place justifie suffisamment le peu de frais que ce travail pourrait occasionner.
J'abandonne les observations sommaires que je viens de présenter au sujet des intérêts si importants et si méconnus de l'arrondissement de Termonde, à la bienveillante appréciation de M. le ministre des travaux publics et j'ai la confiance que sa sollicitude éclairée donnera la satisfaction la plus entière à nos justes et légitimes réclamations.
M. le président. - Je propose à la Chambre de porter comme premier objet à son ordre du jour de demain la suite de la discussion du budget des travaux publics. (Adhésion.)
Voici comment est composée la commission chargée d'examiner la proposition de loi de M. David : MM. Delcour, Hermant, de Lhoneux, Moncheur, (erratum, page 1339) Muller, Braconier et Pety de Thozée.
- Il est procédé au tirage des sections pour le mois de juin.
- La séance est levée à 5 heures.