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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 30 mai 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1285) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Vrints donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre/

« Le sieur Vandervelde propose de remplacer l'article 380 du code de procédure civile par l'article 17 de l'ordonnance d'avril 1667 portant que « tout juge qui saura causes valables de récusation en sa personne sera tenu, sans attendre qu'elles soient proposées, d'en faire sa déclaration, qui sera communiquée aux parties, et demande une disposition additionnelle à l'article 505 pour rendre passible de la prise à partie le magistrat qui n'aurait pas satisfait à l'obligation imposée par le nouvel article 380. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des distillateurs, à Hasselt, prient la Chambre d'accorder au sieur Maréchal la concession d'un chemin de fer d'Ans à Bréda. »

M. de Borchgrave. - Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics. Nous avons reçu d'autres pétitions concernant le même objet et, comme il en sera encore question dans la discussion, je désire que les pièces à l'appui restent déposées sur le bureau.

- La proposition de M. de Borchgrave est adoptée.


« Le conseil communal de Rossignol demande que le gouvernement lève la prohibition du bétail à la sortie sur la frontière d'Athus à la mer ou du moins qu'il rende libre la frontière française qui louche à la province de Luxembourg. »

« Même demande des conseils communaux de Laroche, Termes, Forrières, Vaux-Chavanne, Tillet, Hives, Recogne, Cherain, Orgeo, Winenne, Roy, My, Weris, Mabompré, Nives, Libin, Wardin, Odeigne, Assenois, Malempré, Vence, Samrée, Les Tailles, Noirmonl, Baillamont, Lavacherie, Lamorteau, Sugny, Moxhet, Baffe, Hollange, Juseret, Tenneville, Villers-la-Loue, Sibret, Longwilly, Herbeumont, Nassogne ; des habitants de Villers-devant-Orval, et du conseil communal d'Erneuville, qui sollicitent le rétablissement des marchés et foires pour les hôtes à cornes. »

M. Van Hoorde. - Je demande le renvoi de ces pétitions à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

M. le président. - Les pétitions de même nature ont été renvoyées à la commission permanente de l'industrie. Vous ralliez-vous au même renvoi avec demande d'un prompt rapport ?

M. Van Hoorde. - Oui, M. le président.

- Les pétitions sont renvoyées à la commission d'industrie, avec demande d'un prompt rapport.


« Des habitants de Diest demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions identiques.


« Le conseil communal de Verviers présente des observations contre la disposition du projet de loi modifiant la loi d'impôt qui est relative à la taxe des nouvelles bâtisses. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le bourgmestre de Maeseyck transmet copie d'une requête du conseil communal à M. le ministre des travaux publics pour obtenir l'intervention pécuniaire de l'Etat dans les frais de construction d'un pont sur la Meuse à Maeseyck. »

M. Julliot. - Cet objet est d'une grande importance. Je le recommande d'une manière toute particulière a la bienveillance de la Chambre et du gouvernement. Je demande le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants d'une commune non dénommée demandent que la loi décrète le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire. »

« Même demande d'habitants de Dour. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.


« Des habitants de Diest demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions identiques.


« Des habitants de Ham-sur-Sambre demandent le prolongement jusqu'à Sart-Saint-Laurent et par Ham-sur-Sambre, de la route d'Eghezée à la Sambre. »

M. Lelièvre. - J'appuie la pétition, qui est fondée sur les plus justes motifs ; elle a un caractère d'urgence. C'est pour cette raison que je demande qu'elle soit renvoyée à la commission spéciale avec prière de faire un prompt rapport.

Je demande en outre que la Chambre veuille ordonner le dépôt de la requête sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

- Adopté.


« Le sieur Cosyn-Debuck demande une augmentation de traitement pour les percepteurs des postes dans les communes rurales. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


«• Le conseil communal d'Olmen déclare appuyer le chemin de fer direct d'Ans sur Bréda projeté par le sieur Maréchal et demande l'érection de cette ligne le plus tôt possible. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres d'une société de rhétorique à Eecloo proposent une série de mesures pour que la langue flamande soit mise sur le même pied que la langue française. »

- Même renvoi.


« Le sieur Perreman-Dewinne demande que M. le ministre des travaux publics retire son arrêté qui réduit le délai de déchargement et augmente les frais de chômage. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles prient la Chambre de s'occuper de la question des sépultures. »

- Même renvoi.


« Des habitants et industriels de Morckhoven réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir le rétablissement du service régulier de la ligne ferrée qui traverse le territoire de cette commune ou du moins pour que les deux trains express fassent halte à Morckhovert. »

- Même renvoi.


« Les sieurs de Potter et Van Broeckaert prient la Chambre de prendre des mesures pour la conservation des archives qui se trouvent dans les communes. »

(page 1286) M. de Baets. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport. La question est importante.

- Cette proposition est adoptée.


« Des gardes forestiers dans le Luxembourg demandent une augmentation de traitement. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget du ministère des finances.


« Le sieur Van Bisien demande qu'on fasse arrêter, pour les livrer à la justice de leur pays, tous les orateurs des meetings internationaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le gouverneur du Hainaut adresse 124 exemplaires du rapport annuel de la députation permanente sur la situation administrative de la province pendant l'année 1870. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


M. Simonis, devant s'absenter pendant trois semaines environ, demande un congé pour ce laps de temps.

M. Tack demande un congé.

M. Sainctelette demande un congé pour la séance de ce jour.

- Ces congés sont accordés.


M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai l'honneur de déposer les rapports du bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort dont la communication a été demandée par M. Frère-Orban.

- Il est donné acte à M. le ministre de ce dépôt.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics pour l'exercice 1871

Discussion générale

La discussion générale continue.

M. David. - Messieurs, je remercie M. le ministre des travaux publics des espérances qu'il a bien voulu donner à mon honorable collègue, M. Simonis, quant à certains travaux nécessaires dans notre arrondissement. Mais comme M. le ministre a fait des promesses dans tous les sens, permettrai de venir insister sur quelques-uns de ces travaux, qui sont absolument indispensables, et d'ajouter quelques détails, quelques renseignements à ceux que vous a déjà donnés l'honorable M. Simonis.

En ce qui concerne l'agrandissement des stations désignées dans le discours de l'honorable M. Simonis, je ne doute pas que M. le ministre des travaux publics accélérera autant que possible l'exécution des travaux nécessaires à cette fin.

L'élargissement des stations n'est pas seulement utile aux industriels, aux négociants qui se servent du chemin de fer, mais c'est une question des plus importantes quant à l'exploitation même des chemins de fer. Déjà précédemment, lorsque nous nous sommes occupés des entraves dont l'expédition des marchandises était entourée, j'ai émis l'avis, et je suis d'accord sur ce point avec beaucoup de monde, que les embarras, les retards dans les expéditions provenaient principalement de l'exiguïté des stations. Je compte donc sur la prompte exécution des travaux destinés à agrandir les stations de Pepinster, de Nessonvaux et autres.

Le prédécesseur de M. le ministre des travaux publics avait promis d'engager, et cela dans le plus court délai possible, la société du chemin de fer de Welkenraedt à Bleyberg à établir une station auprès d'Henri-Chapelle au passage de la route de Liège vers Aix-la-Chapelle.

Les terrains pour l'établissement de cette station sont achetés, je pense, mais la société ne se presse pas d'exécuter les travaux. Cependant il y a là toute une population active, industrieuse, il y a de nombreux villages qui ne peuvent être desservis convenablement sans l'exécution de cette station. Ces communes souffriraient tous les inconvénients d'un chemin de fer sans en tirer aucun avantage. Les habitants seraient obligés de venir s'embarquer, eux et leurs marchandises, soit à Herbesthal Welkenraedt, soit à Bleyberg.

L'emplacement de la station que je réclame est excessivement favorable. Entourée qu'elle est par plusieurs communes importantes, elle est du plus grand intérêt pour les recettes de la société concessionnaire elle-même.

Un chemin de fer s'exécute en ce moment dans notre arrondissement, c'est celui des plateaux de Herve ; mais, d'après les plans connus, ce chemin de fer n'aurait nullement desservi les intérêts du riche canton d'Aubel.

Ce canton renferme non seulement une industrie agricole extrêmement importante, mais il a aussi une industrie manufacturière très développée, qui sans un chemin de fer dans cette direction, éprouve beaucoup de peine à exporter ses produits et restera constamment dans un état véritable d'infériorité vis-à-vis des autres centres industriels de notre arrondissement.

Je prierai M. le ministre des travaux publics d'examiner le plus tôt possible les quelques demandes en concession dont il est déjà saisi, afin de déposer, dans un bref délai, un projet de loi quant à l'exécution d'une de ces lignes.

Je le prierai, en accordant cette concession, de vouloir sauvegarder les intérêts de la ville de Herve et de faire en sorte que la station de cette ville soit une station principale. Herve, comme vous le savez, est une ville importante et doit nécessairement avoir une station véritable et non une simple halte.

J'arrive, messieurs, à la question du barrage de la Gileppe ; elle concerne la ville de Verviers et tout le bassin industriel de la Vesdre ; c'est le travail le plus important au point de vue de l'avenir de toute l'industrie lainière de notre pays.

Aussi déjà, en 1848, 1851 et 1853, ai-je eu l'honneur d'entretenir la Chambre de la nécessité de ce travail.

D'après les premiers plans, messieurs, le barrage devait avoir une hauteur de 47 m 80. Avec cette hauteur, on aurait recueilli une quantité de 13 millions d'hectolitres d'eau, à distribuer aux époques où l'eau viendrait à manquer. D'après ce que M. le ministre des travaux publics a répondu à l'honorable M. Simonis, il voudrait, paraît-il, s'en tenir à une hauteur de 37 m 20, qui ne permettrait d'approvisionner qu'une quantité de 6 millions d'hectolitres d'eau. Mais, messieurs , avec un réservoir aussi exigu, s'il ne survenait pas de grands orages dans le bassin des Hautes-Fagnes, cette quantité insuffisante serait bientôt absorbée et les travaux exécutés à grands frais cependant n'auraient rendu que des services insignifiants.

Tout le monde comprend que plus vous élevez un barrage dans un vallon, plus proportionnellement vous recueillez d'eau ; le barrage est exécuté dans un vallon resserré entre des montagnes, étant beaucoup plus rapprochées à leur base qu'à un certain niveau plus élevé; il en résulte qu'un mèrre de barrage à une certaine hauteur permet de recueillir une quantité d'eau infiniment plus considérable que celle qui est obtenue par les parties inférieures du barrage.

D'après mon honorable ami, M. Le Hardy de Beaulieu, assis à mes côtés, homme certainement très compétent en ces matières, un mètre en plus à un certain niveau refoule dix fois plus d'eau qu'un mètre au pied d'un barrage établi dans un vallon d'une montagne à l'autre.

L'honorable ministre des travaux publics a invoqué la circonstance que peut-être cette grande hauteur des murs de retenue pourrait entraîner des dangers de rupture.

Mais, messieurs, ces dangers ont. été prévus dès le principe ; les ingénieurs chargés des études ne se sont pas bornés à un travail de cabinet, plusieurs d'entre eux ont visité les travaux de la même espèce dans d'autres pays, se sont assurés de la solidité des barrages, ont examiné de quelle façon ils étaient exécutés et, à leur retour, ils ont fait le plan que nous connaissons tous, en affirmant qu'il n'y avait absolument aucun danger à élever cette digue à 47 m. 80.

Le corps des ponts et chaussées l'affirme encore aujourd'hui et les fondations de ce grand travail ont reçu une épaisseur de 60 mètres, afin d'en assurer la solidité.

Vous connaissez tous, messieurs, l'énergie, l'intelligence et l'esprit d'entreprise dont sont doués nos industriels verviétois ; il ne faut pas que pour une somme estimée à 700,000 francs par M. le ministre, ils soient entravés dans leurs efforts incessants pour le perfectionnement de leurs produits.

A plusieurs expositions générales, Verviers a toujours exposé des produits très parfaits, mais laissant à désirer sous un rapport, sous celui de la netteté, du brillant des couleurs. Vous ne pouvez l'attribuer qu'à la circonstance de la mauvaise qualité des eaux sales dont nous disposons à Verviers, en été, circonstance malheureuse rendant le lavage des laines, la teinture et le foulage imparfaits et par conséquent ternes les couleurs de nos produits.

Un point que l'honorable M. Simonis n'a pas touché et que je voudrais recommander tout spécialement à l'honorable ministre des travaux publics, c'est celui-ci : M. Delcour, il y a quelques années, en a déjà entretenu la Chambre et il a particulièrement insisté sur la nécessité du travail dont je vais avoir l'honneur de vous dire également quelques mots.

Il ne suffit pas d'exécuter le barrage de la Gileppe pour procurer de l'eau fraîche et propre à Verviers et aux communes environnantes ; mais il ne faut pas prendre l'eau à toute la pléiade de grands industriels qui se trouvent établis sur les rives de la Vesdre entre le pont sur la Gileppe et Verviers.

(page 1287) Il y a la des établissements très considérables qui, si l'on ne faisait rien en leur faveur, malgré les promesses et les projets qui existent, devraient être abandonnés au moins pendant l'été, la Gileppe étant l'affluent le plus important et le plus pur de la Vesdre.

Il faut donc que le barrage de la Gileppe laisse échapper, comme décidé dès le principe, deux mètres cubes d'eau par seconde, afin d'augmenter le volume d'eau dans le lit même de la Vesdre.

On m'objectera qu'à partir des points vous indiqués plus haut, il y a des fuites d'eau. C'est vrai.

Il existe un grand banc de calcaire qui traverse, de l'est à l'ouest, cette partie de la Belgique et vient affleurer dans certains endroits dans le lit de la rivière la Vesdre.

Partout où ce banc vient au jour dans le lit de la rivière, il y a des cassures et l'eau s'y perd, s'y engouffre.

Pendant les temps de sécheresse, vous aurez donc beau donner une plus forte masse d'eau à la rivière, une grande partie en serait perdue dans les cassures du calcaire.

Il faudrait donc établir des canaux étanches sur tous les passages où l'eau s'infiltre dans le calcaire.

Dans le temps, déjà une somme de 500,000 francs a été votée par les Chambres pour l'exécution de ces canaux à deux ou trois endroits connus entre la Gileppe et Verviers et pour l'amélioration de la Mandel.

L'exécution de trois ou quatre bouts de canal ne coûterait pas plus de 300,000 à 400,000 francs, et j'insisterai donc, messieurs, non seulement sur la demande d'un crédit nécessaire pour l'exhaussement du barrage jusqu'à 47 m 80, mais aussi pour qu'on y ajoute une somme destinée à rendre étanches les parties de la Vesdre qui présentent des tissures.

M. Van Cromphaut. - Messieurs, je profite de l'occasion qui m'est fournie, à propos de la discussion du budget des travaux publics, pour revenir sur les considérations que j'ai fait valoir dans d'autres circonstances, en faveur de la création d'un service de malle-poste pour le transport des dépêches et des voyageurs entre la station de Wetteren et les importantes communes de Calcken, d'Overmeire et d'Uytbergen.

La commune de Wetteren compte plus de 10,000 habitants. Le trafic dans cette station est devenu fort important, et de jour en jour il augmente notablement.

Les relations avec les communes sus-énoncées sont fréquentes. La station de Wetteren est la plus rapprochée de ces trois communes, qui ont une population de :

celle de Calcken 5,300 habitants sur une superficie de 2,048 hectares

celle d'Overmeire 3,500 habitants sur une superficie de 1,372 hectares

celle d'Uytbergen 1,200 habitants sur une superficie de 649 hectares.

Total : 10,000 habitants sur 4,069 hectares..

Beaucoup de localités de moindre importance jouissent depuis longtemps du bienfait d'un service de malle-poste, ce qui facilite considérablement l'accès au réseau des chemins de fer, dont il augmente le revenu.

Comme vous venez de le voir, ces diverses communes, avec celle de Wetteren, dont elles sont distantes d'une lieue, d'une lieue et demie et de deux lieues, forment ensemble une population de plus de 20,000 habitants. Si le service réclamé était organisé, il est certain qu'il n'en résulterait aucune charge pour l'Etat. Le transport des dépêches, des voyageurs et des petits paquets rapporterait amplement les dépenses qui en résulteraient ; et, par l'organisation de ce service, il y aurait une notable augmentation de voyageurs qui viendraient prendre le chemin de fer à Wetteren. Aucun service de messagerie n'existe dans cette localité, il n'y a pas même un bureau de poste, qui serait si utilement établi dans la belle et populeuse commune de Calcken. J'appelle également l'attention de l'honorable chef du département des travaux publics sur ce point et je l'engage à ne pas le perdre de vue.

La correspondance avec les communes d'Overmeire et d'Uytbergen est d'une lenteur incroyable. Le service de la poste s'y fait par le bureau de Zele. Le facteur n'y arrive, que vers une heure et son retour est si rapproché qu'on a à peine une demi-heure pour répondre à la correspondance qu'il y apporte. Il en résulte que, quand on écrit de Wetteren à Overmeire ou Uytbergen, il faut trois jours pour avoir une réponse, tandis que ces communes ne sont distantes que de 7 à 8 kilomètres au plus.

Si un bureau de poste était établi à Calcken, Overmeire et Uytbergen seraient utilement desservis par ce bureau deux fois par jour ; toutes ces lenteurs disparaîtraient, le service public se ferait régulièrement, à la satisfaction et au profit de tous. Sans nul doute, la correspondance se multiplierait, et l'augmentation du produit couvrirait au delà les frais de l'installation de ce service.

Puisque je m'occupe de cette riche partie de la rive gauche de l'Escaut toujours privée encore de toute communication directe avec le réseau des chemins de fer de l'Etat, je rappellerai à l'honorable ministre des travaux publics, qu'une demande en concession a été déposée en juillet 1864 par M. l'ingénieur Edouard Dinck, ayant pour but la construction d'un chemin de fer de Sottegem à Anvers, par Elene, Oombergen, Hautem-Saint-Liévin, Baeveghem, Oordegem, Massemen et Westrem ; puis, par un pont sur l'Escaut, touchant à Laerne, et continuant par Calcken, Overmeire, Zele, Wesmunster, Hamme, Thielrode, Tamise, Rupelmonde, Steengelaegen, Basele, Cruybeke et Burght sur la Tête de Flandre à Anvers.

Il est évident que cette ligne projetée offre les plus grandes chances de réussite. Les communes traversées sont nombreuses et offrent une grande population. Toute la partie gauche de l'Escaut se trouverait reliée avec le bassin houiller du Hainaut, avec les carrières, les chaufours, les établissements métallurgiques et autres industries importantes. Elle serait corroborée par l'exécution du chemin de fer concédé de Saint-Ghislain à Ath et par celui d'Ath à Sottegem. Il y a là un élément de trafic incontestable, en permettant aux localités industrielles du pays de Waes de s'approvisionner de charbons du bassin du Centre ; cette ligne ne pourrait porter aucun préjudice aux lignes de l'Etat, elle desservirait de grands intérêts. Le Hainaut en profiterait autant que le pays de Waes, et le gouvernement n'y perdrait pas. Tout le monde connaît le pays de Waes, ses richesses agricoles, le développement de son industrie qui ne fait qu'augmenter.

Enfin, messieurs, si, comme le projet en existe, il était donné suite au creusement d'un bassin à la Tête de Flandre pour l'embarquement des charbons, et que le projet de pont reliant les deux rives de l'Escaut à cet endroit, fût mis à exécution, cette ligne serait placée dans les conditions d'avenir les plus brillantes.

J'y appelle la sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics, et je lui serai obligé de nous dire si ce projet, mûrement examiné, n'a pas quelque chance d'obtenir une solution favorable. Je persiste à croire que ce tracé est un de ceux qui offrent le plus de garantie d'avenir. Il relierait le Hainaut au riche pays de Waes, et il établirait des relations fréquentes entre les habitants de la rive droite et ceux de la rive gauche de l'Escaut.

J'appellerai encore la bienveillante attention de l'honorable ministre des travaux publics sur les inconvénients graves que présente l'entrée des bateaux de l'Escaut dans la Dendre à Termonde.

Ces inconvénients ont été signalés à différentes reprises au gouvernement, tant par les bateliers que par l'administration de la ville de Termonde et la chambre de commerce de cet arrondissement. L'honorable sénateur comte de Ribaucourt en a entretenu le Sénat dans la séance du 13 juin 1869, et l'honorable M. Jamar, alors ministre des travaux publics, en réponse à son discours, a témoigné alors toute sa bienveillance en faveur d'une étude approfondie des travaux qu'il conviendrait d'y établir en vue de donner satisfaction à la navigation et aux intérêts de l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de me conférer le mandat que j'occupe dans cette enceinte. Je demanderai à l'honorable M. Wasseige s'il peut nous donner communication du rapport qui a dû intervenir de la part de M. l'ingénieur en chef directeur des ponts et chaussées de la Flandre orientale, et je recommande de mon côté la prompte exécution des travaux jugés utiles pour compléter l'œuvre de la canalisation de la Dendre.

Aujourd'hui, les bateaux ne peuvent entrer dans la Dendre qu'à la marée montante, en avançant lentement et à mesure que la marée s'élève.

Je remercie l'honorable ministre des travaux publics de ses bienveillantes dispositions pour les travaux à exécuter à Gand. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas superflu de joindre mes instances à celles de l'honorable M. de Baets, appuyées par mon honorable collègue, M. Kervyn de Volkaersbeke. L'honorable membre a signalé à l'attention de la Chambre les travaux qui restent à faire pour donner à cette importante ville manufacturière le développement et la prospérité dont elle est susceptible. De toutes les grandes villes du pays, Gand seule est restée presque stationnaire, faute de l'exécution de certains travaux dont la dépense est relativement minime, lorsqu'on la compare aux nombreux millions dépensés pour l'amélioration de la navigation de la Meuse et autres travaux de l'espèce, exécutés dans le pays, qui n'avaient pas autant leur raison d'être.

La navigation du canal de Zelzaete offre tant de difficultés, que les navires, même d'un médiocre tonnage, sont obligés de délester à l'entrée de ce canal. Il en résulte des retards et des frais trop préjudiciables pour le commerce et l'industrie de la Flandre orientale.

L'honorable ministre l'a dit lui-même dans la séance de vendredi, et il semble convaincu de l'existence de ces obstacles, ainsi que de la nécessité (page 1288) d'y porter remède, ce qui ne pourra se faire qu'en approfondissant et élargissant le canal dont il s'agit.

La construction du chemin de fer de ceinture, décrétée depuis longtemps et qui est en voie d'exécution aujourd'hui, ne me paraît pas marcher avec toute l'activité qu'il serait possible de lui imprimer. Les industriels et les commerçants de la cité gantoise attendent avec impatience l'achèvement de ces travaux, ce qui leur permettra de relier leurs établissements à cette voie ferrée par des voies de raccordement : cet avantage sera inappréciable.

Tous ces travaux sont d'une utilité réelle, non seulement au point de vue de la prospérité de la Flandre orientale, mais aussi au point de vue de l'intérêt général : car si l'industrie gantoise peut, par cet élément, recevoir un plus grand développement, elle communiquera sa prospérité au restant du pays, aux charbonnages, aux établissements métallurgiques, aux carrières, aux chaufours et à toutes autres industries alimentant leurs usines.

Je me joins donc à mon honorable ami, M. de Baets, pour en réclamer la prompte exécution.

J'espère que l'honorable chef du département des travaux publics continuera toute la bienveillance qu'il a exprimée dans la séance de vendredi, et qu'il ne négligera aucune circonstance pour tirer la ville de Gand de son état de prostration, pour me servir du terme de l'honorable M. de Baets.

Un dernier point sur lequel je désire encore fixer l'attention de l'honorable M. Wasseige, c'est l'anomalie qui existe dans le tarif du transport des voyageurs au chemin de fer de l'Etat. Ce tarif est tout en faveur des grands parcours. Il favorise surtout les étrangers qui ne font que traverser la Belgique, et les voyageurs riches qui parcourent plus souvent les grandes distances.

Comme nous devons tous être égaux devant la justice distributive, il est de rigueur que le vulgaire et les ouvriers qui ne parcourent que les petites distances soient traités aussi avantageusement que les riches, et le moment est venu, ce me semble, de supprimer le tarif différentiel.

(page 1295) M. Van Overloop. - Messieurs, l'arrondissement de Saint-Nicolas, dont mon honorable ami, M. Van Cromphaut, vient de faire ressortir l'importance, est de tous les arrondissements du pays celui qui a le moins à se louer de la sollicitude du gouvernement en matière de travaux publics, voire même en matière de subsides.

Nos populations ne connaissent guère le monsieur qu'on appelle l'Etat que sous la forme d'un receveur, quoique nous ayons les raisons les plus légitimes de faire sa connaissance comme payeur ou distributeur.

A coup sûr, proportion gardée, il n'y a pas un arrondissement dans le pays qui verse autant en contributions foncières, personnelles et patentes, dans les caisses de l'Etat que l'arrondissement de Saint-Nicolas et, à coup sûr encore, il n'y a pas d'arrondissement du pays qui reçoive moins de la part de l'Etat.

Nos réclamations, messieurs, remontent à la date des plaintes faites par la commune de Calloo, à l'occasion des travaux d'agrandissement du fort Sainte-Marie, plaintes dont je me suis rendu l'écho dans cette enceinte, depuis 1858, avec mon honorable ami, M., Janssens, qu'un douloureux événement de famille retient, en ce moment, chez lui.

A partir de 1865, mes honorables amis, MM. Verwilghen, Janssens, et moi, nous avons, chaque année, quelquefois même plusieurs fois en une année, demandé justice en faveur de ce beau pays de Waes dont nous tenons notre mandat.

Le conseil provincial de la Flandre orientale a vigoureusement appuyé nos doléances ; les honorables MM. Vanderstichelen et Jamar, lorsqu'ils étaient ministres des travaux publics, et l'honorable ancien ministre des finances, M. Frère-Orban, ont tous reconnu successivement le bien fondé de nos réclamations... Mais tout s'est borné à des promesses dont nous n'avons jamais vu la réalisation.

Serons-nous plus heureux sous le nouveau cabinet ? Le département des travaux publics sera-t-il plus équitable sous l'administration de l'honorable M. Wasseige ?

Nous l'espérons, car je lis dans le beau rapport de l'honorable M. Delcour, page 16, le passage suivant :

« La section centrale ayant demandé quelle mesure le gouvernement a prise jusqu'ici pour l'assainissement des polders du pays de Waes, M. le ministre lui a fait parvenir la réponse suivante :

« Le gouvernement n'a pas perdu de vue la question de l'assainissement et de l'assèchement des polders de la partie du pays de Waes qui est voisine de l'Escaut et dont les eaux s'écoulent dans ce fleuve.

« Convaincu de l'importance de cette question, le département des travaux publics a, par un arrêté de date récente, institué une commission chargée de rechercher et de proposer les mesures à prendre et les travaux à, exécuter pour assurer, d'une manière efficace, l'assèchement des polders du pays de Waes, dont les eaux s'évacuent dans l'Escaut par le Meikader.

« Cette commission est composée d'un officier du génie, d'un ingénieur des ponts et chaussées et d'un délégué des directeurs des polders intéressés. »

Nous sommes donc convaincus que notre arrondissement peut espérer obtenir ce que ne lui ont pas donné les cabinets précédents, nous croyons qu'il peut l'espérer d'autant plus que récemment l'honorable M. d'Anethan, chef du cabinet actuel, disait au Sénat que lorsque les besoins d'un pays sont constatés, ils doivent être satisfaits. Nos besoins sont constatés, nous sommes donc certains qu'ils seront satisfaits. (Interruption.)

En général, messieurs, on ne connaît pas assez le caractère spécial des polders.

Nos polders sont des terrains successivement conquis sur l'Escaut et mis à l'abri des invasions de l'eau de ce fleuve au moyen de digues dont l'élévation dépasse les plus hautes marées.

Ces polders se divisent en polders de première ligne (ce sont ceux dont les digues touchent immédiatement à l'eau) et en polders intérieurs, c'est-à-dire en polders plus anciennement endigués.

Pour apprécier l'importance des polders du pays de Waes, il suffit de savoir que la longueur des digues est pour les polders intérieurs de 34,823 mètres et pour les polders de première ligne de 44,050 mètres.

La construction de nos polders remonte, messieurs, dans la nuit des temps ; le plus anciennement endigué, d'après des documents écrits, date incontestablement du commencement du XIème siècle ; depuis lors, de siècle en siècle, de nouveaux endiguements ont eu lieu ; le dernier date de 1846.

On a attaché, à toutes les époques, la plus grande importance, au point de vue de la richesse nationale, à la construction des polders.

Je n'entrerai pas dans de longs détails à ce sujet ; ceux d'entre vous qui voudraient approfondir la question, pourront consulter avec fruit l’excellent recueil des lois et règlements relatifs aux polders, dont la troisième édition a paru en 1869 et qui est dû à la plume d'un honorable ingénieur des ponts et chaussées, M. Gustave Wolters, aujourd'hui professeur à l'université de Gand ; l'honorable ministre des travaux publics, s'il ne connaît pas parfaitement nos polders, pourra puiser dans cet ouvrage des renseignements précieux.

A cause des calamités auxquelles la rupture des digues, causée par des ouragans, a donné lieu et peut encore donner lieu, les polders ont, de tout temps, été soumis à une législation spéciale, qui a surtout pour but d'assurer la conservation des digues.

Je n'entends pas vous faire, messieurs, l'historique des calamités que la rupture des digues a occasionnées ; je me borne donc à renvoyer à l'ouvrage publié, en 1844, dans les Annales des travaux publics, par un ingénieur en chef des ponts et chaussées, M. Kummer, ouvrage dans lequel l'auteur fait ressortir de la manière la plus frappante les désastres qui sont résultés, à diverses époques, de la rupture des digues.

Aujourd'hui, messieurs, les polders sont régis spécialement par les décrets du 11 janvier et du 16 décembre 1811.

Celte législation spéciale qui a été formellement maintenue par l'article 113 de la Constitution, n'est que la codification des mesures que les gouvernements antérieurs ont prises pour cet objet. On peut s'en convaincre en lisant l'ouvrage, de M. Wolters.

Mais il ne suffit pas, messieurs, d'avoir des digues qui garantissent les polders contre l'invasion des eaux de l'Escaut : il faut autre chose encore ; il faut que les polders puissent se débarrasser des eaux de l'intérieur qu'ils sont obligés de recevoir et qu'ils doivent jeter dans l'Escaut. Il leur faut donc des voies d'écoulement suffisantes ; or, nos polders n'ont pas de moyens suffisants pour effectuer cet écoulement.

Ce fait a été constaté sur la proposition d'un juge compétent, M. Parrin, dans la dernière assemblée du conseil supérieur d'agriculture.

Vous comprenez, messieurs, que les polders étant situés au-dessous du niveau des eaux du fleuve, quelquefois même à trois mètres au-dessous de la marée haute ordinaire, vous comprenez, dis-je, qu'on ne peut procéder au travail de l'écoulement des eaux dans l'Escaut, que pendant quelques heures de la journée, c'est-à-dire, lorsque la marée est basse et descend au-dessous du niveau du terrain des polders.

Or, les polders de première ligne reçoivent les eaux de terrains dont la cote atteint jusqu'à 6 mètres de plus que la marée haute ordinaire, et ces terrains ne sont guère qu'à 17 kilomètres de la digue de mer.

Il suit de là que, lorsque, par suite de fortes averses, les eaux de l'intérieur se précipitent avec abondance dans nos polders, pendant les hautes marées, ceux-ci ne pouvant rejeter assez rapidement ce surcroît d'eau dans l'Escaut, doivent nécessairement être inondés.

Quelles sont, messieurs, les conséquences de l'insuffisance des moyens d'écoulement pour nos polders ?

C'est, comme je viens de le dire, que nos polders s'inondent régulièrement ; c'est que les eaux détruisent nos récoltes et compromettent l'alimentation publique.

Ce qui est plus grave encore, messieurs, c'est que les eaux, ne pouvant s'écouler, restent stagnantes et finissent par développer ces germes (page 1296) putrides qui sont souvent la cause de diverses épidémies, comme vient de l'établir une lettre de M. le docteur Guillery que tous les journaux ont reproduite, et comme notre honorable collègue, M. Vleminckx, l'a si bien prouvé dans les sessions antérieures.

La richesse nationale et la santé publique sont donc éminemment intéressées à ce que le gouvernement nous donne enfin les moyens d'assécher nos polders, moyens que nous attendons depuis si longtemps, et que nous espérons obtenir, grâce à la présence de l'honorable M. Wasseige au ministère des travaux publics.

Nous avons le droit, messieurs, de demander que l'Etat assainisse nos polders, non seulement en vertu du simple principe d'équité, mais même en vertu du droit positif.

Nous sommes, sous ce rapport, dans une situation tout à fait spéciale.

Sous l'ancien régime, comme dans les temps modernes, le gouvernement a toujours considéré comme un devoir de venir en aide aux polders, a cause précisément de la nature spéciale de ces propriétés, et à cause aussi des grandes dépenses que nécessite leur conservation.

Encore une fois, messieurs, je n'ai, pour justifier cette proposition, qu'a vous renvoyer au recueil du professeur du génie civil, M. Wolters.

Nous avons d'autant plus raison de nous adresser au gouvernement, messieurs, que l'état précaire dans lequel se trouvent nos polders actuellement doit en grande partie être attribué au gouvernement.

Le gouvernement, en tolérant le barrage de l'Escaut, n'a-t-il pas contribué à élever le niveau des eaux de ce fleuve ? Et que résulte-t-il de cette surélévation des eaux ?

Il en résulte qu'un obstacle nouveau s'oppose au déversement dans l'Escaut des eaux qui arrivent de l'intérieur. Cela n'a pas besoin d'explication.

En second lieu, les travaux de fortification que le gouvernement a érigés, et qu'il continue à ériger dans le pays de Waes, sur la rive gauche de l'Escaut, constituent également un obstacle à l'écoulement des eaux.

J'ai donc raison, messieurs ; en strict droit, je puis m'adresser au gouvernement en lui disant : Réparez le mal que vous avez causé ; l'état déplorable de nos polders est, en partie, votre faute ; l'article 1382 du code civil vous oblige.

Par suite des travaux de fortifications exécutés dans nés polders, la Belgique entière est intéressée à leur assainissement, car les enfants de tous les coins du pays peuvent être appelés à y tenir garnison.

Eh bien, messieurs, demandez à l'honorable M. Vleminckx l'influence désastreuse que le séjour dans les polders, à certaines époques de l'année, exerce sur la santé des personnes non acclimatées !

C'est effrayant, messieurs, c'est tellement effrayant, que dès 1843, l'Académie royale de médecine a cru devoir mettre au concours, pendant plusieurs années, la question relative à l'influence des polders sur la santé publique.

Au point de vue de l'équité, messieurs, je vous le demande : n'est-ce pas l'Etat qui, depuis plusieurs années, exécute tous les travaux publics d'une certaine importance dans tous les arrondissements du pays, Saint-Nicolas excepté, bien entendu.

Je ne sache pas qu'un seul travail ait été exécuté dans notre arrondissement par l'Etat.

Notre arrondissement verse-t-il, par hasard, moins que les autres dans les caisses de l'Etat ; moins, par exemple, que ceux de la province d'Anvers et des provinces de Luxembourg et de Namur ?

Incontestablement, la caisse de l'Etat s'alimente bien plus chez nous, et, cependant, tandis que l'Etat exécute de grands travaux dans ces arrondissements, chez nous, il ne fait rien. Est-ce juste ?

Est-ce que par hasard l'intérêt de l'agriculture n'est plus l'intérêt général lorsqu'il s'agit du pays de Waes, de ce pays si justement appelé le Jardin des Flandres ?

La santé des ruraux n'est-elle pas aussi précieuse que celle des citadins de Bruxelles, où l'Etat consacre des millions à l'assainissement de la Senne ?

Or, nous ne vous demandons pas même un million. Nous serions satisfaits de 200,000 à 300,000 francs et peut-être moins.

Avec cette somme on exécuterait aisément, je le pense, quoique je n'aie aucune compétence en cette matière, les deux canaux et les deux ou trois écluses dont nous avons besoin.

Est-ce trop pour nous qui, comme je le disais tout à l'heure, n'avons jamais connu l'Etat que sous la figure du receveur ?

Je suis loin de blâmer ce que l'Etat a fait pour d'autres arrondissements. Je suis heureux d'avoir pu y contribuer. Mais enfin la plus simple justice distributive n'exige-t-elle pas qu'à notre tour, vous nous accordiez quelque chose ?

Mes honorables collègues, MM. Verwilghen et Janssens et moi, nous espérons donc que M. le ministre des travaux publics imprimera aux travaux de la commission qu'il a instituée une activité telle, que pour son budget de 1872 il pourra soumettre des propositions à la Chambre dans l'intérêt de l'assainissement de nos polders. Depuis 1858, on a dû réunir assez de matériaux pour permettre la prompte élaboration d'un projet complet.

Je me permettrai cependant de faire remarquer que dans les maremmes de la Toscane, véritables polders, il a été exécuté, depuis quelques années, des travaux d'assainissement qui paraissent avoir bien réussi : ne conviendrait-il pas d'y envoyer un homme très compétent pour étudier ce qui a été fait?

Ne conviendrait-il pas aussi d'adjoindre un médecin à la commission ?

M. Vleminckx, par exemple, qui s'est toujours occupé avec une sollicitude, dont je le remercie, de l'assainissement de nos polders. Comme ancien inspecteur général du service de santé de l'armée, il a eu l'occasion de constater la mauvaise influence que les polders exercent sur la santé.

Si M. le ministre des travaux publics voulait, un jour, nous faire l'honneur à nous, députation de Saint-Nicolas, de venir visiter nos polders, comme il a fait l'honneur à la députation de Gand de visiter le canal de Terneuzen, je puis l'assurer qu'il serait aussi bien accueilli que dans l'arrondissement de Gand. J'espère donc que M. le ministre des travaux publics voudra bien nous faire cet honneur dans l'intervalle des deux sessions. Pendant cette époque de l'année, sa santé ne courra aucun danger.

Je ne reviendrai pas, messieurs, sur la question de la Durme, dont j'ai occupé la Chambre en 1866, puisque l’honorable ministre, depuis qu'il est arrivé au pouvoir, nous a fait connaître qu'il se proposait de consacrer la reprise de cette rivière navigable par l'Etat, dans le budget pour 1872. Je l'en remercie au nom des habitants de Lokeren.

Mais j'appellerai l'attention de M. le ministre sur la réclamation que la commune de Stekene lui a fait parvenir relativement au tracé sur le territoire de celte commune du chemin de fer d'Eecloo à Anvers. Cette réclamation me paraît très fondée.

Je prie aussi l'honorable ministre de ne pas perdre de vue la demande des communes de Kieldrecht, Verrebroek, Vracene, Nukerke, au sujet de l'établissement d'une malle-poste entre la première de ces communes et Saint-Nicolas.

J'appelle enfin l'attention de l'honorable ministre sur le pont à construire sur l'Escaut, à Anvers. Ce pont, dont j'ai entretenu la Chambre en 1868 et qui relierait le pays de Waes à Anvers, serait d'une utilité véritablement incontestable au point de vue des intérêts matériels du pays et j'ajouterai de la défense nationale.

L'honorable ministre a donné une réponse à ce sujet à la section centrale. Cette réponse se trouve consignée dans le rapport de l'honorable M. Delcour, page 21.

« Plusieurs demandes ont été adressées au gouvernement à l'effet d'obtenir l'autorisation de construire, par voie de concession de péages, un pont sur l'Escaut, à Anvers.

« Les plus récentes de ces demandes, et ce sont celles qui tendraient à desservir simultanément le plus d'intérêts, auraient pour objet la construction d'un pont à établir dans des conditions telles, qu'il livre à la fois passage aux piétons, aux chevaux, aux voitures, et aux trains de chemins de fer. Mais il est à remarquer qu'à ces demandes n'était pas joint un projet complet de l'important ouvrage d'art dont il s'agit.

« La production de ce projet complet est cependant nécessaire pour être à même d'apprécier, en parfaite connaissance de cause, si, comme la pensée en a été exprimée, il y aurait de sérieux inconvénients, au peint de vue de la navigation et du régime du fleuve, à autoriser la construction d'un pont sur l'Escaut, à Anvers. »

S'il s'agissait de construire un pont à la Tête de Flandre, je crois que la rade pourrait être compromise. Mais de l'avis des hommes compétents, et je ne prétends pas figurer parmi eux, on pourrait, sans nuire aux intérêts de la rade, construire ce pont en amont de la citadelle du Sud, qui existe encore, mais qui sera bientôt l'ancienne citadelle du Sud.

L'honorable ministre désire la présentation d'un projet complet et il a parfaitement raison. Mais je le prie de remarquer que jamais il n'aura ce projet, si les personnes qui se livrent à son élaboration ne sont pas certaines qu'elles seront au moins remboursées de leurs frais.

Personne ne pensera à faire une dépense d'une trentaine de mille francs, si l'on n'est pas certain de recouvrer les frais que l'on aura faits.

J'espère, messieurs, que le passage de l'honorable M. Wasseige par le ministère des travaux publics ne permettra plus à mes commettants de dire :

« Je ne puis me plaindre de rien ;

« Chacun prend part a ma disgrâce :

« Tout le monde me veut du bien,

« Et j'attends toujours qu'on m'en fasse. »

(page 1288) M. Lelièvre - A l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, je crois devoir appeler l'attention du gouvernement sur divers objets que je recommande à sa sollicitude.

L'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter plus particulièrement dans cette enceinte attend avec empressement divers travaux d'une nécessité indispensable et, en premier lieu, l'agrandissement de la station de Namur, devenue le centre de nombreuses voies ferrées.

Cet agrandissement nécessiterait l'expropriation de maisons et terrains aujourd'hui notablement dépréciés par suite des travaux exécutés, en 1860, par le département des travaux publics.

L'état actuel de la station présente, du reste, des dangers sérieux au point de vue de la sûreté publique.

Un second objet sur lequel j'appelle l'attention de M. le ministre, c'est l'exécution du chemin de fer partant de Gembloux ou de Jemmape et aboutissant à la Meuse en passant par Fosses.

C'est cette voie ferrée qui doit complètement régénérer le pays d'entre Sambre et Meuse.

Elle est attendue avec impatience depuis nombre d'années. Je suis convaincu que M. le ministre tiendra à honneur de conduire à fin une entreprise aussi utile et devant produire les plus féconds résultats.

Je recommande aussi au gouvernement la prompte mise en adjudication des travaux de la route de Namur à Saint-Gérard, passant par Wépion, avec embranchement vers Salzinne.

M. le ministre connaît parfaitement l'utilité de cette œuvre si importante pour notre arrondissement. Je constate avec satisfaction qu'il la poursuit avec une louable persévérance.

Je-signale aussi à l'attention de M. le ministre la pétition qui est parvenue aujourd'hui à la Chambre et qui émane des membres du conseil communal de Ham-sur-Sambre. Elle a pour objet la demande du prolongement de la route d'Eghezée à la Sambre jusqu'au Sart-Saint-Laurent. C'est là un objet de la plus haute utilité pour de nombreuses populations et il est impossible de réaliser une œuvre plus nécessaire. Elle est réclamée avec instance par les localités qu'elle concerne.

J'ai souvent sollicité dans cette enceinte des mesures relatives aux plantations sur les routes de l'Etat.

Il est certain que l'Etat doit des indemnités aux propriétaires riverains dont les terrains sont frappés de stérilité par suite de plantations effectuées par le gouvernement.

L'Etat ne peut, par des actes exécutés sur le domaine public, causer un dommage direct et matériel aux propriétés voisines.

D'autre part, le gouvernement devrait ne placer les arbres qu'à une certaine distance les uns des autres.

Il pourrait faire disparaître un grand nombre d'arbres se trouvant sur les routes à une distance trop rapprochée.

En un mot, il est évident qu'il doit être pris des mesures pour faire cesser en tout, ou au moins en grande partie, les dommages notables qu'éprouvent les propriétaires riverains des routes par suite des plantations nuisibles et portant atteinte aux terrains contigus.

Je signale aussi à la sollicitude du gouvernement ce qui concerne la position des facteurs ruraux, qui mérite d'être prise en considération, car il est certain que ces employés ne perçoivent pas un émolument en rapport avec les pénibles fonctions qui leur sont confiées. Il y a longtemps que des réclamations se produisent en ce sens et je regrette qu'elles n'aient pas encore été accueillies.

Enfin j'estime que le moment est arrivé de simplifier les formalités judiciaires décrétées par la loi de 1835 en ce qui concerne l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Il serait possible de traiter les affaires de ce genre avec plus de promptitude et plus économiquement. On favoriserait ainsi l'exécution des travaux d'utilité publique et l'expropriant ne serait pas soumis à des frais dont l'élévation forme un obstacle sérieux aux améliorations.

Je termine en signalant à M. le ministre une lacune que laisse la législation.

La loi de 1849 a rendu l'Etat justiciable des tribunaux de commerce en ce qui concerne le transport des marchandises.

Mais la législation est muette relativement au transport des voyageurs, de sorte qu'il s'élève la question de savoir si, quant à ce dernier point, la législation antérieure à la loi de 1849 ne doit pas être maintenue. Or, l'on sait que, d'après la jurisprudence de la cour de cassation, l'Etat, antérieurement à la loi de 1849, n'était justiciable que des tribunaux civils. Je pense aussi qu'il serait nécessaire de déterminer par une loi spéciale devant quel tribunal l'Etat doit être assigné en matière personnelle.

Cette question se présente tous les jours et donne lieu à des contestations qu'il importe de prévenir dans l'intérêt de la justice.

J'estime qu'il serait équitable, quand il s'agit de dommages causés à une propriété, de pouvoir attraire l'Etat devant le tribunal dans le ressort duquel l'immeuble est situé.

En un mot, il importe de régler par une loi précise et formelle la compétence vis-à-vis de l'Etat dans les diverses affaires qui peuvent être dirigées contre lui ; il y a aujourd'hui dans la législation une lacune regrettable et il est nécessaire de la combler.

Je livre ces observations aux méditations de l'honorable ministre des travaux publics, qui fera chose utile en faisant cesser les difficultés que j'ai signalées.

M. Drion. - Je dois demander à l'honorable ministre des travaux publics de vouloir supprimer, non pas dans un avenir plus ou moins rapproché, mais immédiatement, le service des loueurs qui fonctionnent sur le bief de partage du canal de Charleroi à Bruxelles et qui donne lieu à des plaintes nombreuses et fondées.

Le ministère précédent avait, je n'en fais aucun doute, de très bonnes intentions en établissant le service de louage, mais l'expérience a démontré, à la dernière évidence, que ce système de traction des bateaux ne peut pas se pratiquer d'une manière convenable sur ce canal, et voici pourquoi : il existe sur le canal de Charleroi à Bruxelles un tunnel assez long et tellement étroit qu'il ne peut livrer passage qu'à un seul bateau ; de là des encombrements qui occasionnent des retards très préjudiciables à la batellerie. C'est à tel point que le trajet de Charleroi à Bruxelles dure souvent trois et quatre jours de plus aujourd'hui qu'autrefois, alors que le halage se faisait au moyen de chevaux. Il me semble, messieurs, que les bateliers sont déjà assez malheureux sans que l'on vienne encore aggraver leur position en leur imposant des mesures vexatoires.

Les bateliers payant eux-mêmes le halage de leurs bateaux ont droit à un système de traction convenable. Je suis d'autant plus en droit de demander que le gouvernement supprime le louage, que la société concessionnaire s'est mise elle-même sous le coup d'une résiliation de sa concession par l'inexécution des clauses et conditions de son cahier des charges ; je suis à même de vous en fournir immédiatement la preuve. L'article premier du cahier des charges dit que la société doit faire le halage d'une manière active et régulière, sans que les bateaux restent en souffrance, faute de moyens de traction ; or, j'ai constaté moi-même que, le 22 de ce mois, plus de trente bateaux se trouvaient entre l'écluse n°11 et le pont de (page 1289) Pont-à-Celles et que ces bateaux attendaient depuis plus d'un jour les moyens de traction que la société doit lui fournir. Il y a là une violation évidente de l'article 7 du cahier des charges.

II y a des bateaux qui ont mis au delà de six jours pour passer le bief de partage alors que le service par chevaux ne demandait jamais plus d'un jour pour ce trajet. A l'article 15, je lis ce qui suit : Pour chaque déclaration d'infraction reconnue fondée par l'administration, l'entrepreneur subira, au profit du batelier lésé, une retenue de cinq francs à titre de dommages-intérêts. Eh bien, aucune indemnité n'a encore été payée. Néanmoins l'administration a rendu payables des déclarations d'infractions pour une somme de quatre mille francs. Enfin l'article 24 dit que le gouvernement pourra considérer le marché comme rompu et réadjuger l'entreprise lorsqu'il résultera, soit des registres tenus conformément à l'article 14, soit des procès-verbaux mentionnés à l'article 25, que dans un espace de trente jours consécutifs il aura été constaté un nombre d'infractions de cent au moins aux dispositions du présent cahier des charges ; or, au mois de février, il a été délivré en huit jours plus de trois cents déclarations de ce genre et la déchéance n'a pas été prononcée, bien que le gouvernement en eût le droit. J'engage le gouvernement ù user immédiatement de rigueur et à en finir une bonne fois avec ce louage, dont les inconvénients sont devenus si notoires.

A propos du canal de Charleroi, je dois parler d'une question tout actuelle. Un arrêté a fixé la durée du chômage sur ledit canal à 42 jours ; des plaintes nombreuses, dont les journaux se sont faits l'écho, se sont élevées contre cette mesure. En effet, c'est au moment où l'industrie subit de si rudes épreuves que le gouvernement la prive d'un de ses moyens de transport, alors que les chemins de fer eux-mêmes ne sont pas suffisants par suite du manque de matériel. J'engage fortement M. le ministre à revenir sur cet arrêté, en se bornant à une durée de chômage nécessaire pour les travaux qui ne peuvent être ajournés.

Il me reste encore quelques observations à présenter à M. le ministre. Depuis longtemps on réclame à Charleroi l'établissement de garde-fous sur les quais qui bordent la Sambre aux abords de la station ; plus de cinquante personnes ont péri par suite de l'inconvénient que je signale. Il me suffira, je l'espère, d'exposer cet état de choses pour que le gouvernement s'empresse de faire droit à ma réclamation, d'autant plus que la dépense que cela peut entraîner ne doit pas excéder plus de 7,000 ou 8,000 francs. On pourrait peut-être m'objecter que ce traavil n'incombe pas au gouvernement, mais à la ville de Charleroi. Je comprendrais cette objection, s'il s'agissait du cours naturel de la Sambre ; mais ici, il s'agit de l'établissement d'un canal de dérivation et d'une station qui sont le fait du gouvernement et c'est bien certainement à lui de parer aux inconvénients qui résultent de cet état de choses.

J'ai entendu avec plaisir l'honorable M. Wasseige nous donner hier l'assurance de ses bonnes dispositions quant à l'établissement des bureaux de poste et du télégraphe ; je puis lui donner immédiatement une excellente occasion de nous en fournir la preuve. La ville de Charleroi a son bureau de la poste et du télégraphe près de la station, c'est-à-dire tout à fait à l'une de ses extrémités ; il existe, il est vrai, à la ville haute, un petit bureau de poste ; cet état de choses est désavantageux non seulement pour les habitants du centre de la ville, mais surtout pour la nombreuse population du faubourg, dont la majeure partie est éloignée de tout bureau de plus de deux kilomètres.

Le gouvernement ferait une excellente chose, autant au point de vue de ses intérêts qu'au point de vue de ceux de ses habitants en établissant au centre de la ville, c'est-à-dire entre la ville haute et la ville basse, un grand bureau dans lequel on réunirait les deux services de la poste et du télégraphe et auquel on adjoindrait un bureau pour les petites marchandises qui, aujourd'hui, à cause de l'éloignement de la station, sont presque toutes enlevées par les messageries particulières au détriment du chemin de fer de l'Etat ; il pourrait alors reporter le bureau de poste de la ville haute au centre du faubourg et y adjoindre un service du télégraphe qui serait alimenté non seulement par la population du faubourg, mais encore par celle d'une partie des communes de Gilly et de Montigny-sur-Sambre ; le gouvernement pourrait compléter le service télégraphique de Charleroi en établissant un bureau à Dampremy à l'endroit dit la Planche, c'est-à-dire au centre d'une population considérable et d'un grand nombre d'établissements industriels et notamment de verreries appartenant aux communes de Dampremy, de Lodelinsart et même de l'extrémité du faubourg de Charleroi ; la chose est d'autant plus facile, que le télégraphe existe déjà à la Planche. Il suffit donc de construire un bureau et d'y placer un télégraphiste.

Un dernier mot.

La ville de Senefle, chef-lieu de canton, ne possède pas de bureau de poste ; le gouvernement lui a toujours refusé satisfaction à cet égard, par la raison qu'elle n'était pas desservie par le chemin de fer de l'Etat. Aujourd'hui que le gouvernement a repris l'exploitation de la ligne de Nivelles à Wavre, ces motifs ont disparu et j'ai la confiance que le gouvernement ne tardera pas à donner satisfaction à la ville de Seneffe en lui accordant le bureau de poste qu'elle sollicite.

L'arrondissement de Charleroi, messieurs, a beaucoup de choses à demander ; mais le gouvernement ne doit jamais perdre de vue que cet arrondissement est le plus important et, je crois pouvoir le dire, le plus riche du royaume ; c'est celui qui procure le plus de recettes au trésor public ; il a donc droit dans une large part aux faveurs du gouvernement ; aussi j'ai la confiance que l'honorable M. Wasseige voudra bien prendre en considération les observations que j'ai eu l'honneur de lui présenter.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je remettrai au chapitre spécial les observations que j'ai à présenter sur les chemins de fer.

Je regrette de ne pas voir à son banc mon honorable collègue, le baron Snoy ; je désirerais savoir s'il est satisfait de la réponse que l'honorable ministre a faite à sa réclamation, réponse qui avait, j'imagine, pour but d'être spécialement agréable à l'honorable membre. Je dois déclarer pour ma part que je ne suis nullement satisfait de cette réponse et que la ville de Wavre n'en est pas plus satisfaite que moi. L'honorable ministre nous a dit que nos droits étaient incontestés, mais j'aimerais mieux voir nos droits contestés et avoir la chance d'obtenir satisfaction que de voir cette satisfaction retardée indéfiniment.

Pour ceux de nos collègues qui sont depuis peu de temps à la Chambre, je crois bien faire de dire brièvement en quoi consistent les droits de la ville de Wavre.

La société du Luxembourg a obtenu la concession d'un chemin de fer de Bruxelles à Wavre et la concession d'un autre chemin de fer de Namur à Arlon.

Par suite de la non-exécution de la ligne de Wavre à la Sambre, par la société du chemin de fer de Louvain à la Sambre et après un procès que la société du Luxembourg a perdu, procès qui la condamnait à faire la section de Bruxelles à Wavre, la mettant aux droits de la société de Louvain à la Sambre, il intervint une convention au mois d'avril 1852, par laquelle la société du Luxembourg s'engageait à exécuter cette concession moyennant la garantie d'un minimum d'intérêt de 800,000 francs, applicable à la ligne de Namur à Arlon.

En ce qui concerne la section de Bruxelles à Wavre, il y avait une stipulation d'après laquelle la société avait la faculté de construire un embranchement de La Hulpe à Gembloux, mais il était stipulé que ce raccordement se ferait simultanément avec la ligne de Bruxelles.

Or. on a fait le raccordement et on n'a jamais exécuté la ligne principale ; de là les justes réclamations de la ville de Wavre, réclamations que nous renouvelons en ce moment comme nous les avons renouvelées à différentes époques.

Lorsque la loi qui ratifiait la convention modifiée a été présentée, l'un de mes honorables collègues, M. Jonet, avait proposé un amendement pour affirmer d'une manière claire, nette, positive, s'il était possible, les droits de la ville de Wavre, et l'honorable M. Frère-Orban, alors ministre des travaux publics, a déclaré que cet amendement était complètement inutile, qu'il ne fallait pas insérer deux fois la même chose dans une loi, que, par conséquent, il n'y avait pas lieu de voter l'amendement, qui a été retiré sur cette affirmation.

Comme le disait très bien, ces jours derniers, l'honorable ministre des travaux publics, les droits de Wavre sont incontestés. Il s'agit de les faire aboutir.

Si l'honorable ministre veut bien le permettre, je vais lui suggérer un moyen d'atteindre ce but.

Qu'il écrive à la société du Luxembourg que tel article de telle loi, de telle convention, stipulant telle chose n'est pas exécuté et qu'elle est priée de faire connaître si elle est disposée à s'exécuter immédiatement.

Il est probable que la société répondra par toutes sortes de raisons qu'elle n'est pas disposée à s'exécuter.

Je crois que dans le cahier des charges de la société du Luxembourg comme dans celui de toutes les autres, il y a une clause qui permet au gouvernement d'exécuter au lieu et place de la compagnie défaillante les travaux pour lesquels elle reste en défaut.

Que dans une seconde lettre on informe la compagnie de l'intention du gouvernement d'exécuter à ses frais, risques et périls, les travaux qu'elle n'a pas exécutés et la question sortira de la situation où elle est actuellement.

L'honorable ministre nous a promis d'interposer ses bons offices pour (page 1290) améliorer ce qui existe. Nous acceptons de grand cœur tout ce qu'il pourra faire en attendant dans ce but.

Nous sommes dans une situation extrêmement malheureuse. A quatre lieues et une fraction de lieue de Bruxelles, nous sommes obligés d'entretenir un service de diligences et plusieurs services de camionnage pour les relations commerciales entre Wavre et Bruxelles.

Le chemin de fer ne sert pour ainsi dire à rien, et si ce n'était une question de vitesse, le transport des voyageurs se ferait en diligence, car le prix est moindre que par chemin de fer ; mais à cause du mauvais état de la route pavée, la lutte de vitesse avec la voie ferrée est impossible.

J'engage donc l'honorable ministre des travaux publics d'abord à faire prévaloir nos droits et ensuite à insister pour que l'on nous mette le plus tôt possible sur le pied d'une bonne exploitation et de bons rapports avec Bruxelles et Namur.

Chose singulière, messieurs, quand mes honorables amis étaient au ministère, on disait : C'est parce que M. Tesch est membre de l'administration de la compagnie du Luxembourg, que l'on ne rend pas justice à la ville de Wavre.

Le ministère actuel a le champ libre.

J'espère qu'il profitera de l'occasion pour nous faire rendre justice.

Messieurs, après les réclamations relatives au chemin de fer de Wavre à Bruxelles, j'en ai une de. moindre importance, mais qui cependant intéresse un certain nombre de nos communes ; je veux parler de la halte de Loverval. Cette halte a été supprimée ; elle est rétablie actuellement, mais seulement pour les marchandises, parce que le propriétaire de l'usine voisine a consenti à supporter les frais de ce rétablissement. Cependant plusieurs communes de cette contrée, où les communications sont très difficiles à cause de la nature accidentée du terrain, désireraient voir rétablir cette halte pour les voyageurs.

J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point afin qu'il engage le Grand-Central à rétablir cette halte.

J'ai parlé tout à l'heure de la route de Wavre à Bruxelles ; cette route est une des plus anciennes qui existent ; or, je crois que certaines sections entre Wavre et Bruxelles et Wavre et Namur n'ont pas été restaurées depuis l’établissement de la route. Ce sont encore des pavés en pain de sucre qui en forment la base, je vous laisse à juger si la circulation doit y être facile. Je crois qu'on a mis un an pour la réfection de 400 mètres ; à ce compte, il faudra 10 ans pour refaire un kilomètre.

Je demande que M. le ministre des travaux publics veuille bien hâter la réfection des parties mauvaises de la route ; cela lui sera d'autant plus facile que les travaux qui s'étaient faits exclusivement pour ainsi dire entre Bruxelles et Audergem, doivent être terminés et qu'on pourra porter ses forces ailleurs.

Je dirai aussi quelques mots du chemin de fer de Luttre à Bruxelles. Ce chemin est commencé depuis quatre ans. On nous avait annoncé qu'il serait rapidement terminé, que l'Etat y était intéressé aussi bien que les bassins de Charleroi et la ville de Bruxelles elle-même ; cependant les travaux n'avancent guère ; du train dont ils vont, je doute fort que nous voyions une locomotive circuler sur ce chemin d'ici à cinq ou six ans.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Vous serez agréablement surpris.

M. Le Hardy de Beaulieu. - On prétend que ce sont les expropriations qui entravent les travaux. Cela prouve une chose, c'est que les lois d'expropriation ne sont pas ce qu'elles devraient être ; elles entraînent de longs retards sans profit pour personne. Je crois que si l'on devait encore exécuter de grands travaux dans le pays, il faudrait absolument ces lois d'expropriation. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics, car il est important que les travaux puissent s'effectuer dans le plus bref délai ; lorsque les travaux durent plusieurs années, l'intérêt des capitaux qui y sont consacrés vient accroître le prix de construction.

On vous a parlé de la pétition des conducteurs des ponts et chaussées.

Je tiens à recommander cette position à M. le ministre des travaux publics ; les conducteurs des ponts et chaussées sont les véritables travailleurs du corps ; ils ont toutes les besognes ardues, difficiles, désagréables et ils en ont rarement l'honneur et le profit ; je le répète, je recommande leur situation à l'attention de l'honorable minière.

J'appellerai également son attention sur la position des facteurs ruraux, beaucoup d'entre eux ont à faire des courses souvent fort considérables et excessivement fatigantes et cela en toutes saisons et même quel que soit l'état de leur santé ; dans la plupart des cas, la rémunération n'est pas en proportion avec le travail.

J'engage M. le ministre des travaux publics à examiner s'il n'y aurait pas lieu d'établir une espèce de payement proportionné au travail fait ou à faire, un certain minimum qui serait augmenté dans le cas où le travail dépasserait notablement la moyenne.

Un dernier point sur lequel je tiens à appeler l'attention de l'honorable ministre, c'est une réclamation de la commune de Grez-Doiceau relative à l'établissement dans cette localité d'un bureau télégraphique.

Cette commune possède, il est vrai, sur son territoire, un bureau télégraphique, mais qui est situé à trois quarts de lieue du centre où se trouvent les usines et où habitent les personnes qui font journellement usage du télégraphe. C'est exactement comme si un bureau du télégraphe n'existait pas.

Il suffirait, je pense, de trois ou quatre kilomètres de fil télégraphique pour relier le bureau télégraphique existant avec le bureau de poste principal et faciliter ainsi l'usage du télégraphe aux nombreuses usines qui ont journellement besoin de communiquer avec tout le réseau du pays.

M. Boucquéau.- Je crois utile, à l'occasion du budget des travaux publics, de vous entretenir d'un objet que je considère comme de la plus haute importance et qui a donné lieu déjà, dans cette Chambre, aux réclamations les plus vives et les plus justifiées.

Je veux parler de ces réductions des tarifs normaux que, sous diverses raisons, on a accordées sur les transports par chemin de fer tantôt entre deux centres industriels, tantôt au bénéfice de plusieurs ou même d'un seul établissement. Tous ceux d'entre nous qui s'occupent de ces questions savent que les discussions auxquelles elles donnèrent lieu dans cette Chambre trouvèrent souvent un grand écho dans le pays.

On ne peut douter, messieurs, que le but de l'administration, en adoptant de semblables mesures, ne soit toujours d'accroître les produits du chemin de fer. Mais, dominée par cette préoccupation, elle ne se demande peut-être pas toujours assez si, en favorisant certains intérêts, elle n'en lèse pas d'autres auxquels elle n'accorde pas les mêmes avantages et si elle ne blesse pas les sentiments de justice et d'égalité, dont le respect est si nécessaire pour maintenir une féconde émulation.

Ce n'est donc pas seulement au nom de l'arrondissement que je représente, c'est au nom de l'intérêt général, qui ne peut trouver son compte là où la justice ne trouve pas le sien, que je viens réclamer contre quelques tarifications exceptionnelles.

Vous vous rappelez sans doute, messieurs, les réclamations du bassin de Charleroi, en 1869 et 1870, au sujet d'un tarif de faveur établi par le gouvernement pour des transports de rails de Liège à Anvers. La réclamation du bassin de Charleroi était parfaitement fondée, et on finit par y faire droit.

Je crois bien que ce fut quand tous les rails dont il s'agissait eurent été transportés ; mais enfin on parut reconnaître les vrais principes et c'est là l'essentiel. J'aime à croire que les représentants de Charleroi ne voudront pas plus d'une tarification exceptionnelle en leur faveur qu'en faveur d'un autre et que, par conséquent, ils se joindront à moi pour demander ou la suppression de mesures exceptionnelles que je vais signaler ou l'application générale de ces mesures, afin de faire disparaître des inégalités choquantes.

Un tarif spécial du 10 mars 1869, établi sur la proposition de l'administration des chemins de fer, fixe, pour les transports des fontes brutes et des fers ébauchés entre les bassins industriels de Liège et de Charleroi, des prix qui présentent, comparativement aux prix normaux, des réductions qui varient de 12 à 30 p. c. Un mois plus tard, des réductions analogues furent accordées pour le transport des mêmes matières entre les stations du bassin de Charleroi et la station de Tubize.

Si je prends pour exemple le transport d'une tonne de fonte à une distance de 12 lieues, je trouve qu'entre le bassin de Charleroi et Tubize on paye 2 fr. 65 c ; entre le bassin de Liège et celui de Charleroi, 2 fr. 80 c, tandis que le tarif normal est de 3 fr. 40 c. Pour les fers ébauchés, l'écart est encore plus considérable, car les prix sont respectivement de 3 fr. 20 c. et 3 fr. 40 c. alors que le prix normal est de 4 fr. 60 c.

Pourquoi donc la faveur dont jouissent les transports entre le bassin de Liège et celui de Charleroi ne s'étend-elle pas aux transports entre les bassins de Liège et de Charleroi, d'une part et, d'autre part, ceux du Centre et du Borinage, où se trouvent également de nombreuses usines métallurgiques ?

Il serait impossible, je crois, messieurs, d'indiquer une autre cause à la réduction dont jouissent les transports par chemin de fer entre Liège et Charleroi, que l'avantage dont jouissent ces deux bassins d'être reliés par une navigation spéciale qui ne s'étend pas aux bassins du Centre et de Mons ; de sorte que l'infériorité dans laquelle se trouvent ceux-ci pour (page 1291) les voies navigables devient encore la raison de leur infériorité quant à la voie ferrée.

Sans rechercher davantage ce qui peut motiver ces anomalies, on peut dire qu'elles blessent profondément ceux qui en sont victimes et que si elles apportent au chemin du fer quelques profits passagers, leur effet définitif doit être funeste, car, loin de favoriser le développement industriel, elles ne peuvent que semer la méfiance et le découragement.

Je ne me suis occupé jusqu'ici que de la différence de tarification à laquelle sont soumis les produits similaires de différentes parties du pays.

J'arrive à un point plus grave encore si c'est possible, à la surtaxe à laquelle sont soumis certains produits du pays, comparativement aux produits similaires venant de l'étranger.

Je veux parler de la tarification différente des pierres bleues connues sous le nom de petit granit et des pierres provenant de l'étranger et principalement des pierres de France.

L'honorable M. Houtart a déjà signalé les surtaxes qui frappent le transport des pierres du pays, mais M. le ministre des travaux publics n'ayant pas répondu à ses observations de manière à nous faire espérer que satisfaction nous serait donnée, je suis obligé de revenir sur ce point.

En fait, messieurs, tandis que la pierre de France est généralement un tarifée à la 4ème classe, nos pierres bleues le sont à la 3ème. Comme il nous arrive parfois de discuter assez longuement sur des objets qui ne comportent que quelques milliers de francs, vous me permettrez peut-être, messieurs, d'indiquer, en passant, la différence qui existe entre ces deux classes, afin d'attirer l'attention sur des questions bien importantes, puisque les transports par chemin de fer, pour le pays entier, doivent s'élever à un chiffre de 100,000,000 de francs environ annuellement.

Or, messieurs, la 4ème classe dont jouissent les pierres de France est tarifée par tonne :

Pour chacune des quinze premières lieues, à 20 centimes.

Pour chacune des cinq lieues suivantes, à 10 centimes.

Et pour chaque lieue au delà de vingt, à 5 centimes.

La 3ème classe, au contraire, paye, pour chacune des quinze premières lieues, 30 centimes.

Pour chacune des cinq lieues suivantes, 15 centimes.

Pour chaque lieue de vingt à vingt-cinq, 10 centimes.

Et pour chaque lieue au delà de vingt-cinq, 5 centimes.

A l'une et à l'autre classe, il y a pour frais fixes un franc par tonne à ajouter.

Or, messieurs, en comparant ces deux tarifs, vous trouverez que nos pierres de Soignies et des Ecaussinnes qui, pour arriver à Anvers parcourent 17 lieues par chemin de fer, payent 5 fr. 80 c. par tonne, tandis que les pierres de France, qui de Quiévrain à Anvers ont un parcours de 20 lieues, ne payent que 4 fr. 80 c.

Quelle est la raison de cette différence considérable ?

De ce que l'on a soumis à des taxes différentes la pierre ciselée et la pierre brute. Or, la pierre de France, facile à travailler, ne se taille ordinairement qu'après mise en place, tandis que le petit granit, plus dur, se taille aux carrières. On comprendrait, messieurs, qu'il y eût là raison à une différence de taxe si le transport des pierres bleues requérait un matériel différent, plus coûteux ou plus susceptible du détérioration que celui des pierres blanches ; si ce transport engageait davantage la responsabilité de l'administration. Mais les pierres taillées comme les pierres brutes peuvent s'expédier sans responsabilité.

Donc, si rien de tout cela n'existe, comment expliquer la surtaxe que je signale, M. le ministre nous dit que les pierres ciselées ont une valeur plus grande, qui leur permet de supporter cette surtaxe ; il nous dit aussi que les pierres brutes, portant un déchet dont elles doivent être débarrassées à pied d'œuvre, ont droit à un tarif plus bas.

Sans examiner au fond ce que valent ces raisons, en présence de cette considération que le transport des unes n'exige ni plus de frais ni plus de soins que celui des autres, je me bornerai à faire observer qu'elle ne sont pas fondées en fait, puisqu'un chargement de 10,000 kil. pierres bleues, représentant environ 4 mètres cubes et valant de 400 à 500 francs, est tarifié à la troisième classe, tandis qu’un chargement de fonte brute, qui vaut à peu près le double, n’est taxé qu’à la quatrième classe. Veuillez remarquer, messieurs, que je ne demande pas le relèvement des prix de transport pour la fonte ou pour tout autre objet ; j’en argumente seulement pour prouver que la taxe appliquée aux pierres bleues est trop élevée, qu'elle ne se justifie ni parle matériel requis ni par les risques à courir, qui sont les mêmes que pour les pierres blanches, ni par la valeur de la marchandise, valeur inférieure à celle de beaucoup d'autres articles rangés dans une classe inférieure.

J'engage vivement l'honorable ministre des travaux publics à faire disparaître autant que possible les tarifs différentiels qui ne sont point parfaitement fondés. Par cela même que les chemins de fer sont créés en vue de l'utilité publique et que l'expropriation nécessaire à leur établissement ne se justifie que par cette utilité même, il va de soi que l'exploitation doit en être faite sans préférence ni privilège pour personne, et il serait contraire aux idées les plus simples de justice que les chemins de fer, créés par une faveur toute particulière de la loi dans un but d'intérêt général, pussent devenir, au gré de ceux qui les exploitent, un moyen de ruiner les uns et d'enrichir les autres.

Le temps m'a manqué pour rechercher dans les concessions, et notamment dans les premières qui furent accordées, les stipulations ayant pour but d'assurer à tous l'égalité la plus parfaite devant les chemins de fer, mais je puis, sans vous en citer les termes, vous affirmer que les concessions des chemins de fer de Namur à Liège et de Manage à Mons comprenaient les stipulations les plus précises à cet égard.

L'intérêt industriel de l'Etat le portera-t-il à enfreindre ces règles si justes et si rationnelles qu'il a eu soin d'imposer aux autres exploitants ?

Ce serait profondément regrettable, messieurs, car l'Etat, tout le premier, doit donner l'exemple de l'observation non seulement des lois et de leur esprit, mais de la plus stricte équité ; à la différence des particuliers, il ne lui appartient pas même de se réfugier derrière des lois injustes ni d'en argumenter, car l'initiative des lois appartenant au gouvernement, il serait coupable d'en laisser subsister de mauvaises, et d'autant plus coupable si elles pouvaient tourner à son profit.

Quant à moi, messieurs, quoique partisan de l'exploitation des chemins de fer par l'Etal, je n'hésiterai pas à la combattre ardemment, si jamais je dois reconnaître qu'elle est incompatible avec la justice la plus rigoureuse et qu'elle pousse nécessairement le gouvernement en dehors de la voie de l'équité et de l'impartialité. Peut-être n'est-il pas inutile de le rappeler dans les temps troublés que nous traversons, car rien ne se propage comme l'injustice, surtout quand l'exemple en vient d'en haut ; le seul moyen d'assurer la paix et la concorde, non seulement entre les individus, mais entre les différentes nations, c'est de s'efforcer à faire régner le droit et la raison, car nul ne se résigne facilement à subir ce que son cœur et sa raison condamnent.

Vous trouverez peut-être, messieurs, ces considérations disproportionnés à l'objet dont il s'agit, mais, vous le savez, la justice est une et une petite injustice peut avoir de graves conséquences.

Je me suis jusqu'ici, messieurs, occupé des questions de transport sur les chemins de fer exploités par l'Etat ou par des compagnies en rapport de service mixte avec l'Etat et me suis borné à vous signaler quelques-uns des points dont, sous ce rapport, les intérêts du bassin du Centre et l'intérêt général ont à souffrir.

Je dois, maintenant, vous entretenir de deux points qui ressortissent principalement au ministère des travaux publics, je veux parler des péages que l'arrêté royal du 15 de ce mois établit sur les petits chemins de fer dépendant des embranchements du canal de Charleroi et de l'emploi de matériaux étrangers de préférence aux matériaux indigènes, dans un grand nombre de constructions érigées par le gouvernement.

Je n'hésite pas à le dire, messieurs, les péages que l'arrêté royal du 15 de ce mois établit sur les petits chemins de fer dépendant des embranchements, sont d'une exagération qui me paraît injustifiable. En effet, messieurs, cette taxe s'élève jusqu'à dix centimes par tonne-kilomètre, bien que les industriels fournissent eux-mêmes le matériel de transport et fassent la traction, et je crois, pour justifier le reproche d'exagération que j'adresse à cette taxe, pouvoir me borner à faire remarquer que l'Etat faisant lui-même la traction et fournissant le matériel de transport, a, comme prix maximum, 4 centimes.

Il est probable que le but de l'Etat, en agissant de la sorte, est d'amener les sociétés charbonnières à reprendre ces chemins de fer dont le caractère est jusqu'ici purement industriel et qui ne sont pratiqués que par quelques sociétés charbonnières. Mais je me demande si, atteignant son but, l'Etat n'aurait pas bientôt lieu de le regretter, non seulement au point de vue de l'intérêt général, mais à son point de vue particulier d'exploitant.

Au point de vue de l'intérêt général, n'est-il pas vraisemblable que dans un pays dont le développement industriel prend seulement son essor, beaucoup d'établissements pourront avoir quelque jour intérêt à être reliés, eux aussi, à la voie navigable, et n'aurait-on pas à regretter de leur en avoir ôté le moyen en aliénant les chemins de fer qui y conduisent ? Et, quant à son intérêt d'exploitant, n'est-il pas possible et même probable que l'Etat pourra tirer parti par la suite de ces petites lignes secondaires (page 1292) enchevêtrées dans d'autres lignes qu'il exploite et dont elles peuvent devenir des accessoires très utiles et les voies de camionnage.

Il n'y a donc nulle urgence, messieurs, à se débarrasser de ces petits chemins, avant que l'on ait pu apprécier tout le parti qu'on en peut tirer ; il n'y a urgence qu'à faire disparaître le péage exorbitant dont ils sont grevés et qui semble vouloir prolonger sur ces chemins de fer l'injustice dont a souffert trop longtemps la voie navigable dont ils dépendent.

Je ne voudrais pas abuser de vos moments, messieurs, mais on peut établir que, tenant compte des rétroactes, ces chemins de fer doivent être considérés comme des dépendances de la voie navigable qu'ils ne font que compléter et dont le péage tout au plus pourrait leur être appliqué.

Et en effet, messieurs, les canaux embranchements se composent de quatre branches : les branches de Bellecour, de la Croyère, de la Louvière et de Houdeng. Les deux premières, qui s'arrêtent à une assez grande distance des charbonnages qu'elles desservent, ont pour prolongement les petits chemins de fer dont nous nous occupons. Le parcours de ces chemins de fer a toujours été gratuit, exempt de toute taxe pour les charbons ou autres marchandises que l'on embarquait ou que l'on débarquait aux bassins de Bellecour et de la Croyère. Le seul péage à acquitter a toujours été celui de la voie navigable et ce péage restait le même que la marchandise parcourût ou ne parcourût pas la voie ferrée.

Or, messieurs, le caractère de cette voie ferrée a-t-il changé parce que les péages de la voie navigable ont été réduits ? Le chemin de fer ne reste-t-il pas l'accessoire, le prolongement de la voie navigable et peut-on y appliquer un autre péage que celui de la voie navigable elle-même ? Une seule chose semble pouvoir raisonnablement se soutenir, c'est que le péage qui auparavant se percevait intégralement, quelle que fût la distance parcourue sur le canal, ne devant désormais se percevoir que selon la distance et à raison d'un centime par kilomètre, cette taxe d'un centime est également applicable à la voie ferrée, puisque la taxe d'un centime sur le canal n'étant plus que ce qu'elle doit être, conformément au péage des autres canaux du pays et ne se payant qu'en raison du parcours, ne peut pas être considérée comme comprenant en outre le prix du parcours sur le chemin de fer.

Je le répète, le droit de percevoir un centime par tonne-kilomètre sur le chemin de fer comme sur le canal, bien qu'auparavant le chemin de fer ne fût grevé d'aucun péage particulier, ce droit peut se soutenir non pas à cause de la réduction des droits sur le canal, mais à cause de la différence dans l'établissement de ces droits, parce qu'ils ne constituent plus un prix global et uniforme, quelle que soit la distance parcourue, mais parce qu'ils se perçoivent par distance et au taux des autres canaux du pays. Mais prétendre reprendre sur le chemin de fer la réduction accordée conformément à la loi sur le canal, cela me paraîtrait, messieurs, inadmissible et presque dérisoire.

On vous l'a dit, messieurs, d'après l'arrêté royal du 15 mai, cette taxe du chemin de fer s'élèverait jusqu'à 10 centimes par tonne kilomètre pour un service dont la traction et le matériel est à la charge des expéditeurs eux-mêmes.

Or, messieurs, si sur ses propres lignes, où tout est à sa charge, le prix maximum de l'Etat est de 4 centimes par tonne-kilomètre, il est évident que l'administration ne peut maintenir le régime contre lequel je m'élève et je ne doute nullement que, sous ce rapport encore, elle ne nous rende justice.

J'aborde, messieurs, le second point dont il me reste à parler, l'emploi des pierres étrangères dans nos constructions publiques. Bien que l'honorable ministre des travaux publics, dans des paroles qui ont rencontré une vive sympathie dans cette Chambre, nous ait exprimé l'intention de faire droit à nos réclamations et d'employer les matériaux du pays dans la construction des bâtiments civils dépendants de son administration, je crois utile de protester encore contre l'engouement avec lequel on s'est porté vers les matériaux étrangers, pour les constructions à ériger par le gouvernement et les administrations publiques, car il est au département de nombreuses constructions qui ne sont point rangées dans les bâtiments civils, et, de plus, il est des bâtiments civils qui ressortissent tout à la fois aux travaux publics et à un autre département.

Certes, messieurs, je suis libre échangiste ; mais si, comme je l'ai écrit déjà, il doit être loisible à tout particulier de disposer de son argent comme il l'entend et de s'approvisionner où bon lui semble, je ne puis admettre que pour de simples préférences ou caprices de goût, le gouvernement abandonne les produits nationaux pour les produits étrangers. C'est surtout au nom de la pierre bleue que je parle, de la pierre bleue si injustement abandonnée pour des pierres qui sont loin de la valoir et qu'on lui préfère sous des prétextes d'effets de lumière et d'ombre ou sous d'autres prétextes dont il est impossible de démontrer l'inanité et sur lesquels,

par conséquent, on a beau jeu de s'appuyer. C'est par la comparaison seule qu'on peut combattre cet engouement irréfléchi.

Il va de soi, messieurs, que je ne parle ici que de ce que nous entendons communément par pierres de France, et non pas de certaines pierres dont le prix, augmenté du transport, est inabordable pour nous.

Cette comparaison, les pierres du pays ne la redoutent pas. Et sans parler des hôtels ministériels de la rue de la Loi, dont on ne méconnaîtra point le caractère imposant, que ceux qui veulent en juger parcourent nos boulevards et qu'ils voient si parmi les façades qui s'y trouvent il en est beaucoup qui l'emportent sur celle de certain hôtel de la rue des Arts, construit en pierres bleues et pierres de Gobertange, et si dans sa simplicité sévère elle ne peut pas encore, après vingt-cinq années qu'elle est construite et sans avoir reçu la moindre restauration, être rangée parmi les plus remarquables. Quand semblable nombre d'années aura passé sur les constructions que nous voyons ériger aujourd'hui avec la pierre de France, je doute, messieurs, qu'elles puissent encore soutenir un semblable examen ; si même, avant cela, elles ne nous donnent l'exemple de véritables désastres, comme nous le voyons à Bruxelles et à Anvers dans des monuments élevés à grands frais.

Vous le dirai-je, messieurs, il me semble y avoir entre les pierres de France et les pierres de Belgique quelque chose d'analogue à la différence qui existe dans le caractère général des deux nations elles-mêmes. Si, d'une part, on trouve quelque chose de plus séduisant, de plus éclatant, de plus attrayant au premier abord, on reconnaît peut-être, d'autre part, sous un aspect plus froid, des qualités plus sérieuses et plus durables.

Restons donc nous-mêmes, messieurs, et dans notre caractère et dans nos constructions ; ne recherchons pas des effets qui ne se concilient ni avec notre nature ni avec notre climat, et ne sacrifions pas des qualités essentielles au désir d'un éclat momentané, suivi trop souvent de fâcheuses déceptions.

Que nos architectes recherchent le genre qui convient le mieux à la nature de nos matériaux, sans s'attacher toujours à imiter ce qui se fait ailleurs, et ils pourront, avec la pierre bleue et les autres pierres du pays (l'exemple de la station de Charleroi est là pour le prouver) obtenir des effets aussi heureux, mais bien plus durables, qu'avec la plupart des pierres étrangères. Avec celles-ci, dans notre pays industriel et sous notre climat humide, nous voyons le plus souvent des constructions présenter l'aspect de véritables ruines avant que d'être complètement achevées.

Telles sont, messieurs, les considérations que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer à ce sujet avant de faire partie de cette Chambre, et que je vous adresse aujourd'hui avec confiance ainsi qu'au gouvernement. J'ose espérer qu'elles trouveront de l'accueil parmi vous, car, conformes aux vrais principes de l'économie, elles ne le seront sans doute pas moins à vos sentiments.

M. Couvreur. - J'ai à toucher à un assez grand nombre de points.

Le premier sur lequel je veux appeler l'attention de l'honorable ministre des travaux publics, c'est la mise en exploitation du raccordement par Molenbeek-Saint-Jean des gares du Nord et du Sud à Bruxelles. Lorsque au mois de janvier dernier j'ai eu l'honneur d'interpeller l'honorable M. Wasseige à ce sujet, il a bien voulu me promettre que les trains rouleraient sur cette ligne avant la fin du mois de février.

Or, nous voici à la fin de mai, et je ne pense pas que l'engagement ait été tenu.

Il me serait agréable de savoir quand il le sera, en réalité cette fois et non plus par des affirmations très sincères dans la bouche du ministre, mais dont son administration ne semble point tenir compte. J'ajoute que, si à l'échéance que m'assignera cette fois l'honorable ministre je n'ai pas obtenu satisfaction, je suivrai le conseil qu'il vient de donner à l'honorable M. Boucquéau. J'userai de mon initiative et j'inviterai mes collègues de l'arrondissement à se joindre à moi pour obtenir réparation de nos griefs. Et comme les arrondissements de Gand, de Liège et de Charleroi ont à se plaindre, eux aussi, de retards analogues pour leurs chemins de fer de ceinture, l'honorable M. Wasseige peut s'attendre, s'il ne parvient à vaincre l'apathie de son administration, à une opposition aussi générale qu'accentuée.

Cette opposition serait, d'ailleurs, des plus légitimes. Il y a bientôt six ans, si je ne me trompe, que les travaux ont été décrétés, les subsides votés. Et nous attendons toujours ! Pour faire les 15 kilomètres qui séparent la gare du Nord de la gare du Midi, il nous aura fallu plus de temps que n'en ont pris les Américains pour construire le grand chemin du fer transatlantique, que les convois les plus rapides mettent dix jours à parcourir ! Cela est véritablement honteux et d'autant plus condamnable que les trains ne marchent sur nos boulevards intérieurs qu'au prix de dangers très sérieux pour la circulation.

(page 1293) Cependant, les rappels, les admonestations n’ont pas manqué. Déjà, sous l'honorable M. Jamar, on a demanda compte à l'administration des retards que subissaient les travaux. Mais l’administration a fait la sourde oreille et s'est très peu inquiétée des promesses que les ministres prenaient ici en son nom.

En même temps qu'il nous fera connaître la date de la mise en exploitation, je prie l'honorable M. Wasseige de nous faire part des causes qui ont retardé leur exécution. Ce ne peuvent être les travaux. Un particulier eût pu les terminer en une année. Mettons-en deux, s'il le faut pour les expropriations. Sont-ce les fonds qui ont manqué ? Les plans n'ont-ils pas été dressés en temps, utile ? Ou bien les entrepreneurs ont-ils été en défaut ? Et si les entrepreneurs ont été en défaut, quelles mesures d'exécution ont été dirigées contre eux ?

Je désire avoir une réponse à ces diverses questions, parce qu'il y a, dans cette façon de conduire nos affaires, un abus véritable et auquel nous devons mettre un terme ! Un particulier qui agirait comme l'Etat irait droit à sa ruine. Je ne parle pas seulement des intérêts généraux méconnus, mais du gaspillage qui résulte de la façon d'opérer du gouvernement. Les particuliers, eux, connaissent la valeur de l'argent ; il savent, au besoin, user de la prime pour hâter la marche des travaux, afin de pouvoir exploiter plus tôt et jouir des intérêts et des bénéfices que doit rapporter le capital engagé. Pour l'Etat, le temps semble n'avoir pas de valeur : Chi va piano va sano ! Si je n'arrive pas aujourd'hui, j'arriverai demain. Le contribuable est bon enfant. Il payera toujours, et s'il ne paye pas, on lui enverra les garnisaires et les gendarmes.

Lorsqu'on a dressé, au ministère des travaux publics, un long cahier des charges, fait quelques adjudications, fixé les délais d'exécution et ordonnancé les payements, il semble vraiment que tout le reste peut aller à la dérive. Quant à s'enquérir, comme le ferait le plus ignorant des industriels, des bénéfices que l'Etat pourrait réaliser en entrant le plus rapidement possible dans la jouissance des intérêts des capitaux qu'il dépense, cela ne regarde plus personne. On arrive quand même, lentement, chèrement, mais on arrive ; alors les fonctionnaires mettent leurs habits brodés, on invite les représentants des localités intéressées, le ministre fait un discours, les journaux applaudissent, et personne n'est là pour dire que cette ligne, qui a coûté tant sur le papier, coûte, en réalité, 25 ou 50 p. c de plus à cause des pertes que l'on a essuyées sur l'intérêt de l'argent engagé et sur les bénéfices qu'on aurait pu réaliser si l'on avait pu exploiter sans retard.

Faire en temps utile, voilà un principe qu'il ne faut jamais perdre de vue, surtout en matière de construction.

C'est cet axiome qui m'engage à entretenir l'honorable ministre des travaux publics d'un second objet, qui se rattache directement à la mise en exploitation du chemin de fer de ceinture.

Si l'administration des travaux publics avait été bien inspirée, en même temps qu'elle sollicitait des fonds pour exécuter le chemin de fer de ceinture, elle eût dû nous en demander pour relier à ce chemin de fer et à la nouvelle gare des Etangs noirs, l'abattoir de Bruxelles et son marché au bétail.

Depuis que la Chambre a autorisé le gouvernement à abaisser jusqu'aux plus basses limites possibles le tarif des transports des denrées alimentaires, le marché de bétail de Bruxelles a pris une très grande importance. Il tend à devenir un marché régulateur. Les vendeurs et acheteurs belges et étrangers y affluent, les uns parce qu'ils y rencontrent un plus grand concours de demande, et par conséquent des prix plus rémunérateurs, les autres parce qu'ils y trouvent des approvisionnements plus beaux et plus considérables.

Cette situation nouvelle, si prospère, et dont l'importance augmente de jour en jour, a déjà nécessité l'agrandissement de l'enclos destiné à la vente du bétail. Lorsque le chemin de fer de ceinture sera ouvert, l'affluence sera plus considérable encore. Il importe de songer dès à présent à opérer, dans l'enceinte même du marché, le chargement et le déchargement des boxes destinés au transport des bestiaux.

Aujourd'hui, comment les choses se passent-elles ? Les boxes destinés au transport du bétail sont déchargés et rechargés, au détriment du service, dans les stations déjà très encombrées de l'Allée-Verte, du Luxembourg et du Midi. Les animaux, pour arriver à l'abattoir, doivent traverser les boulevards du haut et du bas de la ville, au grand ennui des promeneurs et non sans danger pour la sécurité.

A Paris, on a dépensé des sommes considérables pour rattacher le marché de la Villette au chemin de fer de ceinture et, par là, aux grandes lignes. A Londres, les docks sont reliés également à l'abattoir, afin d'empêcher la circulation par les rues des bestiaux amenés par les navires. A Vienne, à Berlin, des mesures analogues ont été prises. A Bruxelles seulement, on n'a pas songé à cette nécessité, bien qu'elle soit recommandée à la fois et par la sécurité et par les règles de l'hygiène publique. En effet, dans toutes les villes que je viens de citer, on a pu constater que depuis que le bétail est amené directement par chemin de fer sur les lieux destinés à la vente et à l'abatage, la viande, qui était très souvent frappée d'anémie par suite des fatigues éprouvées par l'animal dans de longues marches et sous les mauvais traitements qu'on lui faisait subir, ne se décompose plus aussi rapidement et est, par conséquent, plus saine.

L'amélioration que je réclame et que je recommande spécialement à l'attention des représentants des districts agricoles producteur ! de viande, cette amélioration peut se réaliser d'autant plus facilement que le chemin de fer de ceinture n'est qu'à 400 ou 500 mètres de l'enclos du marché. L'exécution du raccordement sera peu coûteuse relativement. Mais il importe de se presser, car déjà les terrains avoisinants, qui étaient encore vierges de constructions lorsque en 1865 on a décrété la ligne de Molenbeek, commencent à se couvrir de bâtiments qu'il faudra exproprier à gros deniers pour peu que l'on tarde davantage.

En tout cas et, quel que soit le chiffre de la dépense, fût-il très considérable, il ne faudrait pas trop y regarder. D'abord, parce que la dépense se fait, non seulement dans l'intérêt de Bruxelles, mais dans celui de tout le pays, à raison du rôle important que notre marché joue, dès à présent, dans le commerce de la viande ; ensuite, parce que cette petite ligne de 400 à 500 mètres sera d'un excellent rapport, payera très bien les intérêts des capitaux engagés, et réagira sur les recettes du réseau en général. le dernier rapport publié par l'administration du chemin de fer de ceinture de Paris a constaté une augmentation notable de recettes, due tout entière au raccordement de sa ligne avec le marché central de la Villette.

Et les administrateurs ajoutent que le dernier mot, à ce sujet, n'était pas encore dit. A Bruxelles, le résultat serait exactement le même.

Je voudrais bien encore, à ces considérations, en rattacher d'autres, sur la nécessité de prévoir, dès à présent, l'influence qu'exerceront, sur les communications de Bruxelles avec Molenbeek-Saint-Jean, l'ouverture du chemin de fer de ceinture et de la station des Etangs noirs ; mais, comme j'ai d'autres points à traiter, je crains d'abuser de la patience de la Chambre.

Pour le moment, je me borne à dire qu'aujourd'hui ces communications sont déjà fort entravées par le canal de Charleroi qui forme barrière. Il a déjà fallu doubler la largeur du pont de la porte de Flandre, on en construit un autre, un pont fixe en face de la caserne du Petit-Château.

Dès à présent l'encombrement qui se produit à certaines heures sur ces ponts est considérable ; il le deviendra bien davantage lorsque nous aurons, à l'ouest de la capitale, une nouvelle gare où viendront aboutir, au centre d'un riche quartier industriel, toutes les grosses marchandises du pays : les houilles de Mons et de Charleroi ; les pierres des Ecaussinnes, la chaux de Tournai, les bois du Luxembourg et de Namur. De grands travaux devront se faire dans le bas de la ville pour dégager les communications. Une partie devra naturellement incomber à Bruxelles, une autre à Molenbeek-Saint-Jean ; mais une part devra être mise à la charge de l'Etat, propriétaire du canal de Charleroi. J'engage M. le ministre des travaux publics à mettre, dès maintenant, à l'étude le voûtement de ce canal.

- Un membre. - C'est un travail impossible.

M. Couvreur. - Bien d'autres difficultés ont été vaincues par l'art du génie. A Paris, le voûtement du canal Saint-Martin s'est imposé, après qu'on avait dépensé beaucoup d'argent en quais, ponts fixes et mobiles, passerelles de toute nature.

En tout cas, si l'on ne peut pas voûter le canal, il faudra bien songer à supprimer la courbe qu'il fait à sa sortie de la ville, afin que nous puissions établir une communication directe entre le boulevard d'Anvers et celui qui monte vers Ganshoren.

Je sais que ce sont là de très grosses dépenses, sans produit immédiat, mais elles sont nécessaires.

On s'est plaint quelquefois que Bruxelles puisait trop dans les coffres du trésor pour ses palais et ses promenades. Je suis, quant à moi, très disposé à faire bon marché de ces dépenses de luxe. L'avenir de la capitale est dans le développement de ses intérêts industriels et commerciaux, et ce sont ces intérêts seulement que j'entends prendre en mains, alors surtout qu'ils concernent une partie de la ville qui, jusque dans ces derniers temps, pouvait à bon droit se plaindre d'être sacrifiée.

De même que les industriels et les commerçants des autres parties du pays, ceux de Bruxelles ont eu et ont à se plaindre encore de la pénurie (page 1294) des moyens de transport, des retards considérables que subissent l'expédition ou la réception des matières premières ou des produits fabriqués. Ils font observer avec raison qu'on leur recommande d'étendre leurs relations en dehors du pays, qu'on s'ingénie à trouver de nouveaux débouchés au delà des frontières, à créer de nouvelles voies maritimes, tandis qu'ils ne savent pas même obtenir d'être promptement servis dans l'intérieur du pays. Ces griefs sont fondés. La Chambre et le gouvernement ont essayé d'y faire droit, en augmentant le matériel du chemin de fer. Il faut espérer que, lorsque, les circonstances exceptionnelles qui ont causé les embarras dont nous souffrons viendront à cesser et que les mesures prises auront pu produire leurs effets, une amélioration se fera sentir. Cependant, il ne faut pas se faire d'illusion.

Nous sommes à la veille d'une grande ère de prospérité. Après tant de sang versé et des menaces de guerre suspendues sans cesse sur l'Europe, celle-ci est avide de travail pour reconstituer ses forces.

Le premier effet de ce besoin se fera sentir dans les pays qui ont eu le bonheur de n'être pas mêlés directement aux dernières convulsions militaires ou révolutionnaires..

La Belgique en aura sa part. Il faut qu'elle soit prête à engranger ce que récolteront les bras de ses enfants. Il faut que son outillage de transport soit mis à la hauteur des nécessités qui vont se produire, et bien coupable serait le ministre des travaux publics qui ne se mettrait pas en mesure d'y faire face.

Différentes mesures ont déjà été préconisées dans cette enceinte et au dehors. On a dit avec raison que la pénurie des waggons n'était que le corollaire du manque des voies d'évitement, du défaut de développement des stations, de l'encombrement des entrepôts, ce qui fait que les waggons tiennent souvent lieu de magasins. Je me demande si l'on ne pourrait pas obvier en partie à ces inconvénients en faisant un appel au concours de l'industrie privée.

Reprenant une idée que j'avais indiquée il y a quatre ans, sous l'administration de l'honorable M. Vanderstichelen, M. Sainctelette a recommandé l'étude d'un système qui fonctionne aux Etats-Unis, en Angleterre et dans quelques parties de l'Allemagne, système en vertu duquel des particuliers sont propriétaires des waggons qui roulent sur les chemins de fer soit de l'Etat, soit des compagnies. Lorsqu'ils ne s'en servent pas pour leurs propres besoins, ils les louent à autrui. Je ne veux pas revenir sur ce système : il a été trop bien développé par l'honorable député de Mons ; mais en voici un autre qui ne produirait pas de moins bons résultats, surtout pour désencombrer nos entrepôts.

Quel inconvénient y aurait-il à généraliser les entrepôts provisoires, c'est-à-dire à autoriser les particuliers à créer des entrepôts pour leur usage personnel et à relier ces entrepôts - c'est là une des conditions essentielles du succès de l'opération - au réseau du chemin de fer ?

Je ne sais ce qui en est à Anvers ; mais à Bruxelles, l'entrepôt est bourré de marchandises et les entrepositaires ne savent plus où donner de la tête. Les moindres coins sont envahis, les fûts, les ballots encombrent les passages, gênent la manipulation des marchandises et jusqu'à la circulation. La cour elle-même est remplie, tant les difficultés d'emmagasiner les objets sont grandes. Plus de deux cents demandes de loges ont dû être refusées. La direction de l'entrepôt a mis la ville de Bruxelles en demeure de mettre de nouveaux locaux à sa disposition, et la ville de Bruxelles est disposée à s'exécuter, si ce n'est pas déjà fait, mais il y a des limites imposées à sa bonne volonté, et si les circonstances exceptionnelles qui ont contribué à amener l'état de choses que je signale ne viennent pas à cesser, ou si la prospérité publique continue à se développer, comme je crois qu'elle se développera, avant peu d'années l'administration locale sera dans la nécessité ou de construire à titre définitif de nouvelles annexes à son entrepôt qu'on jugeait trop vaste lorsqu'il fut édifié, ou d'élever le prix de l'emmagasinage. Deux éventualités qu'il serait désirable d'éviter.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas revenir à ce qui existait à l'époque où nos pays ne connaissaient pas encore les chemins de fer, où la grande masse de nos transports se faisaient par eau, où le négociant ou le fabricant avait son magasin attenant à sa maison de commerce ou à sa fabrique et recevait sa marchandise des pays d'outre-mer sans transbordement ? C'est encore là une des causes de la prospérité d'Amsterdam et de Rotterdam, ces villes sillonnées par des canaux. Ce que les eaux sont pour ces villes, le chemin de fer peut le devenir pour les nôtres. Il a rendu d'immenses services au plat pays, nous ne nous doutons pas encore de ce qu'il peut devenir dans nos villes.

Le rôle que commencent à jouer les chemins de fer américains peut nous en donner le pressentiment ; ce que ces chemins de fer sont pour la circulation des personnes, d'autres chemins de fer peuvent le devenir pour la circulation des produits et débarrasser nos rues du charriage des gros transports ? Non pas que je veuille faire traverser les espaces bâtis par des locomotives, ce qui constituerait un danger public. Ces moyens de traction ne peuvent être employés que souterrainement ou sur des arcades.

Mais dans les rues, la traction des waggons pourrait, soit par des chevaux, soit par des locomotives routières spéciales, se faire sur le niveau du pavement, sur des rails à fleur du sol, de façon à ne pas contrarier le mouvement des voitures et des piétons.

Nous allégerions ainsi le rôle du camionnage ; les magasins de gros et les usines s'établiraient sur des embranchements du réseau général. Les chemins de fer de ceinture se prêteraient on ne peut mieux à ces combinaisons. Ils désencombreraient nos entrepôts, bien entendu, sous la réserve d'arrangements à prendre avec l'administration des douanes.

A ce propos, je demanderai également à M. le ministre des travaux publics, s'il ne pourrait pas s'entendre avec son collègue des finances pour simplifier les opérations si longues et si difficiles qui président à la délivrance des marchandises dirigées sur les entrepôts. Là encore, il y a des causes d'encombrement et de retards dans la circulation des produits. Faire sortir un colis de l'entrepôt est une odyssée pour qui n'est pas initié aux formalités à remplir. Toute une industrie, celle des commissionnaires, vit de ces formalités.

L'administration des chemins de fer, depuis quelques années, fait concurrence à cette industrie et débarrasse les particuliers, moyennant un très faible droit, des ennuis qu'ils ont à supporter lorsqu'ils n'ont pas un courant d'affaires qui les familiarise avec les exigences du fisc. Mais tous les intéressés ne peuvent, ne savent ou ne veulent pas toujours se servir de cet intermédiaire, et alors commencent, pour eux, d'interminables difficultés. J'en ai eu moi-même une expérience la semaine dernière. Il s'agissait de réclamer un colis arrivé à l'entrepôt de Bruxelles dans des conditions assez anomales. Avis de son arrivée avait été donné par l'administration du chemin de fer sans qu'elle y eût joint l'offre de servir d'intermédiaire pour la douane. L'intéressé se transporte à l'entrepôt, acquitte les droits et reçoit la promesse que le colis sera envoyé à domicile.

Ce premier voyage prend déjà deux heures, car l'entrepôt est loin du centre de la ville. Le lendemain se passe. Pas de colis. Une lettre de rappel est écrite. Point de réponse. Le destinataire retourne le surlendemain à l'entrepôt et la première chose qu'on lui déclare, c'est que son colis ne s'y trouve pas. Il produit l'avis du chemin de fer : on lui explique que ces avis se donnent non sur le vu des marchandises, mais à la réception des pièces qui les annoncent ; que, souvent même, ils se trouvent encore dans les waggons qui attendent leur déchargement. Pour peu que le destinataire se laisse rebuter, il en est pour sa visite et doit revenir une seconde, une troisième fois. Dans le cas dont je parle, les informations étaient contradictoires. Certains employés prétendaient que le colis sur lequel les frais de transport avaient été payés n'était pas arrivé, d'autres affirmaient qu'il était à l'entrepôt depuis le 28 février. Et l'avis du chemin de fer était du 12 mai. A tout hasard, on commence un voyage à travers les magasins. Des bureaux n°9 et 10 où s'acquittent les frais de transport, on se transporte à un bureau dit chapitre n°XII, au grand magasin, au magasin n° 7, puis de nouveau au grand magasin.

Finalement, la bienheureuse caisse est retrouvée. On l'ouvre, on constate son identité, tout va être fini. Point. De nouvelles pérégrinations commencent. Du grand magasin il faut retourner au chapitre n°11, au bureau n° 8, au bureau n° 0, au bureau n° 2, aux bureaux n°» 9 et 10, de nouveau au chapitre n°XII, au grand magasin, au bureau du vérificateur. On s'y perd. A côté de ces voyages, ceux d'Ulysse ne furent que des promenades. Et tout cela pour une malheureuse malle qui ne contenait que des vêtements portés et sur laquelle il n'y avait donc pas de droits à acquitter. Une demi-journée se passa de la sorte. Remarquez que je n'ai aucune plainte à élever contre les employés. Ils furent polis et obligeants. Ils mirent un guide à la disposition de la personne intéressée, qui apprit ainsi à ses dépens comment fonctionne une de nos administrations publiques.

Le cas que je cite n'est pas un cas exceptionnel.. A différentes reprises déjà, la presse a signalé ces entraves du formalisme et de la paperasserie. Si les plaintes ne sont pas plus nombreuses et plus vives, c'est que les intéressés sont ou initiés au mécanisme que je viens de décrire ou qu'ils se servent d'intermédiaires.

Mais devrait-il en être ainsi ? Les formalités ne devraient-elles pas être simplifiées de façon à pouvoir être remplies par le premier venu et, avant tout, par les petites gens qui ignorent les moyens de tourner ces difficultés ? J'appelle sur ce point l'attention toute spéciale de M. le ministre des travaux publics, parce que, si mes informations sont exactes, les formalités, dont je me plains proviennent autant et plus de son administration que de (page 1295) l'administration des finances. Si, de concert avec son collègue, il ne peut pas les simplifier, dans ce cas je l'engage à prendre deux mesures bien simples qui pourraient au moins en atténuer les effets : l'une serait de faire afficher à l'entrepôt, à des endroits bien apparents, l’énumération des démarches successives à accomplir, avec un plan des lieux et l'indication des bureaux où l'on doit se présenter. Cette énumération devrait être répétée sur les avis que le chemin de fer distribue à domicile pour annoncer l'arrivée des marchandises attendues, et cet avis lui-même ne devrait être donné que lorsque la marchandise est déchargée.

L'autre mesure consisterait à réunir dans un seul et même bureau les employés aujourd'hui disséminés dans quatre ou cinq locaux différents, de façon que l'on n'ait qu'à se déplacer d'un guichet à l'autre. Cela s'est fait à la Banque Nationale, où il y avait certains risques à courir ; cela peut se faire à l'entrepôt, où le public, obligé de courir d'un bureau à l'autre par un couloir sombre, perd sa route, s'ahurit, distrait de leur besogne les employés autres que ceux auxquels il doit s'adresser, et finit, de guerre de lasse, par maudire et le chemin de fer et la douane.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Et le ministre !

M. Couvreur. - Il me resterait encore à entretenir la Chambre du revenu de nos chemins de fer et des tarifs. Mais j'attendrai la discussion de l'article spécial du budget qui se rapporte à cet objet.

- La séance est levée à 5 heures.