(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Président de M. Thibaut, vice-président.)
(page 1246) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Borchgrave donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :
« Le sieur Alphonse de la Riva-Aguero, propriétaire à Niel-Saint Trond, né à Lima (Pérou), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur André de la Riva-Aguero, propriétaire à Niel-Saint-Trond, né à Lima (Pérou) demande la naturalisation ordinaire. »
- Même renvoi.
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« Des habitants de Kersbeek demandent que le chemin de fer projeté de Tirlemont à Diest passe par Vissenaeken, Wever, Bunsbeek, Hoeleden, etc. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Bovigny demandent que le gouvernement lève la prohibition du bétail à la sortie sur la frontière d'Athus à la mer ou du moins qu'il rende libre la frontière française qui touche à la province de Luxembourg. »
« Même demande des membres des conseils communaux de Vivy, Monceau, Petit-Fays, Lacuisine, Dampicourt, Sohier, Fays-les-Veneurs, Masbourg, Nafraiture, Champion, Vesqueville, Moircy, Tellin, Tournay, Villance. »
M. Lelièvre. - La requête concernant un objet urgent, je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi qui distrait du canton judiciaire de Fléron l'ancienne commune de Mont-Hadelin pour le réunir aux canton et arrondissement judiciaire de Verviers. »
- Pris pour notification.
« M. A. Visart, retenu par indisposition et M. Hagemans, retenu à Londres pour affaires, demandent un congé. »
- Accordé.
M. Delcour. - Dans la séance d'hier, le gouvernement a déposé un projet de loi allouant des crédits provisoires de 8 millions à valoir sur le budget des dépenses des travaux publics pour 1871.
La section centrale vient de se réunir pour examiner ce projet. Comme il est de la dernière urgence, permettez-moi de vous donner lecture du rapport de la section centrale et de demander à la Chambre de vouloir passer immédiatement à la discussion du projet.
Voici le rapport de la section centrale :
« Des crédits provisoires ont été ouverts au département des travaux publics pour assurer la marche des services qui en dépendent, jusqu'au 31 mai.
« Le gouvernement demande un nouveau crédit provisoire de huit millions de francs, représentant approximativement les dépenses d'une période de deux mois.
« Comme il est certain aujourd'hui que le budget des travaux publics ne pourra être voté et promulgué pour le 31 de ce mois, la commission a l'honneur de vous proposer, à l'unanimité des membres présents, d'adopter le projet de loi. »
M. le président. - M. le rapporteur propose de passer immédiatement au vote du projet de loi ; la Chambre est-elle de cet avis ?
- De toutes parts. - Oui ! oui !
M. le président. - Il en sera donc ainsi.
M. Tack. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le. rapport de votre commission de comptabilité qui a examiné les comptes de la Chambre pour 1869 et le budget pour 1872.
- Impression et distribution.
M. David. - Je profite de la présence de M. le ministre de l'intérieur pour lui rappeler notre séance du 10 février de cette année. Dans cette séance, nous avons discuté des rapports de pétitions, dont les unes réclamaient l'annexion de Dolhain-Baelen à la commune de Limbourg, dont d'autres s'opposaient à cette annexion. Ces pétitions ont été renvoyées à M. le ministre de l'intérieur avec demande, d'explications ; à cette époque, l'honorable ministre promit de donner des explications.
Je l'ai interpellé de nouveau ici, à cette Chambre, il y a près d'un mois ; il m'a répondu alors que prochainement les explications seraient données. La semaine dernière, j'ai eu l'honneur de l'entretenir en particulier de cette affaire, et j'ai reçu alors l'assurance que, dès le commencement de la discussion du budget des travaux publics, il s'occuperait de cette importante affaire et donnerait des explications.
Or, jusqu'à présent nous n'avons pas reçu la moindre explication. Il est vraiment inconcevable qu'une pareille affaire traîne en longueur depuis le 10 février, donc depuis trois mois et demi. Toutes les autorités consultées ont été favorables à cette annexion ; le conseil provincial a voté l'annexion ; l'honorable M. Delcour et moi nous avons apporté à la Chambre des faits particuliers irréfutables, malgré les assertions plus que hasardées de la brochure, blessante à notre égard, qui nous a été distribuée de la part de l'administration communale de Baelen, et cependant l'honorable ministre ne nous donne aucune justification de son silence. Il veut probablement enterrer cette affaire, qui cependant est du plus haut intérêt pour la commune-mère de Baelen et pour le hameau à annexer. (Interruption.)
S'il n'en est pas ainsi, je le prie instamment de donner les explications qu'il a à fournir et de faire en sorte qu'un projet de loi soit encore déposé dans le courant de cette session.
MM. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai pris, il est vrai, l'engagement de ne pas perdre de vue le désir exprimé par l'honorable préopinant. Mais il ne faut pas se dissimuler que la question présente d'autres difficultés que celles qu'il indiquait tout à l'heure. En effet son opinion a été contestée, dans cette enceinte même, par un de nos(page 1246) honorables amis qui représente également l'arrondissement de Verviers. J'ai cru qu'il était de mon devoir, en présence d'affirmations contradictoires, de demander des renseignements sur plusieurs points qui n’étaient pas complètement expliqués. La réponse à ces renseignements ne m'est pas encore parvenue.
M. David. - Cette affaire est complètement instruite, et je ne comprends pas que l'honorable ministre puisse encore douter de l'indispensable nécessite de cette annexion. Il y a déjà eu un rapport du commissaire d'arrondissement en 1851, il y en a eu un autre en 1869 ; il y a eu une enquête de la députation permanente en 1870 ; il y a eu un rapport au conseil provincial par les amis de M. Simonis qui ont admis les griefs qu'avait à faire valoir Dolhain-Baelen. Le conseil provincial a voté l'annexion. Il n'y a donc plus qu'une formalité à remplir, celle de l'adhésion de la législature à cette annexion.
L'honorable M. Simonis, il est vrai, a contesté les griefs de Dolhain-Baelen ; mais il l'a fait très faiblement, il admettait lui-même une partie des griefs les plus criants, et il me sera facile, au moyen de pièces authentiques, de réfuter ses objections et celles de la protestation de l'administration communale de Baelen. Quant à moi, je ne sais vraiment pas sur quoi M. le ministre de l'intérieur peut avoir encore à prendre des renseignements, et je ne puis attribuer qu'à un mauvais vouloir manifeste de sa part le retard qu'il apporte à la solution de cette affaire administrative, urgente au point de vue de l'instruction, de la police et de l'hygiène.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L’honorable M. Simonis a fait valoir des considérations très sérieuses et qui assurément méritent toute l’attention du gouvernement. En présence d’affirmations contradictoires, le devoir du gouvernement, je le répète, est de s’éclairer, et c’est ce devoir qu’il remplir.
M. David, - Encore un mot. (Non ! non !)
J'ai en main des pièces authentiques de nature à réduire à néant les observations assez anodines, du reste, que l'honorable M. Simonis a présentées à la Chambre.
Je prie M. le ministre de nous donner vendredi prochain, jour des rapports de pétitions, des explications catégoriques sur cette affaire.
- L'incident est clos.
M. Brasseur. - Dans la séance d'hier, l'un des honorables secrétaires de la Chambre a analysé 8 pétitions réclamant contre une mesure prise par le gouvernement au sujet de la peste bovine.
Il y a quelques années, le gouvernement, dans la personne de l'honorable M. Vandenpeereboom, a pris des mesures excessivement sages qui ont amené d'heureux résultats et qui, je dois le dire, ont fait la réputation de notre honorable collègue. Le gouvernement d'aujourd'hui a suivi à peu près la même voie, mais il a, je pense, dépassé le but en ce sens qu'il a défendu la sortie du bétail belge en France. Eh bien, je n'hésite pas à dire que cette mesure ne me paraît justifiable à aucun point de vue.
Je comprends qu'on défende l'entrée du bétail français en Belgique, mais ce que je ne comprends pas, c’est qu’on défende la sortie du bétail belge en France, bien entendu à la condition qu’il ne puisse plus rentrer en Belgique dès qu’il a passé la frontière. Cette mesure, messieurs, est véritablement désastreuse, et voici pourquoi =
L'année dernière, les fourrages ont complètement manqué ; cette année, il n'y a pas l'ombre d*un doute à cet égard, les fourrages feront encore complètement défaut.
Par conséquent, les propriétaires du Luxembourg et de la province de Namur, qui n'ont en grande partie que l'élève du bétail pour unique ressource, vont être privés de fourrages pour leur bétail et vous ne leur permettrez pas d'aller le vendre à dix minutes de là, où ils pourraient en avoir un bon prix.
Des explications sur cette fâcheuse mesure me paraissent indispensables. Ce sont ces explications que j'ai l'honneur de solliciter de M. le ministre.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Personne ne peut perdre de vue, messieurs, que le développement du typhus contagieux du bétail entraînerait les conséquences les plus funestes pour l'alimentation publique et serait en même temps la ruine de l'agriculture, déjà si cruellement éprouvée cette année. Aussi, le gouvernement est-il entré dans la voie que lui avait tracée un honorable ministre, M. Vandenpeereboom, dont l'honorable préopinant faisait si justement l'éloge tout à l’ heure.
Ces mesures, messieurs, ont été sévères, celles que j'ai prises le sont également ; mais elles me semble suffisamment justifiées par le but que nous nous proposons d'attendre.
En effet, si le typhus contagieux s'était étendu, la responsabilité du gouvernement eût été sérieusement engagée.
Nous avons cru qu'il était préférable d'exagérer peut-être les précautions que d'exposer le gouvernement à ce grave reproche de n'avoir pas pris toutes les mesures nécessaires peur préserver le pays de l'invasion du typhus contagieux.
Il est vrai que par deux arrêtés successifs du mois de mars et du mois d'avril nous avons défendu l'exportation du bétail et même l'exportation de la viande dépecée.
Voici ce qui justifie cette mesure : c'est qu'il est parfaitement établi aujourd'hui qu'un marchand circulant d'étable en étable peut porter avec lui le typhus contagieux ; c'est ainsi que des marchands français, se rendant dans les étables de nos cultivateurs pour y acheter leur bétail, pourraient y introduire le fléau.
Ce fait a été constaté.
Il a été établi en Suisse que la peste bovine y a été importée par des marchands français qui s'y étaient rendus pour acheter du bétail.
Dans notre propre pays, lorsque le typhus contagieux s'est montré aux portes de la ville de Tongres, on a constaté également qu'un marchand étranger s'était mis en rapport avec les valets de la ferme où s'est déclaré le typhus contagieux.
C'est donc une opinion généralement répandue et admise par un grand nombre d'hommes compétents, que des marchands, sortant d'une étable infectée parle typhus contagieux, peuvent apporter le fléau avec eux.
En cet état de choses, il nous a paru qu'il était de notre devoir de prendre toutes les précautions que nous commandait la prudence, pour préserver l'agriculture belge du fléau qui a atteint d'une manière si étendue et si désastreuse l'agriculture d'un pays voisin.
Quand faudra-t-il revenir sur cette mesure ? Nous espérons que ce sera bientôt. ; mais il ne peut en être question aujourd'hui, alors que le typhus contagieux exerce encore ses ravages dans le département du Nord et dans celui des Ardennes. Tant que cette situation se prolonge, il est évident qu'en Belgique nous sommes tenus à nous renfermer dans les précautions qui ont été prises.
Cependant le gouvernement n'a pas perdu de vue la situation si difficile qui est faite à l'agriculture dans certaines provinces où les fourrages manquent pour l'alimentation du bétail.
Nous avons pris des mesures dictées par ces considérations ; et nous avons autorisé le pâturage en commun, non seulement dans le Luxembourg, mais aussi dans la province de Namur et dans les cantons de Beaumont et de Chimay. Nous pensons que dans un avenir prochain nous pourrons faire quelque chose de plus, et rétablir, par exemple, les foires et marchés dans les localités qui ne touchent pas à la frontière.
Mais il serait, je le répète, excessivement imprudent de se départir, dès ce moment-ci, des précautions que nous avons prescrites, fussent-elles même quelque peu exagérées. Je pense que la Chambre approuvera la conduite du gouvernement.
M. Brasseur. - Messieurs, je regrette de devoir le dire : les explications de M. le ministre de l’intérieur ne répondent pas le moins du monde à la question que je lui ai posée, (Interruption.)
Permettez ; l'honorable ministre de l'intérieur a commencé par dire que des marchands étrangers ont introduit la maladie du typhus dans le pays. J'admets pour un instant que ce soit là la véritable cause. Ce sont donc des marchands français qui sont venus en Belgique et qui y ont introduit le typhus.
Mais, messieurs, vous oubliez qu'il y a un arrêté de 1867 qui défend l'entrée des marchands étrangers en Belgique à l'époque du typhus contagieux.
C'est là un arrêté que le gouvernement doit appliquer purement et simplement. Mais qu'est-ce que cela a de commun avec la sortie du bétail en France ?
Vous pouvez très bien défendre aux marchands français d'entrer en Belgique : cela vous empêche-t-il de permettre la sortie du bétail en France ? Pas le moins du monde.
M. Snoy. - Mais il faut bien que le bétail soit acheté par quelqu'un.
M. Brasseur.- L'honorable membre qui m'interrompt me dit qu'il faut bien que le bétail soit acheté par quelqu'un. Cela est positif ; je ne sache pas du moins que les producteurs belges donnent leur bétail gratuitement. Mais il me semble que le bétail peut être acheté par d'autres personnes que par des marchands de bétail. Les habitants du Luxembourg (page 1247) et de la province de Namur demandent une seule chose : c'est de pouvoir aller à leurs risques et périls avec leur bétail en France. Qu’ils vendent ou qu'ils ne vendent pas leur bétail, ils ne peuvent pas rentrer en Belgique. C'est à eux à se procurer un acheteur ; soyez sans inquiétude à cet égard.
Quant à moi, je suis convaincu qu'ils trouveront des acheteurs dans les circonstances actuelles, parce que, bon an mal an, la Belgique fournit une cinquantaine de mille têtes de bétail à la France, et qu'aujourd'hui, par suite des événements de la guerre, il y a absence complète de bétail en France. Par conséquent, vous êtes certain que les propriétaires de bétail trouveront en France des acheteurs sans être pour cela obligés de passer par l'intermédiaire des marchands de bestiaux.
L'arrêté de 1867 peut donc très bien être exécuté sans que cela empêche le gouvernement de permettre la sortie du bétail en France aux risques et périls des propriétaires.
M. Vandenpeereboom. - Je demande la parole.
M. Brasseur. - Je ne comprendrais la mesure du gouvernement que dans un seul cas, alors elle serait rationnelle ; voici ce cas : il arrive parfois, lorsque la maladie est très grave, qu'on défend la circulation du bétail dans l'intérieur même du pays, que le bétail est forcé de rester dans les étables. Oh ! alors, le passage seul des bestiaux a travers les villages pour aller en France pourrait être dangereux pour le bétail. Dans ce Ccs, je comprendrais l'interdiction absolue de la circulation du bétail, même pour aller en France.
Mais tel n'est pas le cas. En Belgique, le bétail circule librement ; il y a même pâturage commun. Je ne vois donc rien qui s'oppose à ce qu'il franchisse la frontière, sauf à ne plus pouvoir rentrer. Encore une fois, la réponse faite par M. le ministre de l'intérieur, que les marchands français ont introduit la maladie dans le pays, ne me semble avoir rien de commun avec la sortie du bétail en France.
Je supplie donc le gouvernement de retirer la mesure que je critique et je suis convaincu que mes honorables collègues du Luxembourg, qui sont tout aussi intéressés que moi dans cette question, se joindront à moi pour en demander le retrait immédiat, car un retard de quinze jours amènerait une perte colossale pour les pauvres gens qui vivent de l'élève du bétail et qui ne peuvent pas nourrir leur bétail.
M. Vandenpeereboom. - Je reconnais qu'à première vue la mesure prise par M. le ministre de l'intérieur peut paraître sévère. Cependant je ne puis pas me joindre à l'honorable M. Brasseur pour prier M. le ministre de la retirer. Il a été prouvé par l'expérience que la peste bovine se communique par le contact des personnes. Dans un pays voisin, une province entière a été infectée parce que des voyageurs étaient venus d'une province de la Hollande où la maladie régnait en ce moment. L'exemple cité pour Tongres est aussi parfaitement exact. (Interruption de M. Vleminckx.)
Les médecins ne le croient pas, je le sais, mais les faits le constatent. (Interruption.) Je dis que ces faits ont été constatés par une enquête, et dans cette situation, il me semble que l'honorable ministre de l'intérieur doit prendre les plus grandes précautions pour que des cas pareils ne puissent pas se produire en Belgique.
L'honorable M. Brasseur dit : Pourquoi empêchez-vous le bétail d'entrer en France ? Messieurs, le bétail ne peut pas aller en France tout seul. Il faut qu'il ait un guide, qu'il ait un gardien. Or, que ce soient des marchands français ayant été en contact avec des animaux contaminés qui viennent en Belgique pour acheter le bétail et l'emmener en France ou que ce soit des marchands belges qui exportent le bétail en France et soient exposés à être en contact avec des étables infectées, il y a là réellement un danger. En présence de l'immense responsabilité qui pèse (et j'en sais quelque chose) sur un ministre de l'intérieur en pareil cas, j'engage fortement l'honorable M. Kervyn, sans exagérer cependant les mesures qu'il prend, à bien réfléchir avant de se relâcher de quelques-unes des précautions qui ont été considérées souvent comme indispensables pour préserver le pays d'un aussi grand fléau.
- Plusieurs membres. - Très bien !
M. Delaet. - Messieurs, depuis quelque temps, la peste bovine a heureusement disparu du pays. Cependant, en ce moment encore, la Belgique est suspecte en Angleterre, et les importations directes par le port d'Anvers en ce pays sont interdites ; du moins on y met la condition d'abattre le bétail aussitôt son arrivée ; ce bétail ne peut être conduit au marché de Caledonian Road.
Je crois que si M. le ministre de l'intérieur voulait bien faire publier dans le Moniteur un avis informant le public que la maladie a cesse d'exister en Belgique, il serait pourvu à un inconvénient très grave pour le port d'Anvers et pour les producteurs de bétail.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Nous avons déjà eu occasion de faire connaître en Angleterre qu'il n'existait, en ce moment, en Belgique, aucun cas de typhus contagieux. Nous verrons s'il y a lieu de renouveler cette déclaration et de lui donner plus de publicité. Du reste, pense que le but sera atteint pa rles paroles mêmes que je prononce en ce moment et qu'elles constateront avec quelque utilité que nous avons à nous féliciter d'une situation complètement satisfaisante.
M. le président. - La parole est à M. Vleminckx pour une autre motion d'ordre.
M. Vleminckx. - J'ai déclaré hier à la Chambre que je désirais interpeller M. le ministre de la guerre sur la question de savoir s'il y avait lieu d'examiner, en ce moment, en sections le budget de son département.
Les budgets de 1872 ont été déposés, conformément à la loi de comptabilité et successivement ils ont été renvoyés à l'examen des sections.
Je me demande si la même mesure doit être prise à l'égard du budget de la guerre, et voici les motifs qui me font croire que l'examen actuel de ce budget non seulement ne serait pas utile, mais serait même complètement superflu.
A la suite des événements de l'année dernière, M. le ministre de la guerre a soumis à la Chambre un rapport et vous en connaissez les conclusions. Tout en déclarant l'organisation de l'armée bonne, excellente, il n'en dit pas moins qu'elle présente de nombreuses lacunes, des défectuosités, je dirai même, des vices. Ainsi, M. le ministre de la guerre n'est pas certain que notre mode de recrutement ne doit pas être modifié ; il conclut pour une augmentation considérable de l'artillerie ; il conclut encore pour une extension considérable des cadres d'infanterie pour les 5ème et 6ème bataillons ; il conclut pour une réorganisation de l'intendance, etc. Ce qui résultera nécessairement de ces conclusions, si elles sont admises, c'est une assez grande augmentation de dépenses.
Si ces lacunes, si ces vices existent, et ils ne peuvent pas ne pas exister, puisque l'honorable ministre lui-même l'affirme, je me demande, messieurs, si le gouvernement ne doit pas tenir à ce qu'il soit remédié à cet état de choses le plus tôt possible.
Le budget présenté pour 1872 est basé sur l'organisation qui a été votée il y a quelques années. C'est le même personnel, c'est le même matériel, ce sont les mêmes chiffres en un mot, et je me demande si, en présence de la commission que le gouvernement a nommée et qui doit lui présenter un rapport sur les conclusions de l'honorable ministre, il est convenable ou seulement utile d'examiner maintenant en sections le budget de son département.
Il me semble, à moi, que cet examen serait, à l'heure qu'il est, complètement superflu. Je ne veux pas l'ajourner indéfiniment, mais au moins jusqu'à ce que nous connaissions le travail de la commission nommée par le gouvernement.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - L'honorable M. Vleminckx propose de renvoyer l'examen en sections du budget de la guerre jusqu'à ce que la commission, instituée par le gouvernement, ait terminé son travail. Je ne crois pas pouvoir me rallier à cette proposition dont la conséquence serait le renvoi, l'examen, la discussion et le vote du budget de la guerre à une époque indéterminée.
Voici la situation :
La Chambre m'a demandé un rapport sur la manière dont l'organisation de l'armée a fonctionné pendant les derniers événements. J'ai fait ce rapport, dans lequel j'ai déclaré, à plusieurs reprises, que l'organisation de l'armée est bonne, mais que certains services avaient laissé à désirer. Le gouvernement, voulant s'éclairer à cet égard, a nommé une commission ; lorsque la commission aura fait son rapport, le gouvernement aura a délibérer sur ce qu'il y a à faire ; mais, en attendant, je crois que l'organisation est bonne et qu'elle doit continuer à fonctionner régulièrement.
Je prie donc la Chambre de ne pas accueillir la proposition d'ajournement de l'honorable M. Vleminckx.
M. Le Hardy de Beaulieu. -- Il me semble, messieurs, que lorsque la Chambre a voté l'année dernière que le rapport de M. le ministre de la guerre serait déposé aussitôt que les événements le permettraient, il avait été implicitement entendu que ce rapport serait soumis à une discussion ; il me semble également que, si la Chambre discutait ce rapport, la commission nommée par le gouvernement trouverait, dans cette discussion, quelques lumières. Je demande donc que le rapport de M. le ministre de la guerre soit soumis le plus tôt possible a la discussion de la Chambre.
(page 1248) M. Vleminckx. - Messieurs, je regrette que l'honorable ministre de la guerre n'ait pas jugé convenable d'accéder à nu proposition. Elle n'a évidemment aucun caractère d'hostilité ; je demande seulement que nous puissions nous livrer en sections à un examen utile du budget de 1872. Eh bien, cet examen utile n'est pas possible en présence des faits qui se sont produits, en présence du rapport de l’honorable ministre de la guerre.
Il est évident que le budget de 1872 ne saurait pas être le même que celui de 1871 ; il y a des réformes à introduire dans l'organisation de l'armée, réformes qui ont été déclarées indispensables. Je ne demande pas, ainsi que semble le croire l'honorable ministre de la guerre, un ajournement indéfini, mais bien que l'examen du budget en sections soit renvoyé à la session prochaine. Au commencement de cette session, nous aurons tout le temps nécessaire pour l'examiner avant la fin de 1871. En attendant, j'espère que la commission aura achevé son travail et présenté son travail au gouvernement, qui, de son côté, aura eu le temps nécessaire pour prendre une décision définitive.
Nous pourrons alors, et alors seulement, procéder d'une manière efficace à l'examen du véritable budget de 1872, car celui qui nous est présenté ne l'a été que pour la forme.
- Cette proposition est soumise au vote par assis et levé ; elle n'est pas adoptée.
M. Lelièvre. -M. le ministre des travaux publics a fait connaître à l'administration communale de Namur que l'intention du gouvernement est d’agrandir la station de cette ville. Mais, pour exécuter ce projet, il faut prendre possession de l'ancien cimetière, et il s'agit de savoir si le déblai de ce cimetière n'est pas de nature à donner lieu à des inconvénients au point de vue de l'hygiène publique. Je demande que M. le ministre veuille bien soumettre cette question au conseil supérieur d'hygiène fonctionnant dans la capitale, afin qu'on soit bien certain que les travaux projetés ne peuvent entraîner de funestes conséquences pour la santé publique dans notre ville.
Certes, nous ne demandons rien de mieux que de voir agrandir notre station. C'est là une mesure de haute utilité. Mais il importe cependant que la salubrité publique ne puisse en souffrir aucun préjudice. C'est pour ce motif que je demande qu'une autorité compétente soit consultée et éclaire ainsi le gouvernement, appelé à statuer sur un objet aussi important.
M. Frère-Orban. - Messieurs, je regrette que l'honorable ministre de l'intérieur ne soit plus à son banc.
Je désirais l'avertir de mon intention de lui faire une interpellation au jour qui lui conviendrait ; mais, comme au préalable j'avais à demander la communication de certaines pièces, je vais les indiquer afin que M. le ministre puisse les déposer.
Nous fixerons ensuite le jour de la discussion à sa convenance.
Dans la discussion du budget de l'intérieur, j'ai eu l'occasion d'adresser certaines questions à l’honorable ministre, au sujet de mesures qui paraissaient alors projetées à l'égard de certains professeurs de l'école moyenne de Rochefort.
J ai demandé à ce sujet des explications qui n'ont pas été fournies immédiatement.
J'ai insisté et cinq ou six jours après, M. le ministre de l'intérieur a donné une explication.
Je ne me suis pas déclaré satisfait. Ne voulant pas prolonger la discussion du budget de l'intérieur, j'ai annoncé ultérieurement que je me proposais de démontrer que les assertions de M. le ministre n'étaient point exactes, et que je me réservais de soumettre cette affaire à la Chambre dans un moment opportun.
L'honorable ministre de l'intérieur dans ses explications a invoqué certains documents ; il a fait appel à des délibérations du bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort.
Je prie le gouvernement de vouloir bien déposer les pièces invoquées par l'honorable ministre de l'intérieur et d'y joindre la correspondance échangée entre le gouvernement et les bureaux administratifs des écoles moyennes où les professeurs de l'école de Rochefort ont été envoyés.
Je demande également qu'on veuille bien communiquer à la Chambre le rapport du bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort, pour les cinq années antérieures au mois d'août 1870.
J'espère que personne ne verra de difficultés à l'accueil de cette proposition.
M. Jacobs, ministre des finances. - Il nous est impossible, en l'absence de notre collègue de l'intérieur, de déclarer s'il peut lut convenir de communiquer telle ou telle pièce que nous ne connaissons pas. Nous nous engageons donc purement et simplement à transmettre l'interpellation à l'honorable ministre de l'intérieur, qui pourra y répondre un autre jour.
- M. le ministre de l'intérieur rentre dans la salle.
M. Pirmez. - Dans la discussion du budget de l'intérieur M. le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il avait annulé l'adjudication des livres destinés aux écoles normales parce que ce catalogue comprenait quelques ouvrages qui ne convenaient pas aux élèves des écoles normales.
Je possède le catalogue qui a été dressé sous mon administration, mais je n'ai pas la liste des livres que les directeurs des écoles ont choisis. En effet, tous les livres qui font partie de ce catalogue ne faisaient pas partie de l'adjudication ; ces livres devaient être choisis dans le catalogue par les directeurs des écoles normales. Ce choix a dû être fait, je crois, sous mon administration ; ce sont donc des pièces de mon administration dont je demande la communication.
Je pense que M. le ministre de l'intérieur ne verra aucun inconvénient à déposer les listes des livres choisis par les différents directeurs des écoles normales. Je. me propose d'interpeller l'honorable ministre sur ces listes et en même temps sur les causes qui l'empêchent de dresser un nouveau catalogue et qui privent ainsi les bibliothèques de livres.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Lorsque j'ai eu à m'occuper de la ratification à donner à une adjudication de livres destinés à former les bibliothèques des écoles normales, mon devoir était évidemment de prendre connaissance de ces livres. Il m'a paru que le choix des ouvrages n'é ait pas heureux et que le catalogue présentait ce grand inconvénient de ne pas former un ensemble méthodique. J'ai agi, je pense, dans la plénitude de mes attributions, en n'approuvant pas le catalogue, qui avait été préparé par mon honorable prédécesseur.
J'ai eu l'honneur de faire connaître à la Chambre que mon intention était de former un nouveau catalogue, de constituer les bibliothèques qui avaient été projetées, mais sur d'autres bases.
C'est là un travail sérieux, difficile, que je. ne perds pas de vue ; mais je crois qu'il n'y a aucun intérêt pour la Chambre, alors que ni l'administration de mon prédécesseur, ni la mienne ne se trouvent engagées dans ce débat, à revenir sur une question rétrospective.
Lorsque le nouveau catalogue aura été fait, il recevra une complète publicité, et, pour ce moment, j'attends très volontiers les explications qui me seront demandées ; j'aurai à répondre alors de la mesure que j'aurai prise, mais je pense que jusque-là il n'y a pas lieu de satisfaire à la demande de l'honorable préopinant.
M. Pirmez. - Messieurs, je ne comprends vraiment pas l'honorable ministre de l'intérieur.
Il a déclaré dans cette Chambre que l'on ne pouvait considérer le catalogue dont il s'agit comme pouvant être jamais signé par un ministre belge.
Voilà son accusation. Je demande aujourd'hui que l'on produise avec ce catalogue la liste des ouvrages qui y ont été choisis par les directeurs des écoles normales et que M. le ministre de l'intérieur a déclaré ne pouvoir être mis entre les mains de la jeunesse. M. le ministre m'a donc reproché un acte qui serait indigne d'un ministre belge.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je n'ai pas dit cela.
M. Pirmez. - Vous avez rapporté ici les paroles de l'article de la Revue de Belgique.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Citez mes paroles.
M. Pirmez. - Je citerai vos paroles quand nous discuterons. M. le ministre de l'intérieur a repris ici un article de la Revue de Belgique qui est une étude humoristique pleine de plaisanteries ; dans cet article, se trouvait la phrase suivante :
« I| y avait pourtant matière à vous indigner, me dit cet article écrit en forme de lettre, à déférer au procureur du roi la liste générale afin que personne ne pût supposer qu'un ministre belge, chargé de l'instruction publique, en fût l'auteur. »
M. le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il faisait sienne cette appréciation.
Il a joué de malheur, car elle s'applique, dans l'article, non au catalogue dont il s'agit ici, mais à la liste générale des ouvrages à donner en prix dans les athénées, et cette liste émane du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen, c'est-à-dire de MM. Faider, procureur général à la cour de cassation. De Longé et Stas, conseillers à cette cour, Grandgagnage, premier président de la cour de Liège, Trasenster et Roulez, professeurs aux universités de l'Etat, le colonel Liagre et le général De Lannoy !
(page 249) Voilà les hommes proposant un catalogue qu'un ministre belge ne pourrait signer !
Aussi cette phrase n'est dans l'article qu'une plaisanterie. M. le ministre de l'intérieur, en fait, lui, une chose sérieuse ; il déclare partager l'opinion qu'elle exprime et il l'applique au catalogue des écoles normales !
Je ne pouvais répondre au moment où l'accusation s'est produite, ne connaissant pas l'article dont il s'agit. Je demande aujourd'hui que ce catalogue réprouvé soit soumis à la Chambre ainsi que la liste des livres que l'on avait choisis pour les écoles normales.
Je ne dis pas, messieurs, que M. le ministre de l'intérieur n'avait pas le droit de faire ce qu'il a fait. Incontestablement il était dans son droit lorsqu'il critiquait un acte de l'administration antérieure ; il était dans son droit aussi lorsqu'il n'approuvait pas une adjudication faite par son prédécesseur, mais je suis dans mon droit aussi lorsque je lui demande pourquoi il a annulé l'adjudication dont je parle et pourquoi il m'a accusé d'avoir mis entre les mains de la jeunesse des ouvrages qui ne lui convenaient pas.
Je somme M. le ministre de l'intérieur de faire connaître ces ouvrages et je le demande d'autant plus depuis que j'ai pris connaissance de l'article de la Revue de Belgique par lequel il prétendait justifier la mesure qu'il avait prise à l'égard du catalogue dont j'ai parlé. Lors de la discussion, je démontrerai à toute évidence que, dans l'article auquel il est fait allusion, M. le ministre de l'intérieur n'a fait que prendre des phrases pour en détourner contre moi le sens et la. portée. Je prouverai aussi à M. le ministre que l'article de la Revue de Belgique ne pouvait exercer aucune influence sur sa décision, car il a été guidé par des considérations diamétralement contraires à celles de l'article dont il s'agit.
Je ne demande maintenant que les moyens de répondre à une accusation dirigée contre moi, et M. le ministre de l'intérieur trouve naturel qu'après avoir été accusé je ne puisse me défendre ! (Interruption.)
La Chambre doit comprendre que je pense autrement.
Je crois qu'il y a un autre intérêt que l'intérêt de ma défense. Il y a l'intérêt de savoir quelle direction on veut donner à la jeunesse des écoles normales ; il y a l'intérêt de savoir quels sont les livres qu'on entend les empêcher de lire.
Lorsque la discussion de l'affaire de Rochefort viendra, nous verrons quelle sera la marche suivie par M. le ministre de l'intérieur, en ce qui concerne le personnel des écoles de l'Etat. Je montrerai en même temps quelles sont les tendances de M. le ministre de l'intérieur, quand il s'agit de publications destinées à l'instruction de la jeunesse.
L'honorable ministre ne doit pas oublier certain catalogue qu'un de ses honorables prédécesseurs appartenant à son opinion a qualifié, un jour dans cette enceinte, en disant qu'avec le système d'exclusion qui y règne, on préparerait une génération de crétins à la Belgique ; je crois que M. le ministre de l'intérieur, par la mesure qu'il a prise, en proscrivant les livres inscrits dans le catalogue dont il s'agit, va plus loin que l'auteur de ce catalogue et qu'il prépare au pays une génération aussi peu distinguée.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Si l'honorable M. Pirmez n'a pas le catalogue qu'il avait préparé, je le lui remettrai volontiers ; mais je ne pense pas qu'il y ait lieu de saisir la Chambre d'une discussion sur un catalogue qui n'a pas été approuvé.
M. Pirmez. - J'ai ce catalogue et je suis prêt à le discuter. Mais il y a une autre chose que le catalogue, que je n'ai pas, qui se trouve dans les bureaux de M. le ministre de l'intérieur et que je lui demande de produire.
Voici ce que je demande à M. le ministre de l'intérieur de produire : dans le catalogue que j'ai dressé, les directeurs des écoles normales ont fait un choix d'ouvrages, et c'est ce choix qui a fait l'objet de l'adjudication.
Or, pour savoir si l'adjudication que M. le ministre a annulée était bonne ou mauvaise, il faut savoir quels sont les livres qui ont fait l'objet de l'adjudication, adjudication que M. le ministre de l'intérieur n'a pas approuvée. Eh bien, je demande que M. le ministre de l'intérieur veuille nous faire connaître les listes des livres choisis dans le catalogue par les directeurs des écoles normales.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, j'admets volontiers qu'une discussion parlementaire s'établisse sur les actes de mon administration ; mais je pense que la dignité de la Chambre s'oppose à ce qu'on se livre ici à des recherches sur le choix des ouvrages fait par telles ou telles personnes ou par tels ou tels établissements ; je ne crois pas que la Chambre puisse songer à entrer dans cette voie.
Il n'y a donc pas lieu de donner suite à la demande qu'a faite l'honorable M. Pirmez.
M. Frère-Orban. - Je m'étonne vraiment de l'opposition que fait M. le ministre de l'intérieur à la demande de mon honorable ami, M. Pirmez. Selon moi, il n'y a rien à objecter à cette demande. On a incriminé, on incrimine un catalogue dressé par l'ancien ministre de. l'intérieur, et on a déclaré que l'approbation donnée à ce catalogue était un acte indigne d'un ministre belge.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je n'ai pas dit cela.
M. Frère-Orban. - Afin de justifier vos actes et ros assertions, vous avez reproduit les paroles de l'auteur d'un article inséré dans la Revue de Belgique...
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je n'ai pas dit ce que vous m'attribuez.
M. Frère-Orban. - Que signifiait alors la citation que faisait M. le ministre de l'intérieur ? A quel propos empruntait-il les paroles d'un écrivain qui ont été rappelées tout à l'heure et pourquoi les appliquait-il au catalogue qu'il incriminait en vue de justifier l'improbation d'une adjudication qui lui était reprochée ?
Quoi qu'il en soit, l'honorable M. Pirmez, justement susceptible à ce point de vue comme vous le seriez vous-même, demande qu'on lui fournisse la liste des ouvrages dont les directeurs et les professeurs d'écoles normales ont fait choix et que l'honorable ministre de l'intérieur n'a pas voulu approuver, parce que ces ouvrages ne pouvaient convenablement se trouver dans les mains des élèves des écoles normales. On refuse la communication de cette pièce ; on refuse de donner à M. Pirmez le moyen de se justifier ! Est-ce que cela est convenable ? Cela est-il digne, cela est-il juste ? La Chambre en décidera, mais j'espère, pour ce qui me regarde, au moins être plus heureux.
J'ai annoncé tout à l'heure, en l'absence de M. le ministre de l'intérieur, que je me proposais, conformément à la déclaration que j'avais déjà faite antérieurement, de revenir sur un acte relatif à trois professeurs de l'école moyenne de Rochefort. Trois professeurs ont été déplacés, et l'honorable ministre de l'intérieur, dans les explications qu'il a données lors de la discussion de son budget, a annoncé qu'ils avaient été déplacés pour certains motifs qui lui ont paru graves et qu'il a énoncés. Il s'est appuyé, pour justifier son appréciation, sur certains documents : il a invoqué des délibérations du bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort notamment ; il a invoqué une enquête qui aurait été faite ; il a invoqué des documents dont je demande aujourd'hui la production.
Je ne l'ai pas fait pendant la discussion du budget pour ne pas prolonger la discussion qui avait déjà été longue. Mais j'ai annoncé que je me proposais de faire une interpellation spéciale. J'avais des motifs pour agir de la sorte, parce qu'alors l'acte que j'incrimine aujourd'hui n'était encore qu'en projet, et que je pouvais espérer que l'énormité que je redoutais ne s'accomplirait pas. Aujourd'hui cet acte s'est accompli, la mesure que prévoyais et que je craignais a été prise ; le moment est donc venu de discuter cet acte. Je demande, si M. le ministre de l'intérieur consent à déposer les pièces qu'il a lui-même invoqués, les pièces qu'il a citées, dont il a donné des extraits, sur lesquelles il s'est fondé pour la mesure qu'il a prise.
Je pense que personne ne saurait voir à cela la moindre difficulté, mais je demande qu'il joigne à cela d'autres pièces. Je demande que la correspondance qui a été échangée entre le gouvernement et les bureaux administratifs des écoles moyennes où les professeurs de Rochefort ont été placés, soit déposée. Comme la Chambre le sait, le bureau administratif doit être entendu lorsqu'il s'agit du choix ou du déplacement des professeurs et une correspondance est échangée à ce sujet ; je demande qu'elle soit produite. Je demande également que le rapport du bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort pour les cinq années antérieures au mois d'août 1870 soit également déposé sur le bureau de la Chambre.
Lorsque ce dépôt aura été fait, nous désignerons un jour, à la convenance de M. le ministre de l'intérieur qui, aujourd'hui, est retenu au Sénat par la discussion de la réforme électorale, pour entendre les explications que j'aurai à demander sur les actes de M. le ministre de l'intérieur.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, il y a un usage, qui est généralement suivi : c'est que lorsqu'un dissentiment s'établit entre un bureau administratif et un professeur d'une école moyenne, on déplace le professeur. Cet usage est suivi dans presque tous les cas. Il y a même au budget un crédit permanent qui a précisément pour but de mettre en disponibilité les professeurs qui, par suite de telle ou telle circonstance, ne peuvent pas être replacés immédiatement.
Or, messieurs, il y avait évidemment un grave dissentiment entre le (page 1250) bureau administratif de l'école de Rochefort et les trois professeurs dont s'est occupé l'honorable M. Frère-Orban. Ils ont été déplacés.
Aurions-nous pu, aurions-nous du faire davantage ? C'est ce que je ne rechercherai pas en ce moment. Mais je maintiens le droit du gouvernement d'avoir fait ce qu'il a fait. C'était une question de convenance ; c'est un devoir que nous avons rempli.
J'ai parlé de deux documents dont j'ai cité des fragments à la Chambre. C'est à la suite de ces rapports que le déplacement a eu lieu, et pour que l'honorable M. Frère-Orban ne me reproche pas de citer des extraits incomplets, je suis prêt à déposer ces deux documents sur le bureau de la Chambre ; mais si l'honorable membre veut aller plus loin, s'il veut rechercher, dans les années antérieures, quels ont été les rapports du bureau administratif de Rochefort soit avec les professeurs, soit avec l'autorité centrale, je ne puis m'empêcher de faire remarquer à la Chambre que nous entrerions dans une voie de discussion où l'autorité administrative perdrait la dignité et le prestige qui lui sont nécessaires. Nous répondons de tous nos actes, mais nous ne croyons pas qu'il faille à chaque propos, pour un simple déplacement de professeurs d'école moyenne, susciter un débat au sein de l'enceinte parlementaire.
M. Frère-Orban. - Je ne sais pas si l'honorable ministre de l'intérieur a mûrement réfléchi aux paroles qu'il vient de prononcer. Il me semble avoir oublié que dans l'affaire de Cherscamp, si je ne me trompe, à s'est posé en protecteur et en défenseur des instituteurs contre l'autorité communale qui pourrait les attaquer.
Aujourd'hui il a une autre théorie. Un bureau administratif exige le déplacement de professeurs. Le ministre est là pour enregistrer ses décisions. Il n'a rien autre chose à faire.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il pèse les faits.
M. Frère-Orban. - Ah ! il pèse les faits. Eh bien, nous avons à les discuter, à les examiner. Donc vous n'avez pas à vous retrancher derrière un bureau administratif.
Vous ne devez pas prétendre que vous devez céder, quand un bureau administratif a déclaré que des professeurs devaient être remplacés. C'est là une théorie insoutenable et indigne d'un ministre belge. (Interruption.) Que serait donc le ministre et où serait sa responsabilité s'il était simplement le contre-signataire des décisions du bureau administratif ?
L'honorable ministre de l'intérieur vient de dire qu'il consent à produire deux pièces qu'il a invoquées. Il en a invoqué trois. L'honorable ministre de l'intérieur a invoqué deux délibérations du bureau administratif de Rochefort, l'une du mois d'août 1870, l'autre du mois de novembre de la même année. Mais il a aussi invoqué une enquête qui avait été faite et c'est cette enquête qui constatait les faits sur lesquels s'est fondé, paraît-il, le bureau administratif de Rochefort. Il est donc nécessaire de connaître cette enquête. J'en demande la production.
L'honorable ministre de l'intérieur se refusé à produire les rapports officiels du bureau administratif de Rochefort sur l'état de l'école moyenne, rapports antérieurs à l'année 1870 pour trois, quatre ou cinq ans. Mais ce sont des actes publics ; ce ne sont pas des actes confidentiels. Ce sont des actes dont je retrouverais probablement la trace, la mention dans les rapports sur l'administration de la commune de Rochefort. Il est très vraisemblable que ces rapports du bureau administratif sont mentionnés dans ces actes qui sont rendus publics de par la loi.
il est probable aussi que, dans les rapports triennaux, on mentionne ces divers documents. Ce ne sont pas dès actes secrets.
S'il y a des pièces confidentielles, gardez-les. S'il y a un acte quelconque que vous ne puissiez communiquer sans inconvénient, je ne le demande pas. Je demande des actes publics, des actes qui sont connus d'un grand nombre de. personnes. Les membres des bureaux administratifs ne sont pas tenus au secret ; ils peuvent communiquer ces rapports et je pourrais probablement les obtenir par cette voie. Je demande seulement que le gouvernement les donne, parce qu'il est convenable qu'ils soient déposés sur le bureau lorsqu'un membre en fait la demande. S'il n'y a aucun motif de refuser le dépôt de ces documents, et il ne peut y en avoir puisqu'il s'agit d'actes publics, je demande que ces actes soient déposés.
J'ai demande aussi le dépôt de la correspondance échangée avec le bureau administratif des écoles moyennes où ces professeurs ont été envoyés. Ces actes sont également des actes publics, ce sont des actes sur le vu desquels les autorités communales, ou plutôt les bureaux administratifs et le gouvernement ont statué. Ce sont des actes qui, par leur nature, sont destinés à la publicité. Je demande donc qu'ils soient soumis à une discussion. Lorsque cette discussion aura lieu, nous prouverons qu’il y a une haute importance à savoir pourquoi ces trois professeurs ont été déplacés, à savoir à quelle pression l'on a cédé lorsqu'on a fait cet acte.
Je m'engage à démontrer à M. le ministre que les faits qu'il a cités ne sont pas exacts et qu'il n'a pas pu se fonder là-dessus pour écarter les professeurs de Rochefort, que c'est à d'autres motifs qu'il a obéi et qu'il n'avoue pas. Il ne sera pas difficile de montrer les traces de l'intervention et l'influence ecclésiastique et de prouver que la mesure que je blâme n'est pas due aux motifs allégués par M. le ministre de l'intérieur.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je ne veux pas discuter l'affaire de Rochefort, je ne connais pas les faits ; mais d'après ce que j'entends, je serais très désireux de les connaître. C'est pour ce motif que j'appuie la proposition de l'honorable M. Frère.
Il est évident que le gouvernement a le droit de déplacer ses fonctionnaires et que le régent ainsi que les professeurs sont des fonctionnaires, mais le gouvernement ne doit pas subir des influences que nous n'avions plus l'habitude de rencontrer et qui nous ramènent directement aux plus mauvais jours du pouvoir occulte.
Je dis donc que M. le ministre de l'intérieur et le gouvernement tout entier ont intérêt à produire les pièces réclamées, afin qu'on puisse les examiner et voir si la responsabilité du ministre est, oui ou non, compromise.
Messieurs, lorsque j'ai demandé la parole, c'était pour appuyer la proposition de l'honorable M. Pirmez.
Je ne comprends vraiment pas comment l'honorable ministre de l'intérieur refuse de produire les catalogues demandés par son prédécesseur.
Il n'a pas le droit de les refuser et il n'y a ni motif, ni intérêt à ne pas les déposer. Ce sont des actes qui émanent de l'administration de son honorable prédécesseur et il est de jurisprudence dans cette Chambré comme dans les départements ministériels qu'un ancien ministre a le droit de consulter les pièces et les documents émanés de son administration pendant qu'il la dirigeait. Ce sont là des antécédents qui ont toujours été respectés.
Je dis que M. le ministre n'a aucun motif pour refuser ces catalogues, ce refus n'est pas sérieux ; ils ont été connus de beaucoup de monde ; ils n'ont rien de mystérieux ; ils ont été communiqués aux directeurs des écoles moyennes, et puisqu'il s'agissait d'une adjudication, ils ont même dû être communiqués au public, aux imprimeurs, aux directeurs, aux entrepreneurs. Ce que tous ont pu savoir, la Chambre ne pourrait donc pas le savoir !
L'honorable ministre objecte qu'il n'a pas à discuter les actes de ses prédécesseurs. Mais, messieurs, il s'agit ici, d'un côté, d'un acte de M. Pirmez qui a fait le catalogué, et de l'autre côté, d'un acte de M. Kervyn, qui n'a pas voulu donner suite à l'adjudication. C'est donc un refus tout à fait inexplicable.
Je crois qu'en réalité M. le ministre a des motifs pour communiquer les pièces : il dit qu'il ne s'agit que de questions littéraires et que le catalogue n'était pas coordonné d'une manière satisfaisante, qu'il veut faire mieux que M. Pirmez. Qu'il nous permette donc, en comparant plus tard son travail à celui de M. Pirmez, de voir lequel des deux a mérité le premier prix, lequel des deux a mieux apprécié les convenances. Messieurs, et je termine par là, l'honorable ministre de l'intérieur est, je pense, intéressé à communiquer ce catalogue, sans cela on supposera que l'honorable ministre a cédé à des influences, à des motifs d'amour-propre, à des exagérations de susceptibilité.
Je ne vois pas, quant à moi, pourquoi M. le ministre de l'intérieur refuserait le dépôt de listes qui ont été imprimées et mises à la portée d'une foule de personnes ; j'espère donc qu'il consentira à ce dépôt.
Quart à l'affaire de Rochefort, j'appuie également la demande de M. Frère-Orban.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - M. Vandenpeereboom m'a mal compris. Je n'entends pas que le catalogue préparé par M. Pirmez soit dérobé à tous les regards ; je déclare au contraire que je suis prêt à en mettre un exemplaire à la disposition de mon honorable prédécesseur qui donnera à ce catalogue la publicité qu'il jugera convenable. (Interruption.)
Lorsque plus tard le nouveau catalogue aura été rédigé, la Chambre pourra les comparer et, selon l'expression de l'honorable M. Vandenpeereboom, apprécier lequel est le meilleur.
M. Guillery. - J'engage la Chambre à y réfléchir mûrement ; il s'agit en réalité ici de nos prérogatives parlementaires.
Un honorable membre demande au gouvernement la communication de certaines pièces. Eh bien, la question est de savoir s'il dépend d'un ministre (page 1251) de les refuser et d'empêcher ainsi la Chambre d'exercer le contrôle qui est dans sa mission. Cette question est de la plus haute importance et j'engage la droite à se joindre a nous pour obtenir du gouvernement la communication des pièces réclamées. (Interruption.)
J'entends des murmures ; mais, messieurs, il n'y a pas que l'opposition qui puisse avoir à demander compte aux ministres de leur conduite ; vous aussi, majorité, vous pouvez avoir à le faire, et d'ailleurs pour la juger vous devez la connaître.
Joignez-vous donc a nous pour obtenir communication des pièces, vous pourrez alors ou blâmer ou approuver en connaissance de cause. En ce moment vous ne savez rien, vous ne pouvez donc ni blâmer, ni approuver. Exerçons donc noire contrôle ; nous voterons après et si le ministre a raison vous lui donnerez raison. Mais comment admettre que lorsqu'on demande au gouvernement communication d'une adjudication qu'il a annulée, il vous réponde : J'accepte la responsabilité de mes actes, mais je ne vous soumets pas les pièces nécessaires pour les apprécier ! (Interruption.)
On demande communication de pièces relatives à un acte important d'un bureau administratif. M. le ministre répond que, d'après un usage antique et solennel, on approuve toujours ce que font les bureaux administratifs. Il est vrai que, sur l'interruption d'un membre, il ajoute : sauf examen... C'est la seconde manière. D'abord, on déclare que l'on approuve toujours ce que font les bureaux administratifs, un honorable membre fait remarquer que la responsabilité ministérielle disparaît dès lors et que si le ministre n'a plus qu'à enregistrer les actes des bureaux administratifs, mieux vaudrait dire que les bureaux administratifs gouvernent. Et c'est dans ces circonstances que la majorité s'opposerait à la communication des pièces !
Je suppose que les accusations lancées contre l'honorable ministre de l'intérieur ne soient pas fondées, mais il est plus intéressé que personne à les repousser. On l'accuse d'avoir annulé une adjudication sans motif, il refuse de communiquer l'adjudication qui serait sa justification ; on l'accuse d'avoir déplacé des professeurs en obéissant à des influences inavouables ; au lieu de dire : Je ne veux pas rester vingt-quatre heures sous le poids de cette accusation, je vais vous prouver qu'elle n'est pas fondée, il préfère les ténèbres, il préfère rester sous le poids de ces accusations, il refuse de donner aucune explication.
Et la Chambre consentirait à poser en principe qu'un ministre peut refuser de répondre !
Vous êtes majorité aujourd'hui. Vous serez peut-être un jour minorité. Mais dussiez-vous rester toujours majorité, je dirai qu'il est de votre intérêt et du nôtre, qu'il est de la dignité de la Chambre - car ici notre cause est commune - que le pouvoir exécutif réponde de ses actes et qu'au moins lorsque la Chambre approuve la conduite d'un ministre, ce soit en connaissance de cause.
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, je déclare la discussion close.
- Voix à gauche. - L'appel nominal.
M. Pirmez. - Je demande la parole sur la clôture.
M. Vleminckx. - On prononce la clôture avec une précipitation sans exemple.
M. le président. - J'ai annoncé que si personne ne demandait plus la parole, je prononcerais la clôture. C'est ce qui a eu lieu.
M. Beeckman. - La clôture a été prononcée régulièrement.
M. le président. - Personne ne s'est levé contre la clôture. M. Pirmez demande la parole pour revenir sur l'incident, la Chambre veut-elle le permettre ?
- Voix à droite. - Non ! non !
- Voix à gauche. - Oui 1 oui !
M. Pirmez. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
M. le président. - M. Pirmez a la parole.
M. Pirmez. - Messieurs, je crois qu'il est de l'intérêt de vos débats qu'il y ait une solution à l'incident qui vient d'être soulevé. Il est impossible que l'on prenne une résolution sans savoir sur quoi.
Nous demandons à savoir à quoi nous en tenir avant que la clôture soit prononcée.
M. Jacobs, ministre des finances. - Elle est prononcée.
M. Pirmez. - L'honorable M. Frère a demandé la production de certaines pièces relatives à l'incident de Rochefort. J'ai demande la communication de pièces relatives au catalogue des écoles normales. M. le ministre de l'intérieur accédera-t-il, oui ou non, à notre demande ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai déclaré à l'honorable M. Pirmez que je lui remettrais le catalogue, qui est son œuvre... (Interruption) le catalogue sur lequel a été fait l'adjudication. (Interruption.)
Je ne pense pas qu'il entre dans l'intention de la Chambre d'entamer un débat sur le catalogue des livres dont je n'ai pas ratifié l'adjudication.
Il dépendra de l'honorable M. Pirmez de faire une nouvelle motion d'ordre, et la Chambre statuera. (Interruption.)
Quant à la demande de l'honorable M. Frère, j'ai déjà déclaré que j’étais prêt à déposer sur le bureau de la Chambre les pièces que j'ai invoquées en justifiant la résolution que j'ai prise.
Tout à l'heure, l'honorable membre a parlé d'une enquête. Mes souvenirs ne me rappellent rien à cet égard. (Interruption.)
Je n'ai pas sous les yeux les documents que j'ai cités, mais je me borne à répéter cette déclaration que je reproduirai d'une manière complète tous les documents dont j'ai produit des extraits dans la discussion du budget de l'intérieur.
M. Frère-Orban. - J'ai demandé encore deux autres choses, (Interruption.)
M. Jacobs, ministre des finances. - M. le ministre de l'intérieur vous l'a dit.
M. Frère-Orban. - Il ne l'a pas dit.
M. Jacobs, ministre des finances. - Certainement.
M. Frère-Orban.- Il le dira peut-être ; mais laissez-le-lui dire, M. le ministre des finances, vous n'êtes pas chargé de répondre pour M. le ministre de l'intérieur qui est présent. Je demande, que M. le ministre de l'intérieur, à qui j'ai fait des objections, veuille bien me dire s'il refuse de communiquer : 1° la correspondance échangée avec les bureaux administratifs des écoles moyennes où ont été envoyés les professeurs de l'école de Rochefort ; 2° les rapports du bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort pour les cinq exercices antérieurs à 1870.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Dans la discussion du budget de l'intérieur, qui a été bien longue et que l'on semble aujourd'hui vouloir renouveler, j'ai déclaré que ma détermination avait été prise après avoir eu communication de deux rapports du bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort.
M. Frère-Orban. - Et d'une enquête.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Mes souvenirs sont vagues à cet égard.
M. Frère-Orban. - Vous l'avez dit.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je ne le nie, ni ne le reconnais. J'ai dit que j'avais fait usage de deux rapports du bureau administratif de l'école moyenne de Rochefort. Je crois n'en avoir cité que quelques fragments.
L'honorable préopinant demande communication d'un troisième document que j'aurais aussi cité.
Je ne m'en souviens point ; mais s'il en était ainsi, je ne m'oppose pas à cette communication ; je suis également prêt à la faire, mais je crois qu'il ne serait pas de la dignité de la Chambre de provoquer un nouveau débat sur cette question qui a déjà été traitée dans la discussion du budget de mon département. (Interruption.)
M. Frère-Orban. - Afin de ne pas prolonger la discussion du budget de l'intérieur, j'ai annoncé, dans cette discussion, que je me réservais de reprendre, par voie d'interpellation, la question de l'école moyenne de Rochefort qui ne s'était produite qu'incidemment dans la discussion générale du budget.
J'accomplis aujourd'hui l'engagement que j'ai pris à cette occasion et l'honorable ministre ne peut être écoulé lorsqu'il me reproche de renouveler la discussion du budget de l'intérieur.
J'ai fait mes réserves à l'époque de la discussion do. budget ; les actes n'étaient pas accomplis à cette époque ; j'ai contesté dès ce moment l'exactitude des allégations de M. le ministre. M. le ministre, averti, pouvait renoncer à ses projets ; la discussion pouvait être inutile alors ; mais aujourd'hui les actes sont accomplis et c'est le moment de les discuter.
Maintenant M. le ministre de l'intérieur, sans nous dire pourquoi, refuse de communiquer : 1° la correspondance échangée avec les bureaux administratifs des écoles où ont été envoyés les professeurs de l'école moyenne de Rochefort et 2° le rapport du bureau administratif de cette école pour les cinq années antérieures à 1870.
Il se borne à nous dire qu'il fournira les pièces qu'il a indiquées, lors de la discussion générale de son budget. Mais je fais remarquer qu'il a invoqué alors une enquête ouverte à propos de faits qu'il relatait et qui engageaient, a-t-il dit, la responsabilité des trois professeurs.
Ce sont les paroles de M. le ministre lui-même que je répète.
(page 1252) Je demande donc, pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, la communication de cette enquête qui est au nombre des pièces qui ont été citées par M. le ministre de l'intérieur.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Pardon. (Interruption) Je tiens à prendre une position franche et nette. (Interruption.) Je n'ai pas sous les yeux les paroles que j ai prononcées, il y a deux mois.
M. Frère-Orban. - Je les ai citées textuellement.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Elles ne sont pas présentes à ma mémoire. Si M. Frère voulait m'en faire passer le texte, je pourrais... (Interruption.)
M. Frère-Orban. - Voulez-vous que je vous donne vos propres paroles ? (Interruption.) Mais c'est M. le ministre de l'intérieur lui-même qui le demande. (Interruption.)
« Au mois d'octobre 1869, il y eut une élection communale à Rochefort ; des désordres eurent lieu dans la ville. Les élèves parcoururent les rues en criant : A bas la crapule ! à bas la calotte !
« Une enquête fut faite, et elle engagea la responsabilité de trois professeurs. »
Eh bien, je demande la production de cette enquête.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'enquête, messieurs, a été faite par le bureau administratif, si je ne me trompe ; mais il ne s'agit pas d'une enquête ordonnée par le gouvernement.
M. Dumortier. - Messieurs, ce débat finit par se prolonger d'une manière peu convenable pour la dignité parlementaire. Je reconnais hautement à tous les membres de la Chambre le droit de critiquer les actes du gouvernement, de signaler les abus commis par le gouvernement. Mais lorsque le gouvernement n'a pas posé d'actes répréhensibles, lorsqu'il n'a pas commis d'abus, je vous le demande, messieurs, existe-t-il alors un seul motif pour mettre un ministre sur la sellette ? Si le ministre a posé un acte, y a t-il un abus dans cet acte ? Voilà la question ; et si vous ne pouvez signaler d'abus, la majorité a un devoir à remplir, c'est de clore ce débat et de passer à l'ordre du jour.
(erratum, page 1262) M. Frère-Orban. - Il est bien entendu que, des pièces devant être déposées, l'interpellation aura lieu ultérieurement ?
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, je déclare l'incident clos.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit provisoire de huit millions de francs, à valoir sur le budget des dépenses de l'exercice 1871. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication au Moniteur. »
- Adopté.
Il est procédé au vole par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
87 membres répondent à l'appel.
85 répondent oui.
2 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui :
MM. Lelièvre, Magherman, Mascart, Moncheur, Mouton, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Puissant, Rembry, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verwilghen, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bergé, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Brasseur, Coremans, Cornesse, Cruyt, d'Andrimont, David, de Borchgrave, de Clercq, de Dorlodot, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Liedekerke, de Macar, Demeur, de Montblanc, de Muelenaere, Descamps, de Smet, de Vrints, d'Hane-Steenhuyse, Drion, Drubbel, Dumortier, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre et Thibaut.
Ont répondu non :
MM. Le Hardy de Beaulieu et Jottrand.
Le scrutin donne les résultats suivants :
Nombre de votants, 88
Bulletins blancs, 2
Bulletins valables, 86
Majorité absolue, 44.
M. Thibaut obtient 54 voix.
M. Van Humbeeck, 28
M. Le Hardy de Beaulieu., 1
M. Guillery, 3.
En conséquence, M. Thibaut est nommé premier vice-président.
M. le président. - Ce n'est pas sans émotion que je proclame les résultats du scrutin qui vient d'avoir lieu. Je déplore plus que personnes les circonstances qui semblent l'avoir rendu nécessaire, et toutes celles qui m'ont obligé à monter trop souvent au fauteuil de la présidence et à l'occuper même aujourd'hui. Cette situation, messieurs, se présente, je pense, pour la première fois. Comme je ne connais pas de précédents pour y conformer ma conduite, permettez-moi, messieurs, de suivre l'impulsion de mon cœur et de vous remercier de l'honneur insigne que vous me faites, ainsi que de la nouvelle marque d'estime et de confiance que vous venez de me donner.
Je propose à la Chambre de passer immédiatement à la nomination du second vice-président. (Adhésion.)
- Des membres. - Oui ! oui !
M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, il va être procédé au scrutin.
Le scrutin donne le résultat suivant :
Nombre des votants, 83
Bulletins blancs, 4
Bulletins valables, 79
Majorité absolue, 40
M. Tack obtient 51 voix.
M. Van Humbeeck, 17
M. Guillery, 5
M. Le Hardy de Beaulieu, 4
M. Cruyt, 1.
M. Balisaux, l.
En conséquence, M. Tack est proclamé second vice-président.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.