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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 13 mai 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Thibaut, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1209) M. de Borchgrave procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Borchgrave présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Schaerbeek demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants et propriétaires au Quartier-Louise, à Saint-Gilles, demandent la suppression de la barrière établie au centre de la chaussée de Charleroi. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Looberg demandent que le chemin de fer projeté de Tirlemont à Diest passe par Geet-Belz et Haelen et qu'on établisse une station sur le territoire de cette dernière commune. »

- Même renvoi.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, une demande de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. de Clercq, obligé de s'absenter, demande un congé d'un jour. »

« M. Janssens, retenu par une douleur de famille, demande un congé. »

- Ces congés sont accordés.


M. Delcour. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur les amendements présentés aux articles 10 et 45 du budget des travaux publics.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi de réforme électorale

Discussion des articles

Chapitre IV. Dispositions communes aux élections pour les Chambres et pour les conseils provinciaux et communaux

Article 9 (du projet de la section centrale

M. le président. - Dans la séance de jeudi, la Chambre a voté sur l'article 9 et les amendements qui s'y rattachent.

Nous arrivons à l'article 10 du projet de la section centrale.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je demande la parole.

M. le président. - La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, le système de ballottage, tel qu'il existait dans notre législation électorale, offrait des inconvénients qui n'ont été contestés par personne. En rendant l'accès de l'urne difficile pour un grand nombre d'électeurs, presque impossible pour quelques-uns, il compromettait la sincérité du verdict électoral.

C'est pour remédier à cet état de choses que le gouvernement a introduit dans le projet de loi l'article 8, qui a été voté à l'unanimité des membres de cette Chambre.

Cependant la section centrale a cru que cette amélioration n'était point suffisante, et, mue par le désir d'obtenir une manifestation plus fidèle de l'opinion du corps électoral, elle a usé de son droit d'initiative, en proposant une disposition additionnelle qui n'a été votée qu'à la majorité de deux voix.

Le gouvernement pense que, dans une matière si importante, lorsqu'il s'agit d'assurer à la représentation nationale des bases qui doivent autant que possible être placées hors de toute contestation, il y a lieu de conserver à toute disposition conçue dans ce but l'appui de la forte majorité qui a déjà prêté son appui aux principaux articles de la loi.

En conséquence, lorsque la Chambre arrivera au second vote, le gouvernement lui proposera de ne pas maintenir l'article 9 du projet de la section centrale et d'y substituer un article nouveau rétablissant le texte de la loi de 1831. Cet article serait ainsi conçu ;

« Le deuxième et le troisième paragraphe de l'article 19 de la loi électorale sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Ils se réunissent en une seule assemblée, si leur nombre n'excède pas 400. Lorsqu'il y a plus de 400 électeurs, le collège se divise en sections, etc. »

Le reste comme à l'article.

Celle disposition accélérera la marche des opérations électorales ; elle permettra, dans la plupart des cas où un scrutin de ballottage sera nécessaire, de l'aborder à une heure où tous les électeurs pourront aisément y prendre part ; et la remise du ballottage à un autre jour, qui occasionne toujours, on ne saurait l'oublier, des frais de déplacement, deviendra excessivement rare.

Cet amendement obtiendra, nous l'espérons, l'adhésion de tous les membres de la Chambre également animés du désir de porter remède aux abus signalés.

J'ajouterai que la section centrale partage complètement l'opinion du gouvernement, et c'est d'accord avec ses membres que. j'ai l'honneur de proposer à la Chambre la disposition dont je viens de lui donner lecture.

M. le président. - Quelle est la place que M. le ministre de l'intérieur propose d'assigner à cet article nouveau ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Après l'article 9.

M. Muller.- L'article 9, tel que le limitait la section centrale, a été adopté par la Chambre ; deux amendements ont été également adoptés ; mais on n'a pas voté sur l'ensemble de l'article amplifié.

M. le président. - L'article a été voté par division.

M. Muller. - Sans contredit, mais mon observation subsiste, et je demande si la Chambre veut s'écarter des précédents et du règlement. Si vous tenez à vous conformer tant au règlement qu'aux précédents, votre devoir est de voter sur l'ensemble de l'article, ce qui n'a pas eu lieu.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il me semble que, dans la dernière séance, il a été formellement entendu que pour mettre la Chambre à même de se prononcer d'une manière complète sur les différentes dispositions de l'article 9, on voterait séparément sur les élections communales, sur les élections provinciales et sur les élections générales. Or, la Chambre s'étant prononcée sur ces différentes parties de la question, le vote sur l'ensemble constituerait évidemment un double emploi.

- Un membre. - Le vote sur l'ensemble est de droit. (Adhésion.)

M. le président. - Je crois que l'on est d'accord. (Adhésion.) Je vais donc mettre l'article aux voix.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de l'article 9.

86 membres sont présents.

76 votent contre l'article.

2 votent pour.

8 s'abstiennent.

En conséquence, l'article n'est pas adopté.

Ont voté le rejet :

MM. Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Hagemans, Hayez, (page 1210) Hermant, Jacobs, Jamar, Jottrand, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Moncheur, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Simonis, Snoy, Thienpont, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Coremans, Cornesse, Couvreur, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, Defuisseaux, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Macar, Demeur, de Montblanc, de Muelenaere, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion et Thibaut.

Ont voté l'adoption :

MM. Coomans et de Liedekerke.

Se sont abstenus :

MM. Drubbel, Tack, Van Cromphaut, Vanden Steen, Cruyt, De Lehaye, de Smet et de Theux.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Drubbel. - Messieurs, les votes que j'ai précédemment émis à l'occasion de l'article 9 expliquent suffisamment les motifs de mon abstention.

Je n'ai pas volé contre l'article 9, parce j'approuve la disposition de cet article.

Je n'ai pu voter pour, parce que je désapprouve les amendements qui y ont été introduits. Je considère comme illogique, une fois que l'on a admis comme suffisante la majorité relative pour les élections au Sénat et à la Chambre, d'exiger la majorité absolue pour les élections à la commune et à la province.

M. Tack, M. Van Cromphaut et M. Vanden Steen déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs.

M. Cruyt. - Je me suis abstenu parce que le gouvernement ayant annoncé l'intention de proposer un autre moyen de remédier aux abus du ballottage, j'ai cru inutile d'émettre de nouveau en ce moment un vote sur l'article.

M. De Lehaye. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Drubbel.

M. de Smet. - Pour les mêmes motifs.

M. de Theux. - Pour les mêmes motifs.

Article nouveau

MpThibaut. - Messieurs, il y un article nouveau présenté par M. le ministre de l'intérieur.

« Le deuxième et le troisième paragraphe de l'article 19 de la loi électorale sont remplacés par la disposition suivante :

« Ils se réunissent en une seule assemblée si leur nombre n'excède pas 400.

« Lorsqu'il y a plus de 400 électeurs, le collège se divise en sections. »

Le reste comme, à l'article.

L'article 19 de la loi électorale porte :

« Les électeurs se réunissent au chef-lieu du district administratif dans lequel ils ont leur domicile réel. Ils ne peuvent se faire remplacer.

« Ils se réunissent en une seule assemblée, si leur nombre n'excède pas 600.

« Lorsqu'il y a plus de 600 électeurs, etc. »

M. Muller. - Le minimum de 200 est toujours maintenu. Il n'y a que ce seul changement que le chiffre de 600 est réduit à 400.

M. Frère-Orban. - Cela sera soumis à un second vote.

- L'article nouveau est adopté.

Article additionnel (nouveau)

M. le président. - L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a proposé un article nouveau ainsi conçu :

« Aucune élection ne pourra avoir lieu si les quatre cinquièmes des électeurs ne sont présents au premier tour de scrutin. »

M. Le Hardy de Beaulieu. - En présence de la déclaration du gouvernement et du vote que la Chambre vient d'émettre, je retire mon amendement.

Article 10 (du projet de la section centrale

« Art. 10 (projet de la section centrale). Les militaires de tous grades sont réputés domiciliés, quant a l'exercice de leurs droits politiques, dans la commune où ils avaient leur domicile au moment de leur entrée dans l'armée.

« Après avoir résidé pendant deux années consécutives dans une même commune, ils peuvent y prendre leur domicile politique pour toute la durée ultérieure de leur résidence ; mais, à l'expiration de l'année pendant laquelle ils auront cessé d'y résider, ils reprennent de plein droit leur premier domicile. »

M. Royer de Behr, rapporteur. - Je suis autorisé à déclarer, au nom de la section centrale, qu'elle retire cet article.

Article 10 (du projet de la section centrale

« Art. 11 (projet de la section centrale). Les déclarations en matière de contribution personnelle et de patente ne peuvent être réduites sans l'assentiment du contribuable ; toutefois, en cas de réclamation, celui qui se prévaut de l'impôt pour la formation du cens est tenu de justifier qu'il en possède les bases, sans pouvoir invoquer, comme moyen de preuve, son inscription au rôle des contribuables. »

M. le président. - Il y a une disposition proposée par l'honorable M. Bara de remplacer l'article 11 :

« Tout citoyen dont les déclarations en matière de contribution personnelle et de patente auront été réduites, de manière à le priver du droit électoral soit pour la commune, soit pour la province, soit pour les Chambres, pourra réclamer d'abord à la députation permanente, ensuite à la cour d'appel. Si sa réclamation est admise, il ne devra pas justifier du payement du cens, conformément à l'article 4 de la loi du 5 septembre 1865. Ce droit de réclamer appartiendra également aux personnes désignées aux articles 12 et 22, paragraphes 2 et 3 de la loi du 5 mai 1869. »

M. Bara. - Je voudrais savoir si le gouvernement ne se rallie pas à l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer.

M. Jacobs, ministre des finances. - Je demande la parole.

M. Bara. - Si M. le ministre le permet, je développerai d'abord les motifs sur lesquels j'appuie mon amendement.

L'article 11 de la section centrale introduit une présomption de possession de bases pour tout individu qui fait une déclaration en matière de patentes, etc., et décide que cette déclaration ne pourra pas être réduite sans l'assentiment du contribuable. Ainsi voici un commerçant qui déclare être dans telle classe de patentables et on est obligé de le maintenir dans cette classe.

Je dis que cela n'est pas admissible : le droit électoral ne peut pas dépendre de la volonté de l'individu, il doit dépendre de la réalité des bases du cens ; or, l'article 11 donne a un citoyen le moyen de se conférer le droit électoral par une simple déclaration. Et ce droit, il n'y aurait pas possibilité de le lui enlever, car l'article dit formellement que la déclaration en matière de contribution personnelle et de patentes ne peuvent être réduites sans l'assentiment du contribuable.

On ajoute, il est vrai, une exception : « Toutefois, dit l'article, en cas de réclamation, celui qui se prévaut de l'impôt pour la formation du cens est tenu de justifier qu'il en possède les bases, etc. »

Cela revient à dire : Au point de vue de la généralité des citoyens, le contribuable qui a fait une déclaration qui lui donne le droit électoral est électeur, mais les tiers peuvent réclamer. Est-ce sérieux ? Comment voulez-vous que des tiers soient à même d'apprécier si l'électeur possède réellement les bases ? Dans une ville comme Bruxelles, cela est-il possible ? Le droit de réclamer que l'on accorde à un tiers n'est donc pas sérieux, car il ne pourra pas être exercé, et dans un grand nombre de cas, une foule de citoyens parviendront à se faire inscrire sans droit sur les listes électorales. (Interruption.)

J'admets parfaitement pour les tiers le droit de réclamer, mais je dis qu'il n'est pas sérieux d'admettre que la base du cens existe par cela seul que le contribuable a fait sa déclaration.

C'est ce qui me faisait dire dans une précédente séance que par votre disposition vous alliez permettre de faire une foule de faux électeurs. La preuve en est dans une pétition qui a été adressée par le conseil communal de Berchem à la cour d'appel de Gand,

Dans la commune de Berchem comme dans beaucoup d'autres communes, des compétitions très graves existaient entre le collège échevinal et le conseil communal. Des élections devant avoir lieu, on s'est avisé de créer des électeurs et vous pouvez vous convaincre par la pétition qu'en deux ans le nombre des électeurs y a été augmenté d'une manière incroyable, à telles enseignes que la pétition constate que de 1866 a 1868 le produit de la contribution personnelle a augmenté de 16 p. c, celui du droit de patente de 150 p. c, celui du droit de débit des boissons alcooliques de 500 p. c, enfin celui du droit de débit de tabacs de 1,400 p. c. Avec ce système, on créait autant d'électeurs qu'on le voulait. Aussi, la députation permanente a réduit ces impositions, dont l'inexactitude est manifeste.

Mais, messieurs, si l'on admet ce principe et si vous admettez votre article 12, il en résultera qu'il va s'introduire une quantité considérable (page 1211) de faux électeurs dans le corps électoral, et c'est précisément ce que je ne veux pas. Je veux que la réclamation soit possible.

Maintenant, quelle objection me fait la section centrale ? Ce n'est pas le moment de proposer cet amendement ; c'est à la loi d'impôt proposée par le gouvernement qu'il faut le rattacher et c'est de cette façon seulement qu'il sera possible d'atteindre le but qu'on a en vue. Mais, messieurs, dans la loi d'impôts, je n'ai que la réclamation de l'intéressé ; je n'ai pas l'action populaire.

Le contribuable seul pourra réclamer ; mais il est évident qu'il ne pourra pas réclamer au delà de la cour d'appel ; car, pas plus que pour la surtaxe, vous ne permettrez, s'il s'agit de la confection des rôles de contributions, de réclamer auprès de la cour d'appel, vous ne permettrez, dans la loi fiscale, pour les sous-taxes de réclamer auprès de la cour d'appel. Voilà ce qui arrivera et voilà ce qui justifie mon amendement et le rend indispensable.

Si je présentais cet amendement à la loi d'impôts au lieu de le rattacher à la loi en discussion, je n'atteindrais pas évidemment le but que je me propose.

Je veux qu'en matière électorale pour les sous-taxes comme pour les surtaxes, on puisse réclamer auprès de la députation permanente et ensuite, s'il y a lieu, auprès de la cour d'appel. Vous admettez qu'on puisse, quand un individu est trop taxé, réclamer sa radiation des listes électorales auprès de la députation permanente et de la cour d'appel ; vous admettez qu'un tiers puisse faire cette réclamation. Pourquoi donc ne pas admettre le même droit de réclamation en cas de taxe insuffisante ? (Interruption.)

Faites bien attention, messieurs, que le droit de, réclamation accordé aux particuliers seulement est illusoire, sans effet dans la pratique. Du moment que vous avez accordé ce droit en matière de surtaxe, vous devez l'accorder également en matière de sous-taxe. Et cela est indispensable surtout, messieurs, sous l'empire d'une législation qui crée des électeurs nouveaux à dix francs.

Où trouverez-vous des citoyens taxés à huit, neuf francs assez fermes pour conduire leur action de la députation permanente à la cour d'appel et disposés à supporter les frais de ces instances, alors qu'ils se trouveront parfois en présence de clients des deux partis qui les dissuaderont de poursuivre leurs instances ?

Il faut donc que des tiers puissent se substituer à eux et réclamer leur inscription sur les listes en prouvant qu'il y a taxe insuffisante.

C'est pourquoi je propose mon amendement, qui a pour objet d'accorder le même droit en cas de sous-taxe qu'en cas de surtaxe ; celui de réclamer auprès des députations permanentes et ensuite auprès des cours d'appel.

M. Jacobs, ministre des finances. - Le gouvernement a eu déjà l'occasion de déclarer qu'il ne se ralliait pas à l'article de la section centrale. Il n'adhère pas non plus à l'amendement de M. Bara.

Je fais remarquer d'abord qu'aucune des dispositions proposées ne réaliserait le but qu'on a en vue. L'amendement de M. Bara commence ainsi :

« Tout citoyen dont les déclarations en matière de contribution personnelle et de patente auront été réduites... pourra réclamer. »

Or, dans le plus grand nombre des cas, ce n'est pas la déclaration qui est réduite en matière de droit de patente ; c'est une classification du patentable qui n'est pas acceptée par lui ; les répartiteurs ont admis sa déclaration d'exercice de telle ou telle profession et ils l'ont classé dans une classe qui lui semble trop élevée ou trop basse ; mais en le classant on ne réduit rien ; on se borne à statuer sans se préoccuper d'autre chose que de la gradation à établir entre lui et les autres patentables de même nature.

A part cette première considération, d'après laquelle les deux amendements ne pourvoiraient pas au plus grand nombre des cas qu'ils ont en vue, l'honorable M. Bara, - je ne m'occupe que de son amendement, attendu que je me suis déjà expliqué sur l'article de la section centrale, - l'honorable membre met en quelque sorte la charrue devant les bœufs.

Aujourd'hui, en matière de réclamations fiscales, voici ce qui se produit. L'article 28 de la loi du 21 mai 1819 permettait aux patentables qui se croyaient surtaxés de réclamer devant la députation permanente. La loi du 22 janvier 1849 leur donna le recours en cassation ; celle du 22 juin 1865 a généralisé la compétence des députations permanentes et de la cour de cassation pour les réclamations en matière de contributions directes en général.

Cependant, jusqu'aujourd'hui, le patentable qui se croit surtaxé ne peut, d'après la cour de cassation, réclamer devant la députation permanente.

Il est le seul qui n'ait pas obtenu ce droit de réclamation. Nous proposons, dans la loi d'impôts, de combler cette lacune.

L'honorable membre va plus loin ; sans s'inquiéter de combler cette lacune, sans donner aucun recours en. matière fiscale, il vient donner à ce patentable un recours électoral ; il lui dit : Je ne me soucie pas de savoir si vous payez le cens, mais je vous permets de soutenir devant la juridiction électorale que votre cotisation est insuffisante ; qu'elle devrait atteindre le cens électoral, et si votre réclamation est admise, vous profiterez du cens au point de vue électoral, mais vous ne le payerez pas au point de vue fiscal.

Il ne payera pas, car l'honorable M. Bara, dans son amendement, dit : « si sa réclamation est admise, il ne devra pas justifier du payement du cens. »

II n'en pourra justifier puisque au point de vue fiscal, il ne le doit pas et qu'il ne le paye pas. Or, comme le disait M. Pirmez, en m'interrompant tantôt, la base de notre droit électoral, c'est qu'il ne suffit pas de posséder les bases du cens, mais qu'avant tout il faut le payer.

Quel recours faut-il donner d'abord au contribuable qui n'a pas été suffisamment taxé ? Le recours électoral ? Non, le recours fiscal.

Ce recours a lieu devant la députation permanente. Si ce recours à la députation permanente ne suffit pas, on verra s'il y a lieu d'aller jusqu'à la cour d'appel et d'introduire l'action populaire en matière fiscale. Mais l'on ne pourra admettre que celui qui ne paye pas l'impôt soit considéré comme électeur, dès qu'une députation permanente ou une cour d'appel décide qu'il possède les bases de l'impôt. Il ne suffit pas des bases du cens, mais il faut le payement.

M. Bara. - Evidemment l'honorable ministre des finances a le droit de faire la critique de mon amendement au point de vue du payement du cens.

Mais je ne pouvais pas tenir compte de la loi fiscale qui n'a pas été modifiée.

Quand vous aurez introduit dans votre loi fiscale une disposition analogue à celle que je viens de proposer, vous n'aurez rien changé pour le droit électoral ; il sera permis de réclamer au moment où les rôles de l'impôt sont dressés ; mais il ne sera pas permis de réclamer en matière électorale. Or, c'est précisément le contraire qui existe maintenant en matière de surtaxe. Lorsqu'il y a surtaxe, on peut réclamer contre la cote qui a été fixée lors de la révision des impôts ; on a le droit de réclamer à nouveau devant la députation permanente comme tribunal électoral et devant la cour d'appel. Ou quand vous aurez introduit la disposition que je propose, dans la loi fiscale, vous n'aurez pas le droit de réclamer devant la députation permanente et devant la cour d'appel comme tribunaux électoraux.

Cela ne sera pas possible.

Par conséquent, on n'aura pas atteint le but que je me suis proposé.

Je veux mettre les réductions de déclarations absolument sur la même ligne que ce qui se passe en matière de réclamations électorales en cas de surtaxe. Et l'honorable ministre des finances est obligé de reconnaître que cela est juste.

Eh bien, si cela est juste, il faut que, lors de la révision des listes électorales, j'aie les mêmes garanties en cas de sous-taxe qu'en cas de surtaxe. Si vous renvoyez ma disposition à la loi fiscale, je n'ai plus ces garanties. Et puis allez-vous admettre que tous les citoyens, lors de la confection des rôles d'impôts, auront le droit de réclamer contre la manière dont d'autres auront été taxés ? Mais alors, il faudra une publication du rôle des contributions ; il faudra que la liste des cotes soit affichée et vous allez avoir une besogne et une procédure impossibles.

Maintenant, je dois faire observer à l'honorable ministre que le refus d'admettre les réclamations auprès de la députation permanente et auprès de la cour de cassation en matière de sous-taxe n'est que récent. Il y a un arrêt de la cour de cassation du 24 avril 1854 qui admettait parfaite--ment les réclamations en matière de sous-taxe, et à cette époque toutes les députations permanentes permettaient aux citoyens de se pourvoir contre la sous-taxe. Ce n'est qu'en 1864, sur un pourvoi du ministre des financés, qu'on a admis un système contraire. Or, ce que va rétablir votre projet sur les impôts, c'est cette ancienne jurisprudence : mais je veux plus, je veux que sur le terrain électoral les réclamations en matière de sous-taxe, soient absolument sur la même ligne que les réclamations en matière de surtaxe. Eh bien, tous les amendements que nous introduirons dans la loi fiscale ne nous feront pas atteindre ce but,

L'honorable ministre des finances est obligé de le reconnaître ; s'engage-t-il à faire un projet de loi spécial nous permettant de réclamer (page 1212) devant la députation permanente et la cour d’appel contre les sous-taxés en matière électorale ?

Dans ce cas, je retire mon amendement.

M. Jacobs, ministre des finances. - J'examinerai ce qu'il est possible de faire.

M. Bara. - Votre intention est absolument la même que la mienne puisque vous disiez tout à l'heure que vous vouliez admettre l'intervention de la cour d'appel en matière financière ; eh bien, cette intervention n'est possible que pour la confection des listes électorales.

Si maintenant ma rédaction ne convient pas, on pourrait la modifier et dire ceci : « Tout citoyen qui aurait été imposé du chef de la contribution personnelle et de la patente à une cote trop faible, de manière à être privé du droit électoral, soit pour la province, soit pour la commune, soit pour la Chambre, pourra réclamer d'abord devant la députation permanente, ensuite devant la cour d'appel, etc. »

Je crois, messieurs, que le principe de cet amendement pourrait être adopté sauf à modifier la rédaction au second vote.

M. Royer de Behr, rapporteur. - Je crois que si l'honorable M. Bara m'avait laissé dire quelques mois, il se serait épargné le discours qu'il vient de prononcer.

En présence des déclarations du gouvernement, la section centrale tout entière, sauf M. Van Humbeeck, qui n'a pu être consulté à cet égard, retire son amendement.

M. Bara. - L'honorable M. Royer de Behr se trompe. Mon amendement provient de ce que la jurisprudence que le gouvernement admet décide qu'en matière de surtaxe on a le droit de réclamer auprès de la députation permanente et de la cour d'appel. Eh bien, je demande que le même droit existe en matière de sous-taxe. Je demande qu'on applique à la sous-taxe les principes qui existent pour la surtaxe. Je dis que la procédure doit être la même. Vous ne pouvez avoir des droits différents pour faire rayer un citoyen et pour en faire admettre un sur les listes électorales.

M. Tack. - Je viens faire deux observations sur la rédaction de l'amendement de l'honorable M. Bara.

D'abord, sur le paragraphe qui porte : « Si sa réclamation est admise, il ne devra pas justifier du payement du cens, conformément à l'article 4 de la loi du 5 septembre 1865. »

Ce paragraphe, selon moi, est ou inutile ou inadmissible. Il est inutile, s'il s'applique exclusivement à l'année courante, à l'année pendant laquelle on forme les listes électorales, puisque déjà il y a une disposition formelle de la loi qui porte qu'il ne faut pas justifier du payement du cens pendant l'année courante, mais qu'il faut justifier de ce payement pendant les deux années antérieures sous l'empire de la loi actuelle, pendant l'année antérieure sous l'empire de la loi nouvelle.

L'amendement est donc inutile, s'il ne doit s'appliquer qu'à l'année pendant laquelle se fait la révision. Il est inadmissible, s'il doit s'appliquer à l'année antérieure. Pourquoi ? Parce qu'il devient, dans ce cas, inconstitutionnel. Vous diriez dans la loi qu'il peut y avoir des électeurs qui ne payent aucun cens.

À ce point de vue, ce paragraphe doit être supprimé. Vous ne pouvez revenir sur les cotisations de l'année antérieure, qui sont définitives. Vous ne pouvez permettre de réclamer sur ces cotisations pendant l'année de la confection des listes.

Je ferai une seconde observation quant au paragraphe final qui porte : « Conformément à l'article 4 de la loi du 5 septembre 1865. » Il faudrait dire : « Conformément à l'article 7 de la présente loi, attendu que l'article 7 vient modifier ta loi du 5 septembre 1865.

L'article 4 de la loi du 5 septembre 1865 est abrogé par la disposition nouvelle que la Chambre a votée sur l'article 7.

M. Bara. - Pour faire droit à l'observation de l'honorable M. Tack, je modifie mon article en disant ceci : « Si la réclamation est admise, il sera inscrit sur les listes électorales en justifiant du paiement du cens, conformément, à la loi. »

L'article 4 de la loi du 5 septembre 1865 doit être maintenu, parce qu’il parle d'un mode de justification.

Quant à l'article 7 de la loi en discussion, on ne pourrait le mentionner ici, mais je crois qu'il vaut mieux de dire : « Conformément à la loi. »

Que fera l'électeur ? Il ira payer sa cotisation ; il montrera sa quittance du receveur et on sera obligé de l'inscrire. Des lors, il n'y a plus de difficulté.

Mon amendement serait donc ainsi rédigé : • »Tout citoyen qui aura été imposé du chef de la contribution personnelle et de la patente à une cote trop faible, de manière à être privé du droit électoral, soit pour la province, soit pour la commune, soit pour la Chambre, pourra réclamer d'abord devant la députation permanente, ensuite devant la cour d'appel, Si sa réclamation est admise, il sera inscrit sur les listes électorales, en justifiant du payement du cens conformément à la loi. Ce droit de réclamer appartiendra également aux personnes désignées aux articles 12 et 22, paragraphe 2 et 3 de la loi du 5 mai 1869. »

M. Jacobs, ministre des finances. - Je ne sais si l'honorable membre se rend bien compte des termes de son amendement. Il nous dit : « Si la réclamation es1 admise, le contribuable sera inscrit sur les listes électorales à condition de justifier du payement du cens. » Mais qu'est-ce que c'est que cette admission de la réclamation ? C'est une décision de la cour d'appel déclarant qu'il doit être inscrit sur les listes électorales. Dès lors l'électeur n'a plus de justification à faire.

M. Bara. Il ne sera pas admis au vote s'il ne justifie pas du payement du cens.

M. Jacobs, ministre des finances. - La cour d'appel va donc prendre une décision conditionnelle : elle dira que le contribuable sera inscrit sur la liste électorale, si dans tel délai il a payé le cens. Cela est-il possible ? Pour pouvoir être inscrit sur la liste électorale, il faut deux choses : la possession des bases et le payement du cens ; si ces deux conditions ne sont pas remplies au moment où la cour d'appel statue, elle n'ordonnera pas l'inscription.

M. Bara. - La cour d'appel dira : Vous serez inscrit sur la liste électorale, à la condition de payer le cens, de même que dans une foule d'arrêts elle dit : Vous êtes libéré moyennant de faire ceci ou cela.

Je ne comprends pas comment l'honorable ministre n'adopte pas mon amendement. S'il trouve la rédaction mauvaise, on la modifiera au second vote. Nous sommes d'accord. L'honorable ministre ne peut pas admettre qu'on n'ait pas le droit de réclamer de la même manière en cas de sous-taxe que dans le cas de surtaxe ; il ne peut pas y avoir un droit différent lorsqu'il s'agit de faire inscrire un électeur et lorsqu'il s'agit de le faire rayer ; il faut que le même droit existe dans les deux hypothèses.

M. Frère-Orban. - L'honorable M. de Theux a souvent signalé dans cette Chambre l'inconvénient qui résultait, selon lui, de ce que les cotes de certains contribuables peuvent être réduites, par les répartiteurs, par exemple, en matière de patente. Dans cette discussion même, il est revenu sur ce point. Il a dit qu'il fallait porter remède à cet abus. C'est un remède qui est maintenant proposé.

Je ne dis pas, à première vue, que c'est celui-là qui doit être nécessairement admis, mais comme il a été reconnu que les réclamations peuvent être portées devant la députation permanente et devant la cour d'appel, lorsqu'il y a contestation sur le point de savoir si l'on possède, oui ou non, les bases du cens, il doit être admis aussi qu'on peut réclamer lorsque l'on a été déclassé et cela uniquement dans le but de vous enlever le droit électoral. Le principe semble donc bon et s'il est bon dans un cas, il doit l'être dans l'autre.

Eh bien, il me semble qu'il n'y a aucun inconvénient à admettre l'amendement au premier vote ; d'ici au vote définitif, on pourra examiner. Je ne prétends pas que l'amendement soit parfait, mais je demande que le gouvernement l'examine.

Le vice de notre système d'impôts est celui-ci : nous n'avons pas, en matière de contribution personnelle ni en matière de patentes, de base fixe ; cela dépend d'appréciations, soit de l'appréciation du contribuable, soit de l'appréciation des experts, soit, en matière de patentes, de l'appréciation des répartiteurs.

il n'y a donc ni certitude, ni sécurité, et il est impossible d'arriver à quelque chose de certain aussi longtemps qu'on n'aura pas trouvé un mode qui soit fixe comme la contribution foncière. Cela n'est peut-être pas impossible, mais, en attendant, il faut que le citoyen ne soit pas lésé d'une manière ni de l'autre, soit parce qu'il est surtaxé, soit parce qu'il est sous-taxé. Faisons en sorte de faire respecter ses droits. C'est à quoi l'on vise.

L'honorable ministre des finances a dit qu'il avait l'intention d'atteindre ces abus. C'est également l'intention de l'honorable M. Bara et la nôtre.

Adoptons donc au premier vote cet amendement. On pourra ensuite examiner mûrement avant le second vote.

M. Dumortier. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour présenter les observations que vient de faire l'honorable M. Frère.

Il est un fait certain, c'est que depuis quelques années, nous avons vu réclamer contre ce fait que nous avons considéré avec raison comme scandaleux, que des contrôleurs de contributions, des répartiteurs abaissaient la cote lorsqu'elle approchait du chiffre du cens. C'est une véritable forfaiture.

(page 1213) [Une ligne illisible.] long sur cette matière si l’occasion s’en présentait.

Que faut-il faire ?

.J'accepte la proposition de l'honorable- Frère, bien que je n'admette pas les motifs donnés par l'honorable M. Bara à l'appui de son entendement. Mais, d'ici au second vote, nous pouvons établir un système efficace. Permettez-moi d'indiquer comment je le comprends.

Je ne présente pas d'amendement, mais on pourra examiner.

On devrait inscrire dans la loi que lorsque l'électeur est dégrevé d'une contribution sans l'avoir demandé, il doit lui être facultatif de reprendre la contribution qu'il a payée antérieurement.

- Un membre. - Pourvu qu'il ait les bases.

M. Dumortier. - C'est bien étendu.

On a toujours les bases.

C'est pour la patente et des objets de ce genre que l'on abaisse le cens.

Si vous autorisez l'électeur auquel on signifie qu'il est écarté de la liste parce que son cens est réduit, à dire au contrôleur et au répartiteur : Je veux payer le cens que j'ai payé l'année passée et les années précédentes, vous aurez empêché une énorme quantité d'abus.

Il faut pour cela une rédaction que nous n'avons pas encore, mais si nous votons l'amendement de l'honorable M. Bara, comme vient de le proposer l'honorable M. Frère, d'ici à mardi, on aura trouvé une rédaction qui fera disparaître ce grief.

Nous avons signalé cela depuis longtemps comme un scandaleux abus. Il faut être conséquent, logique.

Ce sont surtout les électeurs à 42 fr. 32 c. qui seront frappés. Il faut empêcher qu'à l'avenir ces abus ne se perpétuent.

Je ne vois pas que l'amendement proposé par l'honorable M. Bara soit suffisant. En effet, l'électeur devra plaider devant la députation permanente, devant la cour d'appel et qu'est-ce qu'il plaidera ? Je ne vois pas le moyen d'asseoir une cause ; il viendra dire qu'on l'a écarté indûment, mais cela ne suffira pas, il faudra qu'il le prouve. Et comment la cour d'appel pourra-t-elle juger dans une cause semblable ? La base fait défaut.

Cependant j'accepte l'amendement de M. Bara afin qu'au second vote nous puissions aviser à remédier aux abus qui se produisent. Si vous n'acceptez pas un amendement aujourd'hui, vous ne pourrez pas revenir sur ce point au second vote.

M. De Lehaye. - Pardon.

M. Dumortier. - Non, vous ne le pourrez pas.

M. Jacobs, ministre des finances. - Dans ces conditions, nous pouvons nous rallier à l'amendement.

M. Frère-Orban. - Je ne puis laisser passer ce que vient de dire M. Dumortier que des abus scandaleux auraient été commis au détriment d'électeurs et que ces abus n'auraient pas été réprimés...

M. Dumortier. - Je n'ai pas dit qu'ils n'avaient pas été réprimés.

M. Frère-Orban. - Des abus ont été plusieurs fois signalés dans la Chambre et chaque fois j'ai demandé qu'on précisât les faits ; or, on ne m'a jamais répondu que d'une manière vague ; de faits précis, on n'en a jamais indiqué.

Il est arrivé à ma connaissance, par l'intervention spontanée des propres agents de l'administration des finances, que je dirigeais alors, des faits qui étaient répréhensibles, mais je n'ai pas hésité un seul instant à les réprimer. Dans le cas le plus important, les faits n'étaient pas imputables aux agents directs de l'administration ; il y avait eu seulement négligence, absence de surveillance, et je n'ai pas hésité à punir.

Quoi qu'il en soit, le contrôleur des contributions ne peut pas agir comme suppose M. Dumortier.

En ce qui concerne la contribution personnelle, l'impôt est établi sur la déclaration même du citoyen, c'est sur sa propre déclaration qu'il est taxé ; cette déclaration peut être contestée par l'administration ; elle peut être contestée soit parce que la déclaration est insuffisante, soit même d'après un arrêt de la cour de cassation que j'ai eu l'occasion de citer dans la discussion, soit même si le contribuable s'est surtaxé pour arriver au droit électoral.

En matière de patente, c'est une commission de répartiteurs procédant avec les agents du fisc qui statue. Il y a là, comme je l'ai exposé ailleurs, certaines garanties.

C'est à combiner les diverses garanties qui existent déjà dans la loi avec les garanties nouvelles que doit s'appliquer le gouvernement. C'est dans cette voie qu'il faut chercher la solution de la question.

Il faut examiner quelles sont les règles qui existent actuellement en matière de contribution personnelle et de patente, rechercher les exigences [deux lignes illisibles] afin que l’on puisse indûment acquérir le droit électoral ou en être privé lorsque on en possède réellement les bases.

M. Tack. - Voici un amendement que je soumets à l'appréciation de la Chambre ; elle pourra l'examiner d'ici au second vote ; il est ainsi conçu :

« Les députations permanentes, de même que les cours d'appel, pourront être saisies, au point de vue des inscriptions sur les listes électorales, des réclamations contre les surtaxes ou contre les cotisations insuffisantes de l'année courante en matière de contributions directes. Ce droit de réclamer appartiendra également aux personnes désignées aux articles 12 et 22, paragraphe 2 et 3 de la loi du 5 mai 1869. »

C'est la proposition de M. Bara, mais autrement rédigée.

- L'amendement de M. Tack est appuyé, il fait partie de la discussion.

M. Bara. - Cette rédaction est impossible. L'honorable membre dit :les cours d'appel seront saisies des réclamations, etc. ; puis il ajoute, ce même droit appartiendra ; or, il n'a pas dit à qui ce droit appartient d'abord. Il me semble que mon amendement est plus clair et préférable ; il porte : Tout citoyen qui aura été sous-taxé de chef de la contribution personnelle et du droit de patente, pourra réclamer. Puis j'ajoute : Le même droit appartiendra, etc. En réalité, votre rédaction ne confère de droit à personne.

M. Tack. - La première partie de mon amendement correspond à la rédaction présentée par M. le ministre des finances dans le projet de loi apportant des modifications à certaines lois d'impôts. Je propose de dire :

« Les députations permanentes, de même que les cours d'appel, pourront être saisies, au point de vue des inscriptions sur les listes électorales, des réclamations contre les surtaxes ou contre les cotisations insuffisantes de l'année courante en matière de contributions directes.

M. Bara. - Mais vous ajoutez : « Ce même droit... » Quel droit ?

M. Tack. - La seconde partie de mon amendement est empruntée au vôtre ; elle tend à consacrer l'action populaire ; et je ne vois pas la contradiction qu'un lui reproche.

M. Bara. -Votre amendement est mal conçu, parce que vous avez pris la rédaction tic l'article 9 du projet du gouvernement ; mais vous n'avez point pris garde que, comme cet article n'accordait pas de droit aux tiers, il n'avait pas à dire que le même droit appartenait aux intéressés.

Maintenant, vous ne pouvez évidemment pas combiner mon amendement avec la rédaction du gouvernement. Vous ne pouvez pas dire que le même droit appartient à une personne quand vous n'avez pas commencé par dire à qui il appartient préalablement.

Je demande donc que la Chambre vote mon amendement. D'ici au second voie, on examinera s'il y a lieu d'en modifier la rédaction. Mais le principe sera admis.

M. Tack. - J'ai copié littéralement la rédaction proposée par M. le ministre des finances, sauf que les réclamations sont restreintes aux cotisations insuffisantes de l'année courante.

M. Bara. - Mais cette restriction n'est pas admissible. Vous devez conserver le principe de la loi électorale. Il n'y a pas de délai pour les cours d'appel ni pour la cour de cassation ; par conséquent, si vous restreignez les réclamations aux cotisations insuffisantes au délai d’une année, vous faites une chose qui est contraire à la loi électorale.

M. Tack. - On examinera (Interruption.)

M. le président. - Maintenez-vous votre rédaction, M. Tack ? Vous êtes d'accord au fond ; tâchez de cous mettre d'accord sur la forme.

M. Tack. - Je retire mon amendement ; quand on aura pu le lire, on pourra mieux l'apprécier.

M. le président. - Le gouvernement ne s'y oppose pas ?

M. Jacobs, ministre des finances. - Non, M. le président.

M. le président. - Voici la rédaction proposée en dernier lieu par M. Bara.

« Tout citoyen qui aura été imposé du chef de la contribution personnelle ou du droit de patente à une cote trop faible, de manière à le priver du droit électoral soit pour la commune, soit pour la province, soit pour les Chambres, pourra réclamer d'abord à la députation permanente, ensuite à la cour d'appel. Si sa réclamation est admise, il sera inscrit sur la liste électorale en justifiant du payement du cens conformément à la loi. Ce droit de réclamer appartiendra également aux personnes désignées aux articles 12 et 22, paragraphe 2 et 3 de la loi du 5 mai 1869. »

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

Dispositions générales

Article 12

(page 1214) « Sont abrogés :

« 1° Le paragraphe premier de l'article 3, l'article 4, le paragraphe 2 de l'article 21 et l'article 35 de la loi électorale ;

« 2° L'article 13, les trois derniers paragraphes de l'article 14 et l'article 30 de la loi provinciale modifiée par la loi du 20 mai 1848 ;

« 3° L'article 41 de la loi communale ;

« 4° Le dernier paragraphe de l'article 3 de la loi du 3 juin 1839 ;

« 5° La loi du 30 mars 1870, à l'exception des articles 1er, 2, 4 et 7. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Oui, M. le président.

M. Jacobs, ministre des finances. - Nous nous y rallions ; mais je dois faire remarquer que la Chambre, ayant maintenu la majorité absolue pour les élections générales, provinciales et communales, il n'y a plus lieu d'abroger ni l'article 33 de la loi électorale, ni l'article 30 de la loi provinciale, ni l'article 41 de la loi communale.

M. le président. - Voici donc comment serait conçu l'article 12 :

« Sont abrogés :

« 1° Le paragraphe premier de l'article 3, l'article41, le paragraphe 2 de l'article 21 et l'article 35 de la loi électorale ;

« 2° L'article 13, les trois derniers paragraphes de l'article 14 de la loi provinciale modifiée par la loi du 20 mai 1848 ;

« 3° Le dernier paragraphe de l'article 3 de la loi du 3 juin 1839 ;

« 4° La loi du 30 mars 1870, à l'exception des articles 1er, 2, 4 et 7. »

M. Frère-Orban. - Dans le numéro 5° de l'article en discussion, le gouvernement et la section centrale proposent l'abrogation de la loi du 30 mars 1870, à l'exception des articles 1, 2, 4 et 7.

Celte loi, dit-on,, a produit très peu d'effet. C'est tout au plus un électeur par commune. Eh bien, une loi aussi inoffensive me semble pouvoir être maintenue. Elle donne satisfaction à un grand nombre de réclamations ; elle admet au droit électoral, moyennant la réduction de la moitié du cens, le citoyen qui remplit certaines garanties de capacité. Pourquoi priver du droit électoral les personnes qui sont dans ces conditions ? quel mal y a-t-il à les maintenir eh possession de cet avantage ?

Je crois donc qu'il n'y a pas lieu d'abroger la loi du 30 mars 1870.

M. Jacobs, ministre des finances. - La Chambre a l'intention de ne voter que des dispositions ayant un effet sérieux. Lorsque la loi de 1870 a été proposée, on pouvait espérer lui voir produire des résultats sensibles.

Aujourd'hui que la Chambre a réduit le cens communal à 10 francs, quel résultat peut produire encore la loi de 1870 ? Aucun ; avec le cens uniforme de 10 francs, le cens réduit descend à 5, vous n'aurez presque pas un électeur en plus.

C'est une disparate que nous laisserions dans la loi.

Elle ne servirait qu'à donner en apparence une satisfaction à un principe que la Chambre a repoussé, celle de la combinaison de la capacité et du cens.

Il ne resterait dans la loi qu'à titre d'échantillon, sans caractère sérieux ! La Chambre ayant admis le cens à 10 francs, il n'y a pas lieu de descendre à 5 francs en faveur de ceux qui auront prouvé par certificats ou diplômes qu'ils ont fait quelques années d'études moyennes.

M. Frère-Orban. - Je ne crois pas que la droite puisse s'étonner parce que je demande le maintien d'un principe qui a été voté. J'ai toujours défendu le principe des capacités, en 1866, en 1870 et dans la discussion qui nous occupe en ce moment.

On a dit, messieurs, qu'on ne maintiendra ce principe dans la loi qu'à titre d'échantillon, que la mesure ne produira pas de résultat ou en produira peu. Mais alors quel mal cela peut-il faire ?

M. Coomans. - Je demande la parole.

M. Frère-Orban. - Quel inconvénient pourrait faire naître le maintien de cette loi ?

M. De Lehaye. - Le principe des capacités a été rejeté.

M. Frère-Orban. - Le principe des capacités n'a pas été rejeté. On n'a pas voté sur des principes, mais sur des systèmes. Le principe, d'ailleurs, loin d'être repoussé, a été sanctionné par la législature, puisqu'il se trouve dans une loi que vous voulez abroger et qui a été votée par une majorité qui valait bien la majorité actuelle.

Pourquoi aujourd'hui voulez-vous le faire disparaître ? Il donnera dans l'avenir plus de résultats qu'il n'a pu en donner jusqu'à présent, parce que jusqu'ici il n'a pas encore pu recevoir son application complète. Les listes d'établissements qui sont admis à délivrer des certificats de capacité ne sont pas même définitivement arrêtées. Si, d'après ce que le gouvernement nous a déclaré, peu de personnes ont fait valoir leurs droits, que peut-on redouter ?

Pourquoi dès lors vouloir faire disparaître cette législation ? Est-ce que la société sera mise en péril par ce principe ? Y a-t-il un mal quelconque à ce que les personnes ne payant qu'un certain cens, mais faisant preuve de capacités, puissent exercer leur droit électoral ? Où est le péril ? Où est le danger ? Il n'y en a pas. C'est donc pour effacer une loi qui a été votée qu'on demande aujourd'hui son abrogation. Il serait cependant parfaitement sage de laisser faire l'essai de ce nouveau système.

Il y a déjà, dans notre législation communale et provinciale, des électeurs de différentes catégories. On en aura une nouvelle. Quel mal en pourrait-il résulter ? (Interruption.)

Mais que faites-vous dans votre loi ? Vous admettez les délégations par les veuves. Voilà une catégorie particulière d'électeurs qui arrivent en vertu de votre loi.

Qu'est-ce que vous faites encore ? Vous admettez comme électeurs ceux qui ne payent pas la contribution, mais qui peuvent se. prévaloir de la contribution payée par autrui. Vous admettez la délégation du cens ; vous admettez que le tiers de la contribution payée par le propriétaire profitera au locataire. Vous admettez tous ces principes et vous ne voulez pas admettre comme électeur celui qui pourra justifier d'un certificat de capacités avec un cens réduit, non pas un cens qui sera payé par autrui, mais avec un cens réduit qu'il payera lui-même effectivement.

Il n'y aura pas plus de disparate dans un cas que dans l'autre et l'harmonie de notre législation n'en souffrira pas.

M. Coomans. - Messieurs, l'honorable préopinant nous demande quel mal il y aurait à lui donner la petite satisfaction d'amour-propre qu'il réclame. Le mal, messieurs, serait de rendre la Chambre ou tout au moins l'immense majorité de la Chambre ridicule et injuste.

L'immense majorité a voulu maintenir le cens, le cens seul. Vous voulez, vous, l'adjonction de la capacité. Je le répète, si vous étiez parvenus à formuler, à cet égard, dans la loi quelque chose qui ne prêtât pas trop à l'arbitraire, beaucoup d'entre nous se seraient ralliés à votre opinion. Mais vous vous êtes trouvés dans l'impuissance de le faire et aujourd'hui vous venez nous demander de décréter le contraire de ce que nous avons voulu.

Messieurs, toutes les raisons, sous ce rapport, se réunissent pour nous empêcher de donner à l'honorable préopinant la satisfaction qu'il réclame.

Il y a un autre motif : c'est que, selon moi, cette loi de 1870 est complètement insuffisante. Elle décerne un privilège, un véritable privilège, non pas à la capacité, mais à quelques capables. C'est un privilège que de reconnaître la capacité de quelques citoyens qui ont pu fréquenter le collège ou l'école d'adultes. Dans beaucoup de localités, dans presque toutes, il n'y a ni collège ni école d'adultes. Par conséquent, c'est un privilège que vous voulez poser, et nous n'en voulons d'aucune espèce, quand même il s'agirait d'un privilège qui paraîtrait fondé sur quelque chose de raisonnable.

Mais, dit l'honorable membre, acceptez ma loi, qui n'est pas, je le sais, parfaitement logique ; mais il y a tant de choses illogiques dans notre législation électorale ; une de plus n'y fera rien.

Si, ce sera toujours une chose illogique de plus, et je trouve, en effet, qu'il y en a bien assez. Donc, c'est un étrange argument de dire : Vous avez été amenés, par la force des choses, à décréter des dispositions illogiques. Continuez ; décrétez-en encore.

Messieurs, ce n'est pas ainsi que nous devons agir.

L'honorable membre tient encore ce langage : Maintenez ma loi ; car elle ne produira aucun effet. Non, elle n'en produira pas ; l'observalion de l'honorable ministre des finances est très juste ; cette loi qui n'a fourni jusqu'à présent qu'un demi-électeur par commune, qu'un demi-électeur, faites-y bien attention, ne fournira plus qu'un douzième d'électeur par commune quand le cens sera abaissé à 10 francs. Eh bien, faut-il, pour obtenir un résultat aussi faible, aussi piètre, que nous nous rétractions ? Faut-il soulever des montagnes pour en faire sortir des souris pareilles ?

(page 1215) Messieurs, je vous en prie, maintenons le principe de la loi, le cens, principe que je tâcherai, moi, de remplacer par un autre le plus tôt possible. Mais maintenons nos idées, repoussons celles qui y sont opposées, surtout quand, de l'aveu de leurs auteurs, elles ne peuvent produire aucun autre effet que de nous rendre ridicules.

M. Frère-Orban. - Messieurs, je ne mets certainement pas mon amour-propre, comme le suppose l'honorable préopinant, à faire maintenir la loi de 1870. Si je pouvais, en pareille matière, agir par un sentiment de cette nature, je serais réellement ridicule à mes propres yeux.

Je maintiens le principe, parce que je le crois bon et utile ; parce que je crois, et il me paraît que la discussion à laquelle nous nous sommes livrés l'a suffisamment démontré, que le système reposant exclusivement sur le cens a pour conséquence inévitable de nous conduire, dans un temps donné, là où presque aucun de nous ne veut aller.

Or, en maintenant ce principe qui existe dans la loi de 1870, qui est celui de la capacité combinée avec le cens, vous maintenez un principe salutaire et qui, à une heure donnée, sera peut-être invoqué par vous-mêmes. Vous pouvez le faire sans dommage, vous pouvez le faire sans aucun inconvénient. Non pas que je reconnaisse, comme on me le fait dire - c'est un moyen commode de discussion - que la loi ne doit produire aucun effet ; la loi produira des effets, non pas des effets immédiats, considérables, mais des effets dans l'avenir.

L'instruction n'est pas suffisamment répandue pour qu'un grand nombre de personnes puissent justifier qu'elles ont fait des études modestes que la loi exige, mais le nombre de ces personnes augmentera graduellement. Il s'agit de citoyens qui ont fréquenté au moins une école d'adultes, qui savent un peu plus que lire et écrire ou plutôt qui savent, en réalité, lire et écrire comme on l'a défini, de manière à pouvoir se rendre compte de la pensée d'autrui et exprimer sa propre pensée.

Ici la formule est pratique, elle ne prête pas à l'arbitraire ; la seule fréquentation d'une école d'adultes suffira pour faire constater le droit, sans arbitraire possible.

Vous dites maintenant : Mais l'école n'existe point ; il n'y a pas partout des collèges ou des écoles moyennes ; il n'y a pas même partout des écoles d'adultes ; il ne faut pas perdre de vue, messieurs, qu'à côté de la loi de 1870, on a décrété l'établissement d'écoles d'adultes, et lorsqu'il en existera sur tous les points du pays, tout le monde pourra les fréquenter et obtenir par cette fréquentation, combinée avec le payement du cens de 5 francs, le droit de faire partie du corps électoral.

Je demande si, en présence des dispositions de la loi en discussion, qui permettent la délégation de la veuve, qui permettent au propriétaire de déléguer le tiers de sa contribution en faveur du locataire, si en présence de ces dispositions on peut refuser le maintien d'une autre disposition qui permet à celui qui a fréquenté une école d'adultes d'exercer le droit électoral moyennant le payement de la moitié du cens ?

Il n'y a aucun motif pour justifier la demande d'abrogation de la loi de 1870. On est placé en face de ce dilemme : ou la loi ne doit produire que des effets restreints, et alors quel mal peut-il y avoir au maintien de cette loi ? ou bien la loi est destinée à produire des effets assez étendus et alors ne sera-ce pas une chose très utile à la société que de donner cette prime à l'instruction, de conférer le droit électoral à ceux qui auront un certain degré de capacité, non pas le degré de capacité qui est constaté par un diplôme, non pas le degré de capacité qui n'est accessible qu'à quelques-uns, mais un degré de capacité qui sera mis à la portée de tous les citoyens belges ?

M. De Lehaye. - La Chambre a décidé qu'elle n'acceptait pas le système des capacités. (Interruption.) On a voté sur l'article qui exclut le système des capacités, et cet article a été adopté par la Chambre.

La Chambre s'est prononcée d'une manière formelle à cet égard et ce n'est que par suite de cette décision que l'article est formulé.

Nous voulons abroger, dans les lois antérieures, les articles qui ont été, en principe, rejetés par la Chambre. Il me semble que l'on pourrait passer au vote.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

M. le président. - La parole est à M. Delaet.

M. Delaet. - Si la Chambre veut passer immédiatement au vote, je renonce à la parole ; mais si elle n'entend pas clore, je demande à parler.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Rogier. - II y a une proposition nouvelle. Je demande qu'elle soit discutée ?

M. le président. - Elle vient d’être discutée par les orateurs qui ont parlé. Elle à été appuyée par l'honorable M. Frère et combattue par l'honorable M. De Lehaye.

- Plusieurs voix. - La clôture !

- Il est procédé au vote par appel nominal sur la clôture.

93 membres y prennent part.

54 membres répondent oui.

39 membres répondent non.

En conséquence, la clôture est prononcée.

Ont répondu oui :

MM. Drubbel, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Royer de Behr, Santkin, Simonis, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion et Thibaut.

Ont répondu non :

MM. Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jamar, Jottrand, Lescarts, Muller, Orts, Rogier, Sainctelette, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Bricoult, Couvreur, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin et de Vrints.

M. le président. - Si la Chambre ne fait pas d'opposition aux premiers paragraphes, je les mettrai aux voix en une fois et nous pourrons voter séparément sur le dernier paragraphe dont M. Frère-Orban demande la suppression.

- Il est procédé au vote par assis et levé sur les trois premiers paragraphes, qui sont adoptés.

M. le président. - Nous passons au vote sur le dernier paragraphe.

- Des membres à gauche. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

95 membres y prennent part.

56 membres votent pour le maintien du paragraphe.

39 membres votent pour sa suppression. En conséquence, le dernier paragraphe est adopté.

Ont voté pour le maintien du paragraphe : MM. Drubbel, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Royer de Behr, Santkin, Simonis, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse Drion et Thibaut.

Ont voté pour la suppression du paragraphe :

MM. Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jamar, Jottrand, Lescarts, Muller, Orts, Rogier, Sainctelette, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Bricoult, Couvreur, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin et de Vrints.

Article additionnel (nouveau)

M. le président. - Il y a maintenant un article additionnel proposé par MM. Anspach, Orts et Funck.

M. Bergé. - J'ai l'honneur de proposer un amendement ainsi conçu : « Par mesure transitoire, sont admis au droit électoral tous citoyens déjà inscrits sur les listes électorales, en vertu de la loi du 30 mars 1870, lors de la promulgation de la présente loi. Leur droit à l'inscription sera maintenu aussi longtemps qu'ils continueront à satisfaire aux conditions exigées par ladite loi. »

- Des voix à droite : On vient de voter cela.

- L'amendement est appuyé.

(page 1216) M. Coomans. - Il me semble qu'il y a contre cette disposition nouvelle les mêmes raisons que nous avons fait valoir contre celle de M. Frère. Je la qualifie de nouvelle ; mais j'ai tort, car, au fond, c'est absolument la même chose : il s'agit encore une fois, tranchons le mot, d'humilier la majorité et le gouvernement, tous les adversaires de M. Frère. Voilà le but de cette proposition, et je regrette vraiment que l'honorable M. Bergé se soit prêté à cette mesure qui, à cette heure, est en quelque sorte un manque de respect envers la Chambre.

Vous voulez nous faire revenir encore une fois sur une question résolue à une majorité considérable ; et pourquoi, pour quelle autre raison que celle que j'ai indiquée ? Cependant, je dois le dire, j'entrevois une autre raison qui est peut-être la vraie. Très souvent, ce sont les vraies raisons qu'on ne dit pas.

Messieurs, quand on sera parvenu à maintenir indûment, selon la loi nouvelle et les principes, sur les listes électorales les demi-censitaires qui y ont été introduits depuis l'année dernière, on nous proposera de maintenir sur les listes électorales les cabaretiers faux électeurs qui y sont actuellement inscrits.

Ceci, messieurs, est une sorte de manœuvre préalable pour la campagne qu'on va faire en faveur des débitants de boissons fortes : in cauda venenum.

Messieurs, je vous en prie, ne prolongeons pas ce débat, qui me paraît peu compatible avec la dignité parlementaire.

M. Bergé.- Je m'étonne tout d'abord de l'espèce d'accusation lancée par l'honorable M. Coomans contre ma proposition. D'après l'honorable membre, j'aurais même manqué de respect envers l'assemblée en prenant la liberté grande de formuler cette proposition.

Je ne crois pas, messieurs, avoir en quoi que ce soit manqué au respect invoqué en faveur d'une décision antérieure, attendu que ma proposition est bien différente de celle sur laquelle a porté cette décision.

En effet, l'honorable M. Frère avait proposé le maintien de la loi de 1870 dans l'avenir ; ma proposition, au contraire, tend tout simplement à faire respecter les droits acquis en vertu de cette loi, à faire maintenir désormais sur les listes électorales les citoyens qui y ont été portés à la faveur de cette loi et qui pourraient en être exclus par application de la loi nouvelle.

Il y a certainement quelque chose de très grave d'enlever, à un moment donné, le droit électoral à une certaine catégorie de citoyens, alors surtout qu'elle se compose de citoyens qui à la condition du cens, quoique faible, joignent des garanties de capacité.

Or, c'est précisément cette catégorie d'électeurs auxquels vous allez enlever le droit que la loi de 1870 leur avait conféré. A peine ont-ils eu le temps de se faire inscrire sur les listes électorales que la loi nouvelle irait les en exclure.

C'est là, messieurs, un fait sans précédent, car dans toutes les circonstances, on s'est appliqué à conserver, par mesure transitoire, le droit électoral aux personnes qui devaient en être privées par une nouvelle législation.

L'honorable M. Coomans a établi un rapprochement entre ma proposition et celle qui, selon lui, se produira vraisemblablement lorsqu'on s'occupera des cabaretiers ; selon lui, ma proposition serait un premier jalon pour aboutir au maintien des cabaretiers, électeurs de par leur droit de débit de boissons, sur les listes électorales et il n'a pas craint de la qualifier de manœuvre.

II me semble, messieurs, que l'honorable M. Coomans est un peu prodigue d'accusations de manœuvre, de manque de respect, etc. C'est là une façon de faire qui n'est guère convenable. Il n'y a pas eu de manœuvre.

La proposition est toute spontanée, et elle est le résultat d'une réflexion que j'ai faite et qui était très naturelle. J'ai éprouvé un sentiment des plus justifiables. J'ai cru que le législateur ne pouvait pas enlever le droit électoral à certaines personnes qui le possédaient bien légitimement. Et voilà pourquoi j'ai fait la proposition.

Je ne pouvais pas naturellement la produire avant celle de l'honorable M. Frère, puisqu'elle est infiniment moins importante.

L'analogie des cabaretiers n'est pas évidemment sérieuse. Quand les cabaretiers cesseront de payer l'impôt particulier qui leur servait à former le cens électoral, ils ne se trouveront plus dans les conditions du régime censitaire, s'ils ne payent pas les impôts d'autres bases. Il n'y a donc aucune raison pour les conserver sur les listes électorales.

Je me résume en demandant qu'on n'enlève pas le droit électoral aux personnes qui en jouissent en vertu de la loi de 1870, parce qu'il est toujours d'un très mauvais effet d'enlever le droit électoral à certaines personnes qui n'ont commis aucune indignité pour en être exclues. Je comprendrais que, dans un moment donné, on privât du droit électoral certaines personnes qui n'en seraient plus dignes. Mais tel n'est certainement pas le cas des personnes dont je demande que le droit soit maintenu par la Chambre.

- La discussion est close.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Bergé.

- L'appel nominal est demandé. Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

92 membres sont présents.

38 répondent oui.

54 répondent non.

En conséquence, la proposition de M. Bergé n'est pas adoptée.

Ont répondu oui :

MM. Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jottrand, Lescarts, Millier, Orts, Rogier, Sainctelette, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Bricoult, Couvreur, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, De Lexhy, de Macar, Demeur. De Rossius, Descamps, Dethuin et de Vrints.

Ont répondu non :

MM. Drubbel, Dumortier, Gerrits, Rayez, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Royer de Behr, Santkin, Simonis, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Biebuyck, Coomans, Coremans Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion et Thibaut.

Article additionnel (nouveau)

M. le président. - Vient maintenant l'article additionnel proposé par MM. Anspach, Orts et Funk.

« Les conseils communaux seront renouvelés intégralement dans les six mois qui suivront la promulgation de la présente loi. Le Roi déterminera l'époque de la réunion des collèges électoraux, à l'effet de procéder à ce renouvellement, et celle de l'installation des nouveaux conseils. Les dispositions des articles 2, 3 et 4 de la loi du 1er mai 1848 seront appliquées au renouvellement des conseils communaux. »

- La discussion est ouverte. La parole est à M. Anspach.

M. Anspach. - Messieurs, dans une. de nos dernières séances, M. le ministre de l'intérieur a reconnu, de l'assentiment unanime de la Chambre, que le vote de la loi sur la réforme électorale rendait indispensable le renouvellement intégral des conseils communaux ; il a reconnu également que la première application de la réforme, en ce qui concerne les conseils communaux, devait être la plus rapprochée possible de la promulgation de la loi, afin d'abréger le plus qu'il est possible cette situation transitoire, mauvaise à plus d'un titre pour les assemblées communales et les bourgmestres des grandes villes.

Seulement, M. le ministre de l'intérieur rejette l'amendement que nous avons présenté et qui n'a pour objet que de traduire législativement ce qui est dans la pensée de tous.

Je me hâte de dire, non seulement en mon nom, mais aussi au nom des cosignataires de. l'amendement, que nous ne tenons pas le moins du monde au terme spécial que nous avons fixé ; si M. le ministre de l'intérieur a un autre délai plus convenable, nous sommes tous prêts à l'accepter. Dans cette situation, il est évident que nous avons le droit de demander au gouvernement de bien vouloir nous dire comment il entend traduire en fait ce qui est dans la pensée de tous, comment il entend donner satisfaction à un besoin dont il reconnaît l'impérieuse nécessité.

Je me permettrai de signaler à M. le ministre de l'intérieur quels inconvénients pourrait avoir le silence de la loi sur la première application de la réforme électorale.

Il y a d'abord toujours un inconvénient à laisser à l'arbitraire du gouvernement, comme il me semble que le gouvernement se le propose, le soin de choisir l'époque et l'heure où il procédera au renouvellement de tous les conseils communaux, c'est-à-dire un fait excessivement (page 1217) important. Mais ce n'est là que le petit côté de la question ; il y a des inconvénients beaucoup plus graves encore, et il peut arriver telles éventualités où nous nous trouverions dans une situation dont il nous serait excessivement difficile de sortir.

Je suppose, ce qui peut parfaitement arriver, que la loi ne puisse pas être promulguée pendant le cours de cette session. Je sais que le gouvernement, et il a peut-être raison d'y compter, pense obtenir, de sa majorité dans cette Chambre et au Sénat, les votes nécessaires pour arriver à la promulgation de la loi avant la fin de cette session, de telle sorte que le travail des communes pourrait, dès cette année, comprendre l'inscription des électeurs à 10 et à 20 francs. Mais cela peut aussi très bien ne pas arriver.

En effet, il suffirait pour cela de la présentation, par le Sénat, d'un seul amendement au projet de loi. Cela nécessiterait le renvoi du projet de loi devant la Chambre, et dans ce cas il serait très possible que la promulgation de la loi ne puisse avoir lieu qu'au mois d'octobre.

A cette époque, tout le travail des communes est terminé ; on en est à l'examen des réclamations devant la députation permanente et devant la cour d'appel.

Je demande ce qu'on fera dans ces circonstances ; je demande quelles mesures on prendra pour donner un effet rapide à la loi que nous allons voter. Va-t-on annuler toutes les opérations qui auront été faites par les communes ? Va-t-on en ordonner de nouvelles et sur quelles bases ? C'est, messieurs, ce qu'il conviendrait de nous dire.

Ou bien va-t-on laisser s'accomplir la suite des opérations commencées, de telle sorte que l'adjonction des électeurs de 10 et de 20 francs ne commencerait à être appliquée qu'au mois de juillet de l'année prochaine pour la confection des listes et que ce n'est qu'au mois de mai 1873 que les nouveaux électeurs seraient appelés à remplir leur nouveau mandat, à exercer leurs nouveaux droits. Mais il ne faut pas oublier qu'à la fin d'octobre 1872 doit avoir lieu le renouvellement partiel des conseils communaux.

Serait-ce une chose possible que d'admettre que les conseils communaux soient encore nommés par les électeurs anciens, à peu près une année après la publication de la loi ?

Ou bien est-ce qu'une mesure législative peut prolonger les mandats qui sont confiés par le corps électoral, lorsque les mandats sont expirés ? Je ne le pense pas. Nous nous trouvons donc là devant une impasse dont je ne vois pas très bien l'issue. Il est possible que nous puissions attendre de la sagacité de M. le ministre de l'intérieur une réponse à toutes ces questions, qu'elles soient faciles, mais je crois que nous avons le droit, que le pays a le droit de savoir quand le gouvernement entend appliquer pour la première fois la réforme électorale, que c'est là un fait assez important pour que nous sachions quand le gouvernement pense qu'il pourra dissoudre les conseils communaux et les conseils

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ma réponse, messieurs, sera très simple.

La loi n'existe pas encore. Elle n'existera que lorsque le Sénat aura été appelé à délibérer sur je projet de réforme électorale ; et tant que le Sénat ne se sera pas prononcé, tant qu'aux termes de l'article 20 de la Constitution, cette loi n'aura pas reçu l'approbation des deux Chambres et du pouvoir royal, nous nous trouverons dans un état provisoire pendant lequel le gouvernement n'a pas à se prononcer sur les mesures d'exécution.

L'honorable préopinant redoute une situation arbitraire qui ne peut se présenter. Ce n'est qu'en vertu d'un projet de loi spécial qu'il pourra y avoir lieu de pourvoir à l'exécution de la loi par la dissolution des conseils, communaux.

Lorsque la Chambre sera saisie de ce projet de loi spécial, l'honorable membre pourra reproduire toutes ses observations, et nous examinerons alors dans quel délai il faudra dissoudre les conseils communaux.

Dans l'état actuel des choses, nous voulons rester fidèles à tous les précédents, et nous croyons qu'aujourd'hui comme en 1848, il y aura lieu de saisir la Chambre d'une proposition spéciale, quant aux mesures d'exécution du projet de loi sur la réforme électorale.

M. Bergé. - Messieurs, je trouve l'argumentation de M. le ministre de l'intérieur assez étrange. En effet, que dit M. le ministre de l'intérieur ? On ne peut pas préciser la date de la mise en vigueur de la loi, par la bonne raison, qu'on ne sait pas quand le Sénat votera la loi et quand le Roi lui donnera sa sanction. Mais lorsqu'il s'agit de décréter une mesure quelconque, relative à la suppression des barrières, à la suppression du droit sur le sel, à une augmentation sur le sucre, ou toute autre mesure semblable, que fait le gouvernement ? IL propose de dire. A partir de telle époque, tel droit sera supprimé ou augmenté. Puis les Chambres décident et le pourvoir royal sanctionne. Si, par suite de certaines lenteurs législatives, il se fait que la loi ne peut être mise en vigueur à l'époque que l'on avait prévue, si la loi n'est pas promulguée assez tôt, le Sénat modifie la date ; c'est excessivement simple. La loi fait retour à la Chambre quant à la modification dont il s'agît.

Messieurs, il n'est pas si difficile de prévoir la possibilité de la mise à exécution d'une loi, et M. le ministre de l'intérieur doit parfaitement savoir à quelle époque celle dont nous nous occupons sera votée par le Sénat, non à quelques jours près, mais je lui concède une différence d'un mois ou de deux mois. Il ne faut pas, pour prévoir cela, un esprit d'une perspicacité extraordinaire, il ne faut pas être un phénomène. Il suffit de savoir à quelle époque on se propose de demander le vote de ladite loi au Sénat. (Interruption.)

- Des membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Bergé. - Messieurs, j'ai la parole. J'entends crier : Aux voix. Cette interruption n'est pas conforme au règlement, et ne fût-elle pas contraire au règlement, elle serait contraire à la bienséance.

Il me semble qu'il est très facile à M. le ministre de l'intérieur et au cabinet tout entier de préciser approximativement l'époque où la loi sera votée par le Sénat ; et par conséquent, il doit prévoir, dès à présent, quelle est l'époque à laquelle il entend en faire usage.

Je sais bien qu'il est très commode d'avoir en sa possession une loi et de ne l'appliquer que quand bon semble ; de manière qu'on a à sa disposition deux systèmes, et l'on peut appliquer l'un ou l'autre suivant les circonstances et les événements. Mais il s'agit de savoir si cela est légal, si cela est convenable, si cela est conforme aux principes de justice et d'équité.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable préopinant ne saurait comparer aux lois qu'il a citées, lois sur les barrières, lois financières, lois d'octroi, le projet si important dont la Chambre est saisie. A coup sûr, c'est un acte de déférence pour le Sénat de ne pas limiter, dès ce moment, la durée des délibérations qu'il consacrera à l'examen de cette loi.

L'honorable membre ne perd-il pas d'ailleurs de vue le travail long et difficile qu'il faudra aborder lorsqu'il s'agira d'inscrire dans les corps électoraux de la province et de la commune un nombre considérable da nouveaux électeurs ?

Je persiste donc à repousser les craintes exprimées par l'honorable préopinant. Aucune mesure arbitraire ne peut être prise : c'est au pouvoir législatif qu'il appartiendra de se prononcer.

M. Anspach. - Je déclare à la Chambre qu'il est absolument impossible que le gouvernement n'ait pas son idée et ses moyens pour l'exécution de la loi. Il est évident qu'il n'a pas proposé un projet qui transforme radicalement le corps électoral pour la commune, sans avoir sérieusement réfléchi à la manière dont la loi sera mise en pratique.

Et puis je dis que nous qui représentons spécialement les grandes administrations communales, nous avons le droit de savoir, comme le gouvernement a le devoir de nous dire quelles sont ses prévisions à cet égard. Je ne comprends pas qu'au banc ministériel on se retranche toujours derrière des fins de non-recevoir, lorsque des explications sont demandées.

On semble constamment nous dire : Vous n'aurez rien parce que nous avons la majorité dans la Chambre et parce que telle est notre volonté. M. le ministre de l'intérieur semble réellement demander une loi pour ne pas l'appliquer. Ce sera la première fois que dans le Parlement le gouvernement aura présenté une loi et qu'il aura refusé de répondre quand on lui a demandé quand il entendait appliquer cette loi.

- L'amendement de M. Anspach est mis aux voix par appel nominal.

87 membres sont présents.

54 rejettent.

30 adoptent.

3 s'abstiennent.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jottrand, Lescarts, Muller, Orts, Sainctelette, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Bricoult, Couvreur, d'Andrimont, David, Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, de Rossius, Descamps, Dethuin et de Vrints.

(page 1218) Ont voté le rejet :

MM. Drubbel, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Julliot, Keryyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rembry, Royer de Behr, Santkin, Simonis, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt} Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verwilghen, Amédée Visart, Wasseige, Wouters, Balisaux, Biebuyck, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion et Thibaut.

Se sont abstenus :

MM. Dupont, Rogier et Vandenpeereboom.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Dupont. - Je n'ai pas voté contre, parce que je ne puis admettre le silence majestueux dans lequel s'est renfermé M. le ministre de l'intérieur. La question posée par l'honorable M, Anspach est une de celles qui appelaient une réponse.

C'était un devoir pour le ministre d'y répondre.

Je ne pouvais voter pour, parce que je trouve que le délai est trop restreint.

M. Rogier. - Je me suis abstenu à peu près pour les mêmes motifs.

M. Vandenpeereboom. - Je n'ai pas voté contre la proposition parce que les explications de M. le ministre de l'intérieur né me semblent pas complètes et je n'ai pas voté pour, parce que je ne suis pas le moins du monde pressé de voir appliquer une loi contre laquelle je suis disposé à voter et que je considère comme mauvaise.

Je désire, au contraire, que l'exécution en puisse être ajournée le plus longtemps possible.

- La Chambre décide qu'elle procédera au second vote mardi.

La séance est levée à 5 heures.