(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, vice-président.)
(page 1187) M. Reynaert procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Algoet soumet à la Chambre un projet d'une grande opération financière. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La chambre de commerce et des fabriques de Charleroi adresse à la Chambre vingt exemplaires de son rapport général annuel sur la situation de l'industrie et du commerce de l'arrondissement de Charleroi pendant l'année 1870. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Dansaert, retenu par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
M. Pery de Thozée. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un rapport de la commission des naturalisations sur une demande de naturalisation ordinaire.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. Royer de Behr, rapporteur. - Dans sa séance d'hier, la Chambre a ordonné le renvoi à la section centrale de l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom et du sous-amendement de l'honorable M. De Lehaye.
Disons d'abord que l'honorable M. De Lehaye a déclaré à la section qu'il retirait son amendement.
Reste donc l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom.
L'honorable membre voudrait que l'article 9 du projet de loi fût conçu en ces termes :
« Nul n'est élu représentant ou sénateur au premier tour de scrutin s'il ne réunit plus des deux cinquièmes des voix. »
Après en avoir délibéré et entendu l'auteur de l'amendement, la section centrale croit devoir maintenir son projet.
Quel est le but principal de l'article 9 ?
C'est de réduire, autant que possible, le nombre des ballottages dont les inconvénients graves sont connus et constatés par presque tous les membres de la Chambre.
Le ballottage sera supprimé lorsque le candidat favorisé au premier tour de scrutin aura réuni le chiffre respectable des deux cinquièmes des votants.
La section est dominée par ce fait que, en général, l'élu du ballottage n'atteint pas ces deux cinquièmes.
Si le mandat de cet élu n'est pas vicié, comment celui de l'élu du premier tour le serait-il lorsqu'il est constaté qu'il dépasse cette moyenne des deux cinquièmes ?
Il faut choisir la limite d'après la constatation de ce qui se passe généralement au scrutin de ballottage. Pourquoi deux cinquièmes plutôt qu'un tiers ? Précisément parce que l'élu du ballottage obtient en moyenne au delà du tiers des voix ayant participé au premier scrutin, tandis qu'il n'obtient pas les deux cinquièmes.
On a par ce chiffre la garantie que les ballottages seront diminués sans que jamais l'élu soit choisi par une minime fraction du corps électoral ; les ballottages seront supprimés chaque fois qu'ils auraient donné un résultat moins sérieux que le premier tour de scrutin.
Cette règle est vraie pour les trois sphères d'élections, et il n'y a pas lieu de distinguer entre elles.
La Chambre, en restreignant les ballottages aux cas où l'élu du premier scrutin n'a pas un nombre considérable de suffrages, rendra la représentation du corps électoral plus sincère.
Puisqu'il faut se contenter de la majorité relative au second tour de scrutin, puisqu'on ne poursuit pas par scrutins successifs la majorité absolue, mieux vaut se contenter de la majorité relative au premier tour plutôt qu'au second, quand tout indique que l'élu du second ne réunira pas autant de voix que l'élu du premier.
Les abus des ballottages, répétons-le, sont tellement considérables, qu'il est devenu indispensable et urgent de chercher, autant que possible, à réduire le nombre des ballottages, puisqu'on ne peut entièrement les supprimer.
La section centrale maintient donc son amendement. Le restreindre, en acceptant la proposition de l'honorable M. Vandenpeereboom, ce serait une mesure injustifiable. On ne comprendrait pas, en effet, ce double régime électoral.
Dans les lois, il convient toujours de rechercher l'uniformité. Or, l'application de ce principe à tous les degrés électoraux remplit cette condition essentielle à toute législation durable.
Quant à la proposition de l'honorable M. Bara, la section centrale a jugé convenable de demander des renseignements à M. le ministre des finances, qui, entrant dans quelques explications, a fait comprendre à la section centrale que l'examen de cette proposition se placerait naturellement dans la discussion de la loi sur les impôts, dont la Chambre est saisie.
L'article 9 de ce projet donne compétence à la députation en cas de réclamation pour taxation insuffisante, comme elle a déjà compétence en cas de taxation exagérée.
On examinera à ce propos si, dans les deux cas (car on ne peut pas les séparer, comme le fait l'honorable M. Bara), il faut admettre le recours à la cour d'appel et l'action populaire. Il s'agit là, non de réclamations électorales, mais de réclamations fiscales ; les conséquences électorales ne changent pas la nature fiscale de la contestation.
M. le président. - La discussion est reprise sur l'article 9 et sur les amendements qui s'y rapportent.
M. Frère-Orban. - Messieurs, le système électoral qu'on nous propose me paraît avoir, sinon pour but, au moins pour résultat nécessaire, de falsifier complètement les élections.
On a admis, d'une part, un moyen de permettre, à très peu de frais, la fabrication d'électeurs. On n'exige plus que la possession annale, en faisant retour aux principes de la loi de 1831, dont les inconvénients, les vices ont été signalés par l'expérience et reconnus par la législature, on consacre de nouveau les fraudes qui ont été si justement flétries.
Les partis vont se mettre de nouveau à l'œuvre. On va chercher à créer des électeurs ; il n'en coûtera pas beaucoup pour en faire.
Si les partis n'existaient pas et si l'on n'avait affaire qu'aux individus, on n'en trouverait pas un très grand nombre disposés à faire des sacrifices, même petits, pour conquérir le droit électoral ; mais, quand les partis se chargent du payement de l'impôt, la fraude peut se pratiquer sur la plus vaste échelle.
Après avoir permis de fabriquer ainsi des électeurs, on n'exigera plus pour être élu que d'avoir obtenu les deux cinquièmes du nombre des (page 1188) sans même prendre la précaution, la garantie d'exiger un certain minimum relativement au nombre des électeurs inscrits.
C’est à l’aide de cette majorité - je me sers de ce terme, bien qu'il soit impropre - c'est à l'aide de cette minorité réelle que l'on obtiendra un mandat.
Des spéculations politiques vont se faire évidemment en vue de profiter du bénéfice de la disposition que l'on introduit.
En essayant de multiplier les candidats, de faire intervenir des concurrents, non pas en vue d'arriver à obtenir la majorité, mais dans le seul but d'enlever des voix à l'un ou à l'autre parti, on assurera bien plus facilement la nomination aux deux cinquièmes des voix.
Vous avez, pour vos diverses administrations, des élections réellement frelatées. Sur quoi se fonde-t-on pour introduire une innovation aussi grave dans nos lois ? Sur les inconvénients que présentent, dit-on, les ballottages.
Constatons, d'abord, que les ballottages sont très rares en Belgique ; les ballottages n'ont lieu que dans quelques collèges électoraux. L'honorable ministre de l'intérieur a indiqué le nombre de ballottages qui avaient eu lieu en dix ans ; eh bien, en dix ans, il a relevé dix-sept mandats qui n'ont été conférés qu'après un ballottage. Je dis que cela est très insignifiant.
Il n'y a donc eu, en dix ans, que dix-sept mandats seulement conférés après ballottage et cela dans deux ou trois collèges électoraux, pas davantage. Et pour nommer les choses par leur nom, pour bien désigner ce qu'on a eu en vue, je dirai que c'est principalement les élections de la ville de Gand qui préoccupent, à l'heure qu'il est, le gouvernement et la majorité ; c'est en vue de cas particuliers, exceptionnels, dont je ne veux pas dissimuler les inconvénients, mais c'est en vue de cas exceptionnels, pour lesquels, d'ailleurs, un remède a été unanimement accepté, qu'on introduit une disposition aussi grave dans nos lois. Eh bien, cela est injustifiable.
L'honorable ministre de l'intérieur a aussi relevé le chiffre des voix qui avaient été obtenues au premier scrutin et l'a comparé au chiffre des voix obtenues par ceux qui ont été définitivement élus. Il a trouvé que parmi les candidats qui n'avaient pas été élus, parce qu'ils n'avaient pas obtenu la majorité au premier tour, il s'en rencontrait qui, en somme, avaient obtenu plus de voix que ceux définitivement élus au ballottage. Mais ces chiffres ne prouvent absolument rien.
Au premier scrutin les partis étaient en présence : le plus grand nombre d'électeurs se trouvait sur les lieux ; toutes les voix possibles ont été données ; au ballottage, le parti qui reconnaît qu'il n'obtiendra pas la majorité, se retire de la lutte, il rend d'autant moins nécessaire la présence de ses adversaires ; il en résulte qu'il y a moins de voix données dans le ballottage, mais cela ne prouve absolument rien quant à la régularité du mandat qui est à conférer.
On s'est étayé, messieurs, pour justifier la disposition, de certaines législations étrangères. Eh bien, je crois qu'à une exception près, si elle persiste encore, on s'est en réalité trompé.
J'ai eu peu de temps pour faire des recherches et des vérifications à ce sujet ; j'ai compulsé un très grand nombre de législations d'Europe et d'Amérique, des Etats de l'Amérique du Nord comme de ceux de l'Amérique du Sud et partout j'ai rencontré la nécessité de la majorité absolue.
Trois exemples contraires ont été allégués par M. le ministre de l'intérieur ; l'un est relatif au Wurtemberg.
Il a semblé que M. le ministre de l'intérieur nous donnait en quelque sorte comme une législation modèle celle qu'il citait pour s'autoriser à introduire dans nos lois la majorité relative.
Je doute que la constitution de 1819, qu'a citée l'honorable ministre pour le Wurtemberg, soit encore en vigueur ; mais je vais montrer à la Chambre à quelle législation l'honorable membre a emprunté ses exemples.
La constitution du Wurtemberg de 1819 déclarait qu'il y aurait, en effet, deux chambres ; l'une, la chambre des seigneurs, l'autre, la chambre des députés.
Voici comment était formée la chambre des députés. Elle se composait :
1° De trois membres de la noblesse de chevalerie choisis par leur corps ;
2° De six surintendants ecclésiastiques de l'Eglise protestante ;
3° De l'évêque, d'un membre choisi par le Grand Chapitre dans son sein, et du plus ancien diacre de la confession catholique ;
4° Du chancelier de l'université ;
5° D'un député choisi par sept villes indiquées ;
6° Et enfin d'un député choisi par chaque bailliage.
Voilà quelle était la composition de la chambre des députés. Je ne sais pas si c'est là, messieurs, la chambre des députés modèle qu'a pu rêver M. le ministre de l'intérieur.
Voici maintenant quel était, sous l'empire de cette constitution, le régime électoral.
Les deux tiers des électeurs pour les villes qui avaient droit à une députation, et pour les districts ou bailliages, se composaient des citoyens qui payaient les plus fortes contributions à raison des biens dont ils étaient propriétaires ou usufruitiers. Le dernier tiers des électeurs était choisi dans le reste des contribuables.
Dans ce système, la constitution wurtembergeoise avait décidé deux choses : d'abord que les deux tiers des électeurs devaient voter pour valider l'élection ; ensuite que, dans cette élection, la majorité relative suffisait.
Eh bien, messieurs, cela a disparu ; c'est une vieillerie ; c'est de l'archéologie, mais ce n'est plus du droit positif. Ainsi qu'on le dit à mes côtés, les documents communiqués par le gouvernement lui-même établissent qu'aujourd'hui, dans le Wurtemberg, on exige la majorité absolue. Cet exemple est donc fort mal choisi ; c'est une très piètre autorité que M. le ministre de l'intérieur aurait mieux fait de ne pas invoquer.
L'honorable ministre a cité, en second lieu, la législation de la Grande-Bretagne. Cet exemple paraît avoir plus d'autorité, puisque c'est un pays qui pratique largement le régime constitutionnel.
J'ai cherché vainement dans la loi anglaise un texte qui se prononçât sur la question de savoir s'il faut la majorité absolue ou la majorité relative, et je ne pense pas qu'il en existe.
Si je consulte ceux qui ont écrit sur le droit anglais, je remarque que Laya n'en dit rien, que Fischel n'en dit pas davantage et que May, dans son histoire constitutionnelle de l'Angleterre, est également muet sur ce point.
M. Jottrand. - Block, dans son dictionnaire, affirme que c'est la majorité absolue.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est une erreur de Block.
M. Frère-Orban. - M. Block contredit, en effet, l'assertion de M. le ministre de l'intérieur. J'ai ses paroles sous les yeux.
M. De Franqueville dit que l'officier chargé du dépouillement proclame élu celui qui a obtenu le plus de voix.
Eh bien, je suis porté à croire qu'en effet, dans l'état actuel des choses, la majorité relative suffit en Angleterre, et voici pourquoi : le poll n'est pas dépouillé le même jour ; autrefois le poll restait ouvert pendant très longtemps. (Interruption.)
Je vous demande pardon, autrefois le poll restait ouvert pendant quinze jours, et dans les bourgs, pendant huit jours, les dimanches non compris. On conçoit parfaitement que, dans ce système, on n'ait pas exigé la majorité absolue ; la majorité relative, dans un pareil système, suffit complètement ; on a donné un temps très long à tout le monde pour arriver au scrutin.
Il est vrai que. la durée du poll a été successivement réduite et qu'aujourd'hui le poll n'est plus ouvert que pendant un jour, mais pendant un jour entier ; le poll est ouvert durant sept ou huit heures ; le dépouillement n'a lieu que le lendemain et c'est alors seulement qu'on admet la majorité relative. Mais, ne l'oublions pas, il y a eu un premier scrutin par la levée des mains.
Il y a donc, en réalité, deux scrutins, l'un par la levée des mains, et l'autre (si le poll est réclamé), pour lequel la majorité relative suffit.
Voilà pour le deuxième exemple cité par M. le ministre de l'intérieur.
Quant au troisième exemple cité par l'honorable ministre, il nous a dit que le régime en vigueur en France, depuis vingt-deux ans, était fondé sur la majorité relative. Ici M. le ministre de l'intérieur s'est complètement trompé.
Il est vrai que, par le décret des 5-6 mars 1846, article 9, il suffisait, pour être élu représentant du peuple, d'avoir obtenu 2,000 voix. Mais cette disposition n'a pas été maintenue ; on en a reconnu tous les inconvénients, et le décret réglementaire du 2 février 1852 porte, en termes exprès, à son article 36 : « Si aucun des candidats n'a obtenu la majorité absolue des suffrages et le vote en sa faveur du quart, au moins, des électeurs inscrits, l'élection est continuée au deuxième dimanche qui suit le jour de la proclamation du résultat du scrutin. » (Interruption.)
M. le ministre de l'intérieur me dit que dans les dernières élections on n'a exigé que la majorité relative. Ce n'est là qu'un expédient momentané. Ce n'est pas la preuve de son assertion que « depuis vingt-deux ans », le régime de la majorité relative était en vigueur.
(page 1189) Je me crois autorisé à dire, après cet examen, qu'il n'existe, pour ainsi dire, aucune législation électorale qui sanctionne, au premier scrutin, une majorité relative. (Interruption.)
Que l'on ait accidentellement rétabli ce système, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, ce n'est pas un exemple dont on puisse se prévaloir ; cela ne prouve pas en faveur de la bonté du principe ; cela n'infirme point cette vérité que, dans la législation électorale de presque tous les peuples, c'est la majorité absolue qui est exigée au premier tour de scrutin.
Eh, messieurs, c'est là l'essence du régime constitutionnel, du régime parlementaire ; c'est déjà quelque chose de grave que de décider que la moitié plus un va faire la loi à une minorité qui, en définitive, n'est pas la majorité à défaut seulement d'une voix ou deux. C'est déjà grave.
M. Coomans. - Très grave et très mauvais.
M. Frère-Orban. - Peut-être si l'on voulait s'approcher plus de la vérité, il faudrait exiger, au lieu de la majorité absolue, une majorité plus forte. Il ne faudrait pas s'en tenir à la moitié plus une voix.
M. Coomans. - Je l'ai dit hier.
M. Frère-Orban. - Vous l'avez dit hier, eh bien, je le répète aujourd'hui, et vous ne l'avez sans doute pas dit pour justifier la réduction de la majorité aux deux cinquièmes seulement des suffrages exprimés. Il faudrait peut-être se rapprocher plutôt d'un chiffre plus élevé que de descendre à un chiffre inférieur à la majorité absolue. Car, messieurs, quels résultats peut-on obtenir avec un pareil système ?
Ne parlons pas des élections politiques dans lesquelles les ballottages et les absences de majorité décidée sont l'exception, mais voyez l'immense majorité de cas pour l'administration du pays, pour la province et la commune. Il pourra se faire que dans des communes où des divisions très justifiées existeront à raison d'intérêts locaux, une minorité unie, si elle s'élève à deux cinquièmes des votants, constitue l'administration entière de la commune.
Est-ce admissible ? Pouvez-vous concevoir qu'on établisse quant à l'administration, je ne parle pas même de politique, un système fondé sur de pareilles bases ? Mais cela serait tellement odieux, messieurs, que cela ne pourrait pas subsister. On vous accusera incontestablement d'avoir fait des spéculations politiques en introduisant un pareil système, que rien ne justifie, absolument rien.
Qu'est-ce que la Constitution exige pour que vous puissiez faire des lois ? Elle exige la majorité absolue de la Chambre constituée pour délibérer.
M. Coomans. - Non ! non !
M. Frère-Orban. - Comment ?
M. Coomans. - La majorité relative.
M. Frère-Orban. - La Constitution exige que la majorité de la Chambre soit présente et que les résolutions soient prises à la majorité absolue.
M. Coomans. - Mais c'est la minorité de la Chambre qui fait les lois.
M. Frère-Orban. - Cela peut être, mais cela n'est pas nécessairement, et les faits prouvent que cela n'est point. Dans tous les cas importants, dès qu'il s'agit d'une loi contestée, la Chambre est assemblée ; nous sommes presque tous présents pour nous prononcer. D'ailleurs, je le répète, il s'agit de la majorité de la Chambre régulièrement constituée. C'est là une règle générale dans notre régime constitutionnel.
La Constitution a permis une exception pour les nominations ou présentations de candidats. Est-ce que vous pourriez dire qu'un chiffre moindre que celui de la majorité absolue sera suffisant à un premier tour de scrutin pour une nomination de membre de la cour des comptes, par exemple ? Cela serait-il soutenable ? Quel serait le caractère du mandat de celui qui serait élu dans de pareilles conditions ? Par cela seul que divers candidats auraient été en concurrence, on donnerait de prime abord, sans autre épreuve, le mandat au candidat de la minorité.
Bien loin de le décider ainsi, nos lois exigent en pareils cas deux tours de scrutin, et c'est seulement après ces deux tentatives, si elles sont infructueuses pour trouver une majorité absolue, que l'on procède à un scrutin de ballottage, en n'exigeant plus, par nécessité seulement, qu'une majorité relative et, grâce à ces combinaisons, c'est presque toujours à des majorités absolues que l'on aboutit.
Vous ne pouvez donc pas accepter le système qui vous est proposé pour les élections à la commune, à la province et à la Chambre.
Cela est, au surplus, sans nécessité réelle. Ce n'est pas pour des cas exceptionnels qu'on peut introduire une pareille dérogation au principe essentiel qui fait reposer toutes nos institutions, tout le fonctionnement de nos institutions politiques sur des majorités.
Ce n'est que par exception, lorsqu'il y a impossibilité de faire autrement, lorsqu'il faut bien aboutir, qu'on peut arriver à se déterminer par la majorité relative.
Je crois que la Chambre fera une chose très sage en repoussant la proposition qui lui a été faite par la section centrale et à laquelle le gouvernement s'est rallié.
Le gouvernement s'est rallié à cette proposition et je ne puis m'empêcher de faire la remarque que l'on paraît rentrer bien vite dans un système qui a été si justement critiqué autrefois. On voyait le gouvernement présenter des projets de loi qui étaient renversés, qui étaient dénaturés, défigurés par la majorité qui lui imposait ses conditions, qui arrivait à méconnaître l'influence et les effets de la prérogative royale.
Aucune proposition de ce genre n'a été délibérée par le gouvernement d'accord avec la couronne. C'est une proposition qui naît dans la Chambre, à laquelle se rallie le gouvernement, qui n'est pas, à proprement parler, un amendement et qui introduit dans nos lois une innovation qui porte atteinte à nos institutions.
M. Coomans. - Nous avons le droit d'amendement.
M. de Baets. - La Chambre n'est pas cependant un simple bureau d'enregistrement.
M. de Theux. - Messieurs, la dernière observation présentée par l'honorable préopinant est entièrement opposée à l'esprit de notre Constitution.
La Constitution admet les amendements ; elle n'exige pas que la Chambre vote sur les projets du gouvernement par oui ou non, comme cela se faisait aux états généraux des Pays-Bas, où l'on en a vu les grands inconvénients. Notre Constitution admet la représentation de la nation dans le vote des lois. Or, pour qu'elle s'exerce, il faut que le droit d'amendement subsiste dans toute sa plénitude.
Je ne puis donc me rallier en aucune manière à la dernière considération présentée par l'honorable M. Frère.
Messieurs, tout le monde est d'accord que l'ancien système de ballottage, du moins en ce qui concerne les élections des Chambres, est absurde, plein d'injustice, plein de difficultés.
Personne n'a plus osé en prendre la défense ; et quand on a voulu y substituer autre chose, quand on a voulu y substituer une nouvelle convocation des électeurs à un jour différent, on a reconnu que, quoique cela pût être utile à un certain point de vue, cela constituerait une charge tellement onéreuse pour les candidats et tellement onéreuse pour les électeurs, qu'il n'était pas raisonnable de s'arrêter exclusivement à ce mode.
Une nouvelle convocation, une nouvelle réunion des électeurs peut être utile, lorsque le ballottage se fait entre individus qui n'ont pas obtenu un très grand nombre de voix. Mais pour une petite différence, telle que celle qu'a admise le projet de la section centrale, cela n'est pas raisonnable.
Les charges des élections sont beaucoup trop considérables, les embarras sont beaucoup trop grands pour que nous n'admettions pas ce système. Il n'y a pas de compensation à toutes ces charges et aux conséquences politiques aussi, car, en définitive, si des candidats ne peuvent pas supporter les frais d'une seconde convocation, celui qui est en mesure de les supporter ou qui est mieux en mesure qu'eux, triomphera, et ce ne sera pas le véritable représentant de l'arrondissement.
Quant à moi, je trouve que les raisons en faveur du projet présenté par la section centrale l'emportent de beaucoup sur tous les inconvénients signalés.
J'aurais admis sans la moindre difficulté l'élection par scrutin de liste, à raison de l'étendue du district. Mais on a objecté dans la quatrième section qu'il pourrait arriver que, par le système de scrutin de liste, un candidat fût proclamé alors qu'il n'aurait pas obtenu un nombre de voix respectable ; c'est alors que nous ayons proposé le minimum des deux cinquièmes des voix, chiffre qui nous a paru de nature à garantir la sincérité de l'élection.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, l'honorable M. Frère-Orban a présenté tout à l'heure quelques considérations sur lesquelles il m'est impossible de ne pas revenir.
D'après l'honorable M. Frère-Orban, si un nombre inférieur d'électeurs s'est rencontré au ballottage, cette différence n'indique pas une situation plus défavorable pour l'un ou l'autre candidat... (Interruption.) D'après l'honorable M. Frère, les électeurs se retirent par indifférence et non pas (page 1190) à raison des difficultés ou des obstacles qui les empêchent de se rendre au ballottage.
Eh bien, messieurs, il est évident pour tout le monde que, dans les dix-sept scrutins dont j'ai parlé hier, les 12,000 électeurs qui n'ont pas pris part au ballottage soutenaient précisément les candidats qui n'ont pas été élus ; et, ce qui le prouve, c'est que ceux qui, au premier tour de scrutin, avaient obtenu un nombre de voix se rapprochant beaucoup de la majorité absolue, jusqu'à 49 et 50 p. c. du nombre des votants, se sont trouvés réduits à un nombre bien inférieur de suffrages au moment du ballottage.
Tout le monde sait dans quelles circonstances ces faits se sont produits et il m'est bien permis de dire que ces 12,000 électeurs qui ont manqué au ballottage sont ceux qui, au premier scrutin, ont voté pour les candidats qui ont échoué plus tard.
Nous nous trouvons donc dans la situation que j'ai indiquée hier.
Dans les élections où il y a des ballottages, ce n'est pas la majorité qui est représentée, c'est la minorité : la minorité qui profite de l'absence des électeurs qui ne peuvent plus exercer leurs droits.
Je dis qu'il faut faire cesser un pareil état de choses, dans l'intérêt de la sincérité des élections, dans l'intérêt de la dignité du parlement.
Hier, messieurs, j'ai émis une affirmation que je n'ai pas justifiée. J'ai soutenu que dans les élections communales on pouvait également constater qu'un nombre inférieur d'électeurs prenait part au ballottage.
J'ai fait faire ce matin à ce sujet quelques recherches statistiques et je demande à la Chambre la permission de justifier mon assertion par des chiffres.
Il existe un recensement complet des élections communales de 1866. Tous les membres de la Chambre ont pu consulter ce document.
Il y est établi qu'au premier tour de scrutin 28,807 électeurs ont pris part à des élections suivies de ballottage et qu'au ballottage il n'y en avait plus que 25,893, c'est-à-dire qu'il y a eu une diminution de.10 p. c.
Quand on analyse ces chiffres, on remarque que c'est surtout dans les grandes villes, là où la lutte est plus ardente, que l'on voit à peu près le même nombre d'électeurs prendre part au premier scrutin et au scrutin de ballottage ; mais lorsqu'on examine ce qui se passe dans d'autres communes moins importantes, lorsqu'on étudie les faits dans leur généralité, ce qui est pour nous un devoir, on constate que dans un grand nombre de cas, on ne trouve plus au scrutin de ballottage que la moitié ou les deux tiers des électeurs qui ont pris part au premier tour de scrutin, de telle sorte que, bien souvent, le candidat qui a obtenu les deux cinquièmes des suffrages au premier tour de scrutin, peut invoquer l'appui d'un plus grand nombre d'électeurs que celui qui est élu au scrutin de ballottage.
C'est à ce point de vue, messieurs, que je me suis placé lorsque, dans la séance d'hier, je me suis occupé de ce qui concerne l'élection communale, et je tenais à justifier mes paroles par quelques chiffres empruntés à des documents officiels.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, si la proposition de la section centrale était admise, nous aurions apporté une véritable modification à la Constitution.
Je vais essayer de vous le démontrer.
Non seulement, le Congrès qui a fait la Constitution a été et a dû être élu sous le régime de la majorité, mais toutes les lois qu'il a faites lui-même, pour la mise à exécution de la Constitution, ont consacré le même principe. La loi électorale du 3 mars 1851 en est la preuve.
Par conséquent, ce principe fait partie, sinon du texte, au moins de l'esprit de la Constitution et, chaque fois que dans la Constitution il y a lieu de requérir une expression de majorité, il a toujours été stipulé que la majorité absolue était requise, sauf dans les exceptions formellement déterminées.
Messieurs, la Constitution a établi des garanties contre les changements qu'on voudrait y introduire subrepticement. Elle a exigé non seulement que la Chambre déclarât, à la majorité de ses membres, qu'il y avait lieu de changer la Constitution, mais que le pays fût appelé à se prononcer sur la question à la majorité des deux tiers des voix.
Vous voyez donc que la question qui nous est soumise est très importante et qu'elle exige un mûr examen.
Hier, je vous ai cité comme exemple un corps électoral de 500 membres élisant ses députés par 200 voix. Mais je vais citer un cas qui peut se présenter et je vous prouverai que vos élections seraient entièrement faussées si votre système était admis.
Supposons que tous les collèges électoraux du pays nomment leurs mandataires à là majorité absolue des voix, sauf une seule ; qu'une majorité catholique sorte du suffrage des arrondissements sauf, par exemple, de celui de Bruxelles et que les deux cinquièmes des voix élisent une députation libérale dans l'arrondissement de Bruxelles et forment par là une majorité libérale dans les Chambres, accepteriez-vous le résultat de l'élection comme sincère, l'accepteriez-vous ? Il est évident que vous protesteriez énergiquement : vous diriez que la majorité du pays est réellement catholique et que ce n'est pas parce que deux cinquièmes de libéraux se sont parfaitement entendus dans un collège électoral pour nommer leurs candidats, que le gouvernement doit être libéral.
Vous voyez donc, messieurs, que le système qu'on nous propose ne repose pas sur la logique, ne repose pas sur nos institutions véritables, mais sur une véritable fiction inconstitutionnelle.
L'honorable ministre de l'intérieur vient encore de vous répéter et c'est le seul argument qu'on ait fait valoir dans cette discussion pour amener un changement considérable dans nos institutions, l'honorable ministre de l'intérieur vient de vous répéter que par suite des ballottages la majorité n'est quelquefois pas représentée. Mais il arrive à renforcer le grief contre lequel il s'élève si l'on n'exige plus que les deux cinquièmes des voix et si l'on arrive à un ballottage par suite de son système, car le cas peut se présenter, la majorité sera encore moins représentée que dans le cas actuel.
Au moins aujourd'hui on a tenté d'obtenir une majorité réelle ; si une partie des électeurs s'absente, de même que si une partie des membres de la Chambre s'absente lors d'un vote, il est évident qu'ils sont censés avoir délégué leurs pouvoirs à ceux qui votent. On ne peut donc induire du fait qu'un certain nombre d'électeurs s'absentent pendant un ballottage que les membres élus n'ont pas reçu les pouvoirs nécessaires. Les électeurs qui n'ont pas voulu faire usage de leur droit ont donné un mandat à ceux qui sont restés. (Interruption.)
Lorsque aux élections de Bruxelles, sur 13,000 électeurs, il ne s'en présente que 1,500, les absents donnent tacitement aux électeurs présents mandat de déterminer la majorité.
Voilà le système qui nous régit. Quant à moi, non seulement, je ne pourrais pas voter la proposition qui nous est soumise, mais je croirais avoir manqué à mon serment de maintenir la Constitution, si je votais une loi contenant un principe semblable.
M. Guillery. - Je demande pardon à la Chambre de parler deux fois sur le même sujet ; j'espère que l'importance de la question me servira d'excuse et je tâcherai d'en trouver une seconde dans la brièveté de mes observations.
C'est la première fois que la Chambre, si elle vote le projet qui lui est soumis par la section centrale, aura consacré un principe comme celui-ci. Il est donc naturel que ce projet rencontre de très grandes résistances.
C'est la première fois qu'on aura écrit dans une loi que la majorité n'est pas la majorité ; que deux cinquièmes peuvent faire la loi aux trois autres cinquièmes.
Mais, messieurs, la Chambre a-t-elle un pareil droit ? La législature a-t-elle le droit de dire que la majorité n'est pas la majorité, que c'est la minorité qui est la majorité ?
Comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, lorsque la Constitution vous dit que la Chambre des représentants se compose des députés élus directement par les citoyens payant le cens déterminé, qu'est-ce que signifie cette expression : élus par les citoyens ? Cela peut-il signifier autre chose que, élus non pas par l'unanimité sans doute, mais par la majorité ?
Pour que vous soyez l'élu du corps électoral, il faut évidemment que vous ayez obtenu la majorité des votants.
Qu'il s'agisse, dans cette enceinte, de voter une dépense, qui donc viendra prétendre que cette dépense est votée à deux cinquièmes seulement des membres présents ? N'est-il pas de la dernière évidence que la dépense aura été rejetée par la majorité et, par conséquent, par la Chambre ?
Dans une société financière, où les intérêts sont bien moins importants, direz-vous que deux cinquièmes des votants suffiront pour nommer le conseil d'administration, pour décider la dissolution de la société, pour ordonner que telle ou telle dépense sera faite ?
Non, messieurs, là comme ici, comme partout, les deux cinquièmes ne pourront jamais constituer que la minorité. Si, par exemple, l'un de nous n'obtenait les voix que des deux cinquièmes des votants pour la présidence, et si vous décidiez que ce nombre est suffisant, pourrait-on sérieusement prétendre que le président ainsi nommé est l'élu de la Chambre ? Croyez-vous, d'ailleurs, qu'il jouirait-du prestige, de l'autorité qu'il doit avoir ?
il en est de même du corps électoral, Prenez garde, messieurs, à la (page 1191) voie dans laquelle vous entrez ! Si vous veniez à décider qu'il est dans le domaine du législateur de tracer de pareilles règles, qui empêcherait la majorité de déclarer que le cinquième des voix suffira désormais pour être élu ? Du moment que la majorité n'est plus une de ces vérités mathématiques contre lesquelles il est impossible de lutter ; du moment qu'il n'est plus accepté comme une vérité incontestable qu'on ne peut être l'élu d'un corps qu'à la condition d'avoir obtenu la majorité absolue des suffrages, quelle raison y aurait-il de s'en tenir aux deux cinquièmes, et qu'est-ce qui pourrait s'opposer encore à ce qu'on décidât que le cinquième suffit pour constituer la majorité ?
II pourrait donc être dans la toute-puissance du législateur d'écrire dans la loi une chose contraire à la vérité ; de consacrer par la loi une véritable imposture, une chose radicalement fausse ; de décréter qu'un citoyen est élu alors qu'il ne l'est pas ! Et, messieurs, chose singulière ! au nom de quel principe vient-on proposer cette législation nouvelle ? Au nom du respect de la majorité ! Je n'ai entendu, dans la bouche des honorables défenseurs de ce principe, que l'expression du désir de respecter la majorité. On attaque le système du ballottage actuel parce qu'il ne donne pas l'expression sincère et véritable de la majorité.
Voilà le résumé des griefs articulés contre le système actuel de ballottage ; et l'on écrirait dans la loi précisément en principe, en règle, ce qu'on prétend aujourd'hui être un malheur résultant d'un fait regrettable : l'absence ou l'insouciance d'électeurs ! Sans doute, c'est là un fait regrettable, auquel il faut porter remède, je le veux ; mais sous prétexte d'y porter remède, vous iriez dire dans la loi qu'il ne faut pas être représentant de la majorité ; que lorsqu'on consultera le corps électoral pour choisir les hommes chargés de l'honneur de représenter la nation, ce n'est pas la majorité des votants qui déterminera ces choix ; ce n'est pas le sentiment de la majorité du corps électoral qui sera exprimé dans cette enceinte.
Désormais donc, il suffirait d'être représentant des deux cinquièmes des votants, il suffirait que, par suite d'une combinaison de faits, par suite de compétitions nombreuses, par suite de faits que personne ne peut prévoir ni empêcher, il y ait des votes éparpillés sur différents candidats, que le hasard fasse que ceux qui ont le plus de voix ne représentent nullement la majorité, pour que les élections soient faussées. Vous vous contenterez alors de cette représentation fausse et vous écrirez dans la loi que vous n'exigez pas que la représentation soit sincère. Mais ce système consacre précisément ce que vous avez reproché si souvent au scrutin de ballottage et avec raison selon moi, et j'ai applaudi aux efforts que vous faisiez pour y porter remède.
Ce que vous avez reproché au système du ballottage, c'était de ne pas donner l'expression sincère de la majorité, et vous écrivez aujourd'hui dans une loi qu'on n'exigera pas la majorité !
Ainsi, s'il s'agissait de nommer un roi, ou de changer la Constitution, ou de se prononcer sur l'annexion d'un territoire, ce ne serait pas la majorité de la nation qu'il faudrait avoir ; vous viendriez décider qu'il suffit de deux cinquièmes et même d'un cinquième ; car si la question est dans le domaine de la loi, il n'y a pas de raison pour qu'on s'arrête à tel ou tel chiffre.
Ne perdons jamais de vue le principe inscrit dans les lois électorales, notamment dans celles qui sont émanées du Congrès, principe d'après lequel on doit toujours avoir la majorité pour être élu membre d'une assemblée législative. J'ai toujours pensé que ce principe était au-dessus de toute discussion.
Si vous voulez consulter la nation, il faut la majorité de la nation ; si vous voulez consulter la Chambre, il vous faut la majorité delà Chambre.
Ecrirez-vous dans la loi que ce sera les deux cinquièmes ? Ne serait-ce pas un abus de la force de la majorité que d'écrire une semblable disposition dans la loi ?
Ecrirez-vous dans la loi qu'un ministère qui aura les deux cinquièmes des voix dans la Chambre sera un ministère parlementaire ? Je regarde cela comme matériellement et moralement impossible.
Ce qui m'étonne le plus, c'est la résistance de la section centrale à l'amendement de mon honorable ami, M. Vandenpeereboom. Tous les arguments que l'on avait produits et que l'on produit encore aujourd'hui en faveur de ces malheureux deux cinquièmes ne s'appliquent qu'aux élections législatives, et c'est toujours le déplacement des électeurs qui n'habitent pas dans le chef-lieu d'arrondissement. Mais, je le demande, en quoi cela s'applique-t-il aux élections communales ? quel prétexte a-t-on pour introduire ce principe dans les élections communales ? Les électeurs n'ont pas à se déplacer.
Pour les élections provinciales, le déplacement n'est pas considérable ; il ne s'agit que de se rendre au chef-lieu du canton.
Pour les élections législatives, l'honorable M. de Theux avait indiqué un moyen auquel je regrette qu'il ait renoncé : c'était de remettre le ballottage à huitaine. L'honorable membre abandonne ce moyen, parce que les dépenses électorales, qui sont déjà considérables, seraient augmentées.
Je dois le dire, j'ai été extrêmement blessé pour mon pays d'entendre parler ici des dépenses électorales, comme si c'était la chose la plus naturelle et la plus loyale du monde. Mais les dépenses électorales sont un mal ; ce n'est pas à nous de les approuver et de les encourager.
Si les candidats déclarent que les dépenses électorales sont trop fortes, je ne demande pas mieux qu'on n'en fasse plus.
Mais nous laisserions dire, sans protestation, que nous ne voulons pas que le ballottage soit remis à huitaine pour ne pas augmenter les dépenses électorales ! Cela n'est pas possible.
S'il est nécessaire que l'électeur qui doit se déplacer soit indemnisé, que la loi le dise ; que la loi le fasse franchement et pour tout le monde ; qu'on accorde des frais de route aux électeurs qui doivent se déplacer et qu'on inflige une amende à ceux qui n'assistent pas aux opérations. Je le comprendrais.
Le trésor public payerait. Mais qu'on ne dise pas que les candidats doivent dépenser des vingt et trente mille francs pour faire venir les électeurs et qu'on ne peut pas, pour ce motif, remettre le ballottage à huitaine. Nous ne pouvons pas dire cela après avoir fait des lois contre la corruption électorale.
S'il faut, pour avoir l'expression sincère de l'opinion publique, s'il faut, pour que la souveraineté nationale ne soit pas une tromperie, que des frais de route soient payés aux électeurs, je n'hésiterais pas, quant à moi, à voter une proposition de loi qui aurait pour but de faire payer par le trésor public les indemnités de déplacement et, comme sanction, de punir ceux qui n'assisteraient pas au scrutin, car, en définitive, les fonctions d'électeur sont un devoir tout autant qu'un droit.
En résumé, messieurs, je regarde la législation actuelle, celle qui, pendant quarante ans, nous a régis sans contestation, car je ne me rappelle pas que le principe de la majorité ait jamais été attaqué, je regarde, dis-je, la législation actuelle comme résultant de la nature même des choses.
L'expression du corps électoral ne résultera jamais que de la majorité du corps électoral. Nous ne pouvons donc pas permettre que, par suite de circonstances involontaires de la part des candidats, involontaires souvent de la part des électeurs, on se présente comme représentant un arrondissement alors qu'on n'en est pas l'élu véritable.
J'insiste sur ce point, en terminant, car c'est pour moi le plus grave si vous entrez dans cette voie, vous entrez dans une voie dangereuse. Si vous décidez que le législateur peut déterminer à quelle majorité on peut être élu, vous ouvrez la porte à des abus dont nous ne pouvons pas nous-mêmes aujourd'hui prévoir les conséquences.
M. Dumortier. - Messieurs, deux questions sont ici soulevées. L'article proposé par la section centrale constitue-t-il une violation de la Constitution ? Les lois votées par le Congrès et celles votées depuis exigent-elles la majorité absolue pour siéger dans les assemblées délibérantes ?
Voilà, je crois, toute la question.
D'abord la Constitution est-elle intéressée ? Il n'existe dans la Constitution aucun texte ni direct ni indirect qui exige la majorité absolue. Je ne dis pas que ce ne soit pas désirable ; c'est autre chose. Mais la Constitution se borne à dire que l'élection se fera conformément aux lois électorales. Ainsi, venir dire que la Constitution est intéressée dans la question des élections, c'est dire ce qui n'est pas dans la Constitution, c'est y ajouter : la Constitution n'y est point intéressée.
Il est vrai que nous avons toujours compris que le pays devait être représenté, que la majorité absolue était la première condition, autant que possible, pour former l'élection. Mais encore une fois le texte de la Constitution est tout à fait désintéressé dans la question qui nous occupe ; c'est donc très à tort qu'on invoque ici la Constitution.
En second lieu, la majorité absolue est-elle requise pour faire partie d'une assemblée délibérante ? L'honorable M. Guillery, qui vient de se rasseoir et que j'entends toujours avec un grand plaisir, a soutenu que, pour que la représentation soit sincère, il faut être élu à la majorité ; que la majorité est indispensable pour siéger dans les assemblées délibérantes. Il a même été jusqu'à dire que le vote de la disposition qui vous était présentée serait une tyrannie.
Messieurs, l'honorable membre ainsi que tous ceux qui ont combattu l'article ont perdu de vue toutes les lois qui règlent l'élection. Toutes les lois électorales, et la loi générale, et la loi provinciale, et la loi communale, (page 1192) admettent que l'on peut être élu et siéger dans les assemblées délibérantes avec la minorité.
- Des membres. - Lors du ballottage ?
M. Dumortier. - Bien entendu ; mais au ballottage on n'a pas la majorité, et l'on n'en est pas moins l'élu du peuple. On a la pluralité et l'on peut être élu avec une pluralité très petite, beaucoup plus petite que celle qu'exige la proposition de la section centrale.
Il est donc complètement inexact de dire que, dans nos institutions, pour représenter le pays soit dans les Chambres, soit dans les conseils provinciaux, soit dans les conseils communaux, il faut avoir la majorité absolue. Non ; au premier tour de scrutin, il faut la majorité absolue. Mais, au ballottage, toutes les lois sont formelles, il ne faut que la majorité relative, c'est-à-dire la pluralité. Toutes les lois sont d'accord sur ce point, et voilà ce qu'on perd de vue.
Or, que fait-on dans l'article en discussion ? On met le ballottage au premier tour. (Interruption.)
- Un membre. - Et le tour est joué.
M. Dumortier. - Le tour se joue au ballottage. Nous avons toujours vu depuis quarante ans que c'est dans les ballottages que les tours se jouent. Eh bien, c'est ce que nous ne voulons pas. Car alors ces tours de ballottage sont souvent des tours d'escamotage. Cela ne peut pas continuer.
Je crois beaucoup plus loyal, beaucoup plus sincère, beaucoup plus honnête d'être élu à la majorité relative, quand tout le corps électoral vient voter, que d'être élu à la majorité relative, quand une grande partie du corps électoral ne peut plus venir voter.
Ici c'est une véritable majorité relative avec un minimum, minimum que vous n'avez pas dans votre système actuel de lois. Vous avez la majorité relative, la pluralité, mais vous n'avez pas le minimum.
Il y a donc ici beaucoup plus de garanties ; il y en a beaucoup plus qu'avec le régime actuel. Il y a un minimum, on ne peut être élu avec un très petit nombre de voix. Combien de fois n'avons-nous pas vu que telle personne n'était pas élue au premier tour pour une, deux ou trois voix manquant à la majorité absolue ? Eh bien, je crois que le système qui vous est présenté est beaucoup plus honnête, beaucoup plus sensé, beaucoup plus l'opinion publique que le ballottage qui existe en ce moment.
Ce n'est pas tout. Je vois à ce système un autre avantage. Lorsque j'ai combattu la loi, j'ai eu l'honneur de vous dire, et c'était ma pensée, pensée dans laquelle je persévère, que, dans les corps électoraux, la minorité avait le droit d'être représentée. Eh bien, ici je trouve un moyen de faciliter à la minorité le moyen d'être représentée, pas d'une manière absolue, je le reconnais ; mais il pourra arriver que dans beaucoup de cas la minorité sera représentée dans les conseils communaux, ce qui n'existe pas aujourd'hui.
Comment ! Qu'est-ce donc que ces conseils communaux composés d'une seule liste ? Que diriez-vous si la Chambre tout entière était composée sur une seule liste ; s'il n'y avait pas d'opposition dans le Parlement ? Mais l'opposition, c'est non seulement la vie des gouvernements constitutionnels, c'est encore la garantie et la certitude d'un contrôle réel des actes de l'autorité. C'est de la nature, de l'essence des gouvernements constitutionnels.
Nous devons donc, autant, qu'il est en nous, faciliter l'arrivée des minorités, même dans les conseils provinciaux, même dans les conseils communaux. Les listes uniques pour les conseils communaux sont une chose malheureuse. Vous arrivez presque toujours à avoir un conseil communal d'une seule couleur, où l'opposition n'existe pas, où le vainqueur siège seul. Ce qui est détestable, c'est qu'un parti soit traité en vaincu et n'ait plus même le droit d'être entendu.
Je dis, messieurs, que si vous aviez eu une Chambre d'une seule couleur soit catholique, soit libérale, une Chambre sans opposition, vous n'auriez plus de Constitution ; il ne resterait plus rien de nos institutions.
M. Royer de Behr, rapporteur. - L'honorable M. Guillery a déclaré que nous n'avons aucun prétexte pour justifier l'article 9, en ce qui concerne les élections communales. Si l'honorable membre m'avait fait l'honneur de m'écouter quand j'ai présenté mon rapport à la Chambre, il aurait trouvé dans ce rapport des motifs plausibles à l'appui de cet article.
Ce que veut la section centrale, c'est rendre tous les ballottages aussi rares que possible. Partout on a été frappé des abus scandaleux du ballottage. On veut atténuer ces abus. Le ballottage, en matière communale, me semble presque aussi dangereux que les autres.
Dans les villes, dans les grandes villes surtout, les ballottages communaux se font la nuit et les opérations électorales se prolongent d'autant plus que le nombre des candidats à nommer est plus considérable.
Souvent même, les lenteurs sont systématiquement calculées de manière à arriver au ballottage nocturne.
M. Muller. - Vous avez remédié à cet état de choses.
M. Royer de Behr, rapporteur. - Si d'autres moyens existent pour remédier au mal, je ne demande pas mieux que de les adopter.
En ce qui concerne les élections législatives, il y a certainement d'autres moyens ; l'honorable membre en a signalé un : ce serait d'indemniser les électeurs de leurs frais de déplacement ; mais a-t-il bien calculé les conséquences de cette proposition ? Je ne pense pas qu'un membre de la Chambre pût préciser le chiffre de la dépense.
Au surplus, cette proposition n'a pas été étudiée, elle n'a pas été présentée à la Chambre ; nous n'avons donc pas à la discuter.
Un autre moyen serait le vote à la commune ou au chef-lieu du canton, et si l'honorable M. Guillery veut proposer ce système, je serai peut-être disposé à le vorer. Mais je crois que le vote à la commune ou au chef-lieu du canton sera bien moins acceptable par la minorité, que l'article 9 du projet de la section centrale.
M. Guillery. - J'écoute toujours avec infiniment de plaisir l'honorable rapporteur, et si j'avais été présent lorsqu'il a fait son rapport j'y aurais prêté la plus grande attention.
L'honorable membre, messieurs, vient de terminer par un mot qui condamne tout son système.
Si, dit-il, on veut proposer le vote à la commune, je suis prêt à céder.
Mais vous l'avez, le vote à la commune. (Interruption.) Vous l'avez pour les élections communales.
M. Royer de Behr, rapporteur. - Vous m'avez mal compris. Je n'ai parlé du vote à la commune qu'en ce qui concerne les élections législatives.
M. Guillery. - Puisque le vote à la commune en ce qui concerne les élections législatives aurait pour effet d'éviter les déplacements et les inconvénients du ballottage, il en est de même en ce qui concerne le vote à la commune pour les élections communales. Il me semble qu'il n'y a rien de téméraire dans la conséquence que j'en tire.
Le ballottage a lieu aujourd'hui la nuit, a dit l'honorable rapporteur. Mais vous avez remédié à ces inconvénients. Il n'en est plus question. On pourrait même remettre à huitaine.
Nous n'aurions plus alors les inconvénients que signalait l'honorable M. de Theux, lorsqu'il disait que les électeurs ne se déplaceront pas volontiers deux fois de suite et que les frais sont trop considérables.
Il n'y a pas de frais de déplacement pour la commune, aucun des inconvénients signalés n'existe donc plus et c'est là une condamnation à laquelle vous ne pouvez échapper. C'est là que le pays puisera les motifs de votre condamnation.
Pour la commune, vous êtes sans excuse ; il n'y a pas l'ombre d'un prétexte pour introduire la mesure nouvelle, étrange, extraordinaire, inouïe.
Vous me dites que si la Chambre donne le vote à la commune, votre idéal, le but de vos rêves, vous consentirez à revenir à la législation actuelle.
Ce n'est donc qu'un moyen d'obtenir le vote à la commune pour la Chambre et non un argument du débat, puisque vous n'acceptez pas l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom.
Si la loi est votée, le vote la nuit n'existera plus.
Quant à moi, je serais tenté, si je ne mettais l'intérêt général et la loyauté de notre législation au-dessus de tous les intérêts de parti, de me féliciter de vous voir rejeter l'amendement de mon honorable ami, parce que vous montrez par là le but caché de la loi et vous prononcez d'avance sa condamnation.
M. Frère-Orban. - L'honorable M. Dumortier vous a dit tout à l'heure qu'aucun texte de la Constitution ne décide que la majorité absolue est requise pour valider une élection.
Cela est incontestable.
L'honorable membre a ajouté que la majorité relative suffisait dans certains cas, et il a cité le ballottage admis par nos lois électorales, générales, provinciales ou communales. C'est encore là une vérité incontestable.
Mais quelle conclusion en peut-on tirer en faveur de la proposition qui vous est soumise ? Absolument aucune.
La seule conclusion que l'on puisse tirer du discours que l'honorable membre a prononcé, c'est que ce qui est une exception résultant de la nature des choses va devenir la règle.
L'élection à la pluralité, c'est l'exception regrettable, qu'il faudrait (page 1193) éviter, si c'était possible, et l’honorable membre trouve parfaitement légitime de faire d'une telle exception la règle...
M. Dumortier. - En fait, ce sera une rare exception,
M. Frère-Orban. - Ah ! vous introduisez un pareil principe dans nos lois pour de rares exceptions ?
M. Dumortier. - Vous l'avez aujourd'hui dans le même cas.
M. Frère-Orban. - En aucune matière. Nos lois exigent toute la majorité absolue au premier tour de scrutin.
C'est par nécessité qu'après une épreuve infructueuse on a recours à un ballottage ; il faut bien arriver à un résultat et comme on ne peut pas arriver à une majorité absolue on se contente d'une majorité relative, limitée dans des conditions spéciales.
Les conditions ne sont plus les mêmes au scrutin de ballottage qu'au premier scrutin ; au premier scrutin, toutes les opinions se produisent, tous les candidats sont en présence ; les partisans de ces divers candidats sont appelés à se prononcer ; au scrutin de ballottage, il y a contrainte, on n'est plus amené à se prononcer qu'entre un certain nombre de candidats.
Vous ne pouvez donc pas induire de ce qu'aucun texte constitutionnel ne s'oppose à l'introduction de votre proposition, que ce soit une bonne proposition, qu'elle soit rationnelle, qu'elle se justifie d'une façon quelconque. Ce que l'on vous a dit et ce qui est incontestable, c'est que votre proposition est contraire à l'esprit de nos institutions politiques. (Interruption.) Toutes nos institutions politiques reposent sur le principe des majorités ; or, ce principe, vous allez le renverser, vous allez ériger en loi que la minorité suffit. Ce n'est plus la majorité conforme à l'esprit de nos institutions, c'est la minorité qui pourra être appelée à faire la loi.
L'honorable M. Dumortier dit encore que ce qui le séduit dans la proposition, - je ne sais si c'est véritablement cela qui le. séduit,- c'est qu'elle est un moyen d'avoir une représentation des minorités dans les conseils communaux. Mais en aucune manière : rien ne prouve qu'en n'exigeant que la majorité des deux cinquièmes vous représentiez pour cela les minorités ; vous aurez des personnes du même parti élues à la majorité des deux cinquièmes. Il serait plus exact de dire que, dans certaines circonstances, la minorité sera tout et la majorité rien.
Ces objections écartées, il reste donc vrai, incontestable qu'on nous fait une proposition qui est, pour ainsi dire, sans précédent ; qui, là où elle a été introduite, a été abandonnée et qui ne se trouve, aujourd'hui, presque dans la législation d'aucun peuple. Et pourquoi, en réalité, vous fait-on cette proposition ? En vue d'un fait exceptionnel, en vue de ballottages qui sont très rares dans le pays et en vue de l'élection dans une seule ville.
Voilà ce qui donne un cachet particulier à votre proposition. C'est un acte de parti, c'est un moyen d'essayer d'assurer votre suprématie dans un grand collège électoral. (Interruption.) C'est un acte de parti violent, il n'y a pas autre chose dans votre proposition.
M. le président. - M. Guillery vient de faire parvenir au bureau un sous-amendement à l'amendement de M. Vandenpeereboom. Il est ainsi conçu :
« La majorité absolue est exigée pour les élections communales et pour les élections provinciales. »
M. Guillery. - Je demande à donner à la Chambre un mot d'explication. Le sous-amendement que je propose n'est que la reproduction de l'amendement de M. Vandenpeereboom ; seulement la rédaction en a été modifiée afin que les membres qui condamnent la mesure en son ensemble ne soient pas exposés à voter affirmativement sur ce qui concerne les élections législatives et puissent voter sur l'exception, c'est-à-dire pour les élections communales et pour les élections provinciales.
M. De Lehaye. - Je prierai l'honorable M. Guillery de vouloir bien nous donner une explication sur son amendement.
Entend-il que les élections pour les Chambres pourront se faire à la majorité des deux cinquièmes des voix ?
M. Guillery. - Ceci est subsidiaire.
Je combats la mesure dans son entier ; mais si nous ne pouvons pas obtenir de la majorité que l'on conserve la législation actuelle pour les élections générales, je demande qu'on la maintienne au moins pour les élections provinciales et pour les élections communales. En d'autres termes, mon amendement n'est autre que celui de M. Vandenpeereboom sous une forme différente.
M. Jacobs, ministre des finances. - L'honorable M. Guillery est guidé par une bonne intention ; néanmoins, je ne pense pas que la Chambre puisse accepter son amendement. Cet amendement ne tend qu'au maintien de la législation existante en matière provinciale et communale. Or, messieurs, on n'introduit pas dans une loi des articles pour maintenir des dispositions déjà existantes et qui font déjà partie de notre arsenal législatif.
On re fait des. lois que pour changer des lois existantes. Il me paraît donc que l'honorable M. Guillery, en demandant de voter de nouveau ce qui existe déjà dans nos lois, fait une proposition qui ne peut être admise.
M. Frère-Orban. - En demandant le vote par division, il obtiendra le même résultat.
M. Jacobs, ministre des finances. - La division est toujours de droit ; on pourra la demander.
M. Guillery. - Je ne puis pas admettre l'observation de M. le ministre des finances. Cette observation ne me paraît pas fondée, et j'ajoute qu'elle est un peu pointilleuse. Nous savons tous parfaitement qu'il s'agit ici de voter sur une question de principe, et au second vote on pourrait adopter une nouvelle rédaction, si la rédaction que j'ai proposée ne paraît point bonne. II ne faut donc pas se montrer si difficile sur la question de rédaction, surtout à propos d'une loi qui ne me semble pas briller précisément par la perfection de sa rédaction.
Je ne puis pas admettre que cet amendement, même en l'interprétant d'une manière puritaine, et en jurisconsulte sévère, comme on me semble vouloir le faire, ne soit pas parfaitement pratique. Voici le principe que consacre l'article 9 :
« Nul n'est élu au premier tour de scrutin s'il ne réunit plus des deux cinquièmes des voix. »
Voilà le principe qu'on nous propose. Eh bien, si la Chambre vote ce principe et qu'elle consente à y admettre une exception, il n'y a pas d'autre moyen que de dire qu'il y a exception pour les élections provinciales et pour les élections communales...
M. Jacobs, ministre des finances. - Si l'on vote d'abord sur l'article 9 du projet de la section centrale...
M. Guillery. - Je suppose évidemment l'amendement adopté et c'est en vue de cette adoption que j'ai proposé mon amendement. En d'autres termes, il y a, d'abord, le principe général de l'article, puis l'exception que j'y propose.
Mais, du reste, je le répète, je n'y attache aucune importance et du moment que la Chambre est mise à même de voter en connaissance de cause, je n'insiste nullement sur la question de forme.
- L'amendement de M. Guillery est appuyé ; il fait partie de la discussion.
M. de Baets. - C'est bien à contre-cœur que j'ai demandé la parole. Mais enfin, on nous a fait, à nous, députés de Gand, une position telle, que nous ne pouvons pas laisser terminer cette discussion sans au moins faire une protestation.
On a dit, on a répété, et ce sont surtout les membres de l'ancien cabinet qui ont tenu ce langage, que le cabinet actuel fait une loi à l'intention seule des Gantois, que la section centrale a fait sa proposition exclusivement dans l'intérêt des élections gantoises.
Je pense, messieurs, sans en avoir conféré avec mes honorables collègues de Gand, interpréter fidèlement leur pensée en disant qu'en toute hypothèse ce n'est pas pour nous qu'on doit faire des lois exceptionnelles ; que chacun des sept députés de Gand a accepté le triste mandat de venir représenter le pays dans cette Chambre, en exécution d'un droit qu'ils considèrent comme strict, important, nécessaire ; et qu'ils n'ont, comme moi, qu'un désir, c'est de sortir d'ici et que les intérêts de notre ville soient confiés à d'autres plus capables, plus intelligents que nous. Ce n'est donc pas un service personnel que nous avons demandé au ministère. Nous ne lui demandons que justice et équité, ce que nous n'avions pas autrefois.
On m'a mis en cause, non pas nominalement, mais personnellement. On a parlé de ballottage. Eh bien, le ballottage, tel qu'il est pratiqué chez nous, c'est la perte du système représentatif. Car il faut avoir une grande dose de courage, il faut avoir une conviction profonde, pour oser se jeter dans cette galère électorale ; tel que le ballottage se fait à Gand, il est une mystification. Permettez-moi cette expression qui n'est peut-être pas parlementaire.
Nous savons tous comment le ballottage a été mené à Gand. Au premier tour de scrutin, j'avais obtenu 3,000 et des centaines de voix, et il ne me manquait que deux voix pour avoir la majorité absolue ; celui qui a été nommé au scrutin de ballottage, qui est venu légalement s'asseoir sur ces bancs avait obtenu moins de voix que moi au premier tour de scrutin ; au ballottage, j'ai eu quelques centaines de voix. Pourquoi ? Parce qu'un certain nombre d'électeurs n'avait plus paru, parce que tous les pouvoirs publics (page 1194) n'osaient pas faire leur devoir, parce qu'ils avaient reçu une rude leçon. Un homme d'énergie et de cœur avait osé réprimer un mouvement révolutionnaire dans la ville de Gand ; il a trouvé comme accusateurs ceux qui devaient être naturellement ses défenseurs. On était averti. On croyait, on faisait croire que le doctrinarisme était immuable ; on ne croyait pas à la dissolution définitive et complète du pouvoir qui dominait.
Comment ! ce serait moi qui ne représenterais ici qu'une infime minorité, alors que vous avez accepté parmi vous un représentant qui, en définitive... comment dirai-je pour me servir d'une expression parlementaire ? - n'avait reçu que les miettes du vote ?
Messieurs, je regrette d'avoir dû prendre la parole, parce qu'il est pénible de parler de soi-même, parce que je n'aurais osé retourner dans la ville de Gand sans avoir protesté ici contre les attaques dont nous avons été l'objet.
Je tiens donc à dire que la suppression du ballottage serait une question de moralité politique.
Et tout à l'heure on disait à mon honorable ami, M. Royer de Behr : Mais vous avez le vote à la commune. Messieurs, voilà à quoi se réduisent les arguments de la gauche ; il n'y a plus de discussion sérieuse. Comment ! M. Royer de Behr est membre de la Chambre des représentants depuis quatorze ans, et il ignorerait que, pour les élections communales, le vote a lieu à la commune !
Voilà l'argumentation de mes adversaires ; j'en ai pitié pour eux ; j'en ai pitié pour le pays. (Interruption.)
Oh ! permettez ! je vous dis carrément ce que je pense. Vous avez représenté, vis-à-vis de l'Europe, la Belgique pendant de longues années. Et voilà les hommes d'Etat qui ont gouverné le navire pendant quinze, vingt, trente ans qui en sont réduits à venir nous jeter des petits pois et des petites arguties.
M. Bara. - Messieurs, un phénomène assez singulier se passe. J'avais déposé dans la séance d'hier un amendement ainsi conçu : « En cas de ballottage, le scrutin sera remis au jour fixé par l'arrêté de convocation. » Je suis arrivé à la Chambre après le dépôt du rapport présenté par l'honorable M. Royer de Behr. Ayant demandé quelques explications, j'ai appris qu'on n'avait pas du tout fait rapport sur mon amendement et qu'on s'était occupé d'un autre amendement qui concerne l'article 12, amendement qui n'a pas été renvoyé en section centrale et que je n'ai pas même développé. Pour être complet, je dois ajouter que la section centrale, qui ne connaissait- pas même les explications que j'avais à donner, s'est empressée de l'exécuter.
Ainsi, messieurs, la section centrale est saisie d'un amendement imprimé, que tout le monde à sous les yeux ; je prononce deux ou trois discours à la Chambre pour appuyer cet amendement, et pour faire valoir certains arguments. La section centrale se réunit, je ne sais pas où elle a la tête, et elle fait rapport sur un amendement relatif à un article qui n'est pas en discussion. Je demandé si cela est sérieux et si c'est ainsi qu'on peut discuter les graves questions qui nous sont soumises. (Interruption.)
Je demande donc que la section centrale se réunisse de nouveau (interruption) et qu'elle délibère sur mon amendement.
La Chambre l'a décidé hier. (Interruption.)
Sans doute, les amendements, y compris le mien, ont été renvoyés à la section centrale. Quels étaient ces amendements ? C'étaient mon amendement, celui de l'honorable M. Vandenpeereboom et un sous-amendement de M. De Lehaye. Sur le mien, la section centrale n'a pas dit un mot.
L'honorable M. De Lehaye, à qui j'en ai parlé tout à l'heure, a dit qu'il en ignorait l'existence. Mais il était imprimé et il se trouve dans les documents de la Chambre. (Interruption.) Oh ! je sais bien que l'exécution de mon amendement aurait été parfaitement la même, mais c'est précisément ici où je tiens la droite et je serais presque tenté de croire, messieurs, qu'on ne s'est pas occupé de mon amendement, parce qu'il est une difficulté très grande pour la droite. Le discours de M. de Baets le prouve ; M. de Baets veut égarer l'opinion publique, mais l'opinion publique ne s'égarera pas et le vote que la droite émettra sur l'article en discussion restera avec le caractère de parti et de partialité qui doit lui être incontestablement attribué.
On prétend qu'il s'agit du ballottage ; c'est, permettez-moi le mot, une frime, c'est un prétexte, c'est une histoire qu'on raconte au pays.
M. Royer de Behr, rapporteur. - Je demande la parole.
M. Bara. – Il ne s’agit pas de ballottage, et quand l'honorable M. de Baets vient nous parler de ses ballottages de Gand, il perd de vue la question. Vous étiez ici ou vous auriez dû être ici lorsque l'on a voté l’article 8. Vous auriez dû proposer alors de changer le ballottage, de le mettre à un autre jour, Mais que faites-vous ? Vous laisses voter l'article du projet du gouvernement qui a pour but de remédier aux inconvénients du ballottage, et aujourd'hui, sous prétexte de ballottage, vous venez dire qu'on sera l'élu de la majorité, lorsqu'on n'aura pas la majorité des voix des votants.
M. de Baets. - J'ai répondu à des insinuations personnelles.
M. Bara. - En fait d'insinuations personnelles, il n'y en a pas eu ; mais en fait d'arguments, vous n'avez rien pu répondre et voilà ce que vous auriez dû faire. Retournez à Gand, je le veux bien, mais au moins faites en sorte de pouvoir dire à vos commettants que vous avez répondu à vos adversaires. Reconnaissez que vous faites ici acte de parti, et ne venez pas nous dire que c'est la question du ballottage que vous voulez résoudre.
Résoudre la question du ballottage, est-ce que c'est sérieux, lorsqu'il s'agit des élections communales ? Les inconvénients du ballottage pour les élections communales, est-ce sérieux ?
Il ne s'agit donc pas ici de ballottage. La vérité est que vous voulez proclamer un principe à l'aide duquel vous espérez vous constituer autorité, au conseil communal, au conseil provincial, à la députation dans un certain nombre d'arrondissements.
Voilà la vérité ; elle n'est pas autre, vous introduisez dans nos institutions un ver rongeur qui les détruira, qui les ruinera de la manière la plus complète.
Vous ne ferez jamais croire au pays que l'on est l'élu de la nation lorsqu'on n'a pas réuni la majorité des voix. C'est un principe absurde, auquel le bon sens répugne. Et lorsque l'honorable M. Dumortier dit que ce principe est admis dans nos lois électorales en cas de ballottage, il se trompé. Quand il y a ballottage, il n'y a en présence que le double des candidats à élire. Par conséquent, les élus obtiennent la majorité absolue, Ainsi voilà un ballottage où il y a deux candidats en présence. Comment voulez-vous que le candidat nommé n'ait pas la majorité ?
- Un membre. - Il peut y avoir des bulletins blancs.
M. Bara. - Les bulletins blancs sont nuls ; ils sont décomptés.
Ainsi, le principe des deux cinquièmes des voix n'existe nulle part, ni dans le cas de ballottage, ni d'aucune autre manière. Il pourra arriver dans' des cas extrêmement rares, alors qu'il y aura huit ou dix candidats, qu'un des élus au ballottage n'ait pas la majorité des voix. Mais dans les cas ordinaires, les élus ont la majorité plus une voix.
Je dis donc que vous allez fausser toutes nos institutions et que vous le faites évidemment dans un but de parti. Cela est aussi clair que le jour. Comment ! on vous démontre que le Congrès qui a voté la loi de 1831 a voulu que toutes les élections se fissent à la majorité absolue des suffrages. Depuis 1830, ce principe est respecté. Et vous réagissez contre toutes nos traditions, et vous le faites alors que le gouvernement n'a pas eu lui-même le courage de présenter cet article, qui est une révolution dans nos institutions.
On disait tout à l'heure : La Chambre a le droit d'amendement. Sans doute ; mais est-ce le cas d'en user de la façon dont on en agit ? Est-ce que la question importante qui nous occupe ne méritait pas d'être soumise aux délibérations du gouvernement ? Pourquoi n'en a-t-il pas pris l'initiative ? Non, il a préféré la laisser glisser dans la loi, décidé à l'appuyer parce qu'elle était dans ses vues.
Eh bien, je le répète, c'est un acte de parti.
A l'aide de l'article 12, votre parti fabriquera de faux électeurs.
A l'aide de l'article en discussion, vous ferez de faux députés, ayant un faux mandat, et vous aurez ainsi un faux parlement faisant de fausses lois.
C'est logique. Il ne pouvait en être autrement sous un ministère qui est arrivé en faisant de fausses promesses et en trompant les électeurs. (Interruption.)
M. Jacobs, ministre des finances. - Les faits vous donneront un démenti.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Les dernières paroles qui viennent de sortir de la bouche de l'honorable préopinant m'obligent à protester contre l'accusation injuste et odieuse qu'il formule contre le gouvernement et contre la section centrale, émanation de la majorité de cette Chambre. A l'en croire, nous ne serions inspirés que par des considérations de parti, nous ne chercherions qu'à asseoir, qu'à fixer la suprématie de notre opinion à l'aide de la proposition que la section centrale a formulée et à laquelle le gouvernement n'avait même pas pensé.
Ce reproche est injuste, immérité ; nous le repoussons avec toute l’énergie que donnent la vérité, la franchise et la loyauté des convictions. Mais cette accusation de céder à des préoccupations de parti, je pourrais la retourner contre nos adversaires, qui n'étayent la leur que sur les (page 1195) prévisions incertaines de l'avenir, sur des allégations sans preuve, tandis que nous, nous pourrions appuyer la nôtre sur le passé, sur des faits, sur l'expérience acquise. Nous pourrions leur dire que s'ils se récrient contre la proposition, c'est uniquement pour maintenir et perpétuer les abus scandaleux du ballottage dont l'opinion libérale a seule profité. (Interruption.)
On me dit que le ballottage est l'exception, mais l'élection aux deux cinquièmes des voix ne sera non plus qu'une rare exception, car si chaque fois que la majorité est acquise il n'y a pas lieu à ballottage, il n'y aura pas lieu non plus d'appliquer le système nouveau qui n'est introduit que pour prévenir les ballottages et les inconvénients graves qui en résultent.
M. le ministre de l'intérieur vous le disait hier : depuis dix ans il n'y a eu, dans tout le pays, que dix-sept scrutins de ballottage pour les élections législatives.
En dix ans, il n'y a eu que dix-sept cas où la majorité absolue n'a pas été acquise au premier tour de scrutin. Vous ne pouvez donc pas dire que désormais ce sera la minorité du pays qui sera représentée, que nous inaugurons le règne des minorités. Non, tout cela est contraire aux faits, à la pratique, à la réalité des choses.
Les partis resteront à l'avenir divisés comme ils le sont, les élections se feront dans les conditions où elles se font aujourd'hui. C'est dans des cas tout à fait exceptionnels que la majorité absolue n'est pas atteinte.
Les abus des ballottages, surtout pour les élections législatives, sont réels, incontestables ; ils sont reconnus et avoués. Je n'ai pas besoin d'y insister. Pour remédier à un scandaleux abus nous avons cherché... (Interruption.) ou pour m'exprimer plus exactement, la section centrale a cherché un remède.
On nous dit : Vous allez avoir la représentation de la minorité ; mais l'honorable M. Dumortier l'a fait observer avec infiniment de raison, dans les cas où la disposition s'appliquera, vous avez actuellement la représentation de la minorité ; en cas de ballottage, on est élu à la pluralité des voix, il ne faut pas de majorité absolue, il ne faut pas même les deux cinquièmes des votants.
Or, que se passe-t-il généralement ? Dans la plupart des ballottages, celui-là l'emporte souvent qui, au premier scrutin, a eu moins de voix que son concurrent et lui-même obtient presque toujours moins de voix qu'il n'en avait obtenu au premier vote. Ce n'est certes ni juste, ni loyal, ni conforme à la pratique, vraie et sincère de nos institutions.
On a cherché un premier remède à cet état de choses déplorable. Le gouvernement a proposé la remise du scrutin à un autre jour, lorsqu'il ne pourra avoir lieu à certaines heures déterminées.
Ce remède n'a pas été jugé assez efficace ; il ne préviendra pas tous les abus constatés aujourd'hui. Avec le système d'élection qui nous régit, avec le vote au chef-lieu, sera-t-il bien facile, dans les arrondissements étendus, de faire revenir une seconde fois au scrutin les électeurs qui doivent perdre leur temps, faire un long et pénible voyage pour remplir leurs devoirs civiques ? Les frais seront énormes, les dépenses électorales doublées.
- Un membre. - Pour la commune !
M. Cornesse, ministre de la justice. - Etes-vous d'accord avec nous, messieurs de la gauche, pour reconnaître les inconvénients, les abus, les scandales des ballottages dans les élections législatives ?
Reconnaissez-vous avec nous que la vérité électorale ne se manifeste pas dans les scrutins de ballottage ? qu'ils sont souvent le triomphe des minorités et des vaincus du premier scrutin ?
Nous serons alors bien près de nous entendre.
Qu'a voulu, en effet, la section centrale ? Elle n'a voulu que prévenir les ballottages et les inconvénients qui en résultent,
M. De Lehaye. - Rien que cela,
M. Cornesse, ministre de la justice. - Elle propose un remède. Je ne le considère certes pas comme une panacée, une perfection. Il constitue une exception, une dérogation au principe actuel de la majorité absolue. Mais ce que je puis affirmer, c'est que le système proposé par la section centrale, en ce qui concerne surtout les élections pour la Chambre et le Sénat, est meilleur que ce qui existe aujourd'hui.
Il prévient les inconvénients et les abus du ballottage. Il exige qu'au premier tour de scrutin, l'élu obtienne au moins les deux cinquièmes des voix ; tandis qu'il arrive souvent, avec le ballottage, qu'un candidat est élu par un nombre de voix moindre que celui qu'il avait obtenu au premier vote, moindre aussi que celui qu'avait eu son concurrent.
Qu'on ne vienne donc pas, devant le pays, travestir les intentions de la section centrale et du gouvernement. On a essayé de présenter la loi comme une œuvre de parti, tendante à fixer notre suprématie, à écraser nos adversaires, à faciliter les fraudes, à assurer le règne des minorités.
Mais, en vérité, messieurs, ne dirait-on pas que nous profiterons seuls de la disposition ?
N'établissons-nous pas la même règle pour tous les partis, et les honorables membres de la gauche n'en profiteront-ils pas, le cas échéant ?
M. Frère-Orban. - Vous ne vous divisez jamais.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Je cherche vainement les avantages exclusifs qu'offre à notre opinion la disposition proposée. Elle a été inspirée par une pensée juste, honnête, loyale, pour remédier à des abus graves, constatés sur les bancs mêmes de la gauche, pour assurer la manifestation vraie, exacte, complète du sentiment national, souvent méconnu dans les scrutins de ballottage.
On peut critiquer l'efficacité du système, mais représenter ceux qui l'ont conçu et proposé comme voulant le triomphe des minorités, et poursuivant un but de domination exclusive, c'est une exagération manifeste contre laquelle je proteste de toutes mes forces et contre laquelle la conscience du pays protestera.
M. le président. - J'ai reçu une nouvelle rédaction de l'amendement qui a été présenté hier par l'honorable M. Bara.
Voici comment il est conçu :
« En cas de ballottage, le scrutin sera ouvert le même jour.
« Seulement, il sera continué un autre jour, à fixer par l'arrêté de convocation. »
Cet amendement n'est, je pense, que la reproduction du premier.
M. Bara. - Il avait déjà fait naufrage.
M. De Lehaye. - Il est vrai, messieurs, que la section centrale ne s'est pas occupée de l'amendement que vient de représenter l'honorable M. Bara.
Cet amendement, je le connaissais parfaitement.
Lorsque l'honorable président en a donné lecture, la disposition se rattachait à l'article 6 et cet article a été voté.
Jamais la Chambre n'a renvoyé cet amendement à la section centrale et si elle l'avait fait, l'amendement n'aurait pu être examiné, puisqu'il se rattachait à un article déjà voté.
J'avais vivement engagé hier l'honorable M. Bara à venir, en section centrale, défendre l'amendement qu'il avait présenté en second lieu et qui avait été renvoyé à la section centrale.
Lisez le procès-verbal et vous constaterez que la section centrale s'est occupée de l'amendement.
M. Bara ne niera pas que je l'ai engagé à y venir.
M. Bara. - Vous vous trompez.
M. De Lehaye. - Hier, je vous ai engagé à venir à la section centrale.
M. Bara. - Je m'expliquerai.
M. De Lehaye.- Je prie la Chambre de consulter le procès-verbal. Elle y verra qu'elle a ordonné le renvoi à la section centrale de l'amendement sur lequel nous avons fait rapport, mais nullement un amendement qui se rattachait à l'article 6 du projet de loi.
M. Bara (pour un fait personnel). - Les souvenirs de l'honorable M. De Lehaye le trompent complètement ; il n'a pas été question hier de l'amendement sur lequel la section centrale a fait rapport. Cet amendement a été déposé dans la séance d'avant-hier. Mais hier j'ai envoyé à M. le président une nouvelle rédaction ; M. le président n'a pas donné connaissance à la Chambre de ma nouvelle rédaction, il a gardé l'amendement par devers lui, la Chambre n'a donc pas pu se prononcer, ni le renvoyer à la section centrale. L'amendement que j'ai déposé hier est celui qui se trouve à la tête des amendements distribués aujourd'hui. Et voici ce qui s'est passé à la fin de la séance d'hier.
M. Royer de Behr dit :
« Je ne connais pas l'opinion de mes collègues de la section centrale ; je ne puis donc stipuler que pour moi et dire que je ne vois personnellement aucun inconvénient au renvoi des amendements à la section centrale, qui pourrait présenter son rapport au début de la séance de demain. »
Et M. le président ajoute :
« Le renvoi à la section centrale est ordonné. »
II est donc clair que c'est cet amendement qui a été renvoyé à la section centrale et pas d'autres.
Maintenant M. De Lehaye m'a demandé hier si je voulais venir à la (page 1196) section centrale pour défendre mon opinion. Je ne pouvais me rendre à cette invitation et j'en ai fait connaître les motifs à M. De Lehaye en ajoutant que M. Vandenpeereboom me représenterait. Or, M. Vandenpeereboom pouvait-il me représenter au sujet de mon amendement à l'article 12 qu'il ne connaissait pas à fond ?
Au surplus, je viens de déposer un nouvel amendement et j'espère qu'il réunira les voix de la droite. Avec cet amendement, tous les électeurs pourront voter ; ceux qui en seront empêchés le jour de l'élection le pourront un autre jour et les frais seront considérablement diminués.
M. Dumortier. - Qui tiendra l'urne ?
M. Bara. - C'est un détail que je m'engage à régler si vous adoptez l'amendement. Vous pourrez, par exemple, la faire tenir par le président du tribunal de première instance. (Interruption.) Il n'y a aucune espèce de difficulté a cet égard ; vous faites bien tenir par le greffe les testaments et autres actes importants.
M. Royer de Behr, rapporteur. - J'ai peu de mots à ajouter à ce qu'a dit M. De Lehaye.
Je ferai remarquer que l'amendement de M. Bara paraît être la reproduction de l'amendement sur lequel nous étions invités à faire rapport.
M. le président. - Pas complètement, M. Royer.
M. Royer de Behr, rapporteur. - Toujours est-il que la section centrale a pensé que cet amendement se rapportait à un article déjà voté. (Interruption.)
Je ne comprends pas pourquoi l'honorable membre se plaint. Nous avons examiné l'un de ses amendements, ce qui abonde ne nuit pas.
M. Bara a rappelé les paroles que j'ai prononcées hier. J'affirme qu'en prononçant ces paroles, j'entendais parler seulement de l'amendement de M. Vandenpeereboom et du sous-amendement de M. De Lehaye. Je n'ai pas compris du tout qu'il s'agissait de l'amendement de M. Bara.
En présence de cette considération, je ne puis pas accueillir la proposition de renvoyer le nouvel amendement de l'honorable M. Bara à la section centrale.
M. Guillery. - Il est impossible à la gauche de garder le silence après le discours de M. le ministre de la justice.
L'honorable ministre n'a pas craint d'accuser toute une fraction de cette Chambre de vouloir le maintien des abus scandaleux qui avaient été constatés.
Voilà l'injure qui vient d'être adressée à toute la gauche. Nous voulons le maintien des abus scandaleux que nous reconnaissons, parce que nous voulons que les mandataires de la nation soient élus par la majorité absolue et non par les deux cinquièmes des votants !
Je ne saisis pas, au premier abord, ce raisonnement ; mais enfin, voilà l'accusation. Ceux donc qui n'ont pas, en constatant les abus révélés depuis longtemps, compris qu'il fallait que les élus fussent nommés par les deux cinquièmes des votants et non par la majorité absolue, veulent le maintien de ces abus scandaleux.
Eh bien, M. le ministre de la justice s'est condamné lui-même tout le premier, car ce n'est pas le gouvernement qui a proposé l'article en discussion ; d'où il faudrait conclure qu'il a voulu tout le premier le maintien des abus scandaleux reconnus aujourd'hui.
Il peut donc retourner contre lui-même l'imputation qu'il nous a adressée. C'est la section centrale qui, spontanément et sans qu'aucun des ministres y ait jamais pensé, a proposé ce remède.
Eh bien, nous demandons, comme vous, qu'on remédie aux abus du ballottage et nous sommes prêts à examiner avec vous les moyens que vous pourriez proposer dans ce but.
Déjà l'honorable M. Bara s'est fait notre collaborateur, par son amendement, dans cet ordre d'idées et nous avons voté un article qui aura pour effet d'atténuer, sinon de supprimer complètement les abus du ballottage. Si cela ne suffit pas encore, nous chercherons mieux. Mais parce que nous ne voulons pas d'un principe faux, contraire à tous nos précédents, vous auriez le droit, vous ministre de la justice, de nous imputer de vouloir le maintien d'abus scandaleux !
Et vous nous offrez comme compensation la perspective que si le principe des deux cinquièmes dés voix est faux, nous en profiterons autant que vous.
Eh bien, nous ne voulons pas d'une pareille compensation, nous ne voulons pas être élus aux deux cinquièmes seulement du nombre des votants ; nous ne voulons pas d'un pareil cadeau ; nous voulons la sincérité des élections, nous voulons qu'on ne puisse, se présenter dans cette enceinte que comme élu de la majorité.
Et M. le ministre de la justice, si sévère pour ses adversaires et qui leur lance si légèrement l'accusation que je viens de relever, ne se pique guère de logique ; car il a négligé de nous dire pourquoi il n'accepte pas l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom.
C'est toujours au nom d'abus qui existent sous la législation actuelle ; c'est toujours au nom d'abus résultant du ballottage, abus que nous avons condamnés, c'est au nom de ces abus qu'on vient défendre le principe des deux cinquièmes. Mais, messieurs, on ne tient jamais compte de l'article 8 qui a été voté, article d'après lequel le ballottage ne pourra jamais commencer, en hiver après 3 heures, en été après 5 heures. C'est-à-dire qu'il ne sera plus question des ballottages de nuit dont a parlé, par erreur sans doute, l'honorable rapporteur de la section centrale.
Et cependant on maintient le principe des deux cinquièmes sans nous dire pourquoi ; sic volo, sic jubeo. Vous avez la force du nombre et vous vous en servez pour nous faire subir votre volonté.
Eh bien, je suis heureux que l'honorable M. Vandenpeereboom ait présenté son amendement parce qu'il a constaté par là que tous les arguments mis en avant pour les élections législatives ne sont que des prétextes.
M. de Theux. - Je rappelle aux souvenirs de la Chambre et du pays que ce n'est que depuis que nous avons un ministère de la droite que l'on consent à discuter les abus du ballottage et à chercher sérieusement à y remédier.
J'ai eu beau présenter, dans différentes occasions, des amendements dans ce but ; pas un seul membre de l'ancienne gauche n'y a jamais consenti.
Le gouvernement n'y a pas répondu, et nous sommes restés dans la voie des abus pendant un nombre indéfini d'années, et je crois qu'il n'est pas difficile d'établir que le maintien de l'ancienne majorité a dépendu, au moins une fois, de l'abus dont nous nous sommes plaints ; toute une élection a été viciée par là ; et si cette élection n'avait pas été viciée, la situation de l'ancienne majorité n'eût pas été conservée.
Mais, messieurs, on dit : « Proposez un remède sincère, facile, praticable. »
Mais j'ai indiqué un remède. Personne de la gauche n'a pris la parole pour appuyer ce système.
J'aurais voulu que le ballottage fût accompli au chef-lieu du canton ; personne n'a accepté mon remède. Ce remède était simple et naturel ; il n'était pas dispendieux ; personne n'en a voulu, je n'en ai pas fait la proposition, parce que j'étais en présence de l'amendement de la section centrale et que je ne rencontrais aucun appui à gauche. C'était un remède facile et simple ; quelle objection pouvait-on faire à l'accomplissement du scrutin de ballottage au chef-lieu du canton ?
Ce ballottage aurait eu lieu huit jours après le premier scrutin, à l'heure qui aurait été éventuellement déterminée par l'arrêté royal de convocation ; on aurait dépouillé les votes dans chaque canton ; et le bureau central aurait donné connaissance des votes émis dans les différents cantons. Cette proposition était juste ; mais elle n'a rencontré ici aucun écho. Dès lors j'ai été bien forcé d'adopter le remède proposé par la section centrale, et qui pare, dans la mesure du possible, à une injustice qui s'est prolongée trop longtemps.
M. Frère-Orban. - L'honorable M. de Theux qui s'est défendu de faire des récriminations, a commencé par récriminer contre l'ancienne majorité, devenue minorité. L'honorable membre dit qu'il a plusieurs fois signalé les inconvénients du ballottage, mais qu'il n'a pas trouvé d'appui, ni à gauche, ni dans le gouvernement, pour faire cesser ces abus. Eh bien, je m'étonne que l'honorable membre, qui d'ordinaire a bonne mémoire, ne se soit pas souvenu que si les inconvénients du ballottage ont été signalés, s'ils ont excité des plaintes, que ces plaintes ne sont pas récentes, qu'elles sont anciennes.
En effet, on a signalé les inconvénients du ballottage dans des élections du Limbourg sous l'administration de l'honorable membre ; on a signalé aussi les inconvénients du ballottage dans certaines élections de Termonde qui ont donné lieu à des discussions dans cette Chambre.
L'honorable membre a-t-il fait alors, soit comme membre du gouvernement, soit comme membre de la Chambre, une proposition quelconque pour porter remède à ces inconvénients ?
Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Parce qu'il a reconnu, ce qui est vrai, que c'était une question des plus difficiles et des plus délicates. On a aujourd'hui approfondi plus que jamais cette question ; le ministère en a été particulièrement préoccupé, à quoi a-t-il abouti ? A fixer les heures du ballottage, s'il doit s'effectuer le même jour, et dans le cas où il ne pourrait avoir lieu à l'heure indiquée, à faire remettre les opérations électorales à un autre jour à déterminer par l'arrêté royal de convocation.
(page 1197) Tel est le système qui a été proposé par le gouvernement. Par qui a-t-il été combattu ? Cette proposition a-t-elle été contestée ? Y a-t-il un seul membre de la gauche qui se soit élevé contre ce système ? On a dit : Eh bien, soit ! Nous ne voulons pas profiter des abus ; or, il y en a dans le ballottage ; cela présente des inconvénients ; vous indiquez un remède, nous l'admettons. Et il a été admis à l'unanimité. Maintenant de quoi s'agit-il aujourd'hui ? Est-ce encore du ballottage ? Mais non, le ballottage est réglé ! (Interruption.) Cela est fait par l'article 8. On a apporté au ballottage le remède qui a été indiqué par le gouvernement lui-même. (Interruption.)
Le gouvernement n'avait pas pensé à autre chose. Cependant ce n'est pas qu'il n'ait pas vu les abus et les inconvénients du ballottage, puisqu'il les signale dans son exposé des motifs. Mais il n'a pas voulu proposer la suppression du ballottage, car il a reconnu que c'était une nécessité de. notre système électoral ; il s'est borné à en atténuer les inconvénients et cela a été admis.
De quoi s'agit-il aujourd'hui ?
Aujourd'hui il s'agit de tout autre chose. Il s'agit d'une disposition qui aura pour effet d'empêcher qu'il y ait encore ballottage.
M. Coomans. - Il y en aura encore.
M. Frère-Orban. - Oui, quand on n'aura pas atteint les deux cinquièmes des voix. Vous voulez décider aujourd'hui que l'élection se fait à la pluralité des voix, qu'elle ne se fait pas à la majorité.(Interruption.) Elle se fait à la pluralité, à cette seule condition que la pluralité atteigne les deux cinquièmes.
Eh bien, vous modifiez ainsi essentiellement le principe de nos institutions parlementaires.,
Quand vous réglementez le ballottage, quand vous faites en sorte de faire cesser les abus auxquels il donne lieu, nous vous appuyons ; mais, quand vous voulez modifier le principe de nos institutions, vous avez tort, nous vous combattons et nous vous disons : Vous ne le faites que dans un seul but ; il est incontestable que les inconvénients du ballottage vous frappent surtout dans une ville... (Interruption.)La vérité est que dès qu'il est question des inconvénients sérieux du ballottage, on parle sans cesse de la ville de Gand.
M. Coomans. - Et d'ici pas ?
M. Frère-Orban. - Non !
M. Coomans. - Allons donc.
M. Frère-Orban. - Non, et je vais vous dire pourquoi.
M. de Theux. - Et à Louvain ? et à Bruges ?
M. Frère-Orban. - C'est la grande exception, et la preuve c'est que sur 17 ballottages auxquels les élections ont donné lieu depuis dix années, la meilleure part s'applique à la seule ville de Gand. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de ballottage ailleurs ; mais ce n'est pas là ce qui vous préoccupe.
Le but de l'article, c'est donc Gand ; et pour cela on invente une machine de guerre des plus désastreuses, dont les partis essayeront d'user dans les collèges électoraux partout où ils le pourront. Et à l'aide de ce système on aura suscité des manigances pour diviser les voix dans l'espoir qu'une minorité réelle pourra atteindre aux deux cinquièmes des voix.
Voilà à quoi on va tendre chaque fois que l'occasion paraîtra propice et ce. sera au grand préjudice de la sincérité des élections.
M. Delaet. - La proposition qui vous faite est une des mesures de parti les plus violentes qui aient jamais été proposées dans celle Chambre.
Voilà ce que vient de dire l'honorable M. Frère en se rasseyant.
- Des membres. - Oui ! oui !
M. Delaet. - Pendant toute cette discussion, on a répété que le gouvernement s'était servi de la section centrale comme messagère pour porter dans cette Chambre une proposition qu'il n'avait pas osé lui-même inscrire dans la loi.
Toutes ces déclamations, toutes ces exagérations tombent devant un seul fait, et ce qui m'étonne, c'est que les orateurs qui viennent ici parler de coups de parti, qui viennent ici parler de machinations, ne se soient pas donné la peine de lire le rapport de la section centrale. Ils y auraient vu qu'à l'article 8, la quatrième section, à l'unanimité, a chargé son rapporteur d'appeler l'attention de la section centrale sur la suppression éventuelle du ballottage avec stipulation que les candidats élus devraient réunir au moins les deux cinquièmes des voix.
Or, messieurs, quelle était la quatrième section. Elle était composée en majorité de membres appartenant à la minorité de cette Chambre. Et quel était le rapporteur chargé de porter en section centrale le vœu de la quatrième section ? C'était un de nos honorables collègues, dont je regrette, comme vous tous, l'absence momentanée, l'honorable M. Van Humbeeck. Voilà l'origine de la proposition ; et voilà comment la section centrale a suivi l'impulsion du ministère !
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.
M. Frère-Orban. - C'est l'honorable M. de Theux qui a proposé cela dans la section centrale.
M. de Theux. - L'honorable M. Frère vient de faire une insinuation. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'aucun membre du gouvernement ne m'avait parlé de cette proposition. Je l'ai faite spontanément, parce que je la croyais bonne et utile, et c'était bien mon droit, lors de l'examen en sections, de faire une proposition qui me paraissait de nature à améliorer la loi.
M. Jottrand. - Je demande la parole.
- Des membres. - Non, non ! la discussion est close.
M. Jottrand. - Si la discussion n'est pas close pour M. de Theux, elle n'est pas close pour moi ; je demande la parole pour un fait quasi personnel.
Je faisais partie de la quatrième section. Elle a tenu plusieurs séances et son rapporteur n'a été nommé que dans la quatrième réunion. Elle était constituée, dans cette dernière séance, de tous autres membres que ceux qui avaient pris parla la discussion. Il se peut que j'aie manqué à une réunion ; mais je n'ai nul souvenir d'avoir vu se produire la proposition qui est soumise en ce moment aux délibérations de la Chambre.
Je ne conteste pas la véracité du procès-verbal. Il se peut, je le répète, que j'aie manqué à une des réunions de la quatrième section. Mais je déclare que si cette proposition s'était produite en ma présence, j'aurais protesté de toutes mes forces, et que ce n'est pas d'un consentement unanime qu'elle aurait été portée à la section centrale...
M. Frère-Orban. -Je veux dire à l'honorable M., de Theux que je n'ai fait aucune espèce d'insinuation. J'ai constaté une chose. Le gouvernement n'a pas pris l'initiative de cette proposition. Elle a été formulée par l'honorable comte de Theux, ainsi qu'il l'a rappelé dans son discours, et naturellement le rapporteur de la section dont l'honorable M. de Theux faisait partie était tenu, quelle que fût son opinion à lui, de porter cette proposition à la section centrale.
Par conséquent, les observations qui ont été faites sous ce rapport et qui semblaient attribuer la proposition à un membre de la gauche n'ont aucune espèce de fondement.
M. Delaet. - Je demande la parole pour un mot.
- Des membres : Non ! non ! n'insistez pas.
M. Delaet. - Il y a quelque chose de parfaitement inexact dans ce que vient de dire l'honorable M. Frère : on ne porte à la section centrale que les propositions qu'une section a faites siennes ; quand une section charge son rapporteur de soumettre une proposition à la section centrale, ce n'est jamais que par un vote approbatif de la proposition.
M. Orts. - Messieurs, je n'entends pas faire un discours, mais mon honorable ami est absent par une circonstance douloureuse que toute la Chambre connaît et, s'il était ici, il aurait incontestablement le droit de demander la parole pour un fait personnel ; je veux donc, en son absence, dire ce que je suis convaincu qu'il dirait s'il était ici.
On veut donner à M. Van Humbeeck et à la gauche la paternité de la proposition. (Interruption.) Vous avez voulu reporter sur la gauche la paternité de ce que la gauche repousse.
M. Coomans. - La complicité.
M. Orts. - Soit, je vais donc répondre à l'accusation principale et à l'accusation de complicité.
L'honorable comte de Theux a eu la loyauté de reconnaître que l'initiative prise par la quatrième section parlait de lui. Qu'a fait la quatrième section ? A-t-elle adopté une proposition à l'unanimité de ses membres et chargé son rapporteur de soumettre cette proposition à la section centrale et de la défendre ?
Voici le texte de la proposition :
« La section charge son rapporteur d'appeler l'attention de la section centrale sur la suppression éventuelle du ballottage, avec stipulation que le candidat élu devrait réunir au moins les deux cinquièmes des voix. »
C'est-à-dire que la section appelle l'attention de la section centrale sur une question qui avait été posée.
« La section charge son rapporteur (page 1198) d'appeler l'attention de la section centrale, » tout le monde comprend ce que cela signifie.
« Le projet de loi, continue le rapport, est adopté par 7 voix contre 4 et 1 abstentions. »
Je demanderai à M. Delaet si, parmi les quatre voix qui ont voté contre la proposition, se trouve celle de M. Van Humbeeck ?
M. Delaet. - Je n'en sais rien.
M. Orts. - J'ai terminé l'historique exact de ce qui s'est passé dans la quatrième section, voyons ce qui s'est passé dans la section centrale.
Nous voyons, à la page 49 du rapport, que la proposition a été adoptée par 5 voix contre une abstention.
Le membre qui s'est abstenu a voulu réserver son opinion sur le principe du changement proposé.
Je demande à l'honorable M. Delaet si sa mémoire lui permet de nous dire si le membre qui s'est abstenu est M. Van Humbeeck ?
M. Delaet.- Messieurs, je viens d'écouter avec la plus grande attention le discours de l'honorable M. Orts.
L'honorable membre s'est placé à côté de la question.
Je n'ai pas attaqué l'honorable M. Van Humbeeck, je n'ai parlé ni de son vote ni du vote de la quatrième section.
Voici devant quel fait nous nous trouvions placés.
La gauche tout entière, et l'honorable M. Frère plus qu'aucun autre membre de la gauche, accusent la section centrale d'avoir été l'instrument d'une intrigue ministérielle…
M. Frère-Orban. - Je n'ai pas dit cela.
M. Delaet. - Vous ne l'avez pas dit en vous rasseyant, mais cela a été dit dix fois depuis quelques jours par vous et par bien d'autres. (Interruption.)
J'affirme que nous avons introduit cette disposition à l'insu du gouvernement. Quant à moi, je n'ai vu à ce propos aucun membre du gouvernement et je crois qu'il en est de même de mes honorables collègues.
M. Tack. - C'est ainsi.
M. Delaet. - Vous avez dit : C'est une conspiration ; vous voulez asseoir à tout jamais la prépondérance de votre parti sur le nôtre ; c'est une machine de guerre que vous introduisez à l’improviste, vous péchez contre toutes les règles du gouvernement parlementaire ; vous n'osiez pas proposer cette disposition à la couronne et vous l'avez fait introduire subrepticement par la section centrale.
Voilà la substance du discours de l'honorable M. Frère.
Pour lui répondre, j'ai recherché l'origine de la proposition et j'ai trouvé cette origine dans la quatrième section, où les membres de la minorité de cette Chambre étaient en majorité.
Si donc c'était une machine de guerre, ces membres auraient dû être assez perspicaces pour la découvrir et ne pas la laisser transmettre à la section centrale.
Que l'honorable M. Van Humbeeck n'ait pas voté la proposition en section centrale, cela est parfaitement vrai.
M. Orts. - C'est, tout ce que je voulais constater.
M. Delaet. - Mais cet honorable membre dont, je le répète, je regrette l'absence, a repoussé cette disposition, comme toutes les autres, systématiquement.
Il a reconnu cependant que le ballottage offrait de très graves inconvénients. Je fais appel, à cet égard, aux souvenirs de mes honorables collègues.
Ce qui restera de ce débat, c'est qu'il n'y a eu ni intrigue ministérielle, ni asservissement de la section centrale, que tout le monde a fait son devoir et que si l'amendement a été introduit, il l'a été régulièrement et par la voie parlementaire.
M. le président. - Messieurs, je vais donner lecture de l'article et des amendements qui s'y rapportent :
« Art. 9. Nul n'est élu au premier tour de scrutin s'il ne réunit plus des deux cinquièmes des voix. »
M. Vandenpeereboom propose d'ajouter après : « nul n'est élu » les mots : « représentant ou sénateur. »
M. Guillery sous-amende l'amendement de M. Vandenpeereboom et propose de dire : « La majorité absolue est exigée pour l'élection communale et pour l'élection provinciale. »
M. Bara a déposé également un amendement ainsi conçu :
« En cas de ballottage, le scrutin sera ouvert le même jour. Seulement, il sera continué un autre jour fixé par l'arrêté de convocation. »
Je crois qu'il faut voter d'abord sur l'amendement de M. Vandenpeereboom.
M. Vandenpeereboom. - L'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter est conçu exactement dans le même ordre d'idées que celui de l'honorable M. Guillery.
Je demande purement et simplement que les conseillers communaux et provinciaux soient élus au premier tour de scrutin, à la majorité absolue ; en d'autres termes, que l'article, s'il doit être adopté par la Chambre, ne s'applique pas aux conseillers communaux et provinciaux.
M. Guillery demande absolument la même chose ; si l'on peut voter plus régulièrement sur sa proposition, je consens volontiers à m'y rallier. S'il y a quelque chose de défectueux dans la rédaction, et que l'amendement soit adopté, on pourra toujours revenir sur la rédaction au second vote.
M. le président. - Voici comment je comprends les amendements :
L'amendement de M. Vandenpeereboom pourrait être mis aux voix avant le vote de l'article ; mais si M. Vandenpeereboom se ralliait à l'amendement de M. Guillery, il faudrait d'abord procéder au vote sur l'article et voter ensuite l'amendement qui limite le sens de l'article 9.
M. Elias. - Le vote doit porter d'abord sur l'amendement de M. Bara, qui s'éloigne le plus de la proposition du gouvernement. Le règlement l'exige d'abord, et ensuite c'est le seul moyen de permettre aux membres de manifester leur opinion.
M. Muller. - Je demande la parole pour m'expliquer sur le vote que j'aurai à émettre d'après la position des questions. Pour mon compte, je ne veux pas plus pour la Chambre législative que pour la commune et la province que l'on proclame des élus qui n'ont pas la majorité absolue.
M. Vandenpeereboom. -Ni moi non plus.
M. Muller. - Je demande donc que l'on pose la question de telle façon que nous soyons libres d'exprimer clairement notre opinion. Pas plus pour la Chambre que pour la commune et pour la province, je ne puis admettre qu'on proclame des élus qui n'ont pas la majorité.
M. Jacobs, ministre des finances. - Avec l'amendement de M. Guillery comme avec celui de. M. Vandenpeereboom, on votera sur les deux questions ; mais on votera en ordre inverse. Si l'on vote sur l'amendement de M. Vandenpeereboom, on votera d'abord sur les mots « représentants ou sénateurs », puis on votera le principe. Si, au contraire, le vote porte sur l'amendement de M. Guillery, il faudra se prononcer d'abord sur l'article du gouvernement, qui est la règle, puis sur l'amendement, qui établit l'exception.
Suivant donc que la Chambre voudra voter d'abord sur la règle ou sur l'exception, elle donnera la préférence à l'amendement de M. Guillery ou à celui de M. Vandenpeereboom.
M. Bara. - Et mon amendement ?
M. Jacobs, ministre des finances. - Quant à l'amendement de M. Bara tel qu'il est rédigé, il ne semble pas pouvoir être mis aux voix, attendu qu'il se rapporte à l'article 6 déjà voté. M. Bara l'a reconnu hier sur une observation de l'honorable président ; mais il a ajouté que si la critique était fondée pour les élections législatives, où le mode de ballottage est décidé par l'article 6, il n'en est pas ainsi pour les élections provinciales et communales.
Si l'honorable membre veut restreindre son amendement aux élections provinciales et communales, je ne contesterai pas son droit de faire voter sur son amendement. Mais s'il veut présenter un nouveau mode de ballottage pour les Chambres, alors que nous nous sommes prononcés à ce sujet en votant l'article 6, la question préalable doit être posée, puisqu'il y a décision sur la question.
Au lieu du mode proposé par M. Bara, on a décidé que le ballottage aurait lieu le même jour, lorsqu'il pourrait commencer à telle heure et qu'il aurait lieu un autre jour lorsqu'il ne pourrait commencer que plus tard.
Il ne s'agit plus que de décider quand il y aura ballottage ; nous avons décidé déjà ce qui se fera en cas de ballottage.
M. Vandenpeereboom. - Je désire donner une explication à l'honorable M. Muller. Pas plus que lui, je ne veux l'élection des représentants à la majorité relative des deux cinquièmes ; et je déclare très loyalement ici, comme je l'ai fait à la section centrale, que, mon amendement fût-il admis, je ne voterais pas moins contre l'ensemble de l'article. Je n'ai proposé mon amendement que pour améliorer, dans la mesure du possible, une disposition que je considère comme essentiellement mauvaise.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix !
M. Bara. - Comment, aux voix ! On vient dire qu'on ne peut voter sur mon amendement et je n'aurais pas le droit de prendre la parole ! M. le ministre des finances m'oppose une fin de non-recevoir basée sur (page 1199) le vote de l'article 8 ; mais il est complètement dans l'erreur, mon amendement est plus étendu que l'article 8, il s'applique aux élections générales, provinciales et communales et il institue un nouveau mode ayant pour but de faire disparaître l'inconvénient des ballottages.
Eh bien, j'ai le droit de présenter un pareil amendement malgré le vote de l'article 8. Tous les jours il arrive qu'on vote des dispositions qui se contrarient et c'est précisément pour cela que l'article 45 du règlement dispose :
« Dans la seconde séance seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés.
« Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »
Si donc vous adopter mon amendement, il faudra remplacer l'article 8 par une nouvelle disposition et j'aurai certainement le droit de la proposer au second vole.
M. Jacobs, ministre des finances. - L'article 6, tel qu'il a été voté par la Chambre, ne doit plus être soumis à un second vote. M. Bara. - Cela ne fait rien.
M. Jacobs, ministre des finances. - Il est incontestable qu'il n'y a plus à revenir sur l'article 8.
M. Bara. - Vous êtes dans l'erreur.
M. Jacobs, ministre des finances. - On m'oppose l'article 45 du règlement. Que dit cet article ?
« Dans la seconde séance seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés. »
Ainsi, messieurs...
M. Bara. - Continuez.
M. Jacobs, ministre des finances. - Ainsi donc un article qui a été voté, tel que le gouvernement l'a présenté, ne doit pas être soumis à un second vote.
M. Bara. - Vous n'avez pas tout lu.
M. Jacobs, ministre des finances. - L'article 45 ajoute : « II en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »
Cela n'empêche pas que quand un article a été adopté au premier vote tel qu'il a été présenté, en supposant que nous puissions présenter au second vote un amendement à cet article, encore ne serait-il point admissible qu'au premier vote, on pût soumettre à la Chambre un amendement contraire à un article déjà voté.
Je m'en réfère à la décision de la Chambre.
M. le président. - Je crois que l'amendement de M. Bara tel qu'il était d'abord rédigé ne pouvait pas être soumis à un vote, car la Chambre aurait été exposée à introduire dans la loi deux dispositions contradictoires. Mais la nouvelle rédaction proposée par M. Bara ne présente plus cet inconvénient ; l'amendement peut se concilier avec l'article déjà voté qui concerne le ballottage.
Il tend à décider que le ballottage commencé après le premier scrutin ne sera pas clos le même jour, mais qu'il sera continué le lendemain.
La parole est à M. Frère-Orban sur la position de la question.
M. Frère-Orban. - J'y renonce, puisqu'on n'insiste pas sur la question préalable.
M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, je mets aux voix l'article nouveau proposé par M. Bara.
- On demande l'appel nominal. Il y est procédé.
102 membres répondent à l'appel
58 membres répondent non.
44 membres répondent oui.
En conséquence, l'amendement de M. Bara n'est pas adopté.
Ont répondu oui :
MM. de Rossius, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Puissant, Rogier, Sainctelette, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Allard, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Bricoult, Couvreur, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, De Lexhy, de Lhoneux, de Macar et Demeur.
Ont répondu non :
MM. de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion, Drubbel, Dumortier, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Santkin, Schollaert, Simonis, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Biebuyck, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Baets, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke et Thibaut.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Vandenpeereboom.
M. Vandenpeereboom. - Je me rallie à l'amendement de M. Guillery.
M. Guillery. - Je pense que le mode le plus simple de procéder au vote est celui-ci ; on consulterait la Chambre, d'abord pour les élections communales, puis pour les élections provinciales, puis pour les élections législatives.
M. le président. - Il me semble que ce qu'il y a de plus simple, c'est de voter d'abord sur l'article 9.
M. Guillery. - Je ne m'y oppose pas.
M. Vandenpeereboom. - Il me semble cependant qu'on devrait voter d'abord sur les amendements ; on commence toujours par là.
M. de Theux. - Qu'on mette successivement aux voix la question en ce qui concerne les élections communales, les élections provinciales et les élections législatives.
M. Guillery. - Il y a d'abord le principe général ; commençons par voter sur ce principe.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article qui contient le principe. Si l'article est adopté, on mettra ensuite aux voix l'amendement de M. Guillery pour les élections provinciales et les élections communales.
M. Vandenpeereboom. - Il est donc bien entendu que si l'article 9 est voté, on votera également sur l'amendement.
M. le président. - C'est précisément ce que je viens de dire. Nous allons donc passer au vote sur l'article 9.
- Voix nombreuses. - L'appel nominal !
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article 9.
98 membres y prennent part.
50 membres répondent oui.
48 membres répondent non.
Ont répondu oui :
MM. de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drion, Drubbel, Dumortier, Hayez, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Tack, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, A. Visart, Wasseige, Biebuyck, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Baets, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke et Thibaut.
Ont répondu non :
MM. de Rossius, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Mouton, Muller, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Puissant, Rogier, Sainctelette, Santkin, Thonissen, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Léon Visart, Vleminckx, Warocqué, Wouters, Allard, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Bricoult, Couvreur, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Lhoneux, de Macar et Demeur.
M. le président. - Nous passons maintenant à l'amendement de M. Guillery ; la division ayant été demandée, je mets d'abord aux voix la première partie de cet amendement :
« La majorité absolue est exigée pour les élections communales. »
- Voix nombreuses. - L'appel nominal !
(page 1200) Voici le résultat du vote :
93 membres répondent à l'appel nominal.
49 votent l'adoption.
39 votent le rejet.
5 s'abstiennent.
En conséquence, cette partie de l'amendement est adoptée.
Ont voté l'adoption :
MM. Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Elias, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Mascart, Moncheur, Mouton, Pirmez, Puissant, Sainctelette, Santkin, Thonissen, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire. Verwilghen, Léon Visart, Warocqué, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Cornesse, Couvreur, d'Andrimont, David, de Baillet-Latour, de Clercq, Defuisseaux, de Haerne, de Kerckhove, Delcour, de Lhoneux, de Macar et Demeur. Ont voté le rejet :
MM. de Muelenaere, de Smet, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Drubbel, Dumortier, Hayez, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Lescarts, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Tack, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Amédée Visart, Biebuyck, Coomans, Coremans, de Baets, Delaet, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke et Thibaut.
Se sont abstenus :
MM. de Rossius, Muller, Rogier, Braconier et Bricoult.
M. de Rossius. - Je n'ai pas voté contre la proposition de mon honorable ami, M. Guillery, parce que je reconnais qu'il améliore, dans une certaine mesure, la disposition détestable dont la droite nous a dotés. Cependant, je n'ai pu voter pour, parce que je ne puis admettre que les différents mandats des pouvoirs publics reposent sur des majorités différentes,
M. Muller, M. Rogier, M. Braconier et M. Bricoult se sont abstenus pour les mêmes motifs.
M. le président. - Je mets aux voix la seconde partie de l'amendement de M. Guillery :
« La majorité absolue est exigée pour les élections provinciales. »
- L'appel nominal est demandé.
80 membres sont présents.
43 adoptent.
35 rejettent.
4 s'abstiennent.
En conséquence, l'amendement est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Dethuin, de Vrints, Drion, Elias, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Moncheur, Mouton, Puissant, Santkin, Thonissen, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Léon Visart, Warocqué, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Cornesse, Couvreur, Crombez, d'Andrimont, David, de Clercq, Defuisseaux, de Kerckhove, Delcour, de Lhoneux, de Macar et Demeur.
Ont voté le rejet :
MM. de Muelenaere, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Tack, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Amédée Visart, Biebuyck, Coremans, de Haerne, Delaet, de Lehaye, de Liedekerke et Thibaut.
Se sont abstenus :
MM. de Rossius, Muller, Braconnier et Bricoult.
M. de Rossius. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai donnés tout à l'heure.
M. Muller, M. Braconier et M. Bricoult déclarent s'être abstenus par les mêmes motifs que M. de Rossius.
M. le président. - J'ai reçu un amendement de M. Le Hardy de Beaulieu, qui est ainsi conçu :
« Aucune éjection ne pourra avoir lieu si les quatre cinquièmes des électeurs ne sont présents au premier tour de scrutin. »
Cet amendement sera imprimé et distribué.
Je proposerai à la Chambre de continuer demain la discussion du projet de loi sur la réforme électorale.
- Plusieurs membres. - Non ! non ! Les pétitions !
- D'autres membres. - Continuons la discussion !
M. Muller.- Si vous voulez renverser ce qui a été décidé la semaine dernière, je demande l'appel nominal.
M. Vander Donckt. - La Chambre a décidé que le vendredi on s'occuperait de pétitions et de naturalisations. Je demande le maintien de cette décision, on n'a pas encore fait de naturalisations.
- Plusieurs membres. - On n'est plus en nombre.
M. le président. - Ainsi, comme premier objet à l'ordre du jour de demain figurera le feuilleton des pétitions.
- La séance est levée à 6 heures.