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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 4 mai 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1127) M. Wouters fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

M. Vleminckx. - Le procès-verbal ne relate pas les noms des votants, ce que je conçois. Mais les Annales parlementaires me font voter contre l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck, tandis que j'ai voté pour. Je tiens d'autant plus à cette rectification, que je suis avant tout partisan du droit de suffrage basé sur la capacité.

M. le président. - Les Annales parlementaires feront mention de votre réclamation.

- Le procès-verbal est adopté.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur De Garadon d'Omalius demande la suppression des barrières sur la route de Huy à Tirlemont, ou du moins la rectification du tableau des barrières annexé à la loi du 10 mars 1838, pour exempter de la barrière de Statte les voitures et chevaux qui se dirigent du côté de Huy. »

M. de Macarù. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport. Je voudrais que ce rapport nous fût fait avant la discussion du budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal d'Hoogstraeten prie la Chambre d'accorder au sieur Maréchal la concession d'un chemin de fer d'Ans sur Bréda. »

« Même demande du conseil communal de Minderhout. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« Des habitants de Breedene présentent des observations contre la demande ayant pour objet la séparation du hameau de Molendorp. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur la demande en séparation du hameau de Molendorp.


« Des habitants de Gysegem demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française. »

« Même demande d'habitants de Lembeke. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions identiques.


« M. Léon Visart, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé de quelques jours. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi de réforme électorale

Discussion des articles

Chapitre premier. Elections communales

Article2

M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article 2.

J'ai reçu un amendement de M. Magherman ; il est ainsi conçu :

« Le paragraphe 3 de l'article 5 de la loi communale est supprimé.

« Les dispositions suivantes sont ajoutées au paragraphe 2 :

«... par un seul scrutin.

« A défaut de désignations spéciales, les premiers noms inscrits sur le bulletin sont attribués au chef-lieu, jusqu'à concurrence du nombre des conseillers à y élire ; les noms subséquents sont attribués aux sections ou hameaux et, s'il y en a plusieurs, en suivant l'ordre alphabétique des noms de ces sections ou hameaux. »

M. Magherman. - Messieurs, l'amendement que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre a en vue une simplification.

D'après l'article 5 de la loi communale, dans les localités où la commune est composée de plusieurs sections ou hameaux, la députation permanente peut ordonner qu'il sera procédé à l'élection des conseillers de ces sections ou hameaux par plusieurs scrutins.

Voici la disposition de la loi :

« Dans les communes composées de plusieurs sections ou hameaux, la députation permanente du conseil provincial peut déterminer, d'après la population, le nombre de conseillers à élire parmi les éligibles de chaque section ou hameau.

« Dans ce cas tous les électeurs de la commune concourent ensemble à l'élection.

« Il y a néanmoins un scrutin séparé pour chaque section ou hameau. »

Messieurs, cette disposition peut faire durer les élections pendant un temps très considérable ; il peut y avoir ballottage pour le centre de la commune, il peut y avoir également ballottage pour les hameaux. Dans ces cas, les élections peuvent difficilement se terminer en un jour. Le but de mon amendement est de porter remède à cet inconvénient en faisant procéder par un seul scrutin à l'élection des représentants de toutes les parties de la commune. C'est l'application, en quelque sorte, à la commune, de ce qui a été décidé précédemment pour les élections générales.

On procédait primitivement, en vertu de la loi du 5 mars 1831, par deux scrutins séparés, à l'élection des représentants et à celle des sénateurs ; l'article 24 de la loi du 1er avril 1843 ordonne de faire un seul scrutin pour l'élection des membres des deux Chambres. Je propose l'application du même principe aux élections communales ; il me semble qu'on ne peut opposer rien de raisonnable à l'adoption de cette mesure.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, l'article 5 de la loi communale porte :

« Dans les communes composées de plusieurs sections ou hameaux détachés, la députation permanente du conseil provincial peut déterminer, d'après la population, le nombre des conseillers à élire parmi les éligibles de chaque section ou hameau.

« Dans ce cas, tous les électeurs de la commune concourent ensemble à l'élection.

(page 1128) « Il y a néanmoins un scrutin séparé pour chaque section ou hameau. »

C’est cette dernière disposition que l'honorable M. Magherman voudrait voir disparaître de la loi communale. Je ne pense pas que le motif qu'il invoque soit fondé. Il ne faut pas perdre de vue que la députation permanente aura rarement recours à cette mesure et qu'elle ne la prendra qu'en faveur de sections importantes dont il convient d'assurer la représentation au sein du conseil communal.

Si le système de l'honorable M. Magherman était adopté, si on attribuait au centre de la commune les premiers noms des bulletins, et aux sections les noms qui suivraient, il est certain que, dans la plupart des cas, il y aurait doute et incertitude dans le vote des électeurs, et bien souvent des suffrages librement exprimés se trouveraient annulés.

Si les premiers noms appartenaient aux sections ou aux hameaux, il faudrait considérer ce vote comme inopérant ; il en serait de même quand les derniers noms appartiendraient au centre.

Je pense donc, messieurs, qu'au point de vue de la sincérité des opérations électorales, il vaut mieux maintenir l'article 5 de la loi communale, sans adopter l'amendement de l'honorable M. Magherman.

M. Dumortier. - Messieurs, au paragraphe 2 de cet article se rattache une disposition ainsi conçue :

« Le tiers de la contribution foncière compte au locataire sans diminution des droits du propriétaire. »

Cette disposition est empruntée à la loi communale, mais elle en est une bien grande extension.

Lorsque nous fîmes la loi communale, en 1834, j'eus l'honneur de proposer à la Chambre de compter aux fermiers le tiers de l'impôt du domaine rural qu'ils exploitaient.

Pourquoi ? Parce que, à l'inverse du boutiquier, le fermier n'a point de patente. Le fermier a très peu de contribution personnelle.

Les portes et fenêtres de son habitation ne donnent pas lieu à un chiffre d'impôt suffisant pour arriver au cens électoral, même dans les plus petites communes. Et cependant il est le représentant des intérêts agricoles, les premiers du pays.

Il y avait ici un acte de justice distribuée.

Au boutiquier vous comptiez sa patente. Au fermier vous ne comptiez rien. Il fallait établir un contre-poids. C'est dans ce but que j'ai proposé à la Chambre, qui l'a admis, de compter au fermier le tiers de la contribution foncière du domaine rural qu'il exploite et dont, en réalité, il paye l'impôt.

Le projet actuel étend la mesure à la propriété bâtie. La disposition qu'on vous propose profite précisément à ceux qui étaient les favorisés, aux patentables qui habitent des propriétés bâties.

Vous allez avoir, de ce chef, une augmentation considérable d'électeurs. On en aura 6,000 nouveaux.

Je crois qu'il est bien difficile d'apprécier quel sera le nombre de ceux qui, payant déjà une partie du cens, voudront le parfaire au moyen du paragraphe 2 en discussion.

Il y a plus, vous pourriez arriver à une conséquence excessivement sérieuse.

Beaucoup d'habitations, dites bataillons carrés, sont occupées par des ménages pauvres avec un principal locataire ; quand on payera pour une de ces habitations 30 francs d'impôt foncier, le principal locataire sera électeur, sans payer un denier au trésor public.

S'il est payé 30 francs, il comptera 10 francs.

M. De Lehaye. - C'est une erreur.

M. Jacobs, ministre des finances. - Toute maison qui paye un foncier de 30 francs paye un personnel considérable.

M. Dumortier. - Je vous demande pardon ; il y a des maisons qui ne payent pas de personnel et qui payent 30 francs de foncier. Ce sont des maisons bâties sur un terrain assez vaste et qui sont occupées par un grand nombre d'ouvriers.

Quant à moi, je ne vois aucune utilité de modifier la loi communale, et je ne comprends pas encore comment, avec l'énorme abaissement du cens, on veut encore augmenter ainsi le nombre des petits électeurs.

Messieurs, je ne veux pas présenter d'amendement. La manière dont la Chambre a accueilli, hier, la proposition que j'ai cru devoir présenter, a tranché la question. Mais cela ne fait pas taire ma conscience. Et lorsque la conscience me dit qu'il y a danger pour la chose publique, quoiqu'il m'en coûte beaucoup, je me sépare de mes amis et du cabinet qui a ma confiance, rien ne peut m'arrêter.

Je ne fais pas un acte d'hostilité, ni de défiance envers mon parti ; j'obéis au cri de ma conscience.

Jamais rien au monde ne me fera déserter mon devoir.

J'ai eu l'honneur de vous dire que dans ma conviction profonde cette loi, indifférente pour les petites communes, présente de graves dangers pour les grandes villes et surtout pour la capitale ; eh bien, je ne suis pas seul à avoir des craintes à cet égard ; allez où vous voulez dans la capitale et vous verrez que chez tous les hommes instruits règne une grande inquiétude.

M. De Lehaye. - Pas le moins du monde.

M. Dumortier. - Une inquiétude unanime ; ne vous faites pas illusion, M. De Lehaye.

M. De Lehaye. - Pourquoi cette inquiétude n'existe-t-elle pas à Gand ?

M. Dumortier. - Je ne parle pas de Gand ; je parle de la capitale ; quant je parle d'Auguste, vous me répondez Ambroise.

Un inconvénient bien grand du projet au point de vue de l'élection communale, c'est qu'il va appeler au droit de suffrage et donner en quelque sorte le pouvoir électoral à la partie la moins éclairée de la société, à cette partie mobile et changeante qui se laisse le plus facilement entraîner.

Ce ne seront plus les cabaretiers qui seront noyés mais tout ce qui est intelligent, tout ce qui possède sera noyé dans la masse.

C'est l'absorption de l'élément élevé de la société par la classe infime qui devient dominante. Voilà le vice de la loi ; voilà ce qui cause des inquiétudes universelles dans la capitale.

Dans tous les pays du monde, en votant des abaissements de cens on a toujours cherché les moyens d'empêcher que la multitude n'écarte des conseils communaux et des assemblées délibérantes l'élément qui possède, l'élément capable.

Ici on ne fait rien dans ce sens et si la loi n'est pas modifiée, la capitale de la Belgique sera de toutes les capitales de l'Europe la seule où l'on n'aura aucune espèce de garantie contre l'invasion de l'esprit de désordre dans les conseils communaux.

Qu'a-t-on fait à Londres, dans la loi récemment votée, pour empêcher la domination de la multitude sur ceux qui possèdent soit l'instruction, soit le capital ? On a accordé à l'électeur qui possède autant de voix qu'il paye de fois une certaine somme d'impôt, comme on le fait dans les sociétés anonymes ; ainsi, celui qui paye dix fois 10 francs d'impôt aurait 10 voix et ainsi de suite jusqu'à une certaine limite.

L'amendement que j'ai proposé a provoqué des objections de la part de l'honorable M. Kervyn ; j'aurais pu facilement les détruire, si la Chambre m'avait permis de m'expliquer, car l'amendement que j'ai proposé est le système en vigueur dans toute l'Allemagne ; ce système du cens différentiel a été en vigueur chez nous jusqu'en 1848 ; c'est à la faveur de ce système que les anciens membres de cette assemblée ont été élus.

En France, aujourd'hui même, on vient d'adopter ce fractionnement de la capitale. On a fractionné le corps municipal de Paris en 80 corps électoraux ; il y aura donc dans le corps municipal de Paris 80 membres élus chacun par un corps électoral spécial.

Si vous procédiez ainsi, nous aurions au moins la certitude de compter dans nos grands conseils communaux un certain nombre de membres présentant toutes les garanties d'ordre. Bruxelles, en effet, se divise en deux grands quartiers, dont l'un, qui occupe le haut de la ville, est généralement habité par des personnes aisées ; dont l'autre, qui occupe le bas de la ville, comprend une population où domine l'élément pauvre. Si donc vous aviez adopté le fractionnement pour notre capitale, vous auriez eu la certitude de voir entrer au conseil communal de Bruxelles environ la moitié de conseillers pris dans la classe intelligente et aisée. Mais quelle sera la conséquence de votre système ? Ce sera d'appeler au scrutin un nombre considérable d'électeurs appartenant à ces classes inférieures de la société au sein desquelles on prêche sans relâche la désorganisation de la société.

N'a-t-on pas entendu, il y a huit jours à peine, le sieur Pellering, le même qui il y a quelques années dans un meeting tenu à Bruxelles, à la suite du congrès des étudiants de Liège, disait que, pour faire régner la paix en Belgique, il fallait commencer par couper la tête à 100,000 bourgeois ! N’a-t-on pas, il y a huit jours à peine, entendu cet individu tenir le langage que voici dans un autre meeting tenu à Bruxelles :

« Les rois et les empereurs ont toujours été les premiers voleurs de la terre. Les bourgeois devenus libres en 93 à l'aide des ouvriers ont été les premiers à les bafouer. Aujourd'hui la lutte recommence. Ce n'est pas contre les prêtres et les nobles, c'est contre les capitalistes. »

Et ces horribles paroles, prononcées dans les quartiers pauvres de la capitale, y sont accueillies par un tonnerre d'applaudissements qui disent (page 1129) assez ce qu'il faut attendre de cette couche de citoyens qu'on appelle au scrutin.

Voila, messieurs, ce qui se dit dans les couches inférieures de la population de Bruxelles ; voila la doctrine enseignée dans ces meetings où va se recruter le nouvel élément électoral des grandes villes. Jugez par là si les inquiétudes de tout ce qui pense à Bruxelles sont chimériques ou fondées !

Ne vous faites point d'illusions, messieurs, vous n'en recueillerez que de déplorables mécomptes. Quant à moi, je pense qu'il serait sage d'apporter à l'extension du droit de suffrage des correctifs qui nous protègent contre l'envahissement de pareilles doctrines. Dans un discours que je prononçai il y a une quinzaine de jours, je vous rappelais ces paroles cyniques que nous avons entendues sur une place publique de Bruxelles : « Plus de prêtres, plus de messies, etc. »

M. Delaet. - Cela s'est dit à l'université de Bruxelles.

M. Dumortier. - Une phrase a été dite à l'université de Bruxelles, mais les doctrines attentatoires à la propriété, à la religion, à tout ce qui fait la force de la société, tout cela, messieurs, est prêché dans des meetings où, je le répète, se recrutera le nouvel élément électoral de l'avenir et par des gens avec qui, M. Delaet, vous vous êtes entendu.

Mais il est un autre danger qu'on paraît ne pas apercevoir.

Messieurs, quand, en 1835, nous avons discuté la loi communale, nous avons établi un système de libertés communales, comme il n'en existait pas en Europe, comme on n'en trouve dans aucun pays.

Nulle part, en Europe, les libertés communales n'ont été développées à un pareil degré.

Si vous examinez nos institutions communales et provinciales d'une manière superficielle, vous pouvez croire qu'elles sont les mêmes qu'en France, sauf la différence des noms. En France, vous avez un préfet et un conseil de préfecture ; en Belgique, vous avez le gouverneur et une députation permanente. En France, vous avez un maire et des adjoints ; en Belgique, vous avez un bourgmestre et des échevins. Aux noms près, tout cela paraît semblable.

Mais si vous étudiez nos institutions dans leur source, dans leur origine, dans leur mécanisme, vous verrez que nos institutions communales et provinciales sont précisément l'antithèse des institutions françaises.

En France, on a mis en pratique et appliqué cette maxime de Rœderer : « Juger est le fait de plusieurs, administrer est le fait d'un seul. »

C'est sur ce principe, que les institutions ont été organisées en France. Le principe du pouvoir central y figure du haut en bas. Il en résulte qu'en France l'autorité découle du souverain jusqu'au dernier maire communal. Le souverain administre la France. En France, on a organisé le gouvernement du pays par le pays, qui est le plus souvent une question de portefeuille, mais tout se borne là.

En Belgique, nous n'avons pas mis en pratique cet axiome de Rœderer. Qu'avons-nous fait ? Nous avons partout repoussé le régime d'un seul ; partout nous avons voulu que l'administration fût entre les mains d'un collège, et ce collège doit être choisi dans une assemblée élective. Ainsi, les bourgmestres et les échevins doivent être pris dans le conseil communal ; ils ne peuvent pas être choisis en dehors de ce conseil ; ils doivent avoir le baptême populaire, avant de pouvoir gérer les intérêts de la commune.

La députation permanente est nommée par le conseil provincial, et elle est prise dans le conseil provincial lui-même. Là il faut encore le baptême populaire.

D'autre part, en Belgique, tout se fait par des collèges. En dehors de la police, le bourgmestre ne peut rien sans les échevins ; le gouverneur ne peut rien sans la députation permanente du conseil provincial, dont il n'est que le président.

Partout au gouvernement d'un seul qui existe en France, vous avez substitué l'action des collèges prenant leur origine dans l'élection.

Laissez-moi vous donner la théorie de nos institutions administratives, théorie qui ne se trouve écrite nulle part, que vous ne lirez dans aucun livre, mais que je prends la confiance de vous exposer. Nous avons créé en Belgique ce qui n'existe nulle part : l'administration du pays par le pays.

Ainsi, ce qui caractérise nos institutions, c'est d'abord le gouvernement du pays par le pays, puis l'administration du pays par le pays. Et, comme nous avons l'administration du pays par le pays, nous avons refusé toute action du pouvoir central sur les corps sortis de l'élection.

Le Roi n'a pas le droit de dissoudre les conseils communaux qui sont nommés pour six ans, au lieu de l'être pour quatre ans.

Nous n'avons pas non plus donné au roi le droit de révoquer les bourgmestres et les échevins. Ils reçoivent leur mandat du souverain, parce qu'ils sont une substance mixte, une autorité mixte, gérant les affaires de la loi et celles de la commune, mais le roi n'a le droit ni de les dissoudre, ni de les révoquer, ni de les suspendre, sauf le cas d'inconduite notoire, qui est un cas exceptionnel, et de l'avis conforme de la députation permanente.

Sauf ce cas, il ne peut jamais le faire.

Voilà les lois que nous avons faites. Ce n'est pas tout, il existait autrefois en Belgique, comme il existe dans tous les pays, une police centrale ; vous savez tous que, sous le gouvernement hollandais, c'était M. de Knyff qui était à la tête de cette administration.

Eh bien, cette police centrale, nous avons dit que nous n'en voulions plus ; nous l'avons supprimée et aujourd'hui il n'y a au budget qu'une somme de 30,000 francs pour la police judiciaire et la recherche des crimes.

En dehors de cela, il n'y a pas un seul employé de police payé par l'Etat.

La police a été donnée à la commune ; elle est entre les mains des bourgmestres, mais nous n'avons ni préfet de police, ni un seul employé de police payé par l'Etat. C'est ainsi que nous avons créé ce que vous chercherez en vain ailleurs, l'administration du pays par le pays.

La liberté communale existe donc en Belgique sur les bases les plus larges et comble le pays de bienfaits.

Mais, messieurs, pendant que nous dépouillions ainsi le pouvoir central, tandis que nous organisions ainsi la commune, que nous organisions l'administration du pays par le pays, où était le contre-poids de nos institutions ?

Le contre-poids, il était dans le cens à 100 francs dans les grandes villes, dans le corps électoral, qui était responsable par sa position et par sa fortune de tout ce qui peut arriver dans la commune. A côté de la liberté, était la responsabilité.

Le corps électoral issu d'un cens élevé, voilà où était le contre-poids de nos institutions. Or, on ne touche pas à un côté des institutions sans s'exposer à toucher à tous les autres.

Aujourd'hui, on supprime le contre-poids ; le contre-poids disparaît.

Savez-vous ce qui arrivera ?

Moi je vais vous le dire : c'est qu'avant peu de temps vous serez forcés de modifier vos libertés communales ; vous serez forcés de créer une police spéciale ; vous serez forcés de voter la faculté de dissolution des conseils communaux à laquelle nous avons résisté pendant quarante ans ; vous serez obligés de voter la faculté de révocation des bourgmestres et des échevins à laquelle nous avons toujours résisté.

Voilà, messieurs, où nous arriverons. Voilà la conséquence fatale d'une loi dans laquelle on ne tiendrait pas compte de la pondération des pouvoirs dans laquelle on ne pèserait pas tout.

Ah ! ne croyez pas que je sois hostile à l'accroissement des électeurs. Je voudrais pour mon compte que tous les Belges pussent prendre part aux élections ; croyez bien qu'il n'y a dans mon âme aucun mauvais sentiment contre les classes peu élevées ; ce sentiment, je le repousse, je le combats, je n'en veux pas ; mais ce que je veux avant tout, c'est qu'il y ait des garanties d'ordre pour la société, c'est que les classes élevées et intelligentes ne soient pas primées et absorbées par les classes inintelligentes et sans responsabilité.

Les classes peu élevées sont souvent exposées à des erreurs, erreurs momentanées, je le veux bien, mais qui laissent des traces profondes et désastreuses dans la marche du progrès social et de l'humanité.

Ouvrez l'histoire de nos grandes communes. Nos grandes communes ont été puissantes, elles ont prospéré aussi longtemps que les classes élevées les ont gouvernées, mais le jour où les métiers se sont emparés du pouvoir dans les communes, - il en coûte à mes sentiments démocratiques de l'avouer, mais la vérité historique me force à le reconnaître, - ce jour-là nos communes ont déchu, elles sont devenues misérables, se déchirant dans leur sein, incapables de grandeur, et plus tard, le duc de Bourgogne et l'empereur Charles-Quint ont fini par les renverser.

Voilà ce que c'est que d'abaisser trop le cens électoral et d'amener la multitude au scrutin sans établir de contre-poids.

Messieurs, dans les gouvernements constitutionnels il y a toujours un bien grand danger de transférer le pouvoir électoral de la classe qui possède et qui sait à la classe qui ne possède pas et qui ne sait pas, de substituer à la représentation basée sur les forces vives de la société, la représentation dans le sens des passions de la multitude. Cela peut amener de grandes catastrophes.

(page 1130) Le jour où Necker eut triplé la force du tiers Etat, c’est-à-dire des villes, il amena le triomphe des passions de la multitude. De ce jour, la révolution française était accomplie, parce que la pondération n'existait plus, que le contre-poids faisait défaut, et un an après Louis XVI portait sa tête sur l'échafaud.

Le jour où lord Gray, au lieu de corriger les abus des bourgs pourris d'Angleterre, arbora le drapeau de la réforme et avec lui la prépondérance des villes, il amena le triomphe des passions de la multitude et porta un coup fatal à la constitution anglaise.

Et dernièrement quand M. Disraeli est venu à son tour y porter la main, en donnant une force nouvelle aux passions de la multitude, il en a été la première victime. Et vous voyez où en est l'Angleterre ; elle n'est plus rien en politique M. Bismarck a raison de dire : L'Angleterre ne compte plus. Et pourquoi ? Parce que les profonds penseurs, les grands caractères qui gouvernaient autrefois l'Angleterre, ont fait place à des hommes de mérite sans doute, mais qui, enveloppés dans le calicot comme dans un linceul, n'ont pas le courage de prendre la grande position que l'Angleterre occupait jadis. Voilà où en arrivent les plus grandes nations, voilà où vous en arrivez vous-mêmes quand vous abaissez le cens sans établir un contre-poids contre les passions de la multitude.

Je le répète, ce n'est pas par esprit d'opposition contre mes amis que je vous parle ainsi ; c'est le cri de ma conscience ; c'est la force de mes vieilles éludes qui me fait parler, qui me fait vous dire que vous faites une loi malheureuse, si vous n'établissez pas un contre-poids.

Et qu'arrivera-t-il, messieurs, dans notre capitale si dans les élections où vous aviez 800, 1,500, 2,000 électeurs, où dans la grande lutte que nous avons eue dernièrement, il y a eu 3,500 électeurs, vous avez 2,000 à 2,500 électeurs nouveaux et si ces 2,000 à 2,500 électeurs représentent l'esprit de ces meetings de la rue Rempart des Moines, de la rue de la Vierge Noire, des rues du bas de la ville où se trouveront surtout ces électeurs nouveaux et si le conseil communal en est la représentation ? Que ferez-vous alors ? Et que deviendra la capitale ?

Messieurs, je conçois parfaitement l'inquiétude qui règne à Bruxelles. Tout ce qui raisonne, tout ce qui pense est inquiet sur les conséquences de cette loi.

Eh bien, je demande que le gouvernement tienne compte de cette situation. Je lui demande, au nom de l'amitié que je lui porte, de ne pas exposer la capitale à un pareil danger, je l'adjure d'empêcher qu'on ne vienne dire plus tard : Les catholiques, en 1830, ont fait la Constitution, ont constitué la Belgique. Les catholiques, en 1871, l'ont démolie. Je ne veux pas qu'on vienne dire cela de mon parti.

Je parle ici en conscience et du plus profond de mon cœur. J'adjure le cabinet de nous donner quelque mesure préservatrice, qui soit une garantie contre les malheurs que la population bruxelloise redoute. Allez dans quelle société vous voulez, partout vous rencontrerez l'inquiétude. Calmez-la, non seulement par vos paroles, mais par des mesures efficaces ; car une population comme celle de la capitale ne peut pas rester dans un pareil état d'inquiétude.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, l'honorable préopinant s'est élevé tout à l'heure avec une anxiété profonde, avec une inquiétude vivement marquée, contre une disposition qu'il me semble facile de justifier.

Nous nous sommes placés à ce point de vue que, lorsque nous trouvons dans l'existence du cens une garantie sérieuse, nous devons appeler celui qui la présente, à l'électorat.

Il a été admis dans les discussions du Congrès, et cette pensée se trouve notamment dans les discours de MM. Le Hon et Forgeur, que le cens repose sur la possession d'un capital. Or, nous nous trouvons ici en présence d'un capital qui est représenté, qui est constaté par le payement de l'impôt.

Ne faut-il point, messieurs, compter aux locataires et fermiers une part de l'impôt payé par le propriétaire ? Ne faut-il pas admettre, qu'à côté du capital du propriétaire, il y a un autre capital appartenant au locataire ou au fermier ? La réunion de ces capitaux ne constitue-t-elle pas l'exploitation du domaine rural ou urbain ? Cette question ne peut être résolue que d'une manière affirmative. Tel est le point de vue auquel nous nous sommes placés en introduisant dans le projet de loi une disposition assurément large et d'une application utile, qui, en matière provinciale comme en matière communale, place au même rang le locataire d'un domaine rural et le locataire d'un domaine urbain.

Du reste, messieurs, cette question n'est pas nouvelle dans cette enceinte. En 1867, alors que nous nous occupions aussi de questions électorales, j'insistais vivement pour l'extension du droit de suffrage provincial et communal. A ce sujet, j'eus l'honneur de présenter les mêmes considérations à la Chambre, et je lui demanderai la permission de mettre sous ses yeux quelques lignes d'un discours où je cherchais à justifier un amendement conçu à peu près dans les mêmes termes que le projet de loi actuel.

Je disais qu'on ne saurait assez associer le capital et le travail, et j'ajoutais :

« Nous voyons dans le locataire à côté du propriétaire un véritable copropriétaire, un véritable associé. Nous croyons qu'il est préférable qu'un homme, au lieu d'acheter un petit coin de terre pour y vivre dans l'oisiveté (ce qui lui permettrait d'être électeur), porte, son capital dans l'exploitation agricole ou industrielle pour augmenter non seulement son avoir, mais surtout la richesse publique ; il faut lui en savoir gré et il est injuste de l'exclure, de ce chef, du corps électoral.

« C'est là la propriété partagée telle que nous la comprenons non pas seulement dans la production agricole, mais aussi dans la production industrielle et sous toutes les formes. Nous ne saurions assez encourager l'association du capital et du travail.

« Ces idées ne sont pas exclusivement les nôtres. Lorsque Benjamin Constant disait que le locataire était un copropriétaire, lorsque Horace Say, parlant de l'occupation industrielle, ajoutait que ceux qui créent un établissement industriel dans une maison sont des copropriétaires qui en doublent la valeur en y ajoutant celle de leur clientèle, ils affirmaient un principe qu'il est utile de faire prévaloir.

« Il y a quelques années, M. Thiers, défendant dans une circonstance solennelle le principe de la propriété, rappelait avec une haute raison que c'était une grande loi du XIXème siècle que lorsqu'un homme engraissait la terre de ses sueurs, il était juste qu'il s'enrichît, lui aussi, à mesure qu'il la fertilisait : il exprimait une pensée qui est la nôtre.

« Nous croyons que lorsqu'un homme par son travail ajoute à la richesse nationale sous quelque forme que ce soit, nous devons reconnaître le service qu'il rend et lui faciliter l'accès à la vie politique.

« Nous croyons rendre ainsi hommage à cette grande loi des temps modernes qui met au même rang, au même niveau le capital et le travail, la richesse déjà acquise et la richesse qui se forme.

« Eh bien, messieurs, dans notre amendement, dans notre système, nous voulons placer le capital et le travail l'un à côté de l'autre, non pas se heurtant et se combattant, comme on le voit dans les temps d'anarchie et de démoralisation, mais se tendant la main et entrant ensemble dans la vie politique. »

Cette pensée, messieurs, qui se retrouve dans le projet de loi dont la Chambre est saisie, justifie, ce me semble, d'une manière complète la disposition dont nous nous occupons en ce moment. Il me paraît évident que lorsqu'un immeuble est occupé (je ne distingue point entre le domaine rural et le domaine urbain), que lorsque le propriétaire de cet immeuble paye un impôt à l'Etat, il y a chez le locataire aussi bien que chez le propriétaire un capital qui est atteint par le même impôt et qui, pour nous, représente le cens.

M. Frère-Orban. - C'est un cens fictif.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur.- Aucunement ; il est constaté par l'impôt, et c'est ce principe qui a été inscrit dans l'article 8 de la loi communale.

M. Frère-Orban. - Mais le locataire ne paye pas l'impôt ; c'est donc un sens fictif.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Les idées que je défends aujourd'hui, en 1871, sont celles que je préconisais en 1867. (Interruption.)

- Un membre. - Vous vouliez même appliquer ce principe aux élections générales.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai déclaré, de la manière la plus formelle, dans la discussion de 1867, qu'il n'avait jamais été dans ma pensée d'appliquer cette disposition aux élections législatives. (Interruption.)

Messieurs, depuis plusieurs jours, nous avons eu à diverses reprises l'occasion de nous expliquer sur les prescriptions constitutionnelles ; et nous avons assez souvent déclaré que nous entendions les respecter... (Interruption.)

Je regrette seulement que. l'honorable représentant de Roulers n'ait pas maintenu aujourd'hui une appréciation qui nous était commune à cette époque. L'honorable M. Dumortier reconnaissait alors qu'il y avait une légitime extension à donner au droit de suffrage en matière communale et provinciale. Ce fut de concert avec lui que je présentai, en 1867, un amendement qui a passé aujourd'hui dans le projet de loi, avec cette seule (page 1131) différence qu'il ne s'agissait pas du tiers, mais de la moitié de l'impôt foncier, qui aurait été comptée au locataire urbain et rural. Il m'est bien permis de rappeler que cet amendement comptait parmi ses principaux adhérents l'honorable M. Dumortier.

M. Dumortier. - Je ne me regarde pas du tout comme infaillible.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - En effet, l'amendement qu'en 1867 j'eus l'honneur de développer et de défendre, portait en tête (et cette place, revenait assurément à l'honorable représentant de Roulers), le nom de M. Dumortier. Il était conçu en ces termes :

« La moitié de l'impôt foncier payé par le locataire ou fermier lui sera comptée pour le cens, à charge par lui de justifier qu'il l'a payé l'année précédente. »

Après la signature de l'honorable M. Dumortier, se trouvaient les noms de MM. Wasseige, d'Ursel, Moncheur, Schollaert, Delcour, Magherman, Vander Donckt et de Mérode.

M. Dumortier. - Voulez-vous dire avec quel cens cela fonctionnait ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Sous le régime de la loi provinciale et de la loi communale existant alors.

M. Dumortier. - Avec le cens de 12 francs.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je me borne à constater ce qui s'est passé à cette époque.

M. Dumortier. - C'était pour éviter le cens à 10 francs.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Quant aux inquiétudes exprimées par l'honorable membre, nous avons déjà, dans le cours de la discussion, donné à cet égard des éclaircissements qui sont, je pense, de nature à le tranquilliser.

Nous pensons que toutes les fois que la capacité électorale reposera sur l'aisance, nous y trouverons une garantie suffisante et sérieuse.

Nous ne croyons pas, comme le disait tout à l'heure l'honorable représentant de Roulers, trouver devant nous des électeurs qui ne payent rien et qui ne pensent point. Nous sommes convaincus que nous rencontrerons, dans la couche moyenne et inférieure de la bourgeoisie, des électeurs qui possèdent et qui pensent. En même temps que par leur travail ils s'élèveront de plus en plus, ils comprendront les nouveaux devoirs qu'ils ont à remplir et se rendront dignes du mandat que nous leur conférons.

M. Dumortier. - Ma réponse est bien simple. Je suis encore prêt à signer l'amendement, pourvu que l'on rétablisse le cens d'alors, le cens à 42 francs. Mais quand vous faites descendre le cens à 10 francs, vous faites déjà beaucoup trop.

Maintenant l'honorable ministre dit qu'il est convaincu. Je respecte la conviction de mon honorable collègue et ami, mais moi je ne suis pas convaincu et lorsqu'on se trouve devant des inquiétudes aussi grandes que celles qui existent dans la capitale... (Interruption.) Messieurs, ne contestez pas les faits. Il est évident que ce sentiment est unanime dans la capitale et que l'on doit en tenir compte.

J'adjure, en conséquence, les honorables ministres de tenir compte de l'opinion publique. Il y a quelqu'un qui a plus d'esprit que vous et moi, c'est tout le monde. Or, tout le monde est inquiet, partout on entend dire ce mot : Vous nous livrez aux rouges.

Eh bien, en présence de ces inquiétudes, n'est-il pas du devoir du gouvernement de faire quelque chose, d'apporter un remède au mal que l'on signale ou de tranquilliser les esprits ?

J'adjure donc encore une fois le gouvernement de faire l'un ou l'autre. Dans tous les pays, en étendant le cens électoral, on prend des mesures contre les dangers de l'audace des démagogues, des passions de la multitude.

Partout des précautions sont prises ; dans le système germanique, le fractionnement est opéré sur la base de l'impôt versé au trésor, de manière à empêcher les classes élevées et savantes d'être absorbées dans la multitude ; dans le système français qui vient d'être voté, on trouve le contrepoids au moyen du fractionnement du territoire divisé géographiquement ; dans le système anglais, non seulement on opère la division géographique des villes, mais encore on peut cumuler ses votes sur une personne ou voter sur des listes incomplètes, ou voter autant de fois qu'on paye le cens électoral. Partout le remède est apporté.

Pourquoi donc voulez-vous que la capitale de la Belgique soit la seule en Europe où il n'y ait aucune garantie en faveur de l'esprit de conservation ?

Je dirai franchement que, quant à moi, je suis d'une inquiétude extrême pour l'avenir de la Belgique. Ma conscience, me dit qu'aussitôt que ces sociétés qui ont pris naissance en France, mais qui se sont installées en Belgique, l’Internationale, la société des Solidaires et autres, qu'aussitôt que ces sociétés qui occupent tous les meetings de la basse ville de la capitale se seront organisées, elles domineront le corps électoral de la capitale et alors vous aurez exposé le pays à voir transférer la commune de Paris dans la capitale de la Belgique.

Eh bien, n'y a-t-il pas là un danger ? Et croyez-vous que vous avez repoussé ce danger en disant : Cela ira bien. Ah ! ça ira ! (Interruption.) C'est avec des ça ira qu'on a fait la révolution française.

M. Jottrand. - Messieurs, je ne comprends plus rien du tout au système du gouvernement. Avant-hier, l'honorable ministre de la justice nous déclare que le respect de la Constitution exige qu'on ne fasse dépendre le droit électoral que du payement d'un impôt direct, le cens tel qu'il est établi par l'article 47 de la Constitution. C'est le palladium de la Belgique, c'est le ciment, la pierre angulaire, la clef de voûte de nos institutions. Et aujourd'hui, M. le ministre de l'intérieur nous déclare que ce n'est plus cela du tout, qu'on peut parfaitement devenir électeur au moyen d'un cens qu'on ne paye pas, d'un impôt qu'on est censé payer, mais qu'un autre paye ; il établit, en définitive, un cens fictif ; or, en interprétant la Constitution comme le gouvernement n'a cessé de le faire dans cette discussion, le cens fictif n'est pas constitutionnel le moins du monde. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur, s’établissant sur une base de raisonnement toute différente de celle qu'avait choisie son collègue de la justice, nous déclare aujourd'hui que ce n'est pas le cens qu'on paye qu'il faut prendre en considération, mais que c'est le capital qu'on possède ou qu'on est censé posséder d'après la position que l'on occupe dans le monde.

Si la Constitution est ce que l'on dit, je ne m'explique pas qu'une même somme de 10 francs ou 15 francs payée par une seule personne puisse servir à constituer le cens au profit de deux personnes différentes.

M. Van Humbeeck. - Cela existe.

M. Jottrand. - Quoi qu'il en soit, il est, dans cette question, un point fort mal élucidé dans le rapport de la section centrale : c'est celui de savoir si cette faveur inconstitutionnelle, que M. le ministre de l'intérieur veut accorder assurément à ceux qui occupent à eux seuls une maison, sera étendue à ceux qui ne l'occupent que partiellement.

Or, ce dernier cas est beaucoup plus fréquent qu'il ne le croit peut-être. Dans les grandes villes surtout, il est des propriétaires qui louent leurs immeubles non pas à un locataire principal répondant de tous les autres sous-locataires qu'il lui plaira de choisir, mais à une série de locataires partiels dont chacun est responsable vis-à-vis de lui directement du loyer qu'il a contracté l'obligation de payer.

Je voudrais savoir si les locataires qui se trouveront dans ce cas, qui occuperont seulement une partie de maison dans laquelle il n'y a pas de locataire principal, pourront devenir électeurs au moyen du tiers de la contribution foncière que paye le propriétaire. Et si l'on me répond affirmativement, je demanderai d'après quelle règle de proportion se fera la répartition entre ces locataires de parties de maisons.

J'ai cherché en vain dans le rapport de la section centrale une réponse claire et satisfaisante à cette question. Voici le logographe par lequel l'honorable rapporteur de la section centrale l'a résolue ; et je viens encore, mais en vain, de tendre toutes les forces de mon esprit pour arriver à percevoir d'une façon bien précise ce qu'il a voulu. Ecoutez :

« Sur la deuxième question, la même solution peut être admise. C'est le locataire principal qui seul paye la contribution personnelle, c'est lui seul qui profitera du tiers de l'impôt foncier. S'il y a plusieurs co-occupants à titre égal, la contribution personnelle et le tiers de la contribution foncière se partageront. On suivra pour ce tiers les règles suivies jusqu'ici pour le personnel et pour le domaine rural. La jurisprudence est fixée sur ce point.

« Il me semble qu'il y a certaine contradiction dans ces explications, car, suivant ce qui est dit dans la réponse à la première question, excepté le cas d'un locataire au mois, c'est l'occupant, qu'il soit locataire ou sous-locataire, qui profitera du tiers de l'impôt foncier, et suivant la solution donnée à la deuxième question, le locataire principal qui occupe une partie de l'habitation, étant seul redevable de toute la contribution personnelle vis-à-vis du fisc, profitera seul du tiers de l'impôt foncier, à l'exclusion des sous-locataires, quelle que soit la durée de leur bail et quoiqu'il soit impossible de ne pas leur reconnaître la qualité d'occupants. »

Je donne déjà ma langue aux chiens ; mais ce qui suit augmente encore singulièrement mon embarras :

« A la vérité, cette dernière interprétation peut être justifiée en argumentant par analogie de ce qui se pratique, par application des articles 7 (page 1132) et suivants de la loi sur la contribution personnelle du 28 juin 1822. Mais est-il bien juste que, même en matière de contribution personnelle, l'impôt, comme élément constitutif du cens, soit attribué exclusivement au locataire principal ? Ne peut-on pas dire qu'on accorde ainsi une importance exagérée a une fiction de la loi ? En réalité, les sous-locataires supportent une part de la contribution personnelle, proportionnée à l'importance des chambres ou appartements qu'ils occupent, etc. »

Suit un long raisonnement qui, loin d'élucider la difficulté, ne fait que l'augmenter et embrouiller la question.

Eh bien, je demande au gouvernement de vouloir bien faire la lumière, d'allumer le gaz dans cet obscur couloir. Si le gouvernement résout la question d'une façon lucide et compréhensible, je lui demanderai ensuite pourquoi le principe qu'a préconisé tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur ne serait pas appliqué dans toute son étendue et dans tous les cas où il devrait être appliqué en bonne justice ? Pourquoi restreindre la faveur dont je m'occupe à ceux qui habitent une partie de maison à titre principal ?

Nous avons, je le répète, dans certains quartiers de nos villes, de grandes habitations populaires qui sont louées, non pas à un locataire principal, mais à une série de petits locataires, responsables vis-à-vis du propriétaire ; pourquoi ne mettrait-on pas sur le même rang le cas que je viens d'indiquer et celui du même grand immeuble loué à un locataire principal qui loue à des sous-locataires, responsables vis-à-vis de lui seul ?

La situation des divers occupants de l'immeuble n'est-elle pas la même dans les deux cas ?

Je suppose le propriétaire d'une maison qui, au lieu de louer des appartements à un locataire principal, les loue directement à des ouvriers aisés occupant deux ou trois chambres et payant un loyer de 200 à 250 francs. Je demande si ces ouvriers pourront, le cas échéant, devenir électeurs ? Et dans l'affirmative, je demande pourquoi dans l'autre cas que j'ai supposé, dans celui où ces mêmes ouvriers payant le même loyer, ayant la même aisance, ne seraient que sous-locataires, ils ne le pourraient pas ? Pourquoi cette différence entre deux cas qui au fond, au point de vue de M. le ministre de l'intérieur, sont parfaitement identiques ?

M. Jacobs, ministre des finances. - Il est certain, messieurs, que la disposition que nous proposons d'étendre est une exception aux règles qui déterminent la base du droit électoral. Nous nous trouvions en présence de l'exception faite pour le locataire rural. Nous avons pensé que, dans une loi qui établit une uniformité complète entre les villes et les campagnes, il n'était pas logique de maintenir cette disposition pour le locataire rural, sans l'étendre au locataire urbain.

Il fallait donc ou revenir sur ce qui existe depuis 1836, ou compléter la loi communale ; nous avons pensé qu'il ne pouvait être question de revenir sur ce qui existe depuis 1836 et que, dès lors, il fallait le compléter.

On nous a posé différentes questions ; on nous demande d'abord comment la disposition, qui régit depuis trente-cinq ans le domaine rural, s'appliquera au domaine urbain ? La réponse du gouvernement se trouve à la page 40 du rapport de la section centrale, et, si l'honorable préopinant n'y a pas rencontré toute la clarté désirable, c'est parce qu'on a oublié de la mettre entre guillemets et de la séparer des commentaires du rapporteur.

Il n'y a en effet dans le texte imprimé du rapport rien qui indique l'endroit où se terminent les explications du gouvernement et où commence le commentaire de la section centrale.

Les explications du gouvernement sont fort simples. Celui-là jouira du tiers de l'impôt foncier, qui paye, ou est astreint à payer, la contribution personnelle. A cet égard, les règles sont tracées par la loi de 1822. L'honorable M. Royer de Behr les a rappelées dans son discours, et je ne puis mieux faire que de le citer.

« Première hypothèse. Le locataire occupe toute la maison.

« S'il paye son loyer au trimestre ou à l'année, il est redevable de la contribution personnelle.

« S'il loue au mois ou à la semaine, c'est le propriétaire qui en reste redevable.

« Deuxième hypothèse. Le locataire n'occupe qu'une partie de la maison.

« Si le propriétaire en occupe une autre partie, le locataire n'est pas redevable de la contribution personnelle. Si le propriétaire n'habite pas la maison, chaque locataire est considéré comme occupant une habitation distincte et paye l'impôt personnel y afférent. »

M. Bara. - Où sont inscrites ces dispositions ?

M. Jacobs, ministre des finances. - Elles sont inscrites aux articles 7, 8 et 9 de la loi du 28 juin 1822 sur la contribution personnelle.

Dans le cas d'habitations distinctes, le personnel est divisé entre chacune de ces habitations : le tiers de l'impôt foncier se divisera de même entre ces différends occupants.

Comment se fera la division ? nous dit l'honorable préopinant.

Mais elle se fera comme elle se fait pour le domaine rural. C'est une question de fait que le collège échevinal en premier lieu, la députation permanente en second lieu et la cour d'appel en troisième ressort, décideront.

Le cas de plusieurs occupants à titre égal se présente fréquemment. On voit des frères, associés pour faire un commerce, pour occuper une même maison, se partager le personnel. On voit des frères s'associer pour louer et pour exploiter ensemble un domaine rural ; on divise alors le tiers de la contribution foncière suivant la part incombant à chacun des locataires.

La division se fera pour le foncier du domaine urbain comme elle se fait en toutes autres matières.

Nous nous en référons complètement aux règles établies en matière de contribution personnelle.

L'honorable membre objecte que ces règles ne sont pas logiques.

Pourquoi, dit-il, le locataire principal profitera-t-il de l'impôt foncier et pourquoi le sous-locataire n'en profitera-t-il pas ?

Mais je le renvoie à la loi sur la contribution personnelle qui existe depuis cinquante ans.

Pourquoi le locataire principal est-il redevable de la contribution personnelle et peut-il se l'appliquer pour atteindre le cens ? Pourquoi le sous-locataire ne le peut-il pas ?

La question est la même. Les règles établies en matière de contribution personnelle s'appliqueront au cas qui nous occupe, et cette règle générale rend simple et claire la solution de toutes les difficultés qui peuvent se présenter.

Je profite, messieurs, de ce que j'ai la parole pour rassurer en quelques mots l'honorable M. Dumortier sur les conséquences de l'article 2 de la loi. Je ne pense pas que ses craintes se rapportent à l'article premier qui a été voté hier.

M. Dumortier. - A l'un et à l'autre.

M. Jacobs, ministre des finances. - La discussion de l'article premier a été épuisée après quinze jours de débats ; je n'y rentrerai pas ; nous sommes à l'article 2, c'est de lui seul que je veux m'occuper.

Les tableaux qui ont été fournis par le gouvernement donnent la portée exacte de l'article 2 dans les 39 grandes communes du pays. 3,217 personnes seulement payeront dans ces communes le cens électoral communal, grâce à l'appoint du tiers de la contribution foncière.

A Bruxelles, l'article 2 ne produira que 67 censitaires. (Interruption.) Cela est incontestable, et bien loin que ce résultat soit étrange de petitesse, je le soupçonne plutôt d'exagération. Voyez donc ce qui se passe à Bruxelles ! La moindre cote de contribution personnelle est de 7 fr. 83 c.

Il y en a assurément fort peu qui soient aussi réduites ; or, il n'y a que les personnes qui payent une contribution personnelle comprise entre 7 fr. 83 et 10 francs qui ont besoin d'un appoint de contribution foncière pour arriver à être électeur pour la commune.

Ces chiffres, messieurs, sont de nature à rassurer l'honorable M. Dumortier ; j'aime à croire qu'il les transmettra aux personnes qui lui ont communiqué leurs craintes et qu'ils contribueront à les calmer.

M. Bara. - L'honorable ministre des finances vient de déclarer que l'article 2 du projet de loi était la conséquence de l'article 8 de la loi communale. Je ferai observer à l'honorable ministre qu'il se trompe de la manière la plus étrange.

La loi communale dispose que le tiers de l'impôt foncier d'un domaine rural exploité par un fermier compte au locataire sans diminution du droit du propriétaire. Mais de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'un domaine rural. Et pourquoi a-t-on introduit cette disposition ? Parce qu'il s'agissait des petites communes, où l'on ne pouvait pas avoir un nombre d'électeurs suffisant. (Interruption.)

Vous allez voir ; attendez la fin de ma démonstration.

On est obligé de descendre dans d'autres dispositions de la loi communale pour augmenter le nombre d'électeurs, et c'est pour cela que dans ces communes le tiers de la contribution foncière compte au locataire.

Et la preuve qu'il en est ainsi, c'est que quand on a fait la loi provinciale, on n'a plus fait compter le tiers de la contribution foncière au locataire. Pour les élections à la province, d'après la loi de 1836, on ne compte plus au locataire le tiers de la contribution foncière sur un domaine rural. Vous voyez donc bien que c'était à raison de la situation particulière des petites communes rurales qu'on a compté aux locataires un tiers (page 1135) de la contribution foncière. C'est le même législateur qui a fait la loi provinciale et la loi communale, et il a distingué.

Là où il a trouvé un corps nombreux d'électeurs, il n'en a pas augmenté le nombre, en comptant le tiers de la contribution foncière au locataire. Mais pour la commune rurale, il demande qu'on compte le tiers, parce qu'il peut y avoir, dans certaines communes, un trop petit nombre d'électeurs et qu'il faut intéresser un nombre déterminé d'habitants à la gestion des affaires.

Vous devez donc reconnaître que vous avez méconnu les raisons qui ont porté le législateur de 1836 à voter le dernier paragraphe de l'article 8. Vous avez voulu, selon vous, étendre une règle, d'après vous juste. Mais vous vous êtes trompé, en donnant à la loi une portée qu'elle n'a pas.

J'en reviens à la question de l'honorable M. Jottrand. Car le gouvernement se trompe encore une fois sur sa loi ; il ne la comprend pas le moins du monde. (Interruption.) Vous allez voir s'il la comprend. C'est un saut dans les ténèbres, dit l'honorable M. Jottrand. Eh bien, le gouvernement fait, quant à l'interprétation de l'article en discussion, un saut dans l'inconnu.

« Le tiers de la contribution foncière, - je prends l'article de la section centrale, - compte au locataire, sans diminution des droits du propriétaire. »

L'honorable M. Jacobs dit : L'on va distinguer selon les locataires qui payent à la semaine, ceux qui payent au mois, ceux qui payent au trimestre, ainsi que l'indique la loi sur la contribution personnelle. Où voyez-vous cela ? Où cela est-il dit ? L'honorable M. Royer de Behr en a bien parlé. Mais il n'a pas encore la puissance de faire des lois à lui tout seul. (Interruption.) Il a certes dit qu'on calculerait de cette façon ; mais il n'est rien dit de semblable dans la loi.

Peu importe comment le locataire paye son loyer. Qu'il paye au jour, ou à la semaine ou au mois, le tiers de la contribution foncière ne doit pas moins lui être compté ; cela est clair ; et si vous ne voulez pas qu'il en soit ainsi, dites-le dans la loi.

Donc, il n'y a pas de distinction pour le locataire. Peu importe la manière dont il paye son loyer ; je le répète, qu'il le paye au jour, à la semaine, au mois, au trimestre, à l'année, on lui comptera le tiers de la contribution foncière.

L'honorable M. Jottrand a demandé si le sous-locataire serait électeur. Pour moi, cela n'est pas douteux et c'est ce qui fait que les chiffres du gouvernement, quand il vient dire qu'il n'y aura que 2,000 électeurs de plus à Bruxelles, sont inexacts.

Il semblerait, d'après ce que vient de dire M. le ministre des finances et ce qu'a dit l'honorable M. Royer de Behr, que le tiers de la contribution foncière ne comptera qu'au locataire principal. Mais cela n'est pas dit dans la loi. La loi dit simplement : « Le tiers de la contribution foncière compte au locataire sans diminution du droit du propriétaire. »

Eh bien, messieurs, d'après les idées de l'honorable ministre des finances, le locataire principal seul, celui qui a un contrat direct avec le propriétaire doit profiter du tiers de la contribution foncière. Je crois que c'est bien là la pensée de l'honorable ministre.

M. Jacobs, ministre des finances, fait un signe affirmatif.

M. Bara. - Eh bien, que se passera-t-il à Bruxelles ? Mais pour la plupart des bataillons carrés, pour les grandes maisons occupées par des ouvriers, c'est le propriétaire lui-même qui loue directement à chacun de ses locataires telle ou telle partie de maison, et dans ces maisons habite précisément la partie la moins apte à voter de la population. Ce sont ceux qui sont constamment exposés à l'expulsion, ceux qui sont pour ainsi dire nomades.

Voilà un genre d'électeurs qui va faire son entrée dans le corps électoral, grâce à la loi qu'on est en train de voter.

Mais si un avocat, un médecin, un magistrat prend un grand appartement dans une maison paisible, convenable, il n'aura pas le tiers de la contribution foncière, parce qu'il aura traité avec le locataire. (Interruption.)

Et vous appelez cela faire une loi honnête, juste, en faveur de celui qui a un capital, qui représente un intérêt dans la société, qui peut émettre un vote utile ! Mais cet électeur habitant d'un bataillon carré que vous introduisez dans le corps électoral, il n'a presque rien et il est ignorant le plus souvent.

M. Jacobs, ministre des finances. - Il ne paye pas de personnel et il aura un foncier d'un franc peut-être.

M. Bara. - Le texte ne dit pas le moins du monde qu'il faille payer la contribution personnelle. Dès qu'il payera ses 10 francs de foncier comme locataire, il sera électeur.

M. Jacobs, ministre des finances. - Il ne payera pas un franc.

M. Bara. - Qu'en savez-vous ? On pourra peut-être s'arranger de manière que la part de plusieurs locataires compte à un seul.

Du reste, vous introduisez le principe que s'il paye 10 francs il sera électeur, tandis que celui qui est sous-locataire et qui présente toute espèce de garantie ne sera pas électeur. Voilà l'injustice de votre loi et, sur ce point, vous ne sauriez me réfuter. (Interruption.)

Maintenant, messieurs, je ne comprends pas comment la loi va être appliquée, mais il est clair que dès demain le propriétaire n'ayant aucune espèce d'intérêt à refuser à un sous-locataire son concours pour être électeur, il y aura des déclarations écrites émanant du propriétaire pour produire ce résultat. Est-ce que la production de ces déclarations va suffire ? Est-ce que vous allez faire venir en justice le locataire principal pour déclarer que les baux invoqués par un sous-locataire sont des actes de complaisance ? La plupart du temps, il n'y a que des conventions verbales, et quand le propriétaire viendra dire : Je suis convenu avec mon locataire principal que je ferais un bail direct avec les sous-locataires, n'accorderez-vous aucun effet à pareille déclaration ?

Eh bien, c'est ainsi que cela va se pratiquer ; tous les sous-locataires traiteront avec le propriétaire, et de complicité avec le propriétaire et le locataire principal votre proposition va donc introduire un très grand nombre d'électeurs auxquels vous ne vous attendez pas. (Interruption.)

Certainement, à l'aide d'un contrat très facile à faire et que la pratique fera connaître.

Tous les sous-locataires des grandes villes deviendront électeurs parce qu'ils pourront mettre à leur profit le tiers de la contribution foncière.

Maintenant, quant à l'interprétation donnée par l'honorable M. Royer de Behr et par le gouvernement, je la repousse de la manière la plus formelle.

On ne peut dire, dans un discours, qu'on interprète une loi de 1871 par une loi de 1822.

Si vous voulez que la loi de 1822, sur la contribution personnelle, soit appliquée, il faut que vous coordonniez votre article 2 avec cette loi et que vous vous en référiez à cette loi.

Pour cela, il faut renvoyer à la section centrale et demander un rapport afin que nous soyons mis à même de comprendre ce que vous avez voulu faire.

M. Tesch. - Messieurs, si j'ai bien compris l'honorable ministre des finances, le second paragraphe de l'article 2 a été introduit dans la loi pour assimiler le locataire des villes au locataire des campagnes.

C'est là assimiler des choses qui ne se ressemblent ni de près ni de loin.

Le locataire de la campagne a un capital, qui est une dépendance nécessaire et absolue de la ferme. C'est même un immeuble par destination. Ce capital est indispensable pour la culture et c'est à ce titre que l'on attribue à celui qui le possède une partie des contributions.

J'ajoute que le fermier applique son travail à l'immeuble qui fait l'objet du bail.

Mais dans les villes vous n'avez pas de capital de cette nature, le mobilier n'est pas un accessoire indispensable de l'immeuble.

Le locataire pourra n'avoir comme propriété que son lit, qu'une chaise, qu'une table et c'est à ce titre qu'il sera électeur ! Il pourra même n'avoir aucun mobilier, car on ne distingue pas entre celui qui est locataire d'un quartier garni ou d'un quartier non garni, de sorte que l'on pourra être électeur sans posséder même la chaise sur laquelle on est assis.

Cette nouvelle disposition n'a aucun rapport avec l'article 8 de la loi communale, qui est sage et qui s'applique à un ordre de choses qui peut faire admettre comme électeur le locataire. Mais la disposition qui place le locataire des villes sur la même ligne que l'électeur des campagnes manque de sens et de raison.

M. Bara. - Je n'admets point que l'on puisse voter cette disposition à la faveur de l'explication qui vient d'être donnée.

Suivant les interprétations, la différence sera de 4,000 ou 5,000 individus dans une ville comme Bruxelles, et une disposition de cette importance serait ainsi votée ? Mais cela est incroyable !

Voici un article sur lequel on n'est pas d'accord, l'honorable ministre des finances déclare qu'on s'en référera à la loi de 1822.

Je lui démontre qu'on ne peut s'en référer à cette loi sans le dire dans la loi que nous discutons.

On ne peut admettre ce qu'a dit à cet égard l'honorable M. Royer de Behr ; son opinion ne peut faire loi. (Interruption.)

Je vous défie, vous, messieurs de la droite, de voter l'article dans les termes où il est rédigé. (Interruption.)

(page 1134) Non ! vous ne pouvez voter une disposition que vous ne comprenez pas. Vous ne seriez pas dignes d'être électeurs, d'après le système de l'honorable M. Couvreur, si vous votiez une loi que vous ne comprenez pas, et qui n'est pas compréhensible. (Interruption.)

M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, je comprends l'argumentation de l'honorable M. Tesch ; mais je ne comprends pas celle de l'honorable M. Bara. Sa thèse n'est qu'un tissu de subtilités.

Il voit des difficultés partout.

Tout ce qui est simple en matière de contribution personnelle lui paraît compliqué en matière de contribution foncière.

Le sous-locataire sera-t-il admis à profiter de la disposition actuelle ? L'honorable membre joue sur le mot « sous-locataire. »

Il y a deux espèces de sous-locataires.

Celui qui tient du locataire principal une partie de l'habitation, dont le locataire principal occupe la majeure partie, et celui auquel le locataire principal cède son bail.

Celui auquel le locataire principal sous-loue un certain nombre de chambres ne pourra pas se prévaloir de la disposition ; il n'est pas le locataire, il ne paye pas la contribution personnelle.

Mais si le locataire cède le bail à une autre personne et si cette autre personne occupe la maison entière, elle est astreinte à la contribution personnelle ; elle seule est l'occupant, le locataire véritable et, à ce titre, elle pourra se prévaloir de la disposition de la loi aussi bien que celui qui avait traité primitivement avec le propriétaire.

L'honorable membre soulève encore une difficulté par rapport au locataire à la semaine et au mois ; mais cette difficulté n'a rien de pratique. Quels sont les locataires à la semaine ou au mois qui résident pendant deux ans dans le même taudis ?

Ces locataires d'ailleurs ne payent pas la contribution personnelle.

Les maisons qui n'atteignent pas 42 fr. 32 c. de valeur locative sont exemptes de la contribution personnelle. Eh bien, ces locataires habitent des maisons exemptes de cet impôt ; ils n'auraient donc que le foncier ; or, il faudrait (c'est le cas supposé par M. Dumortier), il faudrait un foncier de 30 francs pour que le tiers leur donnât le cens de 10 francs. Il faut ne pas connaître la situation des classes ouvrières pour prétendre que l'habitant des bataillons carrés se trouve dans ce cas.

Le cas dont parle M. Bara est un cas impossible, il n'a rien de pratique.

M. Bara. - Je demande la parole.

M. Jacobs, ministre des finances. - L'honorable M. Tesch aborde, lui, le fond de la question ; il n'y a pas, dit-il, les mêmes raisons à invoquer en faveur du locataire urbain qu'en faveur du locataire rural. Je ne nie pas qu'il y ait de la vérité dans son argumentation, je ne disconviens pas qu'il y ait une différence entre l'un et l'autre, mais cependant on ne peut méconnaître que c'est les mettre dans une situation d'inégalité très forte que de compter un tiers de la contribution foncière à l'un et absolument rien à l'autre.

Remarquez, messieurs, que la disposition relative à la contribution foncière n'est pas, comme le disait M. Bara, appliquée exclusivement dans les petites communes ; elle est appliquée jusque dans la ville de Bruxelles ; les métayers voisins du bois de la Cambre ou du champ des Manœuvres peuvent se prévaloir de cette disposition.

C'est, je le veux bien, un cas exceptionnel, mais ce cas se produit aussi bien dans les grandes communes que dans les petites.

A cet égard, il nous a paru, sans méconnaître qu'il pût y avoir une certaine distinction à faire entre le locataire urbain et le locataire rural, que cette distinction n'était pas assez grande pour établir une ligne de démarcation nettement tranchée entre l'un et l'autre.

Dans la plupart de nos communes, on ne passe pas de l'électeur urbain à l'électeur rural par une transition brusque ; après l'électeur rural qui ne paye aucun personnel, il se trouve le petit métayer qui profite du tiers de la contribution foncière et qui paye un petit personnel, et, de gradation en gradation, on arrive sans secousse de l'électeur rural à l'électeur urbain.

Il nous a paru qu'en présence d'une différence qui n'est pas toujours nettement tranchée, nous ne devions pas établir une ligne de démarcation absolue.

La disposition que l'on critique, nous l'avons proposée non dans l'intérêt des campagnes, mais dans celui des villes. Dans la presse on nous en a félicités. Voilà, nous a-t-on dit, une disposition libérale, voilà une avance faite par le cabinet aux grandes villes. Nous n'avons pas à faire d'avances, mais à rétablir l'égalité et la justice pour l'une et l'autre catégorie de locataires du pays.

M. Tesch. - L'un est l'accessoire de la propriété, l'autre ne l'est pas.

M. Bara. - Si je discute sur l'article 2, ce n'est pas pour examiner si le gouvernement a eu l'intention d'établir l'égalité entre les campagnes et les villes ; ce n'est pas non plus pour juger la réforme proposée. Je laisse tous ces points de côté.

Mais quand on fait des textes de loi, il faut qu'ils soient clairs et même quand on n'adopte pas les textes proposés, on doit savoir au moins quelle en est la portée.

M. le ministre des finances a prétendu que les sous-locataires n'étaient pas électeurs en vertu de l'article 2 et il a dit : Référez-vous-en à l'article 8 de la loi communale et si vous adoptez le principe de cette loi, vous aurez les règles qui doivent être suivies en matière de domaine de ville. Eh bien, voyons ces règles.

La loi communale dit : « Le tiers de la contribution foncière d'un domaine rural exploité par un fermier compte au locataire sans diminution des droits du propriétaire. »

L'honorable rapporteur de la section centrale nous a donné l'explication de cette règle :

« C'est le fermier, dit-il, qui exploite, en d'autres termes, c'est l'occupant que le législateur a voulu favoriser, qu'il soit locataire direct, ou sous-locataire, ou cessionnaire de bail. Ainsi, du reste, l'a décidé une circulaire du ministre de l'intérieur du 22 avril 1836. »

Ainsi, d'après l'honorable rapporteur de la section centrale, il ne faut pas être locataire direct ; il faut seulement être occupant ; il faut exploiter un fonds rural ; c'est-à-dire, quant aux villes, occuper une maison dont le bail ne doit pas être direct.

Par conséquent, si j'occupe une partie de maison en vertu d'un sous-bail, je dois obtenir, en vertu de ce sous-bail, le tiers de la contribution foncière. Voilà la vérité ; voilà la règle de la loi de 1836 telle qu'elle est interprétée par l'honorable rapporteur de la section centrale.

Dès lors, je demande très loyalement à M. le ministre des finances de vouloir bien répondre à la question que voici :

Il a déclaré que les sous-locataires ne sont pas compris dans le projet de loi ; j'ai prouvé, la loi communale et le rapport de la section centrale à la main, qu'ils y seront. Nous sommes donc en présence d'opinions, d'interprétations contradictoires. Allez-vous voter la loi en présence d'une pareille incertitude ?

Si l'on décide que les sous-locataires sont compris dans la loi, il en résultera que tous les calculs de M. le ministre des finances viendront à tomber.

M. le ministre nous a dit tout à l'heure qu'il ne connaissait guère de maisons d'ouvriers à Bruxelles payant 30 francs de loyer. Il serait infiniment plus exact de dire qu'il en est très peu qui ne payent pas cette somme.

Il y a peu de jours encore j'ai eu l'occasion de voir une maison d'ouvrier d'une valeur cadastrale de 2,300 francs. Ne venez donc pas dire qu'il n'y en a guère qui payent 30 francs de loyer.

Ainsi, messieurs, voici la singulière position dans laquelle la Chambre se trouve.

Le gouvernement nous déclare que les sous-locataires ne jouiront pas du bénéfice de la loi ; je vous ai démontré que c'est une erreur manifeste ; et le gouvernement nous dit : Votons néanmoins. Il serait cependant bon de savoir ce que l'on veut. Que l'honorable rapporteur de la section centrale, que M. le ministre des financés, que M. le ministre de la justice, que M. le ministre de l'intérieur, auteur et signataire de la loi, nous disent ce qu'ils ont voulu, et nous pourrons alors voter en connaissance de cause. (Interruption.)

M. De Lehaye. - Je regrette vivement que l'honorable rapporteur de la section centrale soit, en ce moment, éloigné de la Chambre ; je le regrette surtout à raison du triste événement qui motive son absence.

Quant à nous, messieurs, quand nous avons examiné l'article en discussion, nous avons été tous d'accord sur ce point que par le mot « locataire » on ne pouvait entendre que celui qui paye la contribution personnelle.

Il est vrai que l'on a soulevé la question du sous-locataire et, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, il se peut qu'il y ait plusieurs sous-locataires dans des bataillons carrés et même dans de grandes maisons. Eh bien, qu'arrivera-t-il s'il se trouve dans un même bâtiment plusieurs individus sous-locataires ? C'est que, s'ils payent la contribution personnelle, ils pourront invoquer le tiers de la contribution foncière payée par le propriétaire.

M. Frère-Orban. - Chacun d'eux !

M. De Lehaye. - Dans le cas contraire, ils ne pourront pas invoquer le tiers de la contribution foncière. (Interruption.)

(page 1135) M. Bara, - Cela n'est pas du tout dans la loi.

M. De Lehaye. - La loi dit : « Le locataire. » Or, qu'est-ce que le locataire ? Le locataire doit nécessairement être compris parmi ceux qui payent la contribution personnelle. (Interruption.)

Messieurs, les fonctions que j'ai occupées dans une grande ville m'ont mis souvent à même de constater ce que c'est qu'un bataillon carré. Il y a des bataillons carrés qui contiennent de vingt à trente habitations.

Je suppose que ces habitations rapportent au propriétaire 2,000 à 3,000 francs par an ; et le propriétaire paye une contribution foncière de 100 à 150 francs, le tiers de cette somme est 50 francs ; or, je le demande, quel est le locataire qui aura le droit électoral, si, outre la part qu'il peut invoquer dans la distribution de ce tiers, il ne paye aucune contribution personnelle quelconque ? Il ne sera donc pas électeur.

Je me résume en disant qu'on pourrait éviter toute difficulté, si l'on ajoutait les mots : « Le locataire payant une contribution personnelle. »

C'est ainsi que nous l'avons tous entendu dans la section centrale.

M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, s'il reste un doute sérieux dans l'esprit de certains membres, je ne me refuse pas à l'éclaircir. Mais la rédaction indiquée par l'honorable M. De Lehaye ne peut être admise.

En effet, cette rédaction, très bonne pour le domaine urbain, n'est pas applicable au domaine rural, car le fermier peut n'être redevable d'aucune contribution personnelle tout en ayant le droit de se prévaloir du tiers de la contribution foncière.

Voici la rédaction que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre :

« Le tiers de la contribution foncière du domaine rural exploité par le fermier compte au locataire sans diminution du droit du propriétaire.

« Le tiers de la contribution foncière d'une maison compte au locataire redevable de la contribution personnelle, sans diminution du droit du propriétaire. »

M. Bara. - Messieurs, tous les locataires principaux dans les villes payeront assez pour être électeurs ; la disposition proposée par M. le ministre des finances est donc parfaitement inutile.

L'honorable ministre, en adoptant l'idée émise par l'honorable M. De Lehaye. a complètement détruit le prétendu avantage qu'il faisait aux villes. (Interruption.) Vous l'avez dit vous-mêmes : c'est pour les villes que la disposition est faite. Or, messieurs, je vous le demande, quand un locataire payera la contribution personnelle à Bruxelles, sera-t-il utile de lui ajouter le tiers de sa contribution foncière ? Ce sera parfaitement inutile, parce qu'il sera quand même électeur communal à 10 francs. Par conséquent vous ne donnez rien du tout ; vous feriez donc mieux de supprimer l'article.

En tout cas, je crois qu'il faut renvoyer cet amendement à la section centrale pour qu'elle s'explique.

M. De Lehaye. - L'opinion que je viens d'exprimer est l'opinion de la section centrale. C'est précisément parce que cela n'était pas compris par la Chambre que j'ai proposé une adjonction. Comme cela, tout doute disparaît.

M. Bara. - Votre amendement ne donne rien.

M. De Lehaye.- La disposition s'applique aux communes urbaines et c'est pour écarter tout doute relativement à la propriété urbaine que nous avons pensé que c'était celui qui payerait la contribution personnelle.

M. le président. - M. Bara propose le renvoi de cet amendement a la section centrale.

M. de Borchgrave. - Mais on pourra s'occuper de cet amendement lors du second vote.

- La proposition de M. Bara est mise aux voix par assis et levé.

Après une double épreuve, elle n'est pas adoptée.

La discussion est close.

M. le président - Nous passons, messieurs, au vole sur l'article 2 ; il est ainsi conçu :

« Art. 2. Les paragraphes 2 et 4 de l'article 8 de la loi communale sont remplacés par les dispositions suivantes :

« § 2. Les mères veuves peuvent déléguer leurs contributions à celui de leurs fils ou, à défaut de fils, a celui de leurs gendres qu'elles désignent, s'il réunit d'ailleurs les autres conditions requises pour être électeur.

« § 4-. Le tiers de la contribution foncière compte au locataire, sans diminution des droits du propriétaire. »

La section centrale propose la suppression du paragraphe premier. Le gouvernement se rallie-t-il à cet amendement ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Oui, M. le président.

M. le président. - C'est ici que vient l'amendement de M. Magherman.

M. Magherman. - Je fais remarquer que la disposition que j'ai présentée n'est pas un amendement à l'article 2 ; c'est un article à part.

M. le président. - Cela formerait donc l'article 3. Nous avons à voter sur l'article 2, modifié par M. le ministre des finances. Cet article serait ainsi conçu :

« Le tiers de la contribution foncière du domaine rural exploité par le fermier compte au locataire sans diminution des droits du propriétaire.

« Le tiers de la contribution foncière d'une maison compte au locataire redevable de la contribution personnelle sans diminution des droits du propriétaire. »

Je mets cet article aux voix par paragraphes.

- Le paragraphe premier est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je mets aux voix le second paragraphe.

M. Jottrand. - Je demande une explication sur ce paragraphe. Les mots « au locataire » sont-ils au singulier ou au pluriel ?

M. Jacobs, ministre des finances. - Au singulier.

M. Jottrand. - Ils doivent être au pluriel. Il y a des maisons occupées par plusieurs locataires. (Interruption.)

- Des membres. - La discussion est close.

M. le président. - C'est un amendement. On pourra y revenir au second vote.

- Le vote par appel nominal est demandé sur le second paragraphe.

En voici le résultat :

101 membres prennent part au vote.

56 votent pour le paragraphe.

45 votent contre.

En conséquence, le paragraphe est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Drubbel, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety. de Thozée, Rembry, Reynaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, A. Visart, Wasseige, Wouters, Balisaux, Biebuyck, Boucquéau, Coremans, Cornesse, de Borchgrave, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lhoneux, de Liedekerke, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse et Vilain XIIII.

Ont voté le rejet :

MM. Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Mouton, Muller, Orts, Puissant, Rogier, Sainctelette, Tesch, Thibaut, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bergé, Boulenger, Braconier, Brasseur, Crombez, Cruyt, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Clercq, De Fré, de Lexhy, de Macar, de Rossius, Descamps et de Vrints.

Article 2bis (nouveau)

M. le président. - Vient maintenant la proposition de M. Magherman.

M. Magherman a la parole pour développer sa proposition.

M. Magherman. - Messieurs, je regrette que mon amendement n'ait pas pu être livré à l'impression et distribué aux membres de la Chambre ; ils en auraient mieux saisi l'objet.

Ne m'attendant pas à voir arriver cette discussion sitôt, je ne l'ai déposé au bureau qu'au commencement de la séance.

Quoiqu'il ne s'applique pas à un grand nombre de communes, il n'en a pas moins une certaine importance.

Messieurs, mon amendement se rattache à l'article 5 de la loi communale.

Cet article dispose que, pour les communes qui sont partagées en différentes sections ou hameaux, la députation permanente peut déterminer le nombre des conseillers à élire parmi les éligibles de chaque section ou hameau.

En ce cas, il y a un scrutin séparé pour chaque section ou hameau.

Par cet article, le législateur de 1836 a voulu assurer une part dans la gestion des affaires communales aux parties moins importantes des communes divisées en sections ou hameaux, en leur donnant une représentation spéciale au sein du conseil de la commune.

(page 1136) Pour l'élection de ces mandataires spéciaux, il a ordonné un scrutin séparé, ce qui n'était pas nécessaire pour atteindre son but, car cette disposition donne lieu à des complications, à des retards qu'il importe de faire disparaître. En effet, quand on procède à l'élection des conseillers du chef-lieu, il peut y avoir un ballottage ; la même chose peut arriver pour les sections ou hameaux et il peut devenir nécessaire de renvoyer les élections à un autre jour.

Je ne sais pas pourquoi le gouvernement veut maintenir ces scrutins séparés, alors qu'on peut sans inconvénient atteindre le même but par un scrutin unique pour les conseillers de toute la commune.

La même question s'est présentée pour l'élection des sénateurs et des représentants : en vertu de la loi de 1831, les membres de ces deux corps étaient élus par des scrutins séparés ; on a senti l'inconvénient de ce mode de procéder qui, sans utilité réelle, entraînait des retards considérables et l'on y a porté remède par l'article 24 de la loi du 1er avril 1843, qui statue que les sénateurs et les représentants sont élus par un seul et même scrutin. Eh bien, quel inconvénient peut-il y avoir à ce qu'il en soit de même pour les conseillers communaux du chef-lieu et ceux des sections ou hameaux ?

En vain objecterait-on que ce système peut amener la confusion dans le choix des conseillers à désigner pour les différentes sections. Cette confusion n'est aucunement à craindre, puisque l'électeur indiquera dans son bulletin quels conseillers il entend élire pour telle section de la commune et quels conseillers pour telle autre section, exactement comme cela se pratique aujourd'hui pour les représentants et les sénateurs. Ce n'est que pour le cas où, par mégarde, cette indication ne serait pas donnée par le bulletin, que l'amendement dispose que les premiers noms seront attribués au chef-lieu, jusqu'à concurrence du nombre des membres à élire et les autres aux sections ou hameaux, en suivant l'ordre alphabétique des noms de ces sections ou hameaux, quand il y en a plusieurs. Mais ce dernier cas doit être très rare. Pour moi, je ne connais aucune commune se trouvant dans cette situation.

- M. Thibaut remplace M. de Naeyer au fauteuil de la présidence.

M. Vilain XIIII. - Je demande l'impression de l'amendement et la remise à demain.

M. le président. - On demande l'impression de l'amendement.

M. Magherman. - On saisira mieux la portée de l'amendement quand il sera imprimé.

- L'impression est décidée.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs je ne puis que répéter les observations que j'ai présentées tout à l'heure. Dans le cas prévu par l'article 6 de la loi communale, on peut dire qu'il y a plusieurs élections.

En effet, si tous les électeurs prennent part à l'élection, il n'est pas moins vrai que les éligibles doivent appartenir à telle section ou à tel hameau.

C'est pour assurer l'efficacité et la sincérité des opérations électorales que le législateur a voulu qu'il y eût autant de scrutins que de hameaux ou de sections à représenter.

Je comprends parfaitement que, dans le système de l'honorable M. Magherman, des désignations spéciales sur le bulletin seraient utiles. J'irai même plus loin, je dirai qu'elles seraient indispensables et que, si elles n'existaient pas, on se trouverait devant la plus regrettable confusion.

C'est précisément parce que ce dernier cas, prévu du reste par l'honorable préopinant, peut se rencontrer fréquemment que nous croyons que son système peut entraîner de fâcheux résultats.

Je demande à la Chambre la permission de justifier ce jugement en plaçant sous ses yeux le texte même de la proposition de l'honorable préopinant.

Voyons comment il en entend l'application dans les cas où il n'y a pas de désignations spéciales.

Supposons une commune où il y a plusieurs sections. Il y a lieu de prendre, chez les éligibles de chacune, un certain nombre de membres du conseil communal.

L'électeur n'aura pas eu recours à des désignations.

Comment répartira-t-on les suffrages entre les sections ?

Voici le système de l'honorable membre :

Les premiers noms seront attribués au chef-lieu, c'est-à-dire au centre de l'agglomération, jusqu'à concurrence du nombre de conseillers à élire ; mais, quant aux sections, voici comment il justifie son amendement et comment il entend l'appliquer.

Les noms subséquents sont attribués aux sections et, s'il y en a plusieurs, on suivra l'ordre alphabétique des noms de ces sections ou hameaux.

Il est évident que dans un grand nombre de communes - il s'agit ici de communes rurales - ce système conduirait, je l'ai déjà dit, à une regrettable confusion, et je ne puis que déclarer au nom du gouvernement qu'il lui paraît impossible d'accueillir l'amendement.

M. Dumortier. - Messieurs, je crois qu'il serait très facile d'éviter la confusion dans le système de l'honorable M. Magherman, mais son amendement soulève une question beaucoup plus importante.

Lorsque nous avons fait la loi communale, nous avons introduit cet article précisément pour que tous les hameaux détachés pussent être représentes dans le conseil ; en un mot, nous avons voulu, là encore, sauvegarder le droit des minorités.

Cependant l'expérience a prouvé que le but qu'on s'était proposé n'a pas toujours été atteint.

Il s'est trouvé que l'on imposait au hameau qui avait droit à un représentant, celui précisément dont le hameau ne voulait pas, que la masse de la commune ne laissait plus représenter l'intérêt du hameau. Le système est par là complètement vicié.

Si une modification doit être apportée, il faut qu'elle ait pour objet de donner aux hameaux le droit de choisir eux-mêmes leurs représentants. Les intérêts des hameaux seraient alors représentés par des personnes en qui les hameaux auraient confiance.

Je ne présente pas d'amendement, mais j'appelle la sérieuse observation du gouvernement sur les points que je viens de lui signaler.

M. le président. - Est-il convenu que le vote sur la proposition de M. Magherman sera remis à la prochaine séance ?

- De toutes parts. - Oui, oui.

Article additionnel (nouveau)

M. le président. - M. Anspach a présenté une disposition additionnelle ; est-il disposé à la développer aujourd'hui ?

M. Anspach. - Je suis aux ordres de la Chambre.

M. le président. - En ce cas, je vous donne la parole.

M. Anspach. - L'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer d'accord avec MM. Orts et Funck est destiné à combler ce qui est une véritable lacune dans le projet de réforme électorale.

La Chambre sait qu'il n'y a dans la loi de 1836, qui est en quelque sorte la constitution des communes, aucune disposition qui permette au Roi de dissoudre les conseils communaux. Il suit de là que si le projet du gouvernement était adopté dans les termes où il est présenté, il donnerait lieu à de singulières anomalies..,

Ainsi la première application de la réforme électorale n'aurait lieu qu'à la fin de l'année 1872 et ne sortirait ses effets qu'à partir du 1er janvier 1873 ; depuis le 1er janvier 1873 jusqu'au 1er janvier 1876, les assemblées communales des grandes villes se composeraient par moitié de conseillers issus d'origine différente, les uns représentant les censitaires à 42 francs et les autres les censitaires à 10 francs. Je sais bien que personne dans cette Chambre, que le gouvernement lui-même ne voudraient pas d'une pareille situation, mais encore faut-il qu'il y ait dans |a loi un texte formel qui empêche ce qui serait la conséquence du silence de la loi. Il faut donc introduire dans le projet une disposition portant dissolution des conseils communaux et réglant la première application de la réforme électorale.

Quelle doit être cette disposition ? C'est ce que je vais examiner en quelques mots.

Je suis d'avis que la dissolution devrait être faite très promptement ; je crois qu'il serait sage, si la chose n'était pas impraticable à cause de la confection de la liste nouvelle, que la dissolution fût prononcée le lendemain de la promulgation de la loi ; tout au moins, je pense qu'il est indispensable que cette dissolution ait lieu après le temps strictement nécessaire pour la confection de la liste nouvelle.

En voici, messieurs, la raison. Lorsque le corps électoral est modifié d'une manière aussi profonde et aussi radicale que le prépare le projet dont vous avez adopté hier la disposition principale ; lorsque, spécialement pour la ville que j'ai l'honneur d'administrer, le nombre des électeurs va passer brusquement de 7,000 à 10,000 ou 11,000, il y a, pour les pouvoirs issus de l'ancien corps électoral, une situation difficile.

Il est évident que la nature des choses veut que les pouvoirs anciens s'abstiennent, autant qu'ils le peuvent, de prendre des mesures de nature à engager la manifestation du corps électoral nouveau. Cette situation, qui peut n'avoir que peu ou point d'inconvénient dans les communes rurales, serait intolérable et impossible dans les villes où la multiplicité et la grandeur des affaires sont en raison directe de l'importance de la (page 1137) commune, et où les administrateurs sont obligés, par la nature de leurs fonctions, de prendre des mesures importantes, de poursuivre de grandes entreprises sous peine de compromettre les intérêts de leurs administrés.

Il y a donc lieu de ne pas laisser, au delà de ce qui est strictement nécessaire, les administrations des villes dans cette situation transitoire.

Mais si l'on examine la question au point de vue des bourgmestres des villes, alors elle acquiert une gravité exceptionnelle et bien plus grande encore. Le bourgmestre est le chef de la police ; sous ce rapport, il a, dans notre pays, des pouvoirs discrétionnaires presque illimités.

En cas de troubles, d’effervescence populaire, c'est du bourgmestre et du bourgmestre seul, de son tact, de son énergie que l'on doit attendre le prompt rétablissement de l'ordre, la paix publique, la sécurité des citoyens ; et si le bourgmestre est impuissant, s'il ne peut pas remplir son mandat, s'il doit laisser au pouvoir central, c'est-à-dire à l'armée, le devoir de rétablir l'ordre public, il y a déjà un très grand mal accompli ; il y aura, peut-être, des conséquences irréparables à déplorer.

Eh bien, je le demande à la Chambre : où le bourgmestre trouve-t-il l'autorité, la force, le prestige nécessaire pour accomplir de si grands devoirs, devoirs qui, lorsqu'il s'agit, par exemple, de la capitale, intéressent la sécurité du pays tout entier. Où le bourgmestre trouve-t-il la force qui lui est nécessaire ? C'est dans l'élection ; c'est dans le consentement de tous ; c'est dans les suffrages qui lui ont été donnés ; c'est dans son mandat, c'est dans la confiance publique, c'est quand il est reconnu et accepté comme l'expression de la majorité de ceux qui ont à s'occuper des affaires de la commune.

Ne laissez donc pas les bourgmestres des grandes villes dans cette situation boiteuse où, quelle que soit d'ailleurs leur popularité, on pourrait cependant leur reprocher de n'être plus l'expression de la volonté populaire.

Tout le monde est d'accord sur un point, la nécessité d'une dissolution des conseils communaux. Aucun doute n'est possible sur ce point.

M. De Lehaye. - C'est clair.

M. Anspach. - La seule question à examiner est donc celle de savoir quand cette dissolution doit avoir lieu.

Or, si j'ai démontré que, dans un intérêt administratif qui a sa valeur dans un intérêt de sécurité publique, qui a son importance aussi, il est nécessaire que cette dissolution soit la plus rapprochée possible de la promulgation de la loi. Il me semble que j'ai complètement justifié notre amendement.

Encore un mot relatif au côté pratique de la question. Est-il possible que dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi, on dresse les nouvelles listes électorales ?

Quand il y a nécessité, on prend des mesures transitoires ; or, cette nécessité existe dans le cas actuel. Nous pouvons donc très bien transitoirement introduire un certain changement de procédure dans la confection des listes.

Rappelons en deux mots ce que dit la loi de 1869, et vous verrez qu'il suffît d'un changement peu important pour amener, dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi, la confection définitive des listes électorales.

Du 15 juillet au ln septembre, les communes s'occupent de la révision et de rétablissement des listes.

Dans la quinzaine suivante, les électeurs et ceux qui prétendent le devenir sont admis à présenter leurs réclamations à la députation permanente ; la députation décide et il y a dans la loi un terme fatal après lequel la députation permanente doit s'être prononcée sur toutes les contestations. Cette date est le 30 novembre. Et puis, les mois de décembre, de janvier, de février, de mars et d'avril sont employés à l'appel ou au pourvoi contre les décisions prises, et ce n'est que le 1er mai que ces opérations, commencées au mois de juillet de l'année précédente, sont terminées ; et les listes entrent en vigueur, pour être appliquées pendant un an aux élections qui peuvent avoir lieu dans l'intervalle.

Qu'on raccourcisse, pour cette fois seulement, et à raison des nécessités que j'ai indiquées, le délai accordé à la députation permanente et le délai fixé pour l'appel ; que ce délai soit fixé au 30 octobre pour la députation et au 30 novembre pour la cour d'appel et vous pourrez, au commencement de décembre, fixer le jour des élections.

Je terminerai par une seule considération, c'est que l'amendement que nous avons eu l’honneur de déposer sur le bureau est la reproduction de ce qui a été fait il y a vingt-deux ans.

L'application de cette mesure transitoire n'a donné lieu alors à aucune espèce d'inconvénient. Tous les conseils communaux ont été renouvelés alors.

Nous pensons que, la Chambre de 1871 peut sans hésiter faire ce qu'a fait la Chambre de 1836. M. le président. - Voici l'article additionnel proposé par MM. Anspach, Orts et Funck :

« Les conseils communaux seront renouvelés intégralement dans les six mois qui suivront la promulgation de la présente loi. Le Roi déterminera l'époque de la réunion des collèges électoraux, à l'effet de procéder à ce renouvellement, et celle de l'installation des nouveaux conseils. Les dispositions des articles 2, 3 et 4 de la loi du 1er mai 1848 seront appliquées au renouvellement des conseils communaux. »

- L'amendement est appuyé. Il fera partie de la discussion.

M. le président. - Cet article doit venir à la fin de la loi ; la discussion ne peut donc pas s'ouvrir utilement en ce moment ; l'article additionnel sera discuté, lorsque la Chambre se sera prononcée sur le dernier article du projet du gouvernement.

La parole est à M. de Theux.

M. de Theux. - M. le président, je voulais faire précisément l'observation que vous venez de présenter ; c'est-à-dire qu'il y a lieu de remettre, jusqu'à la fin de la loi, la discussion de cet article additionnel. (Assentiment.)

M. le président. - On est d'accord là-dessus ; l'article additionnel sera discuté à la fin du projet de loi.

Je dois annoncer à la Chambre qu'il y a un amendement proposé à l'article 3.

M. Bara. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. Bara. - Messieurs, la droite a dit qu'elle était d'avis qu'il y aurait lieu de dissoudre les conseils communaux. Le gouvernement, messieurs, doit avoir son opinion à ce sujet ; je demande qu'il nous la fasse connaître.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, il y a des considérations générales sur lesquelles s'est appuyé l'honorable M. Anspach et sur lesquelles nous sommes d'accord. Je crois par conséquent inutile d'insister sur ce point.

Mais l'amendement de M. Anspach tend à inscrire dès aujourd'hui dans la loi que, six mois après sa promulgation, tous les conseils communaux seront dissous.

Messieurs, nous croyons qu'en présence des dispositions de la loi de 1869 les délais qui sont exigés par le législateur ne permettent pas de fixer la dissolution dans un terme aussi rapproché.

En effet, si l'on veut bien remarquer qu'il faut que les collèges échevinaux et les députations permanentes se prononcent dans un délai très court, si l'on ne perd pas de vue qu'il a toujours été entendu qu'un terme de cinq ou six mois serait réservé à la cour d'appel, il faut reconnaître que, dans la situation actuelle, où il y aura, à la fois, un grand nombre d'électeurs à inscrire et des dispositions nouvelles à appliquer, les délais qui ont été prévus par le législateur de 1869, au lieu d'être restreints, devraient plutôt être prolongés.

Tout à l'heure, messieurs, l'honorable M. Anspach faisait appel aux traditions de la Chambre, à ce qui s'est passé il y a vingt-deux ans. Le gouvernement, messieurs, se place sur le même terrain, lorsque invoquant ce qui s'est fait en 1848, il croit qu'il est préférable de saisir la législature d'une disposition spéciale.

Article additionnel (nouveau)

M. le président. - Voici, messieurs, l'amendement que M. Lelièvre propose à l'article 5 :

. « Je propose d'énoncer après les mots « les contributions payées par la femme sont comptées au mari », la phrase suivante : « sauf dans le cas oh la séparation de corps a été prononcée judiciairement. »

M. Lelièvre. - On est généralement d'accord pour attribuer au mari, pour l'électorat, les contributions payées par la femme, quel que soit le régime que les époux aient adopté par leurs conventions matrimoniales, parce que, en réalité, c'est le mari qui représente l'intérêt électoral attaché à la fortune de la femme.

Toutefois, je pense qu'il doit en être autrement, lorsque la séparation de corps a été prononcée judiciairement. En ce cas, en effet, il n'y a plus d'intérêts communs entre les époux. La femme acquiert une individualité qui lui est propre. Le mari n'a plus action directe ou indirecte sur les biens de la femme qui administre sa fortune et en recueille tous les revenus (page 1138) et les avantages à l'exclusion du mari. Celui-ci, dès lors, ne peut profiter d'une fortune soustraite complètement à son action et sur laquelle il ne peut exercer le moindre droit, à quelque titre que ce puisse être.

M. Tack. - Je propose à la Chambre de ne pas s'occuper de pétitions demain et de continuer là discussion du projet qui nous occupe en ce moment.

- Des membres. - Non ! non ! les pétitions !

M. Dumortier. - Il y a décision de la Chambre. On doit s'occuper demain des pétitions.

M. Vander Donckt. - Il y a seulement huit jours qu'on a décidé de s'occuper le vendredi de pétitions. II serait souverainement ridicule de changer, de huitaine en huitaine, de résolution.

Je demande que la Chambre maintienne sa décision. (Oui ! oui !)

M. le président. - Nous mettrons donc comme premier objet à l'ordre du jour les prompts rapports de pétitions.

- La séance est levée a cinq heures.