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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 29 mars 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Thibaut, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 921) M. de Borchgrave procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Borchgrave présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« La veuve Lorget réclame contre l'appel au service de son fils Eugène, de la classe de 1868, qui en a été exempté par son frère, alors sergent-major et actuellement sous-lieutenant. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Breedene demandent une séparation administrative entre Breedene et Molendorp. »

- Même renvoi.

M. Van Iseghem. - Je prie la Chambre de vouloir bien inviter la commission à faire un prompt rapport sur cette pétition.

- Cette proposition est adoptée.


« Les membres de la société dite : Kunst en Eendracht, à Waereghem, demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« Des habitants de Dixmude prient la Chambre d'introduire, dans la législation, le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire.

« Même demande d'habitants de Mons et de Furnes. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.


« Des habitants de Verviers prient la Chambre d'allouer au gouvernement le crédit dont il a besoin, afin de créer des écoles en nombre suffisant pour satisfaire aux nécessités de l'enseignement primaire, étendu a toutes les classes de la société. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Des membres de la Société centrale d'agriculture demandent : 1° la rectification du classement, pour l'expédition par les chemins de fer de l'Etat, des substances fertilisantes et des produits agricoles ; 2° la réduction des prix pour le transport de ces matières. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

Projet de loi supprimant les jeux de Spa

Dépôt

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur, dépose un projet de loi sur la suppression des jeux de Spa.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie ù l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1871

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVII. Instruction primaire

La discussion continue sur l'ensemble du chapitre XVII : Instruction primaire.

M. Defuisseaux. - Je pourrais, messieurs, commencer mon discours par ce mot de Montaigne : « Ceci est un discours de bonne foi. » Effectivement, tous, nous avons protesté de notre dévouement sincère au développement de l'instruction populaire.

Les uns défendent le régime de la loi de 1842, les autres, et je suis de ce nombre, la considèrent comme funeste, mais aucun d'entre nous ne conteste la nécessité d'un enseignement primaire organisé par l'Etat sur les bases les plus larges.

L'amendement que je propose est la conséquence pratique de vos discours.

Je ne lui donnerai donc pas de longs développements, dans la crainte de lui enlever quelque chose de sa simplicité logique. Je crois à la sincérité de vos affirmations, et viens vous demander de consacrer non plus par des paroles sonores, mais par quelque chose de plus efficace, par le vote d'un crédit, le dévouement que nous avons tous pour l'instruction populaire.

Dans cette question si importante, je ne ferai pas de vaines, d'inutiles récriminations qui attireraient peut-être à cette proposition des adversaires. Je ne dirai donc pas que le ministère qui a précédé le ministère actuel n'a rien fait pour l'instruction, je dirai plutôt qu'il a fait beaucoup, mais qu'il aurait pu faire davantage, et qu'en matière d'instruction comme en matière de charité, on ne doit pas s'arrêter tant qu'il reste une bonne œuvre à faire, tant qu'il reste un ignorant à instruire.

Laissons donc de côté la part d'éloges ou de blâme qui doit revenir aux anciens et aux nouveaux ministres, et appliquons consciencieusement, logiquement, en fait, et non en discours, ce que nous avons dit. Le pays, dont le bon sens est traditionnel, nous tiendra bien plus compte d'une augmentation du crédit destiné à l'instruction publique que des plus beaux discours.

Les crédits actuels sont dérisoires. Ah ! quand je reporte ma pensée en arrière, quand je pense que la mesure proposée, adoptée vingt ans plus tôt, aurait pu nous permettre de constater aujourd'hui que tous les Belges possèdent des rudiments d'instruction, je me sens saisi d'amers regrets, mais aussi d'une énergie nouvelle, car vous serez convaincus comme nous que nous n'avons plus un instant à perdre.

Messieurs, tout le monde s'accorde à dire que les revers de la France et les succès de l'Allemagne ont pour cause principale la plus grande diffusion de l'instruction en Allemagne qu'en France.

C'était inévitable.

Deux forces régissent le monde : la force physique ; l'homme ne l'a pas, d'autres êtres en ont une plus grande part ; la force morale, intellectuelle, qui domine la force physique.

Cette force morale, nous devons la développer avec énergie, avec persistance, pour assurer au pays, non pas d'une manière éphémère, mais d'une manière durable, la place élevée qu'il doit occuper parmi les nations de l'Europe.

Ce que je dis, c'est l'histoire qui nous l'enseigne. Oui, si la France, il y a vingt-cinq ans, avait consacré non pas 15 millions, mais 1 milliard à l'instruction primaire, elle n'aurait pas vu ses enfants périr sur les champs de bataille et elle n'aurait pas été forcé d'acheter la paix au prix de 5 milliards, après n'avoir pas su faire la guerre.

Ce malheur, nous devons le conjurer pour notre pays. Il en résulte que nous, qui pouvons différer d'opinion mais qui ne différons pas d'amour pour notre patrie, nous devons tous voter une grande augmentation, une augmentation plus forte peut-être que celle que je propose, du budget de l'instruction publique.

Mais plaçons-nous, messieurs, au point de vue démocratique. Le droit de suffrage (c'est du moins mon opinion personnelle) ne peut être contesté à personne et cependant nous le refusons à l'immense majorité des Belges. Quand ces Belges nous demandent d'exercer un droit inaliénable, imprescriptible, nous leur répondons : Vous êtes ignorants, vous n'avez pas le droit d'intervenir dans nos lois. Et lorsque je vois qu'on refuse d'augmenter le crédit pour l'instruction publique, je me demande que doit dire (page 922) l'ouvrier qui est toujours condamné aux corvées, nées, qui n’est consulté sur rien, qui subit la conscription, qui subit tous les impôts, qui ne vote pas les lois, mais qui doit les supporter, auquel enfin, par une cruelle ironie, on reproche son ignorance après lui avoir refusé les moyens de s’instruire.

Prenez garde qu'un jour au nombre des griefs qu’il formulera il ne vous reproche cette inconséquence que vous expierez alors sévèrement.

Eh bien, messieurs, je crois qu'à côté de ce droit de suffrage qui, en droit naturel et en bonne justice, ne peut être contesté, il en est un autre qui le prime, c'est le droit à l'instruction.

Nous ne pouvons malheureusement pas corriger les inégalités que le hasard crée entre les hommes ; nous ne pouvons pas empêcher que la santé et la fortune ne soient le lot des uns et que les souffrances de toute nature ne soient le lot des autres.

Mais ce que nous pouvons, c'est réparer dans certaine mesure ces irrégularités, en dotant chaque enfant de certaines connaissances dont le bienfait doit rejaillir sur sa vie tout entière. C'est pour nous un devoir et un devoir impérieux ; votre conscience vous le dit, j'en suis convaincu ; ne vous arrêtez donc pas, messieurs, devant les objections qui pourraient se produire. On me demandera tout à l'heure où je prendrai l'argent, si je veux le prendre de telle façon ou de telle autre, si je veux faire la part plus grande pour l'Etat, pour la province, ou pour la commune.

Je m'en rapporte à cet égard à votre grande expérience qui me fait défaut, à l'habileté du ministre des finances qui saura bien trouver le moyen de faire une œuvre aussi grande et de la faire dans les meilleures conditions possibles. Pour ma part, dussé-je faire deux lois, en renverser trois, modifier la Constitution, je n'hésiterais pas, car je considère le développement de l'instruction comme une chose tellement importante, tellement grande, comme devant tellement élever notre pays que je ne me crois pas le droit de m'arrêter aux obstacles. Et je suis certain que vous marcherez avec moi.

Multiplions donc les écoles, messieurs, et à ce propos qu'il me soit permis d'émettre un vœu qui a déjà été émis par d'autres honorables membres, c'est de voir augmenter le traitement des instituteurs.

N'oublions pas, messieurs, nous qui sommes si dévoués à l'instruction, nous qui l'avons tant dit devant le pays qui n'attend plus maintenant que la consécration de nos discours, n'oublions pas que l'instituteur joue le rôle le plus important dans la société ; le père de famille abandonne momentanément ses droits à l'instituteur ; l'instituteur doit donc être un homme profondément savant. Le grand rôle dans le monde, si le monde doit se sauver, n'appartient pas aux grands guerriers, aux hommes qu'on appelle illustres ; il appartient surtout, selon moi, à l'instituteur. Ayons donc de bons instituteurs et, pour avoir de bons instituteurs, n'épargnons pas notre argent, dépensons-le largement.

Et quand je vous parle de dépenser je me trompe, car l'argent que nous donnerons pour l'instruction développera aussi bien notre richesse matérielle que notre richesse morale, et nous pouvons dire que le trésor s'enrichira par cette dépense.

Et puis, croyez-vous que, dans le monde industriel et commercial, nous n'aurons pas à craindre une défaite aussi grande dans son genre que celle que la France a subie, si nous n'avons pas une population instruite, capable de lutter industriellement et commercialement avec les populations plus instruites des pays qui nous entourent.

Evidemment, oui, messieurs, et quand je vous demande d'augmenter le budget de l'instruction primaire, je vous demande non seulement une chose utile, juste et bonne en droit, mais je vous demande aussi la prospérité matérielle, commerciale et industrielle de la Belgique ; tant il est vrai, et c'est là une vérité élémentaire, que lorsqu'on grandit le peuple moralement, on augmente nécessairement et par là même son bien-être matériel.

Ainsi donc, si nous devons recourir à n'importe cruelle mesure financière, j'y souscris d'avance ; mais si nous voulions, - ce qui est mon vœu le plus cher, - porter la main sur ce triste et malheureux budget de la guerre, si nous reconnaissions une bonne fois que nous n'avons besoin d'autre force, que celle qui est nécessaire pour maintenir le bon ordre, le respect des lois dans notre petit pays, et il doit en être ainsi puisque nous voulons rester étrangers à ce crime de la guerre qui nous fait horreur, - si enfin nous affections à l'instruction populaire les économies que la réalisation de ces idées nous permettrait de faire, n'êtes-vous pas convaincus, messieurs, que nous aurions fait une chose réellement grande et utile ; ne croyez-vous pas que nous aurions, tout à la fois, exécuté la volontés du pays et mérité sa reconnaissance ?

Mais si malheureusement on maintient intact le budget de la guerre, qui tient tant à cœur à une partie de cette Chambre ; eh bien, alors, messieurs, ne désarmons pas ; cherchons par d’autres moyens à répandre à pleines mains cette instruction que tout le monde proclame indispensable. Fallût-il recourir à un emprunt, ce ne serait pas un motif pour reculer. Soyez convaincus, messieurs, qu’un emprunt de l’instruction primaire serait immédiatement couvert par la Belgique entière.

Quel. que soient donc les moyens que vous employiez pour arriver au but j’y souscris d’avance. La seule chose à laquelle je ne souscrirai pas, c'est à une fin de non-recevoir ; - c'est que vous mainteniez le budget de l'instruction à son chiffre actuel, tout en rendant justice à la vérité de ce que je viens de dire, à mes bonnes intentions ; - ce que je n'admettrai pis, c'est que vous mainteniez ce budget au chiffre dérisoire auquel il est actuellement fixé.

Je dis dérisoire et, en effet, il est dérisoire non seulement si l'on se place au point de vue absolu, mais encore et surtout si l'on procède par voie de comparaison. Comment ne pas le reconnaître, quand on constate que le budget de l'instruction primaire est à peine le double de ce que nous consacrons à l'enseignement moyen, qui est l'enseignement de la bourgeoisie, c'est-à-dire celui qu'on donne à ceux qui possèdent déjà !

Notez bien que je ne regrette pas l'argent que nous donnons à l'enseignement moyen et à l'enseignement supérieur. Je voudrais même augmenter les allocations ; mais si j'y compare le crédit affecté à l'instruction primaire, si je constate que l'instruction universitaire coûte 200 francs par tête d'habitant, tandis que l'instruction primaire ne coûte que 20 centimes par tête d'habitant, j'ai le droit de dire, que nous ne faisons pas pour l'instruction populaire les sacrifices auxquels elle a droit.

Dans peu de temps, le ministère nous présentera un projet de réforme électorale. Ne croyez-vous pas qu'il serait également grand et utile de répandre l'instruction en étendant le suffrage.

Catholiques, voulez-vous qu'on puisse vous dire :

« Vous appelez de nouveaux électeurs non pour rendre hommage à un principe, mais pour en tirer profit.

« Vous voulez amener au scrutin non pas des hommes intelligents et instruits, mais des ignorants et des fanatiques. »

Oui, on dira avec raison, si vous refusez de développer l’enseignement primaire, que l'instruction et l'intelligence vous font peur !

Il est temps encore de prouver le contraire, en augmentant le budget de l'instruction au moment même de la réforme électorale.

En agissant ainsi, nous arriverons vite à cet idéal social où chaque citoyen, comprenant ses droits, connaissant ses devoirs, les pratique sans crainte comme sans danger.

Votez donc l'amendement si vous voulez que vos protestations en faveur de l'instruction paraissent sincères au pays.

Votez si, quel que soit votre parti, vous voulez être aussi du parti de l'intelligence et de l'instruction.

Votez si, au moment d'étendre le suffrage, vous voulez prouver que votre intention secrète n'est pas de faire appel à l'ignorance.

Votez si vous croyez que l'instruction doit développer le commerce et l'industrie et si vous voulez que la Belgique devienne le premier peuple du monde, non par la gloire- militaire, que j'abhorre, mais par la supériorité intellectuelle et morale, dont nous aurons droit d'être fiers et que nous avons le devoir de revendiquer !

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je remercie l'honorable préopinant d'avoir bien voulu reconnaître que le gouvernement attache la plus haute importance, prend le plus vif intérêt au développement de l'instruction primaire. Cet intérêt, nous ne le perdrons jamais de vue ; cette importance, nous continuerons à en-être préoccupés.

Mais il me semble que l'honorable membre ne s'est pas rendu un compte exact du caractère spécial de l'instruction primaire. Cette instruction n'est pas du tout telle qu'il l'a définie. La loi de 1842 en a fait avant tout une obligation communale. C'est ce que l'honorable M. Vandenpeereboom, dans la séance du 20 février 1869, a fait remarquer en disant que l’enseignement primaire forme essentiellement une obligation communale, et qu'en aucun cas le caractère qui lui appartient ne peut être perdu de vue.

L'honorable M. Pirmez a également déclaré que la loi de 1842 oblige les communes à satisfaire à une de leurs missions les plus importantes, celle de faire donner l’instruction primaire à leurs administrés.

Il a toujours été reconnu, messieurs, que l'instruction primaire constitue un devoir communal. Le gouvernement n'a, de son côté, jamais manque au devoir spécial qui lui incombe de prêter son concours aux communes. A deux points de vue différents, en ce qui touche l'établissement des maisons d’étude et en ce qui touche le service ordinaire du (page 923) l'enseignement primaire, le gouvernement s'est toujours empressé de venir en aide, de la manière la plus efficace et la plus généreuse, à tous les besoins qui étaient constatés.

Rappellerai-je, messieurs, qu'il y a peu de temps, la Chambre a voté un million pour la construction de maisons d'école ? Ai-je besoin d'ajouter que dès que ce million sera dépensé, nous considérerons comme un devoir de solliciter de nouveau d'autres allocations ?

En ce qui concerne le service ordinaire de l'enseignement primaire, tous les gouvernements n'ont-ils pas multiplié leurs efforts pour arriver à la diffusion la plus prompte de l'instruction ?

Messieurs, je regrette de le dire, j'ai cru, moi aussi, apporter à cette œuvre civilisatrice un concours plus actif ; j'ai cru, moi aussi, qu'il appartenait au gouvernement de faire quelque chose de plus, et que, si l'enseignement primaire était avant tout un devoir communal, il y avait un devoir impérieux pour le gouvernement d'obtenir de la commune qu'elle s'associât dans une plus large mesure au développement de l'enseignement primaire.

Cependant les efforts que j'ai faits ont été en butte à de bien amères critiques, et dans la séance d'hier encore, d'honorables membres m'ont convié à me justifier de mesures prises pour fortifier ce que je considérais comme le premier élément de la diffusion de l'enseignement primaire : le concours plus considérable des communes.

Je demande à la Chambre la permission de m'arrêter un instant sur ce point.

Je rappellerai, messieurs, qu'une commission centrale des inspecteurs provinciaux a approuvé à l'unanimité la circulaire du 11 décembre qui a été si souvent citée dans cette enceinte.

Il ne sera point inutile de reproduire quelques-unes des considérations par lesquelles les inspecteurs provinciaux justifient les bases de cette circulaire.

Voici ce que je lis dans le rapport qu'ils ont rédigé à ce sujet :

« Les membres de la commission sont unanimes à reconnaître que l'Etat s'est imposé des sacrifices considérables pour améliorer ce service important, et ils regrettent de devoir constater que certaines provinces et surtout un grand nombre de communes n'ont pas marché aussi résolument dans la voie du progrès.

« En effet, les relevés statistiques établissent que, pour le service annuel ordinaire pendant une période de vingt-cinq ans, de 1815 à 1867, les subsides de l'Etat ont décuplé :

« De 208,301 fr. 20 c. en 1843, ils ont été portés, en 1867, à 2,835,371 fr. 60 c. ;.

« Tandis que les mêmes subsides, pour les provinces,, ont seulement quadruplé :

« De 67,763 fr. 82 c. en 1843, ils s'élevaient à 261,406 fr. 45 c. en 1867 ;

« Et que les allocations communales correspondantes ne représentent, en 1867, que le triple des sommes votées en 1843 : 2,639,833 fr. 54 c. contre 785,579 fr. 84 c.

« Ces chiffres ont leur éloquence ; ils prouvent que les communes, quoique directement intéressées à la marche progressive de l'enseignement primaire, se montrent, en général, peu disposées à augmenter leurs charges annuelles ; dans le Brabant, elles sont même encouragées, par l'interprétation que donne à l'article 23 la députation permanente, à s'en tenir aux deux centimes additionnels que la loi pose comme minimum de l'intervention communale et comme condition à l'obtention des subsides de la province et de l'Etat.

« Et cependant, on se trouve en présence de besoins sans cesse croissants : dédoublement des classes trop nombreuses, création d'écoles de filles, amélioration de la position des instituteurs, etc.

« Par ces motifs, les membres de l'assemblée ont été unanimement d'avis qu'il est nécessaire de mettre un terme à l'état de choses actuel ; et ils ont cru de leur devoir de rechercher quelles seraient les bases à adopter pour répartir l'ensemble des charges annuelles d'une manière équitable entre les communes, les provinces et l'Etat. »

Ces bases, messieurs, sont des plus simples : la commune a des revenus patrimoniaux, j'en déduis les dettes ; c'est-à-dire que je fais exactement pour les communes ce qu'on fait pour chaque particulier : la fortune active n'est, en effet, établie qu'après la déduction du passif. Néanmoins, s'il y a eu des emprunts, s'il existe des dettes soit par suite d'une mauvaise administration, soit, au contraire, parce qu'il s'agit de développer à l'aide de sacrifices passagers la prospérité locale ; ni dans l'un, ni dans l'autre cas, on ne tient compte du montant de ces dettes qui dépasse les revenus patrimoniaux,

Il ne peut pas dépendre d'une mauvaise gestion financière ou d'emprunts fréquemment contractés pour des dépenses de luxe, de soustraire la commune à l'accomplissement de son devoir.

M. Muller. - C'est de la plus grande injustice.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est dans l’intérêt de l'enseignement primaire. (Interruption.)

M. Bara. - Je demande la parole.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Mais à côté du devoir de répandre l'enseignement primaire, il y a un autre devoir pour les communes : c'est de venir en aide à des misères constatées : le service de la bienfaisance publique est donc déduit du fonds des octrois. Sauf cette déduction stricte, impérieuse, le fonds des octrois doit former, dans une mesure à déterminer, une base exclusivement réservée au développement de l'instruction primaire. (Interruption.) Il ne fallait pas que des emprunts pussent réduire ou absorber cette base au détriment de l'instruction primaire. (Interruption.)

Qu'il me soit permis, messieurs, de rappeler que lorsque la loi des octrois a été votée dans cette enceinte, il a été entendu qu'une large part du revenu assuré aux communes devait servir à développer le service de l'instruction primaire. Cela a été dit formellement, et dans l'exposé des motifs, et dans la discussion ; cela a été admis sans contestation par tout le monde.

Dès lors, lorsque, dans ma circulaire, après avoir déduit la charge des emprunts, celle des revenus patrimoniaux et les charges de la bienfaisance publique, du revenu des octrois, je demande à la commune d'affecter le dixième du surplus au service de l'instruction primaire, y a-t-il là quelque chose de bien exorbitant ?

Ne devons-nous pas tous comprendre qu'imposer ce devoir aux communes, c'est adresser à leur patriotisme un appel qui ne saurait rester sans écho ?

Messieurs, les réclamations qui se sont élevées dans cette enceinte ont été surtout présentées par les représentants des grandes villes, par l'honorable M. Funck dans la séance d'hier, par l'honorable M. Elias dans une séance précédente. J'aurais compris d'une manière toute différente la tâche des grandes villes, siège des principaux établissements d'instruction publique, siège d'institutions littéraires de tous genres, séjour des hommes les plus instruits. A ce titre, il leur appartenait de se placée à la tête du mouvement et de revendiquer une part plus considérable de sacrifices.

Cependant, dans la séance d'hier, l'honorable M. Funck faisait remarquer que la ville de Bruxelles s'était trouvée constamment exclue de tout subside de la part du gouvernement. Il insistait vivement contre le maintien de cette position exceptionnelle, et pour la faire cesser, l'honorable membre a annoncé l'intention de déposer un amendement qui augmenterait de 100,000 francs le crédit des subsides divers accordés à l'enseignement primaire.

Je ne pense pas, messieurs, que cet amendement puisse se justifier. Si le subside était affecté spécialement à la ville de Bruxelles, il constituerait une injustice à l'égard de toutes les autres communes du pays ; et s'il était uniquement consacré à élever le chiffre de l'article dont nous nous occupons, la part qu'en recueillerait la ville de Bruxelles, serait, à coup sûr, peu considérable.

J'ajoute, du reste, que je pense, comme l'honorable M. Funck, que, pour les grandes villes, il y a des dépenses de luxe qui sont en quelque sorte des dépenses obligatoires, des dépenses auxquelles elles ne peuvent pas se soustraire.

Je suis d'ailleurs convaincu que, lorsqu'une règle est posée - et c'est ce que je me suis efforcé de faire, - le gouvernement n'a pas le droit de l'interpréter et de la considérer sous des aspects différents ; soit qu'elle s'applique à une grande ville, soit qu'il s'agisse d'une petite commune, toute règle admise doit, aussi bien que la loi, être égale pour tous.

Messieurs, sous les administrations précédentes, il n'en a pas été ainsi.

Il existe une lettre de l'honorable M. Rogier, où le gouvernement annonce l'intention de ne pas accorder de subsides aux villes, en matière d'instruction primaire, aussi longtemps qu'une part du revenu de ces villes sera consacrée à des dépenses de luxe.

Cette lettre est du 22 septembre 1831. Elle est adressée au gouverneur du Brabant.

« Il y a lieu de refuser tout subside lorsque le budget communal présente un excédant et que cet excédant suffirait pour couvrir tout ou partie des dépenses de l'instruction, ou bien encore lorsqu'une partie des ressources budgétaires est employée à subvenir à des dépenses facultatives et (page 924) qu'au moyen de la suppression ou de la réduction de ces dernières, il serait possible de pourvoir à l'entretien des écoles.

« Ces règles ont été appliquées rigoureusement dans toutes les provinces.

« En ce qui concerne les villes, je vous ai fait remarquer, à différentes reprises, qu'elles ne se trouvent pas dans les conditions voulues pour être comprises dans la distribution des subsides volés en faveur des écoles.

« Elles font toutes des dépenses facultatives pour des sommes considérables et dont le montant excède de beaucoup le chiffre du déficit de 596,544 fr. 44 c. susmentionné.

« Elles sont donc en mesure de supporter elles-mêmes la totalité des frais de l'instruction, et vous voudrez bien tenir la main à ce qu'elles remplissent leurs obligations a cet égard.

.« Vous n'ignorez pas, M. le gouverneur, que les dépenses facultatives, quel que soit leur degré d'importance et d'utilité, ne peuvent avoir lieu au préjudice de celles qui sont déclarées obligatoires par la loi : les administrations communales doivent avant tout pourvoir à ces dernières. C'est par application de ces principes que le gouvernement a refusé tout subside aux villes des autres provinces, même à celles qui sont le plus obérées dans leurs finances. Les villes, nonobstant leurs dettes, se trouvent généralement dans les conditions d'existence favorables. Leurs dépenses obligatoires sont loin d'absorber leur encaisse et, dès lors, il n'y a pas de raison pour les sublever des charges qui leur incombent du chef de l'entretien de leurs écoles. »

Cette règle qui, en 1851, s'adressait à toutes les villes, d'après la dépêche dont j'ai donné lecture à la Chambre, n'est restée appliquée d'une manière absolue qu'a la ville de Bruxelles. (Interruption.) Je crois, messieurs, qu'il y a eu d'autres demandes formées par la ville de Bruxelles, depuis 1851. Ce que je puis assurer, c'est qu'il en est une qui m'a été adressée à la fin de l'année dernière.

Quelques jours avant de terminer la circulaire, dont je présente en ce moment la justification, j'ai eu à répondre à ce sujet à la ville de Bruxelles, et voici en quels termes :

Après avoir cité la lettre de l'honorable M. Rogier, de 1851, je disais :

« Ces considérations me paraissent trop absolues. La limite des dépenses obligatoires et des dépenses facultatives est bien souvent difficile à préciser, surtout lorsqu'il s'agit des villes ; je suis donc disposé à ne pas persévérer dans la jurisprudence suivie par mon département ; je recherche en ce moment quelles sont les bases régulières et équitables uniformément applicables à toutes les communes, qui régleraient désormais les subsides de l'Etat en matière d'enseignement primaire. »

Cette lettre porte la date du 7 décembre 1870.

.J'avoue, messieurs, que lorsque je compare aux sacrifices que s'imposent les grandes villes, les efforts si remarquables devant lesquels ne reculent pas de petites localités du royaume, d'humbles villages, je m'étonne que les villes puissent hésiter un instant à accepter la charge patriotique à laquelle je les convie.

il y a, en effet, dans certaines parties du pays, notamment dans les provinces les moins riches, dans le Luxembourg, par exemple, des communes qui s'imposent les sacrifices les plus considérables, qui comprennent mieux que toutes les autres combien il importe aujourd'hui de répandre ce bienfait de l'instruction, pour lequel je partage toutes les vives sympathies qu'exprimait tout à l'heure l'honorable député de Mons.

Tous, messieurs, dans cette enceinte, nous tendons les bras à l'ouvrier ; tous nous voulons l'élever par l'instruction, et si la fortune est le lot de quelques-uns, nous voulons que tous du moins puissent arriver à la fortune par la voie honnête du travail.

Dans certaines provinces, disais-je tout à l'heure, ce sentiment est parfaitement compris, et, lorsque j'ai voulu rechercher quels seraient d'après ma circulaire, en ce qui touche certaines communes du Luxembourg, les sacrifices basés sur les ressources de leurs habitants, j'ai constaté qu'il v a des communes qui font trois fois, quatre fois et jusqu'à huit fois plus que je ne leur demandais.

M. Bouvier. - C'est un honneur pour notre province.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - A Houffalize, je demandais 500 francs ; la commune accorde 1,400 francs.

A Longwilly, d'après les bases de ma circulaire, je ne pouvais réclamer que 133 francs. L'intervention de la commune monte à 900 francs.

Hives fait 400 francs au lieu de 60 ; Mont, 655 au lieu de 119 ; Noville, 1,210 an lieu de 136.

Lorsque, en présence de ces sacrifias considérables que s'imposent ainsi d'humbles communes du Luxembourg, j'aperçois unes tendance dans les grandes villes à repousser même les bases que ces modestes villages jugent insuffisantes, j'avoue que je suis profondément infligé ; car c'est aux grandes villes qu'il appartient, je le répète, de marcher les premières et sans hésitation dans la voie du progrès.

Messieurs, dans une de nos dernières séances, l'honorable M. Bara a appelé spécialement mon attention sur les réclamations qui se sont élevées dans le Hainaut.

Je ne sais si les renseignements de l'honorable M. Bara sont exacts. J'ai invoqué dans une séance précédente, sans aucune préoccupation de parti, je l'assure, uniquement dominé par ce grand intérêt de la diffusion de l'instruction publique, intérêt que j'ai cru servir dans la circulaire du 11 décembre, une délibération prise, si je ne me trompe, à l'unanimité par la députation permanente du Hainaut, félicitant le gouvernement de la mesure qu'il a prise et lui assurant un concours complet pour cette mesure dont il appelle la réalisation immédiate.

J'ai déjà donné lecture de cette dépêche dans cette enceinte ; je n'y reviendrai pas, mais en présence de la déclaration toute spontanée qu'elle renferme, je ne puis me rendre compte de la résistance signalée par l'honorable M. Bara ; je puis même assurer qu'elle n'existe pas.

Dans l'arrondissement d'Ath, sur 30 communes 21 ont voté un supplément d'allocation, sans observation.

Dans l'arrondissement de Charleroi, sur 15 communes, 12 ont voté également sans observation.

Dans l'arrondissement de Mons, sur 21 communes, 19 ont voté sans observation.

Dans l'arrondissement de Soignies, sur 23 budgets, 20 ont été votés sans observation.

Dans l'arrondissement de Tournai, sur 33 communes, 24 ont voté sans observation.

En somme sur 139 budgets, 109 ne mentionnent aucune observation. 16 seulement ont donné lieu à une mesure d'office prise par la députation permanente. 15 communes seulement ont demandé à être dispensées provisoirement jusqu'en 1872 de l'exécution de la circulaire ; mais il n'est pas à ma connaissance que, dans toute la province de Hainaut, une seule commune ait critiqué les bases de cette circulaire.

Si l'honorable. M. Bara a invoqué l'exemple de la ville de Péruwelz, je puis lui opposer une dépêche de l'administration communale, du 1er février 1871, qui déclare accepter sans aucune observation ni réclamation la circulaire du 11 décembre. Voici, messieurs, en quels termes :

« Monsieur le gouverneur,

« Le conseil communal de cette ville, consulté sur l'objet de votre lettre du 27 janvier dernier, première division, n°3,500, a décidé de majorer de 807 francs la part d'intervention de la commune dans les frais ordinaires du service de l'enseignement primaire en 1871.

« Afin d'équilibrer le budget général, veuillez faire inscrire sous l'article premier des recettes, 831 fr. 86 c, sous ce libellé : « Remboursement de frais d'entretien payés pour l'aliéné Lefebvre, » et faire majorer de 150 francs l'article 15 : « Location des places aux foires et marchés. » « ‘Ces deux recettes sont certaines.

« Les bourgmestre et. échevins, Signé : E. Nicaise

« Le secrétaire, Signé : Eg. Deflinne. »

Quel a été le résultat de cette situation nouvelle ? C'est que, pour les communes de la province de Hainaut nous obtiendrons, quant au service de l'instruction primaire, un surcroît d'allocation de 25,000 à 30,000 francs, et comme ce surcroît d'allocation des communes amènera également une augmentation d'intervention de la province et de. l'Etat, vous pouvez en conclure que l'instruction publique sera appelée à un progrès considérable.

Ce qui se passe dans le Hainaut se reproduira également dans les autres provinces, et l'on arrivera à constater que la mesure prise par le gouvernement, mesure que l'on a pu critiquer dans certains détails, produira un résultat éminemment utile et auquel, sans doute, M. Defuisseaux sera le premier à applaudir.

Messieurs, il n'est pas inutile, je pense, qu'à cette occasion je rencontre une observation présentée par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. Dans la séance d'hier, M. Le Hardy de Beaulieu reproduisait, comme l'ont déjà fait d'autres orateurs, le passage d'un discours prononcé ici, où j'avais dit que les besoins, en ce qui touchait la construction de maisons d'école, pouvaient être évalués à cinquante ou soixante millions. Je ne sais si je ne me suis pas exprimé d'une manière suffisamment claire et précise, mais j'ai voulu dire que, si l'on persévérait dans le système de dépenses suivi jusqu'ù ce moment, cinquante à soixante millions seraient nécessaires.

Et c'est dans cet ordre d'idées que l'honorable représentant de Nivelles (page 925) citait hier lui-même l'école d'un hameau, dont la dépense était évaluée à 40,000 francs. Je juge inutile de revenir sur ce point, mais il me sera permis de dire que si, dans la circulaire du 11 décembre, j'ai, non pas pour les communes riches, mais pour les communes pauvres, recommandé une stricte économie, c'est précisément afin de réduire les dépenses de l'Etat et des communes et afin de pouvoir atteindre dans un terme moins éloigné le but auquel nous tendons tous : la construction de maisons d'école partout où elles sont nécessaires, car la construction de maisons d'école est un des grands moyens de répandre l'instruction.

Je ne puis, du reste, être de l'avis de l'honorable représentant de Nivelles lorsqu'il nous dit : « Construisez des écoles au centre des communes et ne vous occupez pas des sections. »

Lorsque l'école est éloignée, les familles n'y envoient pas leurs enfants, et c'est à cette situation qu'il faut porter remède.

Cependant, à côté de la question de la construction de maisons d'école, il y en a une autre qu'on ne peut pas perdre de vue quand on s'occupe de l'instruction publique. Il ne faut pas croire qu'il suffise de construire des maisons d'école, qu'il suffise de prodiguer des millions pour répandre l'instruction primaire.

Le résultat des enquêtes qui ont été faites et des statistiques qui ont été multipliées, c'est que là où les populations sont plus morales, l'instruction primaire se répand le plus. Déjà, par les tableaux qui ont été discutés par l'honorable M. Le Hardy, tableaux réunis à la hâte et simplement dans le désir de mettre à la disposition de la Chambre tous les renseignements dont nous disposions, la Chambre a pu remarquer que, dans la province de Namur, dans le Hainaut et dans d'autres provinces encore, il y avait un grand nombre de communes où il n'existait plus un seul enfant ne sachant pas lire et écrire. Eh bien, messieurs, ce n'est pas là que les sacrifices pécuniaires ont été les plus notables.

Mais partout où vous rencontrez un centre industriel, où il y a une population vagabonde d'ouvriers sans foyer, égarés par de mauvais conseils, qui cherchent le salaire et ne comprennent pas la loi du salaire, qui gagnent et qui dépensent, qui, au lieu de s'élever par le travail, oublient ce qu'il y a d'honorable dans le travail : dans toutes ces localités, les dépenses les plus considérables se multiplient, et on n'obtient aucun résultat.

Ce n'est point là, messieurs, une vaine déclamation ; elle s'appuie sur des faits irrécusables ; j'en citerai quelques-uns pris au hasard, dans le Hainaut.

A Gilly, sur 15,000 habitants, il y en a près de 11,000 qui ne savent ni lire ni écrire. A Jumet, sur 15,063 habitants, il y en a 9,914 qui ne savent ni lire ni écrire. A La Hestre, 1,472 sur 2,426 habitants ; à Couillet, 2,811 sur 4,675 habitants ; à Frasnes-les-Gosselies, 1,556 sur 2,156 habitants !

M. Defuisseaux. - Et l'Etat reste inactif en présence d'un pareil résultat !

M. Bouvier. - Fameux argument en faveur de l'instruction obligatoire !

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je m'efforce d apporter dans cette discussion autant de lumières que cela dépend de moi. J'ai cité des communes où il n'y a pas d'enfants qui ne savent ni lire, ni écrire ; mais je suis aussi tenu de dire qu'il y a d'autres communes où l'ignorance domine.

M. Defuisseaux. - N'hésitez donc pas à augmenter le budget de l'instruction.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Eh bien, je réponds à l'interruption : dans cette même commune de Jumet, où les deux tiers des habitants ne savent ni lire ni écrire, on dépense, pour le service annuel de l'instruction primaire, 15,490 francs, et on a dépensé en construction de bâtiments d'école la somme de 86,144 francs. Voilà donc d'énormes dépenses qui sont restées sans résultat parce qu'on n'a point placé l'éducation, la moralisation avant l'instruction. (Interruption )

M. Pirmez. - Et la loi de 1842 ? (Interruption.)

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il ne s'agit pas ici de mesures législatives. Si mon appel pouvait être entendu quelque part, c'est aux industriels surtout que je m'adresserais pour faire comprendre combien il importe de moraliser l'ouvrier, de faire cesser son existence vagabonde. Lorsque l'ouvrier qui travaille dans un établissement industriel trouvera tout à côté un foyer, soyez convaincus, messieurs, que l'enfant en ressentira bientôt la salutaire influence.

Aussi longtemps que la situation actuelle, ne se modifiera pas, vous aurez beau multiplier vos subsides, vos sacrifices resteront absolument stériles,

M. Frère-Orban. - Comment a été faîte l'enquête dont vous venez de parler ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je me suis adressé aux inspecteurs cantonaux pour obtenir des renseignements.

M. Frère-Orban. - Mais comment ont-ils pu faire le dénombrement des habitants illettrés ?

M. le président. - Je ne puis pas tolérer ces interruptions, surtout par voie d'interrogation.

.M. Frère-Orban. - C'est dans le but d'éclairer la discussion, M. le président.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je me suis adressé aux inspecteurs provinciaux et cantonaux pour obtenir des données aussi complètes que possible sur l'état de l'instruction primaire.

Je cite encore un dernier fait. A Dampremy, sur 5,012 habitants, il y en a 3,341 qui ne savent ni lire, ni écrire, et cependant on y consacre 5,712 francs au service ordinaire de l'instruction, et on y a construit une maison d'école qui a coûté 47,000 francs. Toujours la même situation, toujours le même argument.

Messieurs, je désire, ne pas abuser trop longtemps des moments de la Chambre.

L'honorable M. Magherman, dans la séance d'hier, et l'honorable M. Defuisseaux, dans la séance d'aujourd'hui, ont appelé l'attention du gouvernement sur la nécessite d'améliorer la position des instituteurs.

Je ne puis que répéter l'assurance que j'ai déjà donnée, que le gouvernement ne perdra pas ces objets de vue. Quant à la pension des instituteurs, un projet de loi déjà présenté à la Chambre, et sur lequel un rapport sera bientôt fait, je. l'espère, atteste la sollicitude du gouvernement.

Il est, messieurs, un autre point sur lequel je désire, m'arrêter quelques instants, car il offre, je le reconnais, un grand intérêt ; je veux parler de l'amendement de l'honorable M. Muller, relatif aux écoles d'adultes.

J'admets volontiers que l'éducation populaire a besoin d'être complétée par des écoles d'adultes ; que bien souvent les connaissances acquises à l'école primaire sont insuffisantes et qu'elles ne laissent pas de trace ; que bien souvent cette instruction ne peut produire des effets utiles que si l'enfant, en sortant de l'école primaire, peut retrouver une école d'adultes.

J'ajoute que, dans le prochain budget, la somme de 15,000 francs sera rétablie pour les concours des écoles d'adultes.

Mais je tiens à expliquer qu'aujourd'hui il est impossible de faire figurer cette somme au budget.

Déjà dans une note jointe au budget, j'ai fait remarquer que sur sept députations permanentes, les seules dont les rapports nous soient parvenus, toutes, sauf une seule qui a fait certaines réserves, avaient conclu à ce que le concours n'eût pas lieu, le considérant comme impossible.

Et à cet égard j'ai à donner quelques explications qui seront, je pense, de nature à satisfaire l'honorable M. Muller.

A Anvers, la députation permanente est d'avis d'attendre encore quelques années avant d'organiser les concours.

Dans le Brabant, elle propose d'ajourner l'organisation des concours.

Dans la Flandre occidentale, elle est favorable à l'organisation des concours, sauf certaines réserves.

Dans la Flandre orientale, elle croit qu'il faut ajourner les concours jusqu'à l'année prochaine.

Dans le Hainaut, elle juge que les concours ne peuvent pas être organisés à cause du petit nombre d'élèves.

Je ne connais pas les rapports en ce qui concerne la province de Liège, ni celle du Luxembourg.

Dans le Limbourg, la députation permanente déclare qu'il n'est pas encore possible d'organiser les concours.

Même avis dans la province de Namur.

Peur faire comprendre à l'honorable M. Muller que telle est exactement la situation des choses, je vais citer quelques chiffres empruntés à la province, de Namur.

L'honorable M. Muller s'est basé sur des chiffres statistiques qui se rapportent à la population des écoles d'adultes. Il a rencontré un chiffre très élevé, 75,000, si je ne me trompe. Mais l'honorable membre a perdu de vue que d'après l'organisation actuelle des concours, il faut, pour y prendre part, avoir atteint l'âge de 19 ans.

(page 926) Or, précisément le nombre des élèves ayant atteint l'âge de 19 ans est très peu considérable ; et pour citer un exemple emprunté, comme je le disais, à la province de Namur, 3,382 élèves fréquentent les écoles d'adultes de cette province. Combien croyez-vous qu'il y ait de jeunes gens qui s'y trouvent encore à l'âge de 19 ans ? Il y en a 110.

Le nombre de 3,382 se réduit à 128 :110 garçons et 18 filles, dès que l'on exige l'âge de 19 ans.

Messieurs, que résulte-t-il de cet état des choses ? C'est évidemment que cet âge de 19 ans ne doit pas être maintenu. J'ai ici sous les yeux un rapport très bien fait à cet égard, un rapport o l'on conclut précisément à modifier le règlement qui existe aujourd'hui, où l'on explique que l'âge devra être abaissé à 14 ou à 15 ans ; que cela sera infiniment plus utile à l'organisation de l'instruction des adultes ; que cela est réclamé par une foule de considérations. J'en citerai quelques lignes.

« Il est impossible d'organiser, même l'année prochaine, un concours sérieux entre les élèves de nos écoles d'adultes.

« Je crains même que le minimum d'âge requis pour être admis au concours ne soit un obstacle permanent à l'établissement de ces épreuves utiles à tant d'égards.

« En effet, les seuls élèves aptes à concourir avec succès sont ceux qui ont achevé leurs études primaires dès l'âge de quatorze ans : il n'est pas à espérer que ces jeunes gens feront cinq années dans la division supérieure de l'école d'adultes pour atteindre la limite de dix-neuf ans révolus avant d'être, admis à concourir.

« Selon moi, cette condition d'âge doit, sinon être supprimée, au moins être abaissée à quinze ans révolus, en exigeant une année de fréquentation.

« Si l'on suppose un élève, lauréat du concours cantonal entre les écoles primaires dès l'âge de quatorze ans, il conviendrait de faciliter à un tel jeune homme son admission au concours des écoles d'adultes après une année entière de fréquentation, pendant laquelle il aura complété et même achevé les études nécessaires pour satisfaire au programme de la division supérieure de l'école d'adultes.

« Nul doute que cette modification ne produise l'heureux résultat d'engager les bons élèves à entrer à l'école d'adultes immédiatement après leur sortie de l'école primaire, et d'éviter ainsi une solution de continuité dans les études, laquelle forme le principal obstacle au développement et à la prospérité de ces utiles institutions. »

En cet état de choses, je considérerai comme un devoir de modifier l'organisation actuelle, afin que cette organisation devienne sérieuse. Ce résultat étant atteint, on aura dans des écoles d'adultes un grand nombre de jeunes gens qui prendront part aux concours, et je m'empresserai, je le déclare, de réclamer à la Chambre un crédit pour organiser ces concours.

J'espère que cette déclaration satisfera l'honorable M. Muller, qu'il reconnaîtra, conformément à l'avis des députations permanentes, qu'il n'est pas possible d'organiser aujourd'hui le concours dans les écoles d'adultes, et qu'il voudra bien renoncer, pour le moment, à l'amendement qu'il a annoncé.

M. De Fré. - Messieurs, je serai bref. M. le ministre de l'intérieur aura beau faire tous les discours qu'il voudra, il ne prouvera jamais à ceux qui s'occupent d'instruction, qu'il désire le développement de l'enseignement primaire. (Interruption.)

Nous sommes, messieurs, au chapitre de l'instruction primaire. Je vais établir que l'honorable ministre, par les dispositions qu'il prend et qui sont en opposition non seulement avec les précédents administratifs, mais avec la loi, que l'honorable ministre de l'intérieur, dis-je, tout en vantant son amour pour l'enseignement, a diminué et continue à diminuer les ressources des communes.

Qu'on prenne tous les budgets communaux d'enseignement primaire pour 1871 et on verra que les ressources des communes ont été diminuées parce que l'Etat a déterminé une part d'intervention moindre que celle que la loi lui prescrit. L'honorable ministre de l'intérieur ne se doute pas le moins du monde qu'il est obligé d'appliquer la loi ! Il y a une loi de 1842 qui doit être appliquée et qu'il n'applique point.

L'instruction primaire, dit-il, est un devoir communal. Je voudrais, messieurs, que ce fût un devoir de l'Etat, parce que l'Etat fait des lois répressives ; l'Etat fait des lois qui punissent de la peine de mort et l'Etat ne se soucie pas d'apprendre à lire à ceux que ces lois menacent ou frappent.

Mais c'est la théorie ; c'est l'idéal.

Venons à la réalité. La loi de 1842 déclare que l'instruction primaire est un devoir communal ; mais à côté de cette déclaration, elle détermine de quelle façon l'Etat doit intervenir, et d'après la loi l'Etat doit supporter la plus grande part dans les charges de l'instruction primaire.

La loi de 1842 a déterminé quelle était la part des communes, les charges qu'elles ont à supporter pour l'enseignement primaire. L'article 23 dit aux communes : Votre allocation doit égaler le produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes.

De quel droit l'honorable ministre de l'intérieur vient-il modifier la loi et augmenter la part d'intervention des communes ? Ainsi, à côté des deux centimes additionnels au principal des contributions directes, patente comprise, qui était l'unique intervention obligatoire de la part des communes, il ajoute 10 p. c. des revenus patrimoniaux et 10 p. c. de la quote-part dans le produit communal créé par la loi du 18 juillet 1860.

Il arrive que dans son budget pour l'instruction primaire, une commune est obligée d'ajouter aux deux centimes additionnels l'équivalent de 10 p. c. de ce qu'elle touche, dans le fonds communal.

Ces 10 p. c. qu'elle va donner à l'instruction, elle va donc devoir les distraire d'autres crédits. Ces 10 p. c. que la commune paye aujourd'hui, l'Etat les payait avant l'arrivée de M. le ministre à l'hôtel de l'intérieur. N'est-il pas vrai dès lors que les ressources des communes sont diminuées ? Si vous êtes obligés de distraire de vos autres besoins 10 p. c. de votre fonds communal, il est certain que vous avez des ressources de moins.

Si des membres de cette Chambre veulent se rendre au gouvernement provincial, ils verront que partout la part des communes a augmenté et la part de l'Etat diminué. Eh bien, cette part, elles ont dû la prendre ailleurs, et les ressources financières des communes, par votre circulaire du 11 décembre 1870, ont diminué, et en violation de la loi.

Il y a des communes qui ne peuvent pas faire l'augmentation sans déranger d'autres services.

Par suite de ce changement de jurisprudence administrative, il y a des communes qui n'ont pas pu créer de nouvelles places d'instituteur, parce que l'Etat exigeait une part d'intervention trop forte. Et l'on se vante de protéger l'enseignement !

Voilà la position que. l'honorable ministre fait aux communes. Par suite de l'application de la circulaire du 11 décembre 1870, les communes bien que la population des écoles exigeât une augmentation du personnel enseignant, n'ont pas pu nommer ces instituteurs, parce qu'elles ne pouvaient payer la part trop grande que le gouvernement voulait leur faire supporter. Et l'on appelle cela protéger l'instruction !

Messieurs, on dit que l'argent est le nerf de la guerre. Il est aussi le nerf et le nerf bienfaisant de l’enseignement ; pour l'instruction, il faut de l'argent et il faut beaucoup d'argent, et l'honorable ministre, qui parle de la liberté des communes, qui a l'air d'être venu pour rendre aux communes la liberté, leur ôte la liberté de donner satisfaction aux besoins de l'enseignement en diminuant leurs ressources financières.

Un deuxième point sur lequel j'appelle l'attention de la Chambre : avant l'arrivée au pouvoir de l'honorable M. Kervyn, lorsqu'il s'agissait de la construction d'écoles, les communes n'intervenaient que pour un tiers, c'est-à-dire 33 p. c, tandis que d'après la politique nouvelle les communes doivent intervenir pour 43 1/2 p. c. Ainsi donc, j'ai déjà eu l'honneur de le faire remarquer, vous mettez les communes dans l'impossibilité de créer des maisons d'école parce que vous leur imposez une part que beaucoup ne pourront pas fournir et que dès lors il ne pourra être satisfait aux besoins de l'enseignement.

L'honorable ministre m'a répondu : Mais autrefois on ne donnait pas de subside pour l'achat des terrains. Ainsi, quand le terrain coûtait 10,000 francs et les bâtiments 30,000 francs, on ne donnait, d'après l'honorable ministre de l'intérieur, de subside que sur 30,000 francs. Or, c'est précisément le contraire qui avait lieu, et il est à ma connaissance personnelle que des subsides ont été accordés par l'honorable M. Vandenpeereboom, non seulement pour les constructions, mais aussi pour le prix des terrains.

Que résulte-t-il de tout cela ? C'est que vous diminuez les ressources des communes et vous les mettez ainsi dans l'impossibilité de satisfaire aux besoins de l'instruction que vous protégez... par vos discours.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Sous l'administration de M. Pirmez, on n'accordait pas de subsides pour le terrain.

M. Pirmez. - Il est exact que, par suite d'abus constatés, on calculait les subsides sur les constructions sans comprendre le terrain ; ce système ne diminuait pas l'intervention de l'Etat, et l'on eût bien fait de ne pas le changer pour éviter des inégalités et des fraudes.

M. De Fré. - L'honorable ministre m'a répondu que jamais le (page 927) département de l’intérieur n’avait accordé de subsides pour le terrain. L’honorable M. Vandenpeereboom a déclaré le contraire et j’affirme en avoir reçu. L’honorable M. Pirmez, tout en ne calculant pas le subside sur le prix du terrain, ne diminuait pas l’intervention de l’Etat ; ce que fait l’honorable M. Kervyn en portant l’intervention communale à 43 1/2 p. c.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je n'ai pas dit « jamais ». J'ai dit « précédemment » et j'avais en vue l'administration de M. Pirmez.

M. De Fré. - Il est constant que le gouvernement accorde moins qu'il n'accordait précédemment.

Je suis un administrateur communal et je sais par expérience comment les choses se passent. Je connais des communes qui n'auront plus les moyens de construire des écoles et qui le pouvaient avant l'avènement de M. Kervyn. On ne peut donc pas dire qu'on vient favoriser l'enseignement.

Il y a des paroles sympathiques, mais les faits sont contraires aux paroles. Il ne faut pas nous prendre pour des gens qu'on aveugle en leur jetant de la poudre aux yeux.

Messieurs, j'appelle donc l'attention de l'honorable ministre sur la situation fâcheuse qu'il fait à l'enseignement primaire ; qu'il veuille bien étudier les précédents et si réellement, comme il ne cesse de le répéter, il a de vives sympathies pour l'instruction du peuple, qu'il revienne au moins à la politique qui a été suivie avant lui.

M. Guillery. - Messieurs, je viens répondre quelques mots à la réponse que l'honorable ministre de l'intérieur a faite à propos de l'amendement de l'honorable M. Defuisseaux.

D'après l'honorable ministre, cet amendement ne peut être accepté, par la raison bien simple et bien péremptoire que les dépenses pour l'enseignement primaire sont essentiellement communales.

L'honorable M. Vandenpeereboom, l'honorable M. Pirmez, et, qui plus est, la loi l'a dit ; par conséquent il n'y a rien à faire, ou du moins il n'y a rien autre chose à faire que ce qui a été fait jusqu'aujourd'hui.

Or, ce qui se fait décourage les partisans de l'enseignement primaire, décourage ceux qui croient que l'avenir de. la société dépend entièrement, exclusivement, essentiellement de la question de savoir si le peuple sera instruit ou ne le sera pas, et c'est pour cela que la proposition de l'honorable M. Defuisseaux s'est produite.

C'est parce que l'on pense que la loi de 1842, si défectueuse à bien des égards, est assise sur une base fausse lorsqu'elle prend la commune comme devant être le véritable instrument, le véritable moyen de la diffusion de l'instruction.

Ce qui est vrai pour les grandes villes ne l'est pas pour les petites communes. Si l'on peut se fier aux grandes villes pour l'accomplissement de leurs devoirs en pareille matière, on ne doit pas croire que toutes les communes du pays seront pénétrées d'un saint zèle pour l'enseignement primaire, alors que ceux qui dirigent les administrations communales sont souvent ceux qui auraient le plus besoin d'instruction et pour lesquels il serait le plus utile d'instituer une école primaire.

Le tableau que nous a fait l'honorable ministre de l'intérieur de l'instruction dans certaines communes du Hainaut, la province la plus riche et la plus considérable du pays, est bien fait pour nous confirmer dans ces idées. Il est impossible de trouver un argument plus fort en faveur de l'amendement.

La loi de 1842 commence à être bien vieille. Elle va accomplir son terme de trente ans bientôt et qu'a-t-elle produit ?

Elle nous amène à des statistiques comme celle que vous avez entendue tantôt et à une statistique d'après laquelle il résulte des déclarations des miliciens qu'il y en a seulement 42 p. c. de lettrés.

Et lorsqu'un magistrat un peu plus curieux que les autres veut savoir ce qu'il y a sous ces 42 p. c. de lettrés, il se trouve qu'il n'y en a pas un quart qui soient en état de comprendre ce qu'ils lisent et d'écrire de manière à transmettre leur pensée.

Nous pouvons donc dire que la loi de 1842 est impuissante, que votre système communal est impuissant, qu'il faut donner à l'Etat une part plus large, et qu'il faut sortir de l'ornière à peine de périr, oui de périr, le mot n'est pas trop fort !

Vous avez les avertissements les plus graves autour de vous.

L'honorable ministre de la justice parlait dernièrement de cette classe ouvrière à laquelle on a dû tirer des coups de fusil et il s'en est effrayé.

Mais au lieu de tirer des coups de fusil, que l'on construise des écoles.

Au lieu d’être effrayés de l'avenir de la classe ouvrière de notre pays, je voudrais que la classe ouvrière fût notre espoir, notre force, notre avenir ; je voudrais que nous pussions encourager l'intelligence et trouver en elle la véritable force de la patrie.

II est urgent que nous entrions dans une autre voie que celle où nous avons marché depuis 1830 et je voudrais voir l'instruction répandue à grands flots et ne pas me confier à l'avenir du soin de réaliser cette grande œuvre, cette œuvre urgente, plus urgente que la défense du territoire, plus urgente que la construction de citadelles. Nous sommes plus menacés par l'ignorance que par des ennemis extérieurs ; il y a plus de dangers dans l'ignorance de ces hommes tellement incapables de comprendre leurs véritables intérêts qu'ils sont à la merci du premier venu, qu'il n'y en a dans les guerres extérieures.

Lorsqu'il s'agit de dépenses militaires, on n'hésite pas, on construit une fortification plus facilement qu'on ne construit une école. Pour construire une école, il faut l'assentiment de la commune, celui de la province, celui des ministres de l'intérieur ; il faut que les plans soient acceptés, que la chambre de l'instituteur ne soit ni trop grande, ni trop élégante, ni trop élevée, il faut mille choses. Mais quand il s'agit de construire des forteresses, on se met tout de suite à l'œuvre et en quelques années la plus grande forteresse du monde est construite.

Je ne blâme pas cette activité, mais je voudrais qu'on en mît autant dans la construction de maisons d'école.

Lorsque vous nous opposez des fins de non-recevoir, vous faites le procès non pas à l'amendement, mais à la loi, eh bien, nous sommes au sein de la législature ; si la loi est un obstacle, il faut la changer.

Tout est urgent dans la réforme de l'enseignement primaire, le système de construction d'école, le système de rétribution des instituteurs qui ne donne pas à ces fonctionnaires la position qu'ils devraient occuper ; tout cela doit être modifié et tout cela doit être changé immédiatement. L'instituteur, tel qu'il est compris aujourd'hui, est un fonctionnaire déclassé ; on trouve très naturel qu'un lieutenant général ait un traitement élevé, qu'il soit mis dans une position aisée, et je ne dis pas que l'on a tort ; on trouve naturel également que les magistrats soient placés dans une position convenable, et je dis que l'on a raison.

Mais il y a des fonctionnaires plus utiles que les lieutenants généraux et aussi utiles que les magistrats, ce sont les instituteurs qui, eux, sont tous les jours en campagne, qui, eux, sont tous les jours eu guerre contre l'ignorance et qui ont la mission la plus pénible et la plus ingrate qu'un homme puisse avoir ; s'il a du cœur et de l'intelligence, s'il comprend sa mission et veut la remplir, l'instituteur est un homme qui s'use au travail.

Eh bien, non seulement au point de vue de l'équité et de la justice, mais dans l'intérêt de l'enseignement lui-même, il faut améliorer sa position.

Si vous voulez qu'il remplisse convenablement sa mission, il faut lui donner une position assez élevée pour qu'il exerce l'ascendant qui appartient à celui qui a la mission de répandre les lumières.

Si vous voulez que les populations ne restent pas ignorantes comme elles sont aujourd'hui, il faut de toute nécessité que l'on fasse quelque chose, car en réalité on n'a rien fait. Je ne veux pas méconnaître les services rendus jusqu'à présent, ce n'est pas aux hommes que je m'adresse, je reconnais leur bonne volonté, leur zèle, l'intelligence qu'ils ont déployée à cet égard comme à beaucoup d'autres.

Ce que je dis, c'est que le système qu'on suit, système auquel nous avons tous participé, est aujourd'hui déclaré impuissant par les faits.

Il faut donc absolument entrer dans une voie nouvelle. Il faut donner à l'instituteur une position telle, qu'il soit le principal fonctionnaire de la commune où il se trouve ; il faut qu'il y ait des écoles dans toutes les communes et qu'il y en ait en nombre suffisant.

Et si vous ne croyez pas devoir encore adopter le principe de l'instruction obligatoire, rendez au moins l'instruction possible dans toutes les communes ; faites qu'elle soit accessible aux enfants du peuple, aux adultes et que partout l'instruction puisse se répandre.

Si l'enseignement n'est pas obligatoire, il doit au moins être possible. Or, jusqu'à présent, nous devons le reconnaître, nous n'avons pas accompli notre mission, nous n'avons pas fait tout ce que nous devions pour instruire et moraliser nos populations.

C'est ainsi, messieurs, que je comprends l'amendement de l'honorable M. Defuisseaux et c'est pourquoi je viens l'appuyer.

M. Bara. - Je n'ai qu'un mot à dire au sujet de ce que M. le ministre de l'intérieur a bien voulu répondre aux observations que j'ai présentées sur sa circulaire.

(page 928) Mais, avant d'aborder ce point, l’honorable ministre me permettra de lui faire remarquer que, s'il se plaint de ce que, dans quelques communes industrielles du Hainaut, notamment à Jumet et à Gilly, il y a énormément d'ignorants, la faute n'en est pas, comme il l'a dit, à l'absence de moralisation de la population de ces communes.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je n'ai pas dit cela.

M. Bara. - Vous avez dit qu'il fallait moraliser avant d'instruire et que c'est pour ne l'avoir pas fait dans ces communes qu'on y constate une si grande ignorance.

Or, messieurs, je constate par un tableau que j'ai entre les mains que ce sont des petits-frères qui reçoivent les subsides et qui donnent l'instruction à Jumet et à Gilly. Par conséquent, ce n'est pas le défaut d'instruction religieuse qui peut être la cause de l'ignorance constatée. Il faut les chercher ailleurs, à moins qu'on ne veuille les trouver dans les écoles telles qu'elles sont établies dans ces communes.

L'honorable M. Kervyn prétend que par sa circulaire il a augmenté les ressources pour l'instruction primaire.

Il nous a dit qu'il a voulu associer les communes pour une somme plus considérable aux frais de l'instruction primaire. C'est là une erreur complète.

Non, M. le ministre de l'intérieur n'a pas augmenté la dotation de l'instruction primaire ; il s'est borné à changer les bases de répartition de la contribution des communes au détriment des communes importantes et au détriment des villes et c'est à cause de cela que, dans mon arrondissement entre autres, il y a eu un certain nombre de réclamations.

L'honorable M. Kervyn dit qu'on n'a pas réclamé dans le Hainaut et il en trouve la preuve dans ce fait que la commune de Péruwelz, dont j'ai apporté la réclamation à cette tribune, a adopté son budget d'après les instructions ministérielles.

Cela n'est pas étonnant, messieurs ; le gouverneur du Hainaut a dit à l'administration communale de Péruwelz : Vous avez à m'envoyer votre budget dans le quinzaine avec la modification admise par la députation.

Le conseil communal a donc approuvé, mais tout en protestant contre les nouvelles bases de répartition. J'ai ici la lettre adressée à ce conseil communal pour le mettre en demeure d'apporter à son budget les changements exigés. Elle est impérative, elle indique l'intention formelle de la députation d'obtenir ce qu'elle demande.

Qu'a fait l'administration communale de Péruwelz ? Elle s'est dit : Il est parfaitement inutile que j'entre en lice avec l'autorité supérieure ; ce n'est pas pour 871 francs que j'irai provoquer un conflit. Elle a donc approuvé son budget, mais elle s'est réservé de réclamer et c'est à tort que M. le ministre de l'intérieur en' conclut que même la commune de Péruwelz a adopté les bases indiquées dans sa circulaire.

Maintenant, vous allez voir que l'honorable M. Kervyn n'a absolument rien fait pour augmenter les ressources de l'instruction publique.

Il s'imagine avoir fait quelque chose, mais c'est une illusion de son esprit.

Il est complètement dans l'erreur, et lui-même s'est chargé de vous le prouver, en disant que l'augmentation serait de 30,000 francs pour le Hainaut. S'il en était ainsi, l'augmentation serait de 150,000 francs pour tout le pays ; 150,000 francs sur un chiffre de 3 millions environ que les communes payent actuellement, ce serait complètement insignifiant. Mais, au surplus, cela n'est pas même exact.

Ce que certaines communes donneront en plus, d'autres communes le donneront en moins.

Les bases adoptées par M. le ministre de l'intérieur, dans sa circulaire, sont les suivantes. Je lis la circulaire du 14 décembre :

« La commune doit désormais consacrer au moins aux dépenses ordinaires de l'instruction primaire :

« 1° Une somme égale au produit de 2 centimes additionnels au principal des contributions directes, patentes comprises ;

« 2° Une somme égale à 10 p. c. de ses revenus patrimoniaux ordinaires et de sa quote-part dans le produit du fonds communal.

« La commune pourra déduire de ces revenus patrimoniaux les intérêts de ses dettes et de ses emprunts, et du fonds des octrois toutes les dépenses du service de la bienfaisance. »

Voilà donc la découverte faite par M. le ministre de l'intérieur. Voyons l'application.

Les revenus patrimoniaux s'élèvent à 7,038,489 francs ; les intérêts de leurs dettes et les intérêts et amortissements des emprunts s'élèvent à 17,311,091 fr. ; si l'on compare ces dettes aux revenus des biens patrimoniaux, il y a chaque année un déficit de 10,272,002 francs, Vous n'avez qu'un revenu de 7,000,000 de biens patrimoniaux et vous avez 17,000,000 d'intérêts de dettes et il n'y a donc rien à retirer du revenu des biens patrimoniaux.

Quant au fonds communal, il rapporte aux communes 16,895,246 fr. ; les dépenses de la bienfaisance s'élèvent à 3,692,3I6 francs ; il reste donc 13,202,930 francs du fonds communal, sur lequel il faut prélever 10 p.c. de subvention pour l'enseignement primaire. Ces 10 p. c. font 1,320,293 fr.

Maintenant, si vous ajoutez le produit des deux centimes additionnels au principal des contributions directes, soit 742,280 francs, vous arrivez à une contribution communale, d'après la circulaire ministérielle, s'élevant à 2,062,573 francs.

Voilà ce que les communes doivent payer, d'après la circulaire, avant d'avoir droit aux subsides de l'Etat et de la province.

Savez-vous ce que les communes payent aujourd'hui ? Elles payent 3,094,171 francs en dépenses de toute nature pour l'enseignement primaire. Les services ordinaires leur occasionnent une dépense annuelle de 2,835,371 francs ; les communes payent donc environ, pour les dépenses ordinaires, un million de plus, que M. le ministre de l'intérieur leur impose. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur m'interrompt pour me dire que je n'ai pas lu le paragraphe suivant de sa circulaire où il est déclaré qu'en aucun cas l'allocation ne pourra être inférieure à celle qui figure aux budgets communaux de 1871.

Ce paragraphe est précisément la preuve de ce que j'avance. Il établit que votre circulaire n'augmente pas, pour l'ensemble, du pays, la part contributive des communes dans les frais de l’enseignement primaire.

Du reste, si mes renseignements sont exacts, la province de Hainaut, qui a félicité M. Kervyn, applique la circulaire contrairement à son texte et à son esprit.

Ainsi vous dites, dans votre circulaire, qu'il faut déduire du revenu des biens patrimoniaux les intérêts des dettes et les intérêts des emprunts, et qu'il faut déduire du fonds communal le service de la bienfaisance publique.

Or, la députation permanente du Hainaut fait tout autre chose : elle additionne le revenu des biens patrimoniaux avec le fonds communal, et elle déduit les dettes de cette addition.

Voilà ce que fait la députation permanente du Hainaut, d'après ce qu'on m'a assuré.

De telle sorte que l'honorable M. Kervyn reçoit des félicitations pour la violation de sa circulaire. (Interruption.)

Je crois donc avoir établi que M. Kervyn n'a pas fait contribuer davantage les communes à l'enseignement primaire, et il le prouve lui-même en disant qu'on ne pourra pas donner moins qu'en 1871.

Vous avez introduit une. règle qui n'est pas juste et vous n'avez pas répondu aux observations que j'ai faites dans une séance précédente.

Voilà une commune qui a 50,000 francs de revenus patrimoniaux et 50,000 francs de dettes ; voilà une autre commune qui a 50,000 francs de dettes et pas de biens patrimoniaux ; eh bien, vous soumettez ces deux communes absolument au même traitement.

La commune qui a 50,000 francs de revenus de biens patrimoniaux aura autant que celle qui n'a pas un centime de ces revenus. Est-ce juste ? Comment ! Est-ce que la commune qui a des dettes sans biens patrimoniaux n'est pas dans une position plus digne d'intérêt et d'aide ?

Je voudrais que l'honorable ministre de l'intérieur voulût bien répondre à cette observation. Qu'il la rencontre, s'il le peut. Il résulte, en outre, de ce que je viens de dire que la commune qui a des biens patrimoniaux est intéressée à contracter des emprunts, à faire des dettes pour diminuer le chiffre de son intervention, et ainsi elle se soustraira à certaines charges au point de vue de l'enseignement. Je crois donc que la conclusion ne pourrait pas être appliquée et quant à ce que certaines communes, comme M. le ministre l'a indiqué, ont approuvé les budgets, mais c'était pour des sommes insignifiantes et la preuve c'est que, pour un grand nombre de communes du Hainaut, on est arrivé, en tout, à une somme de vingt et quelques mille francs. Mais il est probable que les communes qui doivent payer beaucoup plus résisteront ou réclameront. Je crois, du reste, que M. le ministre de l'intérieur a reçu un grand nombre de réclamations à cet égard.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Aucune commune du Hainaut ne m'a adressé de réclamations.

M. Bara.-Vous en avez reçu du Drabant et d'ailleurs. (Interruption.) Oh ! ne niez pas le fait ; vous en avez reçu ; j'en ai sous la main.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je répète que je n'en ai pas reçu du Hainaut.

(page 929) M. Bara. - M. le ministre de l'intérieur ne parle que du Hainaut ; il oublie que, pour le Hainaut, la députation a envoyé, malgré la circulaire, une rectification au budget de cette année, mais dans les autres provinces, où sa circulaire n'est pas appliquée, on réclame.

L'honorable ministre de l'intérieur dit encore : Mais ma circulaire aura pour résultat de faire augmenter les subsides de l'Etat.

C'est une erreur.

Vous ne donnerez pas un centime de plus ; ce n'est, du reste, pas là ce que dit votre circulaire ; loin de dire que vous allez donner aux communes une somme plus considérable, elle dit, au contraire, ce qui n'est pas, que vous allez augmenter la part contributive des communes. Vous ne donnerez absolument rien de plus et vous ne vous êtes pas engagé à accorder une intervention plus grande en subsides de la part de l'Etat. Vous n'avez, aux termes de la loi, qu'à combler le déficit, et plus la commune paye, moins le déficit est grand.

L'honorable ministre de l'intérieur n'a donc absolument rien fait par sa circulaire pour l'enseignement primaire. Mais il y a plus : si des communes résistent, que ferez-vous ? Vous ne leur donnez pas de subside. Si elles n'exécutent pas votre circulaire, vous ne donnerez pas de subside ; mais je vous demande comment le service de l'enseignement marchera ?

Ainsi, vous allez punir une commune parce que votre circulaire ne sera pas appliquée ! vous refuserez l'argent nécessaire à l'instruction des enfants ! Mais cela n'est pas possible : jamais, au grand jamais, on n'a refusé les subsides qui étaient indispensables pour ce service ! Et comme les honorables MM. Guillery et Defuisseaux l'ont dit avec raison, on doit donner tout ce qui est nécessaire pour l'enseignement primaire. Il est donc impossible d'admettre que parce que des administrateurs communaux refusent d'appliquer votre circulaire, vous ayez pour cela le droit de punir la population de la commune. Ce système n'est pas admissible. Je, sais que vous pourrez faire mettre d'office la somme aux budgets communaux, mais c'est de la contrainte.

Un mot maintenant sur l'amendement présenté par l'honorable M. Defuisseaux, qui propose d'augmenter de 8 millions le chiffre du subside en faveur de l'enseignement primaire. Pour ma part, je suis très favorable à toute espèce d'augmentation de subside en faveur de l'enseignement primaire ; j'ai toujours demandé qu'on votât les ressources nécessaires, indispensables pour le service de cet enseignement. Mais l'honorable membre, si je ne me trompe, a oublié de nous dire à quoi il employait ces 8 millions. C'est cependant là un point très important.

L'honorable M. Defuisseaux demande 8 millions ; pourquoi faire ?

M. Kervyn dit qu'il ne les emploiera pas. A quoi serviront ces 8 millions ? Ils resteront dans les caisses du trésor.

Si vous prétendez qu'il faut construire des maisons d'école, faites une loi, présentez un projet par lequel vous établirez vos calculs, vous établirez qu'il faut, pour construction de maisons d'école, 8 millions, 15 millions, 20 millions, bien que je pense qu'il faut aussi, je ne dis pas dans quelle proportion, associer les communes à la dépense de l'instruction primaire. Mais dire : Je mets dans les mains de l'honorable ministre de l'intérieur 8 millions pour faire ce qu'il veut, alors qu'on sait qu'il n'en fera rien et qu'il le déclare lui-même, c'est faire chose inutile.

Il faudrait encore procurer aux communes les moyens d'augmenter leurs ressources. Quand vous aurez fait cela, nous comprendrons que vous demandiez une augmentation, et, quant à moi, je suis disposé à la voter, si on me démontre, un emploi fructueux de ces fonds.

Je suis disposé à faire contribuer l'Etat pour une part plus forte dans les dépenses de l'instruction, notamment dans la dépense pour construction d'école, etc., si cela est possible. Mais pour cela il faut qu'on nous produise des données sur lesquelles nous puissions voter.

M. Defuisseaux. - Il nous était donné, messieurs, d'entendre dans la discussion du budget de l'intérieur, les contradictions les plus étranges que, je crois, une assemblée ait jamais entendues.

Hier, j'étais plein d'espérance lorsque j'entendais l'honorable M. Schollaert nous dire : « Les catholiques se sont toujours montrés partisans de l'instruction, » quand l'honorable M. Dumortier répétait les mêmes paroles ; et je n'avais presque plus de doute sur l'adoption de mon amendement, lorsque j'entendais l'honorable ministre dire : « La foi des catholiques est une foi qui agit. » Eh bien, il sera avéré, malgré tout ce qu'on pourra dire, malgré les petits détails dans lesquels on voudra perdre la proposition si juste que je vous présente, il sera avéré pour le pays, si ma proposition est rejetée, que votre foi est une foi qui n'agit pas.

Que m'importent vos discours, que m'importent vos protestations en faveur de l'instruction primaire, cet intérêt que vous portez à la classe ouvrière ; si, au moment où il s'agit de construire des écoles, d'augmenter les traitements des instituteurs, de développer de toutes manières l'instruction. vous traduisez ce grand dévouement par des phrases et vous ne trouvez pas 2 centimes de plus à ajouter an budget pour l'instruction du peuple.

Eh bien, j'en appelle au bon sens du pays pour juger voire conduite, j'en appelle à sa loyauté et il jugera sévèrement ceux qui ont eu l'audace... (Interruption.) je ne retire pas le mot... de venir se présentera cette Chambre comme les partisans dévoués, les partisans sincères de l'instruction primaire et qui, au moment de l'augmentation du budget, se sont retranchés derrière je ne sais quelles fins de non-recevoir pour rejeter la proposition.

Messieurs, je m'attendais à une réponse de l'honorable ministre de l'intérieur. Je pensais que j'aurais plus que le plaisir d'entendre les discours remarquables qu'il sait nous faire, et qu'il répondrait d'une façon catégorique, par un oui ou par un non, à mon amendement. Je me suis trompé. Des fins de non-recevoir presque insaisissables ont été la seule réponse que j'ai obtenue, ou plutôt l'honorable ministre nous a dit qu'il faudrait peut-être modifier la loi communale. Mais ne lui avais-je pas dit d'avance : Modifiez la loi communale. Il nous a dit qu'il faudrait peut-être changer la part contributive de la commune, de la province et de l'Etat. Mais nous lui disons : Modifiez-les. Eu un mot le raisonnement de l'honorable ministre se réduit à dire à mots couverts : Périsse plutôt l'enseignement que de changer la loi communale ! Périsse plutôt l'enseignement que de changer la part contributive de l'Etat ! Et si vous ne dites pas cela, votez mon amendement et présentez à ces lois les changements que vous jugez nécessaires.

Mais ne venez pas prétendre que vous êtes partisan de l'enseignement primaire, lorsque vous vous arrêtez devant des lois qu'il est dans notre puissance de législateurs de changer.

L'honorable M Guillery a relevé un argument d'une force saisissante que l'honorable M. Kervyn a présenté sans s'en apercevoir. Comment ! il est dans notre pays, dans notre riche province de Hainaut, des communes où il y a 9,000 ignorants sur 10,000 habitants, et nous n'augmentons pas le crédit de l'enseignement, et vous croyez que tout est dit lorsque vous avez parlé de la part contributive de l'Etat et de la commune !

Si cet état de choses est réel, et j'ai tout lieu de croire que la statistique produite par M. le ministre de l'intérieur est exacte, nous avons autre chose à faire qu'à constater le mal, nous avons un grand devoir à remplir, c'est de donner à ces populations la seule chose qui leur manque, c'est-à-dire l'augmentation du budget.

L'honorable M. Bara m'a demandé des détails sur l'application de mon amendement ; je suis prêt à donner, à cet égard, toutes les explications que l'on peut désirer.

Je vois au budget une somme de 150,000 francs pour construction de maisons d'école ; il est avéré que ce crédit est tout à fait insuffisant en présence du manque effrayant de maisons d'école. Voilà déjà l'emploi de plusieurs millions.

Le traitement des instituteurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, est complètement insuffisant, il est dérisoire. Les fonctions si importantes d'instituteur sont ravalées au rang d'un balayeur de rues. (Interruption.) Oui, je le répète, d'un balayeur de rues. Quand on donne à un instituteur 800 francs d'appointements, c'est méconnaître l'importance des fonctions qu'il remplit.

C'est un deuxième emploi des fonds que je propose de voter.

Je pourrais aussi prendre tous les articles du budget pour trouver l'emploi je ne dirai pas des 13 millions que je propose, mais d'une somme beaucoup plus considérable.

Messieurs, j'ai pensé que je devais prendre une dernière fois la parole avant de laisser tomber un amendement qui doit avoir des conséquences si grandes si la Chambre a le bonheur de l'accepter. J'ai cherché à écarter de l'esprit de la Chambre ces tristes questions de parti qui nous divisent si malheureusement.

Sur ce terrain de l'instruction, nous pouvons tous nous unir, et tous, à titre égal, prouver notre dévouement aux populations laborieuses.

M. De Lehaye, rapporteur. - Messieurs, j'ai été très étonné tantôt d'entendre un honorable député de Bruxelles, d'accord avec son collègue de Mons, affirmer que la loi de 1842 est mauvaise.

J'en suis d'autant plus étonné que dans la ville que j'ai l'honneur de représenter il ne se passe pas d'année sans que, dans le rapport sur l'instruction primaire, l'on fasse un éloge bien mérité des résultats de cette loi.

(page 930) J'ai rempli, messieurs, les fonctions de bourgmestre de la ville de Gand.

A mon entrée en fondions, j'avais déjà eu l'occasion d'apprécier les résultats heureux de la loi de 1842 et, depuis cette époque, tous les ans, l'administration communale s'applaudit des bons résultats obtenus.

L'honorable M. Funck, hier, vous a demandé une augmentation d'allocation pour les écoles primaires de la ville de Bruxelles. Je serais tout disposé à donner mon approbation à cette proposition, mais à cette condition que l'on y comprenne toutes les grandes localités qui font des sacrifices immenses pour l'instruction primaire et qui remplissent tous les devoirs imposés par la loi.

Il nous a dit que Bruxelles paye 2 francs par tête d'habitant pour l'instruction publique. La ville de Gand porte annuellement à son budget 3 francs par tête d'habitant pour l'instruction en général. Nous sommes donc en avance sur la ville de Bruxelles.

M. de Rossius. - Est-ce pour l'instruction primaire ?

M. De Lehaye, rapporteur. - Non, pour l'instruction en général.

Le chiffre de l'instruction primaire est de plus de 2 francs par tête.

On a prétendu, messieurs, que M. le ministre de l'intérieur n'accordait pas suffisamment de protection aux écoles primaires.

Mais voici six mois que le ministère est au pouvoir et déjà nous avons été saisis d'un projet de loi augmentant d'un million les crédits pour constructions de maisons d'école.

Il y a quelque temps, messieurs, quand, dans le sein du Sénat, un honorable membre de la droite avait demandé, dans l'intérêt de l'instruction publique, que l'on votât un emprunt de 17 à 20 millions pour construction d'écoles.

Par qui cette proposition a-t-elle été appuyée et par qui a-t-elle été combattue ?

Vous n'êtes donc pas fondés à accuser constamment les hommes qui ne partagent pas votre opinion politique d'être des rétrogrades et des adversaires de l'instruction publique.

La ville de Gand n'a pas borné seulement sa sollicitude à l'instruction primaire, elle a fait depuis longtemps déjà les sacrifices les plus considérables pour l'instruction en général. La province a imité son exemple, elle a voté des bourses pour l'enseignement supérieur et c'est à moi qu'appartient l'initiative de cette mesure.

A toutes les époques, j'ai montré la plus grande sympathie pour l'instruction publique. Quant aux écoles primaires, elles répondent à tous les besoins, partout elles sont en progrès. A Gand, tous les ans, comme je l'ai dit déjà, l'administration communale fait un grand éloge des résultats obtenus ; à toutes les époques, la ville a porté à son budget les sommes nécessaires aux besoins du moment. Ce n'est point depuis 1858 seulement que l'accroissement de dépenses pour ces utiles institutions a pris son développement ; avant et sous mon administration, l'on n'a rien épargné pour donner au peuple tous les moyens de s'instruire. Si, avant 1858, les dépenses ont été moins fortes, il faut l'attribuer surtout à la position financière de la ville, position qui commandait en 1855 la plus rigoureuse économie.

L'honorable M. Defuisseaux vient de proposer une nouvelle dépense pour l'instruction publique,- il nous demande une augmentation de 9,000,000 de francs. Je lui donnerai mon assentiment, à condition qu'il en indique l'emploi, comme vient de le dire l'honorable M. Bara, et qu'il nous en fournisse les ressources.

M. Defuisseaux. - Je viens de l'indiquer.

M. De Lehaye, rapporteur. - Vous avez critiqué la construction des fortifications, les dépenses militaires. Mais celles-là sont faites. Si elles étaient en projet et que nous eussions le choix entre ces dépenses militaires et celles réclamées pour la construction d'écoles, je n'hésiterais point et je donnerais la préférence à ces dernières. Toutefois, je dois faire observer que lorsque l'Etat consacre 9,000,000 pour les écoles, ce sacrifice, utile sans doute, en impose un très grand aux communes et aux provinces.

Messieurs, on a parlé tantôt des adultes et M. le ministre de l'intérieur vous a fait voir combien il était impossible que des concours eussent lieu cette année.

Les concours sont une très bonne institution, mais on vous a prouvé que le nombre d'adultes capables de prendre part à ces concours constituait une infime minorité ; le gouvernement l'a compris et il a proposé de modifier l'arrêté ; quant à moi, je le loue de ces dispositions ; mais je l'engage surtout à modifier l'arrêté sous le rapport de l'âge ; il me paraît impossible, si l'on veut avoir des concours pour les adultes, de maintenir la disposition qui exige 19 ans d'âge. (Interruption.)

Si vous voulez avoir des concours sérieux et fructueux qui puissent stimuler, il faut réduire cet âge et admettre des jeunes gens de 16 ans, et en effet, pourquoi ceux-ci ne pourraient-ils pas prendre part au concours ?

M. Muller. - Réduisez l'âge et maintenez le subside.

M. De Lehaye, rapporteur. - Mais M. Muller, le gouvernement vient de vous dire qu'à son budget prochain il porterait la somme que vous avez proposée, mais que, pour le moment, plusieurs provinces ont déclaré que le concours était impossible. (Interruption.)

Je demande ce que signifieraient des concours entre cinq ou six individus. (Interruption.)

Veut-on changer le règlement ? Qu'on le change, mais tout ne peut pas se faire en un jour. L'arrêté qui régit la matière existe depuis plusieurs années ; vous ne l'avez pas modifié et c'est seulement aujourd'hui que vous en voyez les inconvénients. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur a à peine présenté son budget depuis trois mois et vous voulez que déjà il ait modifié le règlement !

M. Muller. - Il ne faut pas un an pour cela.

M. De Lehaye, rapporteur. - Libre à vous de croire qu'il aurait déjà pu le modifier ; quant à moi, je ne le crois pas

On fait un crime au gouvernement de ne pas accorder de subsides plus considérables pour la création d'écoles primaires, mais les dépenses que doivent s'imposer les communes pour l'instruction primaire sont réglées par la loi. (Interruption.)

La loi dit que l'instruction primaire est une charge communale et quand les ressources communales ne sont pas suffisantes, la loi permet aux communes de réclamer l'intervention des provinces, mais il faut pour que les communes puissent réclamer cette intervention, qu'elles aient porté à leur budget 2 centimes additionnels au principal des contributions directes. Et la province ne peut réclamer l'intervention de l'Etat que lorsqu'elle a. de son côté, porté à son budget 2 centimes additionnels aux mêmes contributions.

Voilà les conditions exigées par la loi. (Interruption.) S'il en existe d'autres, qu'on veuille bien les indiquer ; quant à moi, je ne les connais pas et je dis que la loi étant telle, aussi longtemps qu'elle ne sera pas changée, on ne peut pas reprocher sa conduite au gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur vous a dit qu'il porterait à l'article 99 les 50,000 francs proposés par M. Muller pour la création d'écoles de filles ; j'espère que le gouvernement persévérera dans son intention. Et à cet égard, je dois dire que la section centrale n'a pas méconnu l'utilité qu'il y avait pour les filles de recevoir une instruction plus développée ; elle a pensé, comme M. Pirmez, qu'il fallait donner aux filles le moyen d'arriver au complet épanouissement de leurs facultés ; mais elle se trouvait en présence d'une disposition légale et elle n'a pas cru admettre la proposition de M. Muller, l'objet de cette proposition n'ayant pas été prévu dans la loi de 1850.

Soumettez les écoles de filles au régime de la loi de 1842 et tout le monde sera d'accord pour les accepter.

La section centrale a voulu d'abord que l'instruction donnée aux filles fût basée sur les principes religieux.

En parlant de l'instruction publique, nous avons assez l'habitude de chercher nos exemples dans les pays lointains, dont nous ne connaissons pas tous la législation, les mœurs et les usages.

Permettez-moi, messieurs, de prendre mes exemples dans un pays qui nous est mieux connu et que je trouve à nos portes. En Prusse, toutes les écoles moyennes et primaires sont régies par un principe analogue à celui prescrit dans la loi de 1842. Les écoles de filles, surtout celles notamment qui se rapportent à l'instruction primaire et qui sont réglées par la loi, sont soumises à l'inspection religieuse ; les écoles moyennes pour filles sont libres, mais on n'admet comme institutrices que celles qui ont subi un examen de capacité et qui présentent toutes les garanties que l'on peut désirer par une instruction sérieuse et morale.

Le gouvernement allemand vient de nous donner un nouvel exemple de sa vive sollicitude pour les écoles moyennes, en ce qui concerne l'instruction publique.

La Gazette universelle d'Allemagne nous annonce que déjà des dispositions sont prises dans les départements que les tristes événements auxquels nous venons d'assister ont détachés de la France. L'école mixte de Strasbourg est convertie et partagée en deux institutions : une école normale catholique et une école protestante. Là où l'on admettait catholiques et protestants, l'on n'admettra plus désormais que des élèves appartenant au même culte et, partant, l'instruction religieuse sera donnée par un ministre du culte.

(page 931) Ces exemples, dont nous pouvons apprécier les bienfaits, doivent nous faire réfléchir. Ils nous prouvent que les principes admis pour les écoles de garçons ne sauraient être écartés, surtout quand il s’agit des écoles de filles. Pour elles, ce n'est guère que dans les principes religieux qu’ils apprendront à connaître leurs devoirs comme mères et comme épouse.

Nous avons voulu suivre l'exemple de la Prusse. Quoique convaincu qu'il était utile que l'instruction des filles fût plus étendue que le programme de l'instruction, primaire, nous avons voulu aussi qu'on adaptât le principe religieux.

Du moment que le gouvernement nous donnera l’assurance que ce principe sera maintenu, quelle que soit la somme qu'il portera au budget, d'après les besoins constatés, j'y donnerai volontiers mon assentiment ; et je suis convaincu qu'il n'y aura pas d'opposition dans cette Chambre.

J'ai dit comment la section centrale avait entendu le rejet de la proposition de l'honorable M. Muller. Je demande qu'on la renvoie au budget prochain et qu'alors le gouvernement nous propose une mesure déterminant les conditions auxquelles les concours devront être soumis.

M. Frère-Orban. - On a beaucoup parlé de statistique à propos de l'état de l'enseignement en Belgique. On vient de l'invoquer encore pour révéler un état d'ignorance qui, s'il était réel, semblerait nécessiter un remède extraordinaire.

Je ne viens pas prétendre assurément que le peuple, en Belgique, est aussi instruit qu'il devrait l'être ; je ne viens pas non plus prétendre que, après tous les efforts qui ont été faits, après tous les sacrifices que le pays s'est imposés, on soit arrivé à la perfection et qu'il n'y ait plus rien à faire.

Je suis, tout au contraire, convaincu qu'il y a encore beaucoup à faire et que les efforts de tous ne sont pas de trop pour donner à l'instruction populaire tout le développement qu'elle réclame.

Mais il ne faut pas cependant que l'on parle de faits inexacts, absolument controuvés, pour supposer une situation qui serait prétendument des plus graves et qui n'existerait point en réalité.

Vous le. savez, messieurs, il n'y a rien dont on abuse plus et plus aisément que de la statistique. Avant de s'arrêter à des chiffres de statistique, il importe de les bien scruter, il importe de savoir comment la statistique a été établie, il importe de donner aux chiffres leur véritable signification.

Il y a très peu de statistiques dont on puisse tirer des conclusions certaines. Voyons, par exemple, pour ce qui regarde l'instruction.

M. le ministre de l'intérieur vient d'énumérer un certain nombre de communes dans lesquelles il a constaté, documents officiels en main, un degré d'ignorance qui serait vraiment effrayant. Mais demandons-nous comment cette statistique a été faite.

La statistique dont a parlé l'honorable ministre de l'intérieur a été faite, nous dit-il, par les inspecteurs cantonaux.

Mais comment a-t-elle été établie ? D'après quels éléments a-t-elle été formée ? Par quels moyens est-on arrivé à accuser, sinon à constater, l'état de l'instruction d'un groupe, de population considérable ? Nous l'ignorons entièrement. Mais voyons ce qui s'est fait lors du recensement décennal dont les chiffres, quant à l'instruction, ont été également cités.

Lorsqu'on a fait le recensement décennal, les particuliers ont été invités à déclarer quels étaient ceux qui savaient lire et écrire. Qu'a-t-on fait pour s'assurer de l'exactitude de pareilles déclarations ? Que toutes les personnes de la classe aisée l'aient donnée d'une façon assez correcte, je l'admets, quoiqu'il y ait encore bien des erreurs probables résultant de la légèreté, de l'inadvertance, de l'insouciance de ceux qui étaient chargés de répondre pour les gens de leur maison.

Mais pour les autres classes de la population, cette réponse a été faite à peu près au hasard. Cela est très vraisemblable et eût-on employé quelque moyen de contrôle, il faudrait toujours une foi robuste pour prendre de pareilles statistiques comme des vérités démontrées.

Il en est de ces statistiques comme de la statistique médicale. On publie des statistiques médicales pour établir que, dans telle ou telle localité, tel nombre de personnes sont mortes de telle ou telle, maladie, tel nombre d'autres personnes de telle ou telle maladie.

En général, ce sont là des documents qui n'ont d'autre base que la fantaisie de ceux qui les établissent.

Les chiffres qui sont tirés du recensement décennal ne peuvent donc nous renseigner sur l'état réel de l'instruction dans le pays. Il faudrait autre chose pour le bien connaître. Il faudrait une enquête ad hoc, une investigation spéciale et faite avec le plus grand soin, une enquête faite sous la direction du parlement pour aboutir à des conclusions un peu satisfaisantes.

Je vais vous montrer, du reste, par le contrôle d'un chiffre, quel fond il faut faire sur ces statistiques ?

D'après le document décennal dont nous nous occupons, une commune de la province de Liège, la commune de Velroux, avait, en 1866, une population de 504 habitants. Cette localité ayant une population très restreinte permet en quelque sorte une enquête individuelle.

D'après la statistique décennale, il y a dans cette commune 89 hommes et 67 femmes sachant lire et écrire ; en tout 136 ; 181 hommes et 160 femmes ne sachant ni lire ni écrire, en tout 340, voilà la statistique décennale.

Une personne qui désirait la contrôler a constaté, en 1870, que la population, portée lors du recensement à 504 habitants, n'était que de 476 lors de la vérification : que le nombre des personnes sachant lire et écrire, était de 145 hommes et de 120 femmes, en tout 265, au lieu de 156 ; que le nombre des personnes ne sachant ni lire ni écrire était de 101 hommes et de 110 femmes, en tout 211, au lieu de 348. La vérification a été faite avec soin par une personne compétente et il n'est pas douteux que les chiffres du document officiel sont erronés.

Ce n'est pas tout : quand on cite des chiffres, on prend les chiffres en masse, ou s'expose à en tirer de fausses inductions. Ainsi, dans ces 211 illettrés de la commune que je cite, se trouvent compris les enfants qui sont à la mamelle, et ceux qui sont à l'école ; de telle sorte que dans une commune déclarée, de par la statistique, être une commune parfaitement ignorante, on arrive à un chiffre d'illettrés infiniment moindre.

Il y a cela de particulier pour cette commune qu'elle a été longtemps dans une situation défavorable. Elle n'est réunie à une commune voisine sous le rapport de l'instruction primaire que depuis 1860. Avant cette époque, cette commune avait une sorte d'institution privée qui laissait la majeure partie des enfants dans une grande ignorance, et cet état de choses a duré une dizaine d'années. C'est seulement depuis l'époque que je viens d'indiquer qu'elle se trouve dans de meilleures conditions, dans de bien meilleures conditions. (Interruption.)

Il y aurait donc là un degré d'ignorance de plus à raison de circonstances spéciales et il est impossible de ne pas en tenir compte.

Je suis persuadé que si l'on appliquait semblable contrôle aux autres communes du pays, si on voulait faire une vérification de ce genre là où elle est aisément possible, on arriverait à des résultats moins défavorables que ceux qui noue ont été indiqués, particulièrement pour les communes qui ont été citées par M. le ministre de l'intérieur. Il n'a pas fait d'abord la déduction de 25 p. c, dont je viens de parler, pour les enfants à la mamelle et les enfants qui sont à l'école.

Il fallait encore tenir compte, pour ces communes, d'un état de choses spécial ; c'est que dans ces communes il y a une population nomade, attirée par le travail, c'est-à-dire, en général une catégorie de population qui est dans de plus mauvaises conditions : celle qui émigré, qui s'en va chercher du travail au loin, telle que les populations flamandes qui sont dirigées vers les grands foyers d'industrie.

C'est donc là une situation grave, sans doute, mais exceptionnelle et dont, on ne peut tirer de conclusion pour le pays en général.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Cela n'est pas mon intention.

M. Frère-Orban. - J'en suis bien persuadé. Dans les communes de Gilly et de Jumet, que l'honorable ministre de l'intérieur a citées, il y a, d'après la statistique officielle, 28,000 habitants environ, ce qui suppose 20,000 habitants au-dessus de l’âge de dix ans.

Si l'on s'arrête au chiffre donné par le recensement officiel pour les habitants sachant lire et écrire, on trouve environ 11,000 habitants qui savent lire et écrire, ce qui est bien différent, comme le fait remarquer mon honorable ami M. Pirmez, du chiffre accusé par M. le ministre de l'intérieur.

Maintenant, messieurs, je demande à la Chambre la permission de dire un mut sur la proposition qui a été faite par M. Defuisseaux.

L'honorable M. Defuisseaux propose d'augmenter dans une proportion extrêmement considérable les crédits alloués à l'enseignement primaire. L'honorable membre, animé d'excellentes intentions, se persuade qu'il fait quelque chose pour l’enseignement primaire, parce qu'il offre des millions.

On peut acquérir, à ce prix, facilement de la popularité, nous pourrions aussi trouver, nous, que 13 millions, ce n'est pas assez et en proposer vingt ; ce serait encore infiniment mieux..

M. Defuisseaux. - Vous croyez que vous faites plus pour l’enseignement en refusant toute augmentation de subside ?

M. Frère-Orban. - J'ai la prétention de faire des choses pratiques, (page 932) de faire des choses qu'on peut appliquer ; je ne puis pas me persuader, que je ferai des choses utiles parce que je volerai des millions, n'importe l'application qui sera faite de ces millions, qu'il y ait des besoins ou qu'il n'y en ait pas, alors que l'auteur de la motion lui-même ne peut indiquer l'emploi des crédits.

Je demande ce qu'on fera des millions qu'on propose de voter. (Interruption.) S'agit-il d'un crédit extraordinaire ou d'un accroissement des crédits ordinaires ?

S'agit-il d'un changement de système ? S'agit-il de déclarer que la charge de l'enseignement primaire cesse d'être communale et devient une charge de l'Etat ? C'est un point de la plus haute gravité pour l'enseignement primaire lui-même. Je n'hésite pas, pour ma part, à dire que, le jour où la charge de l'enseignement primaire serait une charge de l'Etat, non seulement la dépense deviendrait très considérable, souvent excessive, mais que ce serait au grand préjudice de l'enseignement primaire.

L'expérience a été faite, et partout où ce système a été suivi, il a été abandonné.

Nous avons le régime américain, auquel nous devons nous tenir ; c'est-à-dire que l'enseignement primaire est communal et qu'il doit être aidé, subsidié, soutenu, fortifié par l'Etat. Voilà la règle.

M. Defuisseaux. - Fortifiez-la.

M. Frère-Orban. - Sans doute ; c'est ce que nous avons fait. Nous ne prétendons pas que tout a été fait et nous ne prétendons pas même avoir suffisamment fait. Mais nous avons fait tout ce que nous avons pu : nous avons décuplé les fonds pour l'instruction primaire.

- Des membres. - C'est vrai.

M. Frère-Orban. - Et nous avons été souvent arrêtés ; nous avons été entravés. Nous avons agi dans la mesure de ce qui était possible, précisément parce que le budget était communal. Il faut l'initiative communale ; il faut l'action communale ; il faut que la liberté communale agisse. Il faut que les habitants de la commune se sentent intéressés à développer l'enseignement. Il ne faut pas les affranchir de cette obligation ; il ne faut pas les affranchir de ce devoir, de ce premier de leurs devoirs.

La commune étant tenue, qu'avons-nous fait pour l'aider à remplir ce devoir ? Non seulement, conformément au principe de la loi de 1842 qui, sous ce rapport, est excellente comme tant d'autres encore, nous avons continué à donner des subsides à la communes pour qu’elle pût développer son enseignement primaire, mais nous avons institué le fonds communal, qui lui a permis d'y appliquer de nouvelles ressources. Nous avions même, dans le projet de loi portant abolition des octrois, inscrit une disposition portant que l'accroissement de ressources que les communes sans octroi allaient ainsi recevoir serait appliqué :

1° Au développement de l'instruction primaire ;

2° A la voirie vicinale.

Au nom de la liberté communale, au nom d'un principe très respectable, on a soutenu dans cette Chambre qu'il ne convenait pas de déterminer par la loi l'application de la somme que les communes allaient ainsi recevoir, qu'il fallait laisser les communes apprécier l'emploi qu'elles auraient à faire des ressources qui étaient mises à leur disposition. Sur la proposition de la section centrale chargée de l'examen de ce projet de loi, cette disposition a été, en effet, retranchée de la loi. Mais les ressources n'en ont pas moins été mises à la disposition des communes, et incontestablement, depuis qu'elles ont eu ces ressources, elles ont fait plus qu'elles n'avaient fait précédemment. Cela n'est pas douteux.

Par une loi récente que nous avons votée, par la loi qui a augmenté le droit d'accise sur le genièvre, en faisant porter 3,000,000 d'augmentation au fonds communal, nous avons donné non pas 7,000,000 ou 8,000,000 comme on le propose, peut-être comme crédit exceptionnel et pour une seule fois, mais nous avons voté une augmentation annuelle et permanente des ressources communales, s'élevant à 3,000,000 et pouvant s'appliquer également au service de l'instruction primaire et à la voirie vicinale. Voilà ce qui leur est recommandé.

Il faut donc marcher d'accord avec les communes, en les stimulant, en les encourageant. Lorsqu'elles ont accompli leur devoir et qu'elles viennent demander quelque chose à l'Etat, il faut leur donner. Aussi, chaque fois que les communes ont demandé pour la construction de maisons d'école, que nous avons essayé autant qu'il était en nous de faire décréter par les communes, elles ont obtenu le. concours de l'Etat. Jamais, dans aucun cas, ni pour le service de l'instruction primaire ordinaire, ni pour le service extraordinaire, pour la construction de maisons d'école, jamais, en aucun cas, on n'a refusé sous prétexte de manque de fonds.

L'honorable M. Defuisseaux trouve au budget une somme de 450,000 francs pour construction de maisons d'école. C'est un crédit ordinaire qui figure au budget, mais il y a, a côté de cela, un crédit extraordinaire qui a été incessamment alimenté. Nous avons demandé 12 millions, la Chambre les a votés ; il n'y a jamais eu de contestation à cet égard.

Quand ces fonds étaient épuisés, nos successeurs ont proposé un nouveau million et quand ce nouveau million sera épuisé, on en proposera un autre.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Certainement.

M. Frère-Orban. - C'est ainsi seulement qu'on peut marcher régulièrement et en respectant le principe de l'autonomie communale.

Maintenant on a dit : Mais si ce n'est pas pour la construction de maisons d'école pour lesquelles jamais les fonds ne manqueront, augmentez les traitements des instituteurs ; et l'honorable membre sait si peu à quoi l'on emploiera les fonds, qu'il les propose indifféremment soit pour construire des maisons d'école, soit pour augmenter le traitement des instituteurs. Ici encore, je suis obligé de rappeler les principes qui doivent diriger ces matières : L'instituteur est un fonctionnaire communal, c'est à la commune de fixer son traitement. C'est à la fois le principe constitutionnel et le principe de la loi. La loi de 1842 a fixé un minimum pris dans une loi française et qui était véritablement dérisoire. Depuis, ces traitements ont été successivement élevés et l'honorable M. Vandenpeereboom a pris des mesures qui ont été efficaces et qui ont eu pour résultat d'améliorer notablement le sort des instituteurs. Si le gouvernement pense qu'il y a encore quelque chose à faire, qu'il peut stimuler les communes et que les communes demandent à être aidées, eh bien, il le dira.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - La question est à l'étude.

M. Frère-Orban. - Vous ferez ce qu'ont fait vos prédécesseurs. On a doublé les traitements des instituteurs.

M. Vandenpeereboom.- Quadruplé.

M. Frère-Orban .- On a quadruplé les traitements des instituteurs,

Il faut améliorer encore leur position et nous serons tous d'accord pour le faire.

On ne peut se montrer parcimonieux à leur égard ; ils remplissent des fonctions dignes de toute la sollicitude des pouvoirs publics. Mais, encore une fois, il ne faut pas que l'Etat se substitue à la commune.

Je ne puis donc pas adopter l'amendement de l'honorable M. Defuisseaux. Il repose sur une erreur qui n'est que trop accréditée. Il suppose que c'est par pénurie de fonds ou parce que ceux-ci auraient été appliqués à d'autres services publics, que l'Etat aurait négligé ses devoirs en matière d'enseignement primaire. Il n'en est rien. Jamais on n'a opposé le défaut de ressources pour s'abstenir. Mais l'argent ne suffit pas. Il faut l'action de la commune et d'ailleurs, si l'on peut bâtir des écoles, il faut du temps pour former les maîtres qui y doivent donner l'instruction.

Mais je suis parfaitement convaincu que personne ne croira que ceux qui refusent de voter des millions dont l'emploi n'est pas indiqué n'ont pas de sympathie pour l'enseignement.

Nous avons prouvé nos sympathies, non par des paroles, mais par des actes ; nous avons prouvé nos sympathies en allouant aux communes 12 millions de subsides pour construction de maisons d'école, en versant dans le fonds communal une somme annuelle de 3 millions dont une grande partie revient à l'enseignement et en décuplant les fonds que l'Etat consacre annuellement à l'enseignement populaire.

M. Vandenpeereboom. - Il me semble qu'on pourrait remettre a demain.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - Il y a séance ce soir.

M. Vandenpeereboom. - Il y a des questions qu'on ne peut pas bien traiter le soir.

Nous avons travaillé ce matin en sections, nous siégeons depuis deux heures. Revenir encore ce soir et aller ensuite au Moniteur revoir son discours jusqu'à deux heures du matin, cela me paraît trop fatigant.

Il y a quelques jours, messieurs, l'honorable M. de Rossius et moi, nous avons posé à l'honorable ministre de l'intérieur un certain nombre de questions ; les unes se rapportent aux écoles normales, les autres, et ce sont, d'après moi, les plus importantes, ont trait à la jurisprudence à admettre pour l'organisation des écoles communales et des écoles adoptées.

Jusqu'ici l'honorable ministre n'a pas répondu à nos questions. Or, elles doivent soulever un assez long débat. Je demande donc que la discussion soit renvoyée à demain.

- Plusieurs membres à droite. - A ce soir ! (Interruption.)

(page 933) M. le président. - La Chambre a décidé qu'il y aurait des séances du soir jusqu'à ce qu'elle juge convenable de les suspendre. Il n'y a pas jusqu'ici de proposition contraire.

M. Defuisseaux. - Messieurs, plusieurs membres sont d'avis que tous les arguments ont été donnés sur l'amendement.

Je propose donc la clôture.

M. le président. - L'amendement se rapporte à l'article 99. Nous sommes encore dans la discussion générale du chapitre. La clôture sur l'amendement ne peut avoir lieu que plus tard.

-La séance est suspendue à 5 heures.

La séance est reprise à 8 heures.

M. de Rossius. - Messieurs, la circulaire du 11 décembre 1870, dont il a été question dans la première partie de la séance, renferme un paragraphe qui appelle une explication.

L'honorable ministre de l'intérieur est très satisfait de son œuvre, je ne demande pas mieux que de croire à ses excellentes intentions, mais je crains bien que la direction de l'instruction ne s'empare du paragraphe auquel je fais allusion pour donner à la circulaire une interprétation restrictive, peu favorable aux communes et qui maintiendrait cet arbitraire administratif que son auteur nous affirme avoir voulu détruire.

L'honorable M. Kervyn a fixé la mesure des sacrifices que doit s'imposer une commune qui aspire à prendre une part de l'allocation budgétaire. Elle n'obtiendra aucun subside si elle n'affecte à son enseignement primaire 2 centimes additionnels, 10 p. c. de ses revenus patrimoniaux. 10 p. c. de sa quote-part dans le produit du fonds communal. Voilà l'obligation qui est la condition de l'intervention de l'Etat. Mais cette obligation étant remplie, et toutes les dépenses de la commune n'étant pas couvertes, le déficit tombe-t-il à charge du trésor public ?

J'ai entendu donner à cette question une solution affirmative. Je serais heureux que l'honorable ministre la confirmât. Je ne puis toutefois l'espérer, car je lis dans la circulaire :

« En conséquence, j'ai l'honneur de vous informer, M. le gouverneur, que désormais avant d'accorder des subsides pour le service ordinaire des écoles primaires, j'examinerai si cette allocation est justifiée par cette double condition : qu'il y a insuffisance des ressources locales, et qu'il est établi, pour chaque commune intéressée, qu'elle a rempli ses obligations. »

Ainsi, une double condition, si ce passage doit être pris à la lettre : que la commune ait rempli ses obligations et que, en outre, il y ait insuffisance des ressources locales.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je demande la parole.

M. de Rossius. - L'honorable ministre de l'intérieur nous a dit que les sacrifices que les grandes villes s'imposent aujourd'hui pour leur enseignement primaire sont trop faibles, et qu'il veut les contraindre à les augmenter.

Je ne pense pas que l'honorable M. Kervyn soit juste pour les grandes villes. Elles ont des charges multiples et très lourdes. Cependant elles n'hésitent pas à réclamer de leurs habitants des sommes considérables pour développer leur enseignement inférieur. Cela est si vrai que Liège notamment recevra désormais de l'Etat, vu l'élévation de son budget scolaire, un subside beaucoup plus élevé qu'en 1870, si le paragraphe de la circulaire que j'ai rappelé ne doit pas recevoir une interprétation judaïque, c'est-à-dire si l'intervention de l'Etat est obligatoire du moment que les dépenses de la commune pour l'instruction ne sont pas entièrement couvertes par le produit des 2 centimes additionnels et des 10 p. c. tant de ses revenus patrimoniaux que de sa quote-part dans le fonds communal.

Chiffrons ce que j'appellerai les obligations légales de la ville de Liège telles qu'elles sont déterminées dans la circulaire : les 2 centimes additionnels donnent 21,230 francs ; les 10 p. c. du fonds communal s'élèvent a 126,736 francs, ces 10 p. c. sont calculés sur le chiffre brut de sa quote-part, c'est-à-dire avant d'avoir déduit les dépenses obligatoires de la bienfaisance. J'aurais le droit de tenir compte de ces dépenses ; je ne le fais pas.

Le droit d'écolage nous donne 51,000 francs. Le total des obligations légales s'élève donc à 198,966 francs.

J'ai négligé les 10 p. c. des revenus patrimoniaux par la raison simple que ces revenus sont inférieurs aux intérêts des dettes et emprunts. Je ne puis donc tenir compte que des trois autres bases. Les 2 centimes additionnels, les 10 p. c. du fonds communal, le droit d'écolage ; elles nous donnent un total de 198,966 francs.

Or, messieurs, la ville de Liège consacre au service ordinaire de l'enseignement primaire une somme annuelle de 312,975 francs, voilà la dépense. La recette étant de 198,966 francs seulement, la ville de Liège devra recevoir de l'Etat et de la province 114,000 francs. Or, en 1870, elle n'a reçu que 68,000 francs.

M. le ministre de l'intérieur peut comprendre maintenant l'importance de ma question. Dans sa pensée, l'intervention de l'Etat est-elle obligatoire lorsque, les obligations légales étant remplies, les dépenses locales de l'enseignement primaire ne sont pas néanmoins couvertes entièrement ?

Mais qu'entend-on par les dépenses ordinaires de l'instruction primaire ? C'est un autre point à élucider.

Aux termes de l'article 25 de la loi de 1812, une partie du subside voté, annuellement par la législature pour l'instruction primaire, doit avoir pour destination spéciale : 1° d'encourager l'établissement des écoles gardiennes ; 2° de favoriser les écoles d'adultes.

M. le ministre de l'intérieur veut-il suivre, dans la distribution de cette partie du subside de l'Etal, les principes déposés dans sa circulaire de décembre ?

Autrement dit, l'intervention de l'Etat sera t-elle obligatoire lorsque les charges locales de l'enseignement, dépenses des écoles gardiennes et d'adultes comprises, ne seront pas couvertes par le produit des deux centimes additionnels et des 10 p.c. des revenus patrimoniaux et de la quote-part du fonds communal ?

Messieurs, dans une séance précédente, un député d'Anvers nous a beaucoup vanté la sollicitude éclairée de ce qu'il a appelé l'administration meetingiste pour l'enseignement primaire.

Les glorifications outrées, on peut se les permettre dans les meetings ; généralement on y trouve peu de contradicteurs ; elles passent moins aisément à la Chambre.

Je ne veux toutefois pas méconnaître que, depuis 1862, la ville d'Anvers a fait de grands efforts pour répandre l'instruction. Mais je pense qu'il n'est pas exact de dire qu'elle se trouverait, et de très loin, à la tête de toutes les grandes cités du pays, ni surtout qu'elle aurait satisfait à ce qu'on appelle la dette scolaire.

Déjà réponse a été faite à M. Coremans pour les villes de Bruxelles et de Gand. C'est avec une satisfaction véritable que j'ai entendu les honorables députés de cette dernière ville rendre hommage à l'administration libérale.

Je me rappelle l'époque où la presse cléricale protestait contre ce qu'elle appelait sa « manie écolière. »

Aujourd'hui on reconnaît les bons fruits de cette manie ; on se glorifie des résultats obtenus.

Les honorables MM. De Lehaye et Drubbel ont fait ressortir avec complaisance les sacrifices du chef-lieu de leur province. Leur approbation est sans doute acquise d'avance aux charges nouvelles que Gand n'hésitera pas à s'imposer dans l'avenir.

Je veux m'occuper, à mon tour, de la ville de Liège et comparer ses dépenses à celles d'Anvers.

Les budgets de l'exercice 1871 nous donnent respectivement, pour Anvers et Liège, 236,000 et 312,975 francs.

Par eux-mêmes, ces chiffres ne nous apprennent rien. Le problème à résoudre est celui-ci : Quelle est la somme que chacune de ces deux villes dépense par habitant pour le service ordinaire de son enseignement élémentaire ?

Au 1er janvier 1869, la population de la ville d'Anvers était de 129,636 habitants, c'est le chiffre indiqué au budget de 1870. Je n'exagère certainement pas en disant que, deux ans plus tard, au 1er janvier 1871, Anvers renfermait 133,000 âmes.

La ville de Liège, moins populeuse, voit, en effet, croître chaque année sa population de 2,500 habitants.

Mes chiffres étant hors de contestation, que dépense Anvers ? 1 fr. 74 c. par habitant, chiffre inférieur de 60 centimes à celui de Liège, dont la population est aujourd'hui de 111,766 âmes.

Liège dépense pour le service de son enseignement primaire, déduction faite du produit du droit d'écolage (51,000 fr.), la somme considérable de 261,975 francs, ou 2 fr. 34 c. par habitant.

Comment M. Coremans a-t-il pu affirmer la supériorité d'Anvers ? J'ai tenu compte, dans les calculs auxquels je me suis livré, des dépenses de Liège pour ses écoles gardiennes où la méthode Frœbel a été introduite. Anvers n'a pas d'écoles gardiennes communales.

C'est une société particulière qui dirige les salles d'asile, mais la ville fournit les locaux, le matériel et les entretient. De plus, elle alloue à la société un large subside pour l'alimentation des enfants.

La province et l'Etat interviennent aussi dans les frais de ce service spécial.

(page 934) La ville de Liège s’impose donc actuellement une dépense plus forte que la ville d'Anvers et même que la ville de Bruxelles.

M. Funck. - Je vous demande pardon.

M. de Rossius. - Je connais vos calculs. Vous faites entrer le coût de vos locaux d'école dans le service, ordinaire de votre enseignement primaire.

M. Funck. - Voulez-vous me permettre de vous interrompre ? J'ai dit que la ville de Bruxelles dépense 298,000 francs pour le service ordinaire de notre enseignement primaire, ce qui fait 1 fr. 71 c. par tête d'habitant. Il faut ajouter à ce chiffre la somme de 100,000 francs portée annuellement à son budget pour construction de maisons d'école. Ce qui porte les subsides affectés chaque année à l'enseignement primaire à 393,000 francs, soit 2 fr. 30 c. par tête d'habitant.

En faisant ce calcul, je ne tiens pas compte d'une autre somme de 100,000 francs représentant l'intérêt des deux millions que la ville a affectés à la construction et à l'ameublement de ses écoles.

M. de Rossius. - Vous reconnaissez donc que votre chiffre de fr. 2. 30 renferme la dépense annuelle de Bruxelles, par habitant, pour construction des écoles. Or, mon chiffre de fr. 2.34 pour Liège serait beaucoup plus élevé si je suivais votre procédé, si je tenais compte du coût de l'édification de nos locaux.

Je ne demande pas mieux, du reste, que de constater que Bruxelles s'impose de lourds sacrifices. Il est très important que la capitale et les grandes villes du pays donnent l'exemple aux autres villes et aux communes rurales.

Je tenais à établir une seule chose, c'est l'inexactitude de l'affirmation de M. Coremans. Anvers dépense 1 fr. 74 c. par habitant ; le chiffre de Liège est de 2 fr. 34 c.

Messieurs, si nous prenons un autre élément de comparaison, nous reconnaissons encore qu'il faut quelque peu rabattre des éloges qui ont été décernés à l'administration métingiste.

La mesure la plus certaine de la force, enseignante, comme disent les Allemands, c'est le nombre des instituteurs de la commune relativement à sa population.

Anvers a 129 instituteurs et institutrices pour 135,000 habitants, ou 1 maître pour 1,046 habitants.

Liège, dont la population est de 111,766 âmes, occupe, dans ses écoles primaires du jour, 146 instituteurs, soit 1 instituteur pour 763 habitants. À qui donc appartient la supériorité ?

M. Coremans.- C'est aux élèves qu'il faut comparer le nombre des professeurs, et pas à la population.

M. de Rossius. - Permettez, nous y arrivons.

Les écoles d'Anvers renferment, nous a dit M. Coremans, 6,325 élèves, soit 46 élèves par 1,000 habitants.

La ville de Liège a 6,365 élèves pour 111,766 habitants, c'est-à-dire 56 élèves par 1,000 habitants.

M. Coremans nous dit : Il faut comparer le nombre d'instituteurs au nombre d'élèves. La comparaison sera vite établie. Combien avez-vous d'instituteurs à Anvers ? 129 pour 6,325 élèves. La ville de Liège a 146 instituteurs pour 6,365 élèves. Il s'agit toujours de la population qui fréquente les écoles primaires, des écoles où sont admis les enfants de 7 à 14 ans.

Eh bien, vous avez à Anvers un nombre d'élèves égal à peu près à celui de Liège, mais cette ville emploie 146 instituteurs, chiffre bien supérieur à celui d'Anvers.

La situation de l'enseignement primaire à Liège est, sous ce rapport, encore meilleure qu'à Anvers.

Messieurs, je ne prétends pas que la ville de Liège soit au bout de ses sacrifices ; actuellement elle édifie trois vastes locaux.

Chacun d'eux comprendra une école de garçons, une école de filles et enfin une école gardienne.

Vous savez qu'en Allemagne on veut un instituteur par 500 habitants. En Belgique, malheureusement, nous n'en sommes pas là.

Messieurs, je ne pousserai pas plus loin l'examen de la situation respective de la ville de Liège et de la ville d'Anvers, en ce qui concerne l'instruction primaire.

J'en ai dit assez pour prouver ma thèse.

Je ne veux pas me rasseoir sans avoir rappelé à l'honorable ministre de l'intérieur que l'honorable M. Vandenpeereboom et moi nous lui avions posé, dans la discussion générale, une série de questions auxquelles il n'a pas daigné répondre.

Je ne veux pas, dans cette séance du soir, reproduire mes observations. Il est probable d'ailleurs que mon insistance resterait infructueuse et que l'honorable M. Kervyn persisterait dans son silence systématique et qui nous autorise à douter sérieusement des bonnes intentions que sans cesse il affirme.

Un mot seulement sur un fait regrettable : l'abandon du projet de l'honorable M. Pirmez de doter de bibliothèques toutes nos écoles normales, celles de l'Etat et celles qui appartiennent à des corporations religieuses.

Vous le savez, messieurs, l'adjudication avait eu lieu ; M. le ministre de l'intérieur a cru pouvoir l'annuler ; à l'entendre, son motif est péremptoire.

L'honorable M. Pirmez avait manqué de déférence pour la langue flamande. Elle n'était pas suffisamment représentée dans le catalogue des livres soumis à l'appréciation des directeurs des écoles normales et sur lequel devait porter leur choix.

Ce catalogue, je l'ai lu avec la plus grande attention. La langue flamande y a trouvé sa place et je doute qu'il eût été possible de la lui faire plus large.

II n'est aucun juge impartial qui ne rende à M. Pirmez ce témoignage que la loyauté la plus grande a présidé à la confection de ce catalogue. Sans doute quelque ouvrage écrit en flamand a pu être oublié ; je n'oserais affirmer le contraire, faute de connaître la littérature flamande, mais je dis que quand on se préoccupe du but poursuivi par l'honorable prédécesseur de M. Kervyn, on comprend le choix auquel il s'est arrêté et comment il se fait que les ouvrages écrits en français sont infiniment plus nombreux que les autres.

Dans le catalogue incriminé, on rencontre une série importante d'ouvrages qui s'occupent de noire histoire, de celle de chacune de nos provinces, de nos arts, de notre industrie et de notre commerce. D'autres, en grand nombre, traitent des destinées des autres peuples.

On y trouve aussi les chefs-d'œuvre de la littérature française et des traductions des ouvrages les plus remarquables des autres littératures. Enfin des livres de morale et ces nombreux volumes, qui ont eu tant de vogue, une vogue si légitime dans ces dernières années, et qui ont pour-objet de vulgariser la science.

Toutes ces œuvres d'histoire, de science, d'imagination n'ont sans doute pas été traduites en flamand. Fallait-il, pour cela, ne pas les comprendre dans le catalogue ?

Ainsi il n'existe pas, je pense, d'histoire de la Suisse écrite en flamand. Faut-il pour cela ne pas placer dans les bibliothèques des écoles normales une histoire de la Suisse que tous les élèves-instituteurs pourront lire, les flamands comme les français !

Ces ouvrages charmants qui donnent des notions élémentaires sur toutes les branches de la science n'ont pas été traduits, que je sache. Il faut les proscrire ! Ainsi raisonne l'honorable M. Kervyn. Il faut proscrire encore les chefs-d'œuvre de la littérature étrangères et de la littérature française !... (Interruption.)

Permettez, M. le Ministre. Je vous ai demandé si l'infirmation de l'adjudication devait être considérée comme la condamnation des bibliothèques normales.

Vous ne m'avez pas répondu. Ma question a été posée de nouveau par l'honorable M. Pirmez. Même silence de votre part. Quelle conclusion pourrions nous tirer de votre mutisme ? Nous ne connaissons qu'une chose, c'est qu'actuellement les écoles normales sont sans bibliothèque, parce que le catalogue de l'honorable M. Pirmez renferme un nombre relativement faible d'ouvrages flamands.

Si vous n'établissez pas que le nombre des livres écrits en flamand pourrait être plus grand, vous nous autorisez à dire que vous refusez d'introduire dans les écoles normales publiques et agréées les ouvrages français parce qu'il n'en existe pas de traduction flamande ; vous nous autorisez à affirmer que les oraisons funèbres de Bossuet, par exemple, ne doivent pas être mises en mains des élèves-instituteurs, parce qu'à côté de l'œuvre originale il est impossible de placer une traduction flamande.

Vous condamnez le catalogue, vous nous l'avez dit. Soit, je veux admettre qu'il est incomplet. Pourquoi la condamnation radicale que vous avez prononcée ? Pourquoi cette infirmation de l'adjudication ? Pourquoi l'abandon du projet de l'honorable M. Pirmez ?

Votre prédécesseur n'a pas eu la prétention de faire une œuvre parfaite. Dans sa circulaire du 2 octobre 1869, qu'il a adressée aux directeurs et aux directrices des écoles normales, je lis ce qui suit : « J'ai fait dresser, et les écoles normales recevront, en même temps que la présente circulaire, un premier catalogue d’ouvrages que je considère comme propres à faire partie d'une pareille bibliothèque. »

Un premier catalogue, M. le ministre. L'honorable M. Pirmez a-t-il (page 935) oublié quelques ouvrages flamands dignes d'y figurer, lui-même il vous indique la voie que vous pouvez suivre. Faites un second catalogue et tout le monde sera satisfait. Vous avez préféré supprimer l'adjudication. Ce fait regrettable, sur lequel vous refusez obstinément de vous expliquer, nous force à dire que vous condamnez les bibliothèques normales. Nous ne pouvons trop déplorer cette conclusion forcée que nous tirons de votre silence.

M. De Lehaye. - Il y a six semaines que nous discutons.

M. de Rossius. - Et qu'on refuse de nous répondre.

M. Bouvier. - Pourquoi a-t-on supprimé les bibliothèques ?

M. Anspach. - L'honorable M. Funck a présenté un amendement ayant pour objet d'augmenter l'article 99 de 100,000 francs et je désire dire à la Chambre pourquoi il me semble qu'on devrait voter l'amendement proposé.

Le ministre de l'intérieur, en répondant aux arguments qu'avait fait valoir l'honorable M. Funck, a dit : De deux choses l'une : ou bien ces 100,000 francs doivent être affectés à la ville de Bruxelles et alors la capitale sera dans une position privilégiée et ce sera une injustice, ou bien ces 100,000 francs doivent être attribués à l'enseignement primaire en général et alors cela devient insignifiant.

Il est impossible, messieurs, que l'on accueille la réponse de M. le ministre de l'intérieur.

En effet, il s'agit non pas de mettre la ville de Bruxelles dans une position privilégiée, mais de la faire participer aux subsides de l'Etat, exactement comme les autres grandes villes du pays ; de faire entrer, en un mot, Bruxelles dans le droit commun.

Je voudrais bien que l'honorable M. De Lehaye ou M. le ministre de l'intérieur m'expliquât comment on pourrait admettre qu'il soit juste de donner à certaines grandes villes du pays, qui ne font pas plus que Bruxelles pour l'enseignement primaire, des subsides importants, tandis que Bruxelles ne reçoit rien.

M. De Lehaye, rapporteur. - Est-ce que Bruxelles remplit les conditions requises ?

M. Anspach. - Bruxelles remplit non seulement ces conditions, mais nous avons apporté la preuve à la Chambre qu'elle a dépassé, dans les sacrifices qu'elle s'impose pour l'enseignement primaire, tout ce qui a été fait par les autres villes du pays.

M. De Lehaye, rapporteur. - La ville de Bruxelles n'a pas à se plaindre du gouvernement.

M. Anspach. - Je dis que la ville de Bruxelles est dans une situation exceptionnelle.

Nous demandons à rentrer dans le droit commun, nous demandons à recevoir notre part des subsides du gouvernement ; nous avons le droit de demander qu'on nous traite comme la ville de Gand et d'autres villes.

M. De Lehaye, rapporteur. - On ne traite pas Gand comme Bruxelles.

M. Anspach. - Je m'étonne véritablement des interruptions de M. De Lehaye.

M. De Lehaye, rapporteur. - Vous m'avez interpellé.

M. Anspach. - Je vous demande pardon.

M. le président. - Je prie de ne pas interrompre l'orateur.

M. Anspach. - La ville de Bruxelles fait plus que la ville de Gand en faveur de l'instruction primaire ; Gand reçoit un subside de 92,000 fr., Bruxelles ne reçoit rien. Je demande comment on peut justifier une telle situation ?

Je demande comment il se fait que la ville de Bruxelles ne reçoit rien quand la ville de Gand et d'autres villes reçoivent leur part des subsides du gouvernement.

M. Bouvier. - On vous traite en paria. (Interruption.)

M. Anspach. - Je ne qualifie pas la manière dont on traite la ville de Bruxelles, mais je crois que les représentants de la ville de Bruxelles ont bien le droit de demander qu'elle soit traitée sur le même pied que les autres communes du pays.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - Pourquoi n'avez-vous pas réclamé quand vos amis étaient au pouvoir ?

M. Anspach. - Je pourrais répondre qu'il s'agit d'examiner la valeur de ma réclamation et que, si la thèse que je soutiens est juste, la Chambre, comme le gouvernement, est obligée de l'accepter.

On me demande pourquoi je n'ai pas fait valoir les droits de la ville de Bruxelles en d'autres temps ; eh bien, le ministre de l'intérieur, en réponse à une dépêche de l'administration communale de Bruxelles, a constaté, en faisant des recherches dans les archives de son département, que depuis 1851 la ville de Bruxelles est en instance pour obtenir des subsides du gouvernement. Il me semble que sa demande est assez ancienne pour que je puisse espérer obtenir satisfaction aujourd'hui. (Interruption.)

M. De Lehaye, parlant des sacrifices que s'imposait la ville de Gand, évaluait ces sacrifices à 3 francs par tête d'habitant ; mais il parlait alors non seulement de l'enseignement primaire, mais des dépenses générales de l'enseignement dans la ville de Gand.

M. De Lehaye, rapporteur. - -Je rectifie ce chiffre et je dis que les allocations portées au budget pour l'instruction primaire s'élèvent à 303,675 fr. 55 c, ce qui fait plus de 2 fr. 50 c. par habitant.

M. Anspach. - Eh bien, Bruxelles paye 2 fr. 70 c. par tête d'habitant et ne reçoit rien. Dans ces circonstances, n'avons-nous donc pas le droit de demander de l'esprit d'équité de la Chambre que le chiffre de l'article 99 soit élevé de telle façon que M. le ministre de l'intérieur puisse allouer des subsides à la ville de Bruxelles en proportion de ce qui est donné aux autres communes du pays. Notez bien, messieurs, que M. Funck n'a pas demandé que les 100,000 francs qu'il réclame fussent alloués à la ville de Bruxelles, mais simplement que le crédit soit augmenté, afin de permettre à M. le ministre de l'intérieur de comprendre la ville de Bruxelles dans une répartition équitable. Nous ne voulons rien enlever à personne, nous désirons que toutes les communes continuent à jouir des subsides du gouvernement, nous demandons seulement à en avoir notre part.

Messieurs, en terminant, je désire faire ressortir un point de la circulaire si nébuleuse, qu'il me permette de lui faire ce reproche, de M. le ministre de l'intérieur.

Il s'agit, dans cette circulaire, des conditions auxquelles le gouvernement subordonne sa participation aux frais de construction de maisons d'école.

Il résulte de ces conditions que les grandes villes du pays n'obtiendront plus aucun subside pour construction d'écoles, tandis que les petites communes pourront édifier leurs écoles à peu près aux frais exclusifs du gouvernement. Et voilà comment l'honorable M. Kervyn entend la justice distributive !

Le ministre dispose en effet « qu'avant de pouvoir réclamer aucun subside du gouvernement, la commune devra consacrer, pour l'édification d'une ou de plusieurs écoles, une somme au moins égale à celle qui fixe à son budget les dépenses ordinaires de l'instruction primaire. » Telle est la décision du ministre de l'intérieur.

Eh bien, je suppose une petite commune qui dépense quatre cents francs pour son instruction primaire. (Interruption.) Oui, dans le Brabant, il y a de ces communes, il en est même qui ne dépensent que 50 francs par an pour l'instruction primaire.

M. Frère-Orban. - Voilà pourquoi on ne donne rien à la ville de Bruxelles.

M. Anspach. - Mais je demande qui doit faire rentrer dans le devoir ces petites communes ; et, si ce n'est pas le gouvernement, qui donc doit s'en mêler ?

- Un membre. - La députation permanente.

M. Anspach. - Mais à' côté des députations permanentes, il y a le gouverneur, c'est-à-dire, le représentant du gouvernement. (Interruption.)

Si certaines communes du Brabant ou de toute autre partie du pays ne remplissent pas leur devoir, l'autorité supérieure a les moyens de les y contraindre.

Ainsi, la loi de 1842 porte : Il y aura au moins une école par commune. Or, s'il n'y en a pas, qui donc en est responsable ? Si une commune ne fait pas, pour l'enseignement primaire, les sacrifices qu'on peut légitimement lui imposer, qui donc en est responsable ? N'est-ce pas le pouvoir central, qui seul a le moyen de la faire rentrer dans la voie du devoir ? Tout le monde doit obéissance à la loi ; et la loi communale renferme les prescriptions nécessaires pour contraindre les communes à satisfaire aux obligations légales qui leur sont imposées. Il serait donc souverainement injuste d'arguer de ce que certaines communes du Brabant ne remplissent pas leurs obligations, pour dire à Bruxelles : Vos voisines ne font pas ce qu'elles doivent ; par conséquent, vous, Bruxelles, vous n'aurez pas de subside.

Concevrait-on que l'on rendît Bruxelles responsable d'un fait auquel elle est complètement étrangère, alors que l'autorité supérieure n'use pas des pouvoirs qu'elle possède pour le réprimer ?

Je continue la démonstration qu'une interruption m'a fait abandonner.

Supposons donc une petite commune qui dépense 400 francs annuellement pour son enseignement primaire ; eh bien, il lui suffira de porter à (page 936) son budget une somme de 400 franc pour avoir droit, à concurrence du surplus, aux subsides de l'Etat et de la province pour in construction d'un bâtiment d'école.

N'avais-je pas raison de dire que c'est, en réalité, l'Etat et la province qui supporteront la plus grande part des frais de construction de maisons d'école dans les petites communes, tandis que les grandes villes devront renoncer à toute intervention primaire du gouvernement dans les dépenses de ce genre. Quoi qu'on puisse exiger de la ville de Bruxelles, notamment, comment voulez-vous qu'elle porte annuellement à son budget pour construction de maisons d'école une somme équivalente au crédit qu'elle affecte au service ordinaire de l'enseignement primaire ?

Ainsi, pour la ville de Bruxelles, il faudra qu'elle commence par dépenser 300,000 francs pour construction de maisons d'école pour qu'elle puisse obtenir une part des subsides du gouvernement.

Dans ces conditions, c'est dire aux grandes communes : « Le gouvernement ne fera plus rien pour vous, » et c'est dire aux communes rurales : « Nous allons nous substituer à vous. »

Je ne veux pas prolonger cette discussion ; et cependant je ne veux pas la voir clore sans faire part à la Chambre d'une réflexion qui a de l'importance.

Il ne faut pas se dissimuler que les communes, les grandes communes surtout, sont dans une situation financière qui mérite toute l'attention du pouvoir législatif.

Notez, messieurs, que s'il pouvait arriver que la plupart des grandes communes fussent dans une situation financière mauvaise, c'est le pays tout entier qui en souffrirait. La commune est la base de tout. On l'a dit à diverses reprises : c'est dans la Commune que se trouve l'origine de l'état social ; la liberté communale est la mère de la liberté politique. Il est donc extrêmement intéressant que la commission puisse se mouvoir dans des conditions qui rendent l'administration possible.

Eh bien, j'engage le gouvernement, à ce point de vue, à considérer combien de sacrifices, depuis quelques années, les communes ont été obligées de s'imposer pour faire face à leurs besoins constamment croissants.

Je crois qu'il est de l'intérêt du gouvernement de tâcher, par une large intervention pécuniaire pour l'enseignement primaire et pour d'autres services encore, de venir en aide aux villes.

Ce n'est pas sans chagrin et sans inquiétude que je vois le ministère s'engager dans une voie opposée. Cette tendance se montre non seulement dans sa résistance aux demandes que nous formulons pour l'extension de l’enseignement, mais je la vois encore dans le projet de loi qui vient d'être déposé et qui attribue à l'Etat l'impôt foncier sur les bâtisses nouvelles, impôt que les communes s'étaient attribué.

Que le gouvernement réfléchisse mûrement avant de donner suite à de telles innovations, qu'il craigne de créer aux grandes villes des embarras financiers inextricables en s'emparant de ce qui est en quelque sorte dans leur patrimoine.

M. Jottrand. - Messieurs, je prends la parole pour soutenir l'amendement de l'honorable M. Defuisseaux, pour justifier le vote approbatif que, je suis décidé à lui donner.

D'après moi, l'amendement doit être voté pour deux ordres de motifs : d'abord pour affirmer un principe et ensuite, parce que, quoi qu'on en ait dit, il est, même dans sa forme générale, éminemment pratique.

Au point de vue du principe qu'il s'agit d'affirmer, je crois qu'il est bon, excellent même, de manifester dès aujourd'hui la résolution bien arrêtée chez tous les pouvoirs publics de procéder sans désemparer à l'organisation, sur les bases les plus larges, de l'instruction du peuple.

Nous ne représentons pas ici tous les pouvoirs, toutes les parties de l'administration publique chargée de pourvoir à ce grand besoin ; nous ne sommes qu'un des trois éléments ù qui incombe ce devoir : la commune, la province et l'Etat. Nous ne représentons que l'Etat.

Eh bien, il faut que par notre organe l'Etat affirme sa résolution inébranlable de ne plus perdre un instant, de ne plus opposer aucun délai, de ne plus s'arrêter dans cette voie devant aucun obstacle.

Il n'est plus besoin, j'espère, de vous démontrer qu'en réalité le salut de la Belgique comme de toutes les autres nations de l'Europe réside exclusivement dans la diffusion de l'instruction dans toutes les classes de la population. C'est cette nécessité suprême que nous le connaîtrons par le vote de l'amendement de Al. Defuisseaux.

Au lieu de paroles sonores, nous aurons posé un fait et c'est par les faits que les convictions se démontrent le mieux.

A la nécessité de procéder, désormais, d'une façon énergique, démontrée par des statistiques déplorables, on nous a opposé des doutes sur l'exactitude de ces statistiques.

Quant à moi, j'ai la conviction, que quelles que soient les inexactitudes locales qui ont pu se produire, les résultats généraux de nos statistiques officielles sur l'état de l'instruction de nos populations sont exacts. Cette conviction, je l'ai acquise en comparant les chiffres divers, produits par les investigations de toute nature, dont les résultats sont soumis au bureau de statistique et lui servent à établir les conclusions qu'il nous communique.

Le premier de ces éléments est le recensement général dont nous connaissons le résultat pour l'année 1866. Ce recensement général nous apprend qu'en Belgique, en négligeant, dans le calcul, les enfants dont l'âge est encore trop peu avancé pour qu'ils puissent savoir lire ; en partant des enfants ayant atteint l'âge de 10 ans par exemple, 42 p. c. des Belges de deux sexes au-dessus de cet âge ne savent ni lire ni écrire. Dans la même année 1866, les jeunes gens appelés à participer au tirage au sort ne savaient ni lire, ni écrire dans la proportion suivante : 33 p. c. de leur nombre total. Les soldats incorporés, le contingent effectif ne savaient ni lire ni écrire dans la proportion de 45 p. c. de leur total. (Interruption de M. Pirmez.)

Je vais préciser : lorsque la classe de milice de 1866 a été examinée devant le conseil de milice, 33 p. c. de ceux qui la composaient ont déclaré ne savoir ni lire ni écrire ; et lorsque le contingent qui en est sorti a été incorporé, lorsque les nouveaux soldats qui composaient ce contingent ont été appelés, à leur entrée au corps, à signer la déclaration qu'ils avaient reçu lecture du code pénal militaire, 45 p. c. d'entre eux ont été dans l'impossibilité de donner cette signature. 45 p. c. ! y compris les remplaçants et les substituants.

Vient maintenant le quatrième des chiffres que, comme je l'ai dit, j'ai comparés entre eux.

Si l'on déduit les remplaçants et substituants, si on les considère comme représentant tous des miliciens dans l'aisance et qui, par conséquent, doivent être supposés savoir lire et écrire, on arrive à réduire à 29 p. c. la proportion des illettrés dans le contingent incorporé.

M. Muller. - 25 p. c.

M. Jottrand. - 29 p. c, en 1866. Je veux comparer les divers chiffres de 1866, parce que je veux justifier l'inexactitude du renseignement que nous a fourni le recensement général terminé en 1866, ce recensement qui nous indique qu'il y a dans le pays, si l'on décompte les enfants, 42 p. c. de la population qui ne sait ni lire ni écrire,

Eh bien, parlant des quatre chiffres que je viens de poser et me livrant à un calcul dont je ne veux pas ennuyer la Chambre, je lui demande la permission de le mettre en note aux Annales parlementaires, j'arrive, à ce résultat que ces quatre chiffres sont en corrélation parfaite les uns avec les autres ; qu'ils se prouvent l'un par l'autre et qu'ils sont, par conséquent, tous d'une complète exactitude.

Partant du chiffre des miliciens qui ont déclaré, lors du tirage au sort, ne savoir ni lire ni écrire (33 p. c.) et prenant en considération, pour l'appréciation de ce que doit être l'étal de la population totale, deux faits : d'abord que la moitié de la population est composée de filles et de. femmes chez lesquelles l'instruction primaire est bien moins répandue que chez les hommes et les garçons ; ensuite que la moitié de la population est composée de gens que leur âge a mis dans l'impossibilité de profiter des grands efforts faits surtout depuis 1849 pour répandre l'instruction primaire. On arrive précisément pour la population totale au chiffre d'ignorance que nous révèle l'observation directe, le recensement à domicile.

Les calculs qui conduisent à cette conclusion seraient, je le répète, difficilement saisis par la Chambre, sur un exposé verbal. J'userai de la permission qu'elle m'accorde de les insérer aux Annales parlementaires. [insérés en note de bas de page, non repris dans la présente version numérisée].

(page 937) M. Bouvier. - Ces calculs sont encourageants pour la réforme électorale !

M. Jottrand. - Je termine, messieurs, ce point de ma démonstration qui avait pour but de rétablir la foi légitime que l'on doit avoir dans les résultats généraux de nos statistiques. Je ne veux point les imposer comme l'Evangile ; sans doute elles peuvent contenir des erreurs ; mais cependant elles sont faites avec assez de soins et par des hommes assez intelligents, assez consciencieux pour qu'on puisse avoir en général une grande confiance dans leurs indications.

Je passe au second point que je me propose de traiter.

Il s'agit de prouver à la Chambre que l'amendement de notre honorable collègue est éminemment pratique, quelle que soit la généralité de ses termes.

Il est pratique d'abord parce qu'il est de la plus haute utilité de prouver aux communes et aux provinces que l'Etat est décidé, pour sa part, à marcher d'un pas ferme dans la voie qui conduit au but que nous déclarons tous avoir en vue.

Le meilleur excitant que nous puissions donner aux communes et aux provinces, c'est la démonstration par le fait, que l'Etat ne les abandonnera pas et que chaque fois qu'elles demanderont son concours l'Etat pourra sur l'heure le leur accorder.

L'amendement est pratique encore parce qu'il répond à des besoins sérieux, non seulement à des besoins généraux, mais à des besoins de détails que cette discussion même nous a fourni l'occasion de toucher du doigt.

Vous venez d'entendre la revendication de Bruxelles, qui se plaint de ce que les allocations portées au budget sont insuffisantes pour qu'il puisse être fait droit à ses légitimes réclamations.

D'autre part, M. le ministre de l'intérieur va proposer, j'en suis sûr, un amendement à son premier projet de budget, ayant pour but de lui permettre de subsidier l'enseignement primaire des filles, à programme développé.

Il ne veut pas d'écoles moyennes de filles, mais il a déclaré être prêt à se rallier à l'amendement de M. Muller si on l'appliquait à l'enseignement primaire à programme développé.

J'attends la proposition qui va suivre cette déclaration de principe.

Il y a en outre, dans les renseignements émanés de M. le ministre de l'intérieur dans le cours de cette longue discussion, la justification de besoins généraux dont il nous a donné le chiffre : au moins 28 millions de francs ! Il nous a prouvé que 28 millions de francs tout au moins sont encore nécessaires en Belgique pour compléter le matériel de l'enseignement primaire, et comment divise-t-il ces 28 millions ?

Part des communes, 10 millions de francs ;

Part des provinces, 7,200,000 francs ;

Part de l'Etat, 10,800,000 francs.

Quand donc l'honorable M. Defuisseaux propose une augmentation de 8 millions au budget de l'enseignement primaire, il reste encore au-dessous de la part à fournir par l'Etat, rien que pour le matériel, part que l'honorable ministre de l'intérieur évalue lui-même a plus de 10 millions de francs.

Enfin, messieurs, en principe général les besoins de l'enseignement primaire en Belgique ne seront satisfaits que lorsque dans toutes les communes existeront assez d'écoles primaires pour pouvoir recevoir 15 p. c. de la population totale du pays.

Ce chiffre dérive du fait que l'âge d'école est fixé en Belgique par l'administration de 7 à 14 ans ; il faut donc que tous les enfants de 7 à 14 ans trouvent asile dans nos écoles primaires.

Or, les enfants de 7 à 14 ans constituent ensemble environ 15 p. c. de la nation. (Interruption.)

M. Julliot, vous êtes économiste, je le suis également ; je suis de plus un peu statisticien, vous l'êtes probablement aussi ; je vous prie de vouloir bien consulter l’Annuaire de statistique publié par le gouvernement pour 1870, pages 32 et 33 ; vous y verrez qu'en Belgique, pour l'enfance jusqu'à 15 ans, chaque année d'âge correspond à un chiffre moyen de 2 p. c. de la population, sauf la première année qui correspond à 3 p. c.

Ce sont des faits cela, des faits qui ne dépendent pas de déclarations arbitraires. Les enfants de 7 ans constituent 2 p. c. de la population, ceux de 8 ans également et ainsi de suite, jusqu'à 15 ans, où la proportion commence à décroître.

Or, comme de 7 à 14 ans il y a sept années, à raison de 2 p. c. par année, je trouve 14 p. c. comme quotité constituée par l'ensemble des enfants compris entre ces deux extrêmes.

Avec un peu de tolérance sur l'âge, en acceptant dans la masse des écoliers quelques enfants qui n'ont pas tout à fait 7 ans ou qui accomplissent leurs 14 ans pendant qu'ils sont à l'école, on atteint le chiffre que j'indiquais d'abord.

Il faut donc, dans chaque commune, des écoles satisfaisantes, convenablement organisées et administrées, capables de recevoir 15 p. c. de la population de la commune.

Voilà fixée l'étendue de nos devoirs.

C'est d'ailleurs ainsi que les apprécient nos autorités administratives, lorsqu'elles fixent la dimension des bâtiments d'école pour nos communes rurales.

Or, il est impossible qu'avec le chiffre porté actuellement au budget ces besoins soient jamais satisfaits.

En supposant que l'amendement de l'honorable M. Defuisseaux n'ait pour objet que de satisfaire au tiers des besoins existants et que les deux autres tiers soient fournis par les communes et les provinces, en supposant qu'on dépense 24 millions de francs, on ne satisferait pas encore aux besoins dont je viens d'indiquer les limites

Mais ne faut-il pas prendre en considération le secours qu'apporte l'enseignement privé ?

J'admets que les écoles adoptées ou celles qui se soumettent à l'inspection, celles dont ainsi les communes peuvent répondre, en faveur desquelles elles peuvent délivrer des certificats de valeur, doivent être prises en considération. Mais même en portant en compte les écoles de ce genre, à la décharge de nos devoirs, il nous reste à combler un déficit énorme, et pour lequel 24 millions ne seraient pas de trop.

Je passe, messieurs, à un autre ordre d'idées.

L'Etat, lorsqu'il aura à son budget cette somme supplémentaire de 8 millions, pourra-t-il imposer aux communes et aux provinces l'obligation de s'imposer dans la même proportion ?

On en peut douter quand on se rappelle que l'article 20 de la loi de 1848 fournit à l'Etat des armes dont jusqu'à présent il a fait un usage beaucoup trop modéré.

Cet article est ainsi conçu :

« Les frais de l'instruction primaire sont à la charge des communes. La somme nécessaire à cet objet sera portée annuellement au budget communal parmi les dépenses obligatoires dont il est parlé à l'article 131 de la loi communale. »

Eh bien, je crois que l'Etat, en vertu de cet article, lorsqu'il pourra dire aux communes : J'ai à votre disposition une somme de 8 millions de francs, pourra en même temps leur imposer l'obligation de contribuer pour une somme égale aux dépenses de l'enseignement primaire.

Cet article 20 de la loi de 1842, je regrette que le gouvernement n'en ait pas, jusqu'ici, fait un usage suffisant.

Le moment est venu d'agir avec vigueur et j'espère que l'honorable ministre de l'intérieur, pour nous donner une preuve efficace de la sincérité de ses intentions, du sérieux de la résolution qu'il dit avoir prise de faire suivre ses déclarations par des faits, emploiera l'arme que (page 938) la loi lui a donnée, surtout lorsque nous y aurons joint le nerf de la guerre.

Ce que je viens de dire répond suffisamment, je pense, au reproche articulé contre l'amendement de mon honorable ami, lorsqu'on lui reprochait de tendre tout uniment à substituer, en matière d'enseignement primaire, l'Etat aux communes.

Non, même avec 8 millions de plus inscrits au budget de l'intérieur, l'Etat serait bien loin de pouvoir se substituer aux communes. L'Etat aurait simplement fait alors, dans une mesure partielle, ce qu'il doit faire sous l'empire des lois actuelles, il aurait enfin inscrit à son budget les sommes qui doivent lui permettre de subvenir, pour sa part ordinaire, aux nécessités les plus urgentes.

Enfin, un obstacle insurmontable à l'efficacité de l'amendement que je défends provient-il de ce que cet amendement ne fixe pas le mode et les proportions de la répartition des 8 millions demandés ?

Mais, messieurs, on ne nous a pas habitués, lorsqu'il s'agit de dépenses urgentes, à tant de précision. Lorsque M. le ministre de la guerre vient nous demander des crédits supplémentaires ou extraordinaires pour parer à des nécessités qu'il ne définit pas bien, dont il ne connaît pas exactement les limites, lui demandons-nous de nous fixer d'avance dans les dix ou quinze millions qu'il nous demande ; quelle sera, à 10,000 francs près, la part de subside qu'il attribuera à chacun des besoins de son département ? Non.

M. le ministre de la guerre vient nous dire : Messieurs, votez et laissez-moi quelque latitude pour la répartition ; et pour vous donner toute garantie, je vous promets de vous rendre un compte exact de l'emploi des sommes qui m'auront été confiées.

Eh bien, ce qui s'est fait récemment encore en matière de dépenses militaires peut bien, me semble-t-il, se faire en matière de dépenses d'instruction.

Nous demandons qu'on confie à M. le ministre de l'intérieur une somme de 8 millions dont la répartition sera limitée entre les articles 93 et 99 de son budget. M. le ministre de l'intérieur nous rendra compte, à la fin de l'exercice, de l'emploi qu'il en aura fait.

M. Muller. - C'est un blanc seing, cela.

M. Jottrand. - En matière militaire, nous avons, depuis 1849, augmenté de 10 millions le chiffre normal de nos dépenses ordinaires. Pendant ce temps, nous n'augmentions le budget ordinaire de l'instruction primaire que de 3,500,000 francs.

Et quant aux besoins extraordinaires, nous avons dépensé une soixantaine de millions pour les fortifications d'Anvers et une quinzaine de millions pour le renouvellement de notre matériel d'artillerie - je ne prends que les plus gros chiffres - pendant que nous ne dépensions pour l'instruction primaire qu'une somme extraordinaire de douze millions de francs pour construction de maisons d'école.

Je crois qu'il est temps de rétablir un peu l'équilibre au profit de l'instruction primaire. Je crois que la facilité avec laquelle on a jusqu'à présent subvenu aux besoins, que je ne veux pas discuter, en ce moment, de notre défense intérieure et extérieure, devrait être maintenant introduite dans le maniement des allocations budgétaires que nous destinons à la diffusion de l'instruction primaire.

Si M. le ministre de l'intérieur ne veut pas dépenser les 8 millions que nous mettrons à sa disposition, ce sera sous sa responsabilité. Mais je suis bien convaincu que si ce crédit est mis à sa disposition, il en trouvera facilement l'emploi, même dans les conditions de coopération des trois autorités publiques, auxquelles il ne faut pas renoncer.

Bientôt il verra surgir de nouvelles demandes qui, maintenant, sont étouffées dans leur germe par suite de l'insuffisance notoire des crédits actuels ; mais enfin, si cette prévision ne se réalisait pas, si, à la fin de l'exercice M. la ministre venait nous dire : « Je n'ai pas trouvé l'emploi de vos 8 millions, » eh bien, dans ce cas, le crédit resterait inscrit au budget pour l'exercice prochain.

N'est-ce pas là ce qui arrive à la plupart des crédits extraordinaires d'une certaine importance ? Il est rare qu'ils soient dépensés dans le cours d'un exercice ; et dans ce cas, le reliquat en est reporté aux exercices suivants jusqu'à dépense complète. Je. ne vois pas quel grand danger il y aurait à ce qu'il en fût ainsi du crédit de 8 millions dont nous demandons l'allocation en faveur de l'instruction primaire. (Interruption.) On me demande où le gouvernement trouvera les ressources pour couvrir cette dépense.

Quand la législature vole une dépense, le devoir de M. le ministre des finances est de trouver des ressources nécessaires pour y faire face. Et en fait, toujours il les trouve.

Jamais le gouvernement s'est-il préoccupé de ce point quand il s'est agi de dépenses militaires ? N'a-t-il pas l'emprunt, les bons du trésor, les excédants de recettes prévus ou réalisés ; voilà trois sources abondantes, auxquelles on a largement puisé jusqu'à ce jour, et M. le ministre des finances nous a prouvé, depuis son avènement aux affaires, qu'il sait en user aussi bien que quiconque.

Puisqu'il les a si bien employées pour d'autres besoins que je ne veux pas discuter, pourquoi ne pourrait-il pas y avoir recours également pour les besoins de l'instruction primaire ?

Revenant pour un instant au sort qui attend les crédits voltés sans l'assentiment des ministres, je ferai remarquer à ceux qui se préoccupent de cette question à l'occasion de l'amendement de l'honorable M. Defuisseaux, qu'ils n'ont point eu le même souci à l'occasion de l'amendement de l'honorable M. Muller.

L'honorable M. Muller, très justement, d'après moi, a proposé l'inscription au budget, chapitre de l'enseignement moyen, d'une somme de 50,000 francs pour subsidier l'enseignement moyen de filles.

M. le ministre de l'intérieur a combattu cette proposition. Je suppose que le crédit eût été voté, M. le ministre de l'intérieur eût-il été obligé pour cela de le dépenser ? S'il ne l'avait pas voulu, le crédit serait resté disponible ; il aurait pu ne pas le dépenser ou ne le dépenser qu'en partie. Eh bien, le crédit de 8 millions proposé par l'honorable M. Defuisseaux sera exposé au même sort. Ce crédit sera mis à la disposition de M. le ministre de l'intérieur, qui en fera usage en tout ou en partie ou même pas du tout, sous sa responsabilité. A la fin de l'exercice, il nous rendra compte de l'emploi ou du non-emploi des 8 millions que nous voulons lui accorder. Et par la manière dont il aura agi, nous serons mis à même d'apprécier la valeur véritable de ses ardentes protestations en faveur du développement de l'instruction primaire publique.

M. Julliot. - MM. les députés des grandes villes ont le verbe fort haut, pour nous exposer les énormes sacrifices que font ces villes pour l'enseignement.

Mais si je démontrais qu'il est des petites villes et même des communes rurales qui, proportion gardée, y sacrifient davantage, ces honorables députés ne crieraient probablement pas si fort.

On a parlé de la statistique qu'on condamne, mais cette statistique émane du ministère libéral, la droite peut s'en laver les mains et ces messieurs n'ont qu'à se débrouiller entre eux.

L'honorable M. Anspach réclame l'autonomie pour sa ville, il est fort sur ses droits, mais beaucoup plus faible sur ses devoirs. Sous ce rapport, cet honorable membre n'est pas d'accord avec le discours remarquable de ce matin prononcé par l'honorable M. Frère-Orban.

Messieurs, quand la ville de Bruxelles réclame un subside pour son enseignement primaire, on dirait, à première vue, qu'elle est en droit et qu'elle a raison.

Mais quand on examine bien, on trouve que la ville de Bruxelles a une position si favorable et si privilégiée qu'elle devrait se tenir coi dans la question de l'enseignement primaire.

Je négligerai tous les avantages temporaires que retire la ville de Bruxelles de cette immigration actuelle de 60,000 âmes de consommateurs nouveaux.

M. Orts. - Nous avons dépensé, par contre, 150,000 francs pour les blessés et les malades militaires.

M. Julliot. - Eh bien, je vous en félicite, vous avez bien fait. Mais j'en viens aux subsides et aux cadeaux directs fait par l'Etat à la ville de Bruxelles, tels que le bois de la Cambre et autres, le Jardin Botanique dont l'Etat a fait l'acquisition dans l'intérêt de la ville, et les sommes déboursées par l'Etat de ce chef auraient pu subsidier l'enseignement pendant bien des années. Mais non, on accepte les uns et on réclame les autres, et la ville de Bruxelles, sous le prétexte qu'elle est la capitale, coûte beaucoup plus cher au pays que plusieurs autres grandes villes réunies, et je ne voterai donc pas l'amendement de l'honorable M. Funck.

Car si la ville de Bruxelles a le droit d'être ainsi traitée, les autres villes auraient le droit d'être gratifiées sous d'autres rapports comme Bruxelles et alors le trésor de l'Etat ne suffirait pas.

M. le président. - La parole est à M. Rogier.

M. Rogier. - Si l'on n'entend pas mettre aux voix l'amendement de l'honorable M. Defuisseaux à l'article 99, séance tenante, je ne parlerai pas aujourd'hui.

M. le président. - Nous sommes toujours dans la discussion générale du chapitre de l'Enseignement primaire.

(page 393) M. Rogier. - Je demande la parole sur l'article 939.

M. Pirmez. - Messieurs, je demande la parole surtout pour faire une réserve.

Je lie désapprouve pas le but qu'a voulu atteindre M. le ministre de l'intérieur en faisant sa circulaire sur la répartition des subsides.

Je crois qu'il est de la plus haute importance de maintenir l'obligation des communes d'intervenir largement dans les dépenses de l'enseignement primaire, et cela pour deux raisons.

La première raison, c'est qu'il ne faut pas abandonner les ressources très considérables qu'elles ont à cette fin, surtout celles qu'elles tirent du fonds communal tel qu'il a été d'abord constitué, et de l'augmentation votée l'an dernier qui doit produire, au moins, un million et demi annuellement à l'enseignement primaire.

La seconde raison, c'est que les communes attachent beaucoup plus de prix à l'enseignement quand elles le payent, que quand elles ne le payent pas.

Mais dans les règles que M. le ministre de l'intérieur a adoptées pour la répartition des subsides en faveur de l'enseignement primaire, il y a eu, de sa part, des erreurs considérables. L'honorable M. Anspach vient encore en indiquer une qui est évidente.

Toutes les questions que M. le ministre de l'intérieur a traitées avaient été examinées au département de l'intérieur. Mais au lieu de consulter les bureaux, M. le ministre de l'intérieur a consulté les inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire.

Or, ces fonctionnaires sont complètement étrangers à la partie financière du service de l'enseignement primaire ; ils s'occupent des méthodes, de la manière d'enseigner, du choix des livres, ce qui est tout autre chose.

M. le ministre de l'intérieur, en se privant du concours de ceux qui avaient étudié cette matière, s'est complètement égaré.

Ainsi, M. le ministre de l'intérieur s'est occupé d'une répartition de subsides par commune.

Je n'hésite pas à dire que cette répartition par commune, par règle absolue et fixe, est d'une difficulté presque insurmontable ; on a cherché jusqu'ici vainement des principes certains pour opérer cette répartition entre les communes dont la situation financière est si différente.

Mais la répartition des subsides par province peut être soumise à des règles, et il fallait évidemment commencer à répartir par province avant de répartir par commune ; ce point a été complètement perdu de vue par M. le ministre de l'intérieur.

Je vais vous montrer combien ce point est important, par la demande même qu'a faite l'honorable M. Funck, sur laquelle je m'abstiendrai. J'approuve qu'on donne à la ville de Bruxelles les 100,000 francs qu'il propose.

Je ne vois pas pourquoi la ville de Bruxelles n'obtiendrait pas une part dans les fonds de l'enseignement primaire.

Et, à ce propos, je dois dire à l'honorable M. Julliot que les communes de Limbourg sont celles qui font le moins pour l'enseignement primaire.

Les communes du Limbourg n'interviennent que pour 30 p. c. dans les dépenses qui s'y font pour l'enseignement primaire.

Bien que la ville de Bruxelles n'obtient aucun subside de l'Etat pour le service ordinaire de l'enseignement primaire, la province de Brabant reçoit plus que sa part. Or, comment se fait la répartition du subside ? C'est la députation permanente qui propose la répartition. Or, la députation permanente du Brabant n'a jamais proposé, du moins sous mon administration, d'allouer un subside à la ville de Bruxelles.

Si la députation avait proposé de lui accorder un subside, je lui aurais dit : « Parfaitement, je veux bien donner à la ville de Bruxelles le subside que vous me proposez, mais à la condition que vous fassiez payer les autres communes de la province, de manière que votre province n'ait pas plus que les autres. Elle a déjà plus aujourd'hui que les autres, bien que Bruxelles ne touche pas de subside pour l'enseignement primaire. L'inégalité serait choquante si l'on devait encore accorder un subside à la ville de Bruxelles. »

Il faudrait donc que la députation permanente et le conseil provincial du Brabant s'imposassent des règles de justice convenable, et j'engage fortement les députés de la ville de Bruxelles à user de leur influence pour atteindre à ce résultat.

Savez-vous, messieurs, ce que les communes du Brabant dépensent pour l'enseignement primaire ? J'ai ici la statistique de 1867. Les communes payent 462,000 francs ; or, s'il est exact que, comme le disent les honorables députés de Bruxelles, cette ville intervient pour 300,000 francs, vous voyez ce qui reste.

La ville de Bruxelles donne donc à elle seule presque le double de toutes les autres communes ensemble, et la province de Brabant, sauf la capitale, ne contribue que pour une part tout à fait insuffisante dans les frais de l'enseignement primaire. J'ai un jour soumis à la Chambre l'indication de plusieurs communes qui ne payaient que 50, 80 ou 100 francs.

D'où vient donc que les communes donnent si peu de chose ? C'est parce que la députation du Brabant refuse de suivre la jurisprudence de toutes les autres provinces et veut limiter la contribution des communes aux deux centimes indiqués dans l'article 23 de la loi de 1842.

Il y a évidemment là un abus dont la ville de Bruxelles souffre et qu'on doit s'empresser de faire cesser.

J'arrive à la réserve que je voulais faire. Elle touche une matière importante que je ne veux pas discuter maintenant, mais sur laquelle je tiens a faire des réserves.

M. le ministre de l'intérieur a posé, dans sa circulaire, un principe qui me paraît extrêmement dangereux.

Il veut qu'une commune consacre à l'enseignement primaire un tantième du fonds communal, ce qui n'offre rien d'exorbitant, mais il autorise à déduire du fonds communal, avant la fixation du tantième, ce que la commune consacre à la bienfaisance. Ainsi, une commune reçoit plus lorsqu'elle donne davantage au bureau de bienfaisance.

C'est la première fois que dans nos lois on introduit ce principe que l'Etat accordera des fonds pour la bienfaisance publique, c'est l'apparition d'un principe que je considère comme extrêmement dangereux. Il ne faut pas se dissimuler que le système de M. le ministre de l'intérieur consiste à faire employer les fonds du trésor à la bienfaisance. C'est là la taxe des pauvres par l'Etat. Le résultat est indirect sans doute, mais il est indubitable, si l'Etat donne plus de subside à une commune qui dépense pour la bienfaisance, qu'à une commune qui ne dépense pas les fonds du trésor servant à la bienfaisance.

J'aurais, messieurs, des observations à présenter sur cette matière, selon moi, très importante : je ne veux pas le faire aujourd'hui dans un débat qui a un caractère politique ; je me borne à dire que selon moi, il faut, au lieu d'encourager les communes à faire de la bienfaisance, faire disparaître autant que possible, même des budgets des communes, les sommes qui sont allouées à la bienfaisance publique ; je crois que ces subsides exercent le plus fâcheux effet ; je crois que tout ce qui est charité officielle, charité permanente, sans produire aucun bienfait, tend à la démoralisation. (Interruption.).

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. -- Nous sommes d'accord.

M. Pirmez. - Nous sommes d'accord en paroles, M. le ministre, j'en suis heureux, mais quand je lis votre circulaire, je trouve qu'en fait nous ne le sommes guère.

Lorsque j'étais au ministère, j'ai pris plusieurs mesures pour obliger les bureaux de bienfaisance à employer une partie de leurs ressources à l'enseignement primaire, parce que je crois que ces ressources sont mieux employées ainsi que lorsqu'elles sont consacrées à des distributions qui, presque toujours, manquent leur but. Aujourd'hui, au contraire, d'après le système de M. le ministre de l'intérieur et en vertu de sa circulaire, une commune recevra de l'Etat un subside plus fort lorsqu'elle aura voté une contribution de bienfaisance..

Il est évident que ce n'est pas encourager les communes à diminuer leur subvention ; c'est au contraire les encourager à augmenter leurs subsides aux établissements de bienfaisance.

Lorsque les administrations communales verront qu'elles peuvent recevoir de l'Etat ce qu'elles donnent à leurs pauvres, elles ne demanderont pas mieux que de donner des subsides aux établissements de bienfaisance.

Je le répète, je ne veux pas discuter en ce moment cette question. Je me réserve de l'examiner dans une autre circonstance.

- Des membres. - La clôture !

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je désire répondre quelques mots aux questions qui m'ont été posées. (Interruption.) J'abrégerai.

Messieurs, je rappellerai seulement que le point de départ de ma circulaire a été une discussion de cette Chambre en 1864. L'honorable M. Vandenpeereboom constatait que le système des subsides aux communes offrait le plus souvent un arbitraire regrettable, qu'il était utile, véritablement important, que ce serait un service à rendre à l'instruction, que de déterminer des bases égales qui s'appliqueraient à toutes les communes du pays.

S'il en est ainsi, si la circulaire du 11 décembre repose sur ce principe, (page 940) n'est-il pas évident qu'elle doit s'appliquer également aux grandes et aux plus pauvres communes ? Et par ces mots j'entends répondre à la fois à l'interpellation de l'honorable M. Anspach et à celle de l'honorable M. de Rossius.

Les villes de Bruxelles et de Liège seront placées exactement sur le même pied que toutes les communes du pays. Mais je n'admets pas qu'une grande ville, que la ville de Bruxelles, par exemple, qui reçoit 2,900,000 fr. sur le fonds communal, vienne se plaindre de dépenses proportionnelles, alors que ces dépenses sont acceptées par de pauvres communes qui ont a peine les ressources nécessaires pour subvenir aux dépenses de la voirie vicinale et à d'autres dépenses du caractère le plus urgent, le plus indispensable.

Je crois, je l'ai déjà dit, que les grandes communes, qui sont le centre le plus actif du mouvement intellectuel, doivent donner l'exemple des sacrifices dans la matière dont nous nous occupons. Car, comme le rappelait dans la séance d'aujourd'hui l'honorable M. Frère, le fonds communal venant chaque année à s'élever dans des proportions notables, il est évident que les communes du pays, et les villes au premier rang de ces communes, sont tenues de s'imposer de nouveaux sacrifices au profit de l'instruction populaire. Je suis persuadé que, dans la pensée de l'honorable M. Frère, le chiffre d'un dixième qui se trouve inscrit dans ma circulaire, est à peine suffisant, et que lorsqu'il a proposé la loi des octrois, il était d'avis que les communes devaient aller plus loin.

L'honorable M. de Rossius m'a demandé ce que j'entendais par les dépenses ordinaires de l'enseignement primaire. La circulaire dont il a donné lecture, parle en effet des dépenses ordinaires. Il y aura lieu, y est-il dit, d'examiner si les communes remplissent leurs engagements en matière de dépenses ordinaires.

La définition de ce terme est consacrée par la jurisprudence administrative. Il s'agit des traitements du corps enseignant et d'autres dépenses du même genre qui répondent aux prescriptions de l'article 20 de la loi de 1842.

C'est l'article 25 de cette même loi, qui s'occupe des écoles d'adultes, des écoles gardiennes, et jamais, dans la jurisprudence de l'administration, les dépenses de cette catégorie n'ont été considérées comme les dépenses ordinaires de l'instruction primaire.

Un dernier mot, messieurs. On m'a reproché de ne pas avoir donné suite au projet de l'honorable M. Pirmez en ce qui touche les bibliothèques des écoles normales. Je déclare que je donnerai suite à ce projet et que, si je ne l'ai pas fait jusqu'à présent, c'est que, sur la liste qui avait été préparée, il y avait des livres qui, selon moi, ne convenaient point aux normalistes ; il y en avait d'autres qui présentaient un reflet de cette littérature étrangère dont l'influence néfaste a été plus d'une fois signalée.

Si mon opinion sur la valeur de ce catalogue devait être contestée, il me suffirait de citer un article d'un honorable professeur de l'université de Bruxelles qui a paru dans la Revue de Belgique de 1869 et où l'on déclare qu'il est impossible qu'un ministre belge accepte la responsabilité de ce travail.

Je renvoie à l'article de M. Veydt, qui a été publié dans la Revue de Belgique du mois de novembre 1869.

J'espère que, dans un temps très rapproché, une liste établie sur des bases plus régulières, plus méthodiques, plus complètes pourra être approuvée.

Je ne pouvais accepter la responsabilité du travail du cabinet précédent : celle du travail nouveau m'appartiendra tout entière.

- La clôture est demandée.

M. Pirmez (contre la clôture).- M. le ministre de l'intérieur déclare qu'il n'a pas donné suite à l'adjudication des livres destinés aux bibliothèques des écoles normales à cause du catalogue.

- Un membre. - Ce n'est pas là clôture.

M. Pirmez. - Si M. le ministre avait répondu à la question très simple qui lui a été posée à cet égard, il y a plusieurs semaines... (Interruption.)

Je ne puis pas laisser dire cependant que j'ai dressé un catalogue qui est une espèce d'attentat national. (Interruption.) Vous dites qu'il est impossible de croire qu'un ministre belge ait pu signer le catalogue de...

M. le président. - Vous n'avez la parole que sur la clôture.

M. Pirmez. - Je demande qu'on me permette de me disculper d'un reproche que M. le ministre de l'intérieur vient de m'adresser.

M. Vandenpeereboom. - Je demande que la Chambre veuille bien ne pas clore la discussion afin de me permettre au moins de constater que M. le ministre de l'intérieur, après s'être engagé à répondre, lors de la discussion des articles, à une série de questions que j'avais posées dans la discussion générale, n'a pas répandu à toutes ces questions. (Interruption.)

Comment ! l'honorable ministre n'avait-il pas promis de nous dire s'il a l'intention de modifier ou d'admettre la jurisprudence de ses prédécesseurs en ce qui concerne les écoles adoptées et les écoles communales ?

L'honorable ministre n'a pas dit un mot sur cette question si importante. La droite impatiente ne permet pas même au ministre de répondre. Je devrai donc me borner à protester contre ce silence obstiné, si la droite persiste à clore la discussion. Je demande que la clôture ne soit pas prononcée.

C'est afin de pouvoir présenter quelques observations sur l'interprétation qui doit être donnée aux articles 1er à 4 de la loi de 1842.

M. De Lehaye, rapporteur. - Les observations que vient de présenter l'honorable M. Vandenpeereboom ne doivent pas empêcher la Chambre de clore la discussion. L'honorable M. Vandenpeereboom peut parfaitement renouveler son interpellation lorsque nous serons arrivés à l'article 99, qui concerne précisément les points dont l'honorable membre désire entretenir la Chambre.

Eh bien, rien n'empêchera qu'on renouvelle ces observations à l'article 99.

Je proposerai donc que la Chambre veuille bien demander la clôture. L'honorable M. Vandenpeereboom pourra représenter...

M. Vandenpeereboom. - Si c'est entendu ainsi, c'est bien.

M. Frère-Orban. - Je veux faire remarquer à la Chambre qu'il lui serait impossible de prononcer la clôture après un discours d'un ministre. Ce serait contraire à toutes les traditions de la Chambre.

M. Beeckman. - On l'a fait pour vous.

M. Frère-Orban. - C'est inexact, on a toujours permis de répondre à un ministre. Mais ce qui serait odieux, ce serait d'empêcher de répondre lorsqu'un ministre a lancé une inculpation contre un prédécesseur.

M. le ministre de l'intérieur a déclaré, en adhérant à un passage d'un écrit dont il a donné lecture, que son prédécesseur était coupable pour avoir approuvé un pareil catalogue.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Vous exagérez.

M. Frère-Orban. - C'est donc une attaque directe contre son prédécesseur et vous ne voulez pas entendre M. Pirmez lorsqu'il ne réclame que quelques minutes pour se défendre.

M. Pirmez. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur nous a lu un passage d'une revue dans laquelle on attaque avec beaucoup de vivacité le catalogue des livres qui sont destinés à être donnés en prix dans les athénées royaux.

Ce catalogue est dressé non directement par le ministre de l'intérieur, mais par le conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen.

Je voudrais bien savoir si M. le ministre de l'intérieur prétendra que les membres de ce conseil ne sont pas assez éclairés et assez patriotes pour rédiger convenablement ce catalogue.

Du reste, le catalogue dont vient de parler M. le ministre ne se rapporte pas aux bibliothèques des écoles normales, mais aux livres, destinés à être distribués en prix dans les athénées royaux,

Je demanderai à M. le ministre quels sont les ouvrages qu'il proscrit et qu'il met ainsi à son index.

Il faut qu'il sache bien qu'il s'agissait d'un acte fait ; il y avait eu adjudication de livres.

M. le ministre de l'intérieur l'a annulée, parce qu'il trouve le catalogue détestable.

Je demande à M. Kervyn de me dire quels sont les ouvrages que j'ai voulu mettre entre les mains des normalistes et qu'il faut repousser. Si M. le ministre de l'intérieur ne veut pas s'expliquer, je devrai croire qu'en repoussant le catalogue il a eu des motifs qu'il ne veut pas avouer.

- Plusieurs voix. - La clôture !

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Pirmez vient de vous déclarer que l'article de M. Veydt ne se rapportait pas aux bibliothèques des écoles normales, mais aux livres destinés à être distribués en prix dans les athénées royaux.

Cela n'est point exact. L'article de M. Veydt se rapporte à la fois à la liste générale des livres qu'on donne en prix dans les athénées royaux et au catalogue des écoles normales, mais principalement à ce catalogue. Je fais (page 941) remarquer que la citation que je vais reproduire, offre une appréciation assez vive. Je me borne à lire :

« A M. le ministre de l’intérieur.

« Certain employé en librairie vient, M. le ministre, de commettre un faux assez audacieux au préjudice de votre réputation d'homme de goût et d'esprit lettré. Chargé d'un vieux fonds de magasin, ce faussaire a saisi l'occasion de votre excellente circulaire sur les bibliothèques des écoles normales ; le lendemain, il faisait imprimer un catalogue portant ces mots en tête : « Ministère de l'intérieur », ce qui a trompé le public et lui a fait croire, chose impossible, que ce catalogue était votre œuvre... »

Et plus loin :

« Mais c'est assez de badinage. Pardonnez-le-moi, monsieur, et soyez bien assuré que, comme je le disais tantôt, je suis persuadé que ce catalogue, n'est ni votre œuvre, ni celle d'un fonctionnaire de votre département. Je ne veux pas cependant vous disculper tout à fait.

« Vous avez péché par excès de bonté. Une autre œuvre apocryphe, je veux parler maintenant de la Liste générale des livres adoptés pour être donnés en prix dans les athénées royaux, ayant paru sous votre nom le 1er mars 1869, et le faussaire n'ayant pas été poursuivi, vous avez encouragé d'autres gens à l'imiter, par exemple, celui qui a fagoté votre catalogue des écoles normales.

« Il y avait pourtant matière à vous indigner, à déférer au procureur du roi la Liste générale, afin que personne ne pût supposer qu'un ministre belge, chargé de l'instruction publique, en fût l'auteur. »

M. Bara. - Mais pourquoi, M. le ministre, dites pourquoi ?

M. Frère-Orban. - Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je dis donc qu'au point de vue littéraire ce catalogue a été sévèrement jugé...

M. Bara. - Qu'est-ce que cela signifie ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je suis persuadé que ce catalogue n'est pas l'œuvre de M. Pirmez. Mais, après l'avoir examiné, je ne puis que partager l'opinion de M. Veydt.

M. Bara. - Dites pourquoi.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je crois que ce catalogue est insuffisant, qu'il ne répond pas au but qu'on poursuit ; et puisque ma responsabilité est engagée, ce sera lorsque ce programme aura été revu, qu'il appartiendra aux honorables interrupteurs de juger les modifications qu'il aura subies.

M. Pirmez. - Je demande la parole.

- Voix à droite. - La clôture !

M. le président. - La clôture est demandée.

M. Pirmez. - J'avoue que je ne comprends pas qu'un ministre vienne de flétrir l'œuvre de son prédécesseur et n'ait pas d'autre raison à apporter que l'extrait d'un article de revue et d'un article humoristique où il s'agit de faux, de procureur du roi, d'une citation que je ne puis comprendre et que M. Kervyn ne comprend peut-être pas plus que moi...

M. Bouvier. - Il a été victime d'une mystification.

M. Pirmez. - On dit à mes côtés que cet article blâme ce catalogue parce qu'il est trop catholique ; je n'en sais rien.

Mais ce que je sais, c'est qu'un ministre ne doit pas abriter son opinion sous des tiers ; tantôt c'est un fonctionnaire de son département derrière lequel M. le ministre se retranche ; maintenant c'est un journaliste. (Interruption.)

Je dis qu'un ministre doit avoir une opinion à lui.

Je demande à M. le ministre de l'intérieur, non pas si le programme du catalogue est arrangé avec plus ou moins d'ordre, ce qui n'a certes aucune importance...

M. le président. - Vous ne pouvez parler sur autre chose que sur la clôture, M. Pirmez.

M. Frère-Orban. - M. Pirmez a le droit de parler.

- Voix à droite. - Non ! non ! la clôture !

M. Frère-Orban. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Voix à droite. - Non, non ! La clôture !

M. Frère-Orban. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. - J'avais donné la parole à M. Pirmez contre la clôture. (Interruption.) La clôture était demandée ; M. Pirmez a demandé la parole contre la clôture.

M. Frère-Orban. - C'est avant...

M. le président. - Vous n'avez pas la parole, M. Frère.

M. Frère-Orban. - Eh bien, je la demande de nouveau pour un rappel au règlement ; j'en ai le droit.

M. le président. - Oui, pour un rappel au règlement.

M. Frère-Orban. - J'avais donc le droit de la réclamer.

- Un membre. - Vous ne l'aviez pas dit.

M. Frère-Orban. - Vous êtes dans l'erreur ; je n'ai cessé de demander la parole pour un rappel au règlement.

Le règlement veut qu'un orateur qui a la parole ne soit pas interrompu. L'honorable M. Pirmez avait la parole ; on ne pouvait donc pas l'interrompre. Or, vous avez crié « la clôture » pour l'interrompre, c'est pourquoi j'ai dit : Il a le droit de parler. (Interruption.)

M. le président. - M. Frère, vous êtes dans1 l'erreur. La clôture avait été demandée ; et j'avais annoncé que la clôture était régulièrement demandée quand j'ai donné la parole à M. Pirmez sur la clôturé.

M. Frère-Orban. - Non, ce n'est pas la seconde fois (Interruption.) que la parole a été donnée sur la clôture.

M. le président. - Maintenant, demande-t-on la clôture ?

- A droite. - Oui ! oui !

- A gauche. - L'appel nominal !

- M. Pirmez. - Je demande la parole contre la clôture.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. Pirmez. - On veut clore ; soit ! Que le scandale s'accomplisse.

Nous reprendrons cette discussion à l'article des écoles normales.

M. le président. - Je mets la clôture aux voix.

- A gauche. - L'appel nominal !

Il est procédé à l'appel nominal.

80 membres y prennent part.

50 votent pour la clôture.

29 votent contre la clôturé.

1 (M. Pirmez) s'abstient.

En conséquence, la clôture est prononcée.

Ont répondu oui :

MM. Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, De Lehaye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck et Thibaut.

Ont répondu non :

MM. Bouvier, David, De Fré, Defuisseaux, Demeur, de Rossius, Dethuin, de Vrints, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Guillery, Hagemans, Houtart, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Mascart, Muller, Orts, Rogier, Sainctelette, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Allard, Anspach, Bara et Bergé.

M. le président. - M. Pirmez est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Pirmez. - Je me suis abstenu parce qu'il s'agissait d'un discours que j'avais à prononcer.

M. le président. - Nous passons aux articles.

- A gauche. - Non ! non ! à demain !

M. Vandenpeereboom. - Il est 10 heures et un quart ; Il me paraît difficile d'entamer maintenant la discussion des articles.

M. le président. - On pourrait voter les premiers articles, sur lesquels il n'y aurait pas de discussion.

M. Bara. - Faisons les choses sérieusement.

- Voix à droite : Continuons.

Article 93

« Art. 93. Traitements de l'inspecteur général des écoles normales d'instituteurs et d'institutrices, de l'inspectrice des écoles normales d'institutrices et des inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire : fr. 59,200. »

(page 942) M. Pirmez. - Messieurs, le catalogue des livres destinés aux bibliothèques des écoles normales, qui a été si amèrement blâmé par M. le ministre de l'intérieur, a été préparé par le fonctionnaire dont le titre se trouve en tête de l'article du budget que nous discutons ; ce n'est pas, que je sache, un homme de parti. Depuis l'origine, il est à la tête de l'inspection des écoles normales, il a une longue expérience, des connaissances variées et il présentait aussi les garanties les plus complètes pour la rédaction du catalogue dont il s'agit.

Je ne fais pas cette observation pour abriter ma responsabilité ; je la conserve entière ; car je déclare avoir moi-même revu le catalogue.

Pour comprendre combien la mesure d'annulation prise par M. le ministre se justifie peu, il faut connaître le système que l'administration a adopté pour le choix des livres à faire figurer aux bibliothèques.

Le catalogue, dressé comme je viens de le dire, a été envoyé aux directeurs des écoles normales, qui pouvaient choisir un tiers en valeur des ouvrages qui y figurent.

Dans les deux années prochaines, ils devaient être appelés à choisir la même quantité de livres et le catalogue devait être, à cette fin, complété pour que le choix fût toujours possible.

Que pouvait-on dès lors craindre ?

Il y avait, après les soins à donner à la confection du catalogue, le choix des directeurs qui devaient écarter les ouvrages qui leur paraissaient le moins convenir à leurs élèves.

M. le ministre de l'intérieur regrette-t-il l'absence de certains livres ? Il pouvait les ajouter en complétant le catalogue pour les choix ultérieurs a faire.

Comment, dès lors, justifier la décision de M. le ministre de l'intérieur, qui empêche la bibliothèque de se former ?

Pour moi, je n'y trouve qu'une raison, dont M. le ministre n'a pas voulu accepter la responsabilité, il a voulu donner satisfaction à certaines exigences qui vont très loin quand il s'agit de proscription de livres.

Il ne peut pas y avoir d'autres motifs.

En tout cas, M. le ministre de l'intérieur a un devoir à remplir : c'est de justifier la mesure qu'il a prise, non pas en abritant sa responsabilité derrière un article de revue, mais en désignant, dans le catalogue, les ouvrages qui ne conviennent pas.

Je demande que M. le ministre de l'intérieur fasse imprimer le catalogue aux Annales parlementaires, et, le catalogue étant sous les yeux des membres de cette Chambre, que l'honorable M. Kervyn nous indique dans la séance de demain quels sont les ouvrages dont il ne veut pas.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 93 est mis aux voix et adopté.

(Articles 94 à 98

« Art. 94. Frais de bureau de l'inspecteur général des écoles normales et des inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire : fr. 19,000. »

- Adopté.


« Art. 95. Indemnités aux inspecteurs diocésains et aux inspecteurs cantonaux ecclésiastiques des écoles primaires : fr. 54,000. »

- Adopté.


« Art. 96. Personnel des écoles normales de l'Etat et des sections normales primaires établies près des écoles moyennes ; traitements et indemnités : fr. 114,000. »

- Adopté.


« Art. 97. Traitements de disponibilité pour des professeurs des établissements normaux de l'Etat ; charge extraordinaire : fr. 5,170. »

- Adopté.


« Art. 98. Subventions des écoles normales agréées pour la formation d'institutrices : fr. 45,000. »

M. Vandenpeereboom. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si ce ne serait pas à cet article qu'il compte rattacher son amendement pour les écoles de filles.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est à l'article 99.

M. Vandenpeereboom. - Je me permets de faire cette observation pour que M. le ministre ne l'oublie pas.

- Le chiffre est adopté.

- Voix nombreuses. - A demain !

M. le président. - La discussion est remise à demain.

- La séance est levée à 10 heures et demie.