(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 839) M. de Vrints procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Vrints présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Grevesse, ouvrier à Jeneffe, demande que son fils, Théophile, milicien de 1868, incorporé au 8ème de ligne, soit renvoyé dans ses foyers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Kessel demande le maintien des commissaires d'arrondissement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Des habitants d'une commune non dénommée demandent que la loi déclare l'enseignement primaire obligatoire. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.
« Des facteurs de poste à Audenarde demandent une augmentation de traitement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Le sieur Alen demande que le chemin de fer à construire de Tirlemont à Diest passe par Oplinter, Neerlinter, Budingen, Geet-Betz, Rummen, Donck et Haelen.
« Même demande d'habitants de Rummen. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.
« Le conseil communal de Meensel-Kieseghem déclare adhérer aux demandes ayant pour objet la construction d'un chemin de fer direct de Louvain vers Diest et de cette ville au camp de Beverloo par Beeringen. »
- Même décision.
« Le sieur Meersman présente des observations sur des modifications à introduire dans la loi électorale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la réforme électorale.
« Des commerçants en charbon à Anvers demandent la réduction des péages sur les canaux embranchements du canal de Charleroi. »
« Même demande de commerçants en charbon à Bruxelles. »
- Renvoi a la commission permanente de l'industrie.
« M. Dries adresse à la Chambre deux exemplaires du Recueil des Bulletins de la propriété de l'année 1870 et un exemplaire du Recueil de l'année 1869. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« Le sieur Vandeputte réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la dispense nécessaire afin de contracter mariage avec sa belle-sœur. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. Magherman, appelé chez lui pour une affaire urgente, demande un congé d'un jour. »
- Accordé.
M. de Naeyer (pour une motion d’ordre). - Messieurs, dans la séance du 10' février dernier, la Chambre a renvoyé à la commission des pétitions une requête de plusieurs propriétaires et locataires de prairies situées à Ninove, entre la Dendre proprement dite et la dérivation de cette rivière appelée Molendender en amont de la ville.
Les pétitionnaires se plaignent du dommage causé aux propriétés dont il s'agit par suite des travaux de canalisation de la Dendre ; ils se plaignent surtout de ce que, jusqu'à présent, aucune mesure efficace n'a été prise pour remédier à la situation calamiteuse qui leur a été faite.
Comme cette pétition présente un caractère d'urgence, je prierai la Chambre de vouloir bien inviter la commission des pétitions à présenter un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
La discussion continue sur l'article additionnel présenté par M. Muller.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je n'hésite pas à le dire, l'amendement de l'honorable M. Muller soulève la question la plus grave qui puisse être abordée pendant tout le cours de la discussion du budget de l'intérieur.
Il ne s'agit pas seulement d'une demande de crédit. S'il ne s'agissait que d'une allocation plus ou moins considérable dans le but déjà indiqué, de favoriser l'éducation des filles, nous nous serions mis d'accord à la fin de la séance d'hier.
Ce qu'il y a dans ce débat, c'est une grande question de principe, et c'est cette question de principe qui nous sépare profondément.
Nous avons trois reproches à adresser à l'amendement de l'honorable M. Muller : Premièrement, il s'écarte de toutes les traditions administratives ; secondement, il est en opposition avec les prescriptions constitutionnelles ; en troisième lieu, il tend à créer une situation que nous jugeons mauvaise et que nous repoussons.
Et d'abord, messieurs, je ne puis m'empêcher de faire remarquer que vingt-huit années se sont écoulées depuis la loi de 1842, et que, pour la première fois, nous nous trouvons en présence d'un système qui, exposé d'abord dans une note du budget par l'honorable M. Pirmez, a été reproduit dans la séance d'hier par l'honorable M. Muller.
Il n'est pas sans intérêt, messieurs, d'insister sur ce point et de donner à la Chambre la conviction que dans le système que nous soutenons nous avons pour nous non seulement l'appui des membres de l'opinion conservatrice, mais aussi l'appui des membres les plus éminents de la gauche et notamment les traditions administratives pratiquées d'abord par l'honorable M. Rogier, ensuite par l'honorable M. Vandenpeereboom, et enfin par l'honorable M. Pirmez lui-même. (Interruption de M. Pirmez.) J'en donnerai la preuve.
Ce fut dans la discussion qui eut lieu au Sénat en 1850, que l'honorable M. Rogier prononça ces paroles :
« Ce n'est pas dans la loi d'enseignement moyen qu'il faut chercher ce qu'on enseigne aux jeunes filles, mais dans la loi d'enseignement primaire. C'est en vertu de cette loi qu'on a fondé des écoles primaires supérieures de filles. »
Nous nous trouvons donc en présence d'une affirmation précise, certaine, indubitable de l'honorable M. Rogier. Mais M. Rogier ne s'est pas borné à cette déclaration. Par un arrêté royal du 25 octobre 1861, (page 840) contresigné par l'honorable M. Rogier, la disposition suivante fut introduite :
« Art. 34. Des cours spéciaux pour la formation d'institutrices capables de donner l'enseignement primaire supérieur seront organisés, etc. »
Ainsi par cet arrêté royal, l'honorable M. Rogier organisait des cours d'enseignement primaire supérieur, et personne ne contestera, je pense, que c'était sous l'empire de la loi de 1842.
L'honorable M. Vandenpeereboom fut chargé du portefeuille de l'intérieur, et ce fut sous son administration que la question dont nous nous occupons aujourd'hui, se présenta pour la première fois comme objet de débat ou, tout au moins, comme objet d'examen.
En 1862, l'administration communale d'Arlon demanda à établir une école moyenne ou une école primaire supérieure de filles. Les considérations invoquées par la ville d'Arlon étaient exactement les mêmes que celles qui, depuis lors, ont été reproduites en toutes circonstances et qui se retrouvent encore dans la note jointe au budget présenté par l'honorable M. Pirmez. A ce point de vue, il n'est peut-être pas sans intérêt de les reproduire.
L'administration communale de la ville d'Arlon s'exprimait en ces termes :
« A mesure que l'enseignement public destiné aux hommes se développe a tous les degrés, on est de plus en plus frappé de l'indifférence qui a pesé jusqu'ici sur le développement intellectuel de l'autre sexe.
« Tandis que l'enseignement, donné aux frais de l'Etat, des provinces et des communes, offre aux hommes une série d'établissements qui leur permettent d'atteindre la limite des connaissances humaines, il ne présente aux femmes qu'un simple enseignement primaire, souvent commun aux deux sexes et souvent négligé. Tout ce qui va au delà est abandonné à la spéculation privée et aux corporations religieuses. Souvent même, le père de famille est obligé d'envoyer ses enfants à l'étranger pour y chercher une instruction qu'ils ne peuvent trouver dans leur commune.
« En un mot, il n'existe pas, pour les demoiselles, d'enseignement moyen national, et c'est une lacune profondément regrettable.
« Il faut que les jeunes filles privées des dons de la fortune puissent arriver, par leurs études, à se créer des ressources, qui, dans l'état actuel des choses, leur font généralement défaut.
« Il faut que les mères de famille puissent conserver le plus longtemps possible, sur leurs enfants, cette supériorité qui naît du développement de l'intelligence.
« Un établissement qui élèverait les études des jeunes filles au niveau des écoles moyennes de l'Etat, répondrait évidemment à un des besoins de l'époque. »
Celte note fut transmise au département de l'intérieur par le haut fonctionnaire qui, à cette époque, était chargé du gouvernement de la province de Luxembourg ; et voici, messieurs, en quels termes il appréciait les considérations développées par l'administration communale d'Arlon :
« Je dirai d'abord quelques mots des considérations générales invoquées en faveur de cette création.
« J'admets l'instruction chez les femmes, sans doute, mais graduée suivant la position sociale. Ainsi on multiplie les écoles primaires, parce que la première instruction appartient à tous les enfants, tant dans les villes que dans les campagnes. L'instruction moyenne est forcément plus restreinte, parce qu'elle est moins utile dans les familles plus nombreuses placées au bas de l'échelle sociale, là où le travail manuel doit procurer l'existence de tous les jours.
« On parle, pour les filles, d'une instruction moyenne nationale.
« Je comprends très bien l'instruction nationale pour les jeunes gens destinés à devenir des citoyens et appelés à jouer un rôle public dans la commune, dans la province et dans l'Etat. Que l'Etat, la province et la commune aient donc leurs établissements d'instruction à tous les degrés ; cela est rationnel. Mais pour les filles ? Je sais ce que l'on a écrit sur l'influence de la femme, mais je ne crois pas devoir m'arrêter à ce côté de la question, je serais entraîné trop loin. »
A cette époque, j'ai déjà eu l'honneur de le dire, le portefeuille de l'intérieur était confié à l'honorable M. Vandenpeereboom.
Le 25 avril 1863, M. Vandenpeereboom répondit en ces termes au gouverneur du Luxembourg :
«... Ce n'est pas à dire, M. le gouverneur, que je m'oppose à ce que la ville d'Arlon organise un enseignement moyen ou primaire supérieur pour les filles. Elle peut le faire à la condition, bien entendu, que cet enseignement sera soumis au régime de la loi du 23 septembre 1842, et qu'il sera donné par des institutrices à nommer en conformité de l'article 10 de la même loi. »
Le 28 janvier 1864, l'honorable M. Vandenpeereboom arrêta un programme sur lequel j'aurai à revenir tout à l'heure, programme destiné à régler les études dans les cours spéciaux des écoles normales, destinés à former des institutrices capables de donner l'enseignement primaire supérieur, toujours sous le régime de la loi de 1842.
En 1864, - je crois, messieurs, que cet exposé des faits antérieurs ne manque pas d'intérêt - une demande analogue à celle qui avait été formée par la ville d'Arlon, fut introduite par l'administration de la ville de Namur.
Le 23 avril 1864, l'honorable M. Vandenpeereboom répondit en ces termes au gouverneur de la province da Namur :
« Monsieur le gouverneur,
« J'ai l'honneur de vous faire remarquer, en réponse à votre lettre du 14 de ce mois que l'école moyenne des filles dont l'organisation est proposée par la ville de Namur n'est en réalité qu'un établissement d'instruction primaire supérieure.
« On considère à tort cet établissement comme pouvant être placé sous le régime de la loi du 1er juin 1850, laquelle ne s'occupe que de l’enseignement moyen des garçons. Il devra être soumis aux dispositions de la loi du 23 septembre 1842, et le conseil communal sera tenu de se conformer à l'article 10 de cette dernière pour la nomination des institutrices. »
Le 20 octobre 1864, la même question ayant été soulevée par la ville de Wavre, la solution du ministre de l'intérieur de cette époque fut exactement semblable.
« J'ai l'honneur de vous informer, écrivait-il, qu'à mon avis l'école de filles fondée récemment à Wavre n'est qu'une institution primaire, quel que soit, d'ailleurs, le nom qu'on lui donne. Le programme d'enseignement est plus développé que dans les écoles primaires gratuites, mais la loi ne s'y oppose pas. »
A Verviers, la même question fut également soulevée et, cette fois encore, l'honorable M. Vandenpeereboom persista dans sa jurisprudence. Il écrivait au gouverneur de Liège :
« Je pense avec vous (l'honorable M. de Luesemans était de la même opinion) que la nouvelle école de filles, récemment fondée à Verviers, ne doit pas être soumise au régime de la loi du 1er juin 1850. Elle n'est, me semble-t-il, qu'une école primaire, quel que soit, d'ailleurs, le nom qu'on lui donne.
« Le programme d'enseignement y est plus développé que dans les écoles primaires gratuites ; mais rien ne s'oppose à cette extension.
« Dans cet état de choses, l'institution tombe sous le régime de la loi du 23 septembre 1842, et le personnel enseignant doit être assimilé à celui des autres écoles primaires communales. ».
La Chambre remarquera que l'interprétation de la loi de 1842 par l'honorable M. Vandenpeereboom était exactement la même dans les différents cas que j'ai rappelés.
Cependant, comme je viens de le dire, l'administration communale d'Alost insistait vivement et le gouverneur de la Flandre orientale lui prêtait son appui.
Le 4 mars 1867, la note suivante fut placée sous les yeux du ministre de l'intérieur par le directeur du service de l'instruction publique :
« M. le ministre a toujours résolu la question en faveur de la loi de 1842. La dernière décision prise dans ce sens est relative à l'école primaire supérieure d'Alost ; elle a donné lieu à une réclamation de la part de l'administration communale qui, de même que M. le gouverneur, estime que la loi d'enseignement moyen est seule applicable... En résumé, je pense que les écoles primaires supérieures ou moyennes de filles, n'importe le nom qu'on leur donne, ne peuvent être aujourd'hui que des écoles primaires communales à programme développé et elles doivent, comme ces dernières, être soumises au régime de la loi de 1842. »
Ce fut en présence de cette insistance de l'administration communale d'Alost et du gouverneur de la Flandre orientale que l'honorable M. Vandenpeereboom rédigea une note assez longue qui s'est conservée au dossier et que je demande la permission de placer sous les yeux de la Chambre ; elle porte la date du 19 avril 1867 et elle présente d'autant plus intérêt que ce fut quelques jours après, le 26 avril 1867, que le comité de législation fut appelé à donner son avis.
« En 1842, on n'a pas songé spécialement à l'enseignement des filles, et si l'on en a parlé dans la discussion, c'est à l'enseignement des enfants pauvres du sexe que l'on a surtout fait allusion.
« Pour les communes où le conseil communal organise des écoles primaires à programme développé, il n'y a pas de difficulté ; ces écoles sont placées sous le régime de la loi de 1842. Mais quand les communes ne consentent pas à établir leurs écoles dans ce sens, quand, au contraire, elles manifestent l'intention de créer des écoles moyennes où le programme est tout à fait différent de celui admis par la loi de 1842 et que même on ne (page 841) peut être admis dans les écoles spéciales moyennes que pour autant que l'on possède des connaissances énumérées au programme de 1842, n'ont-elles pas le droit de dire que de pareils établissements ne sont prévus par aucune loi, qu'elles conservent leur liberté et que, par conséquent, elles agissent dans la plénitude de leur droit pour les établissements spéciaux comme elles agiraient pour les institutions primaires et moyennes proprement dites, avant la publication des lois de 1842 et de 1850 ?
« Quant à cette dernière loi, il ne me semble pas possible de soutenir qu'elle est applicable aux écoles de demoiselles. »
Vous le voyez, messieurs, partout dans cette note se révèle la pensée du ministre que les écoles de filles à programmes développés étaient soumises au régime de la loi de 1842.
M. Vandenpeereboom. - Je disais que, dans ce cas, il n'y avait pas de difficulté, mais qu'il y en avait dans le cas contraire, et c'est pour cela que je consultais le comité de législation. Je reconnais, du reste, que j'ai longtemps hésité.
M. Pirmez. - Et c'est pour cela que nous avons présenté notre proposition.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Vandenpeereboom avait soulevé, en s'adressant au comité de législation, une seconde question tout à fait différente : c'était celle de savoir quel était le droit des communes de créer, en dehors des lois de 1842 et de 1850, des établissements qu'elles dirigeraient à leur gré, établissements qui vivraient des subsides communaux sans la participation pécuniaire de l'Etat.
M. Vandenpeereboom. - Cette question n'était pas du tout tranchée.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il s'agissait, je le répète, d'établissements qui vivraient exclusivement de subsides communaux.
M. Muller. - C'est vous qui ajoutez cela. (Interruption.)
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je pense qu'à cet égard il y aurait de nombreux documents à citer ; mais, évidemment, cela nous entraînerait trop loin dans ce débat.
Je disais tout à l'heure que ce fut le 26 avril 1867 qu'une dépêche du département de l'intérieur réclama l'avis du comité de législation.
Ce comité ne se réunit pas immédiatement. Son avis porte la date du 6 septembre 1867. L'honorable M. Muller vous en a donné lecture, et je crois inutile de le citer de nouveau.
Je me borne à constater que cet avis exclut complètement la loi de 1850 de la discussion ; qu'il déclare qu'on ne peut soutenir sérieusement qu'elle soit applicable aux écoles dont on s'occupe ; qu'il est également défavorable à l'application de la loi de 1842 ; que, d'ailleurs, il admet ce principe, que les communes peuvent créer des établissements d'instruction en vertu de la loi de 1836.
- Un membre. - Lisez le dernier paragraphe de l'avis.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Le voici :
« Le gouvernement n'est appelé par aucune loi à intervenir dans la direction et la surveillance de ces écoles. Il en serait autrement, sans doute, si les administrations communales venaient réclamer des subsides, ces subsides pourraient n'être accordés par le gouvernement que sous certaines conditions. »
Mais il a toujours été entendu que les établissements d'instruction moyenne ne peuvent obtenir de subsides qu'en se soumettant à certaines prescriptions, et notamment à l'inspection.
Messieurs, l'avis du comité de législation fut vivement contesté au département de l'intérieur.
Au département de l'intérieur, on persistait dans la jurisprudence qui consistait à considérer toutes les écoles primaires supérieures comme régies par la loi de 1842.
A peine l'avis du comité de législation avait-il été remis que M. le directeur du service de l'enseignement primaire mettait sous les yeux du ministre les notes suivantes.
La première est du 10 octobre 1867. Elle est ainsi conçue :
« Jusqu'ici, M. le ministre a considéré les écoles primaires supérieures de filles comme des établissements d'instruction primaire soumis au régime de la loi du 23 septembre 1842. cette opinion est admise par les administrations communales des villes de Bruges, de Namur, d'Arlon et de Wavre, où il existe des établissements de l'espèce. Mais elle est. repoussée par d'autres administrations, notamment parcelles de Bruxelles, d'Alost et de Verviers.
« Le comité de législation, consulté par M. le ministre, partage l'avis de ces dernières. Dans un mémoire du 6 septembre 1867, il cherche à démontrer : 1° que les écoles primaires supérieures de filles ne tombent sous l'application d'aucune des lois qui régissent l'enseignement public aux trois degrés ; 2° que les conseils communaux peuvent ériger de semblables établissements et les administrer librement en vertu du droit qui leur appartient de fonder des institutions d'intérêt local aux termes de l'article 108, n°2, de la Constitution et de l'article 75 de la loi du 30 mars 1836 ; 3° que le gouvernement ne pourrait intervenir dans la direction et la surveillance, que si les administrations communales réclamaient des subsides. Dans ce cas, les subsides pourraient n'être accordés que sous certaines conditions.
« Il me paraît difficile d'adopter ces conclusions et ce pour les motifs exprimés dans les dépêches ainsi que dans les notes jointes au dossier.
« Le comité oublie qu'aux termes de la Constitution, article 17, l'enseignement public donné aux frais de l'Etat, c'est-à-dire aux frais des communes, des provinces et du gouvernement, doit être réglé par la loi.
« Dès lors, si l'enseignement primaire supérieur des filles ne tombe pas sous l'application de la loi de 1842, il faudra nécessairement le régler par une loi spéciale.
« Dans ce cas, il faudra : 1° retirer aux écoles les subsides dont elles jouissent sur les crédits de l'enseignement primaire ; 2e renoncer à l'idée d'organiser dans les écoles normales actuelles ou dans les nouvelles écoles normales de l'Etat, des cours spéciaux pour la formation d'institutrices capables de donner l'enseignement primaire supérieur, cours décrétés en principe par l'article 34 du règlement du 25 octobre 1861. »
La seconde note du directeur du service de l'enseignement primaire est encore plus formelle et plus explicite. Elle fut écrite le 1er octobre 1867, immédiatement après l'avis du comité de législation.
Voici comment la question était posée :
« Les écoles moyennes pour filles peuvent-elles être considérées comme des écoles primaires ? Ainsi comprises, peuvent-elles même, sans s'écarter des vues du législateur, avoir un programme plus détaillé, une organisation plus complète ? »
L'honorable directeur du service de l'instruction primaire répond :
« Evidemment oui ; les paroles prononcées par MM. Nothomb et Dechamps dans la discussion prouvent tout simplement que la loi de 1842 a été faite, avant tout, pour les enfants du peuple et que l'enseignement à donner à ces enfants doit être borné au strict nécessaire. Mais le législateur n'a jamais entendu interdire la création par les communes d'écoles particulièrement destinées aux enfants de la bourgeoisie et comportant un enseignement plus complet, plus développé. »
Il ajoute :
« Le législateur de 1850 a retiré au gouvernement le droit de posséder encore des écoles primaires supérieures de filles. Ceci est admis par tout le monde ; mais personne n'oserait soutenir qu'il a voulu supprimer les écoles de l'espèce. Cependant, leur suppression deviendrait inévitable si la loi de 1842 ne leur permettait pas d'exister comme établissements communaux. Il est à remarquer, en effet, que dans les matières réglées par le pouvoir législatif (comme l'enseignement public aux trois degrés) les corps constitués ne peuvent faire que ce que les lois les autorisent à faire, et ici aucune loi ne donnerait le droit d'entretenir les écoles dont il s'agit. (Interruption.)
« On oublie que l'enseignement public donné aux frais de l'Etat doit être réglé par la loi. Si le gouvernement a pu prescrire des mesures dans l'intérêt des ateliers d'apprentissage, c'est que ces établissements sont dans la loi de 1842.
« Pour moi, je persiste à croire que l'on doit appliquer la loi de 1842 aux écoles primaires supérieures de filles. C'était sans doute aussi la manière de voir de M. le ministre Rogier lorsque, par l'arrêté du 25 octobre 1861, il a prescrit l'organisation de cours spéciaux pour la formation d'institutrices capables de donner l'enseignement primaire supérieur près des écoles normales instituées en vertu de ladite loi. »
Je n'ai trouvé aucune trace de la détermination prise par l'honorable M. Vandenpeereboom. Et cela s'explique parfaitement. En effet, l'honorable M. Vandenpeereboom ne tarda pas à quitter le ministère et y fut remplacé par l'honorable M. Pirmez.
Une des premières questions qui fut soumise à l'honorable M. Pirmez, c'était la suite qu'il fallait donner à l'avis du comité de législation. On lui proposa notamment d'adresser à tous les inspecteurs provinciaux une circulaire par laquelle on leur demanderait quel était le nombre et quelle était l'organisation des différentes écoles primaires supérieures. Cette enquête devait évidemment précéder les mesures que l'on serait amené à. prendre. Vous croirez peut-être, messieurs, que cette enquête eut lieu. Pas le moins du monde, L'honorable M. Pirmez se décida résolument (page 842) sans hésitation, à maintenir la jurisprudence de l'honorable M. Vandenpeereboom et à considérer les écoles primaires supérieures comme exclusivement régies par la loi de 1842.
Aussi j'ai été quelque peu étonné tout à l'heure d'une interruption de l'honorable membre et pour me justifier, je suis obligé de mettre sous les yeux de la Chambre une note qui porte la date du 15 juin 1868, c'est-à-dire postérieure de plusieurs mois à l'avis du comité de législation.
Voici cette note. Elle est signée par le directeur du service de l'instruction primaire :
« Conférence du 15 juin 1868. M. le ministre décide de ne pas donner suite au projet de circulaire (la circulaire à adresser aux inspecteurs provinciaux pour obtenir des renseignements statistiques). Dans son opinion, les écoles primaires dites supérieures ne sont que des écoles primaires communales à programme développé. »
M. Pirmez. - Je suis parfaitement de cet avis.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Si telle est l'opinion de l'honorable M. Pirmez, nous sommes complètement d'accord. Mais si ce sont des écoles primaires supérieures, elles sont régies par la loi de l'instruction primaire et non par la loi de l'enseignement moyen.
M. Pirmez. - C'est la question.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Pas du tout. Ce sont des écoles primaires ou ce sont des écoles moyennes. Si ce sont des écoles primaires, elles tombent sous l'application de la loi de 1842. Si ce sont des écoles moyennes, elles sont régies par la loi de 1850. (Interruption.) Mais l'on voudrait qu'elles échappassent à la loi de 1842 et qu'on pût leur appliquer arbitrairement quelques dispositions isolées de la loi de 1830.
Messieurs, il n'y eut pas seulement une déclaration de l'honorable M.. Pirmez. Il fit plus ; il appliqua exactement le même système que l'honorable M. Vandenpeereboom, et sans tenir compte de l'avis du comité de législation, il continua à considérer les établissements des filles à programme développé comme relevant de la loi de 1842.
Le 19 novembre 1868, l'honorable M. Pirmez adressait la dépêche suivante au gouverneur de la province de Namur :
« J'ai l'honneur de répondre à la lettre de la députation permanente du conseil provincial, en date du 16 juillet dernier, relative à la question de savoir si le gouvernement est disposé à intervenir dans les frais qui doivent résulter, pour la ville de Dinant, de la création d'une école primaire supérieure de demoiselles.
« Cette nouvelle institution me paraît digne d'encouragement et je vous autorise à la comprendre, pour un subside maximum de cinq cents francs, dans le tableau général des ressources et des besoins du service ordinaire de l'instruction, relatif à l'exercice 1869. »
Cette dépêche, je l'ai déjà dit, porte la date du 19 novembre 1868.
Ainsi, messieurs, de 1842 à 1868, c'est-à-dire pendant 26 ans, sons 1'administration de l'honorable M. Rogier, comme sous celles de l'honorable M. Vandenpeereboom et de l'honorable M. Pirmez, un seul système avait été suivi, c'était de favoriser l'enseignement primaire supérieur des filles, mais toujours en y attachant cette condition qu'il serait régi par la loi.de 1842. (Interruption.)
J'ai invoqué tout à l'heure de nombreux documents émanés de l'honorable M. Rogier, de l'honorable M. Vandenpeereboom et de l'honorable M. Pirmez ; il en résulte à toute évidence que jusqu'en 1868 tous les subsides accordés pour les écoles supérieures de filles étaient subordonnés à cette condition qu'elles tomberaient sous l'application de la loi de 1842.
Cependant, messieurs, dans le cours de cette même année 1868, une modification à ce système, modification dont je ne me rends pas compte et qu'il ne m'appartient pas d'expliquer, se manifesta au département de l'intérieur et cette circulaire à laquelle on avait refusé de donner suite au commencement de 1868, on se décida, au mois de décembre, à l'adresser à tout les inspecteurs provinciaux.
Il n'est pas inutile de connaître quelle était, à cette époque et quelle est encore aujourd'hui la statistique de l'enseignement supérieur des filles.
On compte, messieurs, neuf établissements : Wavre, Bruxelles, Bruges, Gand, Renaix, Verviers, Arlon, Namur et Dinant. Sur ces neuf établissements, six sont régis par la loi de 1842, les trois autres n'ont jamais reçu de subsides du gouvernement. Ainsi, la situation est très nette : six écoles ont été subsidiées, parce qu'elles étaient soumises à la loi de 1842 ; les trois autres né l'ont jamais été, parce qu'elles n'acceptaient pas le régime de la loi de 1842.
C'est là une situation de fait qui confirme la situation telle que je l'indiquais tout à l'heure d'après les dépêches administratives. Les renseignements statistiques que l'on avait demandés aux inspecteurs provinciaux ne rentrèrent qu'assez lentement ; quelques mois se passèrent en délibérations, et ce ne fut qu'à la fin de 1869 que l'honorable M. Pirmez songea sérieusement à l'innovation qui trouva sa place dans le projet de budget de 1871.
Je trouve, à la date du 5 novembre 1869, la note suivante du directeur du service de l'instruction publique ; elle est très intéressante :
« La question de savoir si la loi sur l'enseignement moyen, du 1er juin 1850, devait être appliquée aux écoles primaires supérieures de filles, a été agitée au Sénat, à propos de la discussion de l'article 2, n°2, de ladite loi, article ainsi conçu : « Les établissements du gouvernement sont de deux degrés :
« 1° Les écoles moyennes supérieures, sous la dénomination d'athénées royaux ;
« 2° Les écoles moyennes inférieures dans lesquelles seront comprises les écoles primaires supérieures, ainsi que les écoles connues actuellement sous la dénomination d'écoles industrielles et commerciales : elles porteront le titre d'écoles moyennes.
« A propos de cette dernière disposition qui enlevait au régime de la loi de 1842 les écoles primaires supérieures et les comprenait dans la loi de 1850, sous le nom d'écoles moyennes, M. le sénateur comte de Baillet présenta les observations suivantes (séance du 29 mai 1850, p. 458, deuxième colonne) :
«... Indépendamment de la section des garçons, il y a aussi une section de filles attachée à l'enseignement primaire (école primaire supérieure de Bruxelles).
« Je demanderai à M. le ministre, si cette section passera sous le régime de l'enseignement secondaire, s'il y aura une école moyenne de filles. D'après l'article 2, l'école moyenne peut être annexée à l'athénée. Ce serait là un nouveau moyen d'émulation, mais je suis persuadé d'avance que le ministère n'usera pas cette faculté. Si la section des filles passe sous le régime de l'enseignement moyen, elle aura, parmi les objets d'enseignement, l'algèbre, la géométrie, l'arpentage. La musique vocale et la gymnastique lui seront sans doute plus agréables. Je ne sais si la section des filles prendra part au concours, si elles pourront participer aux bourses en faveur des élèves de l'école normale. Sérieusement, messieurs, il est toujours dangereux de toucher à une loi à propos d'une autre loi. Les écoles primaires marchent parfaitement bien, elles jouissent de la confiance des parents, etc. »
« A ces observations M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) a fait la réponse suivante (même séance, p. 402, première colonne, in fine) :
«... L'honorable sénateur d'Anvers a légèrement égayé l'assemblée, à propos des écoles primaires supérieures destinées aux filles ; il a demandé si, en vertu de la loi actuelle, on leur enseignerait la géométrie, l'arpentage et la gymnastique. Messieurs, je dois renvoyer ici l'honorable sénateur à la loi qui lui lient tant à cœur et dont il a fait un si brillant éloge, à la loi sur l'enseignement primaire.
« Ce n'est pas dans la loi d'enseignement moyen qu'il faut chercher ce qu'on enseigne aux jeunes filles, mais dans la loi d'enseignement primaire ; c'est en vertu de cette, loi qu'on a fondé des écoles primaires supérieures de filles, et en vertu du programme de cette loi qui a toutes les sympathies de l'honorable sénateur, on enseigne la géométrie et la gymnastique. Le programme légal est le même pour les garçons et pour les filles ; mais comme la loi est exécutée par des hommes de bon sens, on appelle les filles aux exercices et aux leçons qui leur conviennent, à et les garçons aux exercices qui leur conviennent de leur côté. Voilà comment les choses se passent. On n'enseigne pas la gymnastique aux filles, et cependant cela ne serait pas entièrement inutile.
« On demande ce que deviendront ces écoles destinées aux filles. Je dois le dire tout de suite, elles n'existent pas virtuellement dans la loi d'enseignement primaire, elles n'ont pas été prévues non plus dans la loi d'enseignement moyen, mais elles ne viendront pas en déduction de nos 50 écoles moyennes, qui suffiront à peine à tous les besoins. Elles resteront ce qu'elles sont aujourd'hui. Les écoles seules de garçons passent de la loi d'enseignement primaire dans la loi d'enseignement moyen. Voilà tout le système ; il n'est pas très compliqué, comme vous le voyez.
Il résulte de cette déclaration catégorique que, dans la pensée de ses auteurs, la loi de 1850 ne devait point s'appliquer aux écoles de filles. J'ajouterai que cette déduction me semble aussi ressortir de l'ensemble des dispositions de la loi.
« Quoi qu'il en soit, je vais parcourir ces dispositions, indiquer celles qui pourraient être appliquées à des écoles de filles et marquer les différences que présenterait nécessairement leur exécution suivant qu'elles (page 843) s'appliqueraient : A. aux écoles de garçons ; B. aux écoles de filles. Ce travail sera consigné dans une annexe qui accompagnera la présente note.
« Quant à l'exposé des motifs dont le cadre a été tracé par M. le ministre, il est en voie de préparation, et j'aurai l'honneur de le remettre dès qu'il sera terminé. »
Et ici, messieurs, nous nous trouvons devant un travail bizarre, devant un travail tout éclectique. (Interruption.)
Il est entendu qu'il ne s'agit plus de la loi de 1842 et l'on n'ose pas dire qu'il y a lieu d'appliquer la loi de 1850.
Il y a pour cela plusieurs motifs. A côté de la question de principe, il y a une question d'application. Or, la loi de 1850, qui n'a pas été faite pour les filles, renferme de nombreuses dispositions qu'il serait impossible d'appliquer à l'éducation des filles, de sorte que l'honorable M. Pirmez, qui veut soumettre cet enseignement à une organisation quelconque, est réduit à chercher, dans la loi de 1850, article par article, ce qu'on pourra appliquer à l'éducation des filles.
La note que j'ai sous les yeux reproduit exactement ce travail et c'est ce qui la rend, à coup sûr, digne d'intérêt.
« Observations que suggèrent diverses dispositions de la loi du 1er juin 1850 sur l'enseignement moyen, considérées au point de vue de l’établissement d'écoles moyennes de filles.
« Art. 2 et 3. Les cinquante écoles moyennes de l'Etat, autorisées par ces articles, se trouvent toutes organisées et affectées à l'instruction des garçons. Le gouvernement ne pourrait point créer pour son compte des écoles moyennes de filles sans avoir fait préalablement modifier l'article 3 de la loi.
« Art. 5. Il ne pourra être créé d'écoles moyennes de filles qu'en conformité de cet article. Ces établissements seront des écoles moyennes provinciales ou communales, avec ou sans subsides de l'Etat, ou des écoles privées patronnées par les communes.
« Art. 6 et 7. Ces articles sont applicables indistinctement aux écoles de garçons et aux écoles de filles. »
Mais à l'article 8 il y a une difficulté sérieuse, et j'appelle l'attention de la Chambre sur cette difficulté ; car nous touchons de nouveau, ici, aujourd'hui comme hier, à une de ces questions que nous rencontrons trop souvent dans les débats soulevés en matière d'instruction publique.
A l'article 8, M. le directeur de l'instruction publique remarque :
« Art. 8. C'est surtout dans cet article que réside l'importance de la mesure projetée par M. le ministre. La modification qu'il apporte au régime établi par la loi de 1842, en ce qui concerne l'enseignement religieux, portera naturellement les partisans de cette loi à rechercher et à combattre la légalité de la mesure nouvelle. »
Donc dès cette époque on prévoyait déjà le point principal de cette discussion.
Je continue ma citation :
« Art. 10. La condition d'un diplôme valable pour l'enseignement moyen du degré inférieur et celle d'être Belge ou naturalisé, sont de rigueur, en vertu de cet article, aussi bien pour les écoles moyennes de filles que pour les écoles moyennes de garçons. Nous verrons, à propos des articles 37 et 38 de la loi, les mesures qui seraient à prendre pour l'établissement de diplômes et la formation d'institutrices diplômées. En attendant, on pourrait faire application aux intéressées du bénéfice de la disposition transitoire énoncée au commencement du paragraphe premier de l'article 10. »
« Art. 26. Le programme des écoles moyennes, établi par l'article 26, pourra aussi faire le fond des études aux écoles moyennes de filles, en en retranchant l'arpentage et les autres applications de la géométrie pratique. Quant à la gymnastique, je pense qu'elle n'est pas moins utile pour les tilles que pour les garçons, seulement ce cours doit être donné alors d'une tout autre façon. Aux termes de l'article 27, d'autres cours pourront d'ailleurs être ajoutés à ceux compris dans le programme de l'article 26.
« Art. 28 et 29. Les subsides à accorder aux écoles moyennes de filles, dirigées par les provinces ou les communes, devront l'être en vertu de l'article 28. Il est toutefois à remarquer que les subsides autorisés par cet article ne concernent que le service ordinaire des établissements. L'article 28 ne comporte point l'octroi de subsides pour le service matériel des établissements d'instruction moyenne (le local, le mobilier et leur entretien). Les dépenses à résulter du service matériel sont même mises expressément à la charge des communes intéressées par les articles 20 et 25, relatifs aux athénées royaux et aux écoles moyennes de l'Etat. D'un autre côté, comme les écoles moyennes de l'Etat, pour garçons, ne reçoivent du trésor, en vertu de la loi même, qu'une subvention moyenne de 4,000 francs par école, les subsides pour service ordinaire à accorder aux écoles de filles devront, pour rester dans l'économie de la loi, être inférieurs à 4,000 francs. Pour les écoles moyennes communales de garçons, les subsides de l'Etat sont fixés à 2,000 francs pour les écoles de la catégorie inférieure, et à 3,000 francs pour les écoles des deux autres catégories. Mais à ce compte, je pense que les écoles moyennes de filles seront moins bien traitées sous le régime de la loi de 1850, qu'elles ne le sont actuellement sous le régime de la loi de 1842. Si M. le ministre voulait améliorer cette situation, il pourrait demander aux Chambres un double crédit, l'un pour le matériel, l'autre pour le service ordinaire des écoles moyennes de filles. J'aimerais mieux voir déroger à la loi en accordant des subsides pour le matériel que de voir fixer les subsides pour le service ordinaire à un taux qui ne serait plus en rapport avec le chiffre de la subvention que l'Etat accorde à ses propres écoles moyennes. La demande d'un crédit pour le matériel se justifierait facilement par la considération que les écoles moyennes communales de filles comprennent généralement une section d'enseignement primaire. Or, la loi de 1842 admet l'intervention du gouvernement dans les dépenses du matériel de l'enseignement primaire. Le crédit demandé à ce sujet ne serait donc, en quelque sorte, qu'un transfert du chapitre de l'enseignement primaire au chapitre de l'enseignement moyen. Mais les mêmes raisons devraient faire demander un pareil crédit pour les écoles moyennes communales de garçons. Jusqu'ici, les subsides pour le matériel ont été accordés à ces derniers établissements, le cas échéant, sur les crédits de l’enseignement primaire. L'occasion se présente de régulariser ce point, et je pense qu'il y a lieu d'en profiter.
« Quant aux conditions auxquelles la loi subordonne l'allocation de subsides aux établissements provinciaux ou communaux, elles sont énoncées à l'article 29. On aura à examiner quelles sont celles de ces conditions qu'on aura à exiger pour les écoles moyennes de tilles.
« Art. 33 et 34. Du moment que les écoles ci-dessus mentionnées sont placées sous le régime de la loi de 1850, elles doivent être tout naturellement soumises à l'action du conseil de perfectionnement et de l'inspection, qui sont institués par les articles 33 et 34 de ladite loi. Je ne sais pas cependant si la commission centrale et les inspecteurs de l'enseignement primaire ne se trouvent pas dans de meilleures conditions pour faire produire à des écoles de filles tout le bien qu'on peut en attendre. Cependant, je pense qu'il ne serait pas sans danger de faire cette substitution par mesure administrative à cause des conséquences que pourrait en tirer le clergé, au point de vue de l'autorité qui lui est attribuée par la loi de 1842, la même qui institue la commission centrale et les inspecteurs de l'enseignement primaire.
« Art. 36. La participation au concours général est imposée à tous les établissements d'instruction moyenne qui sont soumis au régime d'inspection établi par la loi. Si l'article 50 était appliqué aux écoles moyennes de filles, il est clair que ces écoles devraient concourir entre elles et non avec les écoles de garçons. Mais je doute qu'un concours soit même possible entre les écoles de filles, parce que les programmes des cours ne seront pas identiques. On pourra argumenter encore de cette circonstance pour soutenir que des écoles moyennes de filles n'étaient point dans les prévisions du législateur de 1850.
« Art. 37. Je pense qu'il n'est pas possible d'affranchir définitivement les institutrices des écoles moyennes de filles de la condition d'un diplôme valable pour l'enseignement moyen. C'est en vertu de l'article 37 qu'il devra être pourvu aux mesures relatives à la délivrance de ce diplôme.
« Art. 38. Il faudra aussi organiser des cours normaux destinés à former des institutrices pour les écoles moyennes de filles. Ce besoin avait déjà été prévu et un projet d'organisation préparé, mais l'exécution en a été tenue en suspens en attendant l'organisation des deux écoles normales de l'Etat pour filles.
« Art. 39. Enfin, le serment prescrit par l'article 39 devrait être prêté par le personnel enseignant des écoles moyennes de filles. »
Ainsi dans cette note on voit à chaque page se dessiner les craintes de voir la loi de 1842 appliquée dans une certaine mesure à l'enseignement primaire supérieur des filles. Le but qu'on cherche à atteindre aujourd'hui, c'est d'écarter la loi de 1842 en ce qui touche l'enseignement religieux.
Messieurs, qu'avais-je à faire moi-même dans cette situation ? La question se présentait à un double point de vue ; il y avait des mesures administratives à prendre, il y avait un budget à rédiger.
Je ne tardai pas, en effet, à me trouver devant ces mesures administratives ; j'avais recueilli dans la succession de M. Pirmez un dossier très intéressant qui se rapportait à une commune dont on a beaucoup parlé hier, la commune de Seraing. Il y a là une population ouvrière (page 844) nombreuse ; la commune de Seraing s'impose des sacrifices considérables pour subvenir aux besoins de l'instruction à tous les degrés et j'avais sous les yeux une demande de la commune de Seraing tendante à organiser l'enseignement supérieur des filles.
La commune de Seraing invoquait les considérations les plus légitimes, elle rappelait que, dans une agglomération de 22,000 habitants, il y avait de nombreux petits commerçants, de nombreux employés, ne possédant qu'une modeste aisance, qui sentaient le besoin de compléter l'instruction de leurs enfants. Il fallait de nouveaux bâtiments, il y avait encore d'autres dépenses nécessaires ; à ces titres divers, Seraing demandait un subside au gouvernement. Je n'ai pas hésité à accorder un subside à la commune de Seraing, mais au lieu de le borner a la somme de 500 francs mentionnée dans la dépêche de M. Pirmez, à la ville de Dinant, je le portai à 1,000 francs, avec cette mention que le subside serait imputé sur le crédit affecté à l'enseignement primaire. (Interruption.)
Je me borne à constater que je suis resté dans les traditions administratives de mes honorables prédécesseurs et que je n'ai rien fait dans le but de nuire à l'enseignement primaire supérieur des filles ; mais de même que mes prédécesseurs, j'ai soumis cet enseignement à la loi de 1842.
J'ajouterai, messieurs, que si, dans la séance d'hier, j'ai déclaré à l'honorable M. Muller que j'accepterais volontiers un amendement tendant à augmenter le crédit de l'enseignement primaire en ce qui touche l'enseignement supérieur des filles, c'est que j'ai acquis la certitude qu'un supplément d'allocation pourrait être utilement employé.
Mon département est saisi de plusieurs demandes tendantes à organiser ou à développer l'enseignement supérieur des filles ; je me bornerai, pour le moment, à citer les localités suivantes : Wavre, Renaix, Andenne, Pecq, Dinant et Arlon. Il se peut qu'il y en ait d'autres encore.
Qu'est-ce donc qui sépare la position que j'ai prise de celle de mon honorable prédécesseur ? C'est que, dans une note jointe à son projet de budget, il déclare qu'il veut organiser un enseignement nouveau ; c'est que l'enseignement qui a existé jusqu'à ce moment ne lui suffit plus ; qu'il faut donner à l'enseignement des filles des proportions bien autrement considérables ; et, dans cette note, l'honorable M. Pirmez, dans des phrases très élégantes et d'une rhétorique très pompeuse (Interruption) fait remarquer combien il importe aujourd'hui de développer la raison de la femme, de lui donner, en Belgique, une position égale à celle qu'elle occupe, d'après des législations diverses en France, en Allemagne, en Angleterre et en Amérique.
Messieurs, s'il ne s'agissait que de la Prusse, nous serions aisément d'accord : j'ai fait faire quelques recherches sur l'enseignement supérieur des filles en Prusse, notamment sur les établissements qui existent à Berlin et cette organisation me paraît irréprochable.
En ce qui concerne la France, j'aurais de nombreuses objections à faire quant au système adopté par M. Duruy, système qui a été vivement critiqué et dont l'expérience n'a pas été heureuse ; mais j'ajoute que je puis bien moins encore m'associer à ce que l'on nous raconte des progrès réalisés en Amérique.
Dans un ouvrage récent, M. Hippeau, qui avait reçu une mission du gouvernement français, rend compte de la situation de l'organisation supérieure des filles aux Etats-Unis, et j'avoue que ce qu'il nous en apprend ne me donne guère la tentation de l'imiter.
Arrivé dans je ne sais quelle ville des Etats-Unis, il demanda à la directrice de l'établissement d'interroger une de ses élèves les plus distinguées. La directrice posa à cette élève la question suivante :
« Si vous aviez siégé parmi les juges de Charles Ier, qu'auriez-vous fait ? »
La jeune fille se leva et répondit :
« Je l'aurais condamné à mort parce qu'il avait violé les lois de son pays. »
- Voix à gauche. - Eh bien ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - M. Hippeau ajoute que cette jeune fille avait dix-sept ans. (Interruption.) Ce sont peut-être des vertus républicaines.
- Voix à gauche. - Est-ce un mal ?
M. Muller. - Est-ce que cela résume l'enseignement ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Mais j'ajoute que j'aimerais mieux qu'une jeune fille ne s'associât pas ainsi à un acte de vengeance politique. (Interruption.)
Selon moi, le rôle de la femme est d'intervenir par la pitié et la compassion entre le juge et le bourreau, mais jamais de justifier le bourreau, même dans une sentence prononcée contre un roi. (Interruption.)
On invoque l'exemple de l'Angleterre ; les Anglais ont apporté dans toutes leurs lois et dans tous leurs usages une qualité qui les caractérise : c'est un admirable bon sens, qui n'est que l'interprétation de ce que chacun pense en soi.
Dans les universités anglais s, on ne fait aucune distinction entre un jeune homme et une jeune fille qui recherchent des grades.
La jeune fille peut siéger sur les mêmes bancs ; elle peut acquérir les mêmes diplômes, mais à une condition : c'est qu'elle soit complètement assimilée au jeune homme et qu'elle perde en quelque sorte les privilèges de son sexe.
Il existe, néanmoins, paraît-il, un règlement spécial à l'université de Cambrigde qui a subordonné l'admission des filles sur les bancs à certaines preuves de capacité.
On a voulu qu'elles connussent les langues anciennes et les langues modernes étrangères.
Et voyez combien d'ironie se mêle au bon sens de la nation anglaise 1 Pour ces aspirantes, on organise un examen qui les assimile à ceux dont elles partageront les études. Ainsi, pour le latin, on les interroge sur les six premiers livres de l'Enéide, y compris le quatrième ; pour l'allemand, sur le roman d'Hermann et Dorothea, de Gœthe ; pour le français, sur les comédies de Molière, y compris les Femmes savantes. (Interruption.)
Eh bien, messieurs, je persiste à croire que ce que nous devons désirer chez nous pour l'éducation des femmes, ce n'est pas ce que M. Hippeau a constaté en Amérique, ce n'est pas ce qui, d'après le règlement de Cambridge, existe en Angleterre, ce que M. Duruy a voulu introduire en France et ce qu'à coup sûr la Prusse n'eût jamais accepté.
Il y a quelques années, un ouvrage fut couronné en France par l'Académie des sciences morales et politiques. Je veux parler de l'ouvrage de M. Barrau ; là le devoir de la femme, son rôle, sa mission sont caractérisés avec plus de sagesse. On y lisait notamment :
« L'éducation publique, qui est pour les jeunes gens une nécessité à peu près générale, ne saurait être pour les jeunes filles qu'une exception...
« Tous les stimulants de l'éducation des jeunes gens, cette émulation, ces concours, ces prix qui activent leur âme et l'excitent à se répandre au dehors en passions énergiques, sont autant de poisons pour la jeune fille, qui doit se préparer dans le calme et le silence à une vie de dévouement, dévouement qui sera de toutes les heures, qui restera obscur et modeste, qui sera peut-être incompris. Voilà des vérités toutes simples et que notre siècle semble se plaire à méconnaître.
« Une ligne de démarcation infranchissable doit être à jamais tracée entre l'éducation publique des jeunes gens, qui est une nécessité sociale et un besoin du gouvernement, qui ne saurait être trop animée, et où le jour doit pénétrer de toutes parts ; et l'éducation donnée en commun à quelques jeunes personnes, par des maîtresses à qui des mères confient une portion de leur propre tâche, tâche avec laquelle l'Etat n'a presque rien à démêler, et qui ne saurait trop être entourée d'ombre et de silence.»
II n'y a pas longtemps qu'un économiste des plus distingués, M. Leplay, écrivait :
« Le signe de la démoralisation sociale, c'est l'intervention de la femme hors du foyer sur la scène des affaires publiques. »
A cet égard, j'exprimerai complètement et nettement ma pensée : c'est que cette éducation politique, cette éducation sociale qu'on cherche à donner à la femme ne répond ni à son rôle, ni au but que nous poursuivons. La mission de la femme est renfermée dans la famille ; c'est par la famille qu'elle doit agir sur la société.
Ce n'est pas à dire toutefois que l'éducation de la femme doit rester enchaînée dans le cadre trop étroit des connaissances qu'on lui donne à l'école primaire. Il faut que ces connaissances puissent s'étendre ; il faut que la femme puisse se perfectionner dans les arts industriels ; il faut qu'elle puisse apprendre les langues modernes ; il faut que la littérature, en ce qu'elle a de bon et d'honnête, ne lui soit pas étrangère ; (erratum, page 849) il faut qu'elle se prépare ainsi, au sein de la famille, une influence qui se reproduira au delà du foyer domestique...
M. Muller. - Mais est-ce là le programme d'une école primaire supérieure ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est l'honorable M. Vandenpeereboom qui répondra à la question qui m'est faite. L'honorable membre, quand il était ministre de l'intérieur, s'est occupé de cette question. J'ai sous les yeux un programme, dont j'ai déjà parlé, rédigé sous son administration et auquel j'adhère volontiers.
(page 845) Ce programme était destiné aux institutrices chargées d'organiser l'enseignement primaire supérieur : il n'y a qu'à l'appliquer à cet enseignement même.
- Plusieurs membres. - Insérez-le aux Annales. [inséré à la même page des Annales, non repris dans la présente version numérisée]
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ainsi, au point de vue du but à atteindre, au point de vue de l'extension exagérée à donner à l'éducation des jeunes filles, je ne suis point d'accord avec l'honorable M. Pirmez. Mais, à côté de ces considérations purement théoriques, il y a une question beaucoup plus grave qui se présente. L'honorable M. Pirmez avait-il le droit d'organiser par le budget un enseignement qui n'existait point encore ? L'article 17 de la Constitution ne forme-t-il pas obstacle à cet enseignement ?
L'article 17 de la Constitution proclame la liberté de l'enseignement et la coexistence de l'enseignement de l'Etat placé à côté de l'enseignement libre, mais il a donné à chaque enseignement des caractères essentiellement différents.
L'enseignement libre se meut dans une sphère indépendante ; il ne relève que de lui-même ; il porte la responsabilité de tous ses actes. Mais lorsque l'Etat organise son enseignement, c'est la responsabilité du gouvernement, c'est la responsabilité de la législature qui se trouve engagée ; il faut donc qu'il y ait unité dans cet enseignement ; il faut qu'il tende à un but proclamé et reconnu d'avance, et c'est pour cela que l'article 17 de la Constitution a imposé cette règle formelle que l'enseignement de l'Etat ne pouvait exister qu'autant qu'il était réglé par une loi.
Ainsi, messieurs, nous nous trouvons ici devant un enseignement qui n'est pas prévu par la loi, devant un enseignement qui ne relève ni de la loi de 1842 ni de la loi de 1850 ; et l'honorable M. Pirmez, en cherchant à modifier un des caractères organiques de notre enseignement en introduisant un régime nouveau qui, s'il s'écarte de la loi de 1842, n'emprunte à la loi de 1830 qu'une partie de ses dispositions, est arrivé ainsi à constituer une instruction toute nouvelle, qui n'a jamais existé et qui, selon moi, ne peut pas exister en vertu des prescriptions constitutionnelles.
Oh ! je sais bien, messieurs, que, dans la séance d'hier, l'honorable M, Muller a opposé à cela deux arguments. D'après lui, avant la loi de 1842, de 1830 à 1842, on a fait constamment ce qu'aujourd'hui je déclare inconstitutionnel..
De plus, d'après l'honorable M. Muller d'accord avec l'honorable M. Pirmez, nous avons nous-même donné l'exemple de ce que nous critiquons, en donnant des subsides à des écoles d'agriculture et à des écoles industrielles qui ne sont pas placées sous le régime de la loi de 1842 ni sous celui de la loi de 1850.
Messieurs, je m'étonne quelque peu de l'argumentation de l'honorable M. Muller qui siège depuis si longtemps sur les bancs de cette Chambre et qui possède une si longue expérience administrative ; je ne comprends pas que, dans la séance d'hier, il ait pu dire : Consultez les budgets de 1830 à 1842, et vous verrez que des subsides étaient accordés, notamment pour l'enseignement primaire, avant qu'il y eût une loi d'organisation.
Si je comprends bien ces paroles, l'honorable M. Muller a voulu dire que lorsque, dans cet intervalle, des subsides ont été accordés, ils l'ont été en présence de besoins et de nécessités reconnus sans qu'il y eût de loi formelle.
Eh bien, si c'est là l'interprétation que je dois donner à l'argumentation de l'honorable M. Muller, je n'hésite pas à dire qu'elle n'est que le résultat d'une profonde erreur. En effet, il existe un décret du gouvernement provisoire du 12 octobre 1830, ayant force de loi, qui porte que les encouragements donnés à l'enseignement élémentaire seront maintenus jusqu'à ce que le Congrès national ait statué sur la matière.
M. Frère-Orban. - Il a statué par l'article 17 de la Constitution.
(page 846) M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Des principes ont été posés par l'article 17 de la Constitution, mais l'enseignement n'a été définitivement organisé qu'en 1842, et jusqu'en 1842 les encouragements ont été accordés en vertu du décret de 1830. (Interruption.)
Cela n'est pas contestable. (Nouvelle interruption.)
Lorsque, en 1834, une commission a été formée pour régler cette importante matière, lorsque cette commission a préparé le travail d'où est sortie la loi de 1842, c'était pour remplir une lacune qui résultait du défaut de dispositions complètes en matière d'enseignement. (Interruption.) Il est incontestable que jusqu'à cette époque, c'est-à-dire de 1830 à 1842, les subsides accordés à l'instruction primaire n'étaient que l'exécution des dispositions du décret du gouvernement provisoire ayant force de loi.
Messieurs, une autre objection a été présentée par l'honorable M. Muller. Des subsides sont accordés aux écoles d'agriculture et aux écoles industrielles. Les écoles d'agriculture et d'industrie forment, nous dit-il, un enseignement spécial. Or, cet enseignement n'est régi ni par la loi de 1842 ni par la loi de 1850.
J'ai déjà répondu à cette objection, dans une autre séance, en faisant remarquer à l'honorable M. Pirmez que lorsque le gouvernement accordait un subside à une école d'agriculture ou à une école d'industrie, ce n'était pas là un encouragement à l'enseignement proprement dit, mais à l'agriculture ou à l'industrie. Cette opinion a toujours été celle du département de l'intérieur, et cette fois encore je ferai appel à l'honorable M. Rogier.
« Les intentions de l'auteur de la loi, du ministre de l'intérieur qui, après l'avoir défendue aux Chambres, a été chargé d'en assurer l'exécution, semblent d'autre part formellement démontrées par ce fait suffisamment significatif que, par un arrêté du 25 octobre 1852, il a fait passer dans les attributions de la division de l'industrie les écoles d'enseignement industriel et commercial pratique (c'est ainsi que s'exprime l'arrêté), non annexées à des établissements d'enseignement ordinaire, à savoir l'institut supérieur de commerce d'Anvers, les écoles industrielles de Gand et de Liège, l'école des arts et métiers de Tournai, etc., et tous autres établissements existants ou à fonder dans les mêmes conditions.
« C'est enfin le même ministre qui, en 1859, a déterminé les garanties que le gouvernement serait en droit d'exiger des communes qui demanderaient son intervention pour leurs écoles industrielles. Ces garanties consistent dans le droit d'inspection, et cette inspection est confiée à un fonctionnaire spécial, tout à fait étranger au service de l'inspection des établissements d'enseignement moyen ;
« Dans l'approbation des programmes, et cette approbation s'est toujours faite, en dehors de toute intervention d'aucune des autorités instituées par la loi du 1er juin 1850, etc.
« Le mode d'administration de ces écoles, la composition du personnel enseignant, tout a été réglé sans qu'on trouve que nulle part on ait en quoi que ce soit la pensée de se ranger sous les principes de la législation de 1850. »
M. Bara. - C'est clair.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ainsi les écoles d'agriculture intéressent l'agriculture ; les écoles d'industrie intéressent l'industrie. Mais ce n'est pas là ce qu'on peut appeler l'enseignement proprement dit.
Messieurs, je serais fort disposé à demander à l'honorable M. Muller pourquoi il repousse la proposition que j'ai eu l'honneur de lui faire à la séance d'hier. S'il s'agit d'un programme développé, nous nous entendrons, je l'espère, sur ce programme, puisque j'adhère à celui qui a été préparé en 1864 par l'honorable M. Vandenpeereboom. Dès lors je me demande pourquoi l'honorable M. Muller repousse cette proposition. C'est évidemment parce que, pour l'honorable M. Muller, il y a une différence entre les dispositions de la loi de 1842 et celles de la loi de 1850, que l'honorable M. Pirmez voulait appliquer.
Probablement, cette fois encore, il s'agit d'écarter la loi de 1842. Je pense que l'honorable M. Muller, dont je reconnais la franchise et la loyauté, n'hésitera pas à reconnaître que telle est la principale base de son amendement.
M. Muller. - Je vais m'expliquer. Les écoles moyennes de filles que nous désirons voir fonder par les communes et subsidier par le trésor public, ne doivent et ne peuvent être confondues avec une simple école primaire supérieure. Leur programme doit aller bien au delà, comprendre
d'autres matières. Que, d'autre part, il y ait des écoles primaires supérieures placées sous l'application de la loi de 1842, par suite des limites de leur enseignement, je l'admets parfaitement ; mais ce n'est pas pour ces dernières (que le budget peut déjà subventionner) qu'a été faite la proposition de l'honorable M. Pirmez, reproduite dans mon amendement.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, si cette interprétation se présente tout naturellement à mon esprit, c'est parce que je n'ai pu oublier combien de fois nous avons entendu signaler la loi de 1842 comme la cause de l'abaissement, de la dégradation de l'enseignement, et nous en concluons tout naturellement que lorsqu'on veut faire passer les écoles supérieures de filles de la loi de 1842 sous le régime de la loi de 1850, c'est pour les faire échapper à cet abaissement, à cette dégradation. (Interruption.)
Je crois, messieurs, que le programme de l'honorable M. Vandenpeereboom donnerait une satisfaction très légitime à l'honorable Muller, et s'il ne s'agissait que de la rédaction de ce programme, il me semble qu'à cet égard il serait facile de s'entendre, parce qu'on pourrait tout aussi bien le développer, comme cela a eu lieu précédemment, comme enseignement primaire supérieur que comme enseignement moyen.
Ce qui nous sépare donc, c'est qu'on veut soustraire l'enseignement supérieur des filles à la loi de 1842 pour le placer sons le régime de la loi de 1850.
Comme je le disais tout à l'heure, non seulement sur les bancs de la Chambre, mais aussi dans la presse, mais aussi dans les écrits contemporains, combien de fois n'avons-nous pas vu s'ériger un système qui prétend fortifier la raison de la femme en mettant de côté ce qu'on appelle les préjugés ! Quelle a été l'influence de ces préoccupations sur l'amendement de M. Muller ? Quelle a été l'influence de ces préoccupations sur la rédaction de la note de M. Pirmez ?
Il importe de constater que nous ne nous trouvons pas uniquement en présence de vagues théories, et que dans une grande ville du pays, dans la capitale, cet enseignement supérieur des femmes en dehors de toute influence des idées religieuses a été sérieusement organisé.
En présence de cet état de choses, j'ai bien le droit de demander s'il ne s'agit pas avant tout de donner à l'amendement de l'honorable M. Muller cette portée que nous verrons se reproduire sur une large échelle, un essai qui jusqu'à ce moment était resté à peu près isolé.
L'histoire de ces essais, de ces tentatives, de ces efforts est assez intimement mêlée à notre discussion d'aujourd'hui pour que je demande à la Chambre la permission de l'en entretenir un moment.
J'ai lu, ces jours-ci, un livre publié en 1834, écrit avec beaucoup de talent, avec une grande verve, dans un style chaleureux, qui se rapporte précisément au rôle de la femme au XIXème siècle.
L'auteur avait surtout étudié les temps de crise qui ont marqué la révolution française.
Dans ces recherches, l'auteur s'était épris d'un vif enthousiasme pour madame Roland. A son avis, les mémoires de madame Roland forment pour notre époque le traité d'éducation le plus complet et le plus sûr que l'on puisse proposer à l'étude des femmes. Il était urgent de dépouiller des préjugés érigés en principes, de substituer à une surveillance puérile la liberté qui devait les retremper. A l'influence de la religion qui avait fait son temps, il fallait substituer l'instinct de la sociabilité. »
La surveillance puérile, c'est le signe de l'esclavage des préjugés contre lequel on s'est souvent élevé ; celle, liberté qui doit retremper la femme, c'est l'instinct de la sociabilité.
« Le temps, disait cet auteur, était venu de proclamer l'émancipation de la femme. Pour atteindre ce résultat, il fallait que de la concurrence et de la liberté d'enseignement sortit l'unité. »
A qui appartenait-il de réaliser cette unité ? On l'a dit souvent dans cette enceinte, messieurs, à l'Etat. L'unité, pour quelques-uns, c'est le monopole.
« C'est à celui des concurrents qui exposera les meilleurs systèmes et exposera le plus de moyens pour les réaliser, à s'emparer insensiblement de toute l'éducation. Or, le gouvernement seul possède assez de moyens et peut s'entourer d'assez de lumières pour parvenir à ce but. »
Toujours le système de l'unité, c'est-à-dire du monopole !
« L'éducation élémentaire ne suffit plus ; il faut, ce que l'auteur appelle des écoles élémentaires. Aux sciences dont la jeune fille a déjà reçu les premières notions, on ajoutera la botanique, l'histoire naturelle, la chimie, la physique, la géométrie, l'astronomie, et les études seront variées par des exercices comprenant les courses, les jeux, la danse et le gymnase. »
M. Rogier. - Pourquoi pas ?
(page 847) M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ce livre, publié en 1834, qui est dicté par l'enthousiasme des souvenirs de Mme Roland et qui tend à créer à notre époque des vertus républicaines dont personne ne se soucie plus... (Interruption.)
Je parle des vertus républicaines de ces femmes qui montaient sur la scène politique, parfois même sur l'autel où elles recevaient l'encens de certains adorateurs...
M. Rogier. - Respecter celte femme qui a été guillotinée...
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Mme Roland n'a eu de grand dans sa vie que sa mort.
M. Bara. - Cela devrait suffire pour vous empêcher d'en mal parler.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je crois qu'il m'est bien permis de dire que ce qu'il y a de plus grand dans la vie de Mme Roland, c'est sa mort...
On s'était donc épris de ces souvenirs de Mme Roland.
M. Vandenpeereboom. — Quel est l'auteur de ce livre ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Mademoisselle Gattj de Gamond.
M. Vandenpeereboom. - Elle n'était pas née...
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ce livre parut en 1834, il a pour auteur mademoiselle Gatti de Gamond. (Interruption.) Elle n'était pas mariée à cette époque.
M. Bergé. - Il ne faut pas tronquer l'histoire dans un intérêt de parti.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, voici le livre; il porte pour titre: De la condition sociale des femmes au XIXème siècle, par mademoiselle de Gamond.
- Des membres à gauche. - Ah !
M. Funck. - Je demande la parole.
M. Bergé. - C'était une personne très orthodoxe.
M. Jottrand. - Et très orthodoxe.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je constate simplement que dans ce livre publié en 1834 par Mlle de Gamond se retrouve la théorie que nous avons reconnue à plusieurs reprises dans nos discussions, théories qui tendent par l'action développée de l'Etat à donner à l'éducation de la femme un caractère qui lui permettrait de jouer dans la société un rôle différent de celui qu'elle a rempli jusqu'à présent, sous l'empire de certains préjugés dont la société, dit-on, ne veut plus.
M. Muller. - Ce que nous voulons, c'est une instruction plus développée.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - On dit qu'à la religion qui a fait son temps il faut substituer l'instinct de la sociabilité. (Interruption.)
Je cite ce livre, je ne vais pas plus loin ; je me borne à ajouter que Mlle de Gamond, devenue Mme Gatti, eut une fille douée, je le veux bien, des mêmes talents, qui traversa rapidement l'instruction religieuse et qui plus tard fut placée par l'administration communale de Bruxelles à la tête d'un établissement où l'instruction religieuse a disparu du programme.
Jusqu'à quel point l'organisation de cet établissement exerça-t-elle une influence sur la réforme dont l'honorable M. Pirmez voulait saisir la Chambre ? c'est ce que je ne puis constater. Ce que je sais, c'est qu'au mois de mars 1868, le ministre de l'intérieur chargea un fonctionnaire de son administration d'aller visiter l'établissement de mademoiselle Gatti et de lui faire un rapport à ce sujet.
Le rapport fut complètement favorable. « Cette organisation, portait ce rapport, est telle, qu'elle fournit à la jeune fille le moyen de se faire une éducation complète. L'enseignement est donné sous l'habile direction de mademoiselle Gatti ; cela m'a paru on ne peut plus satisfaisant. »
A ce rapport était joint le programme dont je parlais tout à l'heure. En première ligne figure la morale ; de religion, il n'en est pas fait mention. Voici, du reste, comment l'administration communale de Bruxelles expliquait, dans un rapport au ministre, du 24 novembre 1864, la création de cet établissement :
« Depuis longtemps l'opinion publique signalait une lacune qui existait dans notre enseignement : on faisait remarquer avec raison que la ville de Bruxelles possède des écoles primaires pour les enfants des deux sexes appartenant à la classe pauvre, des écoles moyennes et un athénée pour les jeunes gens appartenant à la classe aisée ; qu'elle a fondé, en outre, en vertu du droit qu'elle a de créer les établissements communaux que l’intérêt public nécessite, une académie des beaux-arts, une école industrielle et des cours publics ; qu'elle accorde des subsides et des locaux à l'université libre, au conservatoire de musique, aux écoles gardiennes, aux écoles évangélique et israélite, mais qu'elle n'avait rien fait jusqu'à ce jour pour l'éducation des jeunes filles appartenant à la classe aisée ; que cet état de choses rendait incomplète l'organisation de notre enseignement communal qui obligeait le plus souvent les pères de famille à confier l'éducation de leurs filles à des corporations religieuses qui refusent à l'administration, comme elles en ont constitutionnellement le droit, tous renseignements quelconques sur leur enseignement, lequel, il faut bien le dire, n'est pas toujours à la hauteur qu'il doit atteindre dans une grande ville...
« Cet établissement ne constitue ni une école gardienne, ni une école primaire, ni une école moyenne, ni une institution d'enseignement supérieur. Il est divisé en huit sections et organisé d'une façon telle, que les enfants peuvent y entrer à tout âge et en sortir après avoir reçu l'éducation la plus solide et la plus complète.
« L'enseignement de chaque cours forme un tout complet, de manière que, si à la fin d'un cours, les parents jugent à propos d'interrompre l'éducation de leur fille, celle-ci emporte un ensemble de notions exactes sur toutes les branches qui ont fait l'objet de cet enseignement. Ce système d'éducation a spécialement pour but de permettre à la jeune fille, devenue femme, de se rendre utile dans le commerce et dans l'industrie ; il aura pour résultat, en d'autres termes, de relever le niveau moral de la femme en la préparant à appliquer, d'une manière sérieuse, les connaissances pratiques qu'elle aura acquises sur les bancs de l'école.
« Il résulte de ces faits que la nouvelle école ne tombe sous l'application d'aucune des dispositions légales qui régissent l'enseignement public. »
Ainsi, messieurs, à tous les points de vue, dans les livres comme dans les théories, dans l'opuscule de Mlle de Gamond comme dans l'école dirigée par sa fille, il s'agit toujours de relever le niveau moral de la femme ; mais l'enseignement de la religion se trouve constamment écarté.
M. Bara. - Il y a l'église et des prêtres pour cela ; et il y a pour les prêtres un traitement au budget de l'Etat.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Bara m'interrompt pour me dire que l'enseignement religieux doit se donner à l'église.
Je comprends par là qu'il ne veut pas qu'on le donne à l'école.
M. Bara. - Evidemment !
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Bara déclare donc qu'il ne veut pas que l'enseignement religieux se donne à l'école ?
M. Frère-Orban. - Comme en Hollande, comme en Irlande.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Eh bien, si c'est là le système de la gauche, qu'elle le dise donc ouvertement. (Interruption.) Si la gauche veut que ce système soit introduit dans les établissements d'instruction publique, qu'elle l'avoue franchement et qu'elle demande hic et nunc la révision de la loi de 1842.
M. Bara. - C'est vous qui voulez réviser la loi de 1850.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est donc sous l'empire de ces idées et en se plaçant à ce point de vue qu'il importe de placer les écoles primaires supérieures de filles sous le régime de la loi de 1850 ! c'est en violant les dispositions constitutionnelles, c'est en rompant avec toutes les traditions administratives que l'on veut arriver à considérer, au moins en cette matière, les écoles primaires supérieures comme relevant de la loi sur l'enseignement moyen !
M. Rogier. - L'enseignement religieux est dans la loi de 1850.
- Un membre. - L'honorable M. Bara n'en veut pas.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Bara vient de déclarer qu'il ne veut pas d'enseignement religieux dans l'école.
M. Bara. - Il y a plus de dix ans que j'ai exprimé cette opinion.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je constate que l'opinion de l'honorable M. Rogier n'est pas la vôtre.
M. le président. - M. le ministre, ne répondez, pas aux interruptions ; vous n'en finiriez pas.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Avant de terminer, je tiens à déclarer, comme je le disais tout à l'heure, que le programme qui a été rédigé, en 1864, par l'honorable M. Vandenpeereboom me paraît reproduire d'une manière satisfaisante les diverses connaissances qu'on peut ajouter au programme de l'école primaire des jeunes filles ; mais je persiste à repousser tout système qui tend à placer l'éducation primaire supérieure des filles en dehors de la loi de 1842.
La Chambre et le gouvernement ne peuvent perdre de vue que (page 848) lorsqu’on s’occupe de l’éducation des filles, ce qu'il faut surtout chercher à développer chez elles, ce sont les qualités, ce sont les vertus dont elles donneront l'exemple comme femmes et comme mères, et personne ne saurait mettre en doute que plus elles seront pénétrées de leurs devoirs plus elles seront utiles à la société.
- A droite. - Très bien !
M. le président. - La parole est à M, Elias.
- Des membres. - A mardi !
- D'autres membres. - Continuons !
M. le président. - La Chambre se. rappelle qu'il a été décidé que le samedi nous permettrions à nos collègues des provinces de partir avant quatre heures et demie. Il n'y a donc plus qu'une dizaine de minutes de séance.
J'accorderai la parole à M. Rogier, qui désire répondre quelques mots à M. le ministre de l'intérieur.
M. Rogier. - Lorsque M. le ministre de l'intérieur combattait tout à l'heure la proposition de l'honorable M. Muller, j'ai cru comprendre qu'il repoussait cette proposition, parce qu'elle supposait l'application de la loi de 1850 à l'enseignement moyen des filles, et que la loi de 1850 ne renfermait aucune disposition relative à l'enseignement religieux.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je n'ai pas dit cela.
M. Rogier. - Parce qu'elle impliquait l'absence de l'enseignement religieux.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Du tout.
M. Rogier. - En l'interrompant, je me suis borné à lui faire observer que la loi de 1850 comprend dans le programme de l'instruction moyenne l'enseignement religieux, avec invitation au clergé de venir le donner et le surveiller ; voilà ce que j'ai dit ; rien de plus ,rien de moins, et je remercie beaucoup la droite de l'obligeance qu'elle a eue de m'écouter. (Interruption.)
M. le président. - M. Rogier, si la droite s'est exclamée tout à l'heure, c'est parce que vous interrompiez constamment le ministre, et si je vous ai prié de ne pas parler en ce moment, c'est parce que vous interrompiez son discours ; mais la droite, comme la gauche de la Chambre, a toujours grand plaisir à vous entendre.
M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi allouant de nouveaux crédits provisoires au département de l'intérieur et à celui des travaux publics. Je prie la Chambre de renvoyer ce projet, comme le précédent, à la section centrale du budget de l'intérieur.
- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé, distribué et renvoyé à la section centrale du budget de l'intérieur.