(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, vice-président.)
(page 816) M. de Vrints procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Vrints présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Blankenberghe demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française. »
- -Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Roch, gendarme pensionné, demande une augmentation de pension. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Hodimont demandent que la loi mette la gymnastique parmi les branches nécessaires à l'enseignement primaire ; qu'elle oblige les établissements soumis à la loi du 1er juin 1850 à organiser d'une façon sérieuse l'enseignement de la gymnastique et qu'elle déclare ce cours obligatoire pour les élèves. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget du ministère de l'intérieur.
« Les sieurs Baesten, président, et Van Boghout, secrétaire du Nederduitschen Bond, à Anvers, prient la Chambre de décider qu'à l'Académie d'Anvers tous les cours seront donnés en flamand. »
- Même décision.
« Le sieur Luyten demande que les employés qui ne savent pas le flamand soient remplacés dans les provinces flamandes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des voituriers et des commerçants demandent des modifications aux lois et règlements sur la police des routes pavées. »
M. Lelièvre. - J'appuie la requête et, comme elle a un caractère d'urgence, je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions qui sera invitée à faire un prompt rapport.
- Adopté.
« M. Lescarts demande un congé d'un jour. »
- Accordé.
(erratum, page 838) M. Cruyt. – J’ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant abolition des droits de débit sur les boissons alcooliques et le tabac.
M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur le livre II, titre II, du code commerce relatifs aux contrats à la grosse et sur le titre XI du même livre réglant les avaries,
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - La parole est à M. Gerrits pour une rectification,
M. Gerrits. – J’ai demandé la parole pour une rectification aux Annales.
Lorsque avant-hier M. Vandenpeereboom a répondu à cette partie de mon discours où je traitais de la distribution des heures d'études à l'école moyenne et à l'athénée royal d'Anvers,, il a dit qu'il me croyait dans, l'erreur, mais qu'il n'était pas suffisamment renseigné, qu'il prendrait des renseignements.
Aujourd'hui je ne trouve pas cette expression de doute dans la reproduction de son discours. Le doute est remplacé par une négation formelle appuyée de chiffres positifs.
M. Vandenpeereboom dit :
« Il n'y a pas d'écoles primaires de l'Etat. »
Je constate tout d'abord que la rectification est au moins superflue. J'ai parlé des cours préparatoires annexés aux écoles moyennes. Ce sont des écoles primaires et pas autre chose. Si l'école où l'enfant apprend à lire n'est pas une école primaire, je voudrais bien savoir ce que ce qualificatif signifie.
Aussi l'honorable M. Vandenpeereboom se reprend-il et il ajoute :
« Quant au programme des sections préparatoires annexées aux écoles moyennes, je ne veux pas discuter cette question, mais je crois que, sur ce point comme sur d'autres, M. Gerrits a été induit en erreur.
« Le programme de la section préparatoire de l'école moyenne d'Anvers, année scolaire 1870-1871, porte :
Première année d'études : Par semaine, lecture française, 6 heures ; lecture flamande, 6 heures ; exercices français-flamands, 5 heures ; lecture, sans autre désignation, 3 heures.
« Pour ce qui concerne le cours préparatoire annexé à l'école moyenne, il suffira d'une simple explication. »
Vous voyez que M. Vandenpeereboom reconnaît qu'il y a six heures par semaine, donc une heure par jour de lecture française ; il reconnaît également qu'il y a trois heures par semaine d'exercices français-flamands.
Tout homme quelque peu au courant des exigences de l'enseignement vous dira que les exercices français-flamands n'ont d'autre résultat que de faire apprendre aux enfants un certain nombre de mots français. Les exercices anglais-français, allemands-français ne se font que dans les cours d'anglais, d'allemand. Les exercices dont parle le programme appartiennent donc au cours de français.
M. le président. - Je pense, M. Gerrits, que ce n'est pas le moment de répondre au discours de M. Vandenpeereboom.
M. Gerrits. - Je vous demande pardon, M. le président ; ce point du discours de M. Vandenpeereboom a été ajouté après coup. Je le crois du. moins ainsi. J'ai écouté avec la plus grande attention le discours de M. Vandenpeereboom et je n'ai rien entendu de tout ceci. Si je l'avais, entendu, j'y aurais répondu immédiatement. Je crois donc avoir le droit de répondre aujourd'hui.
- De toutes parts. - Oui, oui, parlez !
M. Gerrits. - Ainsi donc nous voilà à 9 heures, reste trois heures de lecture, sans autre désignation. Effectivement dans le programme qui m'avait été remis par le directeur de l'école, il y avait trois heures de lecture sans désignation spéciale ; cela m'avait paru suspect, parce que des programmes d'années antérieures portaient explicitement : lecture française. Je me suis donné la peine de me rendre dans la classe même et je déclare que le tableau affiché dans la classe porte : lecture française. Ainsi je trouve douze heures de français par semaine et comme il n'y a que cinq jours et demi de classe, j'ai été modéré en disant qu'en moyenne deux heures par jour sont employées pour l'enseignement de la langue française.
Pour ce qui concerne l'école moyenne, l'erreur de l'honorable M. Vandenpeereboom s’explique jusqu’à un certain point.
(page 817) Mais l'erreur dans laquelle il est tombé quant à la section professionnelle de l'athénée d'Anvers est tellement grande que je dois supposer qu'il a été victime d'une grossière mystification.
L'honorable M. Vandenpeereboom dit : « Je ferai remarquer encore que, dans la sixième professionnelle, c'est-à-dire la classe préparatoire, on consacre, non pas, comme le dit le député d'Anvers, onze heures par semaine au français contre trois au flamand, mais neuf heures au flamand et neuf heures au français. Il y a donc encore égalité. »
Messieurs, ici je dois reconnaître que les indications que j'avais fournies à la Chambre, je les avais puisées dans le tableau des études pour l'année 1869-1870. Ce programme m'avait été remis, il y a quelques mois, par le secrétaire du bureau administratif, à qui je m'étais permis de demander des documents.
Il y a, entre le programme pour l'année 1869-1870 et celui de l'année 1870-1871, la différence d'une heure par semaine pour l'enseignement du français.
Ce matin, après avoir lu les Annales parlementaires, je me suis rendu au local de l'Athénée royal d'Anvers et j'ai exigé qu'on me donnât le programme pour l'année courante.
Je tiens ici le programme imprimé et j'y trouve, non pas comme le dit l'honorable M. Vandenpeereboom, qu'il y a 9 heures de flamand et 9 heures de français ; mais 10 heures de français et 3 heures de flamand.
En voici la preuve : [détail non repris dans la présente version numérisée]
Il est vrai qu'il y a deux heures par semaine consacrées à un cours spécial de flamand, indiqué au tableau comme cours spécial.
Ce cours a été organisé pour les fils d'étrangers qui ne connaissent pas notre langue. Ce cours n'est donc d'aucune utilité pour les Flamands. Dans tous les cas, nous n'arrivons encore qu'à cinq heures au maximum contre dix consacrées au français.
J'ai tenu à donner ces explications, parce que j'attache du prix à ce qu'on sache que, par respect pour la Chambre, par respect pour moi-même et dans l'intérêt de la cause que je défends, je n'apporte, dans les discussions auxquelles je prends part, que des renseignements que j'ai sévèrement, scrupuleusement contrôlés.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, quand j'ai parlé des écoles primaires communales, je ne répondais pas à l'honorable M. Gerrits ; mais je faisais remarquer à la Chambre que, dans les écoles primaires communales des provinces flamandes, on donne les cours en flamand. L'honorable M. Gerrits a dit alors qu'il s'agissait des écoles primaires de l'Etat ; et l'honorable M. Pirmez, je pense, a fait observer que l'Etat n'avait pas d'écoles primaires ; j'ai ajouté alors que le gouvernement avait quelque autorité sur les écoles primaires communales et qu'il veillait à ce que dans les provinces flamandes l'enseignement y fût donné en flamand.
Voilà l'idée que j'ai soumise à la Chambre et qui est consignée dans les Annales.
On m'accuse d'avoir modifié mon discours. Modifier un discours, c'est changer le sens de ce qu'on a dit, ou dire autre chose qu'on n'a dit.
On ne peut dire qu'on modifie un discours parce qu'on développe et qu'on précise son idée.
En ce qui concerne l'enseignement du flamand à l'école moyenne et à la section professionnelle de l'athénée d'Anvers, j'ai dit que, d'après moi, l'honorable M. Gerrits devait être dans l'erreur ; j'avais des documents par devers moi.
Si je ne les ai pas communiqués à la Chambre, j'en ai dit le motif, c'est parce que ces documents m'ayant été remis au moment même où j'entrais à la séance, je n'avais pas eu le temps de les examiner ;je me suis borné à dire que l'honorable M. Gerrits, d'après moi, était dans l'erreur, parce qu'il citait le programme de l'année scolaire antérieure, au lieu de celui de l'année scolaire 1870-1871.
Après la séance, j'ai pu prendre des renseignements près de personnes parfaitement en état d'être renseignées et j'ai quelque peu encore développé et précisé l'idée que j'avais émise, c'est-à-dire que le nombre d'heures consacrées à l'étude du flamand dans l'école moyenne d'Anvers et dans la section professionnelle de l'athénée de la même ville était plus considérable que ne le croyait l'honorable M. Gerrits. Je pense qu'il n'y a pas le moindre mal à cela ; car je me suis borné à préciser mes idées ; il n'y avait là rien qui fût désobligeant pour l'honorable M. Gerrits, puisque je lui rappelais qu'une partie de ce qu'il demandait était déjà réalisée.
Du reste, j'ai tout lieu de croire que les renseignements fournis par moi, au sujet du programme de 1870-1871, sont fort exacts ; je ne l'affirme pas, puisqu'ils n'ont pas un caractère officiel ; mais je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien faire faire les vérifications nécessaires dans ses bureaux et de donner à l'honorable M. Gerrits et à moi, sinon à la Chambre, des renseignements à cet égard. Quant aux observations faites par l'honorable M. Gerrits au sujet des exercices français et flamands, je ne les rencontrerai pas, parce que je juge inutile de rouvrir encore une fois le débat sur la question flamande ; mais je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien faire prendre les enseignements indiqués dans ses bureaux et les communiquer à l'honorable Ml Gerrits et à moi.
Ces explications, je pense, satisferont complètement la Chambre.
M. Gerrits. - Messieurs,, je serai très heureux de voir M. le ministre de l'intérieur prendre des informations. Elles ne peuvent avoir qu'un résultat : c'est de faire donner satisfaction à mes réclamations.
Je dois cependant faire observer à l'honorable M. Vandenpeereboom que je produis des documents officiels, et que si l'honorable membre veut en avoir communication, je les tiens à sa disposition. Il peut se renseigner immédiatement. Après examen, le doute n'est pas possible. Ce me serait un plaisir de mettre sous les yeux de mon honorable collègue des documents qui devront le convaincre.
- L'incident est clos.
M. Sainctelette. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
M. le président. - M. Bouvier l'a déjà demandée.
M. Sainctelette. - Dans ce cas, je prie l'honorable M. Bouvier de me céder son tour de parole. M. Bouvier. - Bien volontiers.
M. Sainctelette. - Messieurs, hier, au moment où finissait la séance, l'honorable M. Couvreur a adressé à M. le ministre de l'intérieur des félicitations sur ses excellentes intentions relativement à l'enseignement de la gymnastique dans les écoles. Il a demandé que M. le ministre mît d'accord ses actes avec ses intentions, et sur mon indication il a signalé le désaccord choquant qu'il y a entre les intentions annoncées et le travail de révision des plans de l'école normale d’instituteurs à Mons, révision qui a supprimé l'emplacement du gymnase. M. le ministre a témoigné alors une certaine incrédulité. Il a paru mettre en doute l'exactitude de l'indication que j'avais donnée à l'honorable M. Couvreur.
Je tiens à établir l'exactitude parfaite du renseignement par moi fourni.
J'ai consulté l'architecte chargé par le gouvernement de dresser les plans de l'école normale de Mons et je me suis assuré que, le 31 janvier 1871, M. le ministre de l'intérieur a reçu de lui une note dans laquelle on résume les modifications décidées en présence des inspecteurs provinciaux, MM. Germain et Courtois, dans une conférence à laquelle M. le ministre de l'intérieur a, je crois, pris part, tout au moins au commencement et à la fin.
Parmi les modifications signalées se trouve la suppression de la salle de gymnastique. Je lis : « La salle de gymnastique. n°6 est supprimée. »
Je ne fais pas cette rectification pour le malin plaisir d'ajouter un nouveau chapitre aux variations de M. le ministre de l'intérieur. Je veux tout simplement saisir, avec M. Couvreur, l'occasion qu'il nous a offerte de l'inviter à conformer ses actes à son langage, et de prouver ses sympathies pour l'enseignement de la gymnastique.
Quelle meilleure démonstration pourrait-il en faire que de rétablir le plan dressé par les architectes dans les conditions premières et de maintenir la salle que je viens d'indiquer et qui a été supprimée à Mons.
Il y a du reste un fait assez extraordinaire dans cette affaire. La salle de gymnastique supprimée dans l'école de Mons, destinée à des instituteurs, est maintenue dans l'école normale de Liège, destinée à des institutrices.
J'avoue que je n'y comprends rien. Je crois que l'établissement d'un gymnase est plus nécessaire pour des élèves instituteurs que pour des élèves institutrices.
(page 818) Si donc M. le ministre a réellement pour l'enseignement de la gymnastique les sentiments favorables qu'il nous a exprimé hier, je le conjure de vouloir bien faire remanier le nouveau plan de l'école normale de Mons, et de faire restituer au gymnase l'emplacement qui lui était destiné primitivement.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, j'avoue très humblement que j'ignorais ce qui a été fait pour le gymnase de Liège, aussi bien que pour le gymnase de Mons.
Voici comment les choses se sont passées.
Il avait été convenu, lors de la réunion des inspecteurs primaires, que deux d'entre eux seraient chargés du soin d'examiner les plans des nouvelles écoles normales. L'architecte qui s'est occupé de l'école normale de Mons, s'est rendu à Bruxelles ; j'ai passé quelques instants très courts avec lui, et la conférence a eu lieu entre l'architecte de Mons, M. Hubert, et MM. les inspecteurs Courtois et Germain.
Je ne sais s'il m'a été rendu compte des détails de cette conférence. Il se peut toutefois qu'une note m'ait été adressée, et je prends bien volontiers l'engagement de rechercher si en effet on a supprimé à l'école de Mons le local destiné à l'étude de la gymnastique. S'il en était ainsi, je le ferai rétablir.
M. Bara. - M. le ministre de l'intérieur a lu hier une dépêche de M. le gouverneur du Hainaut lui adressant des félicitations de la députation permanente de cette province au sujet de la circulaire qu'il a publiée au Moniteur le 14 décembre de l'année dernière. Je me suis permis d'interrompre M. le ministre de l'intérieur et de lui dire que le contenu de cette dépêche me paraissait exagéré. En effet, il me semble impossible que la députation permanente du Hainaut ait félicité sans réserve M. le ministre de l'intérieur au sujet de cette circulaire. Sans doute, un certain nombre de communes peuvent être favorisées par la circulaire en question ; mais il en est un grand nombre qui auront à en souffrir, et c'est pourquoi je m'étonnais beaucoup que la députation permanente du Hainaut ait manifesté un aussi grand enthousiasme pour l'œuvre de M. le ministre de l'intérieur.
J'ai dit hier, messieurs, que des réclamations avaient été formulées.
En effet, j'ai été saisi de plusieurs réclamations de localités importantes de la province de Hainaut et vous allez juger si ces réclamations ne sont pas fondées.
La circulaire du 14 décembre consacre le principe le plus injuste qu'i] soit possible d'établir en matière de distribution de subsides de la part de l'Etat et de la province, et je suis convaincu qu'il ne se passera pas un très long temps avant que M. le ministre soit obligé de modifier complètement son système.
De quoi s'occupe cette circulaire ? Uniquement de la question de savoir quelle sera l'intervention du gouvernement dans les frais de l'instruction primaire.
L'honorable ministre dit que les communes devront dépenser 2 centimes additionnels, et puis 10 p. c. du revenu de leurs biens patrimoniaux et du fonds communal ; et que ce n'est qu'après avoir fait cette dépense, qu'elles pourront obtenir des subsides. Mais l'honorable ministre permet de déduire du revenu des biens patrimoniaux les intérêts des emprunts et des dettes.
Or, voici le singulier phénomène qui va se produire. Supposons deux communes : l'une ayant 50,000 francs de dettes et pas de biens patrimoniaux, et une autre ayant 50,000 francs de revenus de biens patrimoniaux et 50,000 francs de dettes. La dernière commune est évidemment la plus riche, celle qui aurait le moins de droits à des subsides. Qu'arrive-t-il ? C'est que ces deux communes seront placées absolument sur la même ligne par M. le ministre de l'intérieur.
Celle qui a 50,000 francs de revenus de biens patrimoniaux recevra les mêmes subsides que celle qui n'en a pas du tout ; de telle sorte que ce sont les communes riches qui payent le moins et les communes pauvres qui payent le plus et qui sont le moins aidées. (Interruption).
Prenons un exemple, messieurs. Le système sera plus facile à comprendre.
Supposons que la ville de Bruxelles ait 50,000 francs de revenus de biens patrimoniaux et 50,000 francs d'intérêt à servir pour couvrir ses emprunts. Comme elle peut déduire ses dettes des revenus provenant des biens patrimoniaux, elle ne paye rien sur les 50,000 francs de revenus. Mais qu'arrivera-t-il pour une commune qui n'a pas de biens patrimoniaux et qui a 50,000 francs de dettes ? Elle sera mise sur la même ligne, traitée de la même manière que si elle avait des revenus équivalents à l'intérêt de ses dettes. Je demande si c'est la de la justice distributive ? C'est la consécration d'une règle inique, contraire même à la diffusion de l'enseignement.
Il est à remarquer que la plupart des communes qui ont des biens patrimoniaux sont des communes qui ne sont pas obérées ; de telle sorte que votre circulaire va précisément à l’encontre du but que vous voulez atteindre.
Vous avez voulu frapper les communes riches. Eh bien, en permettant de déduire les dettes du revenu des biens patrimoniaux, vous n'avez pas atteint les communes riches, mais vous avez frappé celles qui n'avaient pas de biens patrimoniaux et qui avaient des dettes.
Votre règle est donc complètement injuste. Elle a pour effet de distraire de l'enseignement primaire des biens qui devraient lui être attribués, et en second lieu, elle a pour effet d'affecter d'une manière plus grave les finances des communes pauvres.
Eh bien, je dis que la députation permanente du Hainaut, qui a dû connaître comme moi les réclamations que soulevait la circulaire du 14 décembre, n'a pu adresser des félicitations aussi vives à l'honorable ministre. L'honorable gouverneur du Hainaut s'est probablement trompé sur le degré d'admiration que pouvait avoir la députation du Hainaut pour l'écrit de M. Kervyn.
Je crois que, récemment nommé par M. le ministre de l'intérieur, il en est encore, vis-à-vis de son supérieur, à la période des félicitations et des témoignages de gratitude ; mais je ne comprends pas comment la députation permanente du Hainaut aurait pu s'enticher à ce point de la circulaire du 14 décembre, qu'elle aurait chargé M. le gouverneur d'exprimer à M. Kervyn toute sa reconnaissance.
J'ai parlé tout à l'heure des réclamations qui avaient été formées. Je me permettrai de citer une lettre que l'une des localités les plus importantes du Hainaut, la ville de Péruwelz, m'a fait l'honneur de m'adresser :
« Monsieur le représentant,
« Le Moniteur du 14 de ce mois publie, à la partie non officielle, une circulaire de M. le ministre de l'intérieur à MM. les gouverneurs, relative à l'intervention des communes, des provinces et de l'Etat dans les frais de l'enseignement primaire.
« Aux termes de cette circulaire, la commune devra désormais consacrer au moins aux dépenses ordinaires de ce service :
« 1° Une somme égale au produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes, patentes comprises ;
« 2° Une somme égale à 10 p. c. de ses revenus patrimoniaux ordinaires et de sa quote-part dans le produit du fonds communal.
« La commune, ajoute M. le ministre, pourra déduire de ses revenus patrimoniaux les intérêts de ses dettes et de ses emprunts, et, du fonds des octrois, toutes les dépenses du service de la bienfaisance.
« Ce dernier paragraphe, M. le représentant, nous semble rédigé à l’encontre de la pensée qui a guidé le gouvernement, à savoir : faire intervenir d'une manière plus étendue, dans les frais de l'enseignement populaire, les communes riches, qui tirent leurs principales ressources de leurs revenus en immeubles et capitaux placés.
« Il arrivera, en effet, aux communes pauvres, possédant peu ou point d'immeubles, et ayant une dette considérable, qu'elles ne pourront opérer la réduction, prévue par le gouvernement, des intérêts, des dettes et des emprunts.
« C'est le cas qui se présente pour la ville de Péruwelz, dont les revenus patrimoniaux s'élèvent environ à 3,000 francs ; la quote-part dans le fonds communal à 28,000 francs ; les intérêts de la dette et des emprunts, à 10,000 francs et les dépenses de bienfaisance à 2,000 francs...
« Le secrétaire, E. Nicaise
« Les bourgmestre et échevins, Ed. Simon. »
Ainsi, messieurs, le système est jugé ; il est certain qu'il met sur la même ligne les communes qui ont des biens patrimoniaux et des dettes et celles qui n'ont que des dettes et pas ou peu de biens patrimoniaux, ce qui inflige à ces dernières une position plus défavorable qu'aux autres.
Qu'arrivera-t-il si le système de M. Kervyn est maintenu ? C'est que la commune qui a des biens patrimoniaux aura intérêt à contracter immédiatement un emprunt, afin de pouvoir déduire l'intérêt de cet emprunt du revenu de ses biens patrimoniaux et soustraire ceux-ci à la charge de l'enseignement.
Est-ce là un système juste et pratique ? Non, messieurs, et si M. le ministre de l'intérieur se croit un Christophe Colomb pour avoir découvert ce moyen de pourvoir aux frais de l'enseignement primaire, il se trompe. Du reste, comment juger les règles financières qu'il veut faire prévaloir ? A-t-il fait un travail constatant quels seront les résultats de ce système pour les différentes communes du royaume ? Que M. le ministre nous donne, commune par commune, un tableau indiquant les revenus de ses biens patrimoniaux, ce qu'il faut pour tenir les intérêts et l'amortissement de ses (page 819) dettes, sa part dans le fonds communal, son budget de la bienfaisance, et nous saurons alors ce que la réforme donnera, parce qu'alors nous pourrons comparer les résultats à obtenir avec ceux que l'on a aujourd'hui et que M. le ministre ferait bien de consigner aussi dans un tableau dressé commune par commune. Mais M. le ministre ne produit aucune pièce de ce genre et je pense qu'il n'a pas fait un semblable travail ; sa circulaire est basée uniquement sur une délibération des inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire, qui, eux, n'ont pas examiné la situation financière des communes. »
Je crois qu'il résultera de ces explications que la réforme de M. le ministre est tout au moins injuste pour beaucoup de communes, introduit une règle inique pour la distribution et l'a répartition des subsides de l'Etat, et entravera probablement le développement de l'enseignement primaire.
Car, si les communes ne veulent pas faire les dépenses qu'il exige, M. le ministre n'aura d'autre moyen que de leur refuser tout subside, ce qui ne peut qu'être défavorable à la propagation de l'instruction.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - La Chambre aura remarqué que la motion d'ordre de l'honorable M. Bara est un véritable discours qui se rapporte à l'enseignement primaire et à ma circulaire du 11 décembre. Je prends bien volontiers l'engagement, lorsque la Chambre en sera arrivée à l'enseignement primaire, de lui démontrer que j'ai étudié avec quelque soin les conséquences financières de l'application de ce système non seulement pour les grandes villes, mais aussi pour les communes placées dans différentes catégories de ressources et de besoins.
Ce qui importe aujourd'hui, et je pense que la motion de l'honorable membre doit rester enfermée dans ces limites, c'est de m'expliquer sur un avis récent de la députation permanente du Hainaut.
Je pense que l'honorable M. Bara ne saurait justifier ce qu'il disait tout à l'heure quand il accusait un haut fonctionnaire, récemment chargé de la direction de cette importance province, de s'être mépris sur l'expression des sentiments de la députation permanente du Hainaut.
Je me bornerai à rappeler que prenant en considération que les budgets des communes étaient formés dans presque toutes les parties du pays, au moment où ma circulaire fut publiée, j'avais autorisé les administrations provinciales à n'en appliquer les bases qu'en 1872.
Or, nous nous trouvons ici en présence d'un fait certain, précis, incontestable : c'est que l'administration provinciale du Hainaut s'est adressée, le 14 février, au gouvernement pour demander que les bases de la circulaire fussent immédiatement appliquées.
C'est qu'à coup sûr la députation permanente jugeait la mesure utile et de nature à produire de bons résultats.
En effet, si certaines communes peuvent se plaindre des sacrifices qui leur sont demandés, c'est qu'elles oublient qu'il y a au-dessus de leurs intérêts isolés un intérêt plus général : celui de l'instruction publique.
J'aime à croire du reste que dans le Hainaut comme dans les autres provinces du pays, un grand nombre de communes placent l'intérêt des populations au-dessus de leurs intérêts financiers.
Je renonce à recevoir les félicitations de l'honorable M. Bara, mais il ne saurait enlever à la résolution prise par la députation permanente du Hainaut sa valeur et son caractère.
M. Bouvier. - Messieurs, je désire attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une note insérée au Moniteur d'hier.
Personne n'ignore, messieurs, que les froments d'hiver ont énormément souffert de la gelée pendant la saison rigoureuse et que, dans beaucoup de nos provinces, ils sont compromis, pour ne pas dire perdus.
Il ne reste donc aux agriculteurs que la ressource d'emblaver leurs terres de froment d'été, autrement nommé froment de mars.
Le Moniteur, dans cette note, indique les maisons d'Anvers où l'on peut se procurer des froments de cette espèce.
Ce froment coûte très cher. Beaucoup de cultivateurs ne savent pas si ces froments ont des qualités germinatives. Comme le gouvernement s'assure de la qualité des graines de Riga, je désirerais que, dans l'intérêt de l'agriculture, il s'assurât si les graines des maisons indiquées dans la note se trouvent dans de bonnes conditions. C'est une question excessivement importante et j'espère que le gouvernement tiendra la main à ce que nos cultivateurs ne soient pas induits en erreur sur la qualité du froment dont ils auront à emblaver leurs terres.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'aime à croire que les craintes exprimées par l'honorable M. Bouvier sont exagérées. En effet, si dans certaines parties du pays il y a eu de vives inquiétudes, les renseignements d'autres provinces, parvenus au gouvernement, sont beaucoup moins alarmants ou même relativement satisfaisants.
Il paraît que depuis quelques jours la situation s'est de nouveau améliorée.
Quant au vœu spécial exprimé par M. Bouvier, je m'engage volontiers à l'examiner.
Du reste, la question si intéressante des nouvelles semailles à faire est déjà à peu près résolue.
Depuis environ trois semaines, les administrations provinciales et diverses associations agricoles se sont adressées au gouvernement pour savoir quelles étaient les ressources dont on pouvait disposer pour suppléer aux lacunes qui existaient dans les ensemencements ; on craignait qu'il n'y eût pas pour cet objet à Anvers des blés convenables en quantité suffisante.
Le gouvernement s'est prêté volontiers à toutes les démarches qu'on a réclamées de lui, et il a pu s'assurer que des froments étrangers en grande quantité étaient arrivés d'Angleterre et d'Allemagne ; il a fait insérer dans le Moniteur une note à cet égard et il a cru devoir faire quelque chose de plus ; il s'est, en effet, adressé au département des travaux publics pour obtenir que les expéditions de blé pussent se faire d'urgence afin de permettre aux agriculteurs de suppléer ainsi sans retard au défaut de blés de semence.
Des ordres ont été donnés en conséquence, et je crois qu'un avis en ce sens a paru également au Moniteur.
Nous avons donc fait tout ce que pouvions faire, nous espérons que la disette que quelques personnes redoutaient, sera écartée grâce à l'activité et à l'infatigable dévouement des agriculteurs. A ce propos, je tiens à faire remarquer combien nos sociétés agricoles ont mis de zèle pour éloigner le danger. De toutes parts ces sociétés ont pris les mesures les plus dignes d'éloges ; elles ont fait appel aux cultivateurs, elles se sont mises en rapport avec eux.
C'est par le concours de ces efforts multipliés que nous pourrons écarter toute crainte de voir la disette ajouter de nouvelles calamités à toutes celles dont nous avons été les témoins.
M. Bouvier. - Je remercie l'honorable ministre de sa sollicitude pour l'agriculture et pour tout ce qui touche à ce grand intérêt social, et j'espère qu'il mettra à exécution la mesure que je lui ai indiquée tout à l'heure.
J'ai reçu à cet égard, de la province de Luxembourg, plusieurs lettres dans lesquelles on me demandait d'obtenir du gouvernement qu'il s'assurât de la bonne qualité des semences.
Si le département de l'intérieur ne peut procéder à un examen par lui-même, ce que je comprends d'ailleurs, il pourrait charger la commission d'agriculture ou telle autre de ce genre de s'occuper de cet intérêt et je n'hésite pas à dire que l'agriculture lui en serait reconnaissante.
M. Vermeire. - Je crois qu'en cette circonstance comme en beaucoup d'autres le gouvernement doit s'abstenir de toute intervention. Il y aurait de grands inconvénients, selon moi, si le gouvernement se chargeait de procurer aux particuliers des grains à semer.
M. Bouvier. - Je n'ai pas demandé cela.
M. Vermeire. - Sans doute, la sollicitude du gouvernement doit se porter, en règle générale, sur les effets utiles que l'agriculture peut produire ; mais le gouvernement ne doit pas, ce me semble, intervenir pour fournir aux particuliers des choses qu'ils peuvent se procurer eux-mêmes ; il doit bien se garder surtout de se charger de fournir aux cultivateurs des grains à semer après s'être assuré de ses qualités germinatives, comme dit l'honorable M. Bouvier.
A une autre époque, messieurs, le gouvernement avait cru devoir s'assurer de la bonne qualité de la graine de lin à semer de Riga avant d'en permettre le débit ; eh bien, l'expérience a prouvé que du moment que le gouvernement a renoncé à cette espèce de patronage, la graine vendue était de bien meilleure qualité qu'auparavant.
Le cultivateur qui doit semer, celui surtout qui doit ensemencer une seconde fois, a le plus grand intérêt à s'assurer de la source du grain qu'il destine à cet usage ; et l'on peut, en toute sûreté, lui abandonner le soin de prendre, à cet égard, toutes les précautions qu'il croit être nécessaires.
Le gouvernement, d'ailleurs, aurait d'autant moins raison d'intervenir dans la circonstance actuelle, que déjà des maisons d'Anvers ont annoncé, par circulaires qu'elles sont en mesure de fournir d'excellent grain provenant d'Angleterre, pour les ensemencements à faire en Belgique.
(page 820) J'ajoute, messieurs, et c'est un point qu'il importe de ne pas perdre de vue, que, dans la province que j'habite et qui, sous le rapport de l'agriculture, ne le cède à aucune autre, les nouvelles semailles qu'il a fallu faire sont aujourd'hui complètement terminées. Par conséquent, la décision du gouvernement arriverait beaucoup trop tard, s'il croyait devoir s'assurer de la bonne qualité du grain à semer, avant d'en permettre l'expédition aux cultivateurs.
M. Bouvier. - Dans ma province, rien n'est encore fait.
M. Snoy. - Cela prouve que vous êtes des réactionnaires. (Interruption.)
M. Vermeire. - Je sais que, sous le rapport de l'agriculture, la province de l'honorable membre est infiniment moins avancée que d'autres.
M. Bouvier. - Je proteste contre cette assertion.
M. Vermeire. - Quoi qu'il en soit, j'engage vivement le gouvernement à ne pas suivre le conseil qu'on lui donne et qui aurait pour conséquence de le rendre impossible ou tout au moins de lui attirer de sérieuses critiques si le grain vendu aux cultivateurs, sous sa garantie, était de mauvaise qualité.
- L'incident est clos.
M. Lelièvre. - Il y a quelque temps, M. le ministre de la justice nous a annoncé la présentation d'un projet de loi proposant la suppression de la contrainte par corps en matière commerciale. Je demande si nous pouvons espérer bientôt le dépôt de ce projet. Il est attendu avec une légitime impatience par des individus dont la détention doit cesser, d'après l'opinion émise par les trois branches du pouvoir législatif. Je pense qu'il y a des motifs sérieux de hâter le décrètement d'une mesure, qui est fondée sur des considérations de premier ordre.
MjC. - Ainsi que je l'ai déjà dit à la Chambre, il sera déféré, dans le cours de la présente session, au vœu manifesté par l'honorable M. Lelièvre. Un projet de loi sur la contrainte par corps sera incessamment déposé.
M. le président. - La Chambre a clos hier la discussion générale sur le chapitre XVI, Enseignement moyen. Nous passons donc aux articles.
« Art. 80. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 81. Inspection des établissements d'instruction moyenne (personnel) : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 82. Frais de tournées et autres dépenses de l'inspection des établissements d'instruction moyenne : fr. 9,000. »
- Adopté.
« Art. 83. Frais et bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur et du degré inférieur ; subsides pour aider les élèves les plus distingués de l'enseignement normal du degré supérieur qui ont terminé leurs études à fréquenter des établissements pédagogiques étrangers : fr. 86,928. »
- Adopté.
« Art. 84. Crédit ordinaire des athénées royaux déterminé par la loi du 1er juin 1850 ; crédits supplémentaires accordés, entre autres, en vertu de la loi du 8 avril 1857 et en vertu de l'arrêté royal du 31 mars 1863 ; augmentation de traitement aux professeurs de flamand, d'allemand et d'anglais dans les athénées royaux, par application des arrêtés royaux des 27 et 28 janvier 1863 : fr. 480,278. »
- Adopté.
« Art. 85. Crédit ordinaire des écoles moyennes, déterminé par la loi du 1er juin 1850, et crédits supplémentaires accordés, entre autres, en vertu de la loi du 8 avril 1847 et en vertu de l'arrêté royal du 31 mars 1863 : fr. 413,500. »
- Adopté.
Art. 86. Bourses à des élèves des écoles moyennes : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 87. Subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne : fr. 200,000. »
M. le président. - La parole est à M. Muller.
M. Muller. - Messieurs, j'ai proposé à la Chambre d'augmenter de 10,000 francs le crédit que M. le ministre de l'intérieur a, en dernier lieu, porté à 200,000 francs et qui est destiné à subsidier des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne, soit du premier, soit du second degré.
Tout le monde, dans cette Chambre, s'accorde à dire que l'enseignement primaire doit être répandu dans tontes les communes sans exception et que les notions élémentaires qu'on y puise ne peuvent rester inconnues à aucun enfant du pays. De toutes parts, la guerre est déclarée à l'ignorance.
Ce n'est malheureusement, au point de vue du passé, qu'en 1842 qu'une loi organisant l'enseignement primaire a été adoptée par la législature.
Mais indépendamment de l'enseignement primaire, il est indispensable que dans les communes ayant une certaine population agglomérée, une instruction moins rétrécie, plus développée, soit aussi mise à la portée élu plus grand nombre des familles, c'est l'enseignement moyen qui se divise en deux branches : l'une du premier degré, qui comprend les athénées et collèges d'humanités ; l'autre, de deuxième degré, qui constitue l'école moyenne proprement dite.
C'est surtout ce dernier enseignement qu'il s'agit d'encourager et de répandre parce qu'il est un bienfait inappréciable pour les familles qui, par leur position de fortune, ne peuvent pas faire suivre à leurs fils un cours complet d'études.
La loi du 1er juin 1850 a organisé, pour l'une et l'autre section, l'enseignement moyen.
Elle a créé dix athénées et cinquante écoles moyennes de l'Etat. Indépendamment de ces établissements relevant directement du gouvernement, nous trouvons, dans la loi, deux dispositions qui sont ainsi conçues :
« Art. 28. Le gouvernement est autorisé à accorder des subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne, soit du premier degré, soit du second degré.
« Art. 29. Les subsides sont subordonnés aux conditions suivantes :
« l° Que l'établissement accepte le programme d'études qui sera arrêté par le gouvernement ;
« 2° Que les livres employés dans l'établissement, les règlements intérieurs, le programme des cours, le budget et les comptes soient soumis à l'approbation du gouvernement. »
Je demande pardon à la Chambre de devoir fatiguer son attention par la citation d'un assez grand nombre de chiffres ; mais je ne puis me dispenser de mettre en relief d'une manière globale et comparative les dépenses qui ont été imputées en 1869 sur le trésor public pour les diverses catégories d'enseignement moyen, en laissant à l'écart les frais de l'inspection.
L'Etat a dépensé pour ses dix athénées en y comprenant les suppléments et augmentations de traitements et la garantie d'un minimum permanent de minervals, 460,364 fr. 98 c. L'intervention des dix communes a été de 277,112 fr. 50 c.
Pour ses 50 écoles moyennes, la participation du trésor public s'est élevée, dans les mêmes conditions, à 392,104 fr. 16 c. Il a, en outre, consacré une somme de 15,000 francs à des bourses d'études : 300 francs par école.
Par application de l'article 28, le gouvernement a subsidié 17 collèges communaux, établissements du premier degré. Il leur a donné ensemble une somme globale de 147,429 fr. 19 c. Il a également accordé à douze écoles communales du deuxième degré une somme globale de 29,375 francs.
En dehors de ces catégories, par exception, et conformément à une promesse faite par l'honorable M. Rogier, ministre de l'intérieur lors de la discussion de la loi de 1850, la position de trois collèges du clergé patronnés par des communes, et qui étaient subsidiés par l'Etat, a été respectée sous ce dernier rapport.
Ce sont les collèges qui existent à Enghien, à Herve et à Saint-Trond, et qui prélèvent ensemble annuellement sur le trésor public 7,500 francs, en sus de 12,450 francs alloués par les communes.
Outre les établissements d'enseignement moyen dirigés ou subventionnés par le gouvernement, on trouve :
1° Trois écoles moyennes communales auxquelles l'Etat ne prête aucune aide ; deux sont établies à Bruxelles, une à Liége.
2° Sept collèges du clergé, patronnés et recevant des subsides des (page 821) communes s'élevant à 25,400 francs ; ce sont ceux de Gheel, Herenthals, Courtrai, Ostende, Poperinghe, Thielt et Eecloo ;
3° Sept écoles moyennes patronnées également du clergé et recevant ensemble 6,950 francs de subsides communaux ; ce sont : Ostende, Courtrai, Poperinghe, Eecloo, Binche, Herve et Brée ; on remarquera par cette citation que Courtrai, Ostende, Poperinghe, Eecloo et Herve ont à la fois un collège et une école patronnés.
Si nous faisons maintenant le relevé général de tous ces établissements, soit dirigés par l'Etat, soit élevés par les communes et subsidiés par les communes, soit exclusivement communaux, soit appartenant au clergé et patronnés par les communes, nous atteignons le chiffre de 109, qui comptent ensemble une population de 17,124 élèves, dont 5,569 dans les athénées, 8,513 dans les écoles moyennes de l'Etat ; 1,455 dans les collèges communaux et 1,574 dans les écoles moyennes subsidiées par le trésor public ; 456 dans les trois écoles purement communales (celle de Liège n'a été ouverte qu'au mois d'octobre 1870) ; 1,256 dans les collèges patronnés et 725 dans les écoles moyennes patronnées.
Or, sur ce chiffre de 17,124 élèves il y a eu, dans les athénées, 1,707 admissions gratuites et 219 à prix réduits.
Dans les écoles moyennes de l'Etat, 3,106 admissions gratuites et 2,7774 à prix réduit ;
Dans les collèges communaux subsidiés, 736 et 269 ;
Dans les écoles moyennes communales subsidiées, 157 et 265 ;
Dans les trois écoles communales non subsidiées, 9 et 0 ;
Dans les collèges patronnés par les communes, 186 et 331 ;
Dans les écoles moyennes patronnées par les communes (écoles du clergé) : 93 et 127.
Soit (hors athénées), 5,991 admissions gratuites et 3,985 à prix réduit.
Dans ces chiffres rangés par catégories, je tiens à faire remarquer que sur les 8,313 élèves des écoles moyennes de l'Etat, 5,880 ont été admis gratuitement ou à prix réduit, ce qui prouve que l'enseignement moyen du second degré pourvoit principalement aux besoins des classes populaires et de la petite bourgeoisie.
De la récapitulation que je viens de soumettre à la Chambre, on ne doit bas conclure qu'il y ait, en Belgique, 109 communes possédant au moins un établissement d'instruction moyenne placé plus ou moins directement sous le contrôle de l'autorité publique.
En effet, 22 communes ont à la fois des collèges et des écoles moyennes ; le chiffre de 109 doit donc être réduit à 77.
Pour compléter la revue que je viens de passer, et l'étendre aux établissements libres que l'épiscopat et les corporations religieuses ont organisés pour l'enseignement moyen, je dirai qu'ils sont renseignés dans le rapport triennal comme étant, en 1869, au nombre de 39 ; mais les trois quarts constituent des collèges d'humanités. Les écoles moyennes du second degré ne sont qu'une faible exception.
J'ajouterai, d'ailleurs, qu'il est imprudent, qu'il est dangereux pour toutes les localités en ce qui concerne l'enseignement primaire, et pour les communes quelque peu populeuses en ce qui concerne l'instruction moyenne du second degré, que l'autorité civile se repose exclusivement sur. un enseignement libre dont l'existence peut être précaire et n'est nullement garantie. A un moment donné, la commune peut se trouver dépourvue de tout enseignement ou être exposée à subir, pour en obtenir le maintien, des conditions incompatibles avec la conservation de son autorité, sérieusement exercée.
Dans une précédente séance, mon honorable collègue et ami, M. de Rossius, nous a rappelé que l'un des hommes les plus éminents de l'enseignement moyen, M. l'inspecteur Dumon, a émis l'avis, dans un rapport adressé à M. le ministre de l'intérieur, qu'il serait très utile que le nombre des. écoles moyennes fût considérablement augmenté pour satisfaire aux besoins d'un grand nombre de communes qui en sont complètement dépourvues.
Eh bien, messieurs, au 31 décembre 1869, nous avions, en Belgique, 131 communes dont la population atteignait ou dépassait 5,000 âmes, Nous avons dit plus haut que 77 communes seulement sont dotées d'un enseignement moyen contrôlé. Les 50 écoles moyennes de l'Etat sont comprises dans ce nombre, mais parmi elles 22 ont une population inférieure à 5,000 âmes ; nous constatons, en conséquence, que, sur 131 communes de 5,000 âmes et au delà, 76 n'ont d'enseignement moyen d'aucun degré.
Ainsi, messieurs, je citerai, dans la province de Liège, des localités importantes qui en sont dépourvues : Seraing, qui a 22,000 âmes ; Dison, Herstal, etc.
Chacun de vous, messieurs, pourra citer des situations analogues pour sa province.
Le nombre des écoles moyennes est tellement insuffisant, qu'il a préoccupé le gouvernement et dans le rapport triennal qui nous a été distribué il y a quelque temps, nous lisons les passages suivants :
« Dans sa séance du 14 juillet 1868, le conseil provincial du Luxembourg a émis le vœu que la loi du 1er juin 1850 soit révisée, en ce sens que le nombre des écoles moyennes de l'Etat, fixé à cinquante, puisse être augmenté et que l'arrondissement de Bastogne soit doté d'un établissement de ce genre.
« Des administrations de localités importantes ont exprimé un vœu dans le même sens quant à l'augmentation du nombre des écoles.
« Le gouvernement n'ignore pas que les besoins de l'instruction moyenne ont grandi depuis vingt ans et croit, lui aussi, qu'il serait désirable que l'enseignement du degré inférieur de l'Etat pût être étendu. Cet enseignement, tel qu'il a été organisé, a rendu de grands services. Dans les centres industriels, de même que dans ceux qui, comme Bastogne, se trouvent privés d'un athénée ou d'un collège communal, l'influence des écoles moyennes s'est fait sentir d'une manière très favorable. Il est à regretter que le législateur de 1850 n'ait pas laissé plus de latitude au pouvoir central et que l'on ait cru devoir lier l'avenir par une disposition formelle.
« Aussi le gouvernement avait-il l'intention de proposer aux Chambres une disposition dans le sens d'une augmentation du nombre des écoles moyennes de l'Etat, mais il y avait préalablement à examiner et à résoudre beaucoup de points d'un ordre subsidiaire, qui tous méritaient d'être mûrement étudiés.
« En attendant que ces questions fussent élucidées, il restait provisoirement un moyen, pour l'Etat, de concourir indirectement à la réalisation des vœux qui lui étaient soumis : c'était d'engager les communes à ériger des écoles moyennes et de leur promettre l'intervention du trésor public conformément à l'article 28 de la loi. Ce moyen il y a eu recours chaque fois que l'occasion s'en est présentée. »
Voici, messieurs, un autre passage du même rapport triennal sur l'enseignement :.
« Le nombre des établissements communaux d'enseignement moyen, subventionnés par le trésor public a été en 1869 de 29, dont 17 collèges et 12 écoles moyennes.
« Les collèges sont établis à Malines, Diest, Louvain, Nivelles, Tirlemont, Ypres, Ath, Charleroi, Chimay, Thuin, Huy, Verviers, Beeringen, Tongres, Bouillon, Virton et Dinant.
« Les écoles moyennes à Ixelles, Schaerbeek, Audenarde, Lokeren, Termonde. Fleurus, Pecq, Quiévrain, Beauraing, Châtelet, Jumet et Ninove. Il est à remarquer qu'avant de solliciter le bénéfice de l'article 28 de la loi, des communes avaient demandé que le gouvernement proposât à la législature une augmentation du nombre des écoles moyennes de l'Etat ; leur but était de devenir le siège de l'une de ces écoles.
« Le gouvernement a recueilli les renseignements nécessaires pour résoudre cette question, et, en attendant sa solution, a engagé les administrations dont il s'agit à créer, pour le moment, tout au moins des écoles communales qui seraient subventionnées par le trésor public.
« Beaucoup de communes ont manifesté depuis l'intention d'établir des écoles du même genre. »
C'est donc pour satisfaire, dans une certaine mesure, au vœu manifesté par plusieurs communes, et parce qu'il reconnaissait lui-même que le nombre des écoles moyennes était tout à fait insuffisant, que l'honorable M. Pirmez, ministre de l'intérieur, dans le projet de budget qu'il nous a soumis au mois de janvier 1870, et qui est venu à tomber par suite de la dissolution, augmentait de 20,000 francs le chiffre antérieurement alloué pour subvenir aux établissements communaux du premier et du second degré.
Il justifiait ainsi son augmentation :
« Cette augmentation de 20,000 francs est demandée pour l'allocation de subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne.
« Elle est nécessitée notamment par la création, dans un certain nombre de localités, d'écoles moyennes communales, dans la dépense desquelles le gouvernement intervient pour une part. »
Messieurs, lorsque j'ai parcouru le nouveau projet de budget de l'intérieur qui nous a été soumis par l'honorable M. Kervyn de Lettenhove, je n'ai plus, à ma grande surprise, trouvé cette allocation ; il l'a fait disparaître, si je puis m'exprimer ainsi, par prétention, sans motifs indiqués, sans note d'avertissement.
Il fallait comparer l'un et l'autre projet de budget pour s'apercevoir de cette suppression.
Il en est de même pour les 50,000 francs destinés aux écoles moyennes de filles et pour les 15,000 francs destinés à organiser les concours dans les classes supérieures des écoles d’adultes, deux autres postes nouveaux (page 822) présentés par M. Pirmez ; je le répète, tout cela a disparu du budget, rectifié par M. Kervyn, sans l'ombre d'une mention.
Ne m'occupant aujourd'hui que du premier point, je rappelle à la Chambre que, faisant, seul de la minorité libérale, partie de la section centrale, j'y ai naturellement présenté un amendement tendant à rétablir le chiffre de 210,000 francs, tel que l'avait proposé l'honorable M. Pirmez, qui avait, à coup sûr, consulté son personnel, et qui n'avait agi que d'accord avec lui.
Mon amendement, je le craignais d'avance, n'a pas été accueilli : « La section centrale déclare ne pouvoir partager l'opinion de l'auteur ; dans sa pensée, il appartient au ministre d'apprécier les besoins réels des communes et d'établir les crédits à porter au budget d'après ces besoins. »
C'est un système assez nouveau qui est résumé dans ces lignes ; il est simple, mais il me semble qu'il met un peu trop la Chambre à la discrétion du ministre. Cependant je dois ajouter loyalement que lorsque cette décision a été prise en section centrale, le rapport triennal justifiant complètement la proposition de M. Pirmez n'avait pas encore été imprimé ; les indications contenues dans ce rapport ont pu rester inconnues à mes collègues qui ont cru pouvoir s'abstenir de demander des renseignements.
Mais, après coup, arrivent en section centrale une série d'amendements de M. le ministre de l'intérieur, et parmi ces amendements il en est un qui semble glissé subrepticement, car on ne s'est pas donné la peine de l'expliquer dans le corps des développements qui leur sont consacrés ; une petite note est inscrite en marge de l'article 87, qui porte :
« Subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne, au lieu de 190,000 francs, 200,000 francs. » cette note nous dit : « L'augmentation de 10,000 francs est demandée pour subvenir aux besoins éventuels qui pourraient se produire ; le crédit de 190,000 fr. n'est pas suffisant pour couvrir les engagements pris en faveur des établissements déjà existants. »
M. le ministre de l'intérieur, quand il avait biffé les 20,000 francs portés par son honorable prédécesseur, n'avait donc rien examiné ni consulté ses bureaux, il avait agi d'autorité personnelle ; puis, un peu plus tard, il est obligé de s'adresser à la section centrale et de lui tenir à peu près ce langage : J'ai besoin de 10,000 francs de plus ; je m'étais trompé. ; mais mon prédécesseur n'en a pas moins eu tort de réclamer 20,000 francs d'augmentation.
Telles sont les péripéties qu'a subies l'article 87 du budget. La section centrale, fidèle aux motifs de sa première déclaration, n'a pas hésité à donner encore raison à M. le ministre de l'intérieur actuel. Quant à moi, je pense qu'ils viennent à l'appui de l'amendement que j'ai proposé.
Je reprends maintenant la question du fond du débat dégagée de ces circonstances accidentelles. Pour démontrer combien l'enseignement moyen du second degré a besoin d'être encouragé par l'Etat, voyons ce que reçoivent les écoles moyennes communales subventionnées et ce qu'elles dépensent, eu égard à ce que les écoles moyennes de l'Etat reçoivent du gouvernement d'une part, et des communes de l'autre. A chaque école moyenne de l'Etat est allouée, par le trésor public, une somme de 300 francs destinée à être répartie en bourses. Ce qui emporte une somme totale de 15,000 francs.
Les écoles moyennes communales subsidiées n'obtiennent rien de ce chef.
Si vous êtes un élève devant entrer dans une école moyenne subsidiée, vous ne pouvez espérer aucune espèce de bourse de l'Etat. En y comprenant les bourses d'études, l'Etat a dépensé en 1869, nous le rappelons, pour ses 50 écoles moyennes une somme de 407,104 fr. 7 c. ; et les communes y ont contribué pour 153,854 fr. 58 c ; je fournis les chiffres exacts. Les douze localités qui avaient, en 1869, des écoles moyennes subsidiées par l'Etat, ont obtenu ensemble 29,375 francs ; et elles ont dépensé sur leurs propres fonds 150,629 fr. 3 c. ; ce qui fait, en moyenne, une subvention d'environ 2,450 francs par école.
Un arrêté royal, qui a paru il y a quelques jours, porte à 34,600 francs l'allocation attribuée aux écoles communales, dont le nombre s'est accru d'une depuis 1869 ; c'est l'école moyenne communale d'Ellezelles. Cela fait, en moyenne, par école, une somme de 2,700 francs. On voit combien les communes qui reçoivent pour leurs écoles moyennes des subventions du trésor public, sont traitées plus désavantageusement que les premières.
Qu'on ne conclue pas, messieurs, des rapprochements que je viens de faire, que, dans ma pensée, les communes qui sont le siège d'écoles moyennes de l'Etat n'interviennent pas dans les frais d'une manière assez large. Ce que je veux exclusivement faire ressortir, c'est que si l'on tient, comme le dit avec raison le dernier rapport triennal, à ce que de nouvelles écoles moyennes soient érigées par les communes, il ne faut plus leur distribuer avec autant de parcimonie les subsides de l'Etat ; il n'est pas admissible d'imposer aux communes des sacrifices au-dessus de leurs forces.
Et ici, messieurs, je parle moins dans l'intérêt des grands centres de population, qui sont généralement dotés d'un enseignement moyen, que dans celui des agglomérations moins importantes et auxquelles l'instruction moyenne fait défaut.
Si j'avais encore besoin, avant de terminer, de justifier mon amendement, j'insisterais sur la dernière note adressée à la section centrale par M. le ministre de l'intérieur, et dont je vous ai donné lecture. C'est la justification la plus complète qu'on puisse faire de l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. N'étant pas initié aux arcanes des bureaux de ces hauts fonctionnaires, j'ignore le nombre et l'importance des demandes de subsides pour la création d’écoles moyennes communales, mais j'ai invoqué les déclarations de sa propre administration.
M. le ministre lui-même ne peut pas, en tout cas, savoir quelles demandes seront faites dans le cours de l'exercice 1871, et il ne peut pas me savoir mauvais gré de le mettre en état d'y satisfaire.
Ce que j'ose affirmer sans crainte, c'est que les 10,000 francs de supplément que je demande en m'appuyant sur les appréciations du prédécesseur de l'honorable M. Kervyn et de ses bureaux, trouverait un très utile emploi.
Ce chiffre est minime en lui-même, son adoption ne peut, en aucune façon, compromettre ni déranger l'économie du budget. En l'acceptant, M. le ministre de l'intérieur laisserait espérer que, lui aussi, comme ses honorables devanciers, travaille sérieusement à la diffusion de l'enseignement placé sous la direction ou sous le contrôle de l'autorité civile.
Je fais observer, avant de me rasseoir, qu'une faute typographique s'est glissée dans le texte imprimé de mon amendement ; on a mis 110,000 francs, au lieu de 210,000 francs.
M. Bouvier. - Messieurs, l'honorable M. Muller vient de vous présenter un amendement tendant à augmenter de 10,000 francs l'allocation destinée à subsidier les établissements communaux et provinciaux de l'enseignement moyen ; l'honorable membre, en développant son amendement, vous a lu un passage du rapport triennal établissant la nécessité d'augmenter le nombre des établissements d'instruction moyenne.
Ce document, émané du gouvernement, a dû faire sur vos esprits une vive impression.
Déjà plusieurs fois on a fait ressortir dans cette enceinte la nécessité de cette augmentation ; des sections centrales elles-mêmes l'ont constatée, et, veuillez-le remarquez, la loi du budget a souvent dû pourvoir à cette lacune sous la forme d'encouragements et de subsides.
Je pense qu'il est indispensable, pour satisfaire au besoin d'instruction dans notre pays, d'aborder de front la loi du 1er juin 1850 qui limite comme chacun le sait, à cinquante le nombre des écoles moyennes de l'Etat. Or, messieurs, il est incontestable que la population de la Belgique a singulièrement augmenté depuis 1850. Cette loi n'est donc plus en rapport avec les exigences de l'époque, ni avec le chiffre actuel de la population. Il y a donc urgence à combler cette lacune.
L'amendement de l'honorable M. Muller tend à ce que le crédit affecté aux établissements communaux et provinciaux d'enseignement moyen soit augmenté de 10,000 francs, en attendant qu'un projet de loi puisse vous être soumis pour élargir le cercle de la loi du 1er juin 1850. Quant à moi, je donne mon complet assentiment à cette augmentation de crédit. Je m'étonne que M. le ministre de l'intérieur qui, dans son langage, paraît avoir beaucoup de sollicitude pour l'enseignement, recule quand il s'agit de traduire en chiffre cette prétendue sollicitude.
Or, il vaudrait infiniment mieux que l'honorable ministre augmentât de beaucoup de millions de francs le crédit en discussion que de venir, avec de grandes phrases, protester de son amour platonique pour l'instruction publique.
Non seulement des sections centrales, non seulement les rapports triennaux ont établi la nécessité d'augmenter le chiffre du crédit ; mais ils insistent sur la nécessité d'étendre la loi de 1850 en ce qui touche le nombre des écoles moyennes d'enseignement par l'Etat ; mais des pétitions en grand nombre sont arrivées au bureau de la Chambre pour demander, de tous les coins du pays, une modification à la législation actuelle dans le sens que je viens d'indiquer, et qu'il me soit permis, messieurs, de donner lecture d'une de ces pétitions, autorisation que vous m'accorderez d'autant plus facilement que la Chambre a décidé que cette pétition serait déposée sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
(page 823) Cette pétition, messieurs, émane de la commune de Seraing ; je dois dire, à l’honneur de la commune de Scrain,- ?, messieurs, qu'elle s'est déjà imposé de lourds sacrifiées pour développer chez elle l'instruction moyenne, non pas en paroles, mais en actes et en chiffres, moyens préférables au plus beau langage académique qu'il nous soit donné d'entendre. Cette commune a érigé une école industrielle à ses frais. Elle a bien fait, mais elle ne veut pas s'arrêter dans cette voie si féconde en bons résultats pour l'avenir de la jeunesse. Elle nous demande, ou plutôt elle a déjà demandé, car c'est pour la seconde fois qu'elle réclame à la législature, l'établissement d'une école moyenne de l'Etat.
Voici, messieurs, la teneur de cette pétition :
« Seraing, le 25 février.
« Le collège des bourgmestre et échevins à MM. les président et membres de la Chambre des représentants à Bruxelles :
« Messieurs,
« Nous avons l'honneur de vous transmettre une pétition adressée au conseil communal par un grand nombre de pères de famille qui sollicitent l'établissement d une école moyenne de l'Etat à Seraing.
« Cette pétition nous procure l'occasion de rappeler la demande du conseil communal adressée à la législature sous la date du 13 janvier 1870 et tendante au même but.
« Notre requête ayant été soumise à l'instruction requise, M. le ministre de l'intérieur nous annonce, par sa dépêche du 16 avril 1870, qu'il n'existait plus d'école moyenne de l'Etat disponible, mais que si le gouvernement était autorisé par la loi à augmenter le nombre de ces écoles, Seraing serait compris parmi les localités qui seraient désignées pour recevoir une installation de l'espèce. M. le ministre de l'intérieur laisse en outre entrevoir qu'un projet de loi dans ce sens serait, dans un avenir prochain, soumis à la législature.
« Nous ne reviendrons pas, messieurs les représentants, sur les considérations que nous avons invoquées ; nous nous bornerons à mettre de nouveau sous vos yeux un exemplaire du rapport de la commission d'instruction qui accompagnait la délibération de notre conseil communal du 16 décembre 1869 en insistant sur l'impérieuse nécessité qu'éprouve notre commune de posséder une école moyenne de l'Etat.
« Veuillez, messieurs les représentants, agréer l'hommage de notre profond respect.
« (Suivent les signatures.) »
Ce rapport constate qu'une foule de jeunes gens se voient obligés d'aller chercher à Liège, au collège, une instruction qui leur fait complètement défaut à Seraing à la sortie de l'instruction primaire.
Parmi ces jeunes gens, très peu se destinent aux études universitaires ; après deux ou trois années de fréquentation, les parents les retirent de l'athénée, au grand détriment des enfants, car l'enseignement moyen du degré supérieur constitue le programme d'un ensemble de connaissances qu'on ne peut abandonner sans l'avoir parcouru dans toutes ses parties. L'école moyenne leur convient donc tout spécialement. Il ne faut pas méconnaître non plus que ce n'est pas sans de lourds sacrifices que les parents envoient leurs enfants à Liège. Il existe à Seraing, établit le rapport, sans parler des environs, un nombre considérable d'honnêtes bourgeois, de petits négociants, d'employés inférieurs auxquels leur position ne permet pas de s'imposer de tels sacrifices et qui, dès lors, sont forcés d'interrompre, dès l'âge de 12 ans, le cours des études de leurs enfants.
Il résulte également de la lecture du rapport triennal que l'honorable préopinant vient de faire, que le conseil provincial du Luxembourg a émis à l'unanimité le vœu de voir augmenter le nombre des écoles moyennes de l'Etat, et ce même rapport fait ressortir cette particularité que la ville de Bastogne, chef-lieu d'arrondissement, ne possède pas même une semblable école.
Je vous le demande, est-ce dans de pareilles conditions qu'il faut diminuer le subside ? Alors que de toutes parts on réclame impérieusement la création de ces écoles qui sont un besoin de notre civilisation, je dis que c'est un véritable déni de justice de ne pas souscrire à son augmentation.
Si l'honorable ministre, qui a tant d'amour pour l'instruction, qui montre tant de sollicitude éclairée en paroles pour la diffusion des lumières, veut faire quelque chose qui réagisse favorablement sur toute la population de la Belgique, qu'il accepte des deux mains l'amendement de l'honorable M. Muller.
Il devait même aller au delà et dire : Moi, ministre de l’intérieur, comprenant la nécessité de répandre l'enseignement moyen dans mon pays, je demande à la législature 100,000 francs. Vos amis de la droite commets les membres de la gauche ne vous les refuseraient pas, et jamais vous n'obtiendriez un succès semblable à celui que je vous prédis. Mais vous ne le ferez pas. Ah ! s'il s'agissait d'écoles à la façon de celles d'Habets, de Pesches et d'autres institutions de cette catégorie, je suis persuadé que vous solliciteriez avec amour les crédits de 100,000 francs dont vous ne voulez pas aujourd'hui.
Messieurs, je ne veux pas entrer dans le développement des considérations dont l'honorable M. Muller a si bien démontré la vérité et auxquelles j'adhère. Mais, avant de finir, il me sera bien permis de demander une petite explication à l'honorable ministre.
J'ai lu, dans le Moniteur du 8 mars 1871, ce qui suit :
« Par arrêté royal du 7 mars sont nommés :
« A l'école moyenne de Turnhout, second régent en remplacement du sieur André, le sieur Demeyer (Albert-André). »
Vous avez le droit de nommer ; cela est incontestable. Cependant, d'après la loi organique de l'enseignement moyen, pour être admis aux fonctions de régent, il faut que le candidat soit porteur du diplôme de professeur agrégé, à moins qu'il n'en soit dispensé par un arrêté royal.
L'exemption ou la dispense, si elle existe, n'a pas paru au Moniteur ; je demande à l'honorable ministre d'où vient ce titulaire et quels sont ses titres. J'aime à croire que M. le ministre me donnera une réponse catégorique sur ce point.
M. De Lehaye, rapporteur. - Je dois d'abord faire observer à l'honorable M. Bouvier qu'il vient de faire le procès à la loi de 1850. L'honorable membre devrait remarquer que cette loi a limité à dix le nombre des athénées et à cinquante le nombre des écoles moyennes, et il n'est pas permis d'augmenter ce nombre par un amendement an budget.
L'honorable membre a invoqué une pétition de la ville de Seraing ; mais cette pétition ne peut en rien s'appliquer à l'amendement de M. Muller, attendu qu'elle a pour objet un subside demandé pour une école de filles.
L'honorable membre vient de dire que, quelle que fût l'augmentation qui serait demandée, il la voterait des deux mains ; il a même ajouté qu'elle serait adoptée par toute la gauche. Je comprends que quand on a confiance dans un ministère, on fasse une pareille promesse ; mais quant à moi, quoique j'aie une confiance pleine et entière dans le cabinet, je ne prends nullement dès à présent l'engagement de voter un projet de loi, quel qu'il puisse être, qui nous serait présenté par ce cabinet.
J'ai la plus vive sympathie pour l'enseignement, mais jamais je ne voterai sans un examen approfondi des subsides qui seraient demandés même pour l'enseignement.
J'en viens à l'amendement de l'honorable M, Muller.
Cette proposition avait été produite déjà dans la section centrale. Il ne suffit pas de faire une longue énumération des établissements d'instruction qui existent dans le pays. En fait de subsides, quel est le chiffre auquel il faut s'arrêter ? Est-ce au chiffre fantaisiste de 10,000 francs ? Sur quoi ce chiffre est-il basé ? Savons-nous s'il ne faudra pas 20,000, 30,000 ou 40,000 francs ?
Les subsides ne sont accordés ordinairement qu'à ceux qui les demandent ; eh bien, si l'honorable M. Muller peut venir nous dire : Telle commune a demandé un subside et ce subside a été refusé par le gouvernement, faute de fonds, je serais d'avis qu'il faut accorder une augmentation de crédit ; mais alors qu'on ne produit aucune demande, appuyée de motifs, comment pouvons-nous apprécier l'augmentation que l'on propose ?
Le gouvernement nous a assuré que 200,000 francs peuvent suffire à tous les besoins, pourquoi lui donnerions-nous davantage ? Admettons un instant que nous accordions 210,000 francs, le gouvernement est en droit de ne pas dépenser cette somme, et si le gouvernement trouve que 200,000 francs suffisent, il ne dépensera que 200,000 francs et les 10,000 francs resteront dans la caisse de l'Etat.
II est donc impossible que la Chambre admette le système de M. Muller, car l'honorable membre s'est borné à exprimer des sentiments de bienveillance que nous partageons tous, mais il n'a apporté aucune preuve à l'appui de sa demande et, comme nous le disons dans le rapport de la section centrale, c'est au gouvernement de nous dire quels sont les besoins.
Je vois, messieurs, que cet argument n'est pas goûté par mes honorables contradicteurs, mais qu'ils aient l'obligeance de me dire s'il (page 824) existe dans le pays une commune ou une école qui ait demandé un subside et qui ne fait pas obtenu.
M. Bouvier. - Il y en a plus de cinquante. Je le démontrerai.
M. De Lehaye, rapporteur. - C'est facile à dire. Je voudrais bien qu'on nous en nommât quelques-unes. Si j'ai bien compris l'observation que faisait tout à l'heure l'honorable M. Bouvier, une des pétitions dont il a parlé date de l'époque où l'honorable M. Pirmez était au ministère.
Or, l'honorable M. Pirmez a prouvé en toute circonstance sa sollicitude pour l'instruction publique. S'il a refusé, c'est qu'il avait des raisons pour le faire.
M. Bouvier. - C'est pour satisfaire à de nouveaux besoins qu'il a demandé l'augmentation.
M. De Lehaye, rapporteur. - Que l'honorable M. Pirmez ou ses honorables collègues nous disent si des subsides ont été demandés et refusés. Mais ils ne nous diront pas cela.
Ne perdons pas de vue, du reste, que les sommes portées au budget pour l'enseignement moyen sont limitées.
Souvent déjà de pareilles demandes ont été faites à la Chambre, notamment, en 1857, par l'honorable M. De Decker. Il était venu demander à la Chambre une augmentation de crédit pour les traitements du corps professoral de l'enseignement moyen.
Il sollicitait 11,000 francs et la Chambre, d'accord avec la section centrale, a déclaré positivement que cette somme ne pouvait être accordée, attendu qu'une allocation du budget ne pouvait modifier une loi organique.
M. Rogier. - Il ne s'agit pas de cela.
M. De Lehaye, rapporteur. - Je sais qu'il s'agit ici d'un subside demandé pour un autre motif, mais je réponds aussi à l'honorable M. Bouvier qu'on ne peut, à propos d'un budget, modifier la loi organique de l'enseignement.
L'honorable M. De Decker fut combattu par l'honorable M. de Brouckere, à qui la Chambre donna raison, et l'augmentation ne fut pas votée.
Sur la proposition de l'honorable M. Coomans, appuyée par l'honorable M. Delfosse, la demande d'augmentation fut renvoyée à une commission spéciale.
Nous, messieurs, qui avons confiance dans le ministère, nous aurions pu lui accorder cette somme.
Pour ma part, je lui aurais demandé cependant pour quels motifs il voulait grossir le crédit antérieurement porté au budget, car c'est la première fois que nous voyons figurer l'allocation de 210,000 francs.
M. Pirmez. – Il y a une augmentation de 20,000 francs, mais le crédit de 190,000 francs existait. '
M. De Lehaye, rapporteur. - Ce sont évidemment les 20,000 francs qui sont en question.
Qu'on nous indique les motifs pour lesquels on demande cette augmentation. C'est ce qu'on ne fait pas.
N'allons pas, messieurs, voter des crédits que le gouvernement ne sollicite pas et dont il ne saurait faire emploi, comme je le disais tout à l'heure, en absence d'une disposition légale ou d'un arrêté royal.
Il est inutile de voter cette augmentation si le gouvernement n'a pas l'intention de l'appliquer.
M. Rogier. - L'honorable ministre de l'intérieur aura sans doute à répondre à la doctrine que vient d'exposer le rapporteur de la section centrale.
D'après cette doctrine, les allocations portées au budget pour encouragements à l'instruction moyenne seraient des allocations immuables auxquelles on ne pourrait pas toucher. Cette doctrine n'est pas soutenable. Le chiffre des allocations accordées à l'instruction a varié d'année en année et, grâce à l'opinion libérale, ce chiffre a toujours été en augmentant.
Qu'a fait M. Pirmez ?
Je dirai qu'il a, pour ainsi dire, suivi les traditions ; il a proposé d'augmenter de 20,000 francs l'allocation destinée à subsidier les écoles moyennes communales ou provinciales ; le chiffre antérieur était de 190,000 francs, il a proposé de le porter à 210,000 francs.
Nous avions constaté cette proposition avec plaisir et nous nous disposions à la voter. Mais dans le budget qu'il a substitué à celui de son prédécesseur, M. le ministre a supprimé cette augmentation sans que nulle part on trouve la moindre trace des motifs de cette suppression. Si bien que, quant à moi, je ne m'étais pas aperçu que l'augmentation proposée par M. Pirmez avait disparu.
La section centrale n'a pas insisté pour connaître les motifs de cette suppression.
Je crois que M. le ministre a dit alors que le besoin de ces subsides ne se faisait pas sentir. Cependant quelque temps après, M. le ministre a proposé non pas une augmentation de 20,000 francs qui aurait sans doute été ruineuse, mais de 10,000 francs, soit une réduction de moitié sur le chiffre de son prédécesseur. Il paraît que des besoins qui ne s'étaient pas fait sentir six semaines auparavant s'étaient révélés depuis.
Eh bien, permettez-moi de le dire, il est regrettable que cette suppression mitigée ait été proposée par M. le ministre de l'intérieur, je trouve cela d'une mesquinerie peu digne du gouvernement.
Qui ne sait que l'enseignement moyen du degré inférieur a un rôle important à jouer dans l'éducation du pays ? C'est à ce titre qu'il a été proposé dans la loi de 1850, défendu et adopté. Au point de vue des classée moyennes du pays, les écoles moyennes devraient être appréciées et acceptées avec faveur par toutes les opinions.
C'est dans l'école moyenne que la classe moyenne proprement dite doit chercher le complément d'une instruction qu'elle a reçue dans les écoles primaires. Quant à moi, je voudrais voir des écoles moyennes établies dans chaque chef-lieu de canton, dût-il en coûter des augmentations au budget de l'intérieur. Nous devrions tous encourager la création de ces écoles d'une incontestable utilité. Je suis moi un grand partisan des études classiques, je vois avec grand plaisir une partie de la population se livrer à l’étude des langues anciennes.
Mais il n'est pas nécessaire à la civilisation du pays que tout le monde fréquente les écoles latines. Je crois même qu'il est bon qu'un grand nombre d'habitants qui ne sont pas appelés à parcourir les carrières libérales, s'arrêtent à l'école moyenne, toute réserve faite pour les aptitudes spéciales et pour tout légitime espoir vers des régions plus élevées.
Il est impossible que M. le ministre de l'intérieur, qui nous a parlé avec tant d'expansion de son désir de voir l'instruction répandue à profusion dans tout le pays, ne partage pas sous ce rapport ma manière de voir ; il ne peut pas être adversaire des écoles moyennes.
Je viens donc soutenir la proposition de l'honorable M. Muller, qui n'est que la reproduction de la proposition de l'honorable Pirmez. Il n'est pas vraisemblable que cette dernière proposition ait été faite sans motif.
M. Pirmez. - Elle avait été sollicitée par la direction générale de l'instruction publique.
M. Rogier. - On ne peut pas supposer qu'on ait de gaieté de cœur et sans nécessité demandé une augmentation de 20,000 francs.
Supposons même que des demandes de subsides à concurrence de cette somme ne soient pas parvenues au gouvernement, ce ne serait pas, selon moi, un motif suffisant pour ne pas voter cette augmentation ; il faut encourager les communes disposées à créer des écoles moyennes, et exciter même le zèle des autres ; je parle, bien entendu, des communes d'une certaine importance.
Et je crois que si, avec ces 20,000 francs, proposés par MM. Muller et Pirmez, nous parvenions à encourager ou à provoquer la création d'une dizaine d'écoles nouvelles, nous aurions voté une dépense vraiment utile.
J'engage donc M. le ministre de l'intérieur, puisqu'il a déjà fait un pas, à en faire un second en acceptant l'augmentation de 20,000 francs. Les raisons qui justifient sa proposition de 10,000 francs sont de tous points applicables à celle de 20,000 francs. Seulement la somme de services rendus sera double avec ce dernier chiffre. Quant à moi, je voterai de grand cœur la proposition primitive de M. Pirmez, reproduite par M. Muller et que notre honorable collègue a justifiée par des raisons qui ont dû faire impression sur les esprits impartiaux.
M. De Lehaye, rapporteur. - Si mon intention était de voter contre le budget de l'intérieur, il m'importerait fort peu qu'on augmentât chaque article autant qu'on le voudrait. Je dirai même que je trouverais dans ces augmentations un argument de plus en faveur de mon opposition.
Mais comme je veux voter le budget, je demande que le gouvernement ne consente pas à ce qu'on y porte des crédits inutiles et non justifiés.
L'honorable M. Rogier vient de dire que la loi sur l'enseignement moyen ne défend pas de porter au budget les subsides.
M. Rogier. - Au contraire ; elle le prévoit,
M. De Lehaye, rapporteur. - Je suis tout à fait d'accord avec l'honorable M. Rogier. La loi de 1830 permet de porter ces subsides au budget. Mais qu'est-ce que je dis ? Je dis que la loi de 1850 a fixé à dix le nombre des athénées et accordé à chacun d'eux une somme de 30,000 fr. à cinquante celui des écoles moyennes, pour lesquelles une somme de 200,000 francs est allouée, et je réponds à l'honorable M, Bouvier qu'il (page 825) n'est pas possible par conséquent d'augmenter indéfiniment ce nombre, comme il le demande.
C'est à cela que j'ai répondu. Maintenant, je suis tout disposé à voter l'amendement de l'honorable M. Muller, s'il me prouve que l'augmentation demandée est nécessaire pour les besoins de l'enseignement moyen, mais, aussi longtemps qu'aucun membre de la minorité ou le ministère n'aura pas prouvé que des subsides sont restés en défaut, je ne donnerai pas mon assentiment à la proposition.
M. Muller. - L'honorable M. De Lehaye oublie que lorsque j'ai présenté mon amendement, j'en avais puisé la justification dans un document officiel émané du département de l'intérieur. Il faut donc bien que je me répète. Dans la partie du rapport triennal consacrée aux écoles moyennes, il est dit en substance : Le gouvernement a été saisi de la question de savoir si l'on augmentera ou si l'on n'augmentera pas le nombre des écoles moyennes de l'Etat ; on a fait quelques objections ; mais on tâchera de les aplanir. En attendant, un grand nombre de communes ont manifesté l'intention d'établir des écoles moyennes communales ; le gouvernement est tout prêt à les encourager, à les engager à créer ces écoles que l'Etat subsidierait.
Vous avez donc là un document officiel dont vous ne pouvez méconnaître l'autorité. Il émane, il est vrai, de l'époque de M. Pirmez, ministre ; mais n'a-t-il plus de valeur depuis que cet honorable collègue a été remplacé par M. Kervyn dans les conseils de la couronne ? Cela, qu'on me permette de le dire, n'est pas raisonnable, et il s'agit, en définitive, d'une somme de 10,000 francs !
Ainsi que je l'ai fait observer tantôt, je ne sais si cette somme est dès maintenant nécessaire. Ce n'est pas à moi à le prouver, et j'aurais peine à le faire sans avoir communication des dossiers reposant dans les bureaux de l'honorable ministre de l'intérieur.
Mais enfin si cette somme ne devait pas être entièrement employée, du moins M. le ministre de l'intérieur serait mis en état de satisfaire aux demandes qui pourront se produire en 1871 ; en tout cas, l'excédant tomberait en boni.
Je ne comprends pas qu'en présence des explications données, M. le ministre de l'intérieur continuât de s'opposer à l'allocation du chiffre de 110,000 francs.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il est pour le gouvernement deux considérations qu'il ne peut perdre de vue, deux devoirs qu'il doit toujours s'efforcer d'associer : le soin de pourvoir à des dépenses nécessaires, le sévère contrôle de l'emploi des deniers publics.
Lorsque la nécessité d'une augmentation de dépense est constatée, le gouvernement doit, sans hésitation, la solliciter ; mais, d'autre part, lorsque la nécessite n'en est pas démontrée, quelque sympathique qu'on puisse être à l'objet auquel elle est destinée, il faut avoir le courage de s'y opposer et de résister.
La conduite tenue par le gouvernement dans cette circonstance indique, ce me semble, suffisamment ses intentions. Au mois d'août dernier, lorsque mon budget fut déposé, le chiffre porté à l'article 87 était de 190,000 francs, c'est-à-dire tel qu'il avait été inséré dans le dernier budget voté par la Chambre.
A la fin de l'année, au moment où la Chambre a mis le budget de 1871 à l'ordre du jour, j'ai fait rechercher si, depuis le mois d'août, il ne s'était point révélé de nouveaux besoins. C'est à la suite de ce travail que j'ai demandé un supplément de crédit de 10,000 francs.
La Chambre m'autorisera, je l'espère, à lui donner quelques explications à cet égard.
Le chiffre indiqué par l'administration de mon département, comme nécessaire pour pourvoir aux éventualités de l'exercice 1871, était de 196,000 francs. J'ai élevé à 200,000 francs le chiffre de l'allocation demandée.
J'ai voulu, de plus, me rendre compte des éventualités qui avaient été prévues par l'honorable M. Pirmez et, à ce sujet, je rencontrerai l'un des arguments de l'honorable M. Muller.
Lorsque l'honorable M. Pirmez déposa son budget, on prévoyait des demandes formées par quatre ou cinq localités, notamment par Seraing, par Bastogne, par Blankenberghe et par Ellezelles.
L'instruction de toutes ces demandes suivit régulièrement son cours et celle d'Ellezelles notamment se termina par l'obtention d'un subside accordé dans les mêmes conditions que sous l'administration précédente.
En ce qui touche Blankenberghe, l'administration communale de cette ville avait réclamé-à la fois l'intervention pécuniaire de l'Etat et de la province. Le gouverneur faisait remarquer que la députation permanente serait probablement peu disposée à intervenir, et je crois que depuis lors cette demande est restée sans suite. (Interruption.)
Je n'ai pas, messieurs, à m'expliquer sur les actes de l'administration communale de Blankenberghe. (Interruption.)
En ce qui touche Bastogne, l'honorable M. Bouvier a reconnu lui-même qu'il s'agissait de l'organisation d'un athénée de l'Etat...
M. Bouvier. - D'une école moyenne de l'Etat.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - D'une école moyenne de l'Etat qui ne pouvait s'établir qu'après la révision de la législation existante, et c'est exactement aussi la position des choses en ce qui concerne la ville de Seraing.
J'ai ici un rapport sur cette affaire et voici ce que j'y lis :
« Ce que dit la commune des démarches pressantes qu'elle a faites en 1851, pour être comprise dans la répartition des 50 écoles moyennes de l'Etat, est parfaitement exact ; mais la députation permanente s'est alors prononcée à deux reprises différentes contre la demande de Seraing. La députation pensait que la province de Liège ne pouvait obtenir équitablement plus de six des cinquante écoles moyennes dont la loi de 1850 autorisait la création : cinq avaient déjà leur destination et devaient remplacer les écoles primaires supérieures ou les écoles industrielles existant à Huy, à Spa, à Dolhain-Limbourg, à Stavelot et à Visé ; quant à la sixième école moyenne, la députation déclarait qu'elle revenait de droit à Waremme, placée dans des conditions beaucoup plus favorables que Seraing pour obtenir cet avantage. »
Ainsi, pour Seraing comme pour Bastogne, il s'agissait avant tout et uniquement d'obtenir la création d'une école moyenne de l’Etat.(Interruption.) La note dont j'ai donné lecture est du 25 avril 1870 ; elle rappelle, il est vrai, que la première demande formée par la commune de Seraing remonte à 1851 ; mais en 1870, Seraing demandait encore la révision de la loi de 1850, afin qu'on pût créer une école moyenne de l'Etat dans cette localité, et la conclusion de cette note, c'est que lorsqu'on révisera la loi de 1850, il y aura lieu de prendre en sérieuse considération la demande de l'administration communale de Seraing, mais tant que la loi de 1850 ne sera pas révisée, cela sera impossible. Je crois, messieurs, que nous sommes d'accord sur ce point.
J'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure que le gouvernement, en sollicitant de la législature un crédit de 200,000 francs, avait fait quelque chose de plus que ce qui avait été accepté et voté par la législature dans le passé, que ce chiffre de 10,000 francs représentait la transition entre les nécessités de l'année dernière et celles qu'on peut entrevoir dans l'avenir.
Nous sommes convaincus qu'avec ce crédit de 200,000 francs nous pourrons faire face aux dépenses qui se présenteraient cette année, et je dois ajouter que les demandes qui en ce moment sont en instruction, ne donneront pas lieu vraisemblablement à un subside élevé. J'ajoute, du reste, que ce que nous avons fait à Ellezelles, nous continuerons à le faire ailleurs ; les demandes qui se produiront seront régulièrement instruites, et si nous demandons ce crédit de 200,000 francs, c'est dans la pensée qu'il suffira pour faire face aux éventualités qui se produiront.
Le crédit réduit à 200,000 francs ne méritera pas, d'ailleurs, le reproche que l'honorable M. Rogier adressait tout à l'heure au gouvernement. Il n'aura rien de mesquin. L'intervention du gouvernement en cette matière est loin d'offrir un caractère étroit et peu généreux. (Interruption.) L'intervention du gouvernement en faveur de l'enseignement moyen organisé par les communes a toujours été large et empressée, comme la Chambre a pu s'en convaincre par les documents statistiques qui sont sous ses yeux.
M. Rogier. - C'est de la réduction des 20,000 francs à 10,000 que j'ai parlé.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ainsi, pour citer quelques exemples : à Dinant l'établissement d'instruction moyenne ne renferme que 39 élèves, le gouvernement intervient par un subside de 10,375 francs, ce qui représente 266 francs par élève. (Interruption.)
M. de Rossius. - Dinant a une école moyenne de l'Etat. Nous nous occupons des écoles communales.
M. le président. - Vous n'avez pas la parole, M. de Rossius.
M. Bouvier. - Il y a une confusion, M. le président.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. – Il s’agit d'un établissement communal d'instruction moyenne du premier degré, subventionné sur le trésor public. A cet égard, on peut consulter la page 294 du dernier rapport triennal. Si cet exemple est contesté, je prendrai celui de Diest qui, à coup sûr, ne le sera pas.
(page 826) A Diest, le subside est de 4,675 francs et il n'y a que treize élèves, ce qui fait 364 francs par tête, subside certainement bien considérable.
M. Muller. - Pour un collège communal.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Pour un établissement communal d'instruction moyenne du premier degré subventionné sur le trésor public.
M. Muller. - D'un établissement du premier degré et pas d'une école moyenne.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il importe toutefois de remarquer qu'une notable partie des dépenses sert aujourd'hui à la création de sections préparatoires et je ne sais jusqu'à quel point l'organisation de ces écoles préparatoires est régulière. Dans le vœu de la loi de 1850, la section préparatoire ne devait exister que là où le besoin s'en faisait sentir.
Or, depuis quelques années, non seulement dans les établissements d'instruction moyenne communaux, mais aussi dans les établissements de l'Etat, les sections préparatoires ont pris une extension considérable. Ainsi, l'on trouve qu'à Boom, il y a 23 élèves à l'école moyenne et 181 élèves à la section préparatoire. A Visé, il y a 64 élèves à l'école moyenne et 217 à la section préparatoire. Enfin, à Gand, il n'y a que 19 élèves à l'école moyenne et il y en a 261 à la section préparatoire.
Les choses en sont arrivées à ce point que dans certaines localités l'école primaire se trouve désertée par les enfants de la classe aisée et qu'on n'y trouve plus que des enfants pauvres. (Interruption.) Je n'ai cité que les écoles moyennes de l'Etat et l'on arrive à y constater ce résultat que les écoles moyennes de l'Etat ne renferment que 2,812 élèves, tandis qu'il y en a 5,659 dans les sections préparatoires.
Dans une localité du Hainaut, à Pâturages, si je ne me trompe, où il y à également une école moyenne de l'Etat avec section préparatoire, il ne reste plus que des enfants pauvres à l'école primaire ; tous les autres sont à la section préparatoire.
M. Vandenpeereboom. - C'est une prescription du gouvernement : quand on accorde à une commune une école moyenne, on fait prendre à cette commune l'engagement de ne pas avoir d'école primaire payante.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - La même situation s'offre, messieurs, dans les établissements communaux d'instruction moyenne, surtout dans ceux du second degré. Ainsi, à Audenarde, il n'y a que 14 élèves à l'école moyenne, il y en a 53 à la section préparatoire ; à Châtelet, il n'y a que 40 élèves à l'école moyenne, il y en a 180 à la section préparatoire ; à Fleurus, il y a 60 élèves à l'école moyenne et 126 à la section préparatoire. Le total porte pour les écoles moyennes du second degré : élèves des écoles moyennes, 418 ; élèves des sections préparatoires, 956. Toujours le double.
Voilà, messieurs, des chiffres donnés par les derniers rapports et l'on arrive, à cette conclusion, digne de remarque, qu'aujourd'hui le nombre des élèves des sections préparatoires, dans les établissements communaux comme dans les, établissements de l'Etat, est double du nombre des élèves des écoles moyennes proprement dites.
Je n'insisterais pas, messieurs, sur ces chiffres s'ils ne révélaient un inconvénient sérieux au point de vue du caractère de l'enseignement.
Aujourd'hui l'on peut entrer à six ans dans la section préparatoire.
La section préparatoire, au lieu de présenter, comme le disait l'honorable M. Rogier, un enseignement complémentaire, un acheminement vers les études classiques, remplace purement et simplement l'école primaire en éludant les prescriptions de la loi de 1842.
Eh bien, messieurs, je ne puis m'empêcher de regretter cet état de choses ; il n'appartient ni au gouvernement ni à la Chambre de saper une loi qui aujourd'hui doit régir toute l'instruction primaire. (Interruption.) Je le dis sans ambages, la loi de 1842 doit continuer à régir l'instruction primaire et c'est par ce système, qui tend à se généraliser, des sections préparatoires, qu'on applique aujourd'hui une notable partie des dépenses destinées aux écoles moyennes dans un but que le gouvernement ni la législature ne peuvent approuver.
Ces réserves faites, je tiens à constater, messieurs, que le gouvernement n'a apporté aucun obstacle à la marche régulière des affaires qui touchent aux établissements d'instruction moyenne, et s'il ne sollicite aujourd'hui qu'un crédit de 200,000 francs, c'est qu'il est persuadé que ce crédit suffira pour faire face à toutes les éventualités.
M. Pirmez. – Messieurs, le discours de l'honorable ministre de l’intérieur se compose de deux parties bien distinctes :
Dans la première partie, il à témoigne de toute sa sollicitude pour les écoles moyennes, et il a promis qu'aucune école moyenne ne manquerait des subsides dont elle aurait besoin.
Dans la seconde partie, l'honorable ministre nous a révélé les craintes très sérieuses qu'il éprouve de voir les écoles moyennes remplacer les écoles primaires créées en vertu de la loi de 1842, et il nous a avertis qu'il y avait là un danger qu'il fallait éviter.
Je crains, messieurs, que cette seconde considération ne soit la cause principale de l'opposition que l'honorable ministre fait à l'amendement de l'honorable M. Muller.
De quoi s'agit-il cependant ? Il s'agit de mettre à la disposition de M. le ministre de l'intérieur une somme de 210,000 francs, c'est-à-dire une somme supérieure de 20,000 francs au crédit porté au dernier budget.
M. le ministre est-il obligé d'user du crédit que l'on met à sa disposition ?
Non, il ne doit en user que si le cas se présente de donner des subsides conformément à la loi.
Les considérations d'économie que fait valoir M. le ministre de l'intérieur tombent donc complètement.
Ainsi, par l'amendement de l'honorable M. Muller, pas d'augmentation de dépense, mais sécurité qu'aucune école moyenne ne demandera de subside sans l'obtenir. Avec la proposition de M. le ministre de l'intérieur, pas d'économie, mais impossibilité d'assurer certains subsides qui pourraient être réclamés avec droit.
Messieurs, il me paraît que, dans le vote que nous allons émettre, les 10,000 francs ne sont guère en cause, mais qu'il s'agit de montrer le plus ou le moins d'intérêt que l'on porte à l'instruction moyenne.
Nous allons affirmer, par l'amendement, que nous portons un vif intérêt aux écoles moyennes qui ont rendu au pays les plus grands services.
En rejetant le crédit, la majorité montrera une réserve beaucoup plus grande dans ses sympathies pour les écoles moyennes. (Interruption.)
Si telle n'est pas la signification du vote que vous allez émettre, je me demande pourquoi vous refuseriez de mettre aux mains de M. le ministre de l'intérieur, dans lequel vous avez confiance, une somme de 10,000 fr. que nous, hommes de l'opposition, nous voulons lui confier.
Vous ne pouvez évidemment soutenir que l'on fera abus de ces fonds. Les sommes que l'on peut allouer aux écoles moyennes sont fixées par la pratique. Il n'y a donc aucun inconvénient à craindre et vous ne pouvez rejeter l'amendement sans donner une signification politique à votre opposition. (Interruption.)
Maintenant, messieurs, voyons les choses de plus près.
Quand j'ai déposé le projet de budget, pourquoi ai-je demandé 20,000 francs de plus que l'année précédente ?
C'est parce que l'administration de l'instruction publique m'avait fait connaître que cette somme serait probablement nécessaire pour subvenir aux besoins qui se présenteraient. M. le ministre de l'intérieur peut constater s'il en est ainsi.
Qu'a-t-il fait ?
Sans examiner, sans se demander si l'augmentation avait une utilité quelconque, il l'a biffée immédiatement. Je dis que cet acte est significatif.
Effacer ainsi de prime saut, sans motif, une somme demandée pour enseignement moyen sur les indications de l'administration, alors que cette suppression est si peu justifiée, que plus tard on doit reconnaître que cette suppression était faite à tort, cela implique peu de bonne volonté pour l'enseignement moyen.
Je m'étonne que l'honorable M. De Lehaye se soit montré si sévère pour porter cette somme au budget.
Comment voulez-vous, dit-il, que nous votions cette somme, sans savoir à quelle école elle s'appliquera ?
Je demanderai à l'honorable membre pourquoi il n'a pas demandé les mêmes renseignements lorsqu'il repoussait la proposition de M. Muller.
M. De Lehaye, rapporteur. - Je viens de le dire.
M. Pirmez. - Voyons quelle était la position de la question : un ministre demande 20,000 francs d'augmentation en déclarant que c'est la somme qui paraît nécessaire ; un autre ministre biffe cette augmentation sans donner un mot d'explication.
M. De Lehaye, rapporteur. - Nous votons sur le budget qui nous a été présenté.
M. Frère-Orban. - Sans doute, mais sans explication.
M. Pirmez. - Voilà donc deux ministres qui présentent des chiffres différents. Un membre de la section centrale dit : Je voudrais bien savoir qui a tort, qui a raison ; éclairez-nous. Et que répondez-vous ? Vous (page 827) répondez : Non, nous n'avons pas besoin de vous éclairer ; par cela seul que M. Kervyn ne nous dit pas qu'il a besoin des 20,000 francs, nous binons la somme. Pas plus d'examen que cela !
Que fait là-dessus M. Kervyn ? Je ne puis supposer qu'il ait voulu expérimenter jusqu'où irait la bonne volonté de la section centrale ; il la soumet cependant à l'épreuve et je dois dire qu'il choisit une épreuve douloureuse. Se serait-il dit : « La section centrale a, sur ma demande ou plutôt sur mon silence, refusé de voter la somme portée au budget de mon prédécesseur ; voyons si, sans lui donner d'explications, je pourrai le faire changer et lui faire admettre une somme de 10,000 francs ? »
Quoi qu'il en soit, M. Kervyn est venu dire à la section centrale : J'ai besoin de 10,000 francs.
Et que fait la section centrale ? Sans demander d'explications, elle répond : Vous aurez ces 10,000 francs.
M. De Lehaye n'a pas demandé alors à quelles communes ces 10,000 fr. devaient s'appliquer.
La section centrale a voté l'augmentation sans demander à M. Kervyn, qui pouvait aisément les donner, les motifs de cette augmentation et on vient de nous dire à nous : Justifiez, par l'indication précise des communes qui veulent faire des écoles moyennes, votre somme de 20,000 francs.
J'avoue, messieurs, qu'il me serait difficile de le faire, parce que je n'ai plus aucun document ; mais l'administration de l'instruction publique aurait donné tous les renseignements parce qu'elle avait étudié l'affaire comme elles les étudie toujours toutes avec beaucoup de droiture et de soins.
Au fond, de quoi s'agit-il ? De pourvoir à la création de six à sept écoles moyennes.. Est-ce là une chose énorme ?
L'honorable ministre de l'intérieur, pour justifier sa réduction, nous dit qu'il ne porte pas en compte certaines communes qui voudraient avoir des écoles moyennes parce que ces communes ne demandaient pas à avoir des écoles moyennes communales subsidiées, mais désiraient avoir des écoles moyennes de l'Etat.
Il y a là quelque chose de vrai et j'ai pensé, lorsque j'étais au ministère de l'intérieur, qu'il y avait lieu d'augmenter le nombre des écoles moyennes de l'Etat ; le rapport sur l'enseignement moyen en fait foi et la lettre que M. Bouvier vous a lue vous fait connaître que dans une correspondance, j'avais laissé entrevoir qu'un projet de loi serait présenté. M. le ministre de l'intérieur me permettra, à cet égard, de lui faire une question.
Puisque l'honorable ministre nous dit que ces communes ne demandent pas à avoir des écoles communales subsidiées, parce qu'elles désirent des écoles moyennes de l'Etat, je lui demanderai s'il serait disposé à donner suite à nos intentions et à présenter un projet de lot pour augmenter le nombre des écoles moyennes de l'Etat.
Je crois que la question est claire et j'espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien avoir, cette fois, l'obligeance de me donner une réponse.
Pour fixer le chiffre du budget, il faut avoir non seulement égard aux demandes formées, mais encore aux demandes éventuelles. Lorsqu'on vient dire que l'allocation est actuellement suffisante, on n'a absolument rien prouvé, attendu que de nouveaux besoins peuvent se révéler et que les subsides par conséquent doivent être prêts pour y faire face.
Je suis assez surpris que M. le ministre de l'intérieur invoque le refus de subside de la députation permanente de la Flandre occidentale pour l'école projetée à Blankenberghe.
Quelle est la conséquence à tirer de cette révélation ? C'est que la députation permanente de la Flandre occidentale, composée exclusivement d'amis politiques de M. le ministre, ne veut pas encourager le développement de l'enseignement moyen. Voilà ce que nous révèle le fait invoqué par M. le ministre de l'intérieur.
En présence de la suppression complète non motivée de M. le ministre de l'augmentation de chiffre primitivement demandée pour 1871 en faveur des écoles d'enseignement moyen ; en présence du refus de subside à la commune de Blankenberghe ; en présence des scrupules manifestés par M. le ministre à la fin de son discours ; en présence surtout de cette considération que l'amendement n'offre aucun inconvénient, n'engage rien et n'est qu'une affirmation de la volonté de soutenir les écoles moyennes, je ne crains pas de dire que le rejet de cet amendement sera, de la part du ministère actuel et de la majorité, la déclaration qu'ils n'ont que des sympathies très modérées pour, le développement de l'enseignement moyen communal..
- Plusieurs membres. – A demain !
M. le président. - La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bouvier. - Je rappelle à M. le ministre (interruption) la demande que je lui ai faite de vouloir bien nous dire le motif qui l'avait porté a nommer second régent à Turnhout... (Nouvelle interruption.)
Je renouvellerai ma demande demain ; vous n'aurez rien perdu.
- La séance est levée à 5 heures.