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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 mars 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 791)

M. Reynaert procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Vrints donne lecture du procès-verbal de la séance du 11 mars ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Reynaert présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des habitants de Lacuisine demandent que des mesures soient prises par les gouvernements intéressés en vue de prévenir les épidémies pouvant résulter des inhumations sur les champs de bataille. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Budingen demandent l'exécution d'un chemin de fer par la vallée de la Ghète, traversant les communes d'Oplinter, Neerlinter, Budingen, Geet-Betz, Rummen, Donck, Haelen et Webbecom. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Edegem propose des modifications à la loi de 1845 sur le domicile de secours. »

M. Lelièvre. - J'appuie la pétition, dont le mérite est incontestable, puisqu'il s'agit de faire cesser de graves abus au préjudice de certaines communes. Je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions, qui sera invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« La veuve Desmets demande que la mesure de l'incorporation pour cinq années prise envers son fils Emile, soldat substituant au 8ème régiment de ligne, soit retirée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Burght prient la Chambre d'accorder aux sieurs de Rechter et Lefèvre la concession d'un chemin de fer de Gand à Anvers par la vallée de la Durme. »

- Même renvoi.


« Le sieur Cuypers présente des observations sur un projet tendant à faire nommer les échevins par le conseil communal. »

- Même renvoi.


« Des membres de la société dite de Wyngaerd, à Bruxelles, demandent que la langue flamande soit en tout mise sur le même rang que la langue française. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vanderrit demande l'exécution du boulevard circulaire projeté et partant de la chaussée d'Alsemberg pour aboutir a Schaerbeek. »

- Même renvoi.


« Des secrétaires communaux dans l'arrondissement de Philippeville demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

M. de Baillet-Latour. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

M. Lelièvre. - Je me joins à l'honorable comte de Baillet pour demander un prompt rapport. Il importe que la juste réclamation des secrétaires communaux reçoive satisfaction dans le plus bref délai.

- La proposition de M. de Baillet-Latour est mise aux voix et adoptée.


« La dame Delforge, institutrice en chef, demande que le projet de loi instituant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires réduise, en faveur des institutrices, le nombre d'années de service pour être admis à la pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Huys, instituteur communal à Kemmel, présente des observations relatives au projet de loi instituant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur De Bruyne, instituteur communal pensionné, demande que le projet de loi établissant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires contienne une disposition qui permette d'augmenter sa pension. »

Même renvoi.


« Des habitants de Menin, membres de la Ligue de l'enseignement, présentent des observations en faveur de la proposition relative à l'enseignement primaire obligatoire. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi de M. Funck.


« Le sieur Schmitz, brasseur à Hasselt, prie la Chambre d'accorder aux brasseurs qui en font la demande, la faculté de payer l'impôt sur la quantité de malt ou matières farineuses qu'ils emploient. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1871

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVI. Enseignement moyen

La discussion continue sur le chapitre XVI. (Enseignement moyen.)

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, la question flamande a été, depuis vingt ans, souvent agitée dans cette enceinte, et il y a peu de jours encore elle a fait l'objet d'un débat dans cette Chambre.

Je suis loin de me plaindre de ces discussions ; je les considère comme très utiles. La question flamande est une des plus graves et des plus importantes qui puissent être agitées dans cette enceinte. Ces débats ont une double utilité ; ils permettent de constater et de combattre l'exagération incroyable de certains flamingants qui, si leurs prétentions étaient admises, aboutiraient tout simplement à diviser les Belges, je ne dirai pas en deux fractions, mais en deux factions hostiles, ce qui ne tarderait pas à entraîner la ruine de notre nationalité.

D'un autre côté, ces débats ont pour conséquence de faire voir à ceux qui ne comprennent pas toute l'importance de la question flamande quels sont les griefs des Flamands ; ils permettent de faire apprécier ce que ces griefs ont de fondé ; ils ont eu souvent, et ils auront encore aujourd'hui, j'espère, pour résultat de faire redresser quelques-uns de ces griefs et de donner aux Flamands, dans la mesure du possible, les satisfactions qu'ils ont droit d'exiger.

Autrefois, nos débats sur la question flamande ont été souvent très vifs ; ceux auxquels nous avons assisté la semaine dernière ont été, au contraire, fort modérés en général.

Des deux côtés de la Chambre, des députés élus dans les provinces wallonnes aussi bien que d'autres envoyés par des provinces flamandes ont fait entendre ici des paroles sages et patriotiques, et je les en félicite grandement ; l'attitude de ces collègues démontre que la question a fait un grand pas et permet d'espérer qu'elle trouvera bientôt une solution conforme aux règles de la justice et au droit de chacun.

Les honorables MM. Muller et Sainctelette, députés des provinces wallonnes, ont prononcé des discours marqués au coin du patriotisme et dictés par l'esprit d'union et de conciliation.

Un honorable représentant flamand M. de Baets et deux honorables députés d'Anvers, j'entends parler de MM. Rayez et Gerrits, ont aussi prononcé d'excellentes paroles.

(page 792) C'est qu'en effet, depuis une vingtaine d'années le mouvement flamand a fait de grands progrès. Cette question e>t aujourd'hui infiniment mieux comprise qu'elle ne l'était à l'époque où j'entrais pour la première fois dans cette enceinte ; il y a longtemps de cela, hélas ! il y aura bientôt vingt-quatre ans.

On soutenait alors une thèse froissante pour nous : on prétendait que la langue flamande n'est pas une langue, mais un patois ! Aujourd'hui on n’ose plus soutenir rien de pareil.

Il est vrai que, pour le flamand comme pour le français, il y a des idiomes différents. Dans certaines villes on parle un certain langage usuel qui n'est pas ou peu compris dans d'autres villes. Si je venais parler ici le langage vulgaire de la ville d'Ypres, M. Gerrits, par exemple, ne me comprendrait pas plus peut-être que je ne le comprendrais moi-même s'il venait nous parler le patois anversois.

- Des membres. - Si ! si !

M. Brasseur. - Essayez.

M. Vandenpeereboom. - Mais si l'honorable M. Gerrits venait nous parler notre flamand académique, notre véritable flamand, ce serait autre chose, tous les Flamands le comprendraient.

Du reste, ce qui est vrai pour le flamand est vrai pour le français. Si un député de Tournai venait prononcer un discours dans l'idiome de sa localité, je crois qu'un député liégeois serait assez embarrassé de le comprendre. Et bien que je connaisse un peu le français, quoique Flamand, lorsque je lis certaines œuvres liégeoises, qui sont, dit-on, admirables, je ne les comprends pas.

M. Brasseur. - Ce n'est pas du français ; c'est une langue wallonne.

M. Vandenpeereboom. - C'est un idiome du français.

M. Brasseur. - Du tout ; c'est une langue distincte.

M. Vandenpeereboom. - C'est une langue distincte, me dit-on ; soit. (Interruption.) Je ne veux pas parler irrévérencieusement de ce qu'on nomme la langue liégeoise.

Je raisonne par analogie et je dis qu'il est non seulement en Belgique, mais même en France, certaines localités où l'on parle des idiomes qu'on ne comprend pas dans d'autres. Ainsi au nord de la France, l'espèce de français mêlé de flamand qu'on parle à Dunkerque, par exemple, ressemble peu au patois qu'on parle à Valenciennes, qui est le patois wallon, tandis que le patois franco-flamand que l'on parle à Dunkerque a plutôt son origine dans la langue flamande.

Ceci ne prouve qu'une chose, c'est qu'en dehors de la langue académique, il y a des patois locaux dans tous les pays, français comme flamands. À cet égard nous sommes d'accord.

Du reste, messieurs, la langue flamande est non seulement une langue, mais encore une fort belle langue ; elle a sa littérature, et je suis presque tenté de dire que le flamand était nos vieilles archives et vous y trouverez des poèmes, des récits, des documents écrits il y a des siècles, dans la langue littéraire usitée encore de nos jours.

Du reste, messieurs, on ne fait plus le reproche à notre langue de n'être qu'un patois et je ne dois pas la défendre.

Mon intention n'est pas d'examiner, messieurs, la question flamande au point de vue historique. Ce n'est pas ici le lieu. On pourrait faire, sur ce sujet, de grands et nombreux discours académiques, on pourrait rappeler que les Flamands ont une histoire glorieuse et que cette histoire occupe les plus belles pages de l'histoire de notre pays.

On pourrait rappeler le patriotisme des Flamands à des époques où ils défendaient avec tant d'énergie notre nationalité, on pourrait rappeler comment, après de sanglantes batailles ou de violentes émeutes, les Flamands ne consentaient jamais a traiter avec leurs comtes, avec leurs ducs et même avec le roi de France, sans qu'il y eût dans le traité un article garantissant le libre usage de leur langue. Mais, je le répète, ce n'est pas le lieu de traiter ces questions historiques. Je ne veux examiner ici la question flamande qu'au point de vue pratique.

Je n'ai pas besoin, je crois, de rappeler à la Chambre que, depuis très longtemps, pour ne pas dire depuis toujours, je suis un partisan sincère et dévoué de la cause flamande. Dans toutes les circonstances, j'ai cherché à le prouver et j'ai toujours réclamé pour elle tout ce qui était juste, tout ce qui était possible.

Mais jamais je n'ai suivi certains partisans du mouvement flamand qui demandaient des choses exagérées, impossibles et ridicules.

Messieurs, quand j'entends dire qu'en Belgique, depuis 1830, il n'a rien été fait pour réagir contre l'espèce d'ostracisme dont la population flamande a été frappée depuis 1830, je déclare à la Chambre que ce reproche m'émeut et j'en serais profondément blessé si je ne savais que dans les rangs du parti flamand comme dans les rangs de tous les partis il est des hommes injustes, toujours mécontents, haineux, malveillants, qui font du mouvement flamand une arme de guerre, des individus que les meilleurs sentiments ne touchent pas et qui ne tiennent aucun compte des efforts honnêtes, loyaux et persévérants faits durant de longues années.

L'honorable ministre de l'intérieur et, avant lui, l'honorable M. de Baets ont rendu justice aux anciens ministres libéraux ; ils ont bien voulu reconnaître, et je les en remercie, que l'honorable M. Rogier et moi nous avions fait quelque chose pour la langue et la cause flamande.

Ces éloges de la part d'adversaires politiques mais honorables ne peuvent être suspects, - modestie à part, - dès qu'ils sont mérités et pour le prouver, permettez-moi de rappeler, le plus succinctement possible, quelques-uns des actes posés par mon honorable prédécesseur au ministère de l'intérieur et par celui qui a l'honneur de vous parler.

Ainsi, on pourra reconnaître combien sont mal fondés les reproches faits par quelques malcontents aux anciens ministres.

Le mouvement flamand prit, sinon naissance, au moins une grande extension à dater du jour où le ministère libéral arriva au pouvoir. La coïncidence était singulière.

C'est vers 1847 que ce mouvement éclata, il fut bientôt à son apogée et, je ne crains pas de le dire, il prit des allures politiques des plus passionnées.

L'honorable M. Rogier, qui avait pris la direction du département de l'intérieur, s'émut des réclamations qui lui étaient adressées. Il les fit examiner, mais les préoccupations de la politique extérieure et intérieure l'empêchèrent de redresser tous les griefs qui lui étaient signalés.

Après lui vint au pouvoir l'honorable M. De Decker, Flamand de naissance et Flamand de cœur.

L'honorable M. De Decker prit très au sérieux les réclamations des Flamands. Mais comme leurs griefs étaient en général peu précis, il résolut de nommer une grande commission chargée d'étudier la question.

Il n'est pas nécessaire, je pense, de vous rappeler les travaux de cette commission. Ils sont connus, le rapport rédigé en flamand a été traduit, tout le monde a donc pu le lire.

Parmi les griefs que l'on indiqua, il en était plusieurs auxquels il fut possible de porter remède ; d'autres, comme je l'ai dit, étaient exagérés ; il était impossible de donner satisfaction à ces réclamations sans nuire à l'unité nationale.

L'honorable M. De Decker, malgré son bon vouloir, ne put faire que peu de chose pour la cause flamande, il avait bien d'autres difficultés sur les bras ; il luttait contre les prétentions épiscopales et était forcé de présenter la loi dite des couvents.

Le ministère de cette époque négligea donc la question flamande pour s'occuper de questions politiques et cléricales.

L'honorable M. Rogier, dès qu'il revint au pouvoir, en 1857, reprit la question flamande et prit plusieurs mesures importantes dans l'intérêt de nos populations des Flandres. Je ne puis rappeler toutes ces mesures ; mon honorable ami jugera peut-être convenable de prendre la parole à son tour dans ce débat ; quant à moi, je me borne à en rappeler deux, elles sont d'une importance que personne ne pourra nier. L'honorable M. Rogier attacha à son administration une section flamande chargée spécialement de diriger toutes les affaires et de défendre les intérêts de notre littérature flamande. Et, à cette occasion, je ferai remarquer à M. le ministre de l'intérieur actuel qu'il a commis une erreur chronologique très grande en disant que c'est lui qui a institué ce service spécial. Je ne suspecte pas les bonnes intentions de l'honorable ministre, mais je dois rectifier son erreur.

Ainsi qu'on me le rappelle, cette section flamande, nommée souvent « bureau flamand », fut instituée par un arrêté royal du 29 janvier 1859 ; elle a été maintenue depuis cette époque, développée même et le fonctionnaire qui était placé a la tête de ce bureau était désigné dans l'arrêté de 1859 sous le titre de « chef de la section flamande. » Mais que ce soit une section ou un bureau, que ce soit le chef de section ou le chef de bureau, il n'y a pas de quoi disputer longtemps.

Je constate donc ce fait que M. Rogier, qui voulait faire quelque chose et le plus possible pour donner satisfaction aux griefs des Flamands, commença par où l'on doit commencer, c'est-à-dire par avoir des Flamands dans son administration, par créer la section flamande nommée et qui doit devenir réellement le bureau flamand.

C'est à M. Rogier que revient l'honneur de cette création, c'est à lui que mes amis flamingants doivent témoigner leur reconnaissance, et je désire (page 793) que M. le minière actuel nous fournisse l'occasion de lui en dire autant plus tard. Que M. Kervyn suive les traces de ses prédécesseurs et je suis certain que les Flamands de toutes les opinions, catholiques et libéraux, lui rendront hommage, comme je suis certain que les Flamands qui siègent à droite reconnaissent les services que M. Rogier a rendus à notre cause.

Le fonctionnaire placé à la tête de la section flamande était et est encore tout dévoué à notre cause flamande et c'est sur sa proposition ou sur son initiative que M. Rogier prit diverses mesures utiles : ainsi, il accorde à la littérature flamande de sérieux encouragements, il organise entre autres un système de distribution de primes pour les littérateurs et les auteurs dramatiques flamands et pour les sociétés flamandes, système qui a produit les meilleurs résultats.

D'autres actes encore furent posés par l'honorable M. Rogier et à cet égard, il ne peut y avoir le moindre doute.

Quand M. Rogier m'a remis le portefeuille du ministère de l'intérieur, je résolus de suivre ses traces non seulement pour la question flamande mais pour l'ensemble de l'administration. Je n'eus pas l'idée en entrant au ministère de bouleverser tous les services, de changer toutes les jurisprudences admises, de faire des innovations en tout et partout ; d'opérer des mutations irréfléchies et nuisibles à la marche administrative ; au contraire, je dirai même que pendant quelque, temps je m'y croisai les bras, j'étudiai les hommes et les choses, je regardai faire et je n'ai eu qu'à me louer d'avoir agi de la sorte ; avant d'agir je voulais me rendre compte par moi-même de ce que j'avais à faire.

Je crois que ce système est le seul bon et je me permets de le conseiller à mes amis politiques et autres. Il vaut infiniment mieux que celui qui aboutit à tout bouleverser sans rime ni raison, à faire ce que j'appellerai du gâchis administratif et à mécontenter tout le monde.

Après avoir pendant quelque temps étudié les précédents posés par mon honorable prédécesseur, comme je suis Flamand jusqu'au bout des ongles, Flamand de nom et de cœur, je compris bientôt certains détails mieux peut-être que d'autres. Je fis des questions flamandes l'objet de mes études toutes spéciales ; puis toute une série de mesures furent prises dans l'intérêt de cette cause.

Je vous demande la permission, messieurs, de vous en rappeler quelques-unes, non point par un sentiment d'amour-propre, mais uniquement pour donner un démenti formel, basé sur des faits, à des allégations sans cesse répétées, allégations injustes, froissantes pour des hommes qui ont fait leur devoir.

On demandait depuis assez longtemps qu'une chaire de littérature flamande fût annexée à l'une des universités de l'Etat. cette demande parut juste ; la chaire de littérature flamande fut créée et attachée à l'université de Gand ; cette chaire fut confiée à un littérateur flamand distingué, et tout le monde a applaudi et à la création de la chaire et à la nomination du professeur appelé à l'occuper. - Première mesure.

L'honorable M. de Baets ne me contredira certainement pas,

M. de Baets. - Au contraire. J'ai vivement insisté pour obtenir la création de cette chaire.

M. Vandenpeereboom. - Nous étions donc d'accord avec un des plus ardents défenseurs de la cause flamande.

- Une voix. - Le cours est-il suivi ?

M. Vandenpeereboom. - Je ne puis rien préciser, et quant à ce point tout ce que je puis dire c'est qu'après la création de cette chaire... (Interruption.) Il me semble, messieurs, que je ne dise rien qui puisse passionner ce débat ; pour ma part, je suis très calme et je travaille à une œuvre de conciliation entre la droite et la gauche.

Je dis donc que j'ignore combien d'élèves suivent actuellement le cours. Mais ce que je sais, c'est que peu de temps après la création de la chaire, le cours a été suivi par un nombre assez considérable d'élèves.

Pour l'enseignement moyen, je reconnus facilement qu'il y avait quelque chose à faire ; mais il fallait commencer par le commencement. Tout ce qui concerne l'enseignement moyen est décidé par le gouvernement sur la proposition d’hommes spéciaux, c'est-à-dire des membres du conseil de perfectionnement. Le ministre de l'intérieur de l'époque, cédant à ses instincts naturellement bienveillants pour la langue flamande, appela deux Flamands dans ce conseil. Ces deux hommes ne sont plus ; le pays regrette la perte de ces deux hommes éminents : l'un était l'honorable et excellent baron de Saint-Genois ; l'autre, notre ancien collègue et ami M. De Boe. Ces nominations avaient été faites à l'exclusion de tout esprit de parti et dans le seul intérêt de la langue flamande ; elles furent en général très bien accueillies. (Interruption.)

Oh ! je le sais, à Auvers on réclame. Pour être un vrai Flamand, il fallait, d'après MM. les Anversois, être non seulement d'Anvers, mais de plus meetinguiste ; aussi la nomination de notre honorable et regretté M. De Boe fut regardée comme mauvais par les meetinguistes ; car M. De Boe n'était pas du meeting. Quoi qu'il en soit, l'adjonction de ces deux nombres flamands au conseil de perfectionnement reçut l'approbation de tous les véritables amis de la langue flamande.

Messieurs, pour donner ure nouvelle impulsion à l'étude du flamand, dans les établissements d'instruction moyenne, il fallait trouver le moyen d'avoir de bons professeurs. A cette époque, il y avait une foule de candidats pour les chaires de flamand. Mais, malheureusement, ces candidats n'avaient pas fréquenté des écoles normales ; ils avaient beaucoup plus fréquenté les cabarets ; ils faisaient partie de meetings et d'autres réunions semblables.

J'eus la faiblesse de croire que cela ne suffisait pas ; que pour les chaires de flamand il s'agissait de trouver des hommes capables, instruits et présentant toutes les garanties. Le gouvernement institua, pour atteindre ce but, pour l'enseignement du flamand, un diplôme de capacité ; les nombreux candidats qui s'étaient présentés furent admis à subir l'examen. Mais je dois déclarer qu'il y en eut peu qui consentirent à subir cette épreuve. Quoi qu'il en soit, la mesure était bonne ; elle a été maintenue.

Nous avons aujourd'hui d'excellents professeurs de flamand, munis de ce diplôme spécial, et, je le répète, tous les amis de la langue flamande ont encore applaudi à cette mesure.

Autre chose. On se plaignait avec raison que les professeurs de langue flamande ne fussent pas suffisamment rétribués. Qu'a fait le ministre à cette époque ? En même temps qu'il instituait le diplôme spécial, il faisait assimiler, par arrêté royal, les professeurs munis du diplôme spécial au professeur de troisième latine, c'est-à-dire à un professeur qui la plupart du temps était docteur en philosophie et lettres. Le professeur de flamand ne l'était pas, puisqu'il n'avait qu'un diplôme spécial. Néanmoins ce professeur diplômé spécial fut assimilé, quant au minerval et au traitement, au professeur de troisième latine ; et quand le professeur de langue flamande était muni d'un diplôme de docteur en philosophie et lettres, il était assimilé complètement au professeur de rhétorique française. Il y avait donc égalité parfaite. Aucun reproche ne pouvait être fait de part ni d'autre. Cette mesure fut encore généralement approuvée.

Ce n'est pas tout.

Messieurs, il était reconnu que, dans les programmes d'enseignement, le flamand tenait une place trop restreinte. Différentes modifications furent faites à ces programmes, en 1864. Je ne les ai pas sous les yeux ; mais je me rappelle entre autres choses qu'on augmentait le nombre d'heures consacrées à l'enseignement du flamand dans la classe de rhétorique pour certains athénées et aussi dans les autres classes.

J'ajoute que mon intention était d'aller plus loin et d'augmenter encore ce nombre d'heures. Je crois qu'elles peuvent encore l'être au moins quelque peu.

Je ne puis citer tous les détails ; cela m'entraînerait trop loin. Je devrais lire des pages entières des rapports triennaux.

Messieurs, pour stimuler l'étude du flamand, pour obliger les jeunes gens à suivre avec zèle ces cours, une autre mesure a été prise encore en 1864. Le flamand fut rendu, dans les provinces flamandes, matière obligatoire pour les concours, jusque-là elle était facultative.

D'un autre côté, le flamand fut une des branches facultatives du concours pour les élèves des athénées établis dans les provinces wallonnes. Cette mesure produisit de bons résultats et, si ma mémoire est exacte, des élèves wallons ont obtenu des succès aux concours de flamand des établissements d'enseignement moyen.

Un autre point dont personne ne niera l'importance a été résolu, je veux parler de la question de l'orthographe flamande. Des règles ont été prescrites pour rendre cet enseignement uniforme dans tous tes établissements et conforme au génie de notre langue ; c'est là une grande amélioration au point de vue de l'instruction et de la littérature.

Une place d'inspecteur de l'enseignement moyen étant devenue vacante, le gouvernement y nomma un homme qui connaissait parfaitement le flamand et qui est très dévoué à la cause flamande. Le ministre était certain de trouver dans ce fonctionnaire un auxiliaire sûr et utile.

Enfin, messieurs, pour indiquer toutes les améliorations réalisées, j'aurais encore plusieurs mesures à rappeler ; mais si je les rappelais toutes, je serais peut-être trop long. (Non ! non !) Soit ! J'en citerai donc encore une. Nos écoles moyennes dans les provinces flamandes étaient un peu trop dirigées par des régents français. On l'avait reconnu et le ministre de cette époque faisait les plus grands efforts pour nommer dans les provinces flamandes, autant que possible, des régents flamands. Malheureusement il y réussissait difficilement, pour une excellente raison ! (page 794) Le nombre des régents flamands, à cette époque, était très restreint. Cependant, confier l'éducation des enfants flamands à des régents qui sont de leur nation est chose très utile. Dans mon opinion, et tout le monde sera d'accord sur ce point, l'atmosphère de l'école flamande, dans les provinces flamandes, doit être flamande.

M. Gerrits. - Il y a trois régents à Anvers qui ne savent pas un mot de flamand.

M. Vandenpeereboom. - C'est possible, mais c'est probablement parce que le gouvernement ne trouve pas de régents connaissant le flamand.

Sous ce rapport, je ne crains pas de le dire, mon successeur, l'honorable M. Kervyn, se trouvera dans le même embarras que moi ; il n'est pas toujours facile de trouver des professeurs parlant la langue de la partie du pays où ils sont placés.

J'ai voulu parer à cet inconvénient et voici ce qui a été fait, aux applaudissements des vrais Flamands. Une section normale, destinée à former des instituteurs de l'enseignement moyen du second degré, fut annexée à l'école moyenne de Bruges et là on parvint à recruter un certain nombre de jeunes gens sachant le flamand et qui deviennent des régents pour les écoles moyennes.

M. Delaet. - Est-ce un Flamand qui dirige l'école de Bruges ?

M. Vandenpeereboom. - Je ne saurais le dire. C'était dans le temps, je pense, M. Germain, aujourd'hui inspecteur provincial, qui n'est pas Flamand, mais qui parle parfaitement le flamand et a écrit d'excellents livres dans cette langue.

Quoi qu'il en soit, il sort de cette école d'excellents élèves et les bureaux administratifs des écoles moyennes qui reçoivent des enfants sortant de l'école de Bruges en sont parfaitement satisfaits.

Je crois, messieurs, qu'on ne doit pas demander davantage et se contenter de pareils résultats.

Comme moi, l'honorable M. Pirmez avait l'intention d'aller plus loin.

Lorsqu'on s'est occupé de l'organisation des écoles normales à créer par l'Etat en exécution de la loi de 1866, il était entendu qu'a ces écoles devait être annexé pour les garçons et pour les filles un cours spécial destiné à former des instituteurs et des institutrices pour les établissements d'enseignement moyen du second degré.

Ainsi, à l'école normale de Bruges il y aura un cours de ce genre.

De cette manière on aurait peut-être eu le nombre de candidats flamands nécessaire pour mettre dans les écoles moyennes des provinces flamandes des instituteurs connaissant parfaitement cette langue.

Voilà, messieurs, toute une série de mesures qui ont été prises successivement pour développer l'enseignement du flamand dans les établissements d'instruction moyenne dirigés par l'Etat.

Quant à l'enseignement primaire, dans les provinces flamandes, il se donne en flamand.

Il en est ainsi du moins dans les deux Flandres, les instituteurs y donnent l'instruction en flamand, sauf, bien entendu, dans quelques communes où l'on ne parle que le français.

M. Gerrits. - Vous parlez des écoles communales.

M. Coremans. - L'Etat n'y est pour rien.

M. Gerrits. - J'ai parlé des écoles primaires de l'Etat.

M. Pirmez. – Il n'y en a pas.

M. Vandenpeereboom.- Il n'y a pas d'écoles primaires de l'Etat, mais le gouvernement nomme les inspecteurs des écoles primaires communales et leur donne des instructions.

Toujours il a recommandé à ces inspecteurs de veiller à ce que l'instruction dans les Flandres fût donnée en flamand dans les écoles primaires communales.

Quant aux programmes des sections préparatoires annexées aux écoles moyennes, je ne veux pas discuter cette question, mais je crois que, sur ce point comme sur d'autres, M. Gerrits a été induit en erreur.

Le programme de la section préparatoire de l'école moyenne d'Anvers, année scolaire 1870-1871, porte :

Première année d'études : par semaine, lecture française, 6 heures ; lecture flamande, 6 heures ; - exercices français-flamands, 3 heures ;- lecture, sans autre désignation, 3 heures.

L'étude du flamand n'est donc pas négligée, et l'intéressant petit citoyen de sept ans dont a parlé M. Gerrits peut donc apprendre sa langue maternelle aussi bien que le français.

Je ferai observer encore que, dans la sixième professionnelle, c'est-à-dire la classe préparatoire de celle section, on consacre, non comme le dit le député d'Anvers, onze heures par semaine au français contre trois au flamand, mais neuf heures au flamand et neuf heures au français. Il y a donc égalité encore.

Tel est le programme qui a été fait pour 1870-1871 ; j'ignore si c'est celui que M. Gerrits possède ; en tous cas, il a été, en grande partie, satisfait à ses objections ; à cet égard, d'ailleurs, M, le ministre de l'intérieur pourra répondre.

Mais je continue.

En matière d'enseignement primaire, une autre mesure importante a été prise encore.

Le ministre de cette époque avait pensé qu'il serait utile que l'on pût donner des leçons de flamand même dans les écoles communales primaires des provinces wallonnes.

Mais pour atteindre ce but les instituteurs, dans ces provinces, devaient connaître la langue flamande. D'ailleurs, les voyageurs flamands auraient, dans ce cas, trouvé dans toutes les communes à qui parler.

Le ministre décida que des cours de flamand seraient annexés aux écoles normales établies dans, les provinces wallonnes.

Seulement la première année ces cours furent facultatifs, on ne pouvait les rendre immédiatement obligatoires, mais pour engager les élèves wallons à suivre ces cours de flamand on y attacha, comme M. le ministre de l'intérieur l'a dit, il y a quelques jours, un certain nombre de points, 85 je pense, qui pouvaient valoir à l'époque des examens.

Cette mesure eut les meilleurs résultats et dans beaucoup d'écoles normales établies dans les provinces wallonnes les élèves se firent inscrire pour ces cours ; à Nivelles même, si je ne me trompe, tous les élèves normalistes se firent inscrire.

C'était encore une mesuré éminemment utile et je crois que le ministre qui a pris une série de mesures dont je viens de rappeler quelques-unes, ne mérite pas le reproche qu'on lui fait d'avoir négligé de tenir compte des justes réclamations de ses compatriotes flamands, de n'avoir rien fait pour eux, de les avoir traités avec dédain et mépris ! qu'au lieu de lui adresser de tels reproches, il me semble que ce sont des remerciements que l'on devrait faire entendre pour les mesures qui ont été prises.

L'honorable ministre de l'intérieur a eu la bonté de citer une circulaire émanée du département de l'intérieur à l'époque où je le dirigeais et par laquelle je cherchais à développer l'étude du flamand.

Je pourrais citer beaucoup d'autres circulaires rédigées dans ce sens et le bulletin du ministère de l'intérieur en fourmille, les rapports triennaux en sont pleins, et l'on peut être certain que si l'enseignement du flamand n'a pas fait plus de progrès dans notre pays, ce n'est pas la faute du gouvernement.

Il ne faut pas se le dissimuler, il y a une répugnance, répugnance à vaincre sous ce rapport. Dans les provinces flamandes, quand on enseigne le flamand aux enfants, ils disent : Je sais cela, j'ai appris cela à la maison et je n'ai pas besoin de venir ici pour cela.

Dans les écoles wallonnes, pendant longtemps on a rencontré une certaine difficulté à faire suivre les cours de flamand ; il y a à lutter contre de grands préjugés ; on ne veut pas apprendre cette langue et je ne comprends pas, quant à moi, comment les pères de famille, dans les provinces wallonnes, n'insistent pas, au contraire, pour que leurs enfants apprennent la langue flamande et ne leur fassent pas comprendre que la connaissance de cette langue, en Belgique, est utile et même nécessaire.

J'avoue, messieurs, que je ne m'explique pas la répugnance qui existe contre cet enseignement. Toutefois, je vois avec plaisir, les discours de MM. Sainctelette et Muller le prouvent, que les préjugés diminuent et que l'utilité de la connaissance des deux langues est de plus en plus reconnue.

Dans un autre ordre d'idées, les différents ministères qui se sont succédé ont encore rendu justice à la langue flamande. Ainsi, il ne suffit pas d'instruire les enfants, mais il faut encore leur donner le moyen d'entretenir leurs connaissances et de se perfectionner dans leur langue ; on ne pourrait mieux le faire qu'en encourageant leur littérature.

A ce point de vue, voici encore quelques mesures prises par les anciens ministères.

Il n'existait que peu ou pas de bibliothèques populaires dans nos provinces. Le gouvernement a stimulé et encouragé la création de ces bibliothèques.

Il a fait ainsi une excellente chose. Pour encourager les commissions administratives de ces bibliothèques, il leur a envoyé des livres français et flamands, flamands surtout, dans les provinces flamandes, et des livres français dans les provinces wallonnes.

Je puis dire aujourd'hui que ces bibliothèques obtiennent un grand succès et il suffirait, pour s'en convaincre, d'assister à une distribution (page 795) des livres pour reconnaître qu'il y a un grand nombre de jeunes gens qui se pressent à la porte de ces bibliothèques. C'est donc la une excellente mesure.

Beaucoup de livres flamands ont été achetés en Belgique pour être ainsi distribués ; on a même acheté à l'étranger, en Hollande notamment, des ouvrages scientifiques et dans le pays on a acquis surtout des livres d'histoire et particulièrement d'histoire des Flandres.

Le gouvernement a fait autre chose encore, il a fait traduire des ouvrages français en flamand.

Ainsi, deux ouvrages ont surtout appelé l'attention du gouvernement.

L'un était l'histoire de la Flandre, écrite par le ministre de l'intérieur actuel ; l'autre, l'histoire glorieuse du fondateur de notre nationalité, par M. Hymans.

J'ai demandé aux deux auteurs l'autorisation de faire traduire ces livres. MM. Kervyn et Hymans ont accueilli avec empressement et le plus grand désintéressement la demande du gouvernement, et l'honorable M. Kervyn a même voulu, à cette occasion, revoir son œuvre pour en faire un livre populaire.

Voilà, messieurs, des mesures qui ont été prises. Il en est d'autres encore ; je demande pardon à la Chambre d'être un peu long, mais les accusations sont parfois si violentes que je crois devoir répondre en détail et exposer ce qui a été fait.

Messieurs, en Flandre et dans toutes les provinces flamandes, existe de temps immémorial une institution qui a maintenu intact le dépôt de la langue maternelle : ce sont les vieilles sociétés de rhétorique. Le ministre de cette époque a cru pouvoir tirer parti de ces institutions que je qualifierai presque de nationales et il les réveilla ; il leur a accordé des primes, il a encouragé les concours entre les différentes sociétés dramatiques, il a accordé des encouragements aux auteurs de pièces originales écrites en flamand. Ces sociétés se sont considérablement développées, leur répertoire s'est grandement étendu ; en quelques années, il s'est augmenté de plus de 160 pièces de théâtre nationales flamandes, dont quelques-unes sont remarquables et peuvent avec avantage être comparées aux œuvres des auteurs français ; de grands concours dramatiques ont été organisés à Bruxelles même, ils ont produit les meilleurs résultats, et pour stimuler le zèle des sociétés dramatiques, le ministre de l'intérieur, lors de la distribution des récompenses, a prononcé un discours en flamand ; c'était peut-être la première fois qu'un ministre belge prononçait un discours flamand dans une circonstance officielle. Ce petit détail, ce petit hommage rendu à mes compatriotes leur fit le plus grand plaisir et j'en reçus les plus sincères félicitations.

Ce mouvement dramatique aboutit à un fait fort important : on créa un théâtre national à Bruxelles ; à ce théâtre on représenta non seulement des vaudevilles pris dans nos mœurs, des drames historiques, des comédies, mais encore des opéras.

Ce théâtre fut très fréquenté ; la foule s'y pressait ; le gouvernement lui accorda des subsides dans la limite des crédits du budget, autant qu'il le put ; mais les ressources étaient restreintes ; l'encouragement de ce théâtre était plutôt dans les attributions de la commune ; il ne put résister que deux années ; je le regrette vivement et je ne sais en vérité pas pourquoi l'administration communale de Bruxelles ne subsidie pas convenablement le théâtre national flamand quand il subsidie si largement le théâtre français !

Les subsides que l'Etat peut accorder, sous forme de primes, sont insuffisants pour assurer l'existence d'un grand théâtre national flamand à Bruxelles, et ici j'ai une question à adresser à M. Kervyn : l'arrêté pris par M. Rogier pour la distribution de ces primes entre les auteurs et les sociétés dramatiques avait été revu par son successeur ; ce système fonctionnait à la satisfaction de tout le monde ; les directeurs, ou tout au moins les sociétés dramatiques, se déclaraient fort satisfaits, les auteurs dramatiques l'étaient également. Je demanderai donc à l'honorable ministre de bien vouloir nous dire, lorsque nous en serons arrivés au chapitre des lettres et sciences, pourquoi il a bouleversé complètement une organisation contre laquelle personne ne réclamait. Tout le monde trouvait parfait ce qui était ; et le monde trouve fort mal ce que vient de faire M. Kervyn.

D'après l'arrêté pris par l'honorable M. Rogier et étendu par son successeur, les œuvres dramatiques flamandes, pour être primées, devaient avoir été représentées ; la prime se partageait entre l'auteur et la société qui représentait son œuvre. L'auteur avait alors, sinon une rémunération suffisante, du moins une indemnité et la société recevait une certaine somme qui couvrait les frais de représentation.

Aujourd'hui, on a changé tout cela : on a supprimé les commissions provinciales et on les a remplacées, - singulier procédé de décentralisation,- par une commission centrale.

On est parvenu ainsi à mécontenter une foule de sociétés dramatiques qui, les unes ont fermé leurs théâtres, les autres ont déclaré qu'elles ne donneraient plus de représentations. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur de nous dire, quand le moment sera venu, quelles sont les causes qui l'ont déterminé à changer l'ancien système.

J'avoue ne pas comprendre du tout le motif de ce changement.

M. le ministre veut-il tuer le théâtre flamand ou l'amoindrir ? Je ne sais, mais je ne lui apprendrai rien de nouveau en lui disant qu'il peut en toute sûreté de conscience encourager le théâtre flamand, car, il sait, comme moi, que, pour le clergé, l'art scénique flamand n'est pas un poison. (Interruption.)

Enumérerai-je encore d'autres mesures prises sous nos administrations ? Elles sont secondaires, sans doute, mais du moins elles témoignent de la bienveillance du gouvernement d'alors pour la population flamande ; je veux parler des mesures adoptées, au point de vue des compositeurs flamands, dans l'intérêt de l'art musical.

Ces compositeurs se plaignaient avec raison de ne pas être mis sur le même rang que le compositeur français. Pour les concours de Rome, par exemple, les cantates étaient toujours rédigées en français. Nos Flamands disaient : Pourquoi ne pouvons-nous avoir des cantates flamandes ?

Le gouvernement reconnut qu'ils avaient raison et un arrêté fut pris qui décréta l'ouverture de deux concours : un de poésie française et un de poésie flamande ; les compositeurs eurent la faculté d'adopter l'un ou l'autre texte.

Or, messieurs, depuis que cet arrêté a été pris, il s'est produit ce fait singulier et honorable pour nos poètes flamands : tous les compositeurs qui ont obtenu le premier prix de Rome s'étaient servis du poème flamand ou d'une traduction flamande du poème français !

A la même époque, on a créé au conservatoire de Bruxelles et à celui de Gand, si je ne me trompe, un cours de déclamation lyrique en flamand. Ce cours, à Bruxelles, a été confié à M. Warnots. (Interruption.)

Il a peu d'élèves flamands, me dit-on ; mais, si le théâtre d'opéra flamand avait été un peu encouragé, je crois qu'il y aurait un plus grand nombre d'élèves. Aujourd'hui, à quoi sert de pouvoir chanter des paroles flamandes, s'il n'existe plus de théâtre ? Bientôt, il y en aura un à Anvers, et je suis convaincu que le conservatoire flamand d'Anvers comme celui de Bruxelles lui fourniront des sujets distingués.

Enfin, des encouragements sérieux ont été donnés à l'art musical en faveur des Flamands. Le gouvernement a encouragé notamment l'exécution de deux grands oratorios Lucifer et De Schelde, composés sur des paroles flamandes.

J'ajoute que le gouvernement a, en outre, encouragé la création d'une école de musique à Anvers, école où les leçons sont données en flamand, où, par conséquent, peuvent se rendre les élèves, comme aux. conservatoires de Bruxelles et de Liège, pour y recevoir une éducation musicale, sous la direction d'un de nos meilleurs compositeurs.

Messieurs, je trouve encore sur mes notes une foule d'indications à l'appui de ma thèse, mais je crains de fatiguer la Chambre... (Non ! non !)

Ainsi, en dehors des questions d'instruction, de littérature et d'art, j'y vois un grand nombre de mesures prises dans un intérêt administratif.

Quand j'étais au ministère de l'intérieur, j'ai le premier décidé qu'on répondrait en flamand à ceux qui écriraient au ministre en cette langue. Aux députations venues des Flandres, je donnais audience en flamand.

Dans la collation des emplois, j'ai été parfois un peu partial, peut-être, à force d'être Flamand ; mais lorsqu'il se présentait deux candidats à l'administration centrale, je ne croyais pas être injuste en nommant celui des deux qui connaissait les deux langues.

Enfin, si M. le ministre de l'intérieur actuel voulait compulser les dossiers, il y verrait un nombre considérable de circulaires et d'instructions émanant de l'administration centrale, pour recommander aux gouverneurs et aux fonctionnaires dépendants de leur administration, de se servir de la langue dans laquelle on leur adressait des réclamations.

Dans nos provinces flamandes, le gouverneur peut sans doute correspondre en français avec ses commissaires d'arrondissement, mais les commissaires doivent correspondre en flamand avec les administrations locales, à moins, et cela se présente souvent, que les bourgmestres et les secrétaires communaux ne demandent que la correspondance ait lieu en français.

Je viens d'exposer la plupart des mesures qui ont été prises, par les ministres de l'intérieur, mes prédécesseurs et par moi, dans l'intérêt de la langue et de la cause flamande.

(page 796) Il me reste à examiner ce qu'il y a de fondé dans les griefs articulés par l'honorable M. Gerrits. En cette matière comme en toute autre, il ne suffit pas d'indiquer le mal, il faut surtout indiquer le remède, il faut surtout préciser et s'abstenir de récriminations.

Messieurs, le premier grief allégué par l'honorable M. Gerrits est celui-ci :

« Les lois auxquelles les Flamands comme les Wallons doivent obéissance sont exclusivement rédigées en français. »

C’est vrai, mais je demande à quoi sert de formuler ce grief ?

Peut-il en être autrement dans les circonstances où nous nous trouvons ? Le gouvernement présente des projets de lois rédiges en français ; nous les discutons en français et le texte français est adopté. Le gouvernement peut-il publier ce texte en flamand ? Cela n’est pas possible, les lois ne peuvent être promulguées que comme elles sont faites. C’est ce texte voté qui est le texte officiel, et pas d'autre.

On me dit que, sous le gouvernement des Pays-Bas, les lois étaient promulguées dans les deux langues et qu'alors il y avait deux textes officiels ! Mais cela donnait lieu à de grandes difficultés ; la jurisprudence des tribunaux était souvent différente : l'un tribunal se basait sur le texte français, l'autre se basait sur le texte flamand.

Sous ce rapport, il n'y a rien à dire : le texte officiel des lois est et doit être le texte français et il n'y en a pas d'autre possible.

Mais, messieurs, je ne suis pas exclusif. Il y a quelque chose à faire, je pense, en cette matière.

Pourquoi le gouvernement, quand il public une loi, ne publierait-il pas la traduction flamande en regard du texte français officiel ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur - Cela y est.

M. Vandenpeereboom. - Non, cela n'y est pas, cela se trouve dans le Bulletin officiel, mais je voudrais voir cela aussi dans le Moniteur. Le Bulletin officiel n'arrive pas à tout le monde, les journaux de la province ne le reproduisent pas ; je demande que l'on fasse figurer dans le Moniteur la même traduction flamande que celle qui paraît plus tard au Bulletin officiel.

Le Bulletin officiel paraît deux ou trois mois après la publication des lois au Moniteur. Sans être irrévérencieux pour personne, je puis dire que les populations s'inquiètent généralement assez peu du Bulletin des lois

Voici le deuxième grief :

« Le compte rendu officiel des travaux des mandataires de la nation est exclusivement publié dans une langue que les Flamands ne comprennent pas. »

C’est vrai, mais est-il possible que cela ne soit pas, à moins que l'honorable membre lui-même ne veuille parler flamand ?

Du moment qu'il parlera flamand, son discours paraîtra aux Annales parlementaires en flamand, car ces Annales ne sont que la photographie de nos débats. Si nous parlons français - plus ou moins - (interruption) il faut bien que le texte de nos discours paraisse en français.

Vous ne pouvez obliger un orateur à parler en flamand s'il ne lui couvrent pas de parler dans cette langue, et puis, en ce qui concerne la traduction des Annales parlementaires, si l'on y traduirait forcément les discours, par exemple, de MM. Bara, Frère ou d'autres membres de la Chambre, ne pourraient-ils pas ne point en être satisfaits ? Ils nous diraient, peut-être avec raison : Ces discours sont à nous, c’est notre propriété ; il pourrait peu leur convenir de les voir reproduits officiellement dans une langue étrangère pour eux !

J'avoue, messieurs, que je regrette qu'il en soit ainsi, car nous ne pourrions que gagner a avoir les Annales parlementaires imprimées dans les deux langues ; nos discussions seraient plus connues dans les provinces flamandes et je crois que les discours des membres de la gauche y seraient mieux appréciés ; car les discours, dans certains journaux, sont souvent tronqués et indignement travestis.

Quant à moi, ni la question d'argent, ni les difficultés d'exécution matérielle ne m'arrêteraient pas un instant. Les avantages seraient tellement grands, que l'on y trouverait une compensation sérieuse à ces dépenses dans la traduction des Annales en flamand ; mais, pour les motifs indiqués tantôt, je crois que cela est difficile, sinon impossible.

Mais ce qui est possible, d'après moi, et je ne sais pas pourquoi on ne le ferait pas, c’est d'autoriser les membres de cette Chambre qui le désirent à faire traduire en flamand leurs discours, et à les insérer ainsi traduits dans les Annales parlementaires, à côté du texte français. Cela peut être très utile et, je le répète, ne ferait de mal à personne. Quant a moi, si cette proposition était faite, je ne m'y opposerais pas. Vous voyez que je suis conciliant.

M. Julliot. - Cela procurerait beaucoup d'abonnés aux Annales.

M. Vandenpeereboom. - Encore un argument que me fournit l'honorable M. Julliot, si l'honorable membre le produit sérieusement.

M. Julliot. - Oui.

M. Vandenpeereboom. - M. Julliot me dit : « Cela procurerait beaucoup d'abonnés aux Annales. » Je le crois aussi, comme la mesure dont je viens de parler pour le Moniteur procurerait des abonnés à notre journal officiel. Dans nos populations flamandes, on tient très peu au Moniteur ; on ne le comprend pas. S'il y avait des traductions flamandes, je crois que le Moniteur et les Annales parlementaires seraient beaucoup plus lus.

Le troisième grief de l'honorable M. Gerrits est celui-ci :

« Les citoyens flamands sont journellement jugés, condamnés dans leur propre pays, par leurs tribunaux, à la prison, au déshonneur, sans avoir compris un mot de l'accusation, de la défense et du jugement. »

Quant à la défense, on doit bien reconnaître que c’est leur faute, Le prévenu a le droit de choisir un avocat flamand, et quand il n'en a pas, on a grand tort de lui donner un avocat d'office qui ne parle pas la langue du prévenu. Cela ne me semble pas admissible.

M. Orts. - Cela ne se fait pas.

M. Vandenpeereboom. - L'honorable M. Orts me dit que cela ne se fait pas.

M. Van Wambeke. - Il y a des prévenus, qui n'ont pas de défenseur.

M. Vandenpeereboom. - S'ils n'ont pas d'avocat, ils n'ont pas de défenseur.

M. Van Wambeke. - Et le ministère public parle le français.

M. Vandenpeereboom. - Le ministère public parle, au besoin, le flamand ; dans nos provinces, j'entends dans plusieurs tribunaux le ministère public parlée en flamand.

-Des membres. - Pas toujours.

M. Vandenpeereboom. - Je suis certain que dans la plupart des cas, si on lui demandait de parler flamand, il le ferait.

Quant aux jugements, j'en appelle à un honorable collègue qui a été pendant trente-huit ans président du tribunal d'Ypres. Je lui demanderai s'il ne condamnait pas très convenablement et très nettement en flamand les prévenus qui venaient s'asseoir sur les bancs de la police correctionnelle.

L'honorable M. Biebuyck se serait bien gardé de prononcer ses jugements en français. Mais je ne sais toutefois si c'était la une consolation pour les condamnés !

Quant à ce qui se passe à Anvers, je n'en sais rien ; d'autres peuvent nous renseigner à cet égard. Mais dans la plupart des tribunaux correctionnels des Flandres, les jugements sont prononcés en flamand, et ils doivent l'être. S'ils ne le sont pas, je le blâme ; si le ministère public parle une antre langue que celle de l'accusé, je le blâme encore. (Oui ! Oui !) Tout le monde, de ce côté de la Chambre, est de mon avis.

Autre grief de l'honorable M. Gerrits : « Les administrations publiques dans les provinces flamandes, se vont de préférence de la langue que ne comprennent pas leurs administrés. »

Ce reproche est fort grave, mais il n’est pas fondé ; il est certain qu'on n'envoie plus dans les provinces flamandes des fonctionnaires qui ne parlent pas le flamand. Si le ministère clérical agissait autrement que les ministères libéraux, je le blâmerais ; ce serait un véritable abus. Quant à moi, je ne l'ai jamais fait, et quand un cas s’est présenté, il a suffi d'en faire l'observation à l'administration supérieure pour le faire disparaître.

L'honorable M. Frère, entre autres, dans diverses circonstances que je lui ai signalées, s’est empressé de déplacer des fonctionnaires nommés dans mon arrondissement et qui ne connaissaient pas le flamand ; il leur a donné des positions équivalentes dans une autre province.

Quand aux soldats flamands - cinquième grief - commandés par des officiers wallons, l'honorable M. Hayez a déjà répondu, en ce qui concerne les commandements ; il a dit avec raison : Peu importe que les commandements se fassent en français ou en flamand, les hommes les comprennent.

Non seulement les hommes les comprennent, mais même les chevaux.

Voyez galoper un régiment de cavalerie, au commandement de : « Halte ! » les chevaux s'arrêtent. Ils comprennent non seulement les commandements, mais même les sonneries.

Allez dans une caserne. Quand on sonne à l'avoine, les chevaux manifestent leur joie.

Toutefois il serait éminemment désirable que tous les officiers connussent les deux langues. Nous marchons, je pense, vers ce résultat. Il ne faut pas, du reste, qu'un capitaine puisse prononcer des discours académiques devant sa compagnie. Il suffit qu'il puisse se faire comprendre.

(page 797) Il y a, du reste, dans l'armée beaucoup d’officiers flamands, on y rencontre même des littérateurs, des poètes flamands distingués. Très peu d’officiers appartenant aux provinces wallonnes seraient dans l’impossibilité de faire comprendre à leurs subordonnés, soit des ordres, soit des explications indispensables à y ajouter.

Les relations constantes entre les chefs et les subordonnés finissent par donner à tous des notions en flamand tel quel, un langage barbare peut-être mais qui suffit à se faire comprendre et c'est déjà quelque chose.

L'honorable M. Gerrits a dit encore, et c'est le dernier point :

« Le Flamand ne peut s'instruire dans les écoles de l'Etat sans avoir appris la langue française. »

Cela est complètement inexact.

M. Delaet. - C'est parfaitement vrai.

M. Gerrits. - Tout est enseigné en français.

M. Vandenpeereboom. - vous disiez que personne ne peut fréquenter pendant quelque temps une école de l'Etat sans apprendre la langue française, vous seriez dans le vrai.

Or, pour moi, c'est là un grand bien ; il est à désirer que tout le monde connaisse les deux langues. Certes, il y a quelque chose à faire dans le programme de l'enseignement moyen du degré inférieur ; mais beaucoup, comme je l'ai dit, a été fait.

Il est possible que quelques heures de plus, dans quelques classes, soient consacrées à l'enseignement du flamand, mais je crois qu'il est injuste de dire qu'il faut connaître le français pour pouvoir s'instruire dans un établissement de l'Etat.

Du reste, je ne vois pas un grand inconvénient à ce qu'on enseigne le mieux possible le français aux enfants qui ne savent que le flamand.

Nous prouvons tous les jours, par les flandricismes qui émaillent ici nos discours, que nous ne connaissons pas trop la langue française.

Messieurs, voilà donc les griefs exposas par M. Gerrits ; il serait possible, d'après moi, de donner satisfaction à quelques-uns de ces griefs.

Je me permettrai d'en indiquer quelques autres et d'appeler l'attention du gouvernement sur ces points, tout à fait de détail sans doute, mais qui sont d'une certaine importance, pour les populations flamandes.

Ainsi, en parlant du Moniteur, j'ai demandé qu'on donnât la traduction flamande des lois en regard du texte français ; je demande qu'on place aussi la traduction flamande des arrêtés royaux d'intérêt général en regard du texte français. Cela ne peut faire de mal à personne et cela peut être intéressant pour beaucoup de gens, surtout quand il s'agit d'actes concernant les provinces flamandes, par exemple, les arrêtés concernant les fondations faites au profit des communes flamandes, les legs, les donations dans les mêmes cas ; je ne vois pas pourquoi M. Cornesse n'autoriserait pas un employé de confiance de son département à traduire ces arrêtés pour les faire insérer en regard du texte français. Et ce que je dis de M. Cornesse, je le dis de M. Kervyn, qui a déjà fait traduire ses circulaires en flamand et de tous ses collègues.

Indépendamment de la traduction des lois, des arrêtés royaux d'intérêt général et des circulaires, je ne vois pas non plus pourquoi on ne traduirait pas en flamand certains avis qui émanent spécialement du département des travaux publics.

L'honorable ministre des travaux publics annonce, par exemple, que pour le transport des lettres il faut prendre telles précautions, que les trains ne marchent pas dans telles directions, etc. Ces avis intéressent les Flamands aussi bien que les Français, pourquoi ne seraient-ils pas traduits ?

D'après moi, on devrait insérer au Moniteur en français et en flamand tout ce qui est d'intérêt général, tout ce qui intéresse les populations des deux parties du pays. L'honorable ministre des finances, quand il informe les rentiers de. l'Etat que les intérêts de la dette publique sont payables, ne pourrait-il pas aussi le faire en français et en flamand ?

On dira peut-être, messieurs, que les journaux peuvent traduire ces petites choses ; mais j'ai déjà fait observer, je crois, que souvent on abrège et qu'on travestit au lieu de traduire, et puis du moment que les journaux français n'ont qu'à prendre tous ces avis pour les insérer tels quels, il ne serait pas juste d'obliger les journaux flamands à les traduire ; si certaines feuilles les trouvaient tout traduits, elles les inséreraient ; cela vaudrait mieux que de remplir leurs colonnes de diatribes et d'invectives.

Quant à la partie non officielle...

- Un membre : Elle n'existe plus.

M. Vandenpeereboom. - Il en reste encore quelque chose. On y publie parfois des articles, des notes qui intéressent autant les Flamands que les Français ; ainsi, par plus tard qu’aujourd’hui, il y a des notes très intéressantes sur nos conventions avec l’étranger ; est-ce que les artistes flamands n’ont pas intérêt à savoir quelle convention nous avons faite avec les principautés de l’Allemagne, avec l’Allemagne du Nord ? Beaucoup de nos livres vont en Allemagne… (Interruption.)

Messieurs, les personnes qui n'ont pas le bonheur de comprendre la littérature flamande ne peuvent pas se rendre compte de ce fait. Nos livres flamands, je le répète, sont recherchés en Allemagne et en Néerlande surtout ; par conséquent les Flamands ont intérêt à connaître les conventions internationales relatives aux œuvres littéraires ; et je demanderai que désormais ces conventions soient publiées en flamand et en français.

J'allais oublier un fait tout récent qui rentre tout à fait dans cet ordre d'idées. Aujourd'hui même a paru au Moniteur, dans la partie non officielle, le règlement relatif à l'exposition horticole de Londres.

Ce règlement n'est publié qu'en français ; or, il est incontestable qu'un grand nombre d'horticulteurs sont Flamands ; et que, par conséquent, ils sont très intéressés à connaître ce règlement. Vous me direz qu'on le leur enverra à domicile ; c'est possible, mais quand ? Ne serait-il pas plus juste de publier ce règlement en flamand comme en français ? Egalité pour tous !

Autre point encore qui concerne plus particulièrement M. le ministre des affaires étrangères. Il me semble que dans nos légations et, tout au moins, dans nos consulats, il faudrait qu'il y eût un fonctionnaire qui connût le flamand. Je ne demande pas précisément que ce soit le chef de la légation, mais une personne quelconque attachée à la légation et qui puisse, le cas échéant, servir d'interprète. Deux fois, messieurs, j'ai été personnellement témoin des inconvénients résultant de l'impossibilité où des Flamands se trouvent, à l'étranger, de se faire comprendre dans les bureaux mêmes abrités par le pavillon national.

La première fois, c'était il y a trente ans (la prescription est donc acquise), un navire d'Anvers, la Providence, avait relâché dans un port de la Sicile ; les marins, tous Flamands, avaient vainement cherché quelqu'un qui les comprît, lorsque je fus assez heureux de les rencontrer et de leur venir en aide.

Eh bien, messieurs, il vous serait difficile de vous figurer la joie de ces braves gens ; il faut en avoir été témoin pour comprendre combien la mesure que je préconise serait utile et bien accueillie. J'ajouterai que, dans quelques-unes de nos plus grandes ambassades, le personnel subalterne ne sait pas toujours le flamand.

Enfin, messieurs, je crois que dans nos ministères, au ministère de l'intérieur surtout, il doit y avoir dans les divers bureaux un ou deux employés sachant parfaitement le flamand.

Je crois aussi, et cette observation s'adresse plus particulièrement à l'honorable bourgmestre de Bruxelles, je crois qu'il serait très utile de veiller à ce que les inscriptions publiques soient faites en flamand et en français. Même observation pour l'administration centrale. Il n'y a pas plus de quinze jours, un brave laboureur des Flandres passait tous les hôtels ministériels en revue et se demandait où pouvait bien se trouver de ministerie van binnenlandsche zaken, il ne comprenait pas les mots « hôtel du ministère de l'intérieur » ; il ne savait pas où était l'hôtel du ministre. Quel inconvénient y aurait-il à inscrire en flamand les mots : « hôtel du ministère de l'intérieur. » (Interruption.)

Déjà l'honorable M. Vanderstichelen, quand il était à la tête du département des travaux publics, a fait faire un grand nombre d'inscriptions en français et en flamand dans les stations. C'est une excellente mesure.

Ii y a beaucoup de choses qu'on peut faire, et qui, sans coûter rien à l'Etat, sans froisser en rien le français, soient de nature à être très agréable à une partie notable de nos populations.

Je finis, messieurs, ce discours trop long peut-être, mais j'ai voulu une bonne fois dire toute ma pensée ; je me résume et je déclare d'abord : je ne puis accepter le reproche qu'on a fait aux anciens ministres de l'intérieur de n'avoir pris, pendant vingt ans, aucune mesure dans l'intérêt de la langue et de la cause flamande. Ce reproche est souverainement injuste, et, je dois le dire, il est froissant pour moi.

D'un autre côté, j'ai examiné les griefs articulés par l'honorable M. Gerrits ; j'admets quelques-uns de ces griefs, dans une certaine mesure. Je demande aussi que le gouvernement fasse droit à quelques-unes des observations que j'ai eu l'honneur de lui présenter.

Avant de me rasseoir, je dois faire remarquer à la Chambre que si la cause flamande vient à péricliter, on ne pourra pas s'en prendre à la minorité. Sur les bancs du parti ministériel, 36 députés sur 58 sont envoyés par les vingt et un arrondissements qui parlent le flamand.

Eh bien, que ces 36 députés, amis du ministère, s'entendent et se mettent (page 798) parfaitement d'accord pour exercer une pression sur le cabinet, pour en obtenir une solution satisfaisante de la question flamande.

Quant aux députés flamands qui siègent à gauche, à l'unanimité, c'est-à-dire l'honorable M. Van Iseghem et moi, ils se joindront volontiers à la majorité pour faire triompher la cause flamande.

Je le répète donc, si désormais on se plaint encore de ce que satisfaction n'est pas donnée à cette cause juste, il faudra s'en prendre non pas à la minorité, mais à la majorité ; et c'est sur la majorité que le mouvement flamand devra dorénavant étendre sa pression la plus énergique.

- M. Thibaut remplace M. Vilain XIIII au fauteuil.

M. Bouvier. - Messieurs, dans une séance précédente, nous avons eu l'honneur de présenter quelques considérations sur la nécessité d'augmenter le nombre des écoles moyennes de l'Etat.

Je voulais parler sur cette question, mais je crois qu'il vaut mieux, en «e moment, continuer la discussion de la question flamande. (Oui !oui !)

M. Delaet. - Messieurs, après le très remarquable discours de mon honorable ami M. Gerrits, que la Chambre a écouté avec une attention sympathique, je croyais que si la question flamande était discutée elle le serait d'une manière large et grande ; qu'on ne la ferait pas descendre du terrain élevé où M. Gerrits l'avait placée. Malheureusement il n'en a pas été ainsi. M. le ministre de l'intérieur, le premier, a cherché à la réduire à des questions de détails. Son discours n'a porté que sur des objets secondaires. La question d'éducation nationale, celle de la valeur de l'enseignement donné par les écoles de l'Etat dans les provinces flamandes, cette grave et grande question n'a pas même été abordée par M. le ministre de l'intérieur. Elle ne l'a pas été davantage par l'honorable M. Vandenpeereboom, qui se complaît à voir dans la question flamande un levier politique, une arme de parti dont on s'est servi pour combattre lui et ses amis.

Il est tout au moins singulier, messieurs, d'entendre soutenir une pareille thèse, au moment même où nous, partisans convaincus de la cause flamande, nous combattons nos amis politiques et cherchons à les pousser plus avant dans une voie où ils sont entrés sans doute, mais où nous reprochons à M. le ministre de l'intérieur de ne point marcher avec assez d'énergie.

Pour satisfaire les populations flamandes et surtout pour satisfaire aux besoins nationaux du pays, il faut plus et mieux.

L'honorable M. Vandenpeereboom a cité une longue liste de mesures qu'il a prises, nous dit-il, en faveur de la cause flamande.

Parmi ces mesures, il en est deux dont je remercie l'auteur et le loue sans réserve ; la première, c'est la fixation uniforme de l'orthographe de la langue néerlandaise, adoptée de commun accord entre nous et nos frères du Nord. C'est là un acte de bonne administration et d'excellente politique.

Vous voyez que je ne marchande pas les éloges.

M. Vandenpeereboom a encore décrété que désormais, pour les concours de musique, des cantates pourraient se faire, soit sur des paroles flamandes, soit sur des paroles françaises. Cette mesure est d'autant plus louable qu'elle a réussi au delà des espérances qu'elle avait fait naître chez M. Vandenpeereboom lui-même et qu'il a fallu une réelle énergie à ce ministre, pour écarter l'opposition qu'y faisaient, à l'époque où elle a été prise, ceux qui prétendaient que la langue flamande ne se prêtait pas à la musique.

Il y avait une hostilité assez générale et je crois même qu'au conservatoire de musique de Bruxelles cette opposition, quoique rendue impuissante, persiste encore aujourd'hui.

Or, qu'est-il arrivé ? C'est que tous les musiciens, tous, notez-le bien, qui ont obtenu le premier prix, ont préféré les paroles flamandes aux paroles françaises. Ce n'était pas à cause d'un sujet plus dramatique, d'une forme mieux réussie ; c'est que la langue flamande est plus musicale, que la musique s'y adapte beaucoup mieux qu'au français. Des compositeurs wallons sont si profondément convaincus du fait, qu'ils se sont mis à apprendre le flamand.

La réponse des hommes compétents est absolue et prouve une fois de plus combien facilement disparaissent les préjugés de l'ignorance, lorsqu'on ose les combattre par des actes.

Quant aux encouragements pécuniaires, quant aux subsides, quant aux petites places données à des Flamands, l'honorable M. Vandenpeereboom connaît mon opinion de longue date. Il sait que je supprimerais très volontiers du budget de l'intérieur le chapitre qui concerne les encouragements aux beaux-arts et à la littérature.

Je crois que, somme toute, ce chapitre fait aux arts et à la littérature beaucoup plus de mal que de bien. Quand un homme, jeune et énergique, a la vocation de l'art, il sait se frayer la voie sans avoir recours aux subsides, aux miettes du budget. Il en est de même de l'homme de lettres ; comme l'artiste, il a une vocation ou n'a pas d'avenir. On ne crée pas un écrivain ; il se fait lui-même, et l'Etat ne fait que lui imposer un niveau qu'il ne peut dépasser : le niveau de l'encouragement officiel. Il n'y a qu'un encouragement qui soit réel, qui soit sérieux : c'est l'approbation publique.

Si donc l'honorable M. Vandenpeereboom a pris l'initiative de quelques mesures, s'il a continué, sur une plus large échelle, ce qui a été fait avant lui, je dis qu'il n'y a rien là dont nous ayons à le remercier. Ce que nous demandons, ce ne sont pas des encouragements donnés à des Flamands, des subsides à la littérature flamande. La cause flamande n'en a pas besoin ; elle n'a besoin que de justice.

Messieurs, quel est, au fond, le point de départ de ce débat ? Nous n'avons pas seulement dit que dans les provinces flamandes on ne donnait pas assez d'heures à l'enseignement de la langue maternelle. Le fait est là ; mais ce n'est pas le grand fait ; c'est le fait accidentel. Ce que nous réclamons non seulement au nom de la langue flamande, mais au nom de l'honneur du pays et dans l'intérêt de la nationalité belge, c'est que, jusqu'à certain âge, l'enseignement soit donné aux enfants des Flandres exclusivement en langue flamande. Seule, cette éducation-là peut former des hommes.

On est venu nous lire, il y a quelques jours, un article de la Gazette d'Augsbourg dans lequel on se plaignait hautement du système d'éducation donné à Rome.

L'avant-veille, un journal des Flandres avait publié un article à peu près équivalent sur l'enseignement dans le royaume d'Italie. Il paraît que l'enseignement y est tellement arriéré que sur 100 candidats 90 ont échoué.

M. David. - Dans le Piémont ?

M. Delaet. - Monsieur David, pardonnez-moi. Je ne veux pas discuter votre thèse. Vous allez me comprendre tout de suite.

Je suis, messieurs, avec l'honorable M. Sainctelette, grand partisan des études géographiques. Mais je crois que l'honorable M. Sainctelette sera d'accord avec moi pour reconnaître qu'avant de critiquer ce qui se fait à l'étranger, nous ferions bien de voir si nous-mêmes ne pouvons être l'objet de critiques bien autrement amères. Or, c'est le cas en matière d'enseignement.

Vous savez tous, messieurs, que l'intelligence de l'enfant doit accomplir un travail gigantesque, un effort pour ainsi dire incommensurable pour apprendre une langue.

Nommer les objets qui l'entourent, c'est-à-dire connaître le monde extérieur, exprimer les sentiments qu'il éprouve, les idées qui lui viennent c'est-à-dire ce qui n'est plus ni tangible ni visible, ce qui est abstrait, ce travail, l'enfant le fait dans un laps de temps de deux ou trois ans tout au plus.

Son intelligence s'adapte alors à la langue dont il se sert. Elle sera plus ou moins correcte, selon le plus ou moins de rectitude du langage, mais il faut surtout, quelle que soit la valeur de l'instrument, que cet instrument demeure unique.

Du moment que vous donnez à l'enfant deux instruments avant que son intelligence ait acquis la vigueur nécessaire, vous troublez le développement normal de l'intelligence, vous ôtez à l'enfant toute originalité, toute vigueur.

Or, c'est à ce régime débilitant que sont soumis, dans les provinces flamandes, les enfants qui fréquentent les écoles de l'Etat.

On a prononcé un jour dans cette enceinte un mot qui a eu un grand retentissement.

On a parlé de la formation d'une génération de crétins.

Laissez-moi le dire : ce qui se forme dans les écoles de l'Etat, par les maîtres diplômés de l'Etat, c'est une véritable génération de crétins.

Il est de bon goût, messieurs, dans cette Chambre et ailleurs, quand on parle de la Belgique, de faire un peu de chauvinisme, de dire qu'elle fait l'admiration de l'étranger et lui sert d'exemple. Je désirerais qu'il en fût ainsi. Les faits malheureusement ne sont pas toujours d'accord avec nos prétentions.

Quelle est la première qualité de l'homme, si ce n'est d'être lui-même, d'être « zelfstandig », comme nous disons en flamand et comme, à mon grand regret, je ne puis dire en français, la langue française ne possédant pas même d'équivalent pour ce mot qui désigne la plus haute, la plus indispensable qualité du citoyen ? L'homme n'est complet que s'il a foi en lui-même.

Or, que fait-on de nos générations flamandes et même de nos générations wallonnes ?

(page 799) Dit-on aux Belges que les Flamands appartiennent à une race glorieuse dans le passé, qu'ils ont une histoire merveilleuse, que les idées libérales, les idées de grande et de véritable liberté étaient le domaine commun de tous les citoyens flamands, avant que, dans les grands pays, on songeât seulement à créer la commune, c'est-à-dire le berceau de la liberté ?

Leur dit-on qu'ils n'ont pas dégénéré de leurs ancêtres et qu'ils peuvent marcher sur leurs traces dans le domaine de l'action et des connaissances humaines ?

Non, messieurs, on commence par dire aux enfants de 6 ou 7 ans, qui ont le malheur de franchir le seuil de vos écoles, que le Flamand n'est rien, que sa langue ne peut lui servir de rien, que la population belge a besoin d'imiter les grands exemples, et on lui montre la France ; on ne lui dit pas, comme à l'Allemand, à l'Anglais, au Français, qu'il est à lui-même sa raison d'être ; on lui montre au delà des frontières le modèle à imiter. Il en résulte que l'enfant à peine entré à l'école perd la conscience de sa valeur, le sentiment de sa dignité. On lui dit encore : Ne prononcez pas ainsi ce mot, vous passeriez pour Flamand ; ne vous servez pas de telle structure de phrase, on vous soupçonnerait d'être Wallon. Et après cela on viendra demander de la vigueur, de l'intelligence à un homme qui n'a jamais été lui-même, qui a pris l'étranger pour modèle, qui a fait de l'étranger non un sujet d'études, mais un objet d'imitation.

Vous le voyez, messieurs, la grande question à discuter, le problème à résoudre, c'est l'enseignement. Qu'on ait nommé un régent diplômé ou non diplômé, qu'importe ! Les hommes qui ont marqué dans le monde, ont-ils demandé leur génie et leur gloire à un diplôme de l'Etat ?

Je ne sache pas que Rubens ait jamais eu un diplôme académique et certainement Corneille en France était un grand écrivain avant que le cardinal Richelieu s'avisât de créer l'Académie française.

Voilà pourquoi je dis que non pas seulement au point de vue flamand, mais au point de vue national, il y a un grand intérêt à corriger le vice radical de notre enseignement public.

Qu'est-ce, en définitive, que cet enfant, que ce jeune-homme qui, à mesure qu'il grandit, cherche toujours à être le moins possible lui-même ? On parle beaucoup, depuis quelque temps, du système de Darwin, on prétend que la race humaine ne descend pas d'Eve et d'Adam, mais simplement d'un certain genre d'animaux plus ou moins rapprochés de l'homme.

Je n'admets pas le système, mais, - et je vous prie d'y prendre garde, - s'il n'est pas vrai dans le passé, il pourrait bien, en Belgique, devenir une vérité dans l'avenir ; notre postérité pourrait fort bien devenir ce que, d'après Darwin, ont été nos ancêtres. Il suffirait pour cela de laisser notre enseignement public ce qu'il est aujourd'hui.

On nous demande de descendre aux détails, de citer des faits.

Mon honorable ami, M. Gerrits, en a plein les mains ; les documents sont là devant lui, il pourrait vous en donner lecture, mais à quoi bon ? Reconnaissez un fait, un seul. C'est qu'avant tout une nation vit de dignité et que si l'on dit à la jeunesse d'une nation qu'elle n'a pas de valeur, qu'elle n'a pas même de patrie, vous détruisez cette nation.

Les mesures qu'à la fin de son discours l'honorable M. Vandenpeereboom indique comme devant être prises par le cabinet actuel sont au fond excellentes. En les entendant énumérer, je n'ai éprouve qu'un regret, c'est que ces bonnes idées ne soient pas venues plus tôt à M. Vandenpeereboom et alors que, ministre lui-même, il lui eût été si facile de les réaliser.

Quoi qu'il en soit, ses conseils sont bons et l'honorable M. Kervyn de Lettenhove en tiendra grand compte, j'en suis sûr.

L'honorable M. Vandenpeereboom, et je l'ai fait avant lui, a demandé à l'honorable bourgmestre de Bruxelles de bien vouloir rétablir, du moins au coin des rues, la dénomination flamande des rues de Bruxelles ; il y a quelque chose de réellement froissant pour les Belges flamands dans ce qui existe aujourd'hui.

La capitale a ce grand privilège de posséder, à côté d'une population qui parle français, une population bien plus nombreuse dont le flamand est la langue maternelle.

Sous ce rapport, elle résume, mieux que toute autre ville, le pays. Celui qui a fait disparaître l'indication de la dénomination flamande, du nom historique des rues de Bruxelles, n'a donc fait acte ni d'intelligence ni de patriotisme.

Dans la pratique aussi, les inconvénients sont réels. La langue flamande est riche de synonymes et le nom français des rues peut se traduire de plusieurs façons, ce qui, à défaut d'une dénomination flamande, locale et connue de tous, doit induire en erreur et rendre difficile la recherche des adresses.

Le Flamand de la frontière, traduisant, par exemple, « rue des Tanneurs », pourra appeler « Loyersstraat » la rue que tout Bruxelles appelle « Huidevettersstraat. »

La rue de la Fourche, qui, de tout temps, s'est nommée « Greepstraat », pourra se traduire par erreur « Rick » ou « Vorkstraat » et devenir introuvable pour un Flamand de l'intérieur, s'adressant à un Flamand de Bruxelles. Je m'abstiens de multiplier les exemples.

Les inconvénients de l'état actuel des choses sautent aux yeux.

Mais ce n'est pas à ce point de vue restreint que je me place. Je dis qu'il y a quelque chose d'humiliant pour le Flamand d'entrer à Bruxelles, à l'embellissement duquel il contribue pour une si large part, et de ne point parvenir à connaître seulement les noms des rues, de s'y trouver aussi étranger qu'il le serait à Paris.

Je me joins donc à l'honorable M. Vandenpeereboom pour recommander à l'honorable M. Anspach cette petite réforme qui ne serait guère coûteuse, mais très sensée et très patriotique.

Un mot pour finir, car je tiens à ne pas trop entrer dans des détails.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir méditer ce qui a été dit dans cette discussion, et par ses amis politiques et par ses adversaires.

II y a, non pas quelque chose à faire, mais beaucoup à faire, et je l'engage, pour ma part, à répondre aux encouragements ironiques qui lui ont été donnés, par des réformes profondes, logiques et nationales.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il est entendu, je pense, que la Chambre terminera l'incident dont elle s'occupe, avant d'aborder un autre ordre d'idées. C'est à ce titre que j'ai demandé la parole.

Il résulte, messieurs, de ce débat, une conclusion grave et importante : c'est que personne, dans cette enceinte, ne veut affaiblir la légitime position, le véritable rôle, la large part que revendique dans la vie politique du pays, une langue qui a, de tout temps, constitué une grande puissance pour une partie de la nation, qui, de tout temps, a exercé une influence morale considérable, qui, appuyée sur ses traditions et ses enseignements historiques, a largement contribué à la formation et à la consolidation de la nationalité belge tout entière.

Je pense, messieurs, que c'est là un principe sur lequel nous sommes tous d'accord, et, pour ma part, je me croirais plus coupable que personne si, en présence de l'appel qui m'est adressé par les défenseurs de la langue flamande, je pouvais oublier un instant combien de fois, moi-même, j'ai cherché à mettre en relief ces souvenirs et ces traditions auxquels, tout à l'heure, on faisait appel.

Il est évident, toutefois, qu'à côté de ce principe, il y a des questions de détail, et qu'il ne suffit pas de reconnaître que nous devons aux populations flamandes le maintien de leur langue et de leurs droits, pour se croire dispensé d'examiner quelles sont les mesures à prendre pour mettre un terme aux plaintes qui se sont élevées.

C'est ici, messieurs, que commence la tâche la plus sérieuse pour le gouvernement.

Je crois inutile de protester de nos bonnes intentions et de notre désir de chercher à remédier à tous les griefs légitimes qui sont articulés.

Je dirai d'abord, d'une manière générale, que le grief le plus considérable, tel qu'il se révèle dans notre système d'éducation, depuis l'école primaire jusqu'à l'enseignement supérieur, c'est une tendance regrettable à ne consulter que des livres écrits hors de nos frontières, dictés par des influences qui ne sont pas les nôtres, exprimant presque toujours des idées antipathiques à nos idées nationales. Il y a là un véritable péril, et il est du devoir du gouvernement de chercher à rendre plus national, à tous les degrés, l'enseignement donné à nos populations. (Interruption.)

Je prends bien volontiers l'engagement d'apporter l'attention la plus sérieuse à tout ce qui peut se faire pour atteindre ce but.

En ce qui touche les points spéciaux qui ont été indiqués, je pense qu'il n'existe pas de griefs fondés au sujet de l'enseignement des écoles primaires, mais que les observations méritent d'être pesées en ce qui se rapporte aux sections préparatoires annexées aux écoles moyennes, sections qui se rapprochent beaucoup de l'école primaire et qui, à ce titre, devraient présenter une organisation plus complète de l'enseignement de la langue flamande.

Il est encore évident, en ce qui concerne les écoles moyennes flamandes, que l'atmosphère doit y être flamande, selon l'expression dont se servait tout à l'heure l'honorable M. Vandenpeereboom. Nous chercherons à marcher dans cette voie ; mais nous devons tenir compte du désir des familles ; (page 800) (page 800) nous ne voulons pas procéder par voie de contrainte ; notre devoir est de mettre à la disposition des populations flamandes tout ce qui peut favoriser leur patriotique attachement à la langue maternelle.

Il est toutefois un point sur lequel je ne puis être d'accord avec l'honorable M. Delaet. D'après l'honorable membre, si je l'ai bien compris, il faut admettre que le système d'éducation a plus de valeur lorsqu'il est limité à l’étude d'une seule langue. Je ne partage pas cette opinion. La connaissance de plusieurs langues est, aujourd'hui plus que jamais, utile à l'homme ; c'est par elle qu'il peut exercer une action sur la société contemporaine.

La seule chose qu'on soit en droit de demander, c'est qu'en parlant plusieurs langues, nos concitoyens ne perdent pas le sentiment national, le sentiment patriotique, quelle que soit la forme dans laquelle ils expriment leurs idées.

Messieurs, je crois devoir rentrer dans d'autres questions de détail, qui ont été abordées aujourd'hui. L'honorable M. Vandenpeereboom a parlé notamment de l'utilité que pourrait présenter une traduction du Moniteur et des Annales parlementaires, pour satisfaire à des vœux depuis longtemps exprimés par les populations flamandes.

Dans l'insertion que j'ai fait faire au Moniteur de circulaires traduites en flamand, il y avait évidemment un point de départ, une première mesure, insuffisante, je le veux bien, mais témoignant, au moins, de notre intention arrêtée de porter à la connaissance des populations flamandes les documents qui pouvaient les intéresser. Je reconnais volontiers qu'il y a quelque chose de plus à faire. J'admets qu'il ne faut pas se borner à la traduction flamande du recueil des lois et arrêtés royaux ; je crois avec l'honorable M. Vandenpeereboom que ce serait une mesure utile et facile, que celle qui consisterait à insérer au Moniteur la traduction, non seulement des lois et des arrêtés royaux, mais encore des arrêtés ministériels et des circulaires qui présentent, soit un caractère d'intérêt général, soit un caractère d'intérêt spécial pour les provinces flamandes.

Quant à la traduction en flamand des Annales parlementaires, je m'en suis sérieusement occupé ; j'ai recueilli des renseignements sur la dépense qu'elle occasionnerait et sur les moyens d'exécution, et, je regrette de devoir le dire, cette traduction nous mettrait en présence de grandes difficultés.

Remarquez d'abord qu'au point de vue de l'impression des Annales, il y aurait un surcroît de dépenses de plus de 100,000 francs.

En outre, il faudrait nommer quatre ou cinq traducteurs, qui recevraient trois à quatre mille francs, il y aurait ensuite des difficultés d'exécution qu'il est impossible de perdre de vue.

En effet, il est important, pour les membres de la Chambre qui prennent la parole, que leurs discours soient, le plus tôt possible, portés à la connaissance des populations ; or, il faudrait que, pendant la nuit, après la séance, on pût traduire les discours, qui seraient imprimés dans la journée du lendemain ; la distribution du texte traduit se trouverait ainsi postérieure de vingt-quatre heures à celle du texte français. Il ne faut pas se dissimuler non plus que des traductions faites avec cette précipitation ne pourraient guère satisfaire les orateurs, et l'on se trouverait alors en présence de nombreuses réclamations.

Tels sont les renseignements que j'ai recueillis : je ne me refuse, du reste, aucunement à continuer l'étude de cette question.

Il est encore d'autres points qui ont été examinés par les honorables préopinants..

L'honorable M. Vandenpeereboom peut être convaincu que nous maintiendrons ce qui a déjà été fait et que nous rechercherons ce qu'il y a à faire dans une voie où il a laissé d'excellents souvenirs.

Nous continuerons, messieurs, à correspondre en flamand avec les communes flamandes ; nous conserverons à l'administration centrale des fonctionnaires qui puissent accueillir ces bons laboureurs que l'honorable M. Vandenpeereboom a rencontrés rue de la Loi, qui ne savaient où s'adresser, et qui, à plus forte raison, seraient bien à plaindre si, à l'administration centrale, on ne pouvait les comprendre. (Interruption.)

Il ne faut pas, néanmoins, se dissimuler que nus efforts ne sont pas toujours bien accueillis, et l'honorable M. Anspach m'a déjà reproché de m'être adressé en flamand à l'administration communale de Bruxelles. J'ai voulu rechercher à quelle occasion cela s'était présenté, et voici le fait : il est bien simple.

Il y a au ministère de l'intérieur des circulaires autographiées, rédigées en flamand et se rapportent à l'envoi de livres flamands. Or, l'administration communale de Bruxelles ayant manifesté le désir d'obtenir des livres flamands pour sa bibliothèque populaire, il lui en a été envoyé par circulaire flamande, il paraît que l'administration communale de Bruxelles s'en est vivement émue, car elle a répondu que si elle était disposée à s'entretenir avec ses administrés qui ne connaissent pas le français, dans la langue qui leur convient le mieux, elle ne comprenait pas pourquoi le gouvernement renonçait, vis-à-vis d'elle, à des usages qui avaient toujours été établis.

Il n'y avait cependant rien de bien étrange à joindre à l'envoi de livres flamands une lettre flamande adressée à l'administration communale de Bruxelles.

M. Rogier. - Elle émanait sans doute du bureau flamand que vous n'avez pas constitué. (Interruption.)

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il existait au ministère de l'intérieur un fonctionnaire qui n'avait d'autre titre que celui d'attaché. Ce fonctionnaire a été nommé chef de bureau chargé des intérêts de la langue flamande.

M. Bouvier. - Le bureau existait ; M. Rogier vous le déclare.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il y avait, en fait, un bureau ; mais j'ai donné au fonctionnaire qui le dirigeait un rang en rapport avec les fonctions qu'il remplissait ; il ne s'agissait pas seulement de récompenser ce fonctionnaire de ses services ; c'était surtout l'importance de la langue flamande que je voulais reconnaître, considérant comme un devoir, à ce point de vue, de créer à l'administration centrale un chef de bureau chargé spécialement de s'occuper de la littérature flamande.

M. Pirmez. - Vous avez confié l'enseignement primaire à un simple chef de bureau !

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il s'agit, je pense, en ce moment, de la langue flamande. Je ne crois pas qu'il convienne de mêler constamment des incidents à des incidents.

M. Rogier. - Pourquoi n'avez-vous pas dit la vérité ? Je demande la parole.

MiKù. - Ce que je tenais a déclarer, c'est qu'appartenant moi-même à la partie flamande de nos populations, je suis, plus que personne, disposé à écouter ses griefs, à rechercher les remèdes qu'il y a lieu d'y apporter, et je suis convaincu qu'en agissant ainsi, ce ne sont pas seulement les intérêts d'une partie de la nationalité belge que je servirai, mais aussi ceux de la nationalité belge tout entière.

M. Delaet. - Je viens d'entendre, et non sans quelque humiliation, je dois le dire, l'honorable ministre de l'intérieur faire des excuses à l'honorable M. Anspach, de la liberté grande qu'il avait prise de lui écrire un jour, à propos d'un envoi de livres flamands, une petite lettre d'envoi en langue flamande.

Je dis que je n'ai pas assisté à ce débat sans humiliation. C'est que je ne me souviens pas que, jamais depuis 1830, un ministre se soit excusé dans cette Chambre d'avoir écrit en français, et obstinément en français, à des administrations communales qui ne comprenaient pas un mot de français.

Depuis 1830 jusqu'à 1840, entre autres, avant nos premières pétitions flamandes, on écrivait aux administrations de nos villages de la Campine purement et simplement en français, sauf à nos bons Flamands à s'en tirer comme ils le pouvaient.

Il y a un enseignement dans cet incident : c'est, messieurs, que ceux d'entre vous qui pourraient être hostiles à la langue flamande et à la cause des Flamands, et qui nous reprochent d'être exagérés, d'être susceptibles au delà de toute mesure, de vouloir l'impossible, ne souffrent pas même, sans en faire l'objet d'une réclamation dans cette enceinte, que, par une simple inadvertance, on leur adresse en langue flamande une petite lettre autographiée ! Encore s'agit-il d'une commune... (Interruption.)

Je n'ai pas à faire le procès à M. le bourgmestre de Bruxelles ; ce n'est pas en cette qualité qu'il siège parmi nous ... dans une commune, dis-je, où la majorité des habitants est flamande.

Je crois que ce petit enseignement ne sera pas perdu pour le pays. En voyant avec quelle susceptibilité les villes, non pas wallonnes, je le comprendrais, mais les villes semi-flamandes repoussent les lettres qu'on leur adresse en flamand, personne, je l'espère, ne nous taxera plus d'exagération ou de susceptibilité excessive lorsque nous aussi nous refuserons de recevoir les lettres françaises.

Mais je n'avais pas demandé la parole à propos de ce dernier incident. Je l'ai demandée lorsque M. le ministre de l'intérieur, qui m'a sans doute mal compris, à moins que je ne me sois très mal expliqué, m'a reproché (page 801) d'avoir dit que nul homme n'a de vraie valeur et ne peut atteindre a une véritable grandeur intellectuelle, s'il connaît et parle plus d'une langue.

Je n'ai pas dit cela. J'ai trop étudié la question pour pouvoir jamais me rendre coupable d'une pareille hérésie. J'ai dit, au contraire, que l'homme fait doit aller demander à l'étranger ce qu'il peut mettre à profit comme ce qu'il doit éviter.

Nous tenons à ce que nos enfants, une fois que leur intelligence est formée, que leur individualité est entière, sachent plusieurs langues et les sachent vite et bien. C'est pourquoi nous réclamons hautement qu'à tous les degrés de l'enseignement pour les Flamands, on enseigne l'allemand par la langue congénère en six semaines ou deux mois, suffisamment pour en comprendre les auteurs ; en un an, suffisamment pour l'écrire ; que nous demandons qu'il en soit de même de l'anglais.

Aujourd'hui, une étude de quatre ou cinq ans ne donne souvent pas de résultat.

Je tiens à répéter ce que j'ai dit parce que le grand point social et politique de la question est là. Un enfant élevé dans les deux langues est, neuf fois sur dix, un enfant perdu ; un enfant élevé jusqu'à un certain âge dans une seule langue apprend vite et bien les langues étrangères ; il a le jugement sûr, la conception rapide.

Si, tout à l'heure, je ne me suis pas étendu sur la matière, c'est que j'ai craint d'abuser des moments de la Chambre, mais j'ai parlé du travail herculéen que l'enfant devait opérer pour apprendre à se mettre en relation avec le monde extérieur.

J'ai dit que si vous donnez deux formes à l'instrument dont se sert l'enfant, vous doublez, vous triplez l'effort qu'il doit faire pour se rendre clairement compte de ce qu'il voit et de ce qu'il entend.

C'est bien pis encore quand il s'agit de syntaxe. La syntaxe, c'est la logique, et si vous imposez aux jeunes intelligences deux logiques qui souvent s'excluent, vous êtes à peu près certains de fausser le jugement.

Voilà ce que j'ai voulu dire et je prie l'honorable ministre de l'intérieur de bien vouloir ne pas me prêter des théories que je n'ai jamais formulées ni dans cette Chambre ni ailleurs.

- Plusieurs voix. - A demain !

M. Rogier. - Je n'ai pas soulevé l'incident. Si je prends la parole, c'est à contre-cœur. Je tiens seulement à constater une erreur que je ne veux pas qualifier.

Je ne comprends pas que M. le ministre de l'intérieur, après ce qui lui a été dit dans la dernière séance, ait été jusqu'à renforcer, aux Annales parlementaires, l'affirmation d'un fait complètement inexact.

Parmi les mesures qu'il a prises, dit-il, pour favoriser la langue flamande qui, semble-t-il, était entièrement négligée par ses prédécesseurs, il a constitué un bureau chargé spécialement de ce qui concerne la littérature flamande.

L'honorable M. Vandenpeereboom lui a fait observer que ce bureau existait. J'ai fait la même observation et j'avais raison de le dire, parce que j'avais établi ce service en y appelant un littérateur distingué, qui figurait parmi les partisans les plus convaincus et les plus autorisés de la langue flamande.

Et ce bureau existait si bien, que lorsque M. le ministre a pris la grande mesure de donner le titre de chef de bureau hors cadre à l'employé qui dirigeait le service, il a dit dans son arrêté : « Le sieur... attaché à la section flamande de l'administration des lettres, est nommé... », constatant ainsi dans son propre arrêté que cette section existait. Il n'a donc pas constitué ce service et je l'engage à faire insérer un erratum aux Annales parlementaires.

Maintenant, que cet employé ait été nommé chef de bureau hors cadre, je n'ai à cela rien à dire ; il était en fonctions depuis 1859. Si M. le ministre de l'intérieur a voulu, par là, donner plus d'importance au bureau flamand, c'est donc qu'il attache une certaine portée à la qualification d'un employé ! Comment se fait-il, dès lors, que, dans la direction de l'enseignement primaire, il ait remplacé un directeur ou chef de division par un simple chef de bureau !

Je dis cela en passant, nous y reviendrons peut-être ; mais, au nom de la vérité, je demande à M. le ministre de. l'intérieur de vouloir bien reconnaître qu'il n'est pas, quoiqu'il en ait dit, le créateur du bureau flamand, constitué dix ans avant lui au département de l'intérieur.

J'aurais beaucoup à dire sur la question flamande en elle-même. Mais je crois devoir m'abstenir pour le moment, en me bornant à faire mes réserves sur certaines assertions qui ont été produites et sur certains reproches qui me touchent comme ancien ministre de l'intérieur, en ce qui concerne la question flamande. Je m'en réfère, au surplus, aux témoignages de confiance, d'estime, je ne veux pas dire de reconnaissance, que j'ai reçus des populations flamandes pendant ma longue carrière politique. Celui qui vous parle, celui qu'on voudrait peut-être signaler comme hostile à la langue flamande, a eu l'honneur d'être représentant de Turnhout, d'être représentant d'Anvers à une époque où l'on n'avait pas encore fait de la question flamande le vestibule de la Chambre des représentants. (Interruption.)

On vous a dit, l'autre jour, que la politique suivie pendant vingt ans à l'égard de la langue flamande avait été comme l'antichambre de l'empire. Eh bien, je dis, moi, que j'ai reçu des témoignages de confiance des populations flamandes à une époque où l'on n'avait pas encore fait de la question flamande un moyen d'entrer à la Chambre.

M. Coremans. - Expliquez-vous.

M. Delaet. - Ne récriminez pas, M. Rogier. Vous avez...

M. le président. - N'interrompez pas, M. Delaet.

M. Rogier. - Voudriez-vous bien répéter ?

M. le président. - N'insistez pas, M. Rogier.

M. Delaet. - Il n'y a rien d'offensant dans mon observation.

M. Rogier. - J'aime à le croire ; car je ne l'admettrais pas. Mais je voudrais cependant bien savoir ce que vous avez dit.

M. Delaet. - Je dis que si vous récriminez contre nous en disant que nous avons fait de la question flamande, le vestibule de la Chambre, nous pourrions dire, à notre tour, qu'en 1830 vous avez fait de la question de la révolution belge le vestibule de votre carrière politique.

M. Rogier. - Je m'en honore et puisqu'on invoque le souvenir de la révolution de 1830, je rappellerai que cette révolution a été, en grande partie, une réaction contre ce système que les partisans exagérés de la langue flamande voudraient aujourd'hui imposer au pays. Que reprochait-on à la Hollande ? D'imposer sa langue à nos populations et c'a été un des principaux griefs de l'opposition d'alors, même dans les provinces flamandes. (Interruption.)

En 1830, il y a eu réaction contre l'emploi forcé de la langue hollandaise, et la Constitution a proclamé l'emploi des langues facultatif, et personne ne demandait alors ce que des opinions exagérées ont réclamé depuis pour la langue flamande.

Je continue d'être, messieurs, un grand partisan de la liberté des langues, surtout en Belgique. En principe et en réalité, cette liberté existe, et, au fond, les populations ne se plaignent pas. Voyez-vous arriver des pétitions au bureau pour signaler des vexations dont les populations flamandes auraient à souffrir ?

M. Coremans. - Il en arrive tous les jours.

M. Bouvier. - C'est un rêve.

M. Rogier. - Voyons, n'exagérons pas et reconnaissons que le gouvernement a fait ce qu'il a pu pour donner satisfaction à la langue flamande. On peut, devant tous les tribunaux, plaider en flamand ; si on ne le fait pas, c'est que cela ne convient pas aux justiciables ou aux avocats. A Anvers même, on plaide en français. Les avocats d’Anvers que nous avons l'honneur de posséder dans cette enceinte plaident en français.

Il ne faut pas exagérer, il ne faut pas semer entre nous de nouveaux germes de désunion. Nous sommes déjà divisés en catholiques et libéraux ; n'allons pas créer et entretenir, à côté de cette division, celle des Flamands et des Wallons. Ne faut-il pas, au contraire, chercher à rapprocher ces deux groupes de population, et quel meilleur moyen, pour cela, que d'initier autant que possible le Wallon au flamand et, ce qui est plus facile, le Flamand au wallon ? Les Flamands ont, à la fois, une grande facilité et un grand intérêt à apprendre le français, qui leur est utile dans toutes leurs relations dans le pays et au dehors.

Un Flamand qui sait le français vaut, pour ainsi dire, deux Belges ; il peut se placer partout, arriver partout ; tandis que le Wallon, pour qui l'étude et la pratique de la langue flamande présentent de grandes difficultés, ne peut exercer des fonctions ou même exercer certaines industries dans tout le pays s'il ne connaît pas les deux langues.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je demande à l'honorable préopinant la permission de lui prouver qu'il n'a pas créé une section flamande au ministère de l'intérieur.

Voici une note que M. Delcroix a remise à l'honorable M. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur, le 14 décembre 1863, et qui constate qu'en effet on a attribué, mais erronément à l'honorable M. Rogier la création d'un bureau flamand en 1859. Je lis, dans cette note, ce qui suit :

« A la page 58 des annexes au budget du département de l'intérieur pour l'exercice 1863, figure, parmi les modifications les plus importantes, la création d'une section flamande à la direction générale des beaux-arts, etc.

(page 801) « D'après cette indication, la section dont il s'agit aurait été créée par arrêté royal du 29 janvier 1859.

« Je me permettrai de vous faire observer, M. le ministre, qu'il n'existe pas d'arrêté royal ni ministériel, portant institution d'une section flamande.

« Ce qui existe, et ceci est bien distinct, c'est un arrêté ministériel du 29 janvier 1859 qui m'attache à la direction générale des beaux-arts, etc., pour y traiter les affaires relatives à la littérature flamande. »

Or, la littérature flamande ne formait alors qu'une annexe de la direction générale des lettres et beaux-arts. J'ignore même si la section flamande a été organisée par l'honorable M. Vandenpeereboom ; je vois toutefois que, sous son ministère, les mots « section flamande » se rencontrent dans les pièces officielles. Mais jusqu'au moment où l'honorable M. Delcroix est devenu chef de bureau, il n'a eu d'autre titre que celui d'attaché à la section flamande.

Ce qui est établi, c'est que la section flamande n'a pas été organisée par l'honorable M. Rogier. Je ne puis d'ailleurs que le répéter : la mesure que j'ai prise, a eu pour but de mettre plus en relief la littérature flamande, en établissant un chef de bureau chargé spécialement de veiller à ses intérêts.

Il est une autre question, qui exige de ma part un mot de réponse ; car, à diverses reprises, on y fait allusion dans la discussion de mon budget : je veux parler de certaines modifications introduites dans le personnel. A cet égard, je ne recule devant aucune explication.

Quelle était la situation des choses, lorsque j'ai pris, possession du ministère de l'intérieur ? Il était évident que, dans les circonstances graves que nous avions à traverser, la garde civique pouvait être appelée à remplir un rôle considérable.

C'était la pensée qui nous a inspirés lorsque nous nous sommes occupés de la révision de la loi sur la garde civique. Depuis longtemps (les honorables MM. Vandenpeereboom et Pirmez n'ont pu l'oublier), il s'était élevé des plaintes assez vives au sujet de l'inspection qui était faite de la garde civique par un fonctionnaire civil.

M. Vleminckx. - Vous pouviez supprimer l'inspection.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Au département de l'intérieur, un honorable fonctionnaire remplissait les fonctions d'inspecteur de la garde civique et dirigeait, en même temps, la partie administrative relative à la garde civique. Ce fonctionnaire ne pouvait consentir à ce que les fonctions dont il était chargé fussent amoindries ; comme il était arrive à un âge avancé, qui permettait de le rémunérer de ses longs et loyaux services, j'ai cru qu'il était utile de donner à la garde civique un inspecteur général ; et, au moment où mes honorables adversaires me reprochent d'avoir toujours été guidé par l'esprit de parti, il m'est bien permis de rappeler que l'inspecteur général qui a été nommé est précisément un membre du ministère qui nous a précédés.

Quelle mesure peut-on nous reprocher ? Au moment où M. de Sorlus cessait de remplir les doubles fonctions qu'il exerçait, il fallait le remplacer aussi dans son service administratif. Et quel est le fonctionnaire que nous avons choisi ? Celui qui, par son grade et son ancienneté, était placé en première ligne. Voilà le grief que l'on articule contre nous.

Et lorsque ce fonctionnaire, par une promotion toute naturelle, est appelé à une position supérieure, quel est l'homme que nous avons chargé du service de l'enseignement primaire ? Le plus ancien fonctionnaire dans cette partie de l'administration.

Voilà les griefs que l'on nous oppose, et je ne comprends pas que M. Rogier, dont je reconnais toute la loyauté, soit venu nous en faire des reproches, alors que nous avons assurément fait preuve de la plus grande impartialité.

M. Pirmez. - Messieurs, je ne veux pas discuter la question de la nomination du directeur général de la garde civique et de la milice, mais je ne puis laisser passer, sans y répondre, cette affirmation du ministre de l'intérieur qu'il a créé le bureau de langue flamande au département de l'intérieur. Je dois dire que j'éprouve, en entendant cette affirmation, un sentiment que je ne puis mieux définir qu'en vous disant que c'est le sentiment que vous éprouveriez tous si le président de la Chambre venait nous dire qu'il vient de créer le greffe de cette assemblée.

Il s'agit d'un bureau que j'ai connu, dont je connaissais le personnel, dont chaque jour je signais les pièces, et on vient affirmer que ce bureau n'existait pas !

Je ne comprends pas que M. le ministre de l'intérieur vienne faire dans cette Chambre une pareille affirmation devant celui qui a établi ce bureau, devant ses successeurs qui l'ont vu fonctionner !

Nous avons l'acte de naissance de ce bureau.

Voici ce que porte le Bulletin du ministère de l'intérieur : « Direction générale des beaux-arts, sciences et lettres. Création d'une section flamande. » Cela se trouve au Bulletin du ministère de l'intérieur de 1859.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Et voici la réponse. (Interruption.)

M. Pirmez. - Je vais vous expliquer la réponse. Mais laissez-moi vous lire d'abord le Bulletin du ministère de l'intérieur.

« Direction générale des beaux-arts, sciences et lettres. Création d'une section flamande.

« Par arrêté du 29 janvier 1859, M. Delcroix (Désiré), homme de lettres, est attaché au ministère de l'intérieur pour y traiter spécialement, à la direction générale des beaux-arts, des lettres et des sciences, les questions relatives à la littérature flamande. »

Eh bien, quand on crée une section d'administration et qu'on nomme un fonctionnaire pour traiter un genre de questions, cela constitue un bureau. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur a deux défaites, deux moyens de s'emparer de cette création faite par un autre : le premier, c'est de dire que cette section était attachée à la direction des beaux-arts, sciences et lettres.

Mais évidemment, une direction générale se compose de directeurs, de divisions et de bureaux.

Il ne peut y avoir de bureau qui ne dépende d'une direction générale. La section et le bureau flamand dépend de la direction générale des beaux-arts, sciences et lettres, et elle en dépendra toujours.

Le second moyen c'est de venir vous lire une réclamation du fonctionnaire qui était à la tête de ce service et qui naturellement désirait monter en grade. Ce fonctionnaire trouvait que, n'ayant que le titre d'attaché, le bureau n'était pas très bien constitué et que si on lui donnait un grade et un traitement plus élevés, ce n'en serait que mieux. Et M. le ministre de l'intérieur vient invoquer cette observation et l'opposer à un document officiel inséré au Bulletin du ministère et au Moniteur !

Mais, messieurs, voyez le règlement d'ordre du ministère de l'intérieur. Les divisions par bureaux ne sont pas indiquées, mais on y voit les attributions des directions générales et on trouve à la direction générale des beaux-arts, sciences et lettres : Mesures spéciales concernant la littérature flamande. C'est un règlement de 1868 que j'ai moi même signé et que j'ai copié de documents antérieurs.

Mais M. le ministre el'intérieur a signé sa propre condamnation en signant l'arrêté qui nomme M. Delcroix chef de bureau. Que porte cet arrêté ? « Le sieur Delcroix, attaché à la section flamande de l'administration des lettres, est nommé chef de bureau hors cadre. » La section flamande existait donc, et M. le ministre de l'intérieur l'a reconnu ; il ne l'a pas créée, il s'est borné à une nomination hors cadre. Or, que sont les nominations hors cadre ? Ce sont certaines nominations personnelles que l'on accorde à des fonctionnaires qui, par leur travail ou par la durée de leurs services, ont droit à cette distinction. Vous avez donné à M. Delcroix cette promotion ; je n'ai rien à y dire ; mais vous n'avez fait que cela, vous n'avez rien changé. Le bureau existait et quand vous êtes venu dire à la Chambre que ce bureau n'existait pas, qu'il a été créé par vous dans l'intérêt de la littérature flamande, vous vous êtes trompé.

J'engage M. le ministre de l'intérieur à reconnaître franchement et loyalement qu'il s'est trompé et que la mesure qu'il revendique est due à l'honorable M. Rogier.

Je ne crains pas de dire que, s'il ne le fait pas, il sera considérablement amoindri au sein de son administration, parce que l'existence du bureau flamand depuis plus de dix ans est un fait connu de tous les fonctionnaires du département de l'intérieur, qui seront étrangement surpris de le voir méconnu.

M. Delaet. - Au point de vue flamand, il est inutile que vous vous disputiez la paternité de ce bureau. Nous n'y attachons aucune importance.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai dit et je maintiens que, lorsque l'honorable M. Delcroix a été créé chef de bureau, c'est surtout à la littérature flamande que j'ai tenu à rendre hommage. (Interruption.)

Avant cette nomination, il n'y avait qu'un attaché à la section flamande.

M. Van Humbeeck. - Donc, il y avait une section flamande.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - ... En fait seulement et son organisation ne répondait pas à l'importance des intérêts qui lui étaient confiés.

J'ai dit que j'ai trouvé des traces d'une section flamande sous l'honorable M. Vandenpeereboom et que je n'en ai pas rencontré du temps de l'honorable M. Rogier : c'est ce que je maintiens encore.

(page 803) Je demande la permission d'insister sur la lecture de la pièce que j'ai mise tout à l'heure sous les yeux de la Chambre.

M. Vandenpeereboom. - Vous n'avez pas compris.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Voici ce qui s'y trouve :

« A la page 58 des annexes au budget du département de l'intérieur pour l'exercice 1863, figure, parmi les modifications les plus importantes, la création d'une section flamande à la direction générale des beaux-arts, etc.

« D'après cette indication, la section dont il s'agit aurait été créée par arrêté royal du 29 janvier 1859.

« Je me permettrai de vous faire observer, M. le ministre, qu'il n'existe pas d'arrêté, royal ni ministériel, portant institution d'une section flamande. »

Et voici ce que le secrétaire général écrit en marge : « Cet arrêté n'existe pas et ne devait pas exister. »

M. Rogier. - Comment se fait-il qu'il figure dans le bulletin administratif du ministère ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - « Ce qui existe et ceci est bien distinct, c'est un arrêté ministériel du 29 janvier 1859,qui m'attache à la direction générale des beaux-arts, etc., pour y traiter les affaires relatives à la littérature flamande. »

M. Bouvier. - C'est cela !

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il continue ainsi :

« Cet arrêté ne change rien à ce qui existait auparavant, si ce n'est qu'il commissionne un individu pour traiter des affaires qui se traitaient officieusement, avant cette époque, par des hommes de lettres flamands n'ayant aucune qualité pour le faire et auxquels on demandait leur avis sur des questions littéraires. Moi-même, j'ai, pendant les deux années qui ont précédé ma nomination, traité officieusement et gratuitement plusieurs affaires au sujet desquelles votre honorable prédécesseur m'avait fait l'honneur de me consulter.

« J'ai tenu, M. le ministre, à vous exposer cette affaire dans son véritable jour, afin que, plus tard, aucune équivoque ne soit possible, et aussi, afin que l'erreur... (l'erreur ,c'était l'argument de M. Rogier), afin que l'erreur signalée et que je ne m'explique pas, ne vienne, au moment opportun, empêcher la réalisation d'une mesure dont les bons effets ne sauraient être contestés, »

M. Frère-Orban. - Donc, elle existait.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Donc, en 1863 cette mesure n'existait pas, puisqu'on en demandait la réalisation.

« A cette occasion, M. le ministre, je me permets d'appeler votre bienveillante attention sur l'utilité de la mesure prérappelée. »

On dit, dans cette lettre, que la mesure sera excellente, on appelle l'attention du gouvernement sur l'utilité qu'il y aurait à la prendre ; mais ce n'est que postérieurement qu'a pu intervenir une décision de M. Vandenpeereboom organisant la section flamande...

- Un membre à gauche. - Qui a signé cette pièce ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - M. Delcroix.

- Un membre à gauche. - Et la date ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - 14 décembre 1863.

Les mots « section flamande » figurent au bulletin administratif a propos de l'arrêté de 1859 ; mais, dans le texte de l'arrêté, on parle simplement d'un fonctionnaire attaché au ministère de l'intérieur pour traiter les questions spéciales à la littérature flamande. La section flamande n'existait pas... (Interruption.)

L'honorable M. Rogier voudra donc bien reconnaître qu'en 1859 la section flamande n'existait pas.

M. Rogier. - C'est une plaisanterie !

M. Vandenpeereboom. - Je déclare que quand je suis arrivé au ministère de l'intérieur, la section flamande était organisée comme elle l'est aujourd'hui.

M. Pirmez. - Evidemment.

M. Vandenpeereboom. - ... et que lorsque M. le ministre de l'intérieur déclare qu'il l'avait créée, il commet une erreur ; en faisant cette déclaration, M. Kervyn n'avait sans doute pas connaissance de l'arrêté de 1859 ; voilà tout. Qu'il l'avoue, tout sera dit.

Quant à moi, je le répète, j'ai trouvé la section flamande établie ; toutes les notes et les dires du ministre ne peuvent prévaloir ni contre le fait, qui est l'existence de la section, ni contre le droit, inscrit au Moniteur.

Mais l'honorable ministre n'a pas compris la note de M. Delcroix ; il ne sait pas ce qu'elle demandait. Je vais le lui dire. On avait créé en fait une section flamande, attachée à la direction générale des lettres et des sciences, et elle fonctionnait. Mais le fonctionnaire qui la dirigeait désirait plus, il demandait qu'on établît légalement le bureau, c'est-à-dire qu'on introduisit le bureau dans l'arrêté organique du ministère de l'intérieur.

- Une voix à droite. - Donc il n'y avait pas de bureau.

M. Vandenpeereboom. - Il y a des directions générales, des directions et des bureaux.

Le bureau flamand n'existait pas dans l'arrêté organique, M. Delcroix demandait qu'on l'y mît et je demande aussi qu'on l'y mentionne. On a modifié l'arrêté organique, dit-on, mais le service dirigé par M. Delcroix n'a pas été érigé par arrêté royal en bureau... (Interruption.)

En résumé, messieurs, M. le ministre de l'intérieur actuel n'a rien changé, rien innové ; il n'a pas fait autre chose que de donner le titre de chef de bureau au fonctionnaire qui avait la direction du service, avec le titre d'attaché faisant fonction de chef du bureau sans avoir le grade.

Il l'a donc nommé simplement chef de bureau hors cadre, et sans créer un bureau ; par conséquent M. Kervyn ne peut pas s'attribuer ici le mérite d'une initiative qui revient à M. Rogier. Je demande, du reste, qu'un bureau flamand soit créé par arrêté royal... Tout le monde sera ainsi d'accord et satisfait.

M. le président. - L'incident est clos.

- La séance est levée à 5 heures et demie.