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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 11 mars 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 781) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Borchgrave donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces parvenues a la Chambre.

« Des habitants de Geet-Betz demandent que le chemin de fer à construire dans la vallée de la Ghète passe par Oplinter, Neerlinter, Budingen, Geet-Betz, Rummen, Donck, Haelen et Webbecom. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Florenville demandent que les gouvernements intéressés prennent les mesures nécessaires pour prévenir les épidémies qui peuvent résulter des inhumations sur les champs de bataille. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Molenbeek-Wersbeek demande la construction d'un chemin de fer direct de Louvain à Diest et au camp de Beverloo, par Winghe-Saint-Georges, Molenbeek-Wersbeek et Beeringen. »

« Même demande du conseil communal de Winghe-Saint-Georges. »

- Même renvoi.


« Le sieur Charles Rolly, professeur à Bruxelles, né à Arras (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Glauchoit demande le vote à la commune pour toutes les élections. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la réforme électorale.


« M. de Clercq, retenu pour affaires urgentes, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.


« M. Simonis demande un congé de deux jours. »

- Accordé.

Motion d’ordre relative à l’heure d’ouverture et de clôture des séances de la Chambre du samedi

M. le président. - Messieurs, dans l'intérêt de nos collègues qui habitent la province, je propose de lever la séance avant 4 1/2 heures afin qu'ils puissent retourner chez eux le samedi.

M. Snoy (pour une motion d’ordre). - Afin d'arriver au même but, j'ai l'honneur de proposer a la Chambre de fixer désormais à une heure l'ouverture de la séance du samedi. Cela nous permettrait, sans perdre de temps, de terminer la séance vers 4 1/2 heures.

M. le président. - Je ferai observer à M. Snoy qu'une expérience de ce genre a déjà été faite. Il avait été décidé que les séances du samedi s'ouvriraient à 1 heure et plusieurs fois on ne s'est pas trouvé en nombre. Pour moi, messieurs, je suis aux ordres de la Chambre si l'on veut commencer la séance du samedi à 1 heure.

M. Bouvier. - Messieurs, on avait autrefois l'habitude, en effet, le samedi, afin que les députés de province pussent rentrer chez eux le même soir, de fixer la séance à une heure, mais il arrivait souvent qu'on avait, le samedi, des séances blanches ; beaucoup de députés de Bruxelles qui appartenaient au barreau ne pouvaient se rendre à la séance que vers 2 heures et c'est un peu en vue de ces messieurs qu'on a retardé la séance jusqu'à 2 heures.

Je pense, messieurs, que les mêmes motifs existent toujours et que dans l'avenir il faut maintenir l'heure de 2 heures. On pourra, néanmoins, comme le propose M. le président, terminer la séance a 4 heures et demie. De cette manière on concilie, je crois, les deux intérêts.

M. le président. - Les séances seront donc levées la samedi à 4 heures et demie.

Nous reprenons notre ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1871

Discussion des articles

M. Muller. - Messieurs, avant de donner quelques développements aux deux amendements que j'ai soumis à la Chambre relativement à l'enseignement moyen, je dois donner quelques explications sur le discours que M. Gerrits d'Anvers a prononcé hier, et dans lequel il fait l'éloge d'un député de Liège, qui a manifesté ses sympathies pour la langue flamande. Je ne puis accepter, car c'est de moi qu'il s'agit, dans toute son étendue, le compliment qu'a bien voulu m'adresser l'honorable M. Gerrits. Il est, notamment, une phrase de son discours beaucoup trop flatteuse, et qui n'est méritée, ni par moi personnellement, ni par le bureau administratif de Liège, dont j'ai l'honneur de faire partie, et dont je n'ai été que l'interprète au sein de la section centrale.

D'après M. Gerrits, un Wallon aurait, enfin, donné raison à toutes les récriminations formulées par les partisans systématiques de la langue flamande ; l'orateur a dû, pour arriver à ce résultat, donner aux quelques paroles que j'ai prononcées en section centrale et qui n'ont pas tenu plus de deux minutes, une portée qu'elles n'ont réellement pas eue. Il ne s'agit de rien de semblable à ce que l'honorable membre a rapporté.

Sous ce rapport, je ne puis donc accepter toutes les fleurs dont il a bien voulu me couvrir.

Certes, je n'entrerai pas dans le débat de la question flamande, je me borne à faire un appel aux souvenirs de Chambre, et quant aux miens propres, je n'ai pas entendu, depuis que j'y siège, des paroles pouvant blesser les Flamands, qui aient été prononcées par un Wallon. Nous avons laissé se débattre la question entre les Flamands eux-mêmes et le gouvernement.

L'honorable M. Gerrits a paru supposer que je considérais l'enseignement de la langue flamande comme devant être déclaré obligatoire dans le pays wallon par la loi ou par le gouvernement. Il n'en est rien. Je veux sous ce rapport aujourd'hui pour mes compatriotes la liberté que nous réclamions sous le gouvernement hollandais.

Quant à désirer vivement qu'ils s'attachent à se mettre, par le langage, en communication les uns avec les autres, c'est mon vœu sincère, parce qu'il est de l'intérêt de notre nationalité de multiplier les rapports sociaux qui doivent exister entre l'une et l'autre race qui partagent la Belgique, comme l'a dit M. Gerrits.

Mais je ne puis m'associer à toutes les prétentions qu'émettent certains partisans de la langue flamande ; je ne puis admettre tous les griefs, prétendument sérieux, qu'a résumés l'honorable membre. Ainsi il est une des conclusions de la commission qu'avait nommée l'honorable M. de Decker pour examiner les griefs des Flamands, qui est exorbitante, et que la plupart des Flamands eux-mêmes ont écartée : c'est celle qui tendrait à diviser l'armée en régiments flamands et en régiments wallons.

M. Gerrits. - Je n'ai pas demandé cela.

M. Muller. - Remarquez bien que je fais une différence entre le langage tenu par l'honorable M. Gerrits et les conclusions de la commission nommée par M. de Decker, conclusions que personne n'a osé soutenir dans cette enceinte, parce qu'elles tendaient, en définitive, au démembrement de la Belgique. Cependant, il y a deux lignes du discours de (page 782) M. Gerrits qui me semblent singulièrement se rapprocher, quant à la tendance, du grief dont la commission s'était rendue l'organe ; au 5° des plaintes formulées par l'honorable représentant d'Anvers, je lis : « Les soldats flamands sont commandés et doivent être conduits a la guerre par des officiers qui ne parlent pas leur langue ! »

Voilà donc l'opinion de l'honorable M. Gerrits. Il en résulterait, s'il fallait souscrire à cette prétention, qu'il ne pourrait plus y avoir en Belgique d'officiers ne parlant pas le flamand.

- Des membres. - Oui ! oui !

M. Muller. - Eh bien, contre de pareilles exigences se proteste de toutes mes forces. Ce serait faire renaître, sous le gouvernement issu de la révolution de 1830, un des griefs sérieux qui ont contribué à la perte et à chute, du gouvernement des Pays-Bas.

M. Coremans. - Ce grief existe à charge des Flamands.

M. Muller. - Je n'entre pas dans la discussion. Je veux seulement dégager ma responsabilité que l'honorable M. Gerrits pouvait compromettre en faisant mon éloge sans restriction et sans réserve.

Il est évident que le commandement dans l'armée doit se faire dans l'une ou dans l'autre langue ; il ne peut pas avoir lieu dans les deux à la fois.

Or, vous avouerez que les Flamands comprendront plus vite le français que les Français ou les Wallons ne pourraient s'habituer immédiatement au commandement en langue flamande. Le Flamand a beaucoup plus d'aptitude à apprendre le français que n'en possède le Wallon ou le Français à apprendre le flamand ou l'allemand.

M. Van Wambeke me fait un signe négatif : c'est cependant un fait de notoriété publique, et c'est là le privilège de ceux qui parlent, dès leur enfance, un idiome germanique.

Je ne désire pas, messieurs, m'étendre sur cette question ; j'ai voulu seulement faire valoir quelques circonstances atténuantes-en faveur de ceux qui sont nés de parents parlant la langue française ou un idiome wallon. (Interruption.)

Reconnaissez au moins que ce que je dis ici est empreint d'un caractère de bonne foi et de modestie.

Après ces réserves, qu'il m'était impossible de ne pas faire, je résume en deux mots le langage que j'ai tenu au sein de la section centrale.

Dans le programmé des athénées, il y a trois professeurs de langues étrangères. Le bureau administratif de Liège, désirant vaincre la répugnance que les populations éprouvent à s'initier à la connaissance de la langue flamande, avait proposé au gouvernement de donner à l'athénée un professeur spécial dont le mérite fût bien reconnu, exclusivement chargé de l'enseignement de la langue flamande ; la ville de Liège serait intervenue dans la dépense pour une quote-part.

Le gouvernement a répondu que, comme il y avait trois professeurs de langues étrangères, il était libre au bureau administratif de charger l'un d'eux exclusivement de l'enseignement de la langue flamande.

Mais l'athénée de Liège étant une institution placée au chef-lieu d'une province voisine de l'Allemagne qui a le plus grand intérêt à s'initier à la connaissance de l'idiome germanique dont la langue hollandaise n'est qu'un dérivé, le bureau administratif, dans ces conditions, s'est cru obligé de maintenir, outre le professeur d'anglais, deux professeurs d'allemand, dont l'un donne actuellement, mais en ordre subsidiaire, le cours de langue néerlandaise.

Nous aurions donc voulu un quatrième professeur chargé d'enseigner exclusivement le flamand, ou plutôt le hollandais, car aujourd'hui les deux langues n'en font plus qu'une.

Cela n'a pas abouti et j'ai ajouté, en mon nom personnel, au sein de la section centrale, que je trouvais naturel que le professeur de flamand, l'une des langues parlées en Belgique, prît dans le minerval la même part que le professeur de français.

• J'ai fini, car je ne voudrais prolonger à aucun prix un débat sur la question flamande. Chaque fois qu'il s'en produit dans la Chambre, il n'a pu aboutir qu'à l'irritation ; il vaut donc mieux le laisser tomber.

S'il m'est permis maintenant d'aborder les développements des amendements que j'ai présentés relativement au chapitre de l'enseignement moyen...

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il vaudrait mieux le faire à l'article 87.

M. Muller. - Je suis prêt à me ranger à votre avis. Je demande seulement qu'on me permette de comprendre, à l'article 87, dans un seul discours et mon amendement relatif à l'augmentation du crédit pour les collèges communaux et les écoles moyennes de garçons avec celui qui réclame l'inscription d'un crédit de 50,000 francs au profit de renseignement moyen des filles. M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il me semble que les deux amendements ne devraient pas être réunis.

M. Muller. - J'adhère encore à votre demande. Je traiterai donc séparément mes amendements pour ne pas amener la moindre confusion, mais je demande à avoir la parole le premier sur chacun d'eux.

M. David. - Messieurs, je viens me joindre à l'honorable M. Muller et à mes honorables amis politiques pour réclamer le rétablissement au budget de l'instruction publique, des sommes qui ont été supprimées par le ministre de l'intérieur actuel, dans sa vive sollicitude pour l'enseignement laïque.

Nous voulons tous, messieurs, une large extension de l’enseignement officiel, tout en conservant aux écoles leur atmosphère morale et religieuse.

J'admets, messieurs, la présence des ministres des cultes dans les écoles à titre de professeurs ordinaires, mais non à titre d'autorité ; je ne veux pas qu'ils puissent diriger en quelque sorte les études et je ne veux pas non plus qu'ils puissent décider du choix des livres d'étude et des livres à donner en prix aux jeunes gens.

Je crains, messieurs, que l'enseignement ne s'affaiblisse d'une manière dangereuse pour le pays. Mes craintes ne sont pas imaginaires si j'envisage les résultats que l'enseignement ecclésiastique a produits dans la Ville Eternelle.

On a constaté ces résultats, messieurs, de la manière la plus précise et dans un moment opportun et tout spécial.

Vous vous rappellerez, messieurs, que, lors de la prise de possession de Rome, au mois de septembre de l'année dernière, le gouvernement italien y a établi trois écoles : un lycée, un gymnase et une école industrielle.

Pour y admettre les jeunes Romains, pour savoir dans quelle classe il fallait les placer, on a nécessairement dû leur faire subir un examen ; j'ai recueilli dans la gazette d'Augsbourg, l’Allgemeine Zeitung du 5 mars, des renseignements très intéressants sur la force scientifique des élèves qui se sont présentés aux examens.

J'ai fait une traduction de l'article de ce journal ; elle n'est pas élégante, mais je vous garantis son exactitude. Si la Chambre Je permet, j'en donnerai lecture.

Je crois que tout le monde peut avoir confiance dans les renseignements de ce journal, lu avec confiance d'un bout de l'Europe à l'autre, car il a toujours été bien informé ; on peut se souvenir que ce journal a toujours su des premiers ce qui s'est passé à Rome lors du concile, qu'il a toujours eu la primeur des discussions et des décisions de cette assemblée et que c'est notamment lui qui a révélé aux autres journaux et à l'Europe le rappel à l'ordre de l'évêque Strousmeyer.

Il connaissait même d'avance les objets mis à l'ordre du jour de la prochaine séance, à tel point que, pour se défaire de cet indiscret, la consulte romaine a expulsé de. Rome plusieurs personnes, croyant atteindre le correspondant du journal en question ; mais ce fut en vain ; ce correspondant resta à Rome jusqu'à la clôture du concile et s'y trouve sans doute encore.

Voici, messieurs, cette traduction :

« Rome, en février 1871.

« Lorsque récemment les jeunes Romains, à propos des examens à passer pour entrer dans l'école industrielle nouvellement établie, ne pouvaient répondre aux questions les plus simples sur l'histoire italienne et sur la géographie, et que même ils se montraient de l'ignorance la plus lamentable dans le maniement de la langue italienne, l'un des interrogés répliqua au commissaire examinateur pour s'excuser : « Vous devez considérer, monsieur, que je suis un Romain et pas un Italien. » Ainsi, toujours encore cette fière devise :. Civis Romanus sum, quand même ce civis Romanus, tout déguenillé dans ses habits et dans la culture de l'esprit, se promène sur les ruines de sa grandeur temporelle et intellectuelle. Cependant la majeure partie des Romains commence à comprendre qu'il s'agit de se débarrasser des inutiles décombres d'un temps qui n'est plus et de tâcher d'arriver à un niveau convenable du développement de l'esprit, comme leurs moins bien doués concitoyens du Nord l'ont atteint par une meilleure éducation.

« Aussi, dès sa prise de possession de Rome, le gouvernement italien a entrepris immédiatement cette tâche très difficile de transformer complètement le système d'instruction. Pour cela, on y a ouvert, le 3 décembre 1870, un lycée, un gymnase et une école industrielle ; malgré l'habitude perdue depuis longtemps par ce peuple de fréquenter des écoles laïques, il s'est fait inscrire cependant le nombre considérable de 656 élèves. (page 783) Naturellement pour leur admission dans ces écoles nouvelles, il a fallu procéder à l'appréciation de ce qu'avait produit l'instruction romaine jusqu'à présent.

« Comme on s'attendait à de maigres résultats, les examens furent faits avec les plus grands ménagements. On n'avait pas compté que l'administration sacerdotale de l'instruction eût cultivé la moindre fleur d'un noble développement des facultés de l'esprit ; mais tout en s'attendant que, par la culture cléricale, on ne rencontrerait que les chardons les plus communs de l'ignorance et que l'ivraie d'une stérile rhétorique, on n'aurait jamais cru que toute connaissance élémentaire manquât.

« Pour l'illustration de cette soi-disant instruction de la jeunesse, permettez-moi de vous indiquer quelques-uns des épisodes de ces examens. Dans les examens pour le lycée il fut bientôt démontré que même dans les matières classiques, si peu dangereuses cependant, auxquelles l'éducation cléricale attache le plus de prix, les connaissances étaient extraordinairement nulles. Chez les jeunes gens qui déjà, depuis cinq et six ans, avaient suivi des études classiques et rhétoriques, les traductions latines fourmillaient de fausses tournures de phrases et de fautes grammaticales ; dans l'examen oral sur le latin, ils firent preuve de la plus complète ignorance des principes d'après lesquels on enseigne aujourd'hui cette langue. La connaissance du grec, chez la plupart d'entre eux, se bornait à savoir lire le texte grec et cela non sans peine ; on devait considérer comme un savoir supérieur quand l'un ou l'autre pouvait former le comparatif et le superlatif des adjectifs.

« La connaissance de la littérature italienne était tout à fait misérable.

« Conformément à l'ancienne routine scolastique, l'enseignement de la littérature avait été à peine quelque chose d'autre qu'un dressage à former des figures de rhétorique. L'élève ne devait pas être habilité à décomposer logiquement un objet, ni à l'exposer dans un ordre d'idées raisonné ; non, tout avait tendu à lui donner une adresse mécanique à jeter le plus rapidement possible sur le papier, d'après certains exemples, un certain nombre de phrases coulantes sans suite logique ; son savoir n'était qu'un jeu inutile de balles avec des mots ; celui qui décompose la balle s'engourdit dans le désert du manque d'idées et dans la routine creuse au lieu de se former une imagination vive.

« Le système d'instruction consistait dans des exercices mécaniques de mémoire, ou dans la répétition des mêmes règles pendant des années, dont chaque jour les murs répercutaient l'écho, et dont les élèves salissaient d'innombrables cahiers. De là l'aversion des élèves pour ces études, si attrayantes cependant, et ainsi on atteignait le but de faire perdre pour toujours au jeune homme l'usage de son propre raisonnement. De la littérature italienne, les élèves ne connaissaient que quelques fragments qu'ils avaient appris dans une anthologie.

« Ils n'avaient pas le moindre pressentiment de l'histoire de cette littérature. Les quelques noms d'auteursj u'ils savaient, Dante, Monti, Segneri, Tasso nageaient pour eux dans le vague ; quelques-uns y ajoutaient les noms de Virgile et de David.

« Des faits plus tristes encore se sont présentés dans les examens pour le gymnase et pour l'école industrielle, Ici il s'agit de jeunes gens qui ont déjà fréquenté des gymnases de Rome pendant plusieurs années, ou qui, sortant d'établissements de province, voulaient entrer dans la classe supérieure du gymnase principal de la ville ou dans l'école industrielle. Il s'est rencontré des individus de 15, 16 et 18 ans qui savaient si peu d'italien. qu'ils ne pouvaient distinguer les différents membres de phrases ; et n'étaient pas même capables de conjuguer un verbe. Les plus simples notions sur la configuration de la terre leur étaient inconnues, ils ignoraient complètement les noms des mers, des fleuves, des montagnes et des plus grandes villes de l'Italie ; quelques-uns ne savaient pas définir ce qu'est la science de la géographie. D'autres, qui avaient la prétention d'avoir étudié pendant plusieurs années, répondaient qu'Adria (mer Adriatique) était une montagne, Sardaigne une ville, Milan, la capitale de la Sicile ; beaucoup ignoraient le nombre d'habitants de l'Italie ; en histoire de leur pays il y avait chez tous, à peu d'exceptions près, la même absence de toute connaissance. Brutus était un tyran, Dante un poète français, Petrarca une femme poète ; pour l'un Colomb était un saint, pour d'autres même un apôtre.

« Chez très peu d'entre eux, les connaissances en mathématiques auraient tout au plus suffi pour permettre leur entrée à l'école industrielle. Une exception honorable était formée par les jeunes gens élevés dans les écoles juives ; chez les autres, savoir additionner constituait toute leur science ; pour la plupart il était impossible d'écrire sous la dictée des nombres de cinq chiffres comme, par exemple, 50367, sans une longue hésitation et après avoir corrigé et ajouté.

« Dans tout ce système, le personnel et l'objet de l'enseignement étaient mauvais et inopportun. Les deux grands défauts provenaient de l'insuffisance du corps enseignant et de l'absence complète d'un enseignement élémentaire. Tout froc aussi constituait un manteau d'instituteur et de professeur ; toute institution monastique pouvait se transformer en école ; de toutes petites communes cherchaient à obtenir que la corporation religieuse établie sur son territoire (et on peut se figurer si elle était apte à cela) ouvrît des cours pour préparer à l'entrée à l'université, qu'elle donnât même des cours universitaires ; enfin, si un laïque voulait ouvrir une école, les monopoleurs ecclésiastiques lui mettaient mille obstacles dans le chemin.

« Il manquait ensuite, dans les Etats de l'Eglise, la base solide d'un enseignement primaire. Seulement à ceux qui avaient l'intention de faire des études plus étendues, on enseignait les branches ordinaires de la science enseignée dans les écoles populaires. Et même à ceux-ci il manquait l'intelligence de l'étude préparatoire et progressive de la première période des études ; car aussitôt que l'élève avait péniblement et par une méthode mécanique appris à lire, et savait tenir une plume, il se jetait dans l'étude du latin à en avoir la tête en feu. Il arrivait bientôt à la Janua grammaticae ; pendant de longues années ils devaient apprendre par cœur des mots, des déclinaisons et des conjugaisons dans ce livre, qui est la terreur de la jeunesse romaine et un objet d'admiration pour les savants, et avec cette science incomprise remplir cahiers sur cahiers tandis qu'ils ne devraient connaître que plus tard la signification des mots, l'emploi des verbes et des déclinaisons. »

Ici, messieurs, se termine le rapport sur les examens qui ont eu lieu a Rome pour classer les jeunes Romains dans les nouvelles écoles fondées par le gouvernement de l'Italie.

M. Beeckman. - Qu'est-ce que cela nous fait ?

M. Bouvier. - Cela donne la valeur de l'enseignement congréganiste.

M. de Baets. - C'est un psaume nouveau à ajouter aux psaumes de David ; mais cela ne concerne pas la Chambre.

M. Bouvier. - Si ! si ! cela éclairera le pays.

M. David. - J'ai tenu, messieurs, à vous faire connaître ce rapport parce qu'il prouve une fois de plus ce qu'est l'enseignement congréganiste, l'enseignement des jésuites. J'espère, pour ma part, que tous en Belgique nous y puiserons la conviction que nous devons nous efforcer d'empêcher que nos populations ne descendent à un pareil degré d'abaissement intellectuel.

- Voix à droite. - Allons donc ! (Interruption.)

M. David. - Oui, oui, messieurs, cette communication est du plus haut intérêt pour avertir le pays du danger. C'est le comble de l'ignorance enseignée par l'obscurantisme.

M. Bouvier. - C'est du plus pur crétinisme.

M. David. - Pour cela ; nous devons développer autant que possible l'enseignement officiel, mais naturellement sans entraver en rien que ce soit la liberté, la plus large de l'enseignement privé. Il faut qu'à un moment donné il reste quelques foyers de lumières au milieu des ténèbres.

M. de Baets. - J'ai demandé en parole pendant que l'honorable Muller répondait tout à l'heure au discours de l'honorable M. Gerrits.

Je dois commencer par remercier le député d'Anvers d'avoir si bien, si catégoriquement posé la question flamande. Comme j'ai eu l'honneur d'introduire, dans cette enceinte, la question flamande il y a quelques années, je tiens à déclarer, avec l'honorable M. Gerrits que nous ne voulons nullement établir un antagonisme entre le wallon et le flamand, nous ne le désirons pas et nous ne le voulons pas : concordia res parvee cretcunt, discordia maxima dilabuntur... (Interruption.) Je comprends parfaitement que ce latin sonne assez mal à certaines oreilles, parce qu'on pourrait, après le discours de M. David, croire que le latin doit être proscrit, parce qu'il y a là du romain. Mais, en définitive, il y a dans cet adage une bien grande vérité que nous, Belges, nous ferions bien de ne jamais méconnaître. Tâchons de l'appliquer.

Eh bien, je vous dis ceci, messieurs, ne provoquez pas les Flamands ; ils ne vous provoquent pas. Reconnaissez, et il est impossible que vous ne le reconnaissiez pas, qu'ils ont des griefs à faire valoir ; tendez-nous la main que nous vous tendons, marchons ensemble ; ne nous discutons pas ; ne nous critiquons pas ; établissons en face de l'Europe que la Belgique n'est pas composée de deux éléments hétérogènes ; mais qu'elle est composée de deux jumeaux qui s'appellent Wallons et Flamands.

Comme on le disait un jour au camp de Beverloo, Wallons et Flamands, c'est notre prénom ; Belge, c'est notre nom de famille. Ce propos est de (page 784) M. Antoine Clesse, votre chansonnier wallon dont vous pouvez être fier comme nous sommes fiers d'Henri Conscience et d'autres.

Soyons donc Belges ; donnons-nous la main. A cet égard, je ne formule pas d'idées. J'ai eu le bonheur de causer avec l'honorable M. Muller, eh bien, l'honorable M. Muller a énoncé des idées ; et nous parviendrons à nous entendre parfaitement. Que le tout ne puisse pas marcher immédiatement, cela est évident ; mais allons-y doucement ; rapprochons-nous le plus possible ; soyons unis. C'est si facile !

Nous avons, nous Flamands, le droit de dire que nous étions systématiquement exclus d'une multitude de choses. Et ne croyez pas que je veuille parler ici de libéral et de catholique, parce que tout le monde a eu ses torts, et tout le monde a eu raison. Ainsi, les honorables MM. Rogier et Vandenpeereboom ont rendu des services a la cause flamande ; l'honorable M. Kervyn les suit. Nous désirons que l'on presse le pas, qu'on aille plus vite pour faire disparaître complètement cette antithèse entre Wallons et Flamands.

Je vous le disais, messieurs, cela n'est pas bien difficile. Ainsi, un jour j'ai menacé la Chambre, permettez-moi de me servir de ce mot qui n'est pas tout à fait parlementaire, j'ai menacé la Chambre que si on me faisait des interruptions qui me parussent attentatoires à mon droit, j'aurais parlé flamand.

Or, j'aurais trouvé sur les bancs opposés des personnes qui auraient pu me répondre. Ainsi, je citerai avec fierté l'honorable M. Frère-Orban, qui comprend parfaitement un discours flamand et qui est parfaitement en état d'y répondre en flamand.

M. Frère-Orban. - Pas du tout.

M. de Baets. - Je regrette que l'honorable M. Frère-Orban repousse le compliment, c'est une modestie de sa part, mais je sais parfaitement qu'il comprend et parle le flamand.

Nous avions ici jadis M. Laubry ; nous avons maintenant l'honorable M. Muller, l'honorable M. Moncheur, l'honorable M. Jottrand, enfin un grand nombre de membres de cette Chambre.

Quand je me promène dans quelques rues de la ville de Liège, j'y entends parler autant le flamand que le wallon.

Je recevais l'autre jour de M. le ministre de la justice un renseignement que j'avais eu l'honneur de lui demander.

La réponse de l'honorable ministre était en allemand, mais un allemand que tout Flamand comprend. L'honorable M. Tesch et tous les Luxembourgeois en général pourraient répondre en flamand.

Que ceci soit le cachet donné à la discussion des affaires flamandes ; n'y voyez pas d'antithèse entre les provinces flamandes et les provinces wallonne ? Faites l'union, car l'union fait la force.

Voyez-y de notre part le désir de consolider notre existence politique.

J'ai demandé la parole pour dire, puisqu'on a rappelé 1830, qu'en 1830 ceux qui ont provoqué les événements ont commis une faute énorme, et qu'ils ont, pour ainsi dire, rendu la révolution indispensable. Mais enlevez donc, si pas les raisons, au moins les prétextes, et quand nous vous disons, nous Flamands : Nous voulons faire le sacrifice de notre opinion personnelle sur les événements qui se sont accomplis, pourquoi ne nous tendez-vous pas la main ? Il n'y a ici ni libéral, ni clérical ; il y a ici la question belge ! Eh bien, M. Gerrits demande qu'on fasse disparaître les causes de zizanie qui, dans ces époques surtout, ne doivent pas se produire.

M. Hayez. - Je demande la parole.

M. le président. - M. Vleminckx est déjà inscrit, M. Hayez.

M. Hayez. - C'est sur l'incident, M. le président.

M. le président. - Il n'y a pas d'incident.

M. Vleminckx. - Si vous le permettez, M. le président, je parlerai après M. Hayez.

M. Hayez. - Messieurs, je suis un de ceux qui pensent que tous les officiers de l'armée devraient savoir le flamand. Je ne veux pas en faire des littérateurs ; je n'exige pas qu'ils sachent écrire en flamand. J'exigerais seulement, si je le pouvais, qu'ils sussent parler à leurs soldats dans leur langue, quand ils sont Flamands, et qu'ils pussent comprendre leurs soldats, quand ces soldats s'adressent à eux pour leur faire des réclamations.

Dans les régiments voici ce qui arrive : Un soldat s'adresse en flamand à un officier qui ne connaît pas cette langue ; l'officier doit prendre un interprète, soit un caporal, soit un sous-officier. Or, il peut 1res bien arriver que cet interprète soit mêlé à l'affaire ; il devient alors juge et partie et il pourrait fort bien arriver qu'il ne fût pas très exact dans sa traduction. L'officier, dans ce cas, jugera sans connaître la cause et ne rendra pas au soldat la justice à laquelle il a droit.

En temps de guerre - je n'en parle qu'incidemment, messieurs, - il est généralement reconnu que, plus un officier sait de langues, plus il est utile dans l'exercice de ses fonctions et, en définitive, c'est le pays qui en profite.

En temps de paix, messieurs, il arrive très souvent que les troupes sont en cantonnement ; un officier peut être envoyé avec une partie de ses soldats dans une commune flamande où le flamand est seul connu ; cet officier rencontrera alors, dans ses rapports avec les autorités et même avec les habitants, des difficultés qui seraient évitées s'il comprenait la langue de ceux auxquels il est mêlé.

Il me paraît indispensable qu'un officier sache les deux langues.

Quant aux commandements dont il a été question tout à l'heure, il n'est nullement besoin de les faire dans les deux langues, c'est là la plus petite des choses. Faites les commandements en n'importe quelle langue ; au bout d'un certain temps, les soldats les comprendront facilement bien et ne s'y tromperont pas ; j'en ai eu l'expérience pendant les longues années que j'ai passées au service. Il y a sans doute quelquefois dans les répétitions de ces commandements par ceux qui ne connaissent pas bien la langue des mots qui prêtent au comique, mais qu'importe ! l'exécution n'en souffre pas.

Je vais si loin dans ma tolérance sous ce rapport, que je supprimerais volontiers du programme de l'école militaire le cours flamand.

Mais j'arriverais à mon but de cette manière-ci : j'exigerais que tous ceux qui se présentent pour suivre les cours de l'école militaire et obtenir le gracie d'officier, sussent parler le flamand et fussent en état de soutenir pendant dix minutes seulement une conversation familière en cette langue.

Les fruits qu'on retire du cours de flamand de l'école militaire sont complètement nuls, et je ferais volontiers le pari qu'après les quatre années d'étude à cette école, l'officier n'a fait aucun progrès dans la connaissance du flamand.

Je conclus en disant que, selon moi, la connaissance de la langue flamande dans un pays où l'officier est en contact avec Wallons et Flamands, est indispensable à ce fonctionnaire pour l'exercice loyal de la profession qu'il a embrassée.

L'honorable M. Muller a parlé de tyrannie. Il n'y a pas de tyrannie là. On exige, pour l'entrée à l'école militaire, des connaissances bien plus difficiles que celles nécessaires, pour soutenir une petite conversation flamande.

Je ne vois pas de motif qui puisse raisonnablement s'opposer à une exigence dont tout le monde reconnaîtra l'utilité.

M. Vleminckx. - Lors de la discussion du crédit demandé pour la construction des écoles primaires, j'ai appelé l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur sur la nécessité d'y établir des locaux pour l'enseignement de la gymnastique.

Ce que j'ai dit alors des écoles primaires, je crois devoir le répéter aujourd'hui à l'égard des écoles moyennes et des athénées. J'ai parcouru tous les rapports qui ont été présentés à la Chambre sur l'enseignement moyen, et dans tous ces documents, je n'en ai trouvé qu'un seul qui contînt un travail sur l'objet dont je crois devoir entretenir la Chambre : c'est un rapport présente au ministre en 1861. La situation de l'enseignement de la gymnastique dans les écoles moyennes et les athénées s'y trouve décrite comme suit par son auteur.

« J'ignore si, en nommant les maîtres de gymnastique, on exige d'eux quelques preuves de capacité et de méthode d'enseigner. Il est de fait, toutefois, et il résulte surabondamment de ce qui a déjà été dit plus haut à ce sujet que, sous ce dernier rapport surtout, ils laissent, en général, beaucoup à désirer. Il paraît que, jusqu'à présent, on leur a laissé faire à peu près ce qu'ils voulaient, en les considérant, peut-être, comme seuls compétents dans la partie qu'ils professent. Aussi ont-ils été, en général, un peu surpris d'entendre enfin que leur cours était très incomplet et que les élèves d'un athénée royal devraient y apprendre quelque chose de mieux que de lever assez roidement un poids au-dessus de la tête, de grimper rapidement jusqu'au sommet d'une perche ou de faire quelques tours plus ou moins périlleux sur des barres. Toutefois, je suis parfaitement d'accord avec eux sur un point, c'est qu'en exigeant plus de service de ces messieurs, voire même quelques études, l'administration devra aussi les rémunérer en conséquence. »

Je voudrais savoir, messieurs, ce qui a été fait depuis la publication de ce document, pour remédier au mal signalé en 1861 par un homme extrêmement compétent. Son rapport a été renvoyé alors par le gouvernement au conseil supérieur d'hygiène qui a émis un avis des plus favorables sur le programme des exercices gymnastique qui y était annexé.

Si rien n'avait été fait pour améliorer l'état de choses dont je viens de (page 785) parler, je le déplorerais amèrement et je demanderais au gouvernement de vouloir bien s'occuper de cet objet le plus tôt possible.

Je crois ne plus avoir besoin de signaler de nouveau à la Chambre les avantages d'un bon enseignement de gymnastique, non seulement au point de vue physique, mais aussi au point de vue intellectuel de ceux auxquels il est donné. Il n'y a rien de neuf à dire à cet égard : tout a été dit.

Le pays se préoccupe sérieusement de cette question ; nous avons sur le bureau de la Chambre plusieurs pétitions arrivées de Liège, et dans lesquelles on signale l'état incomplet de l'enseignement de la gymnastique, en demandant comme corollaire logique, la création d'une école normale de gymnastique qui servirait à former non seulement les aspirants aux fonctions de maître de gymnastique des écoles moyennes et des athénées, mais où l'on enverrait encore, pendant un temps plus ou moins long, les aspirants instituteurs primaires.

L'honorable ministre de l'intérieur doit s'être occupé de cette question, et il doit avoir une opinion à nous exprimer.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Vleminckx invoquait tout à l'heure des documents qui remontent à 1861 ; il aurait pu trouver, dans un rapport que j'ai déposé ces jours-ci et qui comprend la période 1867-1869, d'autres renseignements concis, je le veux bien, mais qui, cependant, font connaître l'état des choses. A la page 15 on lit :

« La gymnastique s'enseigne régulièrement et avec assez de succès. Il est regrettable que les maîtres capables manquent souvent pour diriger les cours de gymnastique. »

Voilà, messieurs, ce que je trouve dans le rapport sur la période triennale de 1867-1869.

J'ajouterai que de toutes parts on signale l'intérêt qu'il y a à développer l'enseignement de la gymnastique en ne séparant pas le bien-être physique et le bien-être intellectuel, qui doivent toujours marcher ensemble et se prêter un réciproque concours.

Comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Vleminckx, je me suis préoccupé de cette question non seulement au point de vue des écoles primaires, mais aussi au point de vue des écoles moyennes.

M. Pirmez. - Je demande la parole.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. – Je ne veux pas dire que l’honorable M. Pirmez ne s’en est pas occupé : ce que je puis dire, c’est que pendant ces derniers mois j’ai porté sur ce point mon attention à diverses reprises, mais la difficulté est de trouver des professeurs de gymnastique convenables.

Atteindra-t-on ce but, en améliorant la position qui leur est faite ?

Faut-il aller jusqu'à établir une école normale de gymnastique ?

J'avoue qu'il y a là certaines difficultés qui m'arrêtent au premier coup d'œil.

Je ne me rends pas bien compte de cet enseignement. Il me semble qu'en cette matière, il faudra toujours des hommes spéciaux et que ce n'est pas à l'Etat qu'il appartient d'organiser cet enseignement.

Selon moi, le devoir de l'Etat est de tracer, à cet égard, un programme qui soit appliqué dans tous les athénées et dans les écoles primaires ; et, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, je pense que si ce programme était organisé de manière à développer, dans les athénées et même sur les bancs de l'école primaire, la connaissance de la gymnastique dans ses rapports avec la profession des armes, on pourrait peut-être arriver à ce résultat désirable que l'instruction militaire serait beaucoup plus rapide, ce qui permettrait d'abréger le temps qu'elle réclame aujourd'hui sous les drapeaux et, par cela même, dans une certaine mesure, la durée du service.

M. Vleminckx. - C'est l'opinion que l'honorable M. Couvreur a émise et très savamment développée.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je pense que c'est également l'opinion de l'honorable M. Vleminckx, et c'est aussi depuis longtemps la mienne.

Il est, messieurs, une autre question plus grave et plus vaste dont je demande à la Chambre la permission de l'entretenir : je veux parler de celle qui a été soulevée hier par l'honorable M. Gerrits et qui a été traitée dans la séance d'aujourd'hui par les honorables MM. Muller et de Baets.

Je ne suis pas, messieurs, du nombre de ceux qui se plaignent qu'en Belgique il y ait deux langues.

Ce qui importe à la Belgique, c'est que, sous deux formes différentes, on exprime les mêmes sentiments de dévouement et de patriotisme.

Mais on ne saurait se plaindre qu'un peuple, que sa position géographique place entre deux grandes nations, entre deux grandes races, entre deux courants d'idées, possède l'un et l'autre instrument de progrès et de civilisation, et soit ainsi, non seulement une terre neutre pendant la guerre, mais aussi un moyen de rapprochement et de réconciliation pendant la prax.

- Plusieurs voix à droite. - Très bien !

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est là le rôle qui appartient à la Belgique, c'est celui qu'en toute circonstance elle a le droit de revendiquer.

En ce qui touche la langue flamande, on ne peut oublier qu'au point de vue extérieur, elle forme un lien intime avec la population d'un pays, notre voisin vers le nord, dont l'organisation politique est identique à la nôtre. On ne peut oublier qu'elle facilite à la fois l’étude de l'allemand et de l'anglais, c'est-à-dire qu'elle crée des relations étroites avec deux grands pays placés au premier rang dans les sciences et dans la civilisation.

Au point de vue intérieur, on ne peut point oublier davantage que la langue flamande retrace des mœurs rudes et austères et le long dévouement à toutes les libertés de populations que jamais aucun conquérant n'a pu ni s'assujettir ni s'assimiler.

Messieurs, nous sommes donc tous convaincus, comme l'ont reconnu du reste tous les préopinants, qu'il y a là des éléments qu'il faut associer, qu'il y a là deux forces qui doivent s'unir.

Et s'il y a des griefs il faut avoir le courage de les aborder pour les faire disparaître.

Notre pacte fondamental, messieurs, a consacré la coexistence de deux langues.

La loi de 1850 a posé plus tard ce principe que, dans les provinces où règne la langue flamande, l'enseignement en est obligatoire.

Telle est la marche, messieurs, qui est indiquée par nos précédents législatifs et que tous les cabinets ont cherché, dans une certaine mesure, à faire respecter et à faire prévaloir.

L'honorable M. de Baets rappelait tout à l'heure que l'honorable M. Vandenpeereboom notamment avait mérité la reconnaissance des populations flamandes en cherchant, à diverses reprises, à répandre de plus en plus l'usage de la langue flamande, non pas par l'obligation, personne de nous ne veut de l'obligation, mais par la liberté, en engageant les populations qui ne comprennent pas le flamand, à l'apprendre : d'une part, afin de permettre aux fonctionnaires du pays wallon d'occuper des fonctions publiques dans les Flandres, et d'autre part, afin de resserrer les liens qui doivent unir les deux parties du pays.

Il existe une circulaire de l'honorable M. Vandenpeereboom du 9 avril 1864, dont je demande la permission de citer quelques lignes. L'honorable M. Vandenpeereboom recommandait aux préfets des études de donner leurs soins à la bonne direction des cours de langue flamande.

« Un grand intérêt, disait-il, demande que l'étude du flamand soit sérieuse et approfondie dans les provinces wallonnes. Il appartient au professeur de la rendre non seulement utile, mais encore attrayante. Dans les classes inférieures, les thèmes d'imitation faits de vive voix, les essais d'élocution, la récitation et l'explication des morceaux convenablement choisis, sont des exercices propres à exciter l'attention et à stimuler chez les élèves le désir d'apprendre ; dans les classes supérieures, des leçons consciencieusement préparées doivent offrir aux jeunes gens un enseignement qui soit au niveau de celui qu'ils reçoivent dans les autres cours. »

Quelques années plus tard, de nombreuses pétitions arrivèrent à la Chambre et de nombreuses réclamations furent adressées au gouvernement.

Par un malentendu que je ne veux ni discuter, ni aggraver, mon honorable prédécesseur avait en 1869 publié deux circulaires sur l'enseignement. Dans l'une, où il rappelle les chefs-d'œuvre de la littérature française et des littératures étrangères, il passait sous silence la littérature flamande ; dans une autre circulaire sur l'organisation des bibliothèques des écoles normales, on remarquait le même silence.

Ce fut à cette époque que se produisirent de vives réclamations. L'une, de celles-ci a été récemment mise sous mes yeux par une lettre de rappel : elle émanait d'une société de Gand qu'on appelle le Willemsfonds.

Je ne veux pas mettre cette réclamation tout entière sous les yeux de la Chambre ; on y rappelait que dans une des circulaires du ministère de l'intérieur la langue flamande n'avait pas même été mentionnée. Dans un autre paragraphe on observait à propos des bibliothèques des écoles normales que sur 260 ouvrages inscrits dans les catalogues 32 seulement avaient été choisis dans la langue flamande, et que, pour certaines parties telles que les sciences, les connaissances utiles, la morale, l'économie politique, l'éducation, la pédagogie, la méthodologie, aucun ouvrage appartenant à la littérature flamande n'avait été admis.

La société du Willemsfonds, à une époque très récente, dans les derniers jours de février, a remis sous mes yeux, je l'ai déjà dit, la (page 786) réclamation qu'elle avait adressée à mon honorable prédécesseur, en insistant pour qu'il y fût fait droit.

Je crois, messieurs, qu'en ce qui touche l'instruction, il y a des griefs sérieux de la part des populations flamandes, et je demande a la Chambre la permission de les indiquer.

D'après la loi de 1850, l'enseignement du flamand est obligatoire dans tous les établissements d'instruction qui appartiennent aux provinces flamandes ; mais, lorsque les élèves qui, avec zèle, avec persévérance, se sont consacrés à ces études, arrivent à subir l'examen de gradué, on ne leur tient aucun compte de toutes ces études.

Je pense que l'honorable M. Gerrits a été trop loin, dans la séance d'hier, en disant que la connaissance du flamand était complètement exclue de l'examen du graduât.

M. Gerrits. - Je n'en ai point parlé.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'aurais donc mal compris. Quoi qu'il en soit, je ferai remarquer que, pour l'examen du graduât, il est reconnu que le récipiendaire peut, pour les compositions et les traductions, faire usage, à son choix, de la langue française, de la langue flamande ou de la langue allemande.

Je disais tout à l'heure, et je pense qu'ici l'honorable M. Gerrits approuvera mon opinion, qu'il est juste, en imposant l'étude d'une langue à l'élève d'un établissement moyen, de lui tenir compte de cette connaissance, alors qu'il a à subir un examen qui forme le résumé de ses études. Il est impossible, ce me semble, de considérer l'étude de la langue flamande comme une simple matière à certificat ; et je voudrais, pour ma part, que celui qui a étudié, non seulement le français mais aussi le flamand, pût invoquer, lors de l'examen du graduât, quelque chose de plus que ce qu'on accorde à d'autres. Je voudrais qu'il pût invoquer devant le jury toutes les connaissances qu'il a acquises par l'étude de la langue flamande et qu'un certain nombre de points supplémentaires lui fussent accordés de ce chef.

Et ici ce n'est pas simplement une vague hypothèse, ce n'est pas une idée sans base que je soumets à la Chambre. Cela existe déjà aujourd'hui pour l’enseignement normal primaire. Dans l'enseignement normal primaire, les bases ne sont pas les mêmes pour les normalistes qui se destinent aux provinces flamandes que pour les normalistes qui se destinent aux provinces wallonnes. Dans le dernier cas, le nombre des points est de 600 ; il est de 685 pour les normalistes qui se destinent aux provinces flamandes, et cette différence de 85 points, c'est-à-dire d'un septième environ, est précisément attribuée à la connaissance de la langue flamande.

Je ne verrais aucun inconvénient (et je crois que ce serait un acte de justice) à introduire le même principe en ce qui touche l'examen de gradué. (Interruption.) Comme le fait observer l'honorable M. Vandenpeereboom, les habitants des provinces wallonnes qui auraient profité d'un cours de flamand, pourraient invoquer le même bénéfice, c'est-à-dire obtenir un certain nombre de points supplémentaires.

Messieurs, il est d'autres griefs qui ont été formulés par l'honorable M, Gerrits ; et je demande à la Chambre la permission de les passer rapidement en revue.

L'honorable membre demande que les lois soient publiées en flamand comme en français.

Cela existe déjà. Le recueil des lois et arrêtés royaux est publié en flamand et en français ; le texte flamand a pu passer sous les yeux de l'honorable représentant d'Anvers. C'est une règle suivie depuis un assez grand nombre d'années.

En ce qui touche les Annales parlementaires, la question a été souvent discutée et il ne faut pas se dissimuler qu'elle donne lieu à de très sérieuses difficultés. Chacun de nous reçoit le texte français de ses discours pour leur donner une forme définitive ; il ne pourrait en être de même de la révision du texte flamand.

N'y aurait-il pas à ce sujet des lenteurs qui occasionneraient dans la publication des retards si considérables que souvent les Annales parlementaires arriveraient aux populations, alors que les discussions n'offriraient plus un intérêt actuel ?

Il ne faut pas perdre de vue que lorsque, à l'occasion d'un débat sérieux, des discours importants sont prononcés dans cette Chambre, la presse supplée rapidement à la traduction officielle des Annales : je reconnais toutefois qu'il y a des lacunes que les Annales parlementaires seules pourraient combler.

Messieurs, je laisserai de côté deux questions dans lesquelles je suis incompétent ; je veux parler de l'emploi du flamand dans l'armée et devant les tribunaux. La question, en ce qui concerne l'armée, a été traitée par l’honorable M. Hayez. Quant à l’emploi du flamand dans les tribunaux, je m’en suis naguère occupé moi-même ; mais aujourd’hui il m’est impossible d’intervenir dans ce débat, sans consulter mon honorable collègue, M. le ministre de la justice.

Je me borne aux questions qui touchent à mon département.

Il en est une sur laquelle je dois également quelques mots d'explication à l'honorable député d'Anvers ; je veux parler du système suivi en matière d'administration publique.

Je crois que le département de l'intérieur est à l'abri de tout reproche à cet égard. Ce département n'a pas nommé dans les provinces flamandes des fonctionnaires ne comprenant pas la langue du pays. Je puis affirmer qu'à cet égard aucune plainte ne m'est parvenue.

En ce qui touche l'administration centrale, je puis ajouter qu'une partie de la correspondance se fait en flamand avec les communes flamandes, notamment avec l'administration communale d'Anvers ; j'en appelle au témoignage des honorables MM. Delaet et Gerrits.

M. Anspach. - Vous avez adressé à l'administration communale de. Bruxelles une dépêche en flamand.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Oui, mais.il s'agissait, je pense, d'une représentation flamande.

M. Anspach. - Non, il s'agissait d'un envoi délivres à une bibliothèque populaire.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - A une bibliothèque populaire flamande.

M. Funck. - Il n'y a pas de bibliothèque populaire flamande.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - En ce qui se rapporte à la littérature flamande, j'ai constitué au ministère de l'intérieur un bureau spécial qui traite ces affaires.

M. Vandenpeereboom. - Il y avait, au ministère de l'intérieur, un bureau flamand et un chef de bureau.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Pardon ; ce bureau n'existait pas. Il a été créé pour veiller exclusivement aux intérêts de la littérature flamande.

J'ajouterai encore qu'en ce qui est relatif à certaines circulaires qui n'ont pas l'importance d'une loi ou d'un arrêté royal, mais qui néanmoins intéressent les administrations communales, j'ai cru qu'il était utile, lorsque le Moniteur publiait le texte français, d'y joindre aussi le texte flamand.

Je pense donc pouvoir, avec quelque confiance, invoquer les actes que j'ai déjà posés pour déclarer de nouveau que toutes les fois que des griefs sérieux seront présentés, le gouvernement considérera comme un devoir de chercher à les faire disparaître. C'est, comme je l'ai déjà dit, en tenant compte de ces griefs, que nous arriverons à ce but indiqué par les honorables préopinants : d'associer plus étroitement deux grandes forces du pays, qui, loin d'être hostiles l'une à l'autre, doivent toujours se prêter un mutuel appui.

M. Pirmez. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur vient de traiter deux objets très distincts : la gymnastique et la question flamande.

II a, sur les deux points, été très éloquent ; il a fait ressortir admirablement les avantages de la gymnastique et les difficultés de la question flamande. Mais je crois qu'au fond il ne nous a pas indiqué de grands progrès réalisés par lui ni de grands progrès à réaliser. Je vais dépouiller la forme toujours magnifique dont l'honorable ministre de l'intérieur entoure ses observations, les réduire à leur squelette pour apprécier ainsi leur valeur réelle.

M. le ministre de l'intérieur est un grand partisan de la gymnastique ; il en fait voir complètement les avantages matériels, moraux ; malheureusement, je ne connais qu'une seule mesure prise relativement à la gymnastique par l'honorable ministre, elle consiste à supprimer la gymnastique dans toutes les écoles communales du pays. (Interruption.)

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Prouvez moi cela !

M. Pirmez. - Par une décision prise l'année dernière, j'avais enjoint aux communes d'annexer à tous les bâtiments d'école à construire un hangar, un local couvert quelconque, en dessous desquels on placerait quelques instruments de gymnastique, ce qui constituerait un rudiment de gymnase pour les écoles communales.

Je crois que cette mesure, qui en elle-même n'était pas fort dispendieuse, était de nature à produire les meilleurs résultats ; les enfants restent trois ou quatre heures sur les bancs de l'école ; en hiver, quand il fait mauvais, on ne peut les faire sortir, on les laisse ainsi dans une (page 787) atmosphère viciée ; ayant une partie de cour couverte, on pouvait leur faire prendre l'air, leur donner de l'exercice et les faire rentrer frais et dispos ni classe.

Eh bien, qu'a fait M. le ministre de l'intérieur ? Il a, dans sa circulaire relative aux bâtiments d'école, décrété la suppression de toutes ces annexes. (Interruption.)

Cela se trouve textuellement dans sa circulaire et M. le ministre de l'intérieur s'est même vanté, au sein de la Chambre, d'avoir pris cette mesure.

Eh bien, j'aimerais beaucoup mieux que M. le ministre de l'intérieur parlât moins bien de la gymnastique et ne supprimât pas ainsi d'un trait de plume les projets de petits gymnases qui auraient fini par être dans toutes les écoles du pays.

Je rends à la Chambre un compte exact des actes de M. le ministre de l'intérieur ; voyez la circulaire, elle porte textuellement que parmi les dépenses qu'on peut supprimer se trouvent les préaux couverts, c'est-à-dire les constructions accessoires dont je viens de parler.

Je passe maintenant à la question des langues, où je serai aussi très court. L'honorable ministre de l'intérieur dans tout son discours n'a au résumé fait que nous déclarer qu'il ferait en cette matière exactement ce que ses prédécesseurs ont fait.

M. Gerrits. - Malheureusement !

M. Pirmez. - Et cela sans aucun changement autre que des changements tellement insignifiants que si les honorables partisans de la cause flamande se déclarent satisfaits...

M. Gerrits. - Du tout ! du tout !

M. Pirmez. - ... je proclamerai qu'ils sont les gens du meilleur caractère qu'il y ait dans les quatre parties du monde.

M. le ministre de l'intérieur en se conformant à ce qui a été fait avant lui est extrêmement sage, je l'en félicite.

Dans le programme que le gouvernement a fait paraître avant la dissolution des chambres, il a posé le principe : qu'on ne nommerait pas dans les différentes localités du pays des fonctionnaires n'entendant pas la langue des populations. C'est ce que le précédent ministère avait pratiqué d'une manière complète, et le programme n'a fait que confirmer cette pratique.

C'est une excellente mesure ; je n'hésite pas à dire que de tous les fonctionnaires, fonctionnaires administratifs, fonctionnaires judiciaires, fonctionnaires des finances, on doit exiger qu'ils comprennent la langue de leurs administrés.

Le gouvernement a donc parfaitement fait de maintenir ce principe. Mais, notons-le bien, il n'a fait que maintenir le principe établi.

Mais M. le ministre de l'intérieur, tout en se conformant à la manière d'agir du ministère précédent, a d'abord, conformément à son habitude, cru devoir rechercher quelques griefs contre ses prédécesseurs et ensuite il a cherché à voiler la politique conservatrice sous l'apparence de satisfactions données aux défenseurs du flamand.

Voyons ces deux points.

D'abord, je suis coupable de deux méfaits à l'égard du flamand.

Premier grief : J'ai publié une circulaire sur l'enseignement où j'aurais parlé des grands écrivains de la littérature française et je crois même des littératures latine et grecque, et j'ai omis de citer des grands écrivains de la littérature flamande. J'ai cité peut-être Thucydide, Tacite, Bossuet, et je ne leur ai accolé aucun nom flamand.

J'avoue que si j'avais cru pouvoir faire plaisir aux partisans de la langue flamande en citant dans cette circulaire un ou deux noms flamands, je me serais fait un devoir de ne pas leur refuser cette satisfaction, et je l'aurais fait même sans qu'aucune raison provoquât cette citation.

Rien en effet ne la provoquait, et cela par la raison très simple que ma circulaire n'avait pas trait à l'enseignement du flamand ; cet enseignement avait été organisé par mes honorables prédécesseurs, par M. Vandenpeereboom notamment ; je n'ai rien voulu changer en cette matière ; j'ai laissé les choses dans le statu quo. Les réformes que j'ai voulu apporter concernaient l'enseignement du latin, du grec et du français ; j'ai peut-être cité les grands écrivains de ces langues, pourquoi aurais-je cité les écrivains de la langue flamande, dont je ne m'occupais pas ?

Voilà le premier grief. Je ne sais pas s'il valait bien la peine d'être signalé par M. le ministre de l'intérieur.

Mais le second grief est beaucoup plus grave ; j'ai commis mon méfait dans la création des bibliothèques des écoles normales.

Un mot d'abord de cette création, puisqu'on l’a mise sur le tapis.

Dans le dernier rapport sur l'enseignement primaire, on a signalé que les élèves sortant des écoles normales ne connaissaient rien en dehors de ce qui se trouve dans les livres classiques qu'ils étudient tous les jours, qu'ils n'avaient aucune idée de la littérature et de l'histoire en dehors de leurs manuels.

Que fallait-il faire pour remédier à ce mal ? Il fallait mettre des livres a la disposition de ces jeunes gens, leur permettre de sortir du cercle étroit et fastidieux des livres de classe, d'acquérir des connaissances plus générales et d'apprécier, après les difficultés qu'il y a d'apprendre, le charme qu'il y a d'avoir appris.

Je crois que le temps employé en dehors des classes à lire de bons livres d'histoire et de littérature est peut-être le mieux employé de la journée.

Partant de ces idées, j'ai institué des bibliothèques près de chaque école normale, et avant de quitter le ministère j'avais ordonné l'adjudication des livres qui devaient servir à la formation de ces bibliothèques. Ces livres devaient être choisis par les directeurs des écoles dans un catalogue qui avait été dressé à cet effet. Ce catalogue, je ne l'ai pas fait moi-même ; il a été fait par l'inspecteur des écoles normales qui est Flamand, et il contient l'indication d'assez nombreux ouvrages flamands. J'ai revu le catalogue, je n'ai pas retranché un seul ouvrage flamand.

Mais qu'a fait M. le ministre de l'intérieur ? L'adjudication avait eu lieu, un avis publié au Moniteur nous a appris qu'elle était annulée et je me demande s'il n'a pas supprimé les bibliothèques ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Du tout.

M. Pirmez. - Pourquoi avez-vous annulé l'adjudication ?

M. Bouvier. - Par amour des lumières.

M. d'Andrimont. - Il a fallu expurger le catalogue.

M. Pirmez. - Les bibliothèques sont-elles établies à l'heure qu'il est ? (Interruption.)

Je ne sais s'il y a quelque chose d'inconvenant dans mon interpellation. Je la ferai plus respectueusement. (Nouvelle interruption.)

Messieurs, je solliciterai la permission de M. le ministre de l'intérieur, pour lui demander si les bibliothèques des écoles normales existent actuellement ?

Je trouve très singulier qu'on annule les adjudications et qu'on vienne après cela soulever une critique sur le nombre des livres flamands du catalogue.

Si on voulait les bibliothèques, il fallait maintenir les adjudications et l'année suivante on pouvait ajouter des livres flamands, si on n'en trouvait pas assez. (Interruption.)

Remarquez que les directeurs des écoles, et de toutes les écoles, religieuses et laïques, pouvaient choisir le tiers en valeur des livres du catalogue ; le catalogue pouvait être complété pour l'année courante, où ils auraient pu faire un second choix.

Mais tout cela est un vain prétexte de critique. A qui donc fera-t-on croire que les circulaires soient les causes des plaintes de ce qu'on appelle le mouvement flamand ?

Les populations auraient pour grief l'omission de la citation d'auteurs flamands dans l'une et de trop rares ouvrages flamands dans les bibliothèques créées par l'autre ! Mais M. le ministre de l'intérieur oublie que les honorables députés d'Anvers faisaient les mêmes discours avant les circulaires que depuis ! Elles sont donc étrangères à ces plaintes, et ces honorables membres n'en parlent même pas.

Voyons, après nos fautes, les progrès réalisés par l'honorable M. Kervyn.

M. le ministre de l'intérieur accorde-t-il quelque chose aux députés d'Anvers ? Il passe en revue les griefs flamands.

Premier grief. - Les lois non traduites en flamand.

M. le ministre apprend aux députés d'Anvers que les lois sont traduites en flamand.

Qui a tort, qui a raison ? Je les laisse aux prises ; je constate seulement que M. le ministre ne fera rien.

Deuxième grief. - Absence de traduction des Annales parlementaires. M. le ministre de l'intérieur démontre aux honorables députés d'Anvers que ce qu'ils veulent est impossible ; les députés d'Anvers sont repoussés avec perte ici encore.

Troisième et quatrième griefs. - Il s'agit de l'armée et de l'administration de la justice ; M. le ministre de l'intérieur attendra que ses collègues soient présents, pour répondre à cet égard. Il me semblait cependant que nous sommes en face d'une question générale à laquelle il aurait été facile à M. le ministre de répondre immédiatement, si sa réponse n'eût pas été qu'il ne voit rien à faire.

Cinquième grief.- L'administration. M. le ministre de l'intérieur est ici très net, il affirme qu'il n'y a pas le moindre grief, mais il a cependant apporté de grandes améliorations à la situation.

(page 788) Premièrement, on écrit quelquefois en flamand à l'administration communale d'Anvers qui, sachant le français, se soucie très peu qu'il en soit ainsi, et pour compléter cette féconde innovation, on écrit quelquefois en flamand aussi à l’administration communale de Bruxelles, qui demande qu'on lui écrive en français. (Interruption.)

Maintenant autre chose. M. Vandenpeereboom avait établi au ministère de l'intérieur un bureau flamand. (Interruption.)

On me dit que c'est l’honorable M. Rogier ; c’est donc encore plus ancien. Ce bureau, fondé par M. Rogier, a vécu sous M. Vandenpeereboom et a continué sa paisible existence sous mon administration. Seulement, il paraît que le chef n'avait pas le titre de chef de bureau, M. Kervyn le lui a donné.

J'appelle l'attention de la Chambre sur la haute importance de cette réforme ; le fonctionnaire placé à la tête de ce service était le chef du bureau, mais il n'était pas chef de bureau ! Il l'est aujourd'hui ! (Interruption.)

On vient parler des merveilleuses réformes opérées par l'honorable ministre de l'intérieur ; il faut bien que je puisse les discuter.

Mais il y a plus que cela ; les circulaires de l'honorable M. Kervyn paraissent actuellement au Moniteur en français et en flamand. Grand progrès, grande satisfaction au mouvement flamand !

Seulement, je me suis demandé pourquoi les circulaires de l'honorable M. Cornesse ne paraissent pas en flamand et pourquoi l'honorable M. Wasseige n'avait pas aussi fait travestir, je veux dire traduire ses circulaires en flamand.

Ces circulaires sont tout aussi intéressantes que celles de l'honorable M. Kervyn.

Je me demande si elles sont assez claires en français pour n'avoir pas besoin de traduction ou si MM. Wasseige et Cornesse n'ont pas eu peur de ne pouvoir défendre avec le sérieux convenable une réforme aussi singulière.

Il me paraît, en effet, difficile de soutenir une pareille réforme en gardant son sérieux. Voyez la situation.

Il est évident que si l'on traduit les circulaires de l'honorable M. Kervyn en flamand, c'est pour les gens qui ne savent pas le français et qui ne peuvent lire la partie française du Moniteur.

Ces gens ne pouvaient s'abonner au Moniteur ; ils n'y eussent rien compris ; mais depuis la réforme, ils peuvent s'y abonner, ils y trouveront les circulaires de M. Kervyn.

Il est vrai qu'on ne trouve pas tous les jours une circulaire de l'honorable M. Kervyn.

Aujourd'hui, il n'y a rien, demain pas davantage. Cela se prolonge pendant huit jours, pendant quinze jours, pendant un mois, six semaines ; pas de circulaire ; mais enfin, après cette longue attente pleine d'une impatience justifiée. par le désir de posséder un pareil document, arrive l'heureux numéro où se trouve la circulaire flamande.

Voilà l'abonné au comble du bonheur ! On se blase sur un journal qu'on peut lire tous les jours, cela devient monotone, tandis qu'un journal où l'on ne trouve quelque chose à lire qu'après six semaines, ou deux mois, offre quelque chose de charmant.

Et voyez, le Flamand qui est arrivé à la possession d'un de ces intéressants documents pourra le savourer à son aise pendant de longues semaines, parce qu'il s'écoulera longtemps avant qu'une nouvelle circulaire flamande paraisse.

Est-ce sérieusement, messieurs, qu'on peut venir apporter de pareilles réformes ? Croit-on qu'il y ait quelqu'un en Belgique ne sachant pas le français qui ira se livrer à ce travail de patience, indispensable pour profiter de cette réforme ?

Les gens qui ne savent pas le français ne lisent pas les circulaires et vous le savez si bien que les circulaires de l'honorable M. Cornesse, qui intéressent les classes pauvres, par exemple la circulaire assez roide où il dit que les bureaux bienfaisance doivent refiler des secours aux individus qui ne se font pas vacciner, ne sont pas traduites en flamand.

Laissons donc cette vaine apparence de réforme ; la situation sera donc la même que sous le ministère précédent ; il n'y aura que de belles paroles en plus et cette magnifique différence que le chef de l'administration flamande au ministère de l'intérieur, qui est maintenant chef de bureau, traduira les circulaires de l'honorable M. Kervyn en flamand pour le Moniteur.

Les députés d'Anvers sont-ils satisfaits ?

Sous le gouvernement précédent, ils étaient d’une rigueur extrême. L'honorable M. Gerrits - j'entends encore ses paroles retentissantes - terminait un discours par ces mots :

« Si nous supportions de pareilles choses, nous serions des idiots ou des lâches ! »

M. Gerrits. - Je suis encore de cet avis.

M. Delaet et M. Coremans. - Tous !

M. Pirmez. - Seulement, au lieu de vous adresser au gouvernement ancien que vous combattiez, vous vous adresserez au gouvernement actuel que vous soutenez.

Il sera curieux, pour nous, de voir comment vous ferez prévaloir votre opinion et surtout de voir comment ceux qui ont profilé du mouvement flamand seront disposés à vous donner satisfaction et à faire cesser vos plaintes.

M. Coremans. - Chaque fois que l'honorable M. Pirmez parle de la question flamande, il croit qu'il a besoin et qu'il est de bon goût de faire rire et se pâmer d'aise une demi-douzaine de ses amis et compatriotes wallons, au moyen de quelques grosses plaisanteries, plus ou moins spirituelles, dont il sème ses discours. Si l'on peut ne pas être d'accord sur le goût de ces plaisanteries, je suis d'accord avec l'honorable M. Pirmez pour reconnaître que M. le ministre de l'intérieur, s'il ne fait rien de plus que ce qu'il vient d'annoncer, est bien loin de donner une sérieuse satisfaction, si petite qu'elle soit, aux flamingants.

On vient de nous appeler itérativement les « amis de la langue flamande ». Mais, messieurs, ce n'est pas une question de linguistique que nous défendons, ainsi qu'on a l'air de le faire croire, sans doute, pour amoindrir et rapetisser le débat ; nous défendons ici les droits naturels du peuple flamand, de la majorité de la nation belge ; nous défendons le droit constitutionnel de nos compatriotes d'être administrés, en toutes matières, dans leur langue à eux ; de n'avoir que des fonctionnaires qui les comprennent et qui parlent la langue flamande dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Pirmez. - Nous sommes d'accord.

M. Frère-Orban. - C'est ce qui est.

M. Coremans. - Vous ne connaissez pas l'administration de nos provinces flamandes si vous dites cela sérieusement et de bonne foi.

M. Frère-Orban. - Qu'est-ce que c'est ?

M. Coremans. - Je dis que si, comme je n'en puis douter, vous parlez sérieusement et de bonne foi, je dois déclarer que vous n'êtes guère au courant de la situation administrative de nos provinces.

L'honorable ministre de l'intérieur n'a pas du tout répondu, mais pas du tout, au discours de M. Gerrits, en ce qui concerne la question grave de l'enseignement primaire, traitée d'une manière si lucide, si approfondie par mon honorable ami.

L'honorable ministre de l'intérieur a parlé des points accordés au flamand dans certains concours, de la connaissance exigée du flamand dans certains examens. Mais quant aux anomalies, aux absurdités, au système d'abrutissement critiqués par M. Gerrits, l'honorable ministre n'y a pas répondu un mot.

Au lieu de nous dire le remède qu'il appliquera au mal causé par les gouvernements antérieurs, dont la gallomanie avait converti la Belgique en une antichambre de l'empire ainsi que je l'ai un jour démontré dans cette Chambre...

M. Bouvier. - Je proteste !

M. Coremans. - ... au lieu de nous indiquer les mesures réparatrices nécessaires que lui, ministre flamand, allait prendre, il a cru bon de garder un silence peu prudent et que nous désapprouvons entièrement.

A un autre grief dont s'est plaint l'honorable M. Gerrits, l'absence d'un texte néerlandais de nos lois et règlements, il a été également répondu d'une manière peu satisfaisante par l'honorable ministre de l'intérieur et aussi par l'honorable M. Pirmez.

Vous ignorez donc, nous disent ces messieurs, qu'il existe un texte flamand de nos lois. Non, messieurs, nous savons qu'il existe une espèce de traduction en néerlandais de nos lois. Mais ce texte flamand n'est pas officiel ; on ne pourrait pas l'invoquer devant les tribunaux et par cela même il est peu utile, à supposer qu'il serve de quelque chose, peu répandu, peu connu même dans les provinces flamandes. Je le dis franchement, une pareille traduction ou pas de traduction, c'est à peu près la même chose. Il nous faut un texte officiel que les populations qui ne comprennent que le flamand puissent invoquer devant toutes les autorités du pays, judiciaires et administratives,

(page 789) D'après moi, et je crois, d'après le bon sens et le droit naturel, il faut que les Flamands sachent lire et connaître dans leur langue les lois qui les obligent ; sinon on ne peut, rationnellement, les invoquer contre eux.

Un troisième grief c'est la publication exclusive du Moniteur et des Annales parlementaires en français.

L'honorable M. Pirmez en rappelant que, de temps en temps, il figure au Moniteur quelque circulaire traduite en flamand, nous disait tout à l'heure : Si les défenseurs du droit du peuple flamand se déclarent satisfaits de si peu, il sont vraiment de la bonne année. M. Pirmez a raison. Mais nous ne nous déclarons nullement satisfaits : que nous importe que, de temps à autre, une circulaire paraisse en flamand au Moniteur ? Ce que nous voulons, parce que c'est un droit naturel du peuple, c'est que le journal officiel tout entier soit rédigé en flamand comme en français.

Pour ma part, il m'est absolument impossible, je l'avoue, de justifier la suprématie donnée à une langue nationale sur l'autre ; je ne comprends pas surtout que la suprématie soit accordée à la langue de la minorité wallonne, au détriment de celle de la majorité flamande du pays.

Depuis quelque, temps, on a supprimé en grande partie la partie non officielle du Moniteur ; il doit résulter de cette mesure une économie assez notable.

Pourquoi ne l'appliquerait-on pas à réaliser la réforme que nous réclamons ? Et à supposer qu'il doive en résulter quelque surcroît de dépense, serait-ce pour quelques écus que M. le ministre de l'intérieur voudrait se soustraire à une question de justice et s'attirer l'hostilité des populations flamingantes ?

M. Vleminckx. - Vous êtes majorité ; faites une proposition !

M. Coremans. - Autre point : M. le ministre de l'intérieur s'est retranché derrière ses collègues de la guerre et de la justice pour ne pas répondre à deux autres griefs articulés par l'honorable M. Gerrits. Il me semble pourtant qu'il aurait pu nous dire toute sa pensée et déclarer, d'accord avec nous, qu'il est de raison et de droit populaire que les officiers de l'armée sachent le flamand et le français ; que la justice soit rendue dans la langue des justiciables et, qu'en règle générale, aucun fonctionnaire ne soit appelé dans une contrée dont il ne connaît pas la langue usuelle. (Interruption.)

Comment ! vous exigez que nous, Flamands, nous sachions le français pour occuper n'importe quel emploi public ; et vous prétendriez nous imposer des fonctionnaires français, ne sachant pas un mot de flamand ! (Interruption.) Si vous ne voulez pas apprendre le flamand, vous en êtes les maîtres ; mais, dans ce cas, restez chez-vous ; vous êtes parfaitement libres de ne savoir que le français, mais ne prétendez pas à des emplois dans nos provinces flamandes ; vous invoquez la liberté de l'ignorance : nous n'entendons nullement y porter atteinte ; mais encore une fois, il est de la dernière outrecuidance de vouloir remplir des fonctions publiques dans une partie du pays dont on ne connaît pas la langue.

Je regrette beaucoup que l'honorable M. Kervyn ne nous ait pas dit ce qu'il se propose d'innover en matière d'enseignement. Peut-être l'a-t-il oublié ? Je suis d'ailleurs convaincu que les intentions de l'honorable ministre sont meilleures que ses déclarations de ce jour. (Interruption.) J'admets que ce n'est pas après six mois de ministère qu'on peut avoir corrigé les abus invétérés, grâce à vingt années d'un système hostile et francisant. (Interruption.)

M. Bouvier. - Hostile à quoi ?

M. Coremans. - Hostile aux droits du peuple flamand I

M. Vandenpeereboom. - Je demande la parole.

M. Coremans. - Nous attendrons quelques mois encore, espérant que l'honorable M. Kervyn fera mieux que ce qu'il fait augurer aujourd'hui. Nous verrons alors ce que nous aurons à faire.

Nous tenons compte à l'honorable ministre des difficultés à vaincre ; mais ces difficultés ne doivent pas l'arrêter ; avec de l'argent, du bon vouloir et un peu d'énergie, on les aplanira, et satisfaction sera donnée aux Flamands.

Qu'on le sache bien, ce que les Flamands demandent, c'est d'être traités sur un pied complet d'égalité avec les Wallons. Il ne faut pas qu'une partie du pays soit injustement favorisée au détriment de l'autre. Egalité entière, radicale, absolue, voilà notre programme !

Ce n'est qu'à cette condition que nous nous déclarerons satisfaits. Et cette égalité, il nous la faut ! Nous la réclamerons instamment et avec énergie, de tous les ministres, amis ou adversaires, persuadés que nous sommes qu'en revendiquant les droits du peuple flamand, nous faisons acte de bons citoyens et de bons patriotes.


M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le compte rendu des opérations des chemins de fer, postes et télégraphes pendant l'année 1869.

- Impression et distribution aux membres de la Chambre.


M. Vleminckx (pour une motion d’ordre). - Dans la séance d'hier, M. le ministre de l'intérieur a déposé sur le bureau de la Chambre une série de documents concernant la question du travail des femmes et des enfants dans les manufactures, les raines, etc. Je demande que ces documents soient imprimés et distribués.

M. le président. - Ces documents sont très volumineux.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'indiquerai, parmi ces documents, ceux dont l'impression pourra être utilement ordonnée par la Chambre. (C'est cela !)

M. Vleminckx. - Je me déclare satisfait.

- La séance est levée à 4 heures 20 minutes.