(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Vilain XIIII.-
(page 757) M. Reynaert procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Couvreur, ancien sous-officier, demande la révision de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Liebrecht, instituteur pensionné, prie la Chambre de décider que sa pension sera élevée à la moyenne des pensions allouées par la caisse générale de prévoyance pendant l'année 1871. »
- Même renvoi.
« Le sieur Edé prie la Chambre de rapporter l'article 5 de la loi du 22 juin 1822 sur la contribution personnelle. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal d'Itegem demande le maintien des commissaires d'arrondissement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Par dépêche du 8 mars, M. le ministre de l a justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Clasen, Théophile. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Par dépêche du 8, mars, M. le ministre de la guerre adresse à la Chambre deux exemplaires de l'Annuaire militaire officiel de 1871. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« Art. 62. Traitements de disponibilité du personnel du haras de l'Etat : fr. 12,460. »
M. Lelièvre. - Messieurs, jusqu’en 1865, le haras de l'Etat était établi en la ville de Gembloux. Lorsqu'on a supprimé cet établissement, on avait fait espérer que Gembloux recevrait une légitime compensation du chef de la perte d'une institution en vue de laquelle la ville avait fait de notables sacrifices.
Je rappelle cet état de choses à M. le ministre de l'intérieur et j'espère qu'il profitera de là première occasion qui se présentera d'indemniser la commune de Gembloux d'un dommage considérable qu'elle a éprouvé.
- L'article est adopté.
« Art. 63. Encouragements divers pour l'amélioration de la voirie vicinale et pour les améliorations qui intéressent l'hygiène publique ; inspection des chemins vicinaux, des cours d'eau et de l'agriculture ; indemnités aux commissaires voyers : fr. 1,165,550. »
M. de Smet. - Messieurs, le chiffre émargé pour la voirie est incontestablement insuffisant en présence des nombreuses demandes dont le gouvernement est saisi pour subsidier des pavements de routes : il y a donc nécessité de le majorer notablement. Si les ressources étaient un obstacle pour l'exercice actuel, il y aura lieu d'y pourvoir au budget de 1872.
L'amélioration de la voirie par la construction de routes agricoles me paraît être le moyen le plus efficace, non seulement pour venir en aide à l'agriculture afin de faciliter le transport de ses produits et des engrais, mais encore pour la moralisation des habitants des campagnes ; je dirai plus, pour le progrès de l'instruction, par la facilité que procurent de bonnes communications pour que les enfants éloignés de l'aggloméré des communes puissent se transporter plus facilement aux écoles. Elle favorise aussi l'hygiène publique par le dessèchement de chemins le plus souvent embourbés, dont les émanations s'introduisent dans les habitations voisines et produisent fréquemment des maladies qui en sont là conséquence.
J'appelle donc tout spécialement l'attention du gouvernement sur cette question si importante pour le développement de notre agriculture, branche si essentielle à la prospérité au pays.
Je prie aussi M. le ministre de l'intérieur de faire étudier la question pour recueillir les eaux limoneuses des villes et autres centres de population, cette matière fertilisante étant de nature à augmenter les produits de notre sol, surtout en plantes fourragères si utiles à la multiplication du bétail, qui constitue une source considérable pour l'agriculture, cet engrais étant d'une grande utilité pour aider à la fertilisation des prairies non inondées par les rivières.
Une question que je considère aussi comme éminemment utile pour favoriser l'agriculture, c'est de faciliter l'écoulement de nos cours d'eau. Pour atteindre ce but, je ne vois qu'un moyen pratique qui consiste à nommer des fonctionnaires spéciaux pour surveiller ce service qui, dans beaucoup de localités, est abandonné aux bourgmestres des communes rurales dont les efforts sont paralysés à cause de leurs fonctions électives. J'appuie surtout sur cette mesure, parce que dans les terres basses, lorsque les eaux sont tenues à un niveau trop élevé, le drainage si utile pour l'assainissement du sol devient alors impraticable.
J'ai été à même de constater, messieurs, que notre agriculture a progressé considérablement depuis un quart de siècle ; les moyens que je viens d'indiquer me paraissent devoir contribuer encore à son amélioration.
M. de Clercq. - Messieurs, à l'occasion de l'article relatif à l'inspection de l'agriculture, je désire recommander brièvement à l'honorable ministre un objet qui intéressé à un haut degré l'agriculture et la silviculture, en un mot toutes les cultures, objet qui, jusqu'à ce jour, est resté grandement en souffrance, je veux parler de la protection toujours et encore à accorder aux oiseaux insectivores.
Lors de la discussion du budget de l’intérieur pour l'année 1860, si mes souvenirs sont fidèles, nous avons assisté ici à un très intéressant débat sur ce sujet, mais ce débat n'a malheureusement abouti à aucun résultat et en attendant les destructions se perpétuent. Chaque année au printemps, l'on voit des enfants de la campagne et aussi un peu les enfants des villes faisant alors l'école buissonnière, ce qui déjà est un premier mal, se livrer contre les nids et les oiseaux à une véritable Saint-Barthélemy.
Les parents, en général, laissent faire et les gardes champêtres ou les gardes particuliers, du moment qu'il ne s'agit pas d'œufs de perdrix ou de faisans, laissent passer.
Je les loue fort de protéger le gibier dans sa source de production même, cette protection permettra plus tard de faire des chasses abondantes ; mais pourquoi, en laissant détruire les oiseaux insectivores, empêcher la chasse que ceux-ci feraient abondamment aux larves et aux chenilles si fatales à toute culture ?
A ce sujet, je crois opportun aussi d'engager M. le ministre à intervenir auprès des autorités provinciales, afin que celles-ci fassent observer plus efficacement la loi sur l'échenillage.
On dirait vraiment que cette loi est tombée en désuétude. A en juger (page 758) par ce que l'on peut observer de pays en arrivant de province à Bruxelles, on devrait conclure que cette loi est ignorée dans le Brabant ; en Flandre aussi elle se pratique mal, à tel point que le remède est pour ainsi dire devenu inefficace dans certaines contrées et qu'il serait grand temps d'appeler les oiseaux du bon Dieu à notre aide.
Mais le proverbe : Aide-toi, le Ciel l'aidera, est toujours vrai ; c'est pourquoi je prie itérativement l'honorable ministre de se concerter avec son collègue de la justice, afin de faire protéger les oiseaux insectivores de par une loi, dans le plus court délai possible ; l'agriculture et la silviculture lui en seront particulièrement reconnaissantes.
M. Van Renynghe. - Messieurs, j'appuie de toutes mes forces les observations qui ont été faites par les honorables préopinants, relatives à l'amélioration de la voirie vicinale, et je forme des vœux pour que les crédits alloués annuellement aux budgets du département de l'intérieur et des provinces en faveur de cette voirie, soient augmentés.
J'insiste surtout pour que le gouvernement et les provinces prennent des mesures promptes et efficaces afin que les communes puissent rembourser, le plus tôt possible, les emprunts, parfois considérables, qu'elles ont dû contracter pour faire les avances du montant des subsides accordés par l'Etat et les provinces en faveur de nouvelles routes indispensables.
Maintenant les parts de ces subsides, échelonnées sur différents exercices, données annuellement par l'Etat et les provinces, sont tellement minimes que bien souvent elles sont insuffisantes pour payer les intérêts du montant de ces emprunts.
Un tel état de choses est ruineux pour les communes.
J'espère donc que le gouvernement et les provinces prendront des dispositions urgentes pour faire disparaître une pareille situation, réellement regrettable.
M. Delcour. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer les observations que vient de faire l'honorable M. de Clercq. Il demande une loi pour empêcher la destruction des oiseaux insectivores. La même question a fait l'objet des délibérations de la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics. Nous avons émis l'avis qu'une loi est indispensable et nous espérons que le gouvernement voudra bien en tenir compte.
Dans le cours de la dernière session, le gouvernement a présenté un projet de loi apportant des modifications à la loi sur la chasse ; ce projet de loi renfermait une disposition générale tendante à établir le principe, mais sans entrer dans les détails. La conservation des oiseaux insectivores, si utiles à l'agriculture, doit faire l'objet de toute l'attention du gouvernement. Je me joins donc à l'honorable M. de Clercq pour engager le gouvernement à déposer un projet de loi sur cet important objet.
M. Lelièvre. - Messieurs, à l'occasion de la voirie vicinale, je dois proposer une observation que je recommande à l'examen du gouvernement. D'après une loi portée il y a quelques années, les sociétés industrielles qui, pour l'usage de leurs usines, détériorent notablement les chemins vicinaux sont tenues d'une subvention en rapport avec les dégradations qui sont le résultat de leurs faits.
C'est la députation permanente qui est investie du droit de statuer à cet égard et les intéressés qui se croient lésés par la décision de ce collège ont le droit de recourir au roi.
Quant à moi, j'estime qu'il serait préférable d'autoriser le pourvoi en cassation vis-à-vis de la cour suprême, comme en matière de contributions, de patentes, etc. Il s'agit ici d'une véritable indemnité et par conséquent d'une question qui tient aux droits civils dont l'appréciation appartient aux tribunaux. Il me paraît donc qu'il faudrait revenir, sur le point en question, aux règles du droit commun et aux principes admis par diverses lois en ce qui concerne le recours en cassation. L'introduction de ce recours en diverses matières a produit les meilleurs résultats. Je crois donc devoir recommander l'étude de cette question à l'attention spéciale du gouvernement.
M. de Lexhy.-J'ai entendu avec plaisir les honorables préopinants recommander à M. le ministre de l'intérieur de s'occuper des mesures à prendre pour la conservation des oiseaux insectivores.
Un projet de loi a été déposé à cet égard l'année dernière et a fait l'objet d'un rapport qui est mon œuvre.
J'engage M. le ministre à reprendre ce projet, qui a été déposé par l'honorable M. Pirmez et qui était de nature à assurer la protection qu'on réclame en faveur des oiseaux insectivores.
En ce qui concerne le point que vient de toucher l'honorable M. Lelièvre, la loi du 16 mars 1866 qui traite des indemnités à accorder aux communes du chef de dégradations extraordinaires commises par les usiniers, je ne pense pas qu'on puisse traiter incidemment cette matière, qui est très importante. Cependant les observations de M. Lelièvre ont un caractère sérieux et nécessitent un examen approfondi. Des conflits incessants surgissent entre les usiniers et les communes, quand il s'agit d'appliquer la loi du 16 mars 1866. Cette loi peut donner lieu à beaucoup d'abus. En effet, lorsque la commune est hostile à l'usinier, ce dernier peut être victime. D'autre part, lorsque l'usinier dispose de la majorité du conseil communal, la commune peut être lésée.
C'est un sentiment de respect trop grand pour l'autonomie communale qui a dicté cette disposition législative, laquelle donne lieu souvent à des démêlés.
Je recommande l'examen de cette question à l'attention du ministre de l'intérieur.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, fa Chambre ne désire point que j'insiste sur l'importance de la voirie vicinale ; il y a, à cet égard, un sentiment unanime sur nos bancs. En ce qui me touche, je puis rappeler que lorsque je n'avais pas l'honneur d'occuper un siège ministériel, j'ai présenté à la Chambre un amendement qui tendait à améliorer la situation de la voirie vicinale, amendement qui ne fut rejeté qu'à une faible majorité.
Depuis que le cabinet s'est formé, nous avons eu l'honneur de déposer une demande de crédit d'un million qui a été accueillie par la législature.
Nous croyons donc avoir donné un gage sérieux de l'intérêt que nous portons au développement de la voirie vicinale.
Mais, à côté de la question de l'allocation de ces fonds, il y en avait une. autre qui tout naturellement appelait la sollicitude du gouvernement ; je veux parler du système de répartition des crédits votés par la législature.
Nous avons cru qu'à cet égard une innovation considérable était utile ; qu'il n'était pas bon que le gouvernement pût être suspect de partialité dans la répartition de ces fonds et que c'était surtout aux administrations provinciales, qui se trouvent les plus rapprochées des besoins, qu'il appartenait de déterminer quels étaient, dans ces besoins, ceux qu'il y avait lieu de satisfaire d'abord.
Aussi, dès le mois d'octobre dernier, j'adressais aux administrations provinciales une circulaire dont je demanderai à la Chambre la permission de reproduire quelques lignes.
Voici ce que je disais dans cette dépêche, qui porte la date du 3 octobre :
« Monsieur le gouverneur,
« L'utilité de simplifier les rouages de notre système administratif n'est contestée par personne. Il n'y a pas de réforme sur l'opportunité de laquelle le sentiment public se soit prononcé avec plus de force et d'ensemble.
« Pour donner satisfaction, ainsi que je le désire, à ce sentiment général, il importe, d'une part, de ramener l'administration centrale à sa véritable mission, qui est de veiller aux intérêts généraux et, d'autre part, de dégager de toute entrave inutile la gestion des intérêts locaux. Les moyens à mettre en œuvre dans ce double but doivent avoir pour objet l'application persévérante des simplifications que comporte notre mécanisme administratif trop compliqué aujourd'hui, et la révision des dispositions législatives qui régissent l'administration des communes.
« Dans le premier ordre d'idées, comme mesure d'application immédiate, je me propose d'abandonner à l'autorité provinciale, à partir du 1er janvier prochain, la répartition des subsides pour l'amélioration de la voirie vicinale et pour travaux d'assainissement, ce qui permettra la suppression d'une grande partie des formalités et des écritures que les demandes de subsides occasionnent aujourd'hui. »
Depuis lors, messieurs, une circulaire qui a paru dans le Moniteur et qui porte la date du 3 janvier 1871, est venue déterminer toutes les règles qui se rattachent à l'application de cette mesure que je crois importante et utile.
La Chambre, à coup sûr, ne désire point que j'en donne lecture. Cette circulaire a passé sous ses yeux ; elle précise le bases qu'auront à suivre désormais les autorités provinciales, et elle tend à ce double but : de hâter les travaux et, en même temps, d'en rendre l'utilité plus considérable en bannissant avec soin toutes les dépenses qui paraissent superflues.
Messieurs, les honorables préopinants ont présenté diverses observations spéciales. Quelques-uns d'entre eux ont insisté sur la question si intéressante de la protection des oiseaux insectivores. Comme l'a fait remarquer l'honorable M. de Lexhy, il y a, à cet égard, une disposition spéciale dans le projet de loi sur la chasse, qui sera de nouveau déposé prochainement sur le bureau de la Chambre.
J'ajouterai que le conseil supérieur d'agriculture, en s'occupant du (page 759) projet de loi sur le code rural, a cru devoir également étudier cette question avec le plus grand soin.
Quant à la question de l'échenillage, elle a aussi fait l'objet d'un examen de la part du conseil supérieur d'agriculture. Il est une autre question qui donne lieu, il est vrai, tous les jours, à de sérieuses difficultés administratives : je veux parler de ce qui touche à la dégradation des voies publiques par les propriétaires d'établissements industriels.
Des réclamations fréquentes se sont élevées à ce sujet, et souvent des députations permanentes se sont trouvées en présence de vives et longues contestations.
J'examinerai avec soin les observations présentées par l'honorable M. Lelièvre, observations auxquelles s'est rallié, si je ne me trompe, l'honorable M. de Lexhy..
J'espère, messieurs, que, grâce aux fonds qui ont été votés, la voirie vicinale sera considérablement améliorée. J'ai appris avec une vive satisfaction que, dans toutes les provinces, les administrations communales apportent le concours le plus empressé et le plus efficace aux vues du gouvernement, et tout donne lieu de croire que la législature pourra se féliciter d'avoir, par le vote du dernier crédit d'un million, imprimé un nouvel essor à des travaux qui développeront de plus en plus la prospérité du pays.
M. Pirmez.- A entendre l'honorable ministre de l'intérieur, on croirait vraiment qu'avant son entrée au ministère il n'avait été absolument rien fait en faveur de la voirie vicinale...
- Voix à droite. - Oh ! oh !
M. Pirmez. - On croirait vraiment qu'il n'a trouvé dans l'ancien gouvernement qu'une résistance à ses désirs d'améliorer la voirie vicinale. (Interruption.)
L'honorable ministre, en effet, vous a rappelé qu'il avait déposé un amendement tendant à augmenter le crédit relatif à cet objet de 500,000 francs.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - De 317,000 francs.
M. Pirmez. - Et que cet amendement avait été repoussé.
Si M. le ministre de l'intérieur voulait écrire cette histoire d'une manière impartiale, il n'aurait pas dû oublier le vote que le cabinet précédent a obtenu en faveur de la voirie vicinale dans les derniers jours de la précédente session.
La loi qui augmente l'accise sur le genièvre a eu pour conséquence d'augmenter le fonds communal de 3 millions annuellement ; or, en déposant ce projet, mon honorable collègue des finances d'alors a fait remarquer que l'augmentation de ressources devait avoir surtout trois objets principaux : d'abord, améliorer la position des secrétaires communaux, ce qui ne devait prendre qu'une petite partie de la somme et, ensuite, pourvoir aux grands intérêts de l'enseignement primaire et de la voirie vicinale.
Je suis donc autorisé à dire que le vote de cette loi a constitué une augmentation permanente de ressources de plus d'un million par an pour la voirie vicinale.
Je crois que, puisque M. le ministre de l'intérieur a jugé bon de rappeler avec tant de soin ce qu'il a proposé il y a un an, pour rester juste il aurait dû signaler également qu'il avait trouvé dans la reforme faite à cette époque une augmentation considérable de ressources pour la voirie vicinale.
Je voulais simplement faire remarquer cette omission qui me paraît devoir être réparée.
- L'article est adopté.
M. Dansaert. - Messieurs, le chapitre XIII du budget, qui se rapporte à l'une des branches les plus essentielles et les plus importantes de l'activité sociale, l'industrie, me fournit l'occasion de soumettre à la Chambre quelques observations.
Je commence par déplorer l'état de notre législation industrielle qui présente les plus grandes incohérences.
Il est étrange, messieurs, que de nos jours, alors que le travail a pris, sous toutes ses formes, un immense essor et que les relations industrielles ont acquis une multiplicité et une importance prodigieuses, il est étrange, dis-je, que le législateur ait négligé jusqu'à présent de rédiger un code de l'industrie.
Le commerce a son code, toutes les relations civiles ont également leur code ; seule l'industrie n'a pas encore le sien. C'est dans des décrets, des sénatus-consultes, des arrêtés, des lois, datant, les uns de la première révolution française, les autres du consulat ou de l'empire, d'autres du gouvernement hollandais, promulgués à des époques où l'industrie était constituée dans d'autres conditions qu'aujourd'hui, que se trouvent éparpillés les éléments discordants et contradictoires dont l'ensemble forme notre législation industrielle.
A l'époque où l'industrie gouverne le monde, le droit industriel est complètement négligé, dans un pays célèbre de tout temps par ses aptitudes et par ses richesses industrielles ; les tentatives de réforme ou de codification qui auraient pu porter un peu d'ordre dans le chaos des textes qui le composent n'ont rencontré trop souvent qu'indifférence dans les régions du pouvoir.
Un éminent homme d'Etat, l'honorable M. Rogier, s'est le premier préoccupé de cet état de choses. Il fit ouvrir des enquêtes sur diverses parties de notre législation industrielle, entre autres sur les marques de fabrique et de commerce, sur le travail des enfants et des femmes dans les manufactures, sur les livrets d'ouvriers.
Le conseil supérieur de l'industrie et du commerce examina les questions qui se rattachent à ces matières ; mais depuis l'époque où il en a été saisi, c'est-à-dire depuis plus de dix ans, ces questions attendent encore leur solution.
Manquent-elles d'importance ou de portée ? Au contraire, il n'en est guère de plus graves qui s'offrent à l'attention du législateur.
Les lois et règlements relatifs aux marques de fabrique appellent une révision ; parmi les dispositions de ces lois et règlements, les unes sont d'une application générale, les autres ont pour objet certaines industries en particulier.
Comme le disait la circulaire ministérielle du 5 mai 1859, adressée aux chambres de commerce, un premier point frappe, c'est qu'il y a une contradiction manifeste entre les divers actes dont se compose cette législation imparfaite et surannée : les uns comminent des pénalités d'une sévérité excessive, tout en laissant l'initiative de la poursuite à la partie lésée ; les autres, au contraire, ne punissent des faits en tout semblables que d'une simple amende, renforcée, il est vrai, en cas de récidive, par l'emprisonnement.
La même confusion, ajoute la circulaire, existe quant aux juridictions : ici l'action est criminelle, à raison de la pénalité édictée par la loi ; là, au contraire, on reconnaît la compétence des conseils de prud'hommes, et, à leur défaut, des juges de paix. Enfin, rien n'est stipulé dans ces dispositions sans suite ni lien, quant au droit de marque du commerçant, - quant au mode de transmission de la propriété de la marque, - quant à la suppression et à l'altération de celle-ci.
C'est en vain, messieurs, que les chambres de commerce et le conseil supérieur de l'industrie et du commerce reconnurent universellement la nécessité et l'urgence de modifier cette législation ; c'est en vain que cette révision est vivement sollicitée depuis longtemps par les' industriels les plus dignes de la confiance du pays. Il y a douze ans que le gouvernement délibère et la représentation nationale attend toujours un projet de loi destiné à entourer la marque de fabrique ou de commerce de garanties sérieuses pouvant mettre un frein à la concurrence déloyale.
Rien, en effet, ne saurait contribuer plus utilement à raffermir et à étendre nos relations, qu'une mesure qui, mettant la bonne foi en honneur, en ferait la règle obligée de l'industrie et du commerce. C'est en donnant à chacun la responsabilité de ses œuvres, c'est en faisant pénétrer dans tous les rangs de la production le sentiment du devoir et celui de la droiture constante, que nous assurerons à toutes les opérations de notre commerce, la confiance absolue, qui seule peut en garantir le développement et la prospérité.
Aussi longtemps que l'usurpation des marques ne pourra être réprimée d'une manière prompte et peu dispendieuse, de pareilles fraudes, dont l'honnête industriel a tant à souffrir, s'exerceront avec d'autant plus d'audace qu'elles restent presque toujours impunies sous l'empire des lois actuelles. Or, les marques de fabrique ou de commerce constituent l'un des objets les plus importants et les plus répandus de la propreté industrielle.
« Il n'appartient pas à tout manufacturier, dit M. Rendu, dans son Traité pratique des marques de fabrique et de commerce, d'attacher son nom à l'une de ces inventions fécondes qui sont une gloire et une fortune.
« Le commerce, proprement dit, est étranger à la propriété des brevets. Mais il n'est pas de fabricant qui ne puisse recommander au public et défendre contre la concurrence tous et chacun de ses produits, en les revêtant d'une marque de fabrique qui en certifie l'origine et la (page 760) qualité ; il n'est pas de négociant qui ne puisse gagner et retenir la confiance des acheteurs en leur garantissant, par la marque apposée aux objets de son commerce, l’exercice intelligent et sincère de son rôle d'intermédiaire entre les producteurs et les consommateurs. »
Deux autres lois d'origine ancienne appellent également une révision radicale ; je veux parler de la loi sur les modules et dessins de fabrique et de celle qui régit les livrets d'ouvriers.
D'après l'exposé des motifs présenté par M. le ministre de l'intérieur Vandenpeereboom dans la séance du 17 novembre 1864, à l'appui d'un projet de loi, les seules mesures protectrices qui ont été prises pour les dessins de fabrique résultent des articles 14 à 19 de laloi du 18 mars 1806, portant établissement d'un conseil des prud'hommes à Lyon.
Les dispositions de cette loi ont été étendues à d'autres villes, tant en Belgique qu'en France, par les lois et arrêtés qui ont généralisé cette juridiction exceptionnelle.
La loi de 1806 a eu surtout en. vue les dessins d'étoffes ; elle parle d'échantillons placés sous enveloppe cachetée. Néanmoins, la jurisprudence n'a pas hésité à l'étendre ù tous les dessins industriels et même aux modèles de fabrique.
Dans d'autres cas, comme l'a dit très justement l'honorable M. Vandenpeereboom, lorsque les tribunaux ont eu à statuer sur des contrefaçons se rapportant à des objets de cette dernière catégorie, ils ont invoqué avec succès, pour sauvegarder les droits des auteurs, les dispositions du décret du 19 juillet 1793, relatif aux droits de propriété des écrivains, des compositeurs de musique, des peintres et des dessinateurs. Mais il s'est présenté des différends où, bien que la contrefaçon du modèle fût évidente, la part de l'artiste dans l'œuvre était trop peu importante pour que l'on pût, même par extension, appliquer la loi de 1793.
La législation actuelle est donc imparfaite et insuffisante, même quant au principe de la protection ; pour toutes les questions de détail et de procédure, son insuffisance n'est pas moins évidente., Ces inconvénients ont fixé, depuis longtemps déjà, l'opinion publique.
En France, un projet de loi fut présenté en 1847, mais les circonstances l'empêchèrent d'aboutir.
En 1854, M. le ministre Piercot soumit à l'examen des chambres de commerce un avant-projet de loi apportant des modifications importantes à la législation en vigueur.
Le discours du trône de 1856-1857, sous le ministère De Decker, annonçait la présentation d'une loi sur la matière.
« L'industrie, disait-il, emprunte plus que jamais à l'art la richesse et l'élégance de ses formes ; il est nécessaire de compléter les garanties légales en faveur de la propriété des modèles et dessins de fabrique. »
Malgré cette nécessité aussi solennellement proclamée, aucun projet ne fût déposé, si ce n'est dans la session de 1862-1863.
L'étude de ce dernier projet avait été précédée d'une nouvelle enquête, ouverte par l'honorable M. Vandenpeereboom, en 1861, et dans laquelle avaient successivement été entendus les chambres de commerce, les conseils de prud'hommes et le conseil supérieur de l'industrie et du commerce. Mais il arriva qu'après avoir donné lieu à un remarquable rapport présenté par l'honorable M. Jamar, ce projet devint caduc par suite de la dissolution des Chambres en 1864. Reproduit dans la session suivante, il est tombé de nouveau dans l'oubli par suite de la dissolution de 1870 et n'a pas été représenté jusqu'ici par le ministère actuel.
Je le regrette d'autant plus que, chaque fois qu'elles ont été consultées, les chambres de commerce ont presque unanimement adhéré en principe du projet gouvernemental, et que, d'un autre côté, cette branche nouvelle de l'art qu'on appelle les arts industriels et qui sert de transition entre l'art et l'industrie, a pris un grand essor. Tous les peuples qui ont à cœur les progrès de leur industrie ont fait des sacrifices considérables en vue d'en propager la culture.
Les communes, les provinces, l'Etat, ont créé des cours de dessin industriel, en les annexant, soit aux académies de peinture et de sculpture, soit aux écoles professionnelles. On a organisé des expositions, des concours spéciaux pour les arts industriels. Des artistes s'adonnent spécialement à ce genre de production qui est devenue une profession honorable et lucrative.
L'Angleterre a consacré des millions à répandre chez elle la pratique de ces arts, et l'exposition qu'elle organise en ce moment même doit mettre en lumière toute l'importance qu'elle attache à développer le goût dans les applications de l'art aux objets d'utilité.
La législation sur les modèles et dessins de fabrique a donc conquis une importance qu'on ne soupçonnait guère auparavant, et c'est pourquoi je demande à M. le ministre qu'il ne laisse pas plus longtemps sans défense les intérêts des artistes industriels et des fabricants qui tirent parti des œuvres de ces praticiens.
Le livret d'ouvrier a été établi et rendu obligatoire, dans un intérêt de police, par la loi du 22 germinal an XI. L'arrêté consulaire de frimaire an XII, complété par l'arrêté du 10 ventôse de la même année, a déterminé la forme des livrets et les règles à suivre pour leur délivrance, leur tenue et leur renouvellement.
Plus tard, un décret impérial du 3 janvier 1813, relatif à la police des mines, a étendu, par son article 26, l'obligation du livret et les dispositions de l'arrêté de frimaire an XII à tout mineur de profession ou autre employé dans l'exploitation des mines et minières, usines et ateliers en dépendants.
Après 1813, ces dispositions, comme beaucoup d'autres règlements pris sous le consulat et l'empire, tombèrent en grande partie en désuétude dans notre pays, Toutefois, un arrêté royal du 30 décembre 1840 les fit revivre en ce qui concerne les mines, minières, carrières et usines métallurgiques, et un règlement du 10 novembre 1845les étendit à l'industrie en général.
Le gouvernement, à diverses reprises, s'est occupé de préparer une révision de la loi sur les livrets d'ouvriers.
M. le ministre Rogier soumit, en 1859, à l'avis des chambres de commerce et des conseils de prud'hommes, un projet de loi qui fut approuvé par la plupart de ses collègues. Les pièces de cette enquête furent publiées en 1860 et transmises au conseil supérieur de l'industrie, qui en fit l'objet de ses délibérations dans plusieurs séances.
Ce projet resta sans suite et je félicite le gouvernement de ne pas l'avoir présenté. Plusieurs de ses dispositions, en effet, sont sanctionnées par une peine.
Or, interposer ainsi la loi pénale entre le maître et l'ouvrier, c'est aigrir leurs rapports ; un ouvrier, une fois condamné, ne sera reçu que difficilement et défavorablement dans un autre atelier ; d'autre part, le maître qui aura fait condamner un ouvrier sera l'objet de la haine de tous les autres.
« Les rapports entre le patron et l'ouvrier, comme le dit avec raison l'exposé des motifs du 29 janvier 1869, constituent des conventions identiques à celles qui interviennent entre deux particuliers, entre deux chefs d'industrie. Ces rapports doivent rester libres ; l'autorité ne saurait, sans injustice et sans inconvénient, y intervenir pour les régler, comme si c'était un objet de police, et pour frapper par l'amende et la prison celui qui viole ces engagements purement civils. »
Ce principe domine la législation française de l'an XI et de l'an XII, qui n'a sanctionné les engagements entre les maîtres et les ouvriers que par des dommages-intérêts.
On ne peut que féliciter l'honorable M. Pirmez de s'y être montré fidèle lorsque dans le projet de loi dont il a fait le dépôt dans la session de 1868-1869, il rend le livret facultatif ; en rentrant dans le droit commun et en assimilant, devant la loi civile, l'ouvrier au maître, on habitue l'ouvrier à débattre ses intérêts avec le patron et à comprendre la valeur des obligations civiles. D'ailleurs, le livret, s'il est vraiment dans nos mœurs, restera en usage, quoique facultatif.
Ce projet de loi n'est pas arrivé à la discussion, la dernière dissolution des Chambres l'a fait tomber, mais non sans avoir été adopté par la section centrale chargée d'en faire l'examen et au sein de laquelle il a donné lieu à un très intéressant rapport de l'honorable M. Anspach.
J'espère que M. le ministre de l'intérieur, qui a protesté maintes fois de ses sympathies pour les classes ouvrières ne tardera pas à déposer à nouveau le projet de loi dont il est question ci-dessus, modifié conformément aux amendements formulés par la section centrale, et sans en excepter, bien entendu, l'amendement relatif à l'abrogation de l'article 1781 du Code civil.
Il y a peu de questions, messieurs, qui aient autant préoccupé l'opinion publique dans notre pays que celle du travail des enfants dans les manufactures. Dès 1843, une commission gouvernementale avait été instituée pour l'examiner d'une manière approfondie et formuler, s'il y avait lieu, un projet de loi. Cette commission ouvrit une vaste enquête, visita des ateliers et prit des informations à l'étranger. Les résultats de ces recherches ont été publiés en 1848.
Dans la session de 1857-1858, la Chambre des représentants ayant reçu et renvoyé au département de l'intérieur une pétition par laquelle le cercle commercial et industriel de Gand demandait que les conditions du travail des enfants et des femmes dans les divers établissements industriels fussent réglées par une loi, M. Ch. Rogier, alors chef de ce département, consulta derechef les chambres de commerce sur cette grave (page 761) question ; les résultats de cette nouvelle enquête furent communiqués à la Chambre des représentants.
En 1860, le conseil supérieur de l'industrie et du commerce est saisi d'un projet de loi, dont il adopte, en grande partie, les dispositions.
Le gouvernement n'a pas jusqu'ici donné suite à ce projet, bien qu'à diverses reprises, les Chambres aient reçu de nombreuses pétitions en faveur d'une réglementation du travail de l'enfance, pétitions qui ont donné lieu, dans cette enceinte, à de longues et intéressantes discussions. Dans le cours d'une des dernières sessions notamment, le prédécesseur de l'honorable ministre de l'intérieur promit positivement de faire un examen complet de toutes les faces de cette importante question et de communiquer à la législature, dans un bref délai, le résultat de ses recherches. Cet engagement date des premiers jours de la session de 1868-1869.
L'administration actuelle n'a pas perdu de vue cette question ; elle en a saisi de nouveau, en octobre dernier, les chambres de commerce en leur demandant de procéder à une enquête. Malheureusement, ces enquêtes répétées exigent beaucoup de temps et deviennent un obstacle réel à ce qu'il soit mis un terme aux abus constatés par les manufacturiers gantois.
Il s'agit ici d'une question d'humanité et de justice, de l'avenir intellectuel et moral de nos classes ouvrières, et je me permets d'insister auprès de M. le ministre de l'intérieur sur une prompte solution.
Puisque je parle des classes ouvrières, je demanderai à l'honorable M. Kervyn si les résultats de l'instruction à laquelle le gouvernement a soumis la demande de modifications à apporter dans les conseils de prud'hommes, sont de nature à donner satisfaction aux griefs dont les ouvriers gantois se sont fait les interprètes.
Je n'ai pas besoin de rappeler que ces juridictions sont constituées par la voie de l'élection et qu'elles comprennent, en nombre égal, des représentants de l'élément patron et de l'élément ouvrier. Or, tous les ouvriers, qui, d'après la loi du 7 février 1859, ont le droit de concourir à cette élection, n'exercent pas ce droit en fait. Les députations permanentes sont autorisées, de par cette loi même, à opérer un triage parmi ces électeurs de droit, et il en résulte que les juges prud'hommes sont une émanation du suffrage restreint, au lieu d'être la représentation large et sincère de tous les intéressés que la loi ne déclare pas indignes d'exercer ces élections.
Pourquoi laisser subsister cette anomalie que rien ne justifie et donner ainsi un libre cours à des récriminations qu'il serait si facile de désarmer ? Les chambres de commerce et les conseils de prud'hommes, qui ont été consultés sur cette question par le prédécesseur de l'honorable M. Kervyn, ont été d'avis à peu près unanime, qu'il convient de faire droit, dans cette question de l'électorat, à la pétition des ouvriers gantois. En présence de cet accord, je me plais à croire que le projet de loi qui nous est promis pour la session actuelle apportera à la législation des prud'hommes les modifications que l'expérience a reconnues nécessaires.
Après ces critiques, qui portent sur nos lois industrielles et qui, à ce titre, semblent avoir leur place marquée dans la discussion générale du chapitre XIII, je passe à quelques observations de détail.
L'article 64, littera A, relatif aux frais du conseil supérieur de l'industrie et du commerce, me fait émettre le vœu que ce conseil, dont les discussions ont fait l'objet de plusieurs volumes pleins d'intérêt, soit réuni en session annuelle.
Il est étrange que, pendant une période de sept ans, le gouvernement n'ait pas jugé nécessaire de le convoquer une seule fois. L'utilité de ce corps délibérant est, par ce fait même, sérieusement mise en doute.
J'attendrai les explications que M. le ministre donnera a la Chambre sur ce point, avant de me prononcer sur la convenance de maintenir au budget une allocation qui, depuis 1864, est restée sans objet.
L'article 68 a subi une réduction de 2,000 francs dont je n'entrevois guère l'opportunité.
Le recueil des brevets d'invention est publié en exécution de la loi du 21 mai 1854 et à ce titre il faut ou modifier celle-ci ou bien maintenir ce qui existe. Le pire des partis me paraît être celui auquel s'est arrêté M. le ministre, et, après lui, la section centrale, et qui consiste à réduire le texte de la publication.
Celle-ci est déjà fort peu intéressante ; si on l'abrège encore, en en supprimant les planches, car il est à supposer que c'est par cette suppression qu'on veut réaliser un boni, elle deviendra tout à fait inintelligible.
Il y a fort à dire, messieurs, sur la question des brevets ; beaucoup d'hommes très éclairés, MM. Michel Chevalier, lord Granville et autres, considèrent ces privilèges plutôt comme nuisibles qu'utiles.
Ils ont été abolis récemment en Hollande, et en Angleterre même on paraît incliner pour leur suppression.
Sans entrer pour le moment dans l'examen de cette question, je croîs, cependant, devoir signaler à M. le ministre l'utilité de mettre sérieusement à l’étude la révision de notre législation sur les brevets d'invention.
Les articles 69 et 70 du budget subissent une réduction de 6.800 francs à laquelle il m'est de toute impossibilité de me rallier, parce qu'elle tend à arrêter le développement d'une institution appelée à rendre de grands services à l'industrie ; je veux parler du musée qui sert d'annexe à l'école industrielle de Bruxelles, et qui comprend une bibliothèque technologique, une collection d'épures et de dessins de machines, un musée géologique et une remarquable et précieuse collection de gravures, de livres et de recueils illustrés ayant rapport aux applications de fait à l'industrie.
Naguère on pouvait à juste titre contester l'utilité du musée de l'industrie dont l'objet principal était une réunion mucite de machines, d'instruments et d'objets industriels dont la plupart dataient de très loin. Même lorsque de pareils dépôts sont tenus au courant de l'industrie et des arts mécaniques, les bénéfices qu'en retirent les populations ne compensent pas les frais énormes que nécessitent la conservation et l'accroissement des collections, et ils n'ont de valeur que pour autant qu'ils soient animés, comme au conservatoire des arts et métiers à Paris, par un enseignement sérieux et pratique.
Toutes ces conditions faisaient à la fois défaut au musée de Bruxelles.
Ce fut encore l'honorable M. Rogier qui eut l'heureuse idée d'instituer, en 1860, une commission chargée de proposer les remèdes à cette situation, et de préparer les règlements organiques d'une institution nouvelle qui comprendrait, comme noyau principal, une école industrielle pour les ouvriers et artisans de la capitale. Présidée par feu M. Fontainas, bourgmestre de Bruxelles, et composée des délégués de l'Etat et de la commune, cette commission élabora un plan complet de réforme qui fut agréé par le gouvernement.
Le manque de locaux empêcha la réalisation immédiate de ce projet, quoique les Chambres, dans leur session de 1862-1863, eussent voté les ressources nécessaires au budget du département de l'intérieur.
Ce n'est qu'en 1868 qu'on organise l'école projetée, malheureusement dans un local très étroit. Sous prétexte de transformer les collections et de procurer à l'école industrielle l'emplacement nécessaire, on a dispersé les collections scientifiques et technologiques du musée de l'industrie. On ne conserva qu'un certain nombre d'instruments, on distribua les autres aux écoles professionnelles et aux écoles spéciales de Gand et de Liège ; enfin on se défit à l'encan, et au prix du vieux cuivre, de tout le reste du matériel.
Ces mesures étaient-elles rationnelles ? Fallait-il disperser ces collections industrielles précieuses à plus d'un titre ?
On avait besoin du local et les instruments occupaient trop de place ; voilà ce qu'on objecte pour légitimer le vandalisme ; mais cette objection, qui dans aucun cas ne pourrait être prise au sérieux, n'a pas même l'ombre d'un fondement, car les salles occupées par les collections technologiques sont aujourd'hui une annexe de la bibliothèque royale.
J'ai dit plus haut, messieurs, que le musée a formé, avec beaucoup de soin et de patience, une bibliothèque technologique et, à côté de celle-ci, une collection fort remarquable de dessins, gravures, livres, recueils, etc., traitant des arts industriels. L'un et l'autre de ces dépôts sont fréquentés par de nombreux ouvriers avides de s'instruire et qui trouvent là, le soir et le dimanche, une source d'enseignement des plus profitables dans l'exercice de leur art ou de leur industrie.
Or, M. le ministre, en diminuant les crédits affectés au musée, rend plus impossible encore que précédemment l'acquisition des spécimens de modèles et de mécaniques modernes dont la section centrale regrette l'absence dans l'intérêt de l'enseignement. Je dois ajouter encore que l'insuffisance des sommes allouées a empêche jusqu'à présent l'achèvement des premières installations.
Une diminution des crédits priverait, en outre, cet établissement d'une partie des ressources qu'il consacre annuellement et très utilement à de nouvelles acquisitions de livres et dessins, et je considérerais ces faits comme très dommageables aux intérêts de la classe ouvrière.
Je demande donc non seulement le maintien du crédit au chiffre antérieur, mais il me paraît désirable de majorer les ressources du musée pour compléter le matériel et augmenter la bibliothèque technologique et artistique dont il me semble superflu de démontrer l'importance.
Il est à remarquer que, sous tous les rapports, la diminution de crédit proposée par M. le ministre et ratifiée par la section centrale, réagirait (page 762) défavorablement sur la situation d'un établissement dont je voudrais, quant à moi, voir augmenter la dotation.
Autant je veux proscrire toute dépense non justifiée par l'intérêt public, autant je m'oppose aux économies qu'on veut réaliser sur les dépenses qui tendent à créer de nouvelles sources d'instruction et de progrès.
Telles sont, messieurs, les considérations qui m'ont été suggérées par le chapitre relatif à l'industrie ; je me permets de les recommander à l'attention de la Chambre, et j'espère qu'en raison de l'importance du sujet, elle voudra bien les tenir en sérieuse considération.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Dansaert a traité, d'une manière approfondie, un grand nombre de questions importantes. Je m'efforcerai de suivre le même ordre d'idées, et d'examiner avec lui quelles sont les mesures qu'il peut être utile de prendre aux divers points de vue où il s'est placé.
Et d'abord, l'honorable M. Dansaert a interpellé le gouvernement sur ses intentions quant à la présentation de projets de lois concernant les marques de fabrique et les brevets d'invention.
Il est évident, messieurs, qu'aucune matière ne mérite davantage la sollicitude, du gouvernement et de la législature. La propriété industrielle, aussi bien que la propriété littéraire, relève du domaine de l'intelligence, et mérite à ce titre une sérieuse protection.
Mais, à côte de l’intérêt de l'industriel, il y a aussi l'intérêt de l'industrie ; à côté de l'intérêt du droit individuel, il y a l'intérêt de la liberté, et ce sont ces deux intérêts qu'il est souvent bien difficile d'associer. Toutes les fois que ces questions ont été agitées, aussi bien en matière de propriété industrielle, qu'en matière de propriété littéraire ou artistique, ces deux systèmes, ces deux principes rivaux ont trouvé leurs défenseurs ardents et convaincus.
On étudie, dans mon département, depuis assez longtemps, un projet de loi sur les marques de fabrique. J'ai eu moi-même à l'examiner, et c'est à ce titre que j'ai pu cette fois encore constater de nouvelles difficultés.
En ce qui touche les brevets d'invention, on ne peut oublier qu'en Hollande ils ont disparu, qu'en Angleterre et en France un grand nombre d'économistes distingués ont également proposé de les abolir.
Je me suis occupé spécialement de cette question dans ces derniers temps, et je me suis demandé si l'on ne ferait pas chose utile en facilitant la reproduction, mais en attachant en même temps à la reproduction le payement d'une juste indemnité.
Il me semble que c'est dans cet ordre d'idées que des modifications utiles pourraient être introduites. Mais, je le répète, ces matières sont excessivement difficiles, et je continuerai à en faire l'objet d'un examen attentif afin de hâter, autant que possible, le dépôt des projets de lois qui ont été réclamés par l'honorable préopinant.
Il est évident, messieurs, qu'aujourd'hui l'art exerce une influence souveraine dans le domaine de l'industrie. L'industriel ne marche plus comme autrefois dans une voie uniforme qui était tracée devant lui : il ne peut maintenir la concurrence qu'à la condition d'être aussi éclairé que l'habitant d'un autre pays qui exerce la même industrie et qui, de son côté, cherche également à se placer au premier rang.
Aujourd'hui l'art, comme on l'a souvent répété, domine tous les progrès dans l'industrie. Aussi, le gouvernement s'est-il toujours appliqué à favoriser le plus possible le développement des écoles industrielles ; et la Chambre apprendra, je pense, avec quelque satisfaction, que les administrations communales s'efforcent, de divers côtés, d'en multiplier le nombre.
Depuis le 1er janvier de cette année, deux nouvelles écoles industrielles ont été organisées, l'une à Jumet, l'autre à Ath, et d'autres administrations communales encore ont senti la nécessité de créer des institutions de ce genre ; j'espère qu'elles se multiplieront de plus en plus et contribueront ainsi à consolider et à étendre les progrès de notre industrie.
Messieurs, une autre question, une question grave et non moins difficile a été abordée par l'honorable préopinant, je veux parler de la question des livrets d'ouvriers.
La Chambre se rappellera que lorsqu'une discussion a eu lieu à cet égard, la plupart des orateurs qui ont pris part à ce débat furent loin d'être d'accord, et l'honorable ministre de l'intérieur de cette époque émit notamment des idées que ne partageaient pas plusieurs de ses amis. Dans les régions industrielles, des opinions non moins diverses ont été exprimées à ce sujet. Je déclare qu'au point de vue du gouvernement, ce qu'il faut, avant tout, faire disparaître dans les livrets d'ouvriers, c'est le caractère qu'on leur reproche, de compromettre la dignité du travail ; car évidemment, au point de vue de la dignité du travail, l’ouvrier doit être placé dans les mêmes conditions que tous les autres membres du corps social.
L'honorable M. Dansaert s'est également occupé de la question de l'emploi des femmes et des enfants dans certains travaux de l'industrie. Mon honorable prédécesseur avait aussi émis sur ce point une opinion qui n'était pas partagée sur tous les bancs de la Chambre. J'ai cru qu'il était de mon devoir de chercher à m'éclairer davantage sur cette question que j'avais naguère abordée moi-même dans la discussion ; et, comme l'a rappelé l'honorable préopinant, les chambres de commerce ont été appelées, au mois d'octobre dernier, à délibérer de nouveau.
Plusieurs rapports me sont parvenus. Un travail considérable a été fait en même temps dans les bureaux de mon département. Je crois répondre au désir de l'honorable préopinant et au vœu de la Chambre entière en prenant l'engagement de déposer dès demain le résultat de toutes ces enquêtes sur le bureau de la Chambre.
L'honorable M. Dansaert se plaint de ce que, depuis un grand nombre d'années, le conseil supérieur d'industrie n'a pas été réuni. Je n'hésite pas à déclarer que cela me paraît profondément regrettable. Le conseil supérieur d'agriculture n'avait pas été assemblé non plus depuis trois ou quatre ans, je pense, et une des mesures dont je m'applaudis le plus, c'est de l'avoir convoqué à l'occasion du projet de code rural.
Je me ferai un devoir de réunir également le conseil supérieur de l'industrie pour m'entourer de ses avis dans les diverses matières que j'ai eu l'honneur d'indiquer tout à l'heure.
L'honorable préopinant ne s'est pas borné à ces observations générales sur le chapitre XIII du budget ; il s'est occupé de l'article 68, relatif à la publication du recueil des brevets d'invention et de l'article 69 qui concerne le musée de l'industrie.
En ce qui touche la diminution de 2,000 francs proposée sur l'article 68, l'honorable député ne s'est pas rendu exactement compte des motifs de cette réduction.
Il ne s'agissait point, dans la pensée du gouvernement, de justifier cette diminution par un changement dans le mode de publication ; mais il était constaté par l'expérience de plusieurs années que cette somme de 2,000 fr. pouvait être supprimée sans compromettre cette publication.
Du reste, j'ai déjà eu l'honneur de le dire, à l'époque où je m'occupais de la formation de mon budget, c'est-à-dire à une époque de crise, il était de mon devoir d'y opérer toutes les réductions possibles ; et c'est en me plaçant à ce point de vue que j'ai introduit la réduction de ces 2,000 francs.
Quant aux questions qui se rattachent au changement qu'on pourrait introduire dans le mode de publication, elles sont toutes réservées, et elles ne touchent en rien à la modification du chiffre qui se trouve inscrite au budget.
Il est une autre, question, messieurs, que l'honorable préopinant a abordée en dernier lieu ; c'est celle qui se rapporte au musée de l'industrie. Cette question mérite un examen spécial ; je suppose que d'autres représentants de Bruxelles ont également l'intention de s'en occuper et, dans l'intérêt des travaux de la Chambre, je lui demanderai la permission de ne m'en occuper qu'à l'article 69.
M. Bouvier. - Je veux rafraîchir la mémoire de M. le ministre de l'intérieur. Il a oublié de répondre à la question de l'honorable M. Dansaert, s'il se proposait de saisir la Chambre d'un projet de loi portant abrogation de l'article 1781 du code civil. Je désire également, comme l'honorable M. Dansaert, connaître l'opinion de M. le ministre sur ce point.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, c'est une question sur laquelle le conseil des ministres n'a pas encore été appelé à se prononcer ; mais je m'aperçois qu'il est un autre point sur lequel je n'ai pas répondu à l'honorable M. Dansaert. Il s'agit de l'organisation des conseils de prud'hommes. Un projet de loi a été préparé à ce sujet ; il forme, en ce moment même, l'objet d'un sérieux examen, et je prends bien volontiers l'engagement de hâter cet examen, afin de répondre au désir de l'honorable représentant de Bruxelles.
M. Bouvier. - D'après ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur, le conseil des ministres n'a pas encore été saisi de la question qui a été posée par l'honorable M. Dansaert. Je demande si le conseil sera bientôt saisi de cette importante question.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'interpellation de l'honorable M. Bouvier lui donnera l'occasion de s'en occuper. (Interruption.)
M. Bouvier. - Je constate, d'après ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur, que le conseil ne se serait pas occupé de cette importante question sans l’interpellation de l’honotable M. Dansaert.
(page 763) - Voix à droite. - M. le ministre n'a pas dit cela.
M. Pirmez. - Messieurs, j'ai entendu avec plaisir l'honorable ministre de l'intérieur nous dire que le gouvernement continuerait à donner tous ses soins au développement des écoles industrielles. Je félicite le gouvernement de cette intention. Mais je prierai le gouvernement de nous faire connaître en vertu de quelle loi il accordera ces subsides et en vertu de quelle loi il sera procédé à l'organisation des écoles industrielles.
C'est là, je pense, une question à laquelle il importe qu'il soit répondu afin que la réponse qui sera faite serve encore, pendant le cours de la discussion du budget de l'intérieur, à d'autres questions semblables.
Messieurs, en répondant, avec beaucoup d'éloquence même, à mon honorable ami M. Dansaert, l'honorable ministre me paraît s'être extrêmement peu compromis.
Ainsi, on a soulevé la question des livrets ; il est assez intéressant de savoir si le gouvernement est partisan de la législation des livrets ou s'il est contraire à cette législation. M. le ministre nous dit magnifiquement : Ce qui est important, c'est d'enlever du livret tout ce qu'il peut y avoir de dégradant pour la dignité de l'ouvrier. Très bien ! Mais après avoir entendu cette belle phrase, fort élégante, très habilement formée, nous n'en savons pas plus qu'avant d'avoir posé la question.
Je vais donc poser la question de manière qu'elle puisse être résolues par un oui ou par un non. M. le ministre de l'intérieur croit-il qu'il faut maintenir le livret obligatoire ? Voilà la question.
Messieurs, il en est de même quant à la question des brevets. M. le ministre de l'inférieur croit-il qu'il faut maintenir le système des brevets ou croit-il qu'il faut l'abroger ?
L'honorable ministre nous dit : Il y a là des intérêts contraires ; les intérêts de l'inventeur et les intérêts de l'industriel. Nous savons cela parfaitement. Il faut, continue l'honorable ministre, chercher à concilier le droit de l'inventeur avec la liberté du travail.
Nous savons encore très bien cela, mais ce que nous ne savons pas et ce que nous désirons savoir, c'est l'opinion de M. le ministre sur cette question : Entend-il, oui ou non, maintenir la législation des brevets d'invention ? Voilà la question.
Je me borne à ces trois points. Car je crois que, sur les autres points indiqués, je ne parviendrai pas à obtenir une réponse. En effet, en ce qui concerne le travail des femmes et des enfants dans les fabriques, M. le ministre examine. En ce qui concerne les conseils de prud'hommes, M. le ministre examine. Il examine dans toutes les matières et je ne pense pas que nous parviendrons à le faire sortir, quant à présent, de la période d'examen. Je serais charmé s'il voulait bien me répondre seulement à ces trois questions que je formule avec précision.
Première question : Sur quelle loi va-t-il fonder l'octroi de subsides et l'organisation des écoles industrielles ?
Seconde question : Entend-il maintenir le livret obligatoire ?
Troisième question : Entend-il maintenir la législation des brevets ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir satisfaire l'honorable M. Pirmez. Lorsque le gouvernement déposera sur le bureau de la Chambre des projets de lois qui seront le résultat d'un examen sérieux, il développera les considérations sur lesquelles ces projets seront fondés. Mais il ne croit pas, en ce moment, alors que ces projets ne sont pas encore formulés, alors que les bases n'en sont pas arrêtées, qu'il doive, avec une certaine légèreté ou tout au moins avec peu de prudence, exposer des principes dont l'application n'est pas encore résolue dans son esprit.
L'engagement que je prends vis-à-vis de la Chambre (la position d'un cabinet nouveau lui impose cette réserve et cette prudence), c'est d'examiner avec le plus grand soin les questions soulevées et d'en hâter, autant que possible, la solution. Tel est l'engagement que je puis prendre, et je ne pense pas devoir aller au delà.
- Des membres. - Très bien !
M. Pirmez. - Et les écoles industrielles ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Pour les écoles industrielles, j'ai trouvé une situation établie. J'ai fait pour les écoles industrielles ce qu'ont fait mes honorables prédécesseurs. Ce que je puis affirmer, c'est que nous avons marché aussi rapidement que possible dans cette voie.
Nous avons accueilli avec empressement toutes les ouvertures qui nous ont été faites. Pendant l'année dernière, de nouvelles écoles industrielles ont été établies et, pendant les premiers mois de 1871, comme j’ai eu déjà l’honneur de le dire, deux nouvelles écoles industrielles ont été fondées dans le Hainaut.
Nous ferons tous nos efforts pour que, dans les districts industriels surtout, cet enseignement se propage de plus en plus. Nous y voyons, à la fois, une question de moralisation et de progrès industriel.
M. Pirmez. Je remercie l'honorable ministre de l'intérieur des dernières paroles qu'il vient de prononcer.
Il est donc constaté que M. le ministre de l'intérieur reconnaît que l'on peut organiser un enseignement, que l'on peut donner des subsides à un enseignement établi par les communes, en se fondant sur la seule loi du budget.
Voilà un point que je voulais constater et que je constate en principe. Je le constate non seulement par la déclaration de M. le ministre, mais aussi par les faits qu'il se félicite d'avoir posés sous son administration. Son but est atteint.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je demande la parole.
M. Pirmez. - Maintenant que j'ai adressé des remerciements à M. le ministre de l'intérieur pour cette partie de son discours, il me permeftra.de ne lui en adresser aucun pour le reste de son discours.
Il est évident, en effet, que M. le ministre ne m'a rien répondu, et il est devenu clair qu'il n'avait rien répondu à M. Dansaert. Je l'avais bien pensé en entendant la première réponse qu'il lui avait faite, réponse qui, sous le couvert de phrases très bien faites, comme je l'ai dit, consistait à dire qu'il entendait ne répondre absolument à rien. Mais ce que j'ai eu le plaisir de constater, c'est que cette réponse par laquelle M. le. ministre de l'intérieur a nettement déclaré qu'il ne répondait absolument rien du tout, a obtenu la vive adhésion de la majorité. Il s'agit cependant de questions agitées depuis longtemps, de questions qui ont fait l'objet de projets de loi et sur lesquelles il serait très intéressant de connaître l'opinion du gouvernement.
La majorité semble cependant désirer avant tout ne pas avoir de réponse et c'est au moment où elle voit se réaliser ce vœu si cher, qu'elle exprime par ces mots : « Ne répondez pas ! » que M. le ministre de l'intérieur a obtenu son succès le plus complet.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je crois que l'honorable M. Pirmez se hâte trop de tirer une conclusion de mes paroles. Il devrait établir d'abord qu'entre l'école industrielle et l'école moyenne de filles (car c'est un jalon qu'il pose aujourd'hui pour une autre discussion) il existe une assimilation, et que favoriser l'industrie, c'est organiser l'enseignement, qui, aux termes de la Constitution, ne peut être réglé qu'en vertu d'une loi.
Ce que je tiens à constater, c'est la position que l'on crée au gouvernement. S'il fait une chose qu'on juge bonne, on nous dit : «Vous faites exactement ce que faisaient vos prédécesseurs ; » ce qui n'empêche point que le lendemain on lui reproche de faire les choses les plus mauvaises et de commettre des actes réactionnaires. Un jour on vient nous reprocher les mesures les plus violentes ; un autre jour, au contraire, on nous accuse de ne. rien faire.
Messieurs, nous maintenons la responsabilité de ce que nous disons et de ce que nous faisons, mais il nous est impossible d'accepter la responsabilité de ce que nous n'avons pas dit et de ce que, aujourd'hui encore, nous n'avons pas l'intention de faire.
- Plusieurs membres. - Très bien !
M. Bouvier. - Et moi je dis : Très mal !
« Art. 64. Frais du conseil supérieur de l'industrie et du commerce ; traitement et frais de route de l'inspecteur pour les affaires d'industrie et traitement du secrétaire du conseil : fr. 12,500. »
- Adopté.
« Art. 65. Enseignement professionnel : écoles industrielles, ateliers d'apprentissage : fr.233,300. »
- Adopté.
« Art. 66. Encouragements pour des ouvrages utiles traitant de questions de technologie, de droit ou d'économie industrielle ; voyages et missions ; frais relatifs aux caisses de prévoyance et aux sociétés de secours mutuels et dépenses de la commission permanente instituée pour faciliter l'examen des affaires qui se rattachent à ces institutions ; frais résultant de la collation des décorations industrielles ; dépenses diverses ; traitement du secrétaire de la commission permanente pour les sociétés de secours mutuels : fr. 16,450. »
- Adopté.
(page 764) « Art. 67. Indemnités des greffiers des conseils de prud'hommes : fr. 16,500. »
- Adopté.
« Art. 68. Frais de publication du recueil officiel des brevets d'invention ; traitement du rédacteur du Recueil : fr. 5,000. »
M. Braconier. - Messieurs, je viens appuyer les observations présentées par l'honorable M. Dansaert relativement à la diminution du crédit alloué pour la publication du recueil des brevets d'invention.
L'honorable ministre vient de nous dire qu'il n'entendait nullement diminuer l'importance de cette publication par la réduction de 2,000 francs, que les années précédentes le crédit avait été trop considérable et que c'était un superflu que l'on faisait sortir du budget.
Il résulte, messieurs, de mes renseignements particuliers, que les choses ne se passent pas complètement ainsi. Du reste, en lisant ce recueil, on peut se convaincre que très souvent on abrège la description des inventions.
On supprime des planches qui doivent servir à l'intelligence du texte et, toujours d'après mes renseignements, ces suppressions sont déterminées par un motif d'économie.
De plus, la publication ne se fait jamais dans le délai voulu par la loi, encore une fois par suite de l'insuffisance du crédit.
L'article 20 de la loi du 24 août 1854 stipule que le recueil spécial des brevets sera publié trois mois après la première insertion du brevet au Moniteur.
A l'heure qu'il est, la dernière livraison de cet ouvrage qui a paru a trait aux brevets accordés dans les trois premiers mois de 1870.
J'ai donc beaucoup de peine à croire que ce soit parce que le crédit était trop considérable que la réduction en est demandée.
Du reste, le recueil qui se publie en Belgique est assez incomplet et je crois que l'on trouverait facilement l'emploi des 2,000 francs supplémentaires.
Il faut bien se dire qu'en présence de la loi de 1854, qui donne aux inventeurs des privilèges considérables, je dirai même presque exorbitants, il faut une compensation par une publicité large et suffisante.
C'est, du reste, ce qui se passe dans tous les pays où une législation analogue à la nôtre est en vigueur.
L'honorable ministre de l'intérieur l'a fait du reste ressortir dans la réponse qu'il a faite à la section centrale. Voici cette réponse :
« Le recueil des brevets d'invention est publié en exécution de la loi du 24 mai 1854 (article 20). Il donne une description, soit complète, soit sommaire, de tous les procédés nouveaux dus à l'esprit d'invention, et tient ainsi ses lecteurs constamment au courant des progrès tentés ou réalisés dans toutes les branches du vaste domaine de l'industrie. La dépense de publication est aujourd'hui réduite aux proportions les plus modiques, et il est à noter qu'en France, en Angleterre, en Italie et dans d'autres pays encore, il existe des recueils publiés à grands frais par les soins des gouvernements respectifs. En Angleterre, la collection remonte au règne de Jacques II ; un exemplaire complet en a été transmis à l'administration belge en échange du recueil publié en vertu de la loi de 1854. »
Eh bien, dans les pays qui ont la même législation que la nôtre, on reconnaît l'utilité incontestable de ce recueil et l'on tient à ce qu'il soit le plus complet possible, de manière que les industriels, les fabricants, le public en général puissent se rendre compte des inventions brevetées.
Du reste, cette publicité est non seulement nécessaire, elle est obligatoire et je ne comprends pas la question adressée par la section centrale à M. le ministre de l'intérieur : « Y a-t-il utilité à continuer la publication de ce recueil ? »
Je dis qu'il n'y a pas seulement utilité, mais obligation. L'article 20 de la loi de 1854 porte en effet :
« Les descriptions des brevets concédés seront publiées textuellement ou en substance, à la diligence de l'administration, dans un recueil spécial, trois mois après l'octroi du brevet. »
Ainsi donc, ce recueil doit être spécial ; il ne peut être une annexe au Moniteur.
Une annexe au Moniteur, en effet, ne ferait que donner plus de difficultés à ceux qui voudraient consulter les documents parlementaires, déjà si considérables.
Cette obligation de la publication en présence de la loi, loi que je n'approuve pas et qui ne serait pas votée aujourd'hui par la Chambre si elle lui était soumise, cette obligation est parfaitement établie dans l'ouvrage de M. Vilain, intitulé : Guide pratique des inventeurs brevetés.
Voici ce que j'y lis :
« La publicité des brevets d'invention est d'une utilité incontestable. File fait connaître au public les droits de l'inventeur. Elle permet à ceux qui ont cru avoir fait une découverte de vérifier si leur invention est véritablement nouvelle et, le cas échéant, de s'abstenir de prendre un brevet, qui pourrait être entaché de nullité.
« Elle désigne aux consommateurs l'inventeur qui, à l'aide de cette publicité légale, recueille le profit en vue duquel il s'est fait breveter. Elle signale la découverte à la connaissance des industriels et appelle, de leur part, des perfectionnements qui tournent à l'avantage de tous. Enfin, elle met en relief le système et les détails de l'invention et fait connaître aux concurrents l'époque à laquelle ils seront libres de s'en emparer.
« La loi a entouré les brevets d'invention d'une telle publicité, elle a donné à tous les intéressés de si grandes facilités pour en prendre connaissance qu'il n'est presque permis à personne de prétendre qu'il en a ignoré l'existence. »
Pour que cette publicité soit réelle et efficace, il faut qu'elle soit suffisante, il faut aussi qu'elle ne se fasse pas un an après la délivrance des brevets. Je suis surpris d'entendre M. le ministre de l'intérieur dire qu'il y a pour cet objet une somme trop considérable ; j'ai entendu dire, au contraire, qu'elle l'était trop peu et je tiens beaucoup à éclaircir ce point.
On a dit que cette publication n'avait qu'une utilité relative, qu'on pouvait venir consulter, au ministère de l'intérieur, tous les dossiers relatifs aux brevets. Je crois que si l'on usait de ce moyen il faudrait au ministère un personnel plus considérable et que la réduction serait largement compensée par l'augmentation de traitement qui en résulterait. D'un autre côté, les personnes intéressées a avoir des renseignements au sujet de brevets n'habitent pas toutes Bruxelles et ce serait les gêner fort que de les obliger à se déplacer pour venir s'assurer de la nature d'une invention lorsqu'ils pourraient se renseigner aisément au moyen du recueil spécial.
Je pense que cette publication est utile et nécessaire et même qu'elle doit être rendue plus complète qu'elle ne l'a été jusqu'ici.
Je propose donc, comme amendement à l'article 68, de maintenir le chiffre de 7,000 francs qui figurait au budget de 1870.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je crains que l'honorable préopinant n'ait mal compris la question qui figure dans le rapport de la section centrale.
Il ne s'agissait pas le moins du monde de se dérober à cette prescription qui impose la publication, dans le délai de trois mois, d'un résumé des brevets d'invention ; mais on avait pensé que l'on pourrait peut-être joindre, comme annexe au Moniteur, ce résumé qui se trouverait ensuite réuni par une pagination séparée, et on espérait ainsi atteindre ce but de publicité que l'honorable préopinant signalait comme une des conditions les plus indispensables.
Or, aujourd'hui il est hors de doute qu'il n'y a qu'un très petit nombre de personnes qui connaissent le recueil des brevets d'invention. C'est là, du reste, une question sur laquelle nous n'avons pas à nous prononcer en ce moment.
Il est un autre reproche qu'on a adressé aux rédacteurs de cette publication. L'honorable M. Braconier a fait remarquer qu'en ce moment le recueil est fort en retard. Je crois, messieurs, qu'il y a des circonstances très atténuantes qui expliquent cet état de choses. Un grand nombre de brevets ont été pris par des personnes habitant Paris ; celles-ci ont fait parvenir des réclamations, et une note a même paru au Moniteur pour les rassurer contre les déchéances qui les menaçaient. Il est résulté de cet état de choses qu'en ce qui touche la publication du recueil des brevets d'invention, il y a eu des retards inévitables.
La Chambre n'ignore pas d'ailleurs que ces résumés des brevets d'invention présentent les plus grandes difficultés.
Ya-l-il lieu de modifier ces résumés, de les étendre davantage ? Ce sont là des questions sur lesquelles il me serait difficile de me prononcer ; mais, comme l'honorable préopinant l'a reconnu lui-même, nous nous trouvons aujourd'hui devant une question bien plus vaste, devant une question que le gouvernement aura aussi à examiner avec maturité : je veux parler du maintien du système même des brevets d'invention.
M. De Lehaye, rapporteur. - L'honorable M. Braconier s'est occupé de la première question traitée par la section centrale ; mais il semble n'avoir point porté son attention sur la seconde. La section centrale n'a nullement mis en doute l’utilité, la nécessité même de la publication des brevets d'invention ; mais elle a appelé l'attention de la Chambre sur un autre point et a soulevé la question de savoir s'il convient de maintenir, pour la publication des brevets d'invention, un bulletin spécial, ou s'il ne serait pas plus utile de faire cette publication par la voie du Moniteur.
(page 765) Ce qu'il importe, d'après la section centrale, c'est de donner la plus grande publicité possible aux brevets d'invention. Partant de cette pensée, elle s'est demandé si cette publicité ne serait pas plus grande par la voie du Moniteur, où elle ferait l'objet d'un supplément, qu'à l'aide du recueil actuel.
C'est la seule question que la section centrale ait examinée et c'est sur cette question qu'elle a appelé l'attention du gouvernement.
M. Vermeire. - Il n'est point de questions plus difficiles que celles qui concernent les brevets d'invention.
La dernière législation n'est pas très ancienne et cependant nous remarquons déjà qu'elle est défectueuse sous bien de rapports.
En ce qui concerne les brevets d'invention mêmes, je pense que le gouvernement ne doit pas trop s'en occuper, attendu que les inventeurs prennent des brevets à leurs risques et périls et sans garantie du gouvernement. - Les brevets, pour lesquels existe une taxe qui augmente annuellement de 10 francs, ne concernent que ceux qui les prennent ; et la loi dit positivement que les brevets pour lesquels la taxe dont je viens de parler n'a pas été payée, tombent dans le domaine public.
Le gouvernement n'a pas le droit de soustraire à la déchéance les brevets dont les possesseurs n'ont pas acquitté les annuités prescrites. Cela est tellement vrai que, lorsqu'on a discuté le projet de loi sur les brevets d'invention, on s'est demandé s'il ne fallait pas, de la part du gouvernement, une mise en demeure au possesseur du brevet en défaut de payer la taxe, avant de pouvoir déclarer que le brevet était tombé dans le domaine public ; et la Chambre a décidé que cette mise en demeure devenait inutile puisqu'il n'y avait que les intérêts des porteurs de brevet et ceux des contrefacteurs qui étaient enjeu et non ceux du gouvernement.
Maintenant, il y a beaucoup de personnes qui prennent des brevets non pas précisément pour les exploiter, mais pour avoir en quelque sorte un titre constatant leur invention. Ces brevets-là, on peut les leur accorder moyennant une taxe de 10 francs. Aussi, sur mille brevets qui sont pris chaque année, il n'en est peut-être pas dix qui atteignent au terme des vingt années pour lequel le privilège peut être obtenu.
Si vous voyiez combien il en tombe dans le domaine public, la deuxième la troisième et la quatrième année, on dirait que les brevets sont atteints, d'une maladie épidémique qui les enlève avant que le terme de leur mort naturelle soit arrivé.
Pour qu'il y ait lieu à un brevet, il faut quelque chose de nouveau, il faut une nouveauté. Qui est-ce qui prouvera la nouveauté ? Ce n'est pas le gouvernement.
Si une chose brevetée est contrefaite, et si en même temps un petit changement est apporté à cette chose brevetée par le contrefacteur, cela constitue-t-il une invention nouvelle ? Il est bien difficile de l'établir.
Il faut donc que là encore le gouvernement s'abstienne d'intervenir ; son rôle doit se borner à recevoir les annuités.
Maintenant, faut-il donner une plus grande publicité aux brevets ? A mon avis, cela serait très utile, si l'on pouvait arriver à ce résultat. Mais remarquez seulement qu'il ne peut pas s'agir de la description du brevet, car le plus souvent, les descriptions sont bien défectueuses.
J'avoue franchement que si le recueil spécial devait ne contenir que ces descriptions-là, peu de monde aurait le courage de le lire. Si vous voulez faire quelque chose d'utile, ce n'est pas seulement la somme de 7,000 francs qu'il faudrait voter, mais c'est une somme bien plus considérable ; car il faudrait, ajouter au recueil les plans tels qu'ils ont été fournis par les demandeurs. C'est ainsi seulement que vous aurez une publication utile.
Si la somme renseignée au budget des voies et moyens pour la délivrance des brevets d'invention, - j'en ignore l'importance, - si cette somme pouvait être entièrement employée aux frais de publication d'un recueil convenable et qui contiendrait des plans de machines et d'autres inventions, je crois qu'un recueil pareil produirait des résultats avantageux ; mais un recueil sans plans me paraît constituer une dépense tout à fait dénuée de raison.
Je prie donc le gouvernement d'examiner s'il ne pourrait pas abandonner à la publication dont il s'agit le montant des annuités qu'il reçoit pour l'octroi des brevets.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il n'y a, de ma part, aucune opposition.
- L'article 68 ainsi modifié est adopté.
« Art. 69. Musée de l'industrie. Traitement du personnel : fr. 14,300. »
M. Funck. - Messieurs, un arrêté royal du 11 octobre 1869 a décrété la réorganisation du musée de l'industrie.
Vous savez tous ce qu'était l'ancien musée de l'industrie. C'était une collection incomplète et surannée, il faut bien le dire, d'instruments, de machines, d'appareils qui avaient été plus ou moins perfectionnés à leur époque, mais qui, en définitive, n'avaient plus un bien grand intérêt pour la science.
La réorganisation nouvelle a complètement modifié cet état de choses. D'après l'arrêté royal du 14 octobre 1869, l'organisation du musée de l'industrie comporte une école industrielle, un laboratoire de chimie, une bibliothèque spéciale, une collection géologique et une salle d'exposition et d'essais pour les appareils perfectionnés. Une commission a été nommée par le gouvernement pour procéder à cette réorganisation. Cette commission, il faut bien le reconnaître, a fait des efforts considérables pour atteindre le but qu'on se proposait, sans cependant dépasser les limites du budget, et les résultats qu'elle a obtenus ne sont pas sans importance. C'est ainsi que l'école industrielle est organisée depuis un an et qu'elle est fréquentée par 163 élèves appartenant tous à l'élite de notre classe ouvrière.
Le laboratoire de chimie est complètement établi ; il est mis, dès à présent, à la disposition du public ; il peut servir aux industriels qui veulent faire des expériences ou aux jeunes gens qui désirent compléter leur éducation industrielle.
La bibliothèque est ouverte au public. Elle contient un nombre considérable de recueils périodiques traitant de l’industrie ; elle renferme la collection des brevets belges, français et surtout anglais, qui est excessivement remarquable.
Vous savez, messieurs, que la collection des brevets anglais date de 1617 et forme à peu près à elle seule une bibliothèque. Je ne puis passer sous silence la bibliothèque relative aux arts appliqués à l'industrie ; elle a une grande importance ; elle est fréquentée par un nombre considérable de visiteurs qui y trouvent cet avantage de pouvoir non seulement prendre copie des modèles et des dessins, mais encore de pouvoir les calquer.
L'insuffisance des ressources portées au budget de 1870 a été constatée dès la mise en œuvre de la nouvelle organisation. Tout le monde a compris que, pour établir une institution nouvelle, il faut des ressources suffisantes.
Toutefois, voulant éviter cependant de grever le budget de l'intérieur, la commission s'était entendue avec le département de l'intérieur pour faire sur le chiffre du personnel qui se montait, si je ne me trompe, à 20,800 francs, une économie de 6,350 francs, et de reporter cette économie sur le matériel, de telle sorte que le chiffre porté au budget restât en définitive le même.
Un crédit avait été porté, dans ce sens, et comme nous l'avions proposé, au premier projet de budget de l'intérieur. L'honorable M. Kervyn a changé, tout cela. Il a maintenu d'abord la réduction sur le personnel, mais il a supprimé l'augmentation sur le matériel, de telle sorte qu'il rend l'administration du nouvel établissement presque impossible.
Je viens donc demander à la Chambre de rétablir la somme telle qu'elle figurait au premier budget et de porter à 20,800 francs celle de 16,000 francs qui figure à l'article 70.
Je profiterai de cette circonstance pour répondre à deux objections qui ont été faites par la section centrale relativement à l'organisation actuelle du musée de l'industrie.
La section centrale s'est enquise de la question de savoir s'il ne serait pas possible défaire une seule publication des Annales des travaux publics et du Bulletin du musée. Le gouvernement a répondu à la section centrale que cela était difficile, parce que ces deux publications étaient faites par des administrations différentes. C'est une raison. Elle est bonne ; mais ce n'est pas cependant la meilleure. La véritable raison consiste en ce que ces deux publications traitent d'objets complètement différents.
Les Annales des travaux publics, comme l'indique leur titre, s'occupent des travaux publics, des routes, des canaux, des ponts et chaussées des monuments.
Le Bulletin de l'industrie au contraire s'occupe des progrès réalisés dans l'industrie, en général, dans l'industrie métallurgique, dans l'industrie textile, si considérables dans notre pays, enfin de tous les perfectionnements apportés aux divers procédés de fabrication.
Il est donc impossible de joindre ces deux publications entre lesquelles il n'y a pas plus de rapports qu'entre une revue artistique et une revue bibliographique.
Une autre objection qui n'est pas sans importance est celle qui consiste à dire que le musée de l'industrie manque de machines. Cela est très vrai et je crois que tout le monde est d'accord sur ce point qu'il serait (page 766) désirable d’avoir au musée de l’industrie une collection complète de machines, d’appareils perfectionnés et surtout qu’il serait bon de tenir cette collection complètement au courant des progrès de la science.
Mais pour atteindre ce résultat, qui serait un complément désirable dans l'organisation du musée de l'industrie, il faudrait se résigner à faire des dépenses considérables et hors de proportion avec nos ressources. En voulez-vous la preuve ? C’est que M. Tresca, directeur du conservatoire des arts et métiers de Paris, qui avait à sa disposition une somme annuelle de 300,000 francs, a dû renoncer à réaliser une semblable collection.
Je conclus donc en demandant le rétablissement du crédit de 20,800 fr. Le gouvernement doit comprendre que de deux choses l'une : ou bien le musée de l'industrie est une chose inutile, et alors il faut avoir le courage de le dire et en provoquer la suppression ; ou il est utile, il rend des services à l'industrie, et alors il faut lui donner les moyens d'exister. C’est ce que je vous demande en vous priant de majorer de 6,800 francs la somme de 16,000 francs portée au projet du gouvernement.
M. le président. - Je suis déjà en possession d'un amendement pareil. Voici l'amendement qui a été envoyé au bureau :
« Les soussignés ont l'honneur de proposer d'augmenter de 6,800 fr. l'article 70 ; crédit destiné au musée de l'industrie. »
C’est, je crois, la même proposition que celle que vous faites ?
M. Funck. - Oui, M. le président.
M. Bergé. - J'appuie bien vivement l'amendement présenté par l'honorable M. Funck ; et mes honorables amis, MM. Dansaert et Demeur, et moi avons du reste déposé une proposition dans le même sens.
En effet, messieurs, l'on ne concevrait pas que l'on allât enlever au musée de l'industrie l'une de ses ressources indispensables, alors que partout on constate les besoins d'un enseignement industriel et alors que la capitale de la Belgique se trouve, sous le rapport de cet enseignement, dans des conditions bien inférieures à celles qu'on rencontre dans d'autres pays.
Le musée de l'industrie, à proprement parler, n'existe plus. L'ancien musée possédait quantité de machines qui ont complètement disparu. On a vendu ou dispersé les objets qui le constituaient.
Tout à l'heure l'honorable M. Dansaert disait que c'était un acte de vandalisme ; il n'y a peut-être pas d'exagération à qualifier ainsi la dispersion des richesses scientifiques qui constituaient l'ancien musée, car réellement il a été regrettable de voir diminuer d'une façon si complète ces collections.
Il y avait là des instruments précieux pour l'histoire des sciences qu'on aurait mieux fait de restaurer que de vendre au poids du vieux fer et du vieux cuivre ; mais toute récrimination est inutile et ce qu'il convient d'examiner, c’est le point de savoir ce qu'il faut faire dans l'avenir. Eh bien, dans l'avenir il faudra faire un musée sérieux en remplacement de celui qui a disparu et ce n’est qu'à l'aide de crédits importants qu'on peut y arriver.
Il est impossible de séparer l'école industrielle du musée. Les collections du musée sont en effet les collections qui doivent servir à l'enseignement ; elles font en réalité partie de l'école industrielle.
Cette école doit devenir une école sérieuse, une école semblable à celles que. l'on trouve en Allemagne et même en France. Je citerai comme exemple l'école de Mulhouse. Nous n'en sommes pas là ; l'enseignement pratique fait complètement défaut, le corps professoral est incomplet et les locaux sont insuffisants.
A Pars, il y a une vaste salle où l'on expérimente les machines. La salle du musée, de Bruxelles est bien petite, bien insuffisante. Cependant, il y aurait déjà possibilité de l'utiliser, mais pour cela que faut-il ? Il faut un moteur. Il est impossible d’essayer une machine si l'on n'a pas de moteur. On objectera peut-être qu'il y aurait du danger à avoir une machine à vapeur placée sous des dépôts précieux, sous les bibliothèques ; mais placez-y un moteur à gaz et il n'y aura plus ni danger d'explosion, ni danger d'incendie.
On a dit que le manque de ressources ne permettait pas de compléter les collections ni de donner des conférences. Ainsi l'article 9 du règlement organique porte qu'il sera donnée des conférences pour faire connaître les produits nouveaux et, malgré l'utilité incontestée de telles conférences, on a toujours dû les ajourner faute d'argent. Il est donc bien constaté que les crédits sont insuffisants.
Le bulletin du musée de l'industrie, qui est une œuvre éminemment utile, ce bulletin est en retard de publication. Je ne sais à qui ce retard doit être imputé ; mais, à ce qu'on m'a dit, il y aurait un peu de la faute de M. le ministre de l'intérieur ; probablement qu'il y a encore là manque de fonds.
Je me résume donc, messieurs, en demandant que l'on complète le musée de l'industrie, que l'on en fasse une institution comparable, quoique plus économique, à celles qui existent à Paris et à Londres.
Au musée de l'industrie se trouve annexée une bibliothèque qui renferme la collection des brevets anglais ; mais la collection offre des lacunes et les brevets américains manquent ; il y a nécessité de compléter ces collections, car, quand une collection n’est pas complète, elle ne répond pas à son but, et si je pouvais, en cette circonstance, exprimer un vœu, ce serait de voir réunir et transporter au musée de l'industrie tout ce qui se rapporte aux brevets d invention, y compris la publication même du recueil belge.
On comprend, en effet, que cela serait mieux à sa place dans ce musée que dans je ne sais quelle annexe du département de l'intérieur placée au second étage du palais ducal.
Certes, il faudrait un personnel, mais il n'y aurait pas de surcroît de dépense, car les employés chargés aujourd'hui, au département de l'inférieur, de conserver ces collections et de les soumettre au public sont salariés et il suffirait de faire transférer la somme au musée de l'industrie. C’est une question d'organisation dans laquelle je n'ai pas à entrer.
Les Anglais ont compris l'utilité de réunir toutes ces choses. A Kensington, on trouve, à côté des modèles, le recueil imprimé des brevets, l'un complétant l'autre.
M. Pirmez. - Messieurs, j'ai été surpris d'entendre les honorables MM. Dansaert et Bergé faire la critique de ce qui a été fait à propos du musée de l'industrie. Ils ont parlé de vandalisme.
Je ne sais si la Chambre sait ce que c'était que ce musée que l'on a vivement attaqué aussi longtemps qu'il a vécu et sur lequel on verse des larmes attendrissantes depuis qu'il n’est plus.
Il y avait là de vieilles machines qui existaient déjà sous le gouvernement hollandais. On y trouvait un certain nombre de respectables antiquailles, au milieu desquelles des paysans qui viennent en ville le dimanche se promenaient et où jamais personne ne s’est rendu dans un but industriel.
Ce musée était, donc une chose complètement morte, figurant au budget, mais ne présentant aucune utilité.
D'accord avec l'administration communale de Bruxelles, le gouvernement a converti ce musée en une école industrielle.
M. Dansaert. - Et l'on a bien fait.
M. Pirmez. - Je suis charmé que vous vouliez le reconnaître. On a examiné alors ce que l'on pouvait faire des objets qui se trouvaient là.
Il y avait, entre autres choses, les spécimens de vaisseaux, d'appareils pour l'exploitation des mines, de charrues et de herses ayant eu, en leur temps, la réputation d'être perfectionnées.
Les vaisseaux ont été envoyés à Anvers, les appareils de mines a Liège et les instruments agricoles à Gembloux.
M. Vandenpeereboom. - Et un peu à la porte de Hal.
M. Pirmez. - Il y avait des appareils qui étaient bien dignes d'y être placés à raison de leur antiquité.
Mais c’est probablement ici qu'a commencé le vandalisme. Il y avait, dit-on, un certain nombre d'instruments en si mauvais état qu'ils ne valaient plus que comme vieux fer ou vieux cuivre. La meilleure destination qu'on pût y donner, c'était de les fondre, car les locaux du musée sont trop restreints pour qu'on les encombrât de ces objets. Si cela a été fait, je crois qu'on a pris une mesure excellente en les livrant à la fusion.
L'honorable M. Funck a présenté des observations très justes sur ce point. Vous n'aurez jamais de musée, industriel. Consacrez-y, si vous voulez, un demi-million par an, vous n'aurez jamais de musée industriel.
Vous voudrez, par exemple, tenir le public au courant de nos grandes industries.
Vous voudrez organiser une grande filature de laine ou de coton, un grand laminoir, un haut fourneau, et deux ans après avoir à grands frais monté votre établissement postiche, vous vous apercevrez que l'industrie a distancé de beaucoup ce que vous aurez donné comme spécimen.
Il faut donc se borner a avoir une école industrielle, à donner des développements à cette école et à établir à côté de l'école les appareils nécessaires, pour que l'on puisse y distribuer un bon enseignement.
Voilà ce que nous avons voulu faire et ce qui nous vaut le reproche de vandalisme.
Maintenant, j'appellerai l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une publication qui serait peut-être nécessaire en matière de brevets d'invention.
Il y a souvent de grandes difficultés à savoir quels sont les brevets qui sont encore en vigueur ; il ne faut pas se dissimuler qu'il y a beaucoup de brevets qui meurent dans l'âge le plus tendre ; dès que la seconde année est arrivée, les inventeurs jugent généralement que leur invention ne vaut pas les 20 francs de la taxe et ils l'abandonnent. Je crois que cela seul prouve que notre législation a été beaucoup trop loin en matière de brevets d'invention.
Quoi qu'il en soit, je crois qu'il serait utile qu'on publiât non seulement les brevets qui incombent dans le domaine public, mais qu'on donnât une publication des brevets qui existent encore.
Je pense que cette publication aurait une utilité très grande et je la recommande à l’attention de M. le ministre de l’intérieur.
M. Bergé. - L'honorable M. Pirmez a pris la parole avec beaucoup de chaleur pour défendre les actes de son administration ; cependant je ne puis absolument pas être de son avis ni justifier d’une manière complète tout ce qui a été fait alors.
Je reconnais qu’il était nécessaire de réorganiser le musée de l’industrie, qu’il était nécessaire de se débarrasser de certaines machines encombrantes n’ayant aucun caractère d’utilité.
(page 767) J'ai signalé cette situation très souvent. Mais il y a une grande différence entre faire disparaître certaines machines qui n'ont plus de raison d'être, entre réorganiser une chose ou la détruire complètement et la preuve qu'il y avait au musée de l'industrie des objets qui étaient dignes d'intérêt, c'est que d'abord on en a conservé un certain nombre ; il y en avait donc de bons.
M. Pirmez. - Certainement.
M. Bergé. - Et qu'on en a distribué d'autres à des écoles industrielles.
M. Pirmez. - Les instruments de mines, d'agriculture et de navigation n'étaient pas bien à leur place au musée de l'industrie de Bruxelles ; on les a envoyés à Liège, à Gembloux et à Anvers.
M. Bergé. - Le transfert des instruments agricoles à Gembloux a précédé la réorganisation du musée et je n'ai jamais critiqué cette mesure.
Le musée de l'industrie de Bruxelles possédait des collections très sérieuses, notamment une collection d'instruments de physique que la ville de Bruxelles, jusqu'en 1842, avait tenu à honneur de conserver tout à fait au niveau de la science et qui était certainement une des plus belles que j'ai jamais rencontrées. Les instruments venaient des meilleurs constructeurs de France et d'Angleterre.
M. Pirmez. - On les a conservés.
M. Bergé. - Quelques-uns.
M. Pirmez. - Tous ceux que la direction a voulu conserver.
M. Bergé. - Malheureusement il y en a qui ont disparu et qui pouvaient présenter de l'intérêt au même titre que certains documents, que certains objets que l'on recueille avec beaucoup de soin dans des musées d'antiquité.
Ainsi cette vieille machine dont on ne faisait aucun cas et qui était pour moi un souvenir de la synthèse de l'eau ; j'y tenais beaucoup plus qu'à tout ce que vous avez dans votre musée de la porte de Hal, et à ce propos je ferai remarquer que l'on conserve encore au conservatoire de Paris une certaine quantité de cette eau que la pléiade des chimistes, à laquelle nous devons la chimie moderne, est parvenue à constituer pour la première fois.
Eh bien, cette eau n'est pas la première eau venue : c'est un souvenir qui peut n'avoir aucun intérêt pour ceux qui ne s'occupent pas de travaux scientifiques, mais qui est précieux pour quiconque a le culte de la science.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - La question des chiffres est bien simple. Il y avait au budget de 1870 un crédit de 1,650 francs pour l'entretien, le chauffage et l'éclairage des locaux ; nous l'avons porté à 3,000 francs. Il y avait au budget de 1870 un crédit de 4,000 francs pour la publication du bulletin ; nous l'avons maintenu. Mais nous n'avons pas reproduit les augmentations proposées dans le projet de budget de 1871, rédigé par l'honorable M. Pirmez et d'après lesquelles les frais d'entretien des locaux étaient portés de 1,650 francs à 5,950 francs, et les frais de publication du bulletin de 4,000 à 6,000 francs. Je m'expliquerai tout à l'heure sur ce dernier point.
Ce que je tiens à constater aussi, c'est que, en ce qui concerne le personnel, il n'y a aucune différence entre le chiffre du budget actuel et le chiffre du budget préparé par mon honorable, prédécesseur.
M. Funck. - En 1870, le chiffre était de 20,630 francs.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai maintenu le chiffre proposé par mon honorable prédécesseur.
M. Funck. - Oui, mais ce chiffre présentait une diminution relativement au budget de 1870.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ce n'est pas moi qui ai proposé cette réduction, c'est ce que je tenais à consister.
Maintenant, quant à l'enseignement industriel, je tiens à déclarer que je suis prêt à concourir dans la plus large mesure à son développement et à ses progrès.
Si pour la publication du bulletin je n'ai pus cru qu'il y eût lieu d'augmenter le chiffre du budget précédent, c'est que ce bulletin étant spécial au musée de l'industrie, j'avais à me préoccuper de l'importance de ce musée. C'est, en effet, la question qui domine tout ce débat ; je l'aborde immédiatement et je demande sans hésiter : Y a-t-il encore aujourd'hui un musée de l'industrie ?
Certes, il existe un enseignement industriel organisé de commun accord entre l'Etat et la ville de Bruxelles, un enseignement que nous chercherons à développer. Il y a, à côté de cela, une bibliothèque qui rend des services considérables aux ouvriers qui viennent s'y instruire, et j'espère que le gouvernement pourra accroître de plus en plus l'importance de cette bibliothèque. Mais la question qui est posée par d'honorables représentants de Bruxelles et notamment par l'honorable M. Funck est celle-ci : Y a-t-il lieu de réorganiser le musée de l'industrie ? Comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Funck, y a-t-il lieu de former une collection importante qu'on tiendrait au courant des progrès de la science ? Y a-t-il lieu de suppléer à la suppression des vieilles machines en formant une collection de machines nouvelles ? Eh bien, messieurs je crois que cette question est complètement résolue.
Il y a eu, dans cette enceinte, de longues discussions dont plusieurs membres n'ont pas perdu le souvenir ; et c'est à la suite de ces discussions qu'un arrêté royal du 14 septembre 1868 a rapporté l'arrêté de 1841 qui avait organisé le musée de l'industrie. L'année suivante, un arrêté royal du 14 octobre 1869 a réorganisé le musée de l'industrie, mais de quelle manière ? En maintenant une partie de ses attributions, mais en abolissant complètement ce qui formait le musée de l'industrie lui-même. Voici l'article premier de l'arrêté de 1869 : « Le musée de l'industrie comprend une école industrielle, un laboratoire de physique et de chimie, une bibliothèque spéciale, une collection géologique, une salle d'exposition pour les produits nouveaux et un local pour l'essai des appareils perfectionnés. »
Il ne s'agit pas, dans cet arrêté, de réorganiser un musée ; il s'agit simplement de mettre à la disposition de ceux qui fréquenteront les cours, des bibliothèques, des collections spéciales et des appareils perfectionnés qui doivent venir en aide à l'enseignement scientifique.
Si la question est posée ainsi, il est évident qu'elle est résolue. Il n'était pas dans l'intention de la Chambre, il n'était pas dans l'intention du ministère précédent de reconstituer le musée de l'industrie et cela par un motif bien simple : c'est qu'au point de vue budgétaire, cela est impossible. L'un des honorables préopinants a fait remarquer qu'à Paris on disposait de 300,000 francs, et que cette somme était complètement insuffisante : cela se démontre par d'excellentes raisons sur lesquelles l'honorable M. Pirmez insistait tout à l'heure.
Mais il y a autre chose à considérer dans cette question. Il y a dans ce moment-ci une installation complètement provisoire et temporaire ; et il ne peut pas être sérieusement question de dépenses à voter par la législature pour une organisation définitive dans les locaux qui sont occupés aujourd'hui.
D'après les conventions conclues entre l'Etal et la ville de Bruxelles, conformément à l'arrêté royal du 14 octobre 1869, la ville de. Bruxelles doit mettre à la disposition du musée des locaux dont la construction n'est pas terminée en ce moment, et l'intention formelle du gouvernement et notamment du cabinet précédent était de restreindre au temps le plus court possible l'existence d'un laboratoire et d'installations industrielles dans le local actuel qui fait partie du bâtiment de la bibliothèque royale et qui doit être affecté aux besoins urgents des collections scientifiques.
Dans la séance du Sénat du 27 mai 1868, mon honorable prédécesseur, interpellé par l'honorable M. Fortamps, s'exprimait en ces termes :
« Je n'admets pas du tout, comme, le dit l'honorable M. Fortamps, que l'installation de l'école industrielle dans un nouveau local soit le renvoi aux calendes grecques. J'entends, au contraire, n'ouvrir l'école qu'à la condition d'être fixé sur la date rapprochée à laquelle les locaux que doit fournir la ville de Bruxelles seront mis à ma disposition.
« Le rez-de-chaussée du musée doit être, dans un délai fixé, restitué aux grandes collections de l'Etat. »
Telle a été la pensée du gouvernement, telle était aussi la pensée de la Chambre.
Mais si l'on pouvait élever un grief contre l'administration précédente, ce serait d'avoir consenti à cette occupation temporaire ; et loin de pouvoir prêter mon appui à l'extension de ce laboratoire dont on a parlé tout à l'heure, je considère son existence dans ce local comme étant complètement en opposition avec les intérêts de la science.
Personne n'ignore que ce laboratoire se trouve placé au-dessous de la salle qui contient une de nos plus précieuses collections, je veux parler des manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne ; et lorsque cette installation a été faite, elle a donné lieu à des protestations du conseil d'administration de la bibliothèque royale et du conseil d'administration du musée de tableaux, ainsi qu'aux vives réclamations des conservateurs du musée d histoire naturelle.
Et lorsque tout à l'heure l'honorable M. Bergé insistait sur un moteur à établir, sur ce moteur qui suppose encore une fois une installation définitive, il oubliait de vous dire que ce moteur serait placé précisément à côté de la nouvelle galerie de la bibliothèque royale et à côté de la salle de lecture.
Il est évident, messieurs, que, dans un délai rapproché, la ville de Bruxelles possédera une école industrielle convenable. Ce but étant réalisé, le jour où l'on sentira le besoin d'organiser de nouveaux cours dans l'intérêt de l'industrie, le gouvernement prêtera à cette organisation son plus sympathique appui. Mais comme l'augmentation de crédit qu'on sollicite, telle qu'a essayé de la justifier l'honorable M. Funck, tend à réorganiser l'ancien musée de l'industrie en prenant pour base son maintien dans des locaux où l'installation actuelle doit être aussi limitée que possible et ne peut être qu'essentiellement temporaire, je crois remplir un devoir en déclarant, au nom du gouvernement, que je repousse l'amendement.
M. Bergé. - J'ai demandé la parole pour répondre à M. le ministre de l'intérieur qui s'est montré vivement préoccupé de l'immense danger que présente l'existence d'un laboratoire auprès d'une bibliothèque. Je demanderai à l'honorable ministre où il a jamais vu qu'un laboratoire a été la cause d'un incendie ; j'entends parler d'un laboratoire scientifique. et je le mets complètement au défi de citer ou en Allemagne, ou en Angleterre, ou en Belgique, ou en France, un seul exemple d'incendie occasionné par un laboratoire. Il n'y en a pas. Le chimiste est en danger évidemment ; il y a dans un laboratoire danger d'explosion, d'inflammation partielle, mais il est impossible de voir dans un laboratoire un foyer d’incendie dangereux et de nature à compromettre un édifice.
(page 768) Qu'il y ait dans un laboratoire certaines sources de danger, comme dans toute espèce de chambre habitée où il y a des meubles et des objets combustibles, je le veux bien ; mais il y a infiniment plus de danger à avoir auprès de la bibliothèque un cabinet de lecture où il se trouve des tapis et une masse de papiers et un foyer, qu'un laboratoire voûté où presque tous les objets sont incombustibles et où il y a des moyens d'empêcher parfaitement l'incendie de se développer s'il y avait un commencement d'incendie.
Du reste, voyez ce qui se passe ailleurs. Est-ce qu'on s'est préoccupé de ces dangers à l'hôtel de ville de Paris, où l'on a installé un laboratoire ? Quand la ville de Paris a traité avec la société parisienne, l'existence de ce laboratoire était stipulée par contrat.
Et ne croyez pas que ce soit là un petit laboratoire insignifiant ne servant qu'à certaines déterminations de pouvoir éclairant : pas du tout ; les grandes expériences sur l'éclairage au gaz oxygène et hydrogène dont on a tant parlé, il y a quelques années, tout cela s'est fait au laboratoire de l'hôtel de ville de Paris.
Au musée de Kensington, là où se. trouvent rassemblées des richesses immenses, des tableaux et des objets d'art de toute espèce, il y a des laboratoires fort importants.
M. Thonissen. - Oui, dans une cour écartée.
M. Bergé. - Pas du tout. Il s'agit de laboratoires attenant parfaitement à l'établissement et les conférences se donnent dans des amphithéâtres et toutes les expériences se font là beaucoup plus rapprochées de curiosités rassemblées dans ce musée que notre laboratoire ne l'est de la salle de la bibliothèque.
Je pourrais citer d'autres exemples en Allemagne et dans d'autres pays où l'on se préoccupe fort peu des dangers de l'incendie et où l'on a raison puisque, je le répète, on ne pourrait pas me citer un seul exemple d'incendie provenant d'un laboratoire et cependant les laboratoires sont nombreux.
M. Funck. - Je dois m'être bien mal expliqué ou l'honorable ministre de l'intérieur doit m'avoir bien mal compris pour répondre comme il l'a fait aux observations que j'ai soumises à la Chambre. L'honorable M. Kervyn s'est exprimé comme si j'avais voulu défendre ici le rétablissement de l'ancien musée, et j'ai soutenu précisément le contraire.
J'ai dit que l'organisation nouvelle du musée, telle que nous l'a faite l'arrêté du 14 octobre 1869, était complètement distincte de celle de l'ancien ; j'ai déclaré, à ce propos, qu'il ne pouvait plus être question de rétablir au musée les anciennes collections.
Quant à l'amendement que j'ai présenté, il se rapporte à une véritable convention qui a été faite avec le gouvernement. L'administration du musée a consenti à une réduction sur le chiffre du personnel pour pouvoir augmenter le matériel d'une somme équivalente. Il ne s'agissait pas là, évidemment, de rétablir l'ancien musée, d'augmenter les collections ou d'en créer de nouvelles ; il s'agissait purement et simplement de permettre l'exécution de l'arrêté royal de 1869.
Ainsi, cet arrêté porte, dans son article 9 : « Des conférences seront données au musée, soit pour divulguer des découvertes importantes en industrie, soit pour faire connaître des produits nouveaux du pays ou de l'étranger, soit enfin pour favoriser de toute autre manière le progrès industriel. »
Nous avons porté, dans le budget du musée de l'industrie, une somme minime de 1,000 francs pour les conférences. M. le ministre supprime ce crédit.
Nous avions demandé une augmentation de 2,000 francs pour le bulletin du musée de l'industrie. Ce bulletin aurait coûté 6,000 francs. Sous l'ancienne organisation, le bulletin du musée, qui ne coûtait, il est vrai, que 4,000 francs, contenait peu d'articles originaux. On a voulu que ce bulletin devînt plus sérieux et l'on demandait de pouvoir affecter à sa rédaction une somme de 2,000 francs.
Etait-ce là une exagération ? Il ne s'agissait pas d'une création nouvelle. C'était une publication ancienne dont le maintien était prévu par le nouveau règlement.
Voilà, messieurs, quel est le but des augmentations que j'ai demandées ; il ne s'agit pas, je le répète, de revenir à l'ancienne organisation, que je condamne autant que M. le ministre de l'intérieur ; il s'agit de permettre à la commission administrative d'exécuter l'arrêté royal du 14 octobre 1869 et rien de plus. C'est ce que le gouvernement ne veut pas, et je le regrette pour lui.
M. Bergé. - Un mot seulement. M. le ministre de l'intérieur me disait tout à l'heure qu'il y avait eu un accident à la Sorbonne. Comme cette idée pourrait se répandre et que certaines personnes pourraient croire qu'il y a eu un accident à la Sorbonne, je tiens à préciser ce qui a eu lieu. Ce n'est pas à la Sorbonne même, mais c'est place de la Sorbonne qu'il y a eu, chez un marchand de produits chimiques nommé Fontaine, une explosion de picrate de potasse.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je ne puis pas accepter le reproche que m'a adressé tout à l'heure l'honorable M. Funck. D'après lui, le gouvernement serait hostile à l'existence des conférences qui ont surtout pour but de développer chez l'ouvrier les connaissances industrielles.
M. Funck. - Je ne dis pas que vous êtes hostile ; mais vous refusez le crédit.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je fais appel aux souvenirs de l'honorable M. Funck. J'ai eu l'honneur de signer une dépêche adressée à la ville de Bruxelles, qui se rapporte à des subsides accordés pour des cours qui, je pense, ont lieu à l'hôtel de ville et qui ont précisément pour but de développer les connaissances utiles ; j'ai même fait remarquer dans cette dépêche que plusieurs cours avaient cessé d'être donnés et j'ai appelé l'attention de l'administration communale sur l'avantage qu'il y aurait à les rétablir ou à les remplacer par d'autres.
M. Funck. - Cela n'a aucun rapport avec le musée de l'industrie.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il s'agissait de cours destinés à répandre les connaissances utiles.
M. Anspach. - Vous refusiez d'augmenter votre subside, ce que nous vous demandions.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Parce que des cours avaient été supprimés. Il s'agissait de les remplacer.
M. Anspach.- Je fais remarquer que cette lettre, que M. le ministre de l'intérieur apporte dans la discussion, contient précisément le refus, de la part du gouvernement, d'accorder le subside supplémentaire que nous demandions pour l'organisation d'un cours d'astronomie.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - On a maintenu le crédit précédent, bien que plusieurs cours n'existassent plus.
Le gouvernement est favorable aux cours industriels : il ne l'est pas moins à la bibliothèque industrielle, qui doit aider aux progrès de cet enseignement.
Je voudrais seulement qu'elle fût plus complète, et je regrette vivement que jusqu'à ce moment on n'ait pas pu organiser à la bibliothèque royale une salle de lecture convenablement établie afin de mettre à la disposition des personnes qui ne peuvent disposer que de leur soirée, des ouvrages plus nombreux que ceux qui existent aujourd'hui au musée de l'industrie.
Telles sont les considérations dans lesquelles je crois devoir persister.
- L'article 69 est adopté.
« Art. 70. Matériel et frais divers : fr. 16,000. »
M. le président. - Voici l'amendement proposé par MM. Dansaert, Demeur et Bergé :
« Les soussignés ont l'honneur de proposer d'augmenter de 6,800 francs le crédit alloué au musée de l'industrie ; dont 450 francs pour rétablir le subside alloué en 1870 à la bibliothèque industrielle et 6,350 francs pour aider le directeur à transformer ou approprier les locaux, à compléter le matériel et organiser un enseignement plus conforme aux besoins de l'industrie. »
M. Funck. - Ce n'est pas là ce que j'ai proposé ; je maintiens mon amendement.
M. le président. - L'amendement de M. Funck est ainsi conçu :
« Je propose de porter à 22,800 francs le crédit de 16,000 porté à l'article 70 du budget : Matériel du musée. »
- L'amendement de M. Funck est mis aux voix par appel nominal.
87 membres sont présents.
40 adoptent.
47 rejettent.
En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption :
MM. Allard, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Bouvier, Braconier, d’Andrimont, Dansaert, David, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, Demeur, de Rossius, Descamps, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lescarts, Mascart, Muller, Orts, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Thonissen, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx et Warocqué.
Ont voté le rejet :
MM. Biebuyck, Brasseur, Coremans, Cornesse, de Borchgrave, de Clercq, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de. Volkaersbeke, Landeloos, Liénart, Magherman, Mulle de Terschueren, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Simonis, Snoy, Tack, Thibaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters et Vilain XIIII.
Le chiffre du gouvernement est ensuite mis aux voix et adopté.
- La séance est levée à 5 heures.