Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 février 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 539) M. Reynaert procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart. Il lit le procès-verbal de la séance du 4 février 1871. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Borchgrave présente ensuite l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des instituteurs à Anvers proposent des mesures pour améliorer la position des instituteurs primaires.

« Même pétition des instituteurs des cantons de Stavelot et de Gedinne. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi établissant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires.


« Des instituteurs à Waerschoot demandent que le projet de loi établissant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires oblige l'Etat, les provinces et les communes à subsidier la caisse des instituteurs dans la même proportion que celle des secrétaires communaux. »

- Même renvoi.


« Des instituteurs primaires dans la Flandre occidentale demandent que le projet de loi instituant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires soit modifié dans le sens de la suppression de toute retenue extraordinaire ou pour toute augmentation de traitement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Gillain, ancien instituteur, prie la Chambre de décider que toutes les pensions liquidées avant le 31 décembre 1870 seront élevées à la moyenne des pensions allouées par la caisse générale pendant le cours de l'année 1871. »

- Même renvoi.


« Le sieur Huberti prie la Chambre de statuer sur sa pétition ayant pour objet l'abolition de la contrainte par corps en matière commerciale. »

« Le sieur Laurent demande également l'abolition de la contrainte par corps en matière commerciale. »

M. Lelièvre. - Cette requête présente un caractère d'urgence ; je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions, qui sera priée de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants d'Huysinghen demandent le vote au chef-lieu de la commune pour toutes les élections. »

« Même demande d'habitants de Sterrebeek et d'Anderlecht. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme électorale.


« Des habitants de Mechelen-sur-Meuse demandent que le vote pour les élections aux Chambres ait lieu à la commune ou du moins au chef-lieu du canton. »

- Même renvoi.


« Des habitants de l'arrondissement de Bruxelles demandent le vote à la commune pour toutes les élections et le fractionnement du collège électoral en circonscriptions de 80,000 âmes. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal d'Heyst renouvellent leur protestation du 18 janvier contre les mesures prises par la fabrique d'église pour la reconstruction de l'église, sans avis réclamé au préalable du conseil communal et demandent la suspension de ces mesures. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Profondeville demandent la réunion de cette commune au canton de Namur sud. »

M. Lelièvre. - Cette requête a un caractère d'urgence ; je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions qui sera invitée a faire un prompt rapport le plus tôt possible.

- Adopté.


« Le sieur Godenne prie la Chambre d'annuler le nouveau règlement fait par l'administration communale de Vitrival pour la distribution de l'affouage et demande le payement des six portions d'affouage qui auraient dû lui être délivrées. »

- Même renvoi.


« Des combattants de 1350 demandent le droit de porter officiellement une médaille commémorative qu'ils ont fait frapper à leurs frais et dont ils joignent un exemplaire à leur pétition. »

M. Couvreur. - Je propose à la Chambre de renvoyer cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants de Grand-Rechain demandent la mise en liberté des soldats français fugitifs de Prusse et arrêtés en Belgique ou blessés et amenés dans notre pays ou bien poussés sur le territoire belge par les événements de la guerre. »

« Même demande d'habitants de Verviers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La veuve Van Outrive demande un congé illimité pour son fils Camille, soldat au 2ème régiment d'artillerie. »

- Même renvoi.


«Le sieur Claessens, journalier à Brecht, demande que son fils Jacques, milicien de la levée de 1864, soldat au régiment des chasseurs, soit renvoyé dans ses foyers. »

- Même renvoi.


« Le sieur Guesnet prie la Chambre d'instituer une commission ayant pour objet l'examen de toutes les inventions propres à la défense nationale. »

- Même renvoi.


« La clame Rolet demande que son mari, substituant de la classe de 1864 au 2ème régiment d'artillerie, soit renvoyé en congé illimité. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Raevels demande le maintien des commissaires d'arrondissement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Mathy se plaint que l'administration communale ne donne pas au public connaissance des jour, lieu et heures des séances du conseil. »

- Même renvoi.


« M. le ministre de la justice transmet a la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur R. Stoht. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« La commission administrative du Musée royal de l'industrie transmet à la Chambre 125 exemplaires de l'exposé de la situation de cet établissement. »

- Distribution aux membres de l'assemblée et dépôt à la bibliothèque.


(page 540) M. Janssens, empêché par un deuil de famille d'assister aux séances de la Chambre, demande un congé de quelques jours.

- Accordé.


M. Delaet, retenu à Bruges pour affaires de famille, demande un congé.

- Accordé.


M. Bergé, empêché par une indisposition, demande un congé d'un jour.

- Accordé.


M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau quelques amendements au budget de l'intérieur. Je prie la Chambre de vouloir bien en ordonner le renvoi à la section centrale.

- Impression, distribution et renvoi à l'examen de la section centrale.

Projet de loi allouant un crédit spécial de 250,000 francs au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer, sur le bureau de la Chambre, le rapport de la section centrale sur le projet de loi ayant pour objet d'allouer un crédit spécial de 250,000 francs au département des affaires étrangères.

- Impression et distribution.

M. le président. - Je propose à la Chambre de mettre le projet de loi sur lequel M. Van Iseghem vient de présenter le rapport à l'ordre du jour, immédiatement après le vote du crédit extraordinaire pour construction et ameublement de maisons d'école.

M. Jacobs, ministre des finances. - Je demande que le crédit de 305,000 francs à allouer au département des finances, du chef du vol qui a été commis à la cour des comptes, soit voté le plus tôt possible, attendu les intérêts qui doivent être payés par l'Etat.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je demande que le crédit complémentaire de 83,000 francs au département des travaux publics soit discuté après l'adoption du crédit de 6,500,000 francs. C'est le même objet.

- La Chambre consultée fixe ainsi le vote des crédits :

1° Crédit pour l'augmentation du matériel du chemin de fer ;

2° Crédit complémentaire de 83,000 francs pour le département des travaux publics ;

3° Crédit pour construction de maisons d'école ;

4° Crédit de 305,000 francs au département des finances ;

5° Crédit de 250,000 francs au département des affaires étrangères.

Projet de loi ouvrant un crédit spécial au budget du ministère des travaux publics, pour le matériel du chemin de fer de l’Etat

Discussion générale

M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, lorsque, samedi dernier, j'ai demandé la parole sur le projet de loi actuellement en discussion, mon intention était particulièrement de demander à M. le ministre des travaux publics quelques renseignements qui nous seront nécessaires pour l'examen de son budget.

Cependant, en examinant ces questions, j'ai remarqué que quelques-unes avaient un rapport si intime avec le projet de loi actuellement en discussion, que j'ai pensé qu'il serait plus utile qu'elles fussent examinées immédiatement que si on les ajournait jusqu'à la discussion du budget, qui viendra plus tard.

Il semble, d'après l'exposé des motifs du projet de loi, que M. le ministre des travaux publics, parfaitement convaincu que notre matériel est insuffisant, ne se soit pas donné la peine, ait cru qu'il n'était peut-être pas indispensable de justifier cette demande d'extension en produisant les rapports de ses fonctionnaires ou par d'autres moyens de preuve que ceux qu'il fait valoir dans cet exposé des motifs, c'est-à-dire les réclamations unanimes de l'industrie et les difficultés que les transports subissent sur les différents points du pays.

La section centrale composée, comme cela se fait presque toujours sous tous les gouvernements libéraux ou catholiques, de partisans décidés des projets présentés par l'administration, la section centrale, dis-je, a adopté, sans hésitation, le projet de loi.

M. de Macar. - Nous avons même voulu aller beaucoup plus loin.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Il s'agit ici, messieurs, d'un intérêt considérable, en ce moment surtout, où l'Etat s'engage beaucoup plus largement dans l'exploitation des chemins de fer.

Il faut donc savoir ce qu'il y a de fondé dans les réclamations qui se sont produites ; il faut savoir s'il y a réellement nécessité d'augmenter, dans une proportion aussi considérable, le matériel roulant du chemin de fer. C'est donc à un point de vue tout à fait impartial que je me propose d'examiner le projet de loi qui nous est soumis. Je suis prêt, je le déclare, à voter toutes les extensions qui me paraîtront suffisamment justifiées, mais je n'hésiterais pas à voter contre, si la preuve contraire était donnée.

Messieurs, pour juger de cette question, il faut procéder par voie de comparaison. L'Etat belge n'est pas le seul exploitant de chemins de fer ; et la Belgique n'est pas le seul pays qui en possède ; il existe de ces entreprises dans différentes contrées, où elles sont administrées d'après des systèmes différents ; j'ai donc cherché à me rendre compte de ce qui s'est passé dans ces différents pays et examiner la situation respective des chemins de fer exploités par l'Etat et des chemins de fer exploités par l'industrie privée.

Voici, messieurs, d'après les derniers rapports qui nous ont été soumis ceux de 1868, quelle est la progression qu'a prise le matériel des chemins de fer exploités par l'Etat belge :

En 1862, le matériel renseigné dans le rapport annuel du gouvernement s'élevait à une valeur de 69,000 francs par kilomètre, en 1865 à 83,000 fr., en 1867 à 92,000 fr. et en 1868 à 96,795 fr.

Depuis que ce dernier rapport nous a été soumis, plusieurs lois ont été votées, qui ont probablement porté ce matériel à une valeur de plus de 100,000 francs.

Aujourd'hui on nous demande un crédit qui doit augmenter ce matériel d'environ 8,000 francs par kilomètre. Avec ce matériel de cent et des mille francs, nous ferons une recette d'environ 50,000 francs par kilomètre.

Voyons, maintenant, ce qui se passe dans d'autres exploitations et voyons si la même proportion est gardée par rapport au trafic fait par elles.

Je prends d'abord comme point de comparaison les chemins de fer français.

Le réseau du Nord de la France est divisé en deux parties : l'ancien réseau et le nouveau.

L'ancien réseau, qui aune longueur de 1,066 kilomètres, a un matériel qui vaut en totalité 94 millions de francs, soit une valeur par kilomètre de 88,000 francs. Avec ce matériel, l'ancien réseau réalise une recette de 81,700 francs par kilomètre.

Sur le nouveau réseau, le matériel n'est que de 32,600 francs par kilomètre, et la recette est de 29 à 30 mille francs.

Enfin sur l'ensemble des lignes, le matériel représente une valeur de 75,000 francs par kilomètre, avec une recette de 65,000 francs environ.

Je prends maintenant le chemin de fer de l'Est. Le réseau de l'Est est divisé en trois parties. L'ancien réseau, qui est de 979 kilomètres, a un matériel de 57,742 francs par kilomètre. Le nouveau réseau, qui a 1,534 kilomètres, a un matériel dont la valeur par kilomètre est de 38,600 francs.

Enfin, il y a un troisième réseau qui était en construction à l'époque du rapport et qui n'était que partiellement exploité.

Or, la recette de l'ancien réseau, avec un matériel de 57,000 francs, comme je l'ai dit, est de 63,000 francs par kilomètre.

La recette du nouveau réseau s'élève à 27,500 francs.

Je ne me suis pas donné la peine de calculer la recette des parties exploitées du réseau en construction ; cela n'a pas d'importance.

Vous voyez donc que, pour le réseau de l'Est, la recette totale est supérieure à la valeur du matériel.

Vient un troisième réseau, l'Ouest français, qui est aussi divisé en ancien et en nouveau réseau. La longueur de l'ancien réseau est de 900 kilomètres, celle du nouveau réseau est de 1,156, le matériel vaut 76,517,000 fr. pour les deux réseaux, soit environ 38,260 francs par kilomètre.

La recette de l'ancien réseau s'élève à 65,436,347 francs, soit 70,485 fr. par kilomètre.

Vous voyez encore, messieurs, que pour les chemins de l'Ouest, qui sont des plus importants comme trafic, le matériel ne coûte que 70,000 francs par kilomètre et cependant il réalise une recette qui est de beaucoup supérieure à la recette des chemins de fer belges.

Enfin, messieurs, nous avons le réseau du Midi de la France, qui est également divisé en ancien et en nouveau réseau. L'ancien réseau a une longueur de 800 kilomètres et un matériel qui est porté au bilan pour 47,045,700 francs, ce qui répond à une valeur de 58,806 francs par kilomètre.

(page 541) La recette de cet ancien réseau s'élève à 57,454,000 francs, soit à 46,935 francs par kilomètre.

Le nouveau réseau n'étant pas encore entièrement exploité à la date du rapport, je n'ai pas cru devoir faire des calculs sur le produit kilométrique.

Vous voyez, messieurs, par ces exemples pris dans les derniers rapports des diverses administrations des chemins de fer français, que la valeur kilométrique du matériel y est de beaucoup inférieure à celle des chemins de fer exploités par l'Etat belge.

J'ajouterai qu'en France le prix du matériel, voitures, locomotives, etc., est de beaucoup plus élevé qu'en Belgique, c'est-à-dire que pour une même somme d'argent on y obtient moins de waggons, moins de locomotives, ce qui réduit encore la proportion du matériel employé sur les lignes.

J'ai porté mes investigations plus loin ; j'ai voulu voir si en Angleterre, où l'industrie des chemins de fer est plus ancienne que sur le continent, si le matériel y a suivi la même progression qu'en Belgique, et si la valeur du matériel roulant y est aussi grande que chez nous pour une longueur donnée.

Voici, messieurs, les détails, sur quelques-uns des principaux chemins de fer de l'Angleterre, puisés dans les rapports de leurs conseils d'administration.

Voici le Great Western dont la longueur totale, y compris ses ramifications et embranchements, est de 1,405 milles, soit 2,354 kilomètres. La valeur du matériel roulant s'élève à 4,759,095 livres sterling, soit 120,167,102 francs, ce qui porte la valeur par kilomètre à 52,050 francs, c'est-à-dire, à moins de la moitié de la valeur du matériel belge. Cependant je vois dans les états que le matériel est très important puisque je note entre autres 867 locomotives, 2,300 voitures et plus de 18,000 waggons.

Je prends une autre ligne, une des plus importantes de l'Angleterre ; le London North Western,

La longueur de ce chemin de fer est de 1,475 milles avec des embranchements très nombreux, soit 2,365 kilomètres. La valeur du matériel s'élève à 5,351,000 livres sterling ou 135 millions de francs, ce qui donne une valeur kilométrique de 57,000 francs.

Sur le Bristol and Exeter, je vois que la valeur kilométrique du matériel est de 56,000 francs.

Vient ensuite le London and South Western. La longueur de ce chemin de fer est de 1,080 kilomètres. La valeur du matériel est de 40,775,000 francs, ce qui fait par kilomètre 37,685 francs.

Voici encore un des principaux chemins de l'Angleterre, un de ceux dont on peut dire que leur trafic est colossal, puisque, sur certaines sections près de Londres, les trains se suivent de cinq en cinq minutes, le Great Northern. Sa longueur est de 816 kilomètres. La valeur du matériel est de 60,609,000 francs, soit 74,000 francs par kilomètre.

Le London and South Coast ; sa longueur, 587 kilomètres. Valeur du matériel par kilomètre, 57,790 francs.

Enfin, le Midland Railway, qui est également un des chemins de fer où le trafic est le plus considérable, peut être cité comme l'un de ceux où le trafic est des plus importants ; sa longueur est de 1,280 kilomètres ; la valeur du matériel, 93 millions, soit par kilomètre, 72,672 francs.

Vous voyez, messieurs, par ces quelques comparaisons, que les chemins de fer exploités par l'Etat belge ne sont nullement moins bien partagés qu'aucun de ceux que je viens de citer.

Leur trafic est de 50,000 francs environ par kilomètre et leur matériel roulant s'élève à plus de 100,000 francs par kilomètre, tandis qu'aucune des lignes que je viens de citer n'atteint ce chiffre.

Ce matériel est-il suffisant ou ne l'est-il pas ?

Voilà ce que je vais tâcher d'examiner d'après les renseignements qui nous sont fournis par le département des travaux publics et la section centrale.

Que nous dit la section centrale dans son rapport ? Que les circonstances dans lesquelles se trouve actuellement l'Europe ont attiré vers Anvers un trafic inattendu ; que, d'un autre côté, le gouvernement prussien, à plusieurs reprises, a fermé les issues vers ses frontières et a ainsi empêché le trafic de se faire régulièrement de ce côté. D'où, pour moi, il résulte, quoique ce ne soit pas dit d'une façon explicite dans l'exposé et les rapports, mais il en résulte implicitement qu'une partie de notre matériel a servi d'entrepôt aux marchandises en destination de la Prusse et de la France. Des waggons restaient chargés soit dans la gare d'Anvers, soit en chemin, de marchandises destinées soit à l'Allemagne, soit à d'autres pays.

S'il en est ainsi, ne serait-il pas dangereux d'augmenter considérablement le matériel pour parer a des circonstances tout accidentelles et qui, peut-être, auront cessé d'exister quand le premier waggon nouveau sera mis sur la voie ? Mais, dans tous les cas, cette explication ne me satisferait pas d'une manière complète, car d'après des renseignements qui n'ont été donnés, une partie assez notable du matériel du chemin de fer du Nord de la France serait entré en Belgique et y aurait trouvé de l'emploi.

Je crois que l'une des trois ou même les trois raisons que je vais signaler peuvent être les vraies causes du manque de matériel dont on se plaint.

Première raison. - Le matériel existant sous forme de locomotives, waggons, etc., et qui est renseigné aux livres des chemins de fer belges pour une valeur de cent et des mille francs par kilomètre, existe-t-il bien réellement sur les voies ? Ce sera l'une des questions que j'aurai l'honneur de poser tout à l'heure à M. le ministre des travaux publics ; j'espère que par la réponse qu'il nous fera, non pas aujourd'hui, mais lors de la discussion de son budget, nous aurons là-dessus tous nos apaisements.

Ou bien le chemin de fer de l'Etat, comme voie de transport, n'est pas établi dans les conditions voulues pour tirer d'un matériel quelconque tout le parti possible. C'est là évidemment une des causes qui peuvent rendre un matériel nombreux nécessaire. Supposons que les stations, les voies d'évitement, les voies de garage soient incomplètes, ou insuffisantes, ou mal établies ; n'est-il pas clair dans ce cas qu'on aura besoin d'un matériel beaucoup plus considérable que si la circulation pouvait se faire librement et sans interruption forcée ? Prenons pour exemple l'état des chemins de fer à Bruxelles ; n'est-il pas évident que la séparation des stations du Nord et du Midi constitue, pour les transports généraux de la Belgique, un obstacle très sérieux ; on peut même dire que cet obstacle est parfois plus grand que n'est le Pas-de-Calais pour les transports du Nord entre la France et l'Angleterre.

Il faut souvent plus de temps à un voyageur ou à un waggon de marchandises pour traverser l'obstacle existant à Bruxelles qu'il n'en faudrait au même voyageur ou à la même marchandise pour traverser l'obstacle créé par la Manche.

De là, messieurs, l'indispensable nécessité d'avoir un matériel plus considérable. Il est évident qu'un waggon de charbon, qui pourrait aller de Mons à Anvers en deux ou trois heures, s'il ne rencontrait Bruxelles sur son chemin, est souvent obligé de mettre deux jours pour le même trajet.

En d'autres termes, s'il ne peut faire qu'un voyage dans un laps de temps où il pourrait en faire deux ou trois, il faut de toute nécessité un matériel double ou triple, pour satisfaire aux mêmes nécessités de trafic.

J'espère que, dans un temps plus ou moins rapproché, cet obstacle sera partiellement levé par la jonction des stations du Nord et du Midi à Bruxelles, au moyen du chemin de ceinture. Mais, si rapprochée que soit cette époque, je constate, en passant, qu'il aura fallu plus de temps pour l'opérer qu'il n'en a fallu pour établir le chemin de fer de la Californie, lequel traverse deux chaînes de montagnes comme il n'en existe pas en Europe. C'est là une des preuves les plus frappantes de l'habileté gouvernementale en matière d'industrie.

Les obstacles qui existent à Bruxelles pour le passage des trains et pour les manœuvres peuvent exister ailleurs ; ils existent, à ma connaissance, dans presque tous les grands centres d'industrie et de commerce du pays. Il est élémentaire qu'avec un mauvais outil on ne puisse pas faire la même besogne qu'avec un bon, et que l'importance considérable qu'on donne au matériel, proportion gardée avec la longueur des chemins de fer et avec la valeur du trafic, est en partie le résultat de l'imperfection des chemins de fer de l'Etat belge.

Je dois ajouter que cette situation ne s'est pas améliorée par la reprise des lignes de la société des Bassins houillers.

Enfin, messieurs, il peut y avoir une troisième cause du manque de matériel, c'est l'accroissement continu des transports.

Il est évident que les affaires d'un pays ne restent pas stationnaires ; que le commerce et l'industrie s'accroissent constamment ; qu'il faut satisfaire à leurs besoins ; que ce soit l'Etat, ou que ce soient des sociétés particulières qui exploitent les chemins de fer, ils doivent tirer de l'instrument mis entre leurs mains tout le parti possible.

C'est sur ce dernier point surtout qu'on s'est appuyé pour demander l'accroissement du matériel.

Avant de me prononcer sur ce point, je désire que M. le ministre des travaux publics nous donne des explications plus complètes que celles qui sont consignées dans l'exposé des motifs.

Pour ma part, je suis convaincu que le matériel qui est entre les mains de l'administration des chemins de fer serait suffisant si nos chemins de (page 542) fer étaient dans de bonnes conditions d'exploitation. D'un autre côté, je doute que l'administration, même avec un bon instrument, puisse en tirer le parti que l'industrie privée en tirerait.

J'en vois la preuve dans la solution que l'administration a donnée dernièrement aux difficultés d'Anvers, solution que j'ai déjà signalée à votre attention et qui me paraît assez extraordinaire, en ce sens que l'administration a mis à l'amende les victimes de son imprévoyance.

L'industrie privée, dans un embarras semblable, se serait adressée à ses clients ; elle aurait dit : « Le matériel a pour moi une valeur de ... par heure ; tâchez de me faire gagner du temps, et je vous donnerai des avantages sur le prix du transport. » Un arrangement serait intervenu, et chacun s'entraidant, on aurait fait, avec le même nombre de waggons, deux ou peut-être trois voyages, tandis qu'on n'en fait qu'un ou moins, quand on suit la routine administrative.

Je ne me prononce pas, j'attends des explications. Je vous ai donné les raisons qui me font croire que ce n'est pas vis-à-vis d'une nécessité absolue que nous nous trouvons, mais vis-à-vis d'une nécessité relative.

Maintenant, je vais poser à M. le ministre des travaux publics les questions que j'ai annoncées, sans, toutefois, demander qu'il y réponde immédiatement, mais avant la discussion de son budget.

La première question est celle-ci. Malgré les termes précis de la loi du 1er mai 1834, nous ne sommes encore en possession que du rapport sur les opérations de l'année 1868.

Je n'ai pas encore vu celui de l'année 1869. Nous devrions même être bientôt en possession du rapport de 1870. Il est évident que, pour la discussion du budget, ces renseignements sont indispensables. Je demande donc à l'honorable ministre des travaux publics de vouloir bien les déposer et nous les faire parvenir le plus tôt possible.

J'appellerai l'attention de l'honorable ministre sur la seconde question. Il serait désirable, il serait même nécessaire quant au matériel roulant qui est renseigné, dans le rapport de 1868, pour la valeur de 96,000 francs par kilomètre, qu'il nous soit fait par les bureaux un tableau comprenant le dénombrement du matériel par espèce et autant que possible la répartition de ce matériel d'après les lignes exploitées.

Je m'explique. Il est certain qu'une partie du matériel ne quitte jamais les lignes auxquelles il est destiné, tandis qu'il y en a une partie en quelque sorte transitant sans cesse d'une ligne à l'autre.

Il serait utile que nous pussions avoir un tableau nous donnant à peu près les points de dépôt du matériel des chemins de fer. Il serait également utile, pour ne pas dire nécessaire, que nous eussions approximativement tout au moins une estimation administrative du matériel existant, afin que, s'il y a erreur dans la comptabilité qui attribue au chemin de fer de l'Etat 96,000 francs de matériel par kilomètre, nous puissions redresser cette erreur ; il est inutile qu'elle se perpétue dans nos écritures, il est utile, au contraire, que nous sachions exactement quelle est la valeur réelle du matériel existant.

Il est également utile et nécessaire, et je vous dirai tantôt pourquoi, que dans les bilans du chemin de fer les chiffres soient séparés, pour ce qui se rapporte aux travaux proprement dits, du matériel fixe de la voie.

Il est évident que si l'on veut se rendre compte de l'exploitation des chemins de fer et des charges qu'ils peuvent donner au pays, ainsi que des produits qu'ils donnent, il faut séparer ce qui s'use rapidement de ce qui ne s'use que lentement ou presque pas.

Il serait donc utile que, dans le prochain rapport, ces chiffres fussent séparés. Il serait également nécessaire, pour se rendre un compte exact de l'exploitation de chemins de fer, que l'administration dressât un tableau du matériel qui a été brisé, perdu dans des accidents, afin de déterminer le taux du risque à courir de ce chef.

Le matériel des chemins de fer est trop considérable pour que l'Etat ne soit pas son propre assureur. Le taux de l'assurance qu'il doit ouvrir dans ses comptes est donc un des éléments nécessaires pour juger d'une façon exacte des résultats financiers de l'exploitation.

Enfin, il serait nécessaire que nous pussions connaître d'une façon plus certaine que ne nous l'avons pu l'apprendre jusqu'ici par les comptes rendus de l'exploitation des chemins de fer de l'Etat, quels sont les résultats financiers exacts, au point de vue du trésor public, de l'exploitation des chemins de fer concédés et exploités par l'Etat ; notamment sur les lignes de Tournai, Jurbise, Dendre-et-Waes, Hal, Ath et Tournai, Braine-le-Comte à Gand, Lierre-Cumptich et le chemin de fer de ceinture autour de Bruxelles communiquant avec la station du Luxembourg.

Au moyen de ces renseignements, nous pourrons probablement nous rendre compte de ce que produira, dans l'avenir, l'exploitation nouvelle des chemins de fer que l'Etat a repris des Bassins houillers à partir du 1er janvier dernier.

S'il y avait quelque difficulté à trouver dans la comptabilité actuelle du chemin de fer les renseignements que je réclame, je demanderais à M. le ministre des travaux publics de bien vouloir faire prendre par ses bureaux les mesures nécessaires pour que ces renseignements pussent nous être fournis autant que possible avant la discussion de son budget.

J'ai déjà annoncé à l'honorable ministre et je confirme cette annonce avant de me rasseoir que mon projet est de proposer la séparation radicale des finances des chemins de fer exploités par l'Etat, de façon à faire voir d'une manière claire et précise quel est le montant du déficit que l'Etal subit de ce chef, tandis que ce déficit se dissimule aujourd'hui soit dans la dette publique, soit dans d'autres parties de notre budget. C'est en vue de faire des propositions basées sur des faits positifs que je demande à l'honorable ministre ces renseignements, que la loi du 1er mai 18341 prescrit, du reste, au gouvernement.

- M. de Naeyer remplace M. Vilain XIIII au fauteuil.

Projet de loi allouant un crédit supplémentaire de 5 millions au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Van Overloop. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi allouant un crédit supplémentaire de 5 millions au département de, la guerre.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Je demande que la Chambre, veuille bien fixer la mise à l'ordre du jour de ce projet de loi immédiatement après l'examen des projets dont elle a déterminé l'ordre de discussion au commencement de la séance.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi ouvrant un crédit spécial au budget du ministère des travaux publics, pour le matériel du chemin de fer de l’Etat

Discussion générale

M. Coomans. - Messieurs, il est juste et raisonnable de mettre les instruments d'une entreprise en rapport avec les exigences qu'elle a à satisfaire, et nous ne pouvons pas refuser à l'Etat les sommes nécessaires pour atteindre le but des chemins de fer qu'il exploite. Mais les 6 millions et demi qu'on nous demande encore sont-ils indispensables ? Sont-ils seulement utiles dans la mesure du profit qu'ils pourraient rapporter ? A cet égard, j'ai des doutes qui me sont inspirés moins par l'étude, nécessairement assez superficielle, que j'ai pu faire de nos chemins de fer que par le témoignage raisonné d'hommes que je considère comme compétents et qui la plupart se trouvent dans l'administration même pour laquelle on vient nous demander encore des sacrifices énormes.

On a été jusqu'à me dire que non seulement le supplément de matériel de locomotion que l'on veut acquérir n'est pas indispensable, mais que dans certaines éventualités, en supposant que les errements actuels continuent, il pourrait amener des résultats opposés à ceux que nous avons en vue, c'est-à-dire que, loin de répondre aux justes désirs du commerce, on augmenterait encore l'encombrement et, dans certains cas, le désordre signalé depuis longtemps.

Je n'ai pas manqué de prier ces hommes, officiellement compétents, de justifier leur avis ; ils m'ont donné quelques raisons, la plupart pratiques, que je crois de mon devoir de communiquer à la Chambre. Si l'honorable ministre ou d'autres membres de la Chambre prouvent que nous avons tort, je voterai volontiers les 6 millions et demi ; sinon, mon vote sera négatif.

Le grand vice de notre exploitation officielle n'est pas, à ce qu'il paraît, le manque de matériel roulant, c'est l'évidente insuffisance de nos gares, des moyens d'abriter nos locomotives, nos waggons, etc., des moyens de multiplier le jeu très compliqué de ces instruments de trafic.

Nos gares de premier ordre et même les secondaires ont été développées dans une certaine mesure. Cependant toutes ou presque toutes sont encore trop étroites.

Or, c'est là un point fondamental. Aussi longtemps que vous ne pourrez pas abriter convenablement tous vos waggons et les employer rationnellement les uns après les autres et autant que possible tous en même temps, vous créerez un encombrement fâcheux, vous stériliserez un capital considérable et vous n'aurez pas le moyen de satisfaire aux vœux du commerce et du public voyageur.

Voilà donc un premier point, c'est l'insuffisance des gares ; les agrandir est le premier devoir ; il y faut construire de vastes magasins.

Eh ! les gares ce sont les carrefours d'une ville ; ce sont les entrepôts en quelque sorte du railway.

(page 543) Si l'administration et la Chambre ont résisté jusqu'à présent à cette vérité avec une obstination telle, qu'on pourrait y voir un manque d'intelligence, je ne trouve qu'une explication à cette anomalie, c'est l'énorme élévation du chiffre qu'on serait obligé de nous demander pour mettre toutes nos gares en rapport avec les besoins du commerce, de l'industrie et des voyageurs.

On m'a dit - je ne sais si c'est vrai - qu'il faudrait une bonne trentaine de millions, le plus tôt possible, pour remédier à ce défaut d'espace et d'appropriation.

D'autres apprécieront ce chiffre.

Messieurs, on m'a signalé un second vice : c'est l'encombrement du matériel, produit aussi, paraît-il, moins par l'absence de ce matériel que par le mouvement déréglé auquel on le soumet.

On me dit, j'ai de la peine à le croire, que des waggons restent chargés 15, 20 jours et davantage.

Ces instruments mobiles sont immobilisés.

M. d'Andrimont. - C'est vrai.

M. Coomans. - Je sais bien qu'il faudra faire une grande part aux circonstances dans l'appréciation de ces faits, mais je sais aussi, comme témoin oculaire, que cet abus se produit depuis de longues années, bien avant les embarras que la guerre nous a suscités.

Donc s'il est vrai - on paraît l'avouer - que des waggons restent chargés 15, 20 jours et davantage, n'est-il pas clair que ce n'est pas le manque de waggons qui est la cause principale du désordre qui s'est introduit et qui se continue dans notre chemin de fer ?

C'est là un abus grave qui m'est attesté par des bouches qui n'ont pas intérêt à l'inventer. (Interruption.)

Puisqu'il y a des personnes qui paraissent incrédules, je pourrais dire que des waggons chargés ont été perdus.

Messieurs, à ce propos, je me souviens de la sensation produite dans une certaine partie du monde officiel de notre voie ferrée par l'invention d'un fonctionnaire de l'Etat, invention consistant en un waggon dédoublé, doublement mobile, qui aurait, pour ainsi dire, doublé en réalité notre matériel.

L'idée était' fort simple. C'était de composer le waggon de deux parties : la partie inférieure qui aurait presque constamment roulé et la partie supérieure qu'au moyen de crics et d'autres instruments on aurait soulevée rapidement, c'est-à-dire qu'on aurait pu en quelques heures libérer une foule de waggons qui, aujourd'hui, doivent attendre qu'il y ait un personnel suffisant pour les décharger.

Je n'entre pas dans les détails de cette invention, d'abord, parce qu'il me serait difficile de les indiquer d'une manière convenable, ensuite, parce que je ne veux pas abuser de votre bienveillante attention.

Cependant, il me paraît qu'au sujet du matériel, c'est un problème à résoudre que celui démultiplier le travail utile du matériel et d'en faciliter l'emploi.

Je trouverais très sage de la part du gouvernement d'encourager ces recherches-là.

Il a été loin de le faire, si je suis bien informé, car le fonctionnaire qui avait fait un travail très curieux à ce sujet a été prié de se mêler de ce qui le regardait.

Messieurs, il y a encore un vice que je dois signaler pour la deuxième ou troisième fois au gouvernement, c'est l'insuffisance du nombre des travailleurs proprement dits de l'administration de nos chemins de fer, surtout quant à sa portée commerciale.

Nous avons peut-être (quant à moi, j'en suis sûr et si je dis peut-être, c'est pour ne froisser personne), nous avons peut-être trop de chefs et pas assez de manouvriers. Quant à moi, j'ai vu, dans un moment de presse, un mouvement nécessaire retardé pendant une demi-heure parce qu'il n'y avait que deux hommes, deux employés inférieurs qui fussent chargés de ce mouvement et qui n'y pouvaient suffire. Mais à côté d'eux, il y avait deux employés plus ou moins messieurs, qui regardaient faire ou ne pas faire, comme les planteurs américains qui font faire le travail par leurs esclaves.

Comparaison à part, j'ai été indigné de voir que des fonctionnaires pas supérieurs du tout et sous aucun rapport, j'en suis sûr, que des fonctionnaires regardassent tranquillement deux hommes suer inutilement, alors que le publie devait attendre, inconvénient qui ne se serait pas produit, si ces messieurs avaient daigné mettre la main à l'œuvre.

Il faut plus de manouvriers et moins de chefs et je crois qu'on peut dire en vérité qu'il y a là un vice organique : trop de chefs, pas assez d'ouvriers.

Je serais heureux, quant à moi, de voir transformer l'économie qu'on pourrait réaliser par la réduction des cadres supérieurs en une augmentation du personnel et du salaire des ouvriers.

J'espère qu'en faisant ces observations je ne déplairai pas trop à l'honorable ministre des travaux publics.

Je déclare qu'à mon sens elles ne le concernent guère ou du moins qu'elles ne le concernent pas encore pour deux raisons : la première que les abus que je signale existent depuis si longtemps qu'il ne peut rien y avoir de personnel dans mon langage, et la seconde, c'est que l'honorable ministre n'est pas encore en état d'être réellement responsable de ce qui se passe dans son administration.

Je dois le dire avec ma franchise habituelle, ce qu'on appelle le dossier Wasseige, cette accumulation de griefs, la plupart sérieux, je veux bien le reconnaître, cette accumulation de griefs à l'adresse de l'administration des postes et des chemins de fer, ce dossier Wasseige, à cause du titre qu'il porte, me semble l'invention la plus inique et la plus sotte que l'on ait faite depuis longtemps. (Interruption.)

Comment ! on rendrait un ministre responsable d'une chose qu'il ne connaît pas, qu'il ne peut pas connaître ! (Interruption.) On m'interrompt ; je déclare que je suis partisan de la responsabilité ministérielle et que je suis très désireux de l'appliquer ; donc ce que je dis, c'est au point de vue de la justice et non pas pour faire fi de cette responsabilité ministérielle que je regrette de ne pas voir décrétée est surtout pratiquée depuis quarante ans.

Quoi ! je rendrais l'honorable M. Wasseige responsable d'une lettre qui s'égare, d'un waggon qui se fourvoie, d'un convoi qui n'arrive pas à l'heure réglementaire, alors qu'il lui est impossible non seulement de prévenir le mal, mais même d'en empêcher le retour !

Ces mêmes hommes qui grossissent du matin au soir le dossier Wasseige auraient pu signaler hier encore une lettre qui ne m'est point parvenue ; or, cette lettre m'avait été écrite par l'honorable M. Wasseige lui-même. Et j'irais rendre mon honorable ami responsable de la non-réception d'une lettre qu'il m'avait adressée !

Je devrais le rendre responsable d'un fait pareil, et ceux-là mêmes qui sont de cet avis ne trouvent pas le moindre brin de responsabilité à endosser à personne du chef d'une somme de 300,000 à 400,000 francs qui disparaît tout à coup des mains de l'Etat ! (Interruption.) Ni l'honorable M. Frère, ni les honorables conseillers de la cour des comptes ne sont responsables de cette perte énorme et c'est nous qui en serons financièrement responsables. Voilà ce qu'on prétend. L'honorable M. Wasseige est responsable d'une chose qui se passe à 40 lieues de chez lui et l'honorable M. Frère n'est pas responsable de ce qui se passe sous sa main, dans un cabinet voisin du sien !

Et les conseillers de la cour des comptes ne sont pas responsables non plus des papiers qu'on leur enlève ! Mais, messieurs, j'ai le droit de dire à l'un et aux autres, comme dans le Barbier de Séville, je pense : « On tient ce qu'on tient. » Vous étiez chargé de garder les papiers de l'Etat ; la cour des comptes était également chargée de les garder et de les bien garder, d'être de bons tuteurs pour leurs pupilles. Vous n'en avez rien fait ; et ceux qui trouvent que vous n'avez encouru de ce chef aucune responsabilité prétendent rendre l'honorable M. Wasseige responsable d'une lettre qui n'arrive pas, d'un convoi en retard, etc. Cela me paraît étonnamment illogique, par conséquent violemment inique.

On dit que les conseillers de la cour des comptes ne sont pas responsables. Messieurs, je fais mes réserves les plus complètes sur ce point. Ils auraient dû, tout au moins, faire des observations sur l'insuffisance de l'annulation des papiers confiés par M. Frère à la cour des comptes.

Je sais que la cour des comptes ne ménage pas ses observations, je lui en sais gré ; la plupart bonnes, je le sais bien ; mais je lui reproche une chose, c'est de n'avoir pas dit depuis longtemps à M. Frère : Vous annulez mal les titres de la dette de l'Etat. Voilà ce que la cour des comptes aurait dû dire ; ne l'ayant pas fait, je la trouve aussi coupable que M. le ministre, des finances et je m'en prendrais à tous ensemble.

M. Frère-Orban. - N'anticipons pas.

M. Allard. - Discutons-nous le crédit pour le matériel du chemin de fer ou le projet de loi relatif au vol commis à la cour des comptes ?

M. Coomans. - Je dis cela à titre d'argument.

M. Frère-Orban. - C'est un mauvais argument.

M. Coomans. - Il est assez naturel que vous le trouviez mauvais ; car si vous reconnaissiez qu'il est bon, vous admettriez par cela même que vous êtes responsable de cette perte de 300,000 à 400,000 francs.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu vient de vous démontrer curieusement une chose sur laquelle j'avais réuni aussi beaucoup de chiffres, à savoir que le matériel des compagnies les mieux administrées est très (page 544) inférieur, numériquement parlant, et sous le rapport de la capacité et de la valeur, au matériel de l'Etat belge.

Or, ces compagnies font des recettes supérieures aux nôtres.

Peut-être l'honorable M. Le Hardy a-t-il négligé un des termes de la comparaison. Les tarifs des compagnies étant plus élevés que les tarifs de l'Etat, la recette doit être supérieure, avec le même matériel. C'est possible ; mais il n'en est pas moins vrai que le matériel des compagnies les mieux administrées est bien inférieur à celui de l'Etat. Il y a là un sujet de méditation pour tout le monde.

Messieurs, je vais vous dire la dernière et peut-être la principale raison de la répugnance que j'éprouve à voter ce nouveau crédit. Celle raison la voici : c'est qu'à mon avis, notre matériel roulant est assez rétrograde, moins perfectionné que celui de beaucoup de chemins de fer étrangers que j'ai le plaisir de connaître. Je remarque depuis très longtemps une espèce de routine dans toutes nos administrations, surtout dans celle du chemin de fer.

Je ne vois pas qu'au point de vue de la locomotion, nous ayons réalisé des améliorations sérieuses en Belgique, depuis de longues années, l'Etat pas plus que nos compagnies, peut-être moins que nos compagnies. Si l'on fabrique encore pour des millions, car les six millions dont il s'agit en ce moment ne sont qu'une partie de la dépense qu'on va nous proposer encore, si l'on fabrique pour des millions d'instruments de locomotion sur le modèle actuellement suivi, eh bien, nous reculerons encore.

Je voudrais qu'on améliorât réellement, qu'on nous donnât des voitures plus commodes, et très vraisemblablement plus économiques.

Pourquoi n'avons-nous pas des voitures pour cinquante à soixante personnes, comme j'en ai vu à l'étranger ? A Naples, dans ce pays qu'on a qualifié d'éminemment rétrograde, le matériel des chemins de fer était supérieur au nôtre dès 1858. J'en dis autant des chemins de fer de la Lombardie, de la Suisse, etc. Il est très agréable de se promener au large dans ces voitures.

Nous nous obstinons à faire tout en petit sous tous les rapports. Je ne puis pas assez le dire : nous ne pouvons pas rester dans les voies où nous pataugeons depuis très longtemps. Il faut perfectionner notre matériel. C'est bien facile. Laissez au moins faire des essais, fabriquer quelques grandes voitures ; multipliez-y toutes les commodités, nous en profilerons tous, car soyez persuadés que l'intérêt du trésor n'est pas autre en cette matière que celui des populations.

M. Drion. - Tout en remerciant l'honorable ministre des travaux publics de ce qu'il a bien voulu faire pour venir en aide au commerce et à l'industrie dans la question du matériel des chemins de fer, je dois dire cependant que je le crois dans l'erreur quand il exprime l'opinion que l'augmentation du matériel des transports accordée depuis un an surtout et récemment promise sera suffisante pour satisfaire à tous les besoins.

Je reconnais avec lui que les événements extérieurs ont contribué à l'insuffisance et à l'irrégularité du service des transports pendant ces derniers mois. Il résulte néanmoins des renseignements qu'il nous a fournis que la balance des waggons de l'Etat retenus à l'étranger et des waggons mis extraordinairement à sa disposition ne se solde que par un déficit de 500 waggons au préjudice de l'exploitation des chemins de fer de l'Etat.

Pour arriver à vous démontrer, messieurs, combien est grande l'insuffisance du matériel de transport des matières pondéreuses, il n'y a rien de plus éloquent et de plus persuasif que des chiffres.

Or, je suis en possession d'un tableau très intéressant qui m'a été envoyé par l'association charbonnière du bassin de Charleroi, ce tableau indique d'une part le nombre de waggons demandés au gouvernement par les exploitants charbonniers, et d'autre part le nombre des waggons que le gouvernement a été à même de fournir auxdits exploitants pendant les mois de novembre, décembre 1870 et janvier 1871.

Du 1er au 30 novembre 1870, les charbonniers ont demandé 2,795 waggons ; ils en ont obtenu 2,045, soit un déficit de 748 waggons.

Du 1er au 31 décembre 1870, les mêmes industriels ont demandé 5,407 waggons, le gouvernement n'a pu leur en donner que 2,444, soit un déficit de 3,025 waggons, et cela pour une seule catégorie d'industriels pendant un seul mois et dans un seul arrondissement. Mais voyons ce qui s'est passé en 1869, car pour 1870 le gouvernement ne manquera pas de dire que la pénurie du matériel est le résultat de la guerre.

Pendant le dernier trimestre de 1869, tous les Bassins charbonniers réunis Charleroi, le Centre, le Couchant de Mons, Liège, ont demandé 59,249 waggons ; ils n'ont pu en obtenir que 36,310, c'est-à-dire que l'Etat n'a satisfait à ces demandes que jusqu'à concurrence de 61 p. c.

Que le gouvernement ne vienne donc plus nous dire que si le matériel a fait défaut en 1870, c'est par suite des circonstances extraordinaires dans lesquelles nous nous sommes trouvés ; la vérité est que le matériel a toujours été insuffisant.

Cette pénurie de matériel pendant ces derniers mois est d'autant plus regrettable pour mon arrondissement industriel que l'industrie charbonnière, qui nourrit à elle seule 35,000 ouvriers avec leurs familles, soit environ cent mille personnes, a été dans une position des plus critiques, tellement critique, qu'elle n'a pu qu'au moyen des plus grands sacrifices fournir du travail à la classe ouvrière pendant trois ou quatre jours par semaine. Je dois à la vérité de dire en passant, messieurs, que la classe ouvrière a, dans ces circonstances difficiles, montré un calme, un courage et une résignation dignes des plus grands éloges ; pas une plainte, pas un reproche ne furent adressés aux chefs d'industrie.

Relativement au matériel de transports, s'il m'était permis, messieurs, de donner un conseil au gouvernement, je l'engagerais à se montrer très large dans les dépenses que peut occasionner un service régulier et complet des transports, d'abord parce que le service complet et régulier est d'une nécessité absolue pour la prospérité de notre commerce et de notre industrie, ensuite parce que ces dépenses sont très productives et que l'Etat, comme entrepreneur de transports, doit en retirer de grands profits.

J'engage donc le gouvernement à en finir une bonne fois avec la question du matériel du chemin de fer et à demander à la législature le crédit nécessaire pour construire non pas mille, mais trois ou quatre mille waggons. Quoique le projet de loi ne me donne pas toutes les satisfactions désirables, je le voterai cependant, tout en regrettant que les crédits qui nous sont demandés ne soient pas plus considérables.

(page 549) M. Sainctelette. - Messieurs, je désire soumettre à la Chambre quelques observations, non pas sur le projet de loi présenté (je crois que dans les circonstances actuelles il n'y a pas autre chose à faire que de le voter), mais sur les mesures propres à prévenir désormais le retour d'une situation vraiment intolérable, source de pertes considérables pour le public et de difficultés incessantes pour l'administration.

Il est dans la nature des choses qu'il y ait toujours dans le trafic des transports un écart considérable entre la saison d'été et la saison d'hiver et que cet écart aille toujours en grandissant.

Les causes de cet écart, c'est-à-dire l'interruption de la navigation par la gelée, la consommation plus grande en hiver qu'en été des matières de chauffage et d'éclairage, le traitement de la betterave par les fabriques de sucre et les distilleries, les arrivages de grains étrangers nécessaires pour combler le déficit de la récolte nationale, les arrivages de coton et de laine, toutes ces causes sont des faits qu'il n'est pas en notre pouvoir de supprimer, de modifier et même de déplacer.

Ajoutez à cela que le chargement, le transport, le déchargement des waggons présentent en hiver beaucoup plus de difficultés qu'en été.

Vous vous trouvez donc en présence d'une situation qu'il n'est pas en votre pouvoir d'empêcher et qui ira toujours en se développant au fur et à mesure que s'accroîtront les besoins de nos populations et les travaux de nos industries.

Pour que le public soit bien servi, il faut, dès lors, qu'il y ait, en sus du matériel qui travaille toute l'année, un matériel de réserve ne roulant que pendant l'hiver, ne produisant que la moitié de son effet utile possible.

Mais est-il absolument indispensable que ce soit exclusivement l'Etat qui fournisse, ce matériel de réserve ?

Si je ne me trompe, aucun fait technique ne s'oppose à ce qu'on sépare la traction du transport proprement dit. L'intérêt de la sécurité publique exige incontestablement que la conduite des trains reste confiée à une seule et même administration, que la rédaction des itinéraires, leur combinaison, la fixation des heures de départ, la direction des parcours, etc., soient réglés par une seule et même pensée, obéissent à une seule et même impulsion.

Mais je ne crois pas que l'intérêt de la sécurité publique exige le moins du monde que les waggons destinés au transport des marchandises soient exclusivement fournis par l'Etat. On conçoit parfaitement un état de choses où l'Etat, conservant le monopole du service des voyageurs et même du service des marchandises à grande vitesse, bornerait son action, soit pour toutes les marchandises à petite vitesse, soit pour certaines d'entre elles, à ce que j'appellerai le remorquage des trains.

L'Etat continuerait à percevoir un péage du chef des frais d'établissement de la voie, de plus un prix de traction ; et les particuliers, expéditeurs ou entrepreneurs de. transport percevraient une rétribution du chef du matériel. En un mot, on peut parfaitement concevoir pour les transports par rails un état de choses analogue à celui que nous voyons, par exemple, sur les voies navigables, dont le service se fait sur chaînes noyées.

L'exploitant qui a posé la chaîne noyée ne fait pas le transport lui-même. Il se borne à remorquer, à conduire les navires que lui fournit le commerce. Seulement, il y aurait, entre le transport sur chaîne noyée et le transport sur rails, des différences de détails. Ainsi le transport sur chaîne noyée n'implique aucunement l'uniformité des navires, l'unité de matériel.

En matière de chemins de fer, il faudrait au contraire que tous les waggons fussent d'un type ou de types à déterminer par l'Etat.

En navigation, le navire remorqué conserve son équipage qui en reste maître. Le waggon, au contraire, une fois entré dans un train, échappe à l'action de l'expéditeur. Il faudrait donc régler les délais, les avaries, les parcours, convenir des amendes, etc., etc.

Mais ce sont là toutes conditions secondaires qui peuvent parfaitement être étudiées et fixées par voie de règlements généraux d'administration.

Messieurs, si vous y réfléchissez, vous constaterez que cet état de choses existe déjà en partie. Tous les exploitants de chemins de fer admettent à circuler sur leurs propres rails les voitures des autres compagnies. Vous voyez, chaque jour, passer sur les rails de l'Etat belge, soit les waggons des compagnies belges, soit même les waggons des compagnies étrangères. Il s'agirait tout simplement d'étendre à une certaine catégorie d'entreprises de transport, à une certaine catégorie d'expéditeurs les bénéfices des conventions faites entre exploitants de chemins de fer.

Non seulement, messieurs, le système que je viens d'esquisser devant la Chambre, paraît possible en théorie, mais il a pour lui cette grande recommandation d'être pratiqué en Angleterre et d'avoir été en France l’objet d'une étude approfondie.

En 1861, M. Rouher, alors ministre des travaux publics, chargea une commission composée de conseillers d'Etat et d'inspecteurs généraux des ponts et chaussées, présidée par M. Michel Chevalier, avec, M. Prosper Journeux pour secrétaire, de faire une enquête sur la construction et l'exploitation des chemins de fer.

Cette enquête a été publiée en 1865 par l'imprimerie impériale. Elle forme un des documents les plus intéressants que puissent consulter tous ceux qui s'occupent de chemins de fer.

La commission envoya en Angleterre un ingénieur en chef, M. Moussette, avec mission d'étudier l'exploitation des chemins anglais, et plus particulièrement les transports de matières pondéreuses.

Voici ce que j'extrais du rapport de M. Moussette :

« L'usage, à peu près général, d'après lequel le matériel nécessaire pour les transports minéraux est fourni par les expéditeurs, simplifie beaucoup le service de la petite vitesse sur les lignes anglaises. Ces transports entrent, en effet, pour plus des deux tiers dans le mouvement général des marchandises et ils constituent, on le sait, la partie du trafic qui est sujette aux fluctuations les plus nombreuses et les plus étendues.

« L'organisation anglaise laissant ainsi aux expéditeurs de matières minérales le soin de prévoir leurs besoins et d'y satisfaire, les compagnies de chemins de fer n'ont plus à pourvoir qu'à la traction, c'est-à-dire à la partie la moins compliquée du service. Dans tous les cas, il résulte de cette organisation que, pour les transports dont il s'agit, les questions du délai n'existent pas, puisque le service se résume par l'exécution d un remorquage. Dès lors, les compagnies n'ont à leur charge, comme fourniture de matériel et comme manutention, que la partie la moins considérable et la plus régulière des transports, celle qui comprend seulement les marchandises proprement dites ou marchandises de classes. »

Conformément aux conclusions de ce rapport, la commission consulta les compagnies françaises sur le mérite du système généralement adopté en Angleterre. Plusieurs compagnies montrèrent, je dois le reconnaître, une grande répugnance à entrer dans cette voie, mais quelques-unes des plus importantes, entre autres la compagnie du Nord et celle qui exploitait alors le réseau des Ardennes, déclarèrent ne point se refuser à en faire l'expérience.

« La compagnie du Nord et celle des Ardennes admettraient la mesure, pourvu que le droit accordé ainsi aux expéditeurs d'avoir des waggons leur appartenant en propre, fût restreint à certaines marchandises spéciales toiles que la houille, le coke et les minerais et qu'il s'agit de transports importants et d'un service régulier qui pût être réglée d'avance d'un commun accord. »

Enfin, messieurs, la commission, délibérant sur tout le travail de l'enquête qu'elle avait fait faire, prit les conclusions que voici :

« L'habitude qu'ont, en Angleterre, certains expéditeurs de posséder un matériel spécial pour leurs propres transports, a rendu à plusieurs grandes industries des services qu'il est bon de recommander à l'attention du commerce français et dont celui-ci, d'ailleurs, commence à sentir l'intérêt, ainsi qu'il résulte de quelques-unes des dépositions recueillies dans l'enquête.

« Cette introduction, dans le service des compagnies, de véhicules appartenant aux expéditeurs ou au commerce ne laisse pas que de présenter des difficultés et d'exiger des soins particuliers. L'Angleterre est jusqu'ici le seul pays où l'essai en ait été tenté. Il n'y a eu lieu même que sur certaines lignes, et, dès l'origine, on a dû le subordonner à des conditions toutes spéciales, dont les principales étaient que les waggons étrangers à la compagnie ne seraient employés qu'au transport de la houille, expédiée par grandes masses, que leurs parcours seraient strictement définis, que toutes les opérations de chargement et de déchargement incomberaient aux propriétaires des véhicules. En effet, jusqu'ici, cette catégorie de matériel n'a jamais servi qu'au transport du combustible minéral. Mais, même avec ces restrictions, l'emploi d'un matériel appartenant au commerce et venant s'ajouter à celui des compagnies de chemins de fer a été fort utile et au public et aux compagnies.

« On ne voit pas de raison pour ne pas recourir au même expédient en (page 550) France, sous des réserves analogues. L'expérience révélerait jusqu'à quel point les restrictions qui auraient été établies à l'origine pourraient être écartées ou modifiées, ou au contraire devraient être maintenues rigoureusement.

« En un mot, M. le ministre, la commission a pensé que le principe offrait des avantages, et il lui a paru que l'assistance de l'administration ne serait pas superflue pour décider les compagnies à se prêter à des expériences de ce genre.

« C’est ainsi qu'elle émet l'avis :. « Qu'il serait utile de favoriser, dans certains cas spéciaux, la fourniture des waggons par les expéditeurs. »

Vous le voyez, messieurs, en Angleterre, le problème a été résolu dans le sens que je viens d'indiquer. On me dit qu'il en est de même en Allemagne. En France, la question a été très sérieusement mise à l'étude. Je ne sache pas que dans notre pays jamais la question ait été sérieusement étudiée. Je la signale à l'attention de M. le ministre des travaux publics et de son département, je n'ai nullement la prétention de la résoudre. Je me borne à en recommander l'étude.

Pour la débattre en pleine connaissance de cause, il nous faudrait plusieurs données qui nous font défaut aujourd'hui.

Au point de vue financier, il y aurait à rechercher d'abord si le matériel en réserve laisse un produit rémunérateur, si les waggons qui ne travaillent que cinq ou six mois par année parviennent cependant à couvrir les frais d'entretien, les intérêts et l'amortissement du coût de construction. Dans l'affirmative, il y aurait évidemment lieu de délibérer avant de prendre une résolution. Mais, dans la négative, je crois qu'il n'y aurait plus grande place au doute. Car, non seulement on soulagerait d'une cause de pertes le trésor des chemins de fer de l'Etat, mais on débarrasserait l'administration d'une tâche ingrate, qui soulève périodiquement contre elle le commerce et l'industrie.

En second lieu, vous atteindriez ce résultat, qui ne paraît pas à dédaigner, de renfermer dans de certaines limites le capital immobilisé en construction de matériel roulant.

Du point de vue du public, il y aurait lieu de rechercher au profit de quelles catégories de marchandises, à quelles conditions, pour quels prix, pendant quelles périodes on admettrait la libre circulation des waggons privés ; quelles restrictions il faudrait y apporter dans l'intérêt de l'Etat ; quelles garanties on pourrait donner aux particuliers que leurs waggons resteront exclusivement affectés aux services et aux parcours convenus. Il y a là, comme je le disais tout à l'heure, tout un contrat à étudier, et vraisemblablement un contrat dont on ne trouvera la formule qu'après quelques tâtonnements.

Je ne me dissimule pas que, pour les industriels, il y aurait une première difficulté à vaincre, puisqu'ils devraient ajouter aux fonds nécessaires pour faire marcher leur industrie, la dépense considérable d'un premier établissement de matériel roulant. Je pense cependant que les industriels parviendront plus facilement que l'Etat à atténuer cette difficulté. Leurs prix de transport se prêteront avec plus de flexibilité aux fluctuations de l'offre et de la demande que ne font les prix de l'Etat.

Dans l'état actuel des choses, le waggon échappe à l'action de la loi de l'offre et de la demande. Il est toujours payé au même prix, quelle que soit la situation relative de l'offre et de la demande de transports.

Nous avons traversé plusieurs périodes d'activité excessive pendant lesquelles les marchandises de toute nature avaient atteint le maximum de leur valeur ; seul le transport par chemin de fer, si demandé qu'il fût, n'augmentait pas de prix. On continuait de le faire aux conditions ordinaires.

Nous avons vu, en sens inverse, des années où la saison d'été a été particulièrement défavorable pour le trafic des chemins de fer, où les gares étaient encombrées de matériel roulant qui tantôt pourrissait à la pluie, tantôt se desséchait au soleil ; alors le matériel était offert, toutes les marchandises étaient en baisse, seul le transport sur waggons restait rivé au même taux.

Je crois donc qu'il y a pour une administration générale et surtout pour celle de l'Etat, beaucoup plus de difficultés que pour des particuliers, à faire subir aux prix de transport des fluctuations proportionnées aux variations de l'offre et de la demande.

Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, de cette question spéciale, je reconnais que, même avec la possibilité de faire mouvoir les prix conformément aux fluctuations de la demande, la nécessite d'augmenter le capital immobilisé serait, pour l'industriel, un inconvénient sérieux du système que j'énonce. Mais j'y vois pour eux, dans un avenir assez rapproché, de bien grandes compensations.

Il est incontestable que lorsque le matériel privé pourra circuler sur les lignes de l'Etat, les expéditeurs arriveront à grouper leurs envois pour former des trains complets et réguliers en vue de certaines destinations ; que, soit des établissements métallurgiques, soit des fabriques de sucre, soit des usines à gaz. soit de grands expéditeurs réunis dans un même centre, s'entendront pour livrer chaque jour à l'Etat, dans une station déterminée et à un moment donné, un train entier en vue d'une seule et même destination. Dans cet état de choses, ils auront incontestablement droit à de grandes réductions des prix de transport.

La première règle du commerce, c’est que l'on fait aux consommateurs des prix différentiels selon l'importance des demandes. Logiquement on ne peut demander à ceux qui offrent à transporter 500 tonnes à 40 kilomètres, le même prix qu'on demande à ceux qui offrent à transporter 5 tonnes à un kilomètre. Lors donc que l'on sera arrivé à former des trains entiers auxquels il n'y aura plus qu'à attacher une locomotive, on entrera dans la voie du péage fixé par train, et l'on préparera la suppression des frais fixes, c’est-à-dire une réforme vivement désirée par un grand nombre d'industriels.

On ne pourrait aujourd'hui supprimer les frais fixes, d'une façon absolue, pour toutes les classes et pour toutes les catégories de marchandises, sans compromettre grandement les ressources de notre railway. On ne pourrait pas non plus le faire justement, parce que les frais fixes, lorsqu'ils sont perçus pour de petites quantités ou pour de petits parcours, ont leur raison d'être et ne sont que la rémunération de travaux réels. Au contraire, du moment que l'on sera arrivé à avoir des trains formés directement par l'expéditeur et qui ne donneront plus à l'Etat d'autre service à faire, que celui de la traction, on pourra, pour ces trains exceptionnellement, supprimer les frais fixes, les supprimer sans commettre d'injustice et, tout en ménageant les revenus du chemin de fer, réaliser une grande réforme, à l'entière satisfaction du pays.

Messieurs, il y aurait un autre très grand avantage à rendre les expéditeurs maîtres de leurs envois, c’est qu'ils varieraient les emplois du matériel selon les nécessités du moment, envoyant leurs waggons aux rivages pendant l'été, les dirigeant sur les grands réseaux pendant l'hiver, les faisant circuler tantôt en France tantôt en Belgique, intéressés qu'ils seraient à ne pas les laisser chômer et, par conséquent, à fournir à l'Etat de la matière à traîner.

Si la question très grave que je viens de poser et qui doit être examinée, je le reconnais, avec une grande circonspection était résolue, en ce sens qu'il faut laisser à l'Etat le monopole des transports comme celui de la traction, je crois qu'il y aurait encore quelque chose à ajouter aux excellentes mesures, les unes proposées par M. le ministre, les autres recommandées par la section centrale.

Il paraît d'abord qu'au lieu de procéder au renouvellement du matériel par soubresauts, à des intervalles éloignés, il faudrait constamment s'en occuper.

On connaît la loi de progression du trafic, on connaît la loi d'usure du matériel ; il semble donc qu'avec un peu de bonne volonté il doive être facile de déterminer les proportions que doit avoir, au commencement de chaque saison, le matériel roulant, pour suffire non seulement aux besoins normaux, mais encore à la progression des transports.

Je voudrais donc que les crédits pour matériel fussent demandés régulièrement.

En second lieu, je reconnais qu'une des mesures principales de la réforme à introduire, c’est l'agrandissement des gares et de toutes les installations ; notre administration des chemins de fer, qui d'ailleurs a rendu d'immenses services au pays, a, il faut bien le reconnaître, toujours eu un peu trop de défiance d'elle-même. Nos gares, qu'il s'agisse du service des voyageurs ou qu'il s'agisse du service des marchandises, ont presque toujours été établies dans de telles conditions, qu'au bout de trois à quatre ans, elles ont été reconnues insuffisantes.

On a trop oublié que l'on construisait pour l'avenir, que les installations établies devaient faire face aux besoins d'un trafic toujours croissant. Aussi la plupart des gares sont-elles aujourd'hui trop petites, surtout pour le service des marchandises. L'encombrement des gares est incontestablement une des principales causes de la raréfaction du matériel et il n'y a pas grande exagération dans certains renseignements fournis par d'honorables préopinants.

Je crois que, indépendamment du remède proposé par M. le ministre des travaux publics et appuyé par la section centrale, il y en a un autre que je recommande à la sollicitude du gouvernement. C’est l'organisation du camionnage pour les marchandises de petite vitesse. Je me demande si ce ne serait pas une bonne chose, non pas de rendre le camionnage (page 551) obligatoire, mais d'organiser sur une grande échelle le camionnage des marchandises pondéreuses. Je reconnais qu'il faut laisser aux industriels le soin de faire le camionnage de leurs propres produits, mais, pour ce qui concerne l'alimentation du foyer domestique, qui, dans une ville comme Bruxelles, occupe nécessairement un grand nombre de waggons, surtout au commencement de l'hiver, il est évident que l'organisation du camionnage pourrait avoir de bons résultats et ferait plus vite dégorger les gares.

Je demanderai enfin à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien, dans le prochain compte rendu des opérations du chemin de fer, nous indiquer le degré d'utilisation du matériel, c'est-à-dire combien de jours par an ou d'heures par semaine un waggon roule à charge et par conséquent avec profit pour l'Etat.

J'ai cherché ce renseignement dans le compte rendu, je ne l'y ai pas trouvé. J'ai vu des statistiques sur l'emploi des rails et des billes ; mais je n'ai trouvé nulle part la proportion de temps pendant lequel un waggon travaille réellement, le temps qu'il passe en manœuvres, en déchargements, etc.

M. Jamar. - Quatre-vingts à quatre-vingt-douze jours par an.

M. Sainctelette. - Ainsi, moins du quart de l'année. Eh bien, on devrait tâcher d'augmenter cette utilisation. Je demande s'il n'y aurait pas lieu d'organiser, dans ce but, un système de primes d'encouragement.

(page 544) M. David. - Messieurs, j'ai toujours été très sympathique à toutes les demandes de crédit que le gouvernement a faites a la Chambre pour améliorer les moyens de transport tant par eau que par terre et par le chemin de fer ; je suis dès lors très disposé à voter le crédit spécial dont la Chambre s'occupe en ce moment.

Cependant, il me semble que nous pourrions tirer un meilleur parti du crédit sollicité, en le destinant pour une forte part à l'agrandissement des stations grandes et petites. A mon sens, c'est à l'encombrement des stations que nous devons attribuer en partie la pénurie de waggons dont nous avons souffert jusqu'à présent.

L'enchevêtrement, l'emprisonnement des waggons dans les stations, même dans les moins importantes, est tel, qu'il n'est plus possible de dégager certains waggons vides ou chargés qui se trouvent sur les voies de garage dans les stations.

Je vous citerai quelques exemples de l'immobilisation singulière de notre matériel.

Un marchand de bois, dans la localité que j'habite, avait demandé des planches à Louvain. Elles sont expédiées de Louvain sur deux waggons le 27 décembre, il ne les a reçues que le 7 janvier. Ces deux waggons se trouvaient dans une station quelconque, tellement enfermés qu'il aura été impossible de les en faire sortir.

Un grand industriel de Verviers avait demandé du charbon ; après quinze jours d'attente, ne voyant pas arriver le charbon, il s'en informe, les waggons étaient enfermés au bout d'une voie de garage à Chênée, d'où on ne pouvait les faire sortir.

Une houillère à Ans, dans les environs de Liège, avait expédié, le 4 janvier, quatre waggons de charbon pour Aix-la-Chapelle. Le 18 janvier les waggons n'étaient pas arrivés. Entre le 4 janvier et le 18 janvier, il n'y avait pas eu d'interruption dans le service international. Ces waggons ne sont pas encore arrivés à Aix pour le moment, je pense. Voilà donc des waggons qui pendant plus d'un mois sont restés dans une station sans rendre aucun service.

A mon sens, on devrait commencer par élargir nos stations, y établir un plus grand nombre de voies de garage et avoir soin de laisser entre elles des espaces assez larges pour que les camions, voitures et charrettes puissent facilement y circuler, charger et décharger les waggons.

Par l'exiguïté des, stations et le mauvais aménagement des voies de garage, il arrive même que le déchargement des waggons traîne incroyablement en longueur.

C'est ainsi qu'à Verviers nous avons souvent vu le cas où le déchargement d'un waggon était commencé à tel endroit de la station ; pendant que le camionneur conduisait la première partie de la charge au destinataire, on avait manœuvré, déplacé le waggon en déchargement, on ne pouvait le retrouver qu'après de longues recherches, il avait été poussé à moitié déchargé dans un coin de la station où il était inabordable pour le (page 545) camionneur qui souvent ne pouvait achever l'enlèvement de la marchandise que le lendemain.

Un grand nombre de petites stations, eu égard au trafic qui s'y fait actuellement, sont également trop étroites.

Il faudrait aussi, pour arriver a une amélioration prompte de l'état d'encombrement des stations, que le département des travaux publics se montrât un peu plus généreux quant au taux des salaires des ouvriers des stations, qui devrait être augmenté de quelques centimes par jour, et que le nombre d'ouvriers pour charger, décharger, pousser les waggons et former les trains de marchandises fût accru. Dans la station la plus rapprochée de ma localité, les ouvriers, obligés de travailler jusqu'à 11 heures du soir, ne peuvent suffire à la besogne comme partout. Le service doit nécessairement souffrir de l'excès de leur fatigue.

Il y a une autre raison pour que le service des voyageurs et même des marchandises soit très souvent entravé ; toutes nos stations de marchandises se trouvent établies à côté des stations de voyageurs ; il en résulte que lorsqu'on veut faire manœuvrer des convois de marchandises, on est toujours obligé d'emprunter les voies de grande circulation ; de là les retards apportés à chaque instant dans le départ des trains de voyageur» ; de plus quand le passage d'un convoi de voyageurs est attendu, toute manœuvre et formation de train de marchandises doit cesser et de là des pertes de temps considérables pour l'expédition de ces derniers trains.

En Angleterre, messieurs, ou du moins pour les parties de ce pays que j'ai parcourues, les stations à marchandises ne sont pas attenantes aux stations de voyageurs. Il y a, dans ce pays, des gares à marchandises établies de telle façon qu'on peut y manœuvrer, former les trains à marchandises, en dehors des voies destinées aux trains de voyageurs ; ces trains préparés, ils sont alors lancés sur la voie de grande communication à la suite des convois de voyageurs.

Voilà, messieurs, toutes causes de retard qu'il serait, urgent de faire disparaître avant d'augmenter trop notre matériel ; les transports se feraient alors plus facilement, plus rapidement et d'une manière plus régulière.

J'appelle donc, en terminant, messieurs, l'attention la plus sérieuse de M, le ministre des travaux publics sur l'agrandissement des stations. Le manque d'espace des stations est pour moi une des causes principales de la pénurie du matériel, qui cause aujourd'hui tant de préjudice à notre industrie. Si les waggons, au lieu de devoir rester quinze jours dans une station, pouvaient être expédiés et déchargés immédiatement et reprendre aussitôt leur service, il est évident qu'on pourrait transporter une quantité extrêmement considérable de marchandises, en plus de ce qui se fait aujourd'hui, et que le manque de matériel ne se ferait pas, à beaucoup près, autant sentir que dans l'état de choses actuel.

M. Van Iseghem. - J profiterai de la discussion du projet qui nous est soumis pour demander à la Chambre la permission de l'entretenir un instant de la station d'Ostende.

Par la dernière loi relative à des travaux publics, on a mis à la disposition du gouvernement un premier crédit de 350,000 francs pour agrandir et améliorer cette station.

Le gouvernement demande maintenant un crédit de 1,750,000 francs pour l'agrandissement des voies de garages, etc., dans les stations. Par conséquent il pourrait, selon moi, disposer, en faveur de la station d'Ostende, d'une somme d'au moins 500,000 francs.

Depuis la fin de décembre et pendant le commencement du mois de janvier, de tous les ports de la mer du Nord le port d'Ostende seul a été ouvert ; les arrivages ont été nombreux ; la station est complètement insuffisante sous tous les rapports ; la place manque et les manœuvres sont excessivement difficiles.

En été, nous avons à Ostende de nombreux convois de voyageurs qui arrivent ; même inconvénient pour les manœuvres des trains, de manière que nous avons les inconvénients toute l'année.

Il y a eu des waggons qui sont restés chargés à Ostende pendant plusieurs jours en gare avant de pouvoir être expédiés, à cause de la situation déplorable de la station ; le désordre était donc on ne peut plus grand. Si à cela on ajoute le manque de matériel, on se fera facilement une idée de l'encombrement qui existe dans la station d'Ostende.

L'honorable M. Coomans a dit tout à l'heure qu'il y a des waggons qui restent non déchargés pendant un grand nombre de jours dans les stations. Je puis, messieurs, appuyer cette assertion ; j'ai vu, de mes propres yeux, des waggons qui 'étaient chargés pour l'exportation et qui restaient en gare pendant très longtemps.

Je sais très bien, messieurs, qu'il y a une amende à payer pour les waggons qui en sont pas déchargés dans le délai prescrit, mais elle estinsuffisante ; les expéditeurs préfèrent la payer que de décharger les waggons et d'emmagasiner les marchandises.

Il y a, sous ce rapport, dans les observations présentées par l'honorable M. Coomans, beaucoup de vrai.

Depuis plus de trois ans, il est reconnu que la station d'Ostende est insuffisante et qu'elle doit être agrandie. Les fonds pour cet objet sont, en partie, votés depuis neuf mois, mais, jusqu'à présent, on n'a pas encore mis la main à l'œuvre.

Je voudrais savoir de M. le ministre des travaux publics, si les plans ont déjà été approuvés. Je prie M. le ministre de me dire quand on pourra commencer les travaux et je l'engagea donnera l'administration des ordres sévères pour qu'on n'apporte plus de retard dans l'exécution des projets.

Je désire aussi savoir quand le nouveau débarcadère pourra être mis à la disposition des malles-poste. Nous avons maintenant la malle des Indes par le port d'Ostende, et si les départs ne peuvent avoir lieu immédiatement, on pourrait perdre ce transit. Cela dépend quelquefois d'une heure ou d'une demi heure de retard dans l'embarquement des voyageurs et des bagages. Si l'on pouvait utiliser le nouveau débarcadère, on gagnerait une bonne demi-heure pour embarquer les bagages, les malles et les voyageurs et on ne risquerait plus de manquer la marée.

Je prie également l'honorable ministre de vouloir examiner s'il n'y a pas d'inconvénient à ce que la gare des marchandises et celle des voyageurs soient réunies.

Enfin je le prierai de vouloir donner des ordres sévères pour que le plus de waggons possible soient mis à la disposition du commerce à Ostende, de manière à enlever immédiatement les marchandises qui restent maintenant en gare depuis trop longtemps et qui viennent d'arriver.

M. Lelièvre. - A l'occasion du projet de loi en discussion, je crois devoir engager le gouvernement à assurer d'une manière efficace la police dans l'intérieur des stations. Il faut nécessairement un personnel suffisant pour atteindre ce but. C'est ainsi qu'à Namur un seul agent est chargé de la police dans l'intérieur de la station, et cet état de choses donne lieu à de sérieux inconvénients. L'expérience a démontré que fréquemment il se commet des délits qui seraient certainement prévenus, s'il existait un personnel capable de faire respecter les lois.

J'appelle donc à cet égard l'attention de M. le ministre des travaux publics. A Namur, qui est le centre de nombreuses voies ferrées, il est évident qu'il est besoin de mesures préventives toutes spéciales. Je prie donc le gouvernement de prendre à cet égard les dispositions que réclament des intérêts importants.

Puisque j'ai la parole, je profite de cette occasion pour prier M. le ministre de vouloir nous dire si nous pouvons espérer bientôt la construction du chemin de fer partant de Jemeppe-sur-Sambre et se rendant à la Meuse par Fosses.

Dans une autre discussion, j'ai déjà eu l'honneur de faire une interpellation sur ce point, mais M. le ministre l'a perdue de vue en répondant à de nombreux discours qui avaient été prononcés.

Je crois devoir insister aujourd'hui, à raison de l'importance de cette voie ferrée qui est réclamée avec instance par de nombreuses populations.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, le projet de loi que j'ai eu l'honneur de soumettre à vos délibérations pour augmentation de matériel, développement de voies de garage, aménagements de stations, amélioration de l'outillage, etc., a fourni aux honorables membres qui viennent de parler, matière à des observations très intéressantes et très justes ; mais vous devez en convenir, la plupart de ces observations sont assez étrangères à l'objet même des délibérations de la Chambre.

Ainsi l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a soulevé certaines questions très importantes, sans doute ; je les examinerai avec la plus sérieuse attention, mais, comme il l'a reconnu lui-même, c'est seulement dans la discussion du budget de mon département qu'elles doivent trouver leur solution.

L'honorable membre est d'avis qu'il serait utile pour le gouvernement d'administrer le chemin de fer d'une façon plus spéciale au point de vue industriel, et, se plaçant à ce point de vue, il réclame de moi des renseignements sur différents points se rapportant à l'objet de ses préoccupations déjà longues et consciencieuses.

Je ferai en sorte de donner à l'honorable membre les indications qu'il demande et, si cela lui convient, nous profiterons de l'occasion prochaine de la discussion du budget pour traiter les grandes questions que nous pourrions à peine effleurer aujourd'hui.

D'autres observations très intéressantes ont été faites par l'honorable M. Sainctelette. Il vous a parlé de certains transports qui pourraient être (page 546) confiés à l'industrie privée, alors que la traction resterait à l'Etat ; il vous a donné sur cette combinaison des détails à l'exposé desquels nous avons tous prêté une oreille attentive ; il nous a signalé des documents précieux que, pour ma part, je m'empresserai d'étudier.

Je ferai cependant remarquer à l'honorable membre que l'idée préconisée n'est pas aussi neuve pour l'administration qu'il semble le croire ; déjà on s'en est préoccupé. Les judicieuses indications que l'honorable M. Sainctelette vient d'apporter à cette tribune seront un stimulant pour le département ; ils engageront celui-ci à reprendre ses méditations avec plus d'ardeur encore.

De son côté, l'honorable M. Coomans vous a parlé de waggons perdus. Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que ce fait se fût produit au milieu de l'encombrement qui a existé dans des circonstances tout à fait anomales que nous venons de traverser et qui n'ont pas complètement cessé. Sous ce rapport, je ne rencontrerai pas de contradicteur, je pense.

Mon honorable ami a ensuite signalé un système de waggon dédoublé qui pourrait offrir certains avantages. J'ai, en effet, depuis mon arrivée au département, entendu parler de ce système, et loin de le condamner, j'ai, au contraire, prescrit qu'il me fût fait rapport sur la valeur pratique de l'invention ; quant à l'inventeur, s'il a été repoussé, je puis donner l'assurance que ce n'est point par moi.

L'honorable M. Coomans, dans une digression dont je lui suis très reconnaissant, a parlé du dossier Wasseige. Si j'avais été prévenu, j'aurais pu apporter aussi un dossier qui aurait prouvé que le dossier Wasseige doit être considérablement réduit dans tous ses détails. Une enquête a été faite, tant sur les critiques articulées contre le service du chemin de fer que sur les irrégularités reprochées au service des postes.

Très souvent les indications étaient trop vagues pour nous mettre sur les traces ou nous donner une piste, si je puis m'exprimer ainsi. Mais pour la grande généralité des cas sur lesquels elle a pu porter, l'enquête a prouvé que le coupable n'était nullement, je ne dirai pas le ministre Wasseige, M. Coomans a fait justice de cette plaisanterie, mais que ce n'était pas même l'administration ; presque toujours la faute commise était le fait des expéditeurs.

Je suis obligé d'en parler ici de souvenir, et je ne vous citerai que des exemples pris dans le service postal.

Eh bien, voici des faits constatés : j'ai fait vérifier dans les bureaux de la poste des paquets de journaux qui y avaient été envoyés pour être expédiés et il a été reconnu que l'un des organes les plus répandus de la presse bruxelloise avait, sur un seul envoi, commis quarante-huit erreurs.

Dans le paquet contenant les journaux destinés à l'extérieur, on a trouvé vingt à vingt-cinq journaux destinés à l'intérieur ; des feuilles qui devaient aller au Midi étaient mêlées à des feuilles dont la destination était au Nord, et vice-versa.

Un autre journal devait expédier 235 numéros : il n'y en avait que 35 dans le paquet remis à la poste ; le restant, 200 numéros, était resté au bureau même de la feuille.

Quant aux lettres, vous comprenez, messieurs, que je ne me rappelle pas tous les détails ; mais si la Chambre le désire, je ferai imprimer les pièces de l'enquête administrative. On y verra cette petite anecdote assez curieuse : on faisait un jour, dans le dossier Wasseige, des gorges chaudes de ce qu'une lettre, expédiée de Bruxelles pour Courtrai, avait fait un tour de France.

On avait vu sur l'enveloppe le timbre Ouest France, et on en avait bravement conclu que la lettre était allée en France. On ne s'était même pas aperçu que la lettre était arrivée de Bruxelles à Courtrai en sept ou huit heures ; on n'avait peut-être pas voulu le voir ; toujours est-il que la lettre avait été purement et simplement transportée par un bureau de poste ambulant belge, qui, d'après les instructions, avait dû y apposer un timbre portant les mots Ouest France.

Voilà comme s'est fait le dossier Wasseige. Je le répète, messieurs, pour la plupart des faits sur lesquels l'enquête a porté, il a été prouvé que le retard doit être attribué à l'expéditeur.

Sans doute, quelques plaintes étaient fondées, je me garderai de le nier ou même de le dissimuler. J'ai réprimandé les agents coupables de négligence.

J'ai rappelé les instructions existantes et insisté sur la nécessité d'en assurer l'exécution complète et régulière. Qu'a-t-on fait alors ? On s'est emparé des instructions nouvelles et on les a attaquées !

En vérité, je me demande ce qu'il faut faire pour contenter tous les journalistes.

Mais je quitte cet incident, pour vous entretenir, messieurs, du principal objet de nos délibérations, l'augmentation du matériel du chemin de fer de l'Etat.

A cet égard, je me trouve entre deux écueils : quelques-uns de mes honorables collègues pensent que le matériel est suffisant, qu'il ne faut pas l'augmenter, qu'il s'agit seulement de savoir l'utiliser mieux. D'autres, particulièrement l'honorable M. Drion, représentant intelligent et fort dévoué à l'industrie charbonnière, disent que le nombre des waggons compris dans le projet discuté devrait être doublé, voire même triplé.

Ces opinions contraires m'autorisent à croire que je suis dans le vrai en me tenant entre les deux extrêmes.

Presque tous les orateurs que vous avez entendus ont exprimé l'opinion que le vice auquel il faut porter remède ne réside pas tant dans le défaut de véhicules que dans l'impossibilité de faire un bon usage du matériel existant, impossibilité résultant de ce que nos stations n'offre ni pas l'emplacement nécessaire aux manœuvres.

Je partage complètement cette manière de voir.

Aussi, messieurs, dans le projet de crédits que j'ai eu l'honneur de soumettre à votre appréciation, je demande également une somme importante pour l'extension des voies de garage, pour l'amélioration de l'outillage, pour le développement des moyens de chargement et de déchargement, etc.

Je me propose bien de commencer par là.

Le matériel que je demande ne sera pas prêt immédiatement ; il faut, au contraire, un certain temps pour le faire. Sans doute, je fais tous mes efforts pour activer autant que possible la livraison des locomotives et du matériel à acheter.

Une adjudication aura lieu dès demain sous réserve du vote des crédits par la législature ; une autre adjudication se fera dans huit jours et, pour le dire en passant, j'ai, en agissant ainsi, donné satisfaction à une demande de l'honorable M. Houtart.

Malgré ces mesurés, le matériel ne pourra être livré que vers la fin de l'année ; j'aurai donc le temps d'employer, d'ici là, dans la mesure du possible, le crédit de 1,750,000 francs. Je puis même ajouter que j'ai déjà fait anticipativement usage de ce crédit ; si je suis de ce chef décrété d'accusation, je vous prierai de m'accorder un bill d'indemnité ; et je suis convaincu que vous ne me le refuserez pas.

Plusieurs voies de garage ont été construites, entre autres dans les environs de Gand, où une nouvelle station, celle de Meirelbeke, vient de se créer comme véritable réservoir de dégagement. Il en résultera un grand soulagement et presque un désencombrement complet de la station de Gand.

De nouvelles voies ont été construites également à Anvers, où la station Au bois, est sur le point d'être mise à la disposition du commerce. Ce sera aussi un moyen de dégagement pour la gare principale.

Des voies d'évitement seront construites dans d'autres stations importantes.

Néanmoins je crois, messieurs, qu'une certaine augmentation de matériel est nécessaire.

Toutefois, ainsi que j'avais l'honneur de le déclarer tout à l'heure à la Chambre, les besoins ne me paraissent pas être, sous ce rapport, aussi considérables que le pensent plusieurs de nos honorables collègues. Pour justifier cette divergence de vues, qui, à la vérité, ne porte que sur une question de plus ou de moins, j'avais préparé de nombreux arguments qui vous eussent prouvé que les inconvénients dont on s'est plaint récemment ne doivent pas être attribués au manque de voitures. Ma démonstration serait maintenant superflue et surabondante puisque nous paraissons tous d'accord. Je pourrai donc laisser de côté une grande partie des développements où je me proposais d'entrer.

Sans cela, j'aurais pu rappeler que pour le premier semestre de 1870, et avec 1,132 waggons en plus, le trafic a été de 600,000 tonnes inférieur à celui de la période correspondante de 1869.

Nous aurions pu, les conditions demeurant normales, transporter dans le second semestre de 1870, environ 1,200,000 tonnes de plus que nous n'en avons eu.

Ce n'était pas le matériel qui manquait, ce qui manquait, c'était la possibilité de l'utiliser.

Les interruptions de service provenant des événements de guerre ont été cause de tout le mal.

Les expéditions se trouvaient arrêtées en route. Nous espérions que l'interruption ne serait que de courte durée et nous ne renvoyions pas la marchandise à son point de départ. Mais cela n'empêchait pas le commerce et l'industrie de nous apporter de nouvelles expéditions que nous chargions dans la mesure du possible ; l'obstacle subsistait donc toujours et le mal allait en grandissant.

(page 547) Les waggons chargés encombraient les voies, paralysaient tout le service et entravaient l’utilisation du matériel.

Un plus grand nombre de waggons nous aurait-il tirés d'embarras ? N'aurait-il pas plutôt empêché davantage encore nos opérations en nous privant de plus en plus de la liberté de nos mouvements ?

Je puis certifier d'ailleurs à l'honorable M. Drion et à ceux qui désirent l'augmentation du matériel que cette augmentation sera plus considérable qu'ils ne le pensent, lorsqu'ils supposent qu'elle ne dépassera point les 1,000 waggons prévus au projet : elle ne sera pas seulement de 1,000 waggons, car, entre le matériel utile du deuxième semestre 1870 et le matériel utile du deuxième semestre 1871, il y aura une différence de plus de 4,000 waggons en faveur de la seconde de ces périodes comparée à la première.

En effet, nous disposons déjà de 1,152 waggons mis en service dans les derniers mois de 1870 ; il s'en construit encore 527 en ce moment ; la Société générale d'exploitation va nous apporter 1,400 waggons neufs ; je propose d'en commander encore 1,000 ; cela fait un total de 4,079 waggons, comprenant, je dois le faire remarquer, un grand nombre de cette espèce de véhicules que réclame surtout l'industrie charbonnière.

A ce propos, je rappellerai,, messieurs qu'une commission instituée par mon honorable prédécesseur, en 1869, pour examiner l'objet des plaintes de l'industrie et du commerce avait, de commun accord avec des fonctionnaires de mon département, décidé qu'il fallait porter à 6,500 le nombre des waggons charbonniers.

Eh bien, ces 6,500 waggons sont maintenant fournis complètement. Mais, messieurs, nous avons une partie de notre matériel retenue à l'étranger, et c'est là ce qui m'a porté surtout à demander l'augmentation de 1,000 waggons. La partie de notre matériel retenue à l'étranger s'élève à 5,818 waggons ; grâce au matériel français qui se trouve en Belgique et à la location d'un millier de waggons, nous avons en compensation 3,316 waggons, en sorte que le déficit ne s'élève qu'à 502 waggons.

Evidemment, si la paix se fait, ce que nous désirons tous, si les communications reprennent leur activité normale, les waggons français nous seront réclamés et nous devrons bien les rendre ; d'autre part, les waggons qui nous rentreront de l'étranger seront peut-être dans un état de détérioration tel, qu'il faudra un certain temps avant de pouvoir en faire usage ; je ne partage pas à cet égard les craintes de l'honorable rapporteur de la section centrale, je ne crois pas que le nombre de waggons détériorés sera très considérable, mais j'admets cependant qu'il y en aura un certain nombre.

Il y a à pourvoir à ces besoins qui s'annoncent. Je crois que 1,000 waggons y suffiront, car ces 1,000 waggons étant livrés à la circulation, nous posséderons 20,234 waggons, dont 13,780 waggons à. charbon.

Au moyen de ce matériel, nous serons, je crois, à même de pourvoir aux nécessités qui pourront se produire, et nous pourrons attendre ces difficultés avec d'autant moins d'appréhension que déjà nous aurons employé une bonne partie de la somme de 1,750,000 francs pour élargissement de stations, voies de garage, etc. Je n'ai pas la prétention de vouloir faire avec cette somme ce que l'on pourrait faire avec les 30 millions, dont a parlé l'honorable M. Coomans, mais je dois, faire remarquer que les 1,750,000 francs ne comprendraient pas les augmentations et les améliorations qu'appellent les stations importantes telles que celles d'Anvers, d'Ostende et de Louvain, celle de Louvain surtout, qui depuis longtemps attend une réparation qui lui est certainement due et que je serai heureux de lui donner.

Il s'agit simplement de parer à la crise actuelle en faisant ce que l'on peut ; quant à savoir ce que l'on peut faire, il faut, pour résoudre cette question, attendre que le commerce soit rentré dans une situation normale, que les frontières nous soient rouvertes, que nous ne soyons plus exposés enfin à des interruptions de service. Et je m'engage alors à faire examiner très sérieusement ce qu'il est possible de faire dans toutes les directions. Si la somme pétitionnée n'était pas suffisante, je viendrais, messieurs, vous demander avec confiance un complément d'allocation.

Que l'honorable M. Coomans me permette de lui dire, avant d'aborder un autre sujet, qu'il s'est singulièrement trompé, selon moi, dans son appréciation du personnel des chemins de fer. Je tiens essentiellement à protester de mes sympathies pour les ouvriers ; j'ai demandé en leur faveur des relèvements de salaires qui témoignent suffisamment de mes bonnes intentions, et j'ai autorisé l'admission de tous les ouvriers supplémentaires dont on reconnaîtra qu'il y a lieu d'employer les services. Quant aux fonctionnaires, il y a, en quelque sorte, injustice à les représenter comme ne se dévouant pas suffisamment à la chose qu'ils gèrent ; depuis six mois, ils sont accablés de besogne et j'en vois tous les jours qui succombent littéralement sous le poids du travail. Voilà, messieurs, pour le chemin de fer.

Quant aux autres parties du crédit demandé, je n'ai guère besoin de les justifier. Je propose de consacrer 300,000 francs à l'extension des appareils, des fils et des lignes télégraphiques. Tout le monde est d'accord pour reconnaître qu'en présence du mouvement qui se produit dans les correspondances télégraphiques, il est nécessaire de prendre des mesures pour faire face aux nécessités croissantes du service. Beaucoup de membres de cette assemblée font de vives instances pour que des bureaux télégraphiques soient érigés dans leurs localités respectives ; qu'ils descendent au fond de leur conscience et j'aurai une majorité suffisante.

Il me reste à répondre quelques mots aux honorables MM. Van Iseghem et Lelièvre en ce qui touche la station d'Ostende. Je viens déjà de donner une demi-satisfaction à l'honorable M. Van Iseghem en disant que je comptais faire une part à cette station dans le crédit que je demanderai à la première occasion pour l'agrandissement de stations. Le crédit de 1,750,000 francs que contient le projet de loi en discussion sera à peine suffisant pour satisfaire aux besoins les plus urgents ; il ne peut donc être question d'en appliquer une partie à Ostende ; mais je puis annoncer à l'honorable M. Van Iseghem que les plans d'agrandissement de la ville dont il défend toujours les intérêts avec tant de conviction me sont parvenus récemment.

Je les ai examinés ; je pourrai les communiquer à l'honorable membre s'il veut me faire l'honneur de passer à mon cabinet. Il reconnaîtra que l'exécution de ces plans coûterait un million ; ce qui, ajouté aux 350,000 francs déjà votés et qui seront absorbés par des acquisitions de terrains, fera un total de 1,350,000 francs. Je répète que la somme à dépenser encore figurera dans la plus prochaine demande de fonds spéciaux que j'aurai à présenter pour donner satisfaction eu même temps à Louvain, Anvers et Tournai.

Quant au débarcadère, il n'est pas terminé ; aujourd'hui même. J'ai encore donné des ordres pour en faire activer les travaux. Je tiens autant que l'honorable M.. Van Iseghem à ce que ce débarcadère soit promptement achevé ; il n'est pas seulement nécessaire pour la station d'Ostende, mais, encore pour le service de. la malle des Indes, que nous avons un si grand intérêt à conserver.

Je puis ajouter qu'en attendant que le débarcadère soit terminé, les trains pourront très incessamment s'y rendre par la voie qui est faite et qui sera bientôt livrée au commerce. Si donc on ne peut pas se servir encore du bâtiment, on pourra tout au moins se rendre de la station au débarcadère et vice-versa, pour descendre de train. Ce sera déjà un avantage sensible, une grande amélioration.

J'aurai certainement égard à l'observation de l'honorable M. Lelièvre r relative à la police dans les stations.

Il faut que la police soit faite partout dans nos gares de manière à assurer la parfaite sécurité des voyageurs.,

Je sais que ce service n'a pas toujours été irréprochable, dans, la station de Namur notamment, et je crois même qu'un parent de l'honorable membre a eu à s'en plaindre. Je ferai en sorte qu'il n'en soit plus ainsi désormais.

Enfin, mon honorable, collègue sait que le chemin de fer de Jemeppe à la Meuse est concédé ; je puis lui apprendre que le concessionnaire m'a donné les assurances les plus formelles que la voie sera établie dans le délai prescrit par le cahier des charges.

- De toutes parts. - Aux voix !

M. d'Andrimont, rapporteur. - Mon intention, en qualité de rapporteur de la section centrale, était de prendre part au débat. Mais je vois que la Chambre est suffisamment éclairée sur l'objet en discussion. Je m'abstiendrai donc de présenter en ce moment les observations que j'aurais eu à faire en réponse aux discours des honorables MM. Le Hardy de Beaulieu et Coomans, et je ne développerai pas, comme j'en avais le dessein, les idées exposées dans mon rapport. Ces observations et ces développements trouveront place lors de la discussion du budget des travaux publics.

M. Vleminckx. - Puisque M. le ministre des travaux publics a parlé de divers chemins de fer qui seront mis bientôt à la disposition des populations, qu'il me soit permis de lui demander à mon tour quand le chemin de fer de ceinture, à Bruxelles, sera mis à la disposition de mes concitoyens.

(page 548) Si M. le, ministre n'était pas à même de me répondre Immédiatement, j'attendrais volontiers ses explications jusqu'à une prochaine séance.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je puis répondre à l'honorable M, Vleminckx que les travaux sont poussés avec toute l'activité possible. Mais, s'il désire une réponse plus précise et plus catégorique, je le prierai de me permettre de la différer jusqu'à la discussion de mort budget.

- Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit spécial de six millions cinq cent mille francs (fr. 6,500,000), destiné à concurrence :

« - de quatre millions quatre cent cinquante mille francs (fr. 4,150,000), pour l'extension du matériel de traction et des transports ;

« - d'un million sept cent cinquante mille francs (fr. 1,750,000), pour l'établissement de voies et installations destinées à faciliter l'emmagasinage, le chargement, le déchargement, etc., des marchandises,

« - et de trois cent mille francs (fr. 300,000), pour l'extension des lignes et appareils télégraphiques. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Ce crédit sera couvert soit par des bons du trésor, soit par l'émission d'obligations de la dette 4 1/2 p. c. (sixième série). »

M. Frère-Orban. - Je demande que, conformément à un vote précédent de la Chambre, on supprime, dans l'article 2, ce qui est relatif à l'émission d'obligations de la dette 4 1/2 p. c.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je ne vois pas d'inconvénient à cette suppression.

M. le président. - L'article 2 serait dès lors réduit à ces termes :

« Ce crédit sera couvert par des bons du trésor. »

- L'article 2 ainsi modifié est adopté.

Article 3 (nouveau)

M. Lelièvre. - La section centrale a proposé un article additionnel sur lequel la Chambre doit voter. II s'agit de déclarer que la loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. Cet amendement doit donc être mis aux voix.

M. le président. - L'amendement de la section centrale formerait l'article ; il est ainsi conçu :

« Art. 3. La loi sera rendue exécutoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.

Second vote et vote sur l’ensemble

La Chambre décide qu'elle procédera au vote définitif du projet de loi séance tenante.

Les deux amendements indiqués ci-dessus sont définitivement confirmés.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

80 membres répondent à l'appel nominal.

79 membres répondent oui.

1 membre (M. Coomans) répond non.

En conséquence, la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont adopté :

MM. Van Wambeke, Verwilghen, Amédée Visart, L. Visart, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Wouters, Allard, Balisaux, Bara, Beeckman, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Bouvier, Brasseur, Cornesse, d'Andrimont, Dansaert, David, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, de Kerckhove, de Lexhy, de Lhoneux, de Liedekerke, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin, de Vrints, Drion, Drubbel, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Jamar, Jottrand, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Moncheur, Mouton, Mulle de Terschueren, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Rembry, Reynaert, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Renynghe et de Naeyer.

M. le président. - S'il n'y a pas d'autres observations, l'ordre du jour de demain reste fixé tel qu'il a été réglé au commencement de la séance de ce jour.

- La séance est levée à 5 heures et un quart.