(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 513) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Vrints donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Patoul demande une loi autorisant le débit d'enveloppes de lettres avec timbre de 10 centimes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs De Ceuninck, président, et Berre, secrétaire d'une société de rhétorique à Furnes, demandent que, dans les provinces flamandes, la langue française soit remplacée par la langue flamande à tous les degrés de l'instruction et aux examens. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Dison demandent la mise en liberté des soldats français fugitifs de Prusse et arrêtés en Belgique, ou blessés et amenés dans notre pays, ou bien poussés sur le territoire, belge par les événements de la guerre. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Ryckevorsel demande le maintien des commissaires d'arrondissement. »
- Même renvoi.
« Des habitants dans l'arrondissement de Bruxelles demandent le vote à la commune pour toutes les élections et le fractionnement du collège électoral en circonscriptions de 80,000 âmes. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme électorale.
M. Mascart, indisposé, demande un congé de dix jours.
M. Kervyn de Volkaersbeke demande un congé.
- Ces congés sont accordés.
M. le président. - La discussion continue. La parole est à M. Tesch.
M. Brasseur. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Messieurs, l'honorable ministre des finances nous a soumis hier un projet de convention entre les Bassins houillers et le gouvernement. J'avoue que j'ai été extrêmement surpris du nouveau projet, qui n'est pas un élargissement du premier projet, mais qui repose sur des bases tout à fait autres.
Cependant, comme cette question est excessivement grave, je ne veux me prononcer définitivement que quand j'aurai reçu de M. le ministre des finances les explications suivantes, car j'aime encore à croire que je me suis trompé à la lecture du projet.
Je désire avoir des explications sur l'article 2 A, sur l'article 2 B, et surtout sur le final de l'article 2, qui dit que le partage entre les compagnies se fera en proportion du nombre de kilomètres exploités par chacune.
En second lieu, je désire avoir des explications sur l'article. 3, qui me paraît être en opposition avec le projet de loi soumis à nos délibérations ; et, en troisième lieu, je désire des explications sur l'article 13.
Voilà les trois points sur lesquels je désire avoir des renseignements Je me réserve de revenir ultérieurement sur ces points.
(page 519) M. Tesch. - Messieurs, avant de m'occuper de la convention du 25 avril et du projet de loi qui nous est soumis, je prie la Chambre de me permettre de dire quelques mots d'un incident qui ne se rattache pas directement à ces objets, mais qui a été introduit dans le débat.
L'honorable M. Frère signalant les faveurs qui avaient été faites à la Compagnie générale d'exploitation, je pense, les Bassins houillers et la Compagnie générale d’exploitation étant à peu près la même chose, dit-on, l'honorable ministre des finances lui a répondu que s'il avait exécuté la Compagnie générale d'exploitation, comme le désirait l'honorable M. Frère, il est probable que, dans cette enceinte, se seraient levés d'autres membres pour protester contre l'atteinte portée aux droits de la Compagnie du Luxembourg.
Je ne sais pas si, en raison des intérêts que je puis avoir dans la Compagnie du Luxembourg, c'est à moi que M. le ministre des finances a fait allusion ; s'il en était ainsi, je me permettrais de dire à M. le ministre des finances que je n'entends défendre ici que les intérêts que, dans les termes de la Constitution, mes mandants m'ont chargé de représenter. La Chambre se rappellera qu'il a été souvent question de la Compagnie du Luxembourg dans cette enceinte et que jamais je n'ai pris la parole dans ces débats.
Je pourrais dire plus. Je crois que mes anciens collègues du ministère me rendront cette justice, que lorsque dans le conseil des ministres il a été question des intérêts de la Compagnie du Luxembourg, jamais je n'ai assisté à ses délibérations. Jamais je n'ai mêlé mes fonctions de représentant ou de ministre à des intérêts que je. pouvais avoir ailleurs.
A ce propos, je me permettrai, messieurs, de dire que je ne crois pas que les membres de cette Chambre soient tenus de prendre pour une allusion personnelle, pour une attaque personnelle ce qui peut se dire ici contre l'une ou l'autre compagnie dans laquelle ils occupent des fonctions. S'il en était autrement, nous serions atteints dans notre liberté, arrêtés dans l'expression de notre pensée par la crainte d'être désagréables à l'un ou l'autre de nos collègues.
Dans les sociétés il y a des majorités et des minorités, et, d'un autre côté, dans bien des conseils il y a des membres qui règnent et très peu qui gouvernent. J'entends donc conserver toute ma liberté d'appréciation ; si je dis quelque chose contre l'une ou l'autre société, je prie ceux qui y occupent des fonctions d'être bien convaincus que je n'entends attaquer individuellement personne.
Si je m'occupe du cautionnement dont on a exonéré momentanément la Compagnie générale d'exploitation, c'est, messieurs, en ma qualité de représentant du Luxembourg ; c'est pour me plaindre de la position qui nous a été faite lorsque le projet a été discuté, position qui ne se révèle qu'aujourd'hui par les pièces qui sont déposées, et pour faire comprendre à la Chambre cette position, j'ai besoin de remonter à ce qui s'est passé en 1862 ou en 1863 lorsque le réseau Forcade fut concédé la première fois.
A cette époque, messieurs, le gouvernement saisit les Chambres d'un projet de loi qui concédait dans le Luxembourg différents chemins de fer. La Compagnie du Luxembourg, en vertu de son cahier des charges, prétendait avoir, pour la construction de ces chemins de fer, un droit de préférence résultant de son cahier des charges. Comme aucune communication ne lui avait été faite à ce sujet, voici la lettre qu'elle adressa à M. le ministre des travaux publics à la date du 17 mars 1863 :
« Monsieur le ministre,
« Dans la séance de la Chambre des représentants du 4 de ce mois, vous avez déposé un projet de loi accordant différentes concessions de chemin de fer dans le Luxembourg. Aucune connaissance ne nous ayant été donnée de l'intention du gouvernement de faire ces concessions ni des conditions auxquelles il entendait les faire, aucune communication ne nous ayant été faite des conventions intervenues avec les concessionnaires, les propositions faites aux Chambres violent manifestement les droits de préférence assurés à la Grande Compagnie du Luxembourg par l'article 47 de son cahier des changes, en date des 13-23 février 1840, et nous nous voyons forcés pour sauvegarder ces droits de venir protester contre tout ce qui vient d'y être fait de contraire ; nous réservant formellement, s'il est donné suite au projet dont il s'agit, de nous pourvoir comme en justice il appartiendra pour faire respecter les clauses et conditions du cahier des charges prérappelé et obtenir la réparation des dommages qui nous sont dus.
« Veuillez, M. le ministre, nous accuser réception des présentes et agréer, etc.
« L'administrateur délégué, « B.-B. Reed. »
Remarquez bien, messieurs, que le cahier des charges déposé en même temps que le projet de loi qui concédait le réseau Forcade contenait la clause qui se trouve dans tous les cahiers des charges et d'après laquelle si les chemins de fer ne sont pas exécutés dans les délais déterminés, il y aura déchéance et réadjudication des travaux.
En présence de la réclamation de la Compagnie du Luxembourg, que fit M. le ministre des travaux publics ?
Voici la lettre qu'il écrivit le 8 avril :
« Un changement de rédaction vient d'être apporté à l'article 17 du cahier des charges du 10 janvier 1863, réglant la concession de MM. Lenoir et consorts pour divers chemins de fer à construire dans la province de Luxembourg. Cet article est maintenant conçu comme suit :
« En cas de déchéance, la partie du cautionnement des concessionnaires qui n'aura pas encore été restituée ou dont il n'aura pas encore été disposé sera définitivement acquise à l'Etat, et si la Grande Compagnie du Luxembourg, usant de son droit de préférence que lui donne à cet égard l'article 47 de son cahier des charges en date des 13-23 février 1846, demandait à être subrogée aux droits des concessionnaires déchus, soit, dans leur ensemble, quant aux trois lignes décrites ci-dessus, soit quant à l'une d'elles avec ou sans ses embranchements, soit quant à l'un ou à l'autre desdits embranchements, les concessionnaires prénommés seraient tenus, au vu de l'arrêté royal qui déclarerait cette compagnie concessionnaire en leur lieu et place, décéder à celle-ci, sur la ou les lignes ou embranchements qu'elle reprendrait, tous les ouvrages déjà construits, les matériaux approvisionnés, les terrains achetés et les portions de chemins de fer déjà mises en exploitation avec tout leur matériel, suivant leur valeur à déterminer par trois experts qui seraient désignés par le président du tribunal civil de Bruxelles et dont les intéressés devraient accepter les évaluations comme obligatoires pour elle. Si cependant la Grande Compagnie du Luxembourg n'avait pas fait connaître, endéans les trois mois de la notification qui lui aurait été faite de l'arrêté de déchéance, qu'elle entend user de son droit de préférence, il serait procédé par les soins du gouvernement à l'adjudication du parachèvement de l'entreprise sur les clauses du présent cahier des charges, etc. »
La Chambre était saisie du projet de loi, et ce nouvel article du cahier des charges qui réservait les droits de la Compagnie du Luxembourg, fut communiqué à la section centrale qui le fit adopter par la Chambre, et M. le ministre ajoutait :
« Je pense, messieurs, que cette modification à l'article 17 du contrat du 10 janvier satisfait équitablement à la réclamation qui fait l'objet de votre lettre du 17 mars 1863, et que, moyennant ce, la protestation que celle-ci contient peut être considérée comme non avenue. »
En effet, cet article donnait satisfaction à la Compagnie du Luxembourg, et elle répondait à la date du 17 avril 1865 :
« Monsieur le ministre des travaux publics, '
« Nous avons l'honneur de vous accuser réception de votre dépêche en date du 8 de ce mois 2 D. N° 2251 et 9008 de sortie, relative à notre droit de préférence stipulé en notre faveur par l'article 27 de notre cahier des charges.
« Les droits de la Compagnie du Luxembourg se trouvant formellement reconnus dans le passé et pour l'avenir et des réserves étant faites pour le cas où les concessionnaires actuels n'exécuteraient pas dans les conditions et dans les délais déterminés par le cahier des charges auxquels ils se sont soumis, nous n'avons plus d'objection à faire aux conventions qui sont intervenues entre le gouvernement et les sieurs Forcade, Lenoir, Chauvet et consorts.
« L'administrateur délégué :
« B.-B. Beed. »
Voilà, messieurs, quelle était la situation de cette affaire au moment du vote de la loi qui déclarait MM. Forcade et Cie concessionnaires du réseau de chemin de fer du Luxembourg. Il est inutile de vous dire que MM. Forcade et Cie n'exécutèrent pas leurs engagements, qu'un arrêté de déchéance intervint et qu'ensuite M. le ministre des travaux publics soumit à la Chambre un projet pour concéder différentes lignes dans le Luxembourg qui, disaient-ils, étaient les mêmes que celles qui avaient été (page 520) concédées antérieurement à M. Forcade. Et voici quel est l'article qui se trouvait dans le cahier des charges ou plutôt dans la convention qui accompagnait le projet de loi.
« Art. 5, La présente convention n'est consentie au nom du gouvernement belge que sous la réserve expresse du droit de préférence attribué à la Grande Compagnie du Luxembourg par l'article 47 du cahier des charges de sa concession en date des 13-23 février 1846, et les contractants de seconde part, après avoir pris connaissance dudit article 47, de l'article 17 du cahier des charges de la concession accordée aux sieurs Eug. Lenoir et consorts par l'arrêté royal du 20 mars 1864, et des lettres adressées à M. le ministre des travaux publics par la Grande Compagnie du Luxembourg, le 17 mars et le 17 avril 1863, acceptent cette réserve à leurs risques et prias et avec toutes les conséquences qui en résultent, la. présente convention ne pouvant en aucune hypothèse porter préjudice aux droits de la Grande Compagnie du Luxembourg. »
Quand, en présence de ces pièces officielles, cette affaire fut soumise à la Chambre, je devais croire et j'ai cru très sérieusement que s'il surgissait une difficulté entre la nouvelle compagnie et la compagnie concessionnaire du Luxembourg, celle difficulté serait, aux termes de l'article 5, vidée aux « risques et périls » de la compagnie et que dans aucun cas l'existence des chemins de fer qui composaient le réseau Forcade et qui étaient concédés à la Compagnie générale d'exploitation ne pouvait être compromise.
Or, maintenant qu'arrive-t-il ? Il arrive que cette situation n'est pas la vraie ; au moins la contre-lettre, la correspondance échangée entre M. Jamar et l'administrateur délégué de la société des Bassins houillers apporte à cette situation, la seule officielle, une modification très sérieuse en tant, bien entendu, que cette contre-lettre soit légale et puisse lier l'Etat.
Voici, messieurs, cette correspondance.
M. l'administrateur délégué des Bassins houillers écrit, à la date du 3 mai 1870, à M. le ministre des travaux publics :
« Bruxelles, le 5 mai 1870.
« Monsieur le ministre,
« Bien que l'article 17 de la convention conclue entre le gouvernement et MM. Lenoir, Forcade et Chauvet, le 10 janvier 1863 ne me paraisse pas laisser de doute sur l'étendue des droits de la Compagnie du Grand-Luxembourg et qu'il soit incontestable que le droit de préférence qui lui est réservé doive s'exercer sur l'ensemble des lignes du réseau concédé, il se pourrait cependant que, par suite d'une interprétation contraire, la Compagnie du Grand-Luxembourg prétendît à la concession d'une des lignes ou d'un des embranchements de ce réseau. Si cette interprétation devait être accueillie, il a été entendu entre nous, M. le ministre, que je conserverais toute ma liberté, relativement à la partie du réseau qui serait refusée par la Compagnie du Grand-Luxembourg et que je serais libre de renoncer à la concession ou d'en reprendre cette partie.
« Je vous prie, M. le ministre, de bien vouloir m'accuser notre accord sur ce point et agréer l'expression de ma haute considération.
« L'administrateur délégué,
« Philippart. »
A cette lettre, il est répondu par une lettre ainsi conçue :
« 14 mai 1870.
« MM. Philippart, etc.
« Messieurs,
« Par lettre du 3 mai courant, n°5954, vous me faites remarquer que, bien que l'article 17 de la convention conclue entre le gouvernement et les sieurs Lenoir et consorts, le 10 janvier 1863, ne vous paraisse pas laisser de doute sur l'étendue des droits de la Grande-Compagnie du Luxembourg et qu'il soit incontestable que le droit de préférence qui lui est réservé doit s'exercer sur l'entièreté des lignes du réseau concédé, il se pourrait cependant que, par suite d'une interprétation contraire, ladite Compagnie du Luxembourg prétendît à la concession d'une des lignes ou d'un des embranchements de ce réseau ; que si cette prétention devait être accueillie, il a été entendu, entre nous, que votre compagnie conserverait toute sa liberté, relativement à la partie du réseau qui serait refusée par la Grande Compagnie du Luxembourg et qu'elle serait libre de renoncer à la concession ou d'en reprendre cette partie.
« J'ai l'honneur, M. l'administrateur, de vous informer que nous sommes parfaitement d'accord sur ce point.
« Le ministre des travaux publics,
« A. Jamar. »
Ainsi, messieurs, aux termes de cette correspondance, s'il est reconnu que la Compagnie du Luxembourg a le droit d'user du droit de préférence pour l'une ou l'autre ligne, la Compagnie générale d'exploitation est autorisée a renoncer à toute la convention, à toute la concession.
Cette interprétation, que l'on dit être contraire à l'évidence, est cependant manifestement conforme au cahier des charges de la concession Forcade.
Je dis, messieurs, que cette correspondance ne pouvait être échangée ni légalement ni moralement.
Légalement, car, quel est le caractère de cette contre-lettre ?
Est-ce une dérogation au cahier des charges, est-ce une interprétation ?
Si c'est une dérogation, il n'appartenait pas au ministre de la faire.
Le cahier des charges a été voté par la Chambre ; il fait partie intégrante de la loi.
La modification de l'article 17 a été introduite à la suite des réclamations de la Compagnie du Luxembourg qui dès cette époque eût produit ses prétentions en justice si satisfaction ne lui avait été donnée.
Est-ce une interprétation ?
Dans cette affaire, les intérêts de trois parties étaient en cause : les intérêts de l'Etat ; ceux de la Compagnie du Luxembourg et ceux de la compagnie concessionnaire.
Or, M. Jamar n'avait pas le droit de décider de ces intérêts. Il n'avait aucune qualité pour donner une interprétation qui liait l'Etat et avait pour résultat d'anéantir des droits acquis.
Ce dont je me plains, c'est qu'on ait laissé ignorer à la Chambre cette situation réelle. Si je l'avais connue, j'aurais combattu le projet de loi et demandé que l'on suivît la marche tracée par le cahier des charges, c'est-à-dire que l'on mît en adjudication la concession Forcade.
Il arrivait alors de deux choses l'une : c'est qu'on trouvait un concessionnaire ou qu'on n'en trouvait pas.
Si l'on n'en trouvait pas, le gouvernement était libre ; il se trouvait dégagé de l'article 17.
Si l'on en trouvait un, nous étions sûrs de voir exécuter les lignes.
Je dis qu'il n'est pas convenable de porter devant les Chambres des projets en lui cachant une partie de la situation. Ceux qu'une chose intéresse le plus doivent surtout être tenus au courant de ce qui se fait.
L'honorable M. Frère n'a pas trouvé d'explication au retard apporté par la Compagnie générale d'exploitation à fournir son cautionnement. Mais la correspondance que je viens de lire l'explique très bien.
D'après des pièces officielles, toutes les difficultés devaient se vider aux risques et périls de la Société générale d'exploitation. Cette société a accepté a ses risques et périls l'article 17 du cahier des charges avec toutes ses conséquences.
Aux termes de la contre-lettre, c'est l'Etat ou plutôt ce sont les provinces pour lesquelles ces chemins de fer ont été décrétés qui subiront ces conséquences, puisque la société va se trouver déliée, si la Compagnie use d'une faculté que lui accorde en termes exprès cet article 17.
Armée de sa contre-lettre et du droit qu'elle lui donne, la société des Bassins houillers a donc dit : Avant de déposer un cautionnement, il faut que je sache si je serai concessionnaire. Il faut que je sache comment la Compagnie du Luxembourg usera de son droit ; faites décider cette question contradictoirement avec cette compagnie.
J'ignorais complètement cette situation quand, pour la première fois, il en a été question ; l'honorable M. Frère y ayant mêlé le nom de l'honorable M. Malou, j'ai demandé à celui-ci de bien vouloir me donner quelques explications à cet égard et M. Malou m'a dit qu'en effet, des difficultés avaient surgi, qu'il était même intervenu et qu'avant de donner sa démission de ministre, il avait constaté par une lettre dans quelle circonstance il s'était occupé de cette affaire et la part qu'il y avait prise.
M. Malou a bien voulu me communiquer cette pièce ; que la Chambre me permette de lui en lire un passage.
Elle verra que la contre-lettre donnée par M. Jamar a été une des causes pour lesquelles le cautionnement n'a pas été fourni. Elle verra qu'au lieu de nous trouver, comme, je l'espérais, à la veille d'une exécution de chemins de fer, nous nous trouverons en présence au moins de deux procès : un procès entre la Compagnie du Luxembourg, l'Etat et la compagnie des Bassins houillers ; et, si celle-ci perd son procès, un autre procès entre la Société générale d'exploitation et l'Etat, ou peut-être l'honorable M. Jamar lui-même et personnellement, si l'on n'attribue à la contre-lettre que la valeur que les lois civiles lui reconnaissent.
Voici le passage de la lettre de l'honorable M. Malou ;
« La Grande Compagnie du Luxembourg, d'après son acte de concession, a un droit de préférence sur les lignes à construire dans cette partie du pays. En 1864 on s'était mis d'accord avec elle à ce sujet ; mais l'hypothèse alors prévue ne se réalisant pas, il fallait recommencer.
(page 521) « M. Jamar, ministre des travaux publics, lui écrivit le 28 mai 1870, lui donnant, pour se prononcer, un délai de trois mois.
« Le Luxembourg répondit le 18 juillet ; sans admettre que le gouvernement pût l'obliger à se décider dans le délai fixé, il demanda la communication des plans et fit d'autres réserves.
« Cette lettre fut soigneusement mise dans un carton ; elle y fut retrouvée seulement lorsque en octobre commencèrent les démarches pour obtenir la restitution du million Forcade.
« Le nouveau ministre des travaux publics, M. Wasseige, consulta l'un de ses avocats. D'après son avis, il y avait lieu de déclarer concessionnaire la Société générale d'exploitation et de la forcer à verser le cautionnement d'un million,, le droit du Luxembourg étant périmé.
« La Société générale d'exploitation soutint que le Luxembourg n'avait pas été mis régulièrement en demeure, qu'en tout cas il ne s'était pas prononcé, qu'on aurait dû répondre à sa lettre du 18 juillet.
« La chose se compliquait de certaine correspondance échangé entre M, Jamar, ministre des travaux publics, et la Société générale d'exploitation. En effet, M. Jamar avait admis, sans l'intervention des Chambres, que si le droit du Grand-Luxembourg à la préférence était reconnu pour une partie du réseau, la Société générale serait absolument dégagée pour le tout. Celle-ci disait donc : « J'accepte volontiers une concession pure, simple et complète ; je ne suis pas tenue à verser un million pour n'avoir en perspective que des procès sans garantie du gouvernement, ou pour me trouver peut-être en présence de l'éventualité qui, d'après la contre-lettre du ministre, me dégagerait tout à fait. »
« Le gouvernement prétendait que la Société générale d'exploitation devait immédiatement accepter la concession définitive et verser le cautionnement d'un million ; elle s'y refusait péremptoirement. On chercha d'abord comment et par qui la question serait déférée aux tribunaux. Le débat fut long, confus et même original ; il était évident que personne ne se souciait de commencer le procès, et ne savait sur quoi ou pourquoi il plaiderait.
« Je fis remarquer que, d'après la nature des choses et les usages constamment suivis, le versement du cautionnement d'un million devait précéder l'octroi de la concession définitive, qu'en restituant le million Forcade avant d'en avoir un autre, le ministre contreviendrait à la loi et engagerait sa responsabilité. Je demandai si, au lieu d'engager un procès dont la durée serait longue et l'issue incertaine, il ne vaudrait pas mieux, pour tous les intérêts, régulariser la situation à l'égard du Luxembourg, répondre à sa lettre, lui donner les renseignements qu'il réclamait, et fixer un nouveau délai, le premier étant expiré pendant que cette lettre dormait dans les cartons.
« Cet avis était-il bon ? Je le crois encore aujourd'hui. Il me valut, vous le savez, des accusations aussi injurieuses que stupides. J'étais, vous écrivait-on, un des plus forts intéressés dans le Luxembourg ; j'attirais une méchante affaire au cabinet pour satisfaire cet intérêt personnel, en relevant le Luxembourg d'une déchéance encourue, et autres aménités de ce genre. Or, le Luxembourg n'était pas déchu et je n'y ai jamais eu le moindre intérêt. Je dédaignai cette calomnie comme toutes les autres, comme j'avais dédaigné l'accusation d'être l'ennemi systématique du Luxembourg quand je soutins le cabinet précédent à propos de l'incident franco-belge. Entre l'affaire Forcade et d'autres dont j'ai le devoir de m'occuper, il n'existe aucun antagonisme d'intérêt. Le contact à Givet serait favorable au Grand-Central, mais l'exécution ou l'inexécution du reste lui est fort indifférente.
« Aux millions qui se dévoueraient pour faire ces lignes, je souhaite bonnes chances, facilités et économie d'exécution... Mais surtout je leur souhaite des recettes... »
C'est donc à cette contre-lettre qu'est dû le retard apporté au dépôt du cautionnement et cette même pièce nous vaudra un ajournement indéfini, quant à l'exécution de nos chemins de fer.
M. Bouvier. - Nous sommes renvoyés aux calendes grecques. Le Luxembourg sera joué.
M. Tesch. - J'ai cru, messieurs, devoir parler de cet incident au point de vue du Luxembourg, qui aurait une situation toute différente si cette contre-lettre n'existait pas.
J'arrive ù la convention du 25 avril et au projet qui fait l'objet de nos délibérations.
Le débat auquel cette convention a donné lieu a principalement porté sur l'article 59, et différents orateurs ont même déclaré que cet article constituait toute la convention.
Je ne saurais partager cet avis. Pour juger cet article, pour en apprécier impartialement la portée, il faut se placer en face de cette convention à la date du jour où elle a été signée, ou, pour mieux dire, à la date du jour où elle a été approuvée par la Chambre. Eh bien, je demande si, à celle époque, un droit quelconque était compromis par l'article 59 ? Je ne le pense pas.
Les obligataires étaient restés dans la plénitude de leurs droits ; les sociétés, dont les droits auraient pu être lésés, étaient appelées à ratifier. Aucun intérêt n'était donc compromis.
Et quand a-t-on commencé a signaler le danger de l'article 59 ? Quand on en a abusé, quand on a voulu disposer des annuités au préjudice des obligataires. Quand on a abusé de la position qu'on avait comme actionnaires dans différentes sociétés pour sacrifier les intérêts des obligataires.
Messieurs, l'on a dit qu'il fallait prévoir la possibilité de ces abus. Je ne comprends pas que ce reproche soit adressé par le cabinet actuel à l'administration précédente.
S'il fallait prévoir l'abus a l'époque où l'on faisait la convention, il fallait à plus forte raison le prévoir quatre mois après, dans les statuts. Et si le cabinet actuel reproche à l'ancienne administration d'avoir manqué de prudence en ne prenant pas de précautions dans la convention du 25 avril, je puis adresser au cabinet actuel le même reproche, puisqu'il n'a rien fait de plus que le cabinet précédent, bien qu'il se fût écoulé un certain temps depuis la convention du 25 avril.
Messieurs, il y avait une bonne raison, à mon avis, pour qu'il ne fût pas besoin de prendre ces précautions : c'est qu'il s'agit ici d'une personne civile sur laquelle le gouvernement a action ; lorsqu'un corps moral manque à ses devoirs, le département des affaires étrangères est là pour l'y rappeler.
Et c'est avec raison que l'honorable M. Frère disait que lorsqu'on a affiché la prétention de vouloir transporter à des actionnaires les annuités qui revenaient aux obligataires, il fallait retirer l'anonymat à la caisse des annuités. M. le ministre des finances a répondu assez peu sérieusement qu'on aurait dans ce cas puni l'innocent pour le coupable.
Cette disposition des annuités étant le fait de la société des Bassins houillers, et non le fait de la caisse des annuités, c'était éluder la question. La société des Bassins houillers est une société anonyme comme la caisse des annuités, et du moment qu'elle commettait un acte répréhensible, c'est contre elle qu'il fallait sévir.
Le cabinet avait au surplus si peu de méfiance vis-à-vis de cette société des Bassins houillers, qu'on lui a donné une preuve de confiance qui, que je sache, n'a jamais été donnée à une société anonyme en Belgique. Dans les statuts qu'elle a soumis au gouvernement pour créer la caisse des annuités, elle a fait admettre que les commissaires seraient nommés par les administrateurs.
C'est-à-dire que ce sont les surveillés qui doivent nommer des surveillants. C'est là assurément chose très extraordinaire et on peut dira très exorbitante. Mais si le ministère précédent a été imprudent, comment donc pouvez-vous soutenir votre projet ?
Lorsque l'ancien ministère traitait il ne pouvait prévoir l'usage qui serait fait de l'article 59, mais aujourd'hui, vous le savez, l'expérience est faite, vous savez devant quels dangers vous vous trouvez. Cependant vous soutenez votre projet ; aux mêmes hommes vis-à-vis desquels vous prétendez qu'on eut dû user de la plus grande méfiance, vous accordez beaucoup plus de confiance que l'ancien cabinet ; vous mettez à leur disposition des sommes qui devraient servir de gage aux obligataires et que d'après la convention vous avez le droit de retenir devers vous.
Au lieu de faire mieux, vous faites plus mal ; vous abandonnez ce que vous avez le droit de conserver et vous reprochez au cabinet précédent d'avoir été imprudent.
Je crois donc, messieurs, que c'est à tort qu'on a fait le procès à l'article 59. L'ancien cabinet ne devait pas prévoir l'abus qui en a été fait, et si l'on admettait qu'il savait l'abus qui devait en être fait, le cabinet actuel n'aurait pas dû exécuter la convention en accordant l'anonymat à la caisse des annuités, car, dans ce cas, il y eût eu, de la part du gouvernement qui traitait, une participation à la fraude des Bassins houillers.
Mais, messieurs, si j'avais à critiquer un article de la convention du 25 avril, ce ne serait assurément pas l'article 59, ce serait bien plutôt l'article 44 qui admet une assimilation complète de toutes les lignes pour la rente à payer, qui consacre le principe de l'uniformité de l'annuité par kilomètre sans distinction si le chemin a un trafic plus ou moins considérable ; car c'est là un des plus grands embarras de la situation actuelle et l'origine de la prétention des Bassins houillers de traiter tous les porteurs d'obligations sur le même pied.
Mais, messieurs, quoi qu'il en soit de cette convention, il y a quelque chose qui me frappe, c'est qu'au lieu de chercher à l'améliorer, de chercher (page 522) faire beaucoup mieux, de chercher à donner aux obligataires les garanties auxquelles ils ont droit, de veiller en même temps à ce que l'Etat ne puisse en aucun cas être victime, eh bien, on fait beaucoup moins bien e,, dans toutes les propositions qui nous sont faites, je crains que l'Etat ne soit beaucoup plus mal placé, au moins aussi mal placé qu'il l'était avec la convention du 25 avril. Ceci, messieurs, m'amène aux propositions qui viennent de nous être faites. Ces propositions, messieurs, sauvegardent-elles les intérêts des obligataires, sauvegardent-elles les intérêts de l'Etat ?
Remarquons d'abord qu'il y a quelque chose de très insolite dans la manière dont ces propositions nous sont présentées et qui me suffirait à moi pour les rejeter ; c'est, en quelque sorte, le marché à la main qu'on met à la Chambre. On nous dit : « Je suis prêt à signer ce contrat pour le cas où la convention, soumise en ce moment aux délibérations de la Chambre, soit approuvée, sans nouvel ajournement. » C'est-à-dire que nous avons d'abord à voter la convention avant qu'il convienne aux Bassins houillers de faire un traité ; c'est là une chose que je ne puis admettre. Je ne voterai la loi que pour autant qu'il y ait des traités faits à l'avance, et que je puisse apprécier, examiner et sur lesquels nous puissions, au besoin, provoquer des explications. Aussi longtemps que je n'aurai pas cela, je ne voterai pas le projet de loi.
Je ne veux pas m'en rapporter à ce qu'on nous promet aujourd'hui, à des garanties que nous ne connaissons pas, sur lesquelles des discussions peuvent encore s'établir et qui, en définitive, ne seront pas données.
Du reste, messieurs, ce projet, en ce qui concerne les obligataires, pèche par un vice radical. Il part précisément de ce point que le gouvernement s'étant engagé à payer une rente uniforme par kilomètre, on peut traiter tous les obligataires à peu près de la même façon. Il suffit de lire l'article 2, littera A, et de le mettre en rapport avec les faits pour en être parfaitement convaincu.
Vous allez en juger :
« Sociétés de Tamines-Landen, de Frameries-Chimay et de Ceinture de Charleroi.
« Il sera dressé, contradictoirement avec chacune d'elles, un état indiquant le nombre et les numéros de leurs obligations qui se trouvent encore actuellement dans les mains du public et que la compagnie des Bassins houillers s'engagera à racheter.
« En garantie de cet engagement, ladite compagnie constituera, au profit de chacune de ces sociétés, un droit de gage sur une quotité de titres d'annuités représentant la part de chaque obligation émise par ces sociétés et existant encore en circulation dans le revenu kilométrique de leurs lignes à raison de 7,000 francs par kilomètre. »
D'après ce qu'on nous propose, chaque obligataire de Tamines-Landen sera payé intégralement. Il recevra 16 francs, soit 15 francs pour intérêt et 1 franc d'amortissement. Cependant de toutes les obligations, celles de Tamines-Landen sont parmi les plus mauvaises. Quel est le revenu réel de Tamines-Landen ? Il est, documents officiels en main, de 4 fr. 55 c. ; et on lui donne 16 francs ! Il est évident que vous prenez aux autres obligataires la différence qu'il y a entre 4 fr. 55 c. et 16 francs, et que ce sont précisément les lignes qui produisent ces différences que l'on renvoie à des garanties ultérieures qui sont tout hypothétiques et tout aléatoires.
Quand je donne ces chiffres à la Chambre, je suis en mesure d'en établir immédiatement la réalité.
D'après les indications qui ont été fournies par l'administrateur délégué des Bassins houillers dans une lettre que j'ai sous les yeux et qui a paru dans l'Echo du Parlement, Tamines-Landen a 45,000 obligations, son revenu est de 9,000 francs brut par kilomètre.
M. Brasseur. - La garantie est de 7,000 francs.
M. Tesch. - Il ne s'agit pas de garanties ; il s'agit du produit brut de la ligne. Il y a donc 45,000 obligations et le produit brut est de 9,000 francs par kilomètre.
Je sais bien que, dans une autre pièce qui a été distribuée à la Chambre, le produit a été évalué à 10,000 francs, mais il y a ici à observer que les chiffres changent à chaque instant entre les mains des Bassins houillers selon ce qu'ils ont à démontrer. Si l'on a à démontrer que les obligataires ont tout à gagner avec la rente de 7,000 francs, on estime le produit très bas ; si l'on a à établir une comparaison entre diverses lignes, les chiffres changent selon les besoins de la cause.
Mais voici le chiffre que je trouve dans la lettre que j'ai rappelée, qui a été publiée dans l’Echo du Parlement du jeudi 15 décembre : Recette brute, 9,000 francs.
D'un autre côté, il y a un traité d'exploitation avec la Société générale d'exploitation et d'après un traité la part qui revient à cette société est de 78 p. c, quand le revenu brut est de 9,000 francs.
78 p. c. de 9,000 francs par kilomètre, laisse à la société de Tamines-Landen 1,980 francs net par kilomètre, soit 203,940 frimes pour les 103 kilomètres, et si vous divisez cette somme par le nombre des obligations, qui est de 45,000, vous obtenez, 4 fr. 53 c., c’est-à-dire qu'une obligation qui aujourd'hui, d'après le trafic de la ligne, ne rapporte que 4 fr. 53 c, vous la remboursez intégralement, à raison de 15, vous lui donnez tontes les garanties, vous lui assignez une rente sur l'Etat, tandis que les obligations qui grèvent des lignes qui rapportent davantage, des lignes qui ont un excellent trafic, vous les renvoyez à une autre époque pour leur donner des garanties, garanties qu'on n'indique même pas.
Voici ce que l'on dit quand on assure à la société de Beaume à Marchienne beaucoup au delà des sommes nécessaires pour payer l'intérêt de ses obligations.
« Art. 5. En ce qui concerne la ligne de Beaume-Marchienne, il est ici expliqué que, pour complément de garantie, la compagnie des Bassins houillers constituera au profit des obligataires de cette ligne un droit de gage sur valeurs diverses, d'un revenu assuré, et représentant la somme suffisante pour parfaire, avec les intérêts des titres d'annuités engagés à raison de 7,000 francs par kilomètre, les sommes nécessaires pour couvrir intégralement le service de l'intérêt et de l'amortissement des obligations de cette ligne. »
Quelles seront ces valeurs ? C'est ce qu'on ne nous dit pas. La vérité est qu'on aurait dû commencer par assurer le payement des intérêts aux obligations des lignes qui, par leur trafic, produisent ces intérêts, et s'il y avait une réduction à faire, c'était sur les lignes qui ne couvrent pas par leurs produits les intérêts de leurs obligations. C'est le contraire qu'on fait et le gouvernement approuve !
D'un autre côté, messieurs, examinez attentivement toutes ces garanties qu'on nous offre ; tout cela repose sur un alea que personne ne peut apprécier maintenant ; personne ne peut assurer que ce que l'on offre aujourd'hui sera une garantie véritable, un gage sérieux ; tout dépendra des circonstances, d'événements qui peuvent se produire.
Les obligataires, messieurs, n'ont donc pas de garanties dans le nouveau projet et cependant ces obligataires ont d'autant plus de droit à notre sollicitude que jusqu'à présent les grands pouvoirs de l'Etat leur en ont montré beaucoup trop peu.
Au début, messieurs, de la construction des chemins de fer concédés, ce sont des actionnaires qui sont intervenus pour former le capital. Quand les actionnaires ont été suffisamment échaudés, on a inventé l'obligation et on a tellement perfectionné cette création qu'aujourd'hui, c'est l'obligataire qui fournit tout l'argent, qui couvre tous les risques, qui n'a absolument rien à dire et qui paye encore souvent des intérêts à l'actionnaire.
M. Brasseur. - C'est ainsi.
M. Tesch. - Et comment cela se fait-il ? Par l'exagération de la partie du capital à fournir en obligations, exagération telle, qu'elle dépasse souvent le coût de la ligne. Notez que le surplus revient encore aux actionnaires par-dessus le marché.
Sous ce rapport, je dis que de graves reproches sont à faire au département des travaux publics, à l'administration des ponts et chaussées, qui a laissé passer toutes ces exagérations dans les évaluations du coût des lignes, au département des affaires étrangères qui les a acceptées dans les statuts et aux Chambres qui n'ont pas suffisamment contrôlé le gouvernement lorsque ces faits se passaient.
Nous avons tous, à cet égard, une grande responsabilité et c'est une raison de plus pour qu'aujourd'hui nous ayons pour les obligataires toute la sollicitude qui jusqu'à présent leur a fait défaut.
Ce que je vous dis, messieurs, résulte, à la dernière évidence, de tous les documents.
Voyez, quant à la ligne de Braine-le-Comte à Courtrai, c'est encore une ligne exécutée par les Bassins houillers. Je ne dis pas que cette société ait contribué à l'évaluation du capital. Mais je prends la convention intervenue entre les sociétés pour la construction. Que vois-je ? Le prix de l'entreprise pour chaque section est fixé comme suit :
« Pour la section de Renaix à Courtrai :
« A. 10,000 obligations de la société de Braine-le-Comte à Courtrai ;
« B. 6,000 actions ordinaires de la même société ;
« C. Les fonds à provenir de 1,134 actions émises, etc. »
La section de Renaix à Courtrai a 29 kilomètres et pour ces 29 kilomètres à construire on remet 16,000 actions à 300 francs, ce qui fait 4,800,000 francs. Si vous divisez cette somme par %9, vous arrivez à 165,000 francs d'obligations par kilomètre de chemin de fer.
Cela fait déjà 25,000 francs d'obligations de plus et d'obligations seulement.
(page 523) L'Etat paye en moyenne pour tous les kilomètres à construire, et assurément ceux qui se trouvent dans cette partie du pays sont parmi ceux qui coûteront le moins.
Indépendamment de cela, on donne 6,000 actions de la société, etc., etc.
Je sais que l'on peut critiquer le calcul qui consiste à prendre ces obligations au pair ; mais, si le capital avait été sérieusement évalué, si l'on avait exigé comme garantie des obligataires un versement par action, vous n'auriez pas eu de dépréciation. Mais admettez une réduction de 15 ou 20 p. c, vous aurez encore un chiffre d'obligations supérieur au coût réel de la ligne.
Quel est le résultat de ce genre d'opérations ? Pour faire accepter ces obligations par le public, on use de tous les moyens licites et illicites, la presse, des primes à ceux qui les placent. On fait croire au preneur qu'il est garanti par les actionnaires, que le capital-actions court tous les risques, supporte toutes les chances. Dans la réalité, il n'en est rien : les actionnaires n'ont rien versé, et l'obligataire n'est garanti par rien.
Pour la section de Renaix à Courtrai, nous retrouvons la même exagération. La distance est plus longue, mais cette fois aussi le prix est fixé comme suit :
A. 18,000 obligations de la société Braine-le-Comte à Courtrai ;
B. 4,000 actions privilégiées de la même société ;
C. 9,492 actions ordinaires de la même société.
Ici encore les obligations suffisaient et au delà pour tout payer.
Les actions qu'on recevait devaient servir à compromettre les droits des obligataires par des renonciations à des garanties qui sont partout au moins dans l'esprit des statuts.
Voilà quel est le résultat du système suivi jusqu'à présent, système que je crois devoir signaler et critiquer, afin que, dans l'avenir, pareil abus, pareil scandale, dirai-je, ne se reproduise plus.
Pour les autres sociétés, vous trouvez la même situation.
Ainsi, pour le Centre, c'est encore un chiffre relativement plus exagéré ; le Centre a pour 62 kilomètres, d'après les pièces publiées par les Bassins houillers mêmes, 91,000 obligations : soit 27,300,000 francs à diviser par 62 et vous arrivez au chiffre de quatre cent quarante mille francs par kilomètre.
Voilà le résultat.
M. Bouvier. - C'est trop fort !
M. Tesch. - Je ne compare rien, je signale et je critique. (Interruption.) Je sais qu'il y a eu d'autres lignes rachetées. (Nouvelle interruption.) Si les chiffres que j'ai cités ne sont pas tout à fait exacts, qu'on me rectifie. Ce sur quoi j'insiste, c'est l'inqualifiable exagération du capital fourni en obligations, c'est qu'il n'y a plus de capital-actions pour garantir le capital obligations et que celui qui croit être garanti par une quotité proportionnelle d'actions et en définitive trompé. Qu'au lieu de 440,000 fr. par kilomètre, il n'y ait que 400,000 francs, 350,000 francs, peu importe, je dis que c'est encore une exagération sans nom.
M. Bara. - Elles n'ont pas toutes été appliquées au Centre.
M. Tesch.- C'est là une autre question ; on prétend que dans le Centre on a acheté des actions pour devenir maître de la société et que lorsqu'on a eu la majorité on a fait de la société du Centre une fabrique de papier. J'ai entendu dire cela souvent ; c'est ainsi, assure-t-on, qu'alors qu'à une certaine époque la société du Centre n'avait que 53,000 obligations, elle eu a le double aujourd'hui. Comme je n'ai pas vérifié les faits, je ne veux rien affirmer, mais ces faits m'ont été attestés comme étant de la plus parfaite exactitude.
Nous devons ici, en ce qui concerne surtout les Bassins houillers, nous montrer d'autant plus circonspects que, pour cette société, cette manière de procéder vis-à-vis des obligataires est passée tout à fait à l'état de système. C'est sur le papier, sur les obligations que cette société spécule bien plus que sur la construction des chemins de fer.
Eh, messieurs, ce système se reproduit partout où vont les Bassins houillers. Les Bassins houillers ont été dans le grand-duché de Luxembourg ; ils ont là entrepris un réseau de chemin de fer ; je n'ai pas à n'expliquer ici sur le point de savoir si ce réseau est bon ou mauvais, ce qu'il produira, ce qu'il ne produira pas ; mais alors que pour le premier chemin de fer construit dans le Luxembourg on avait introduit la clause tutélaire qu'on ne pourrait émettre d'obligations que jusqu'à concurrence d'une quotité égale à celle des actions, que l'on ne pourrait émettre ces obligations que lorsqu'on aurait fait les versements sur les actions, pour ce réseau-ci, la société des Bassins houillers a exigé des conditions tout à fait différentes :
On a commencé par demander que la proportion entre le capital actions et \e capital obligations ne soit pas déterminée et on a stipulé également que les actions n'auraient besoin d'être libérées qui jusqu'à concurrence, je crois, de trois dixièmes.
La chambre du Luxembourg a passé par cette condition, mais voici ce que porte le rapport de la section centrale :
« Le cahier des charges de 1855 autorisait la société concessionnaire à émettre de nouvelles actions ou obligations jusqu'à concurrence d'une somme égale à celle de son capital primitif.
« Le nouveau cahier des charges introduit à ce sujet deux modifications.
« D'une part, la proportion entre le capital actions et le capital obligations est indéterminée.
« D'autre part, il est permis à la société d'émettre des obligations à prime variable, c'est-à-dire à lots.
« Le gouvernement a fait cette double concession, parce que la société la considère comme un élément important de ses combinaisons financières.
« En présence du consentement du gouvernement, la section centrale, tout en regrettant cette innovation, n'a pas cru devoir en faire dépendre le sort de la convention.
« Mais elle insiste avec énergie sur la nécessité de prendre à ce sujet les précautions les plus minutieuses lorsqu'il s'agira d'approuver l'émission des obligations à lots.
« Il faut que le public soit informé du privilège grevant les mines et les travaux au profit de l'Etat jusqu'à l'entier achèvement du réseau.
« Il faut que la responsabilité morale et pécuniaire de l'Etat soit dégagée d'une manière absolue. »
J'ajoute que le gouvernement et la chambre du Luxembourg savaient parfaitement que les chemins de fer décrétés étaient assez bien appréciés pour que personne dans le grand-duché ne prît des obligations et que ce seraient probablement des obligataires belges qui feraient les frais de cette belle entreprise.
Et ce ne sont pas des obligations ordinaires que l'on a demandé et obtenu l'autorisation d'émettre. Ce sont des obligations à primes, à lots fixes ou variables. On est venu en Belgique demander, si je ne me trompe, l'autorisation d'émettre ces obligations, mais heureusement le gouvernement belge a eu le bon esprit de refuser cette autorisation. Et dans les statuts de la société fondée pour exécuter ces chemins, qu'a-t-on mis. ? Quel rapport a-t-on établi entre le capital actions et le capital obligations ? Le voici : le capital actions a été fixé à 12,500,000 francs, divisé, en 50,000 actions de 250 francs.
Mais on a stipulé en même temps qu'on ne percevrait sur le capital que trois dixièmes ; c'est-à-dire que le capital à verser par les actionnaires se réduirait à une somme d'environ 3,750,000 francs ; et quant au capital obligations, on l'a porté à 7,500 francs de rente par kilomètre ; soit 150,000 francs de capital par kilomètre ; c'est-à-dire que le capital obligations s'élève, pour 150 kilomètres au moins à construire, à la somme de 22,500,000 francs ; ainsi un capital actions de 3,750,000 francs et un capital obligations de 22,500,000 francs. Ces chiffres se passent de commentaire. Si l'on trouvait des preneurs d'obligations, ce seraient eux qui courraient tous les risques ; les actionnaires, aucun.
Autrefois, c'était la proportion inverse qu'on établissait ; on n'admettait les obligataires en quelque sorte que pour subvenir à une insuffisance très limitée du capital actions.
Ici, on fait diamétralement le contraire : c'est avec des obligations - obligations que l'on entoure de tout l'appât possible : primes, gros lots, etc. - que l'on fait des chemins de fer. Une fois la concession obtenue, on cherche à obtenir des obligations, à les placer, à réaliser des bénéfices sur la construction et quand cela est fait, on cède le produit de. lignes et on force l'obligataire de passer par toutes les conditions.
Voilà le système.
Eh bien, c'est contre ce système que nous devons protester et réagir ; et nous ne devons admettre aucune proposition qui n'aurait point pour effet de sauvegarder complètement les intérêts des obligataires.
Pour le chemin de fer de Virion, c'est encore la même chose.
M. Bouvier. - C'est cela ; nous en parlerons bientôt à notre tour.
M. Tesch. - Je ne vous parle pas du capital de cette ligne ; je ne me rappelle pas quel chiffre d'obligations on a admis, par kilomètre, mais je constate encore, une fois que la première chose que l'on a faite a été de jeter des obligations sur le marché.
Voilà deux ans que ces obligations sont dans le public et jusqu'à présent il n'est pas encore sérieusement question de construire le chemin de fer. On en est toujours aux plans.
(page 524) M. Bouvier. - Et la déchéance n'a pas encore été prononcée.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Vous m'avez demandé vous-même de ne pas la prononcer actuellement.
M. Bouvier. - Nous nous en expliquerons bientôt. (Interruption.)
M. Tesch. - Maintenant, il y a une autre institution qui me semble devoir disparaître et qui, si on la laisse subsister, sera un danger permanent pour toutes les combinaisons qu'on fera : c'est la caisse des annuités. (Interruption.)
« Elle disparait, » me dit-on ; cela ne me paraît pas bien clair. Quoi qu'il en soit, je dis que c'est une société qui doit disparaître ; cette caisse n'est autre chose qu'un acte de simulation et de fraude.
C'est l'opinion que j'ai émise, dès le premier moment, sur la caisse des annuités. Est-il admissible qu'un débiteur aille fonder une caisse au moyen de laquelle il transforme son avoir en valeurs au porteur pour pouvoir menacer ses créanciers de faire disparaître ce qui est leur gage légitime, s'ils ne consentent pas à réduire leur créance ?
Cela n'est pas possible et c'est là cependant toute la caisse des annuités.
Que diriez-vous d'un propriétaire qui, ayant acheté beaucoup de biens et les ayant loués, trouve que la rente qu'il en retire n'est pas en rapport avec l'intérêt de l'argent qu'il a dû emprunter pour acquérir et qui dit un beau jour à son fils :
« Je vais te vendre tous mes biens, et tu me remettras des titres au porteur et si mes créanciers ne consentent pas à réduire leur créance, comme j'ai mes valeurs en poche, ils s'en tireront comme ils pourront. »
Voilà l'opération que la compagnie des Bassins houillers a faite et voilà le langage qu'elle a tenu à ses créanciers, et ellea publié qu'elle allait remettre à l'actionnaire débiteur des annuités qui appartenaient à l'obligataire créancier.
Quand l'actionnaire qui est le débiteur prend, conserve ce qui est la propriété, le gage du créancier, comment s'appelle cette opération ? Cela s'appelle la banqueroute.
Quand on est actionnaire, on n'a pas le droit de toucher quoi que ce soit, avant que les obligataires ne soient payés ; on n'a pas le droit de dire aux obligataires : « Je vais réduire votre rente de 15 francs à 9 et 10 francs et distribuer en même temps aux actionnaires ce qui est le gage de l'obligataire. »
Messieurs, cela est d'autant plus grave que le gouvernement exerce un droit de surveillance sur les sociétés.
Quand nous aurons une loi qui permettra de constituer les sociétés sans l'autorisation du gouvernement, le gouvernement n'aura plus de ce chef de responsabilité ; mais cette loi stipulera des précautions, des garanties efficaces pour les créanciers ; mais tant que cette loi n'est pas votée, il n'est pas permis au gouvernement de laisser s'accomplir des actes de cette espèce ; vous auriez dû les réprimer sévèrement.
Ce devoir est d'autant plus impérieux que, vis-à-vis de corps moraux, l'on n'a pas l'action qu'on aurait contre un particulier.
Ainsi que je l'ai dit, les droits des obligataires ne me semblent pas garantis par la convention qu'on nous propose ; ces droits ne seront véritablement garantis que par une convention qui sera tout à fait différente de celle-là.
J'ai à m'occuper maintenant des intérêts de l'Etat.
Je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Bara qu'en prenant la convention telle qu'elle a été faite, les droits des obligataires restent entiers.
Mais par ce fait même que les droits des obligataires restent entiers, comme je le disais tout à l'heure, l'article 44 laisse à désirer, parce que, assimilant tous les kilomètres quant à la rente, il peut se produire ce résultat-ci : c'est que si les Bassins houillers ne remplissent pas leurs engagements vis-à-vis des obligataires, les obligataires feront annuler le contrat dans tous les cas où le produit de leurs lignes sera supérieur à la rente de 7,000 francs par kilomètre que le gouvernement paye. Et sous ce rapport, M. le ministre des finances signalait avec raison, il y a quelques jours, quels seraient les inconvénients d'une annulation.
Ainsi, supposez tous les obligataires conservant tous leurs droits, et supposez que dans quatre, cinq, six, dix ans, la société des Bassins houillers ne puisse plus faire le service des intérêts et de l'amortissement des obligations. Que va-t-il se produire ? Vous aurez, par exemple, la société de Beaume à Marchienne, dont la ligne produit beaucoup plus que n'exige le service des intérêts, qui viendra demander la résolution du contrat, déclarant que, n'étant plus payée de ses intérêts, la convention doit être résolue, et partout où le produit net excédera les 7,000 francs par kilomètre, la même chose se produira.
Il n'y aura que les lignes dont le produit net sera inférieur aux 7,000 francs qui diront : Mais nous avons plus d'intérêt à laisser exploiter par l'Etat et à toucher 7,000 francs qu'à demander la résolution de la convention.
Voilà donc quel est le danger de l'article 44. Eh bien, cette situation sera encore la même, à moins que vous ne puissiez donner à tous les obligataires de cette catégorie une garantie absolue, complète qu'ils seront à jamais entiers dans leur s droits..
Or, il y a des concessions qui figurent encore pour 70, 80, 90 années et vous ne pouvez pas apprécier ce que produiront ces lignes dans vingt ou vingt-cinq ans, et dans vingt ou vingt-cinq ans l'action des obligataires sera encore ouverte.
M. Frère-Orban. - L'article 44 ne dit pas cela ; il ne donne pas le droit à des tiers quelconques de prétendre à 7,000 francs par kilomètre.
M. Tesch. - Sans doute, mais cela ne change absolument rien à mon raisonnement. Je dis une chose : Que ferez-vous si le service des intérêts des obligataires n'est pas fait par les Bassins houillers ? Que ferez-vous ?
M. Bara. - Une ventilation par justice.
M. Tesch. - Mais je n'admets pas cette ventilation par justice. La vérité en fait peut être celle-ci : c'est que les embarras seraient très grands pour l'Etat ; il s'en tirerait peut-être par des embarras plus grands pour les obligataires ; mais, en droit, vous admettez avec moi que les intérêts des obligataires sont saufs.
M. Frère-Orban. - Parfaitement.
M. Tesch. - Eh bien, je dis que si les droits des obligataires sont saufs, ils ont le droit de demander la résiliation du contrat du moment qu'on ne leur paye pas ce qui leur est dû.
M. Frère-Orban. - Evidemment, nous sommes d'accord.
M. Tesch. - Eh bien, messieurs, voici ce qui peut arriver : c'est qu'à un moment donné les obligataires de Beaume à Marchienne, du Centre et de toutes les lignes les plus productives aujourd'hui et qui probablement dans un certain nombre d'années produiront de quoi subvenir complètement au service de leurs obligations, viendront demander la résolution de leur contrat.
Eh bien, je signale le danger qu'il peut y avoir et je reviens à ce que disait M. le ministre des finances, c'est qu'il y aura beaucoup de dépenses à faire en agrandissements, en améliorations, et que c'est l'Etat qui devra les supporter. Voilà précisément où je voulais en arriver : c'est qu'à ce point de vue la résolution étant prononcée, alors que les dépenses seraient faites, les meilleures lignes pourraient être retirées et le gouvernement se trouverait en présence de l'exploitation des plus mauvaises lignes et de l'impossibilité de recouvrer les dépenses faites. Il pourrait, il est vrai, les abandonner, le contrat étant indivisible.
M. Pirmez. - Il aurait à faire une nouvelle convention.
M. Tesch. - Ce serait, dit-on, une nouvelle convention à faire.
Je le veux bien. Il pourrait donc les abandonner ou faire une nouvelle convention. Seulement je signale ce fait qu'il y a un danger qu'il faut conjurer et que la convention ne conjure pas suffisamment.
Mais on a fait une autre objection, à laquelle je tiens à répondre.
Dès le commencement de cette discussion, l'honorable ministre des finances, notamment, a traité les droits des obligataires avec une extrême légèreté. Les obligataires n'ont absolument rien à dire, absolument rien à réclamer. Dans l'avant-dernière séance, on disait encore : Si la nouvelle convention est ratifiée par les sociétés, les obligataires ne pourront plus attaquer du chef de leurs débiteurs, parce que ceux-ci auront renoncé, et ils ne pourront plus venir réclamer de leur propre chef, parce qu'il faudrait pour cela qu'il y eût fraude. On a cité différents articles du code civil sur lesquels on appuie ce raisonnement. L'honorable M. Liénart a parlé dans le même sens. Il a traité quasi de niais, d'ignorants les personnes qui pouvaient supposer que les obligataires avaient un droit de préférence, un gage, une action spéciale. Qu'il me soit permis de le dire, M. le ministre des finances comme l'honorable M. Liénart se sont complètement et absolument mépris sur la nature des droits des obligataires.
Evidemment les obligataires n'ont pas un gage dans le sens des articles 2072 et suivants du Code civil. Personne n'a soutenu cela. Les obligataires n'ont pas davantage un droit d'hypothèque. Mais il y a une affectation du produit des lignes en faveur des obligataires ; il y a une affectation statutaire qu'il n'appartient à personne de violer.
Et ici, je n'entends pas mettre tous les obligataires sur la même ligne. J'admets qu'il peut y avoir une certaine différence, quoique, au fond, l'on (page 525) ne puisse nier que même les obligataires des sociétés auxquels les statuts ne donnent pas de garanties spéciales, peuvent invoquer en leur faveur l'esprit des statuts.
Il me paraît incontestable, en effet, que lorsque, pour la construction d'un chemin de fer, un capital moitié actions, moitié obligations, est admis par les statuts, il entre bien dans l'intention et de ceux qui les présentent et du gouvernement qui les approuve, que les produits, quels qu'ils soient, soient avant tout affectés au payement des obligations. Les statuts, sainement interprétés, doivent donc garantir les intérêts de tous les obligataires et je ne crois pas que la justice les méconnaisse.
Mais si cela est vrai pour ceux auxquels les statuts n'accordent pas de garantie spéciale, formellement exprimée, combien, à plus forte raison, cela est-il vrai pour ceux auxquels les statuts garantissent, dans des termes clairs, précis, exprès, que les produits de la ligne seront affectés au service des obligations !
Pour vous citer un exemple, prenez les statuts de Beaume a Marchienne. Voici comment ils sont formulés :
« Afin de donner aux 12,000 obligations de la compagnie de Beaume à Marchienne une garantie plus complète, il est expressément stipulé que la compagnie de Beaume à Marchienne ne pourra faire en aucun cas aucun contrat de réunion ou de fusion avec d'autres lignes de location ou d'exploitation qui n'assurerait pas d'avance, et en tout état de cause, le service des intérêts et de l'amortissement des 12,000 obligations privilégiées dont il vient d'être parlé, ainsi que les mesurée indispensables pour la parfaite conservation de l'ensemble du chemin de fer, de ses dépendances et de son matériel. »
Ainsi remarquez que dans les statuts, la compagnie ne peut faire de traité quelconque d'exploitation, par conséquent ni avec l'Etat ni avec tout autre, sans que d'avance le service des intérêts et de l'amortissement soit assuré, et M. le ministre déclare que les obligataires n'ont rien à dire !
Mais, messieurs, ce qui m'a stupéfié dans cette Chambre, c'est que ce sont des ministres qui disent cela. Si j'avais été à la place de l'honorable M. d'Anethan, je me serais levé immédiatement pour contester l'assertion de l'honorable M. Jacobs. Comment ! ce sont les ministres qui approuvent les statuts qui viennent déclarer que ces statuts ne signifient rien !
Vous confondez constamment les droits d'une personne civile avec les droits d'une personne naturelle ; la personne naturelle peut disposer de ses biens comme elle l'entend, elle a pleine liberté ; mais la personne civile ne peut disposer de ses biens que dans la forme déterminée par les statuts. Ce qui est applicable ici, mais c'est le même principe que celui qui est écrit dans l'article 357 du code civil, qui est ainsi conçu :
« Art. 557. Les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent.
« Les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières. »
C'est-à-dire que les compagnies ne peuvent disposer de certains fonds que conformément aux statuts. Les compagnies ne peuvent pas vendre, ne peuvent pas aliéner, ne peuvent pas disposer du produit de leurs lignes autrement que de la manière déterminée par les statuts.
C'est une capacité restreinte relativement à celle de la personne naturelle et quand les statuts disent, comme ceux de Beaume à Marchienne : Vous ne pouvez pas vendre, comment pouvez-vous admettre que vous puissiez dire : Je puis vendre ?
Il y a dans les statuts d'autres défenses. Il y a, par exemple, la défense d'émettre des billets ; est-ce que vous pensez qu'émettre des billets soit permis, soit licite ?
Si cela n'est pas admissible, comment croire que. lorsque les statuts vous défendent de traiter du produit de vos lignes contrairement aux dispositions qui garantissent les intérêts des obligataires ?
Ce n'est pas un droit de gage, ce n'est pas une hypothèque, mais l'obligataire qui a versé ses fonds sous la foi des statuts a un droit manifeste à ce que les dispositions de ces statuts qui garantissent ses intérêts soient loyalement exécutées.
De sorte que, quant à tous les obligataires dont les droits sont inscrits dans les statuts, il n'y a pas de discussion possible, et le jour où ils se trouveront lésés, ils vous feront un procès et ce jour vous serez condamnés à leur abandonner les produits de la ligne dont vous n'êtes que le sous-locataire.
Le raisonnement que je viens de faire au point de vue des intérêts de l'Etat, ce raisonnement est également applicable au matériel. J'ai parlé du matériel de la compagnie de l'Ouest. On m'a fait une réponse qui n’en est pas une. On a dit : La compagnie de l'Ouest n'a pas de matériel. C'est une équivoque.
Non, elle n'a pas fourni de matériel, mais elle était tenue d'avoir un matériel, et les compagnies qui ont repris son exploitation ont été substituées à ses obligations et elles ont donné beaucoup de valeurs pour que ce matériel fût fourni.
Est-ce que le matériel qui est sur ces lignes n'est pas dans les mêmes conditions que si les compagnies l'avaient fourni ? Cela me paraît incontestable.
Messieurs, pour juger de cette question de matériel, il faut remonter au cahier des charges.
Le cahier des charges imposait au concessionnaire, l'obligation d'avoir un matériel et cette obligation il l'a apportée dans la société et voici dans quels termes :
« Art. 5. M. Isidore Neelemans déclare faire apport à la société :,
« 1° De la concession du chemin de fer de Courtrai à Denderleeuw et de Grammont à Nieuport qui lui a été accordée en vertu de la loi du 31 mai 1863, par arrêté royal du 1er décembre de la même année, conformément à la convention et au cahier des charges en date du 28 février 1863 publiés par le Moniteur belge du 12 décembre 1863, n°343.
« 2° Des droits à la concession, etc.
« En conséquence, la société constituée par le présent acte est substituée sans aucune exception ni réserve à tous les droits et obligations résultant des concessions et droits ci-dessus apportés. »
Il résulte de là que la compagnie reprenant les obligations du concessionnaire devait fournir le matériel. Puis quand cette compagnie traite avec la Société anonyme d'exploitation, cette dernière prend le même engagement.
Quand la Société anonyme d'exploitation cède de son côté à la Société générale d'exploitation, celle-ci prend, à son tour, l'obligation d'exécuter les clauses et les conditions du cahier des charges, tout comme le concessionnaire primitif et comme la compagnie de l'Ouest.
Est-ce que cela se fait gratuitement ?
Non, on leur donne de l'argent.
Et remarquez ceci. Des statuts de 1864 assuraient un certain privilège sur le matériel. Quand, en 1866, on n'a pas trouvé d'argent, on a fait modifier les statuts pour donner des garanties plus spéciales, des garanties, sur toutes les lignes, et, en raison de cette garantie, on a trouvé de l'argent, et aujourd'hui, on déclare que ces garanties n'ont aucune valeur !
Je ne veux pas m'occuper ici des difficultés d'une autre nature, qui peuvent se présenter entre les obligataires et la compagnie de l'Ouest, ce n'est pas ici le lieu de s'en occuper.
Mais quant à ce matériel deux objections ont été faites :
On a dit : Nous conservons devers nous une somme suffisante pour parer à toutes les difficultés qui pourraient surgir en cas de revendication au sujet de ce matériel.
M. le ministre et M. Liénart ont oublié que dans l'exposé que M. le ministre a fait lui-même cette différence entre la somme de 11 millions et celle de 13 millions a déjà une affectation particulière. Cette somme, qu'on veut faire servir à payer le matériel pour le cas où il serait revendiqué, on l'a déjà fait servir à assurer la rente de certaine quotité d'obligations ou le retrait de certaines obligations de Hainaut-Flandres et il y aurait encore un autre emploi à en faire.
Je ne sais si, dans les obligations dont on servira les intérêts, on comprendra celles qui ont été émises pour la ligne d'Enghien, qui n'est pas encore construite. Si on ne les comprenait pas, il y aurait encore ici deux titres pour le même chemin, les obligations et la rente que doit servir le gouvernement.
M. Liénart a fait une évaluation du matériel nécessaire pour exploiter la ligne de l'Ouest. Je ne sais quelle base il a prise : ainsi il évalue ce matériel à 900,000 francs ; la ligne a 63 kilomètres ; si je divise 900,000 francs par 63 kilomètres, j'arrive à 14,000 francs par kilomètre. Quand je prends la somme de 26 millions qu'on nous demande pour le matériel et que je la divise par le nombre de kilomètres repris, j'arrive à 40 et des mille francs par kilomètre, en sorte que le calcul de M. Liénart ne doit pas inspirer beaucoup de confiance. (Interruption.)
Je sais qu'il y a des lignes qui exigent beaucoup de matériel, d'autres qui en exigent moins, mais la différence signalée ne saurait être admise.
Je bornerai là mes observations ; je persiste à croire que ni les droits des obligataires, ni les droits de l'Etat ne sont suffisamment garantis par les propositions nouvelles et je voterai contre le projet de loi.
On a, dans celle discussion, et à plusieurs reprises différentes, parlé (page 526) d'une convention qui devait être conclue entre la Société générale d'exploitation et la société des Bassins houillers et l'honorable M. Brasseur dernièrement insinuait qu'il y avait eu là des raisons tout à fait particulières.
Il n'y a là absolument rien de particulier ; ce qui est arrivé là peut être publié partout ; la Société générale avait accepté de donner son concours pécuniaire, mais à une condition ; c'est que le nouveau réseau fût complètement séparé de l'ancien ; à la condition formelle qu'aucune espèce d'obligation ne grevât aucun des kilomètres à construire.
La Société générale, à aucun prix, ne voulait être en contact avec les obligataires ; elle ne voulait pas qu'on pût lui reprocher que, directement ou indirectement, moralement ou légalement, elle ait été la cause d'une atteinte portée aux intérêts des obligataires. Et c'est pour cela qu'elle avait stipulé, de la manière la plus formelle, qu'en ce qui concerne les lignes pour lesquelles des obligations avaient été émises, lignes dont les unes étalent construites, d'autres à construire, les obligations devaient être afférentes exclusivement aux parties construites ; et que, pour les concessions qui comprenaient plusieurs chemins de fer, par exemple, le chemin de fer Hainaut-Flandres qui comprenaient, outre la ligne de Saint-Ghislain à Gand, plusieurs sections, notamment celle de Saint-Ghislain à Ath, que, pour ces concessions, dis-je, les obligations devaient porter exclusivement sur les lignes construites et non pas sur les lignes à construire.
Eh bien, cette justification n'a pas pu être faite et la Société générale n'a pas voulu aller plus loin parce qu'elle n'a voulu à aucun prix, je le répète, se trouver en contact avec les obligataires ; elle n'a voulu, à aucun prix, être une cause directe ou indirecte du préjudice qu'ils auraient à subir.
M. le ministre des finances a dit dernièrement que c'était peut-être à cause du refus qui aurait été fait d'accorder l'anonymat à une compagnie que la convention avec la Société générale a été rompue. Je puis déclarer que cette circonstance n'y a été pour rien et j'ajoute que moi-même je n'ai connu ce refus que par ce que M. le ministre des finances nous en a dit. J'ignorais même que les négociations eussent été poussées jusque-là.
La Société générale a refusé de signer les statuts parce qu'on ne lui rapportait pas la justification qu'on s'était engagé à fournir.
La société des Bassins houillers a demandé de distraire la ligne de Saint-Ghislain à Ath de la convention. La Société générale a encore refusé : son contrat était indivisible ; elle n'a pas voulu accepter cette combinaison ; elle a voulu s'en tenir rigoureusement à son contrat ; et je dois ajouter une chose, c'est qu'une des raisons peut-être de la rigueur que la Société générale y a apportée, ce sont précisément les agissements de la société des Bassins houillers.
Quand la Société générale a vu qu'on distribuait aux actionnaires ce qui, en réalité, appartenait aux obligataires, la Société générale a résolu de s'en tenir strictement à son contrat. Et puisqu'on a mêlé le nom de l'honorable M. Malou à ce débat, je dois dire que ce n'est pas lui qui a critiqué le moins vivement la conduite de la société des Bassins houillers ; ce n'est pas lui qui a flétri avec le moins d'énergie cette manière de faire qui, en définitive, donne aux débiteurs ce qui est la propriété du créancier.
Et je crois, je suis convaincu qu'en cela la Société générale d'exploitation a agi comme elle le devait.
Il me reste, messieurs, un dernier mot à dire en réponse à un argument de M. le ministre des finances.
Il nous a dit : Mais les obligataires ne pourraient pas, eux, attaquer ultérieurement la convention, si nous avions la ratification par les sociétés des nouveaux contrats que nous ferons, parce que les sociétés ayant ratifié, les obligataires ne pourraient pas arguer des droits de celles-ci, ils ne pourraient attaquer que pour autant qu'il y eût fraude.
Eh bien, je dois le dire, M. le ministre des finances, de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, fait de la fraude sans le savoir.
Il est évident que si, après les discussions auxquelles nous nous livrons, vous faites des traités, et qu'il soit reconnu qu'ils peuvent porter atteinte aux droits des obligataires, je dis que vos contrats doivent être annulés.
La fraude, dans un contrat à titre onéreux, de la part de celui qui traite, avec le débiteur, en quoi consiste-t-elle ?
Dans la connaissance qu'a le cocontractant du préjudice qui en résultera pour les tiers. Voilà en quoi consiste la fraude et je crois que personne ne peut ignorer les conséquences qui peuvent résulter des conventions qui doivent intervenir.
Ce qu'il y a de grave dans cette situation, c'est que vous aurez associé les grands pouvoirs de l'Etat à un acte qui serait condamné par les tribunaux.
(page 513) M. Vermeire. - Messieurs, après les longs débats qui ont eu lieu sur le projet de loi dont le gouvernement nous a saisis, je n'entrerai pas dans les considérations qui concernent les obligataires ; je me demanderai seulement si le gouvernement qui a traité l'objet en discussion a fait une bonne ou une mauvaise affaire au point de vue des intérêts du trésor et au point de vue des résultats qui doivent en résulter pour les populations qui sont desservies par ces chemins de fer.
Il est un fait certain, c'est que si vous comparez les recettes qui sont faites sur les lignes exploitées par le gouvernement et les recettes qui sont faites sur les lignes exploitées par les compagnies dont il s'agit, le gouvernement se trouve dans une situation plus favorable que celle où se trouvent les assesseurs de ces lignes.
En principe, le gouvernement doit être un très mauvais exploitant, parce que, en général, le gouvernement ne peut pas si bien soigner des intérêts privés que le font des particuliers eux-mêmes.
Cependant, en ce qui concerne l'exploitation des chemins de fer, il n'y a pas seulement en jeu l'intérêt de ceux qui doivent exploiter, il y a encore en jeu un grand intérêt public que le gouvernement doit, avant tout, sauvegarder.
Si maintenant nous examinons l'opération, au point de vue des évaluations données par les sociétés, nous pouvons dire que le gouvernement ne fera en quelque sorte ni une bonne ni une mauvaise affaire, en ce sens que la somme garantie au gouvernement sur l'exploitation de ces lignes sera à peu près égale à celle que le gouvernement sera obligé de payer pour cette exploitation.
Quant à présent, l'opération pour le gouvernement est une de ces affaires où il n'y a ni bénéfice ni perte. Mais il est certain, et l'expérience n'a pas cessé de le démontrer dans toutes les circonstances, il est certain que, lorsque ces nouvelles lignes seront bien exploitées, on pourra compter sur des services réguliers.
Ces lignes aussi bien que les lignes de l'Etat rapporteront davantage, et le produit de ces lignes ne pourra constituer le bénéfice de l'affaire que le gouvernement aura faite.
Par ces considérations, et sans entrer dans aucun détail parce que beaucoup de choses ont déjà été dites dans cette discussion, et la Chambre doit certainement être impatiente d'en finir, je voterai le projet de loi qui est soumis en ce moment à nos délibérations.
M. Jacobs, ministre des finances. - -Messieurs, je tiens compte de la légitime impatience de la Chambre ; je n'aborderai, en terme de réfutation, que les principaux points que M. Tesch a développés. Je ne traiterai que ce qui concerne spécialement le projet de loi : le matériel et la question des obligataires.
L'honorable membre pense que la société de l'Ouest pourrait, un jour, venir revendiquer un matériel.
L'honorable M. Tesch reconnaît qu'elle n'en a jamais eu, mais il prétend que la Société anonyme d'exploitation, qui a assumé toutes les obligations du cahier des charges de l'Ouest, a créé un matériel en son lieu et place, qui devient le gage de ses obligataires. Il en serait ainsi, parce que ce matériel a été créé pour l'Ouest à titre onéreux, parce qu'il a été créé en quelque sorte par les obligataires eux-mêmes.
Eh bien, à cet égard, il verse dans l'erreur. Il a été fait entre la compagnie de l'Ouest et la Société anonyme d'exploitation deux contrats, deux contrats absolument distincts : un contrat de construction et un contrat d'exploitation.
Le contrat de construction, qui a été rétrocédé plus tard à d'autres conditions à la Société Belge de chemins de fer, ce contrat a été fait (page 514) naturellement à titre onéreux. Mais toutes les valeurs que la compagnie de l'Ouest a payées de ce chef à la Société anonyme d'exploitation ont été fournies exclusivement pour la construction de la voie.
Le contrat d'exploitation est celui d'une ligne sans matériel et l'on comprend que les conditions de l'exploitation doivent être toutes différentes suivant que celui qui cède l'exploitation de sa ligne la cède avec ou sans matériel. L'anonyme a payé à l'Ouest par la rente d'exploitation exclusivement la rémunération de ce que cette société donnait la ligne.
Il n'y a pas là rémunération de ce qu'elle ne donnait pas : un matériel.
M. Tesch. - Elle s'est engagée à le fournir.
M. Jacobs, ministre des finances. - Elle s'est engagée à le fournir, mais non en propriété à l'Ouest. On n'a jamais interprété les cahiers de charges d'une façon tellement rigoureuse, que l'obligation de garnir une ligne d'un matériel entraînât l'obligation de créer un matériel à soi. On a généralement admis qu'on pouvait aussi bien faire exploiter sa ligne par le matériel d'un autre que par son matériel propre.
Le gouvernement a permis que la compagnie de l'Ouest fît parcourir ses lignes par un matériel qui ne lui appartenait pas ; c'est ce qui a souvent été fait.
Mais, messieurs, ce n'est pas même par un matériel appartenant à la Société anonyme d'exploitation que l'exploitation a été faite. La ligne avait passé, au point de vue de l'exploitation, des mains de la société anonyme aux mains de la Société générale d'exploitation avant même qu'elle eût un matériel. C'est l'exploitant de troisième main, la Société générale d'exploitation, qui a fourni le matériel.
Il est impossible de prétendre en aucune hypothèse que ce matériel, qui n'a jamais été spécial à la ligne de l'Ouest, qui garnissait sans distinction l'un des groupes du réseau de la Société générale d'exploitation, groupe dont l'Ouest faisait partie, que ce matériel puisse être revendiqué.
Sous ce rapport, je ne crains en aucune façon l'action en revendication. Mais, si elle devait être intentée un jour, nous avons toujours notre marge, notre réserve.
Vous en disposez par l'arrangement que vous proposez aux obligataires, objecte l'honorable membre ; mais remarquez que, si cet arrangement échoue ou est rompu, notre réserve se retrouve ; et, si l'arrangement tient, les obligataires sont satisfaits, la liquidation se fait à l'amiable et il n'y a plus rien à redouter.
J'en viens à la question des obligataires.
Je me suis trompé, dit-on, sur la nature même des droits des obligataires. Je crois ne m'être en rien trompé. Ce que j'ai dis, le voici, et l'honorable membre l'a répété : pour qu'il y ait un privilège, il faut que la loi l’ait établi. Il n'appartient pas aux particuliers, par des conventions, il ne leur appartient même pas par des statuts sociaux, de créer des privilèges. Ce qui peut se faire par des statuts sociaux, et ce qui a été fait pour le cas de Beaume à Marchienne, et pour celui-là seul, c'est de subordonner l'action de la société à certaines conditions.
On a subordonné toute cession d'exploitation à une garantie complète donnée aux obligataires de la ligne.
Cette disposition, nous devons la respecter. Le gouvernement a dû la respecter lorsqu'il a traité le 25 avril. Si la convention du 25 avril n'avait pas donné ces garanties aux obligataires, ceux-ci auraient pu nécessairement se plaindre et la faire rompre.
Mais précisément les arrangements que nous allons conclure ont pour but d'empêcher les obligataires de Beaume à Marchienne de venir réclamer en aucun cas contre la convention du 25 avril, puisque nous rentrons dans les termes de leurs statuts, Toutes les combinaisons offertes ont pour but de leur assurer les 15 francs de rente auxquels ils ont droit et l'amortissement.
M. Bara. - Le Centre est dans le même cas..
M. Jacobs, ministre des finances. - Le Centre n'est pas plus dans le même cas que la ligne de l'Ouest. Que disent ses statuts ? Ils disent, ce qui est une banalité, que le revenu des lignes, que le matériel, que tout l'avoir social est le gage des créanciers obligataires. Nous avons eu des faillites de compagnies. Est-on jamais venu prétendre que les obligataires étaient des créanciers qui, dans ce cas, devaient passer avant les autres ? Nous avons vu se produire la faillite de la ligne de Graissessac à Beziers, qui a donné lieu à différents procès sans qu'on prétendît que les obligataires ont plus de droits que les autres créanciers,
M. Tesch. - La faillite est autre chose.
M. Jacobs, ministre des finances. - Les obligataires n'ont pas un droit privilégié.
Cette réserve faite et ayant rétabli mon appréciation que l'honorable membre avait mal comprise, reconnaissant la situation spéciale de la ligne de Beaume à Marchienne, j'en viens à l'arrangement en faveur des obligataires dont une autre forme a été distribuée hier soir.
A cet égard, la Chambre a voulu atteindre deux buts que l'honorable membre lui-même a indiqués d'une façon très nette. Elle a voulu sauvegarder les droits des obligataires, sauvegarder les droits de l'Etat. Ce sont les deux buts que tous nous cherchons à atteindre de la meilleure façon possible.
Quant aux obligataires, que devons-nous chercher ? Devons-nous chercher, comme le disait l'honorable membre, à leur donner la certitude complète d'avoir toujours et dans toutes les hypothèses les 15 francs de rente et l'amortissement ? Cela n'est pas possible. Nous ne pouvons leur donner cette garantie, attendu qu'il y a dans le produit des lignes, d'après les bases de la convention du 25 avril, une part éventuelle dont il n'est pas possible de déterminer le montant, une part qui est nécessairement aléatoire.
Ce que nous pouvons chercher à faire, c'est de donner un gage aux obligataires, de leur donner un droit direct sur la plus grande somme possible d'annuités.
A cet égard, que fait-on ? On offre aux obligataires d'une part le revenu fixe de l'ancien réseau, d'autre part le revenu variable de tout le réseau ancien et nouveau. Enfin, dans la dernière combinaison, on leur donne encore 1,300 francs des 7,000 francs d'annuités kilométriques fixes du nouveau réseau.
Ce que nous devons chercher c'est la meilleure forme et la meilleure répartition.
La deuxième combinaison vaut-elle mieux que la première ? Dans sa forme incontestablement, puisqu'elle confère un gage véritable aux compagnies concessionnaires.
Comme répartition vaut-elle mieux ? Ici, messieurs, nous sommes en quelque sorte devant l'inconnu ; nous n'avons que deux manières de procéder. (Interruption.) Je serais charmé d'avoir une formule parfaite, je la cherche depuis longtemps et je serai très reconnaissant à celui qui me la fournira.
Il y a donc deux manières de procéder : on peut supposer que chaque ligne est chargée d'obligations en raison de sa valeur ; on peut supposer que chacune a émis des obligations en raison de sa valeur, et alors, ne connaissant que le nombre d'obligations, on arrive, comme nous l'avons proposé d'abord, à donner à chaque compagnie indistinctement un revenu de 9 fr. 40 c. par obligation. Ou bien, si l'on ne peut adopter cette règle, il faut évaluer ex œquo et bono la part de chaque ligne. Je crois que cette part n'est pas déterminée d'une manière parfaite dans la combinaison nouvelle qui vous a été distribuée hier, je crois qu'on y donne trop aux lignes de Tamines-Landen, Frameries-Chimay, Ceinture de Charleroi.
Je crois qu'on donne trop peu à d'autres ; mais il est certain qu'il nous est impossible ici, à la Chambre, en délibérant à cent vingt-quatre, d'aboutir à un projet de cette nature, réglant tous les détails et nous satisfaisant tous. Tout ce qui est possible, c'est que la Chambre détermine d'une manière générale le but à atteindre. Or, que veut la Chambre ? Elle veut rendre indisponibles et la société consent à rendre indisponibles le plus grand nombre des annuités.
Que les honorables membres nous communiquent leurs idées, leurs objections, leurs sentiments : nous nous efforcerons d'en profiter.
Le second but que nous recherchons tous, c'est de sauvegarder l'Etat et de le mettre à l'abri de toute conséquence fâcheuse que pourrait avoir pour lui la résolution de la convention du 25 avril après qu'elle aura reçu son exécution pendant plusieurs années,
A cet égard, l'honorable membre est très décourageant. Quoi que vous fassiez, nous dit-il, vous ne ferez rien qui vaille, car vous faites de la fraude sans le savoir en essayant de vous mettre en garde contre cette éventualité.
Je crois, messieurs, que, ni sciemment ni à mon insu, je ne fais de la fraude. Si je donne aux obligataires des garanties sérieuses, si je donne aux sociétés, leurs débitrices, des gages réguliers en la forme, de façon à les tranquilliser, et si, en échange et à titre évidemment onéreux, j'obtiens à mon tour qu'elles me considèrent dès à présent comme leur commun locataire direct, aux conditions de la convention du 25 avril, pour le cas où les Bassins houillers feraient défaut, si je fais avec eux un bail parfaitement régulier, je n'ai pas à craindre de voir les tribunaux annuler jamais l'acte que j'aurai posé dans l'intérêt de tous et avec une entière bonne foi.
- La clôture est demandée.
M. Bouvier (contre la clôture). - Messieurs, vous ne pouvez pas prononcer la clôture ; il s'agit ici d'une question de moralité, d'honnêteté, (page 515) de probité, qui sont la force et l'honneur de tous les partis. Dans une pareille question, la droite comme la gauche doivent se donner la main et désirer que les dernières ténèbres se dissipent.
- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !
M. Bouvier. - Messieurs, l'honorable M. Tesch, dans un langage clair et logique, a fait, entre autres confidences d'une nature difficile, connaître à la Chambre la situation singulière, inouïe, étrange et je dirai scandaleuse que l'on fait, dans notre pays, aux obligataires.
Il a fait allusion au chemin de fer de Virton et c'est dans ce moment que j'ai demandé la parole, parce que, là aussi, il y a des obligataires et qu'il faut que la question qui les concerne sorte de ces débats claire et lumineuse pour eux, afin qu'à l'avenir ils ne soient plus trompés sur la valeur des droits qui leur compétent. Il faut que les obligataires sachent une bonne fois comment ils sont exploités par ces prétendus concessionnaires de chemins de fer, dont les appétits augmentent avec leurs bénéfices.
Les chemins de fer ne sont souvent, entre leurs mains, qu'une cause d'exploitation. Ces instruments de travail sont nécessairement concédés pour satisfaire au vœu des populations qui sont privées de ce grand levier industriel et commercial.
Une concession est accordée. Si elle a la disgrâce de tomber entre les mains de ces faiseurs, oh ! alors le vœu des populations est trompé et sacrifié pour satisfaire à leur soif de l'or.
M. Thibaut. - Il ne s'agit pas de cela.
M. Bouvier. - Il arrive alors, comme le disait, d'une manière fort pittoresque, l'honorable M. Boucquéau, que les populations chantent. Les obligataires, les accompagnent par leurs psalmodies. Voulez-vous la preuve de ces plaintes, je la puise dans la lettre que j'ai ici sous la main et qui a été adressée à M. le ministre des travaux publics le 18 décembre par un certain nombre d'obligataires du chemin de fer de Virton. Je vais vous en lire quelques extraits. (Interruption.)
Vous ne voulez donc pas que la lumière se fasse. Vous êtes pressés d'en finir, à droite. Je vous plains.
M. le président. - M. Bouvier, vous avez annoncé une interpellation à M. le ministre des travaux publics sur le chemin de fer de Virton. Vous feriez bien de reporter à ce moment la lecture de cette lettre.
M. Bouvier. - Puisque la Chambre paraît si impatiente d'en finir avec les Bassins houillers, je suivrai le conseil de notre honorable président. Je réserve donc pour le moment la lecture de cette lettre, mais je constate que c'est la droite qui ne veut pas que la situation de ces obligataires soit actuellement connue.
Dans le mois de décembre dernier, nous avons discuté dans cette enceinte sur la nécessité de prononcer la déchéance de la compagnie de Virton parce qu'elle se dérobait à ses engagements, qu'elle cherchait à gagner du temps au grand préjudice de mes commettants ; soucieux de ces intérêts, j'ai écrit pendant les vacances de Noël une lettre à M. le ministre des travaux publics pour l'avertir de nouveau que si un nombre satisfaisant d'ouvriers pour exécuter la deuxième section par Ethe ne se trouvait sur le terrain, cette inaction lui imposait le devoir de prononcer la déchéance le 19 du mois de janvier dernier.
M. le ministre, à la rentrée, est venu à mon banc pour m'annoncer qu'il venait de recevoir de nouveaux plans et qu'il y avait lieu de les examiner.
J'ai dit : « C'est votre devoir, mais que cet examen se fasse dans le plus prompt délai. Je considère cet acte de la part des concessionnaires comme un moyen de gagner du temps. » (Interruption.)
Or, l'examen de ces plans, si mes renseignements sont exacts, est terminé à l'heure qu'il est et la déchéance n'est pas prononcée. Nous restons toujours dans cette situation que M. Boucquéau a décrite, c'est de faire chanter les populations.
Il faut que cela finisse et je vous garantis que cela finira bientôt ; car une pareille situation est intolérable et ne peut être tolérée davantage par les pouvoirs publics.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je n'ai que deux mots à répondre à l'honorable M. Bouvier, pour justifier l'interruption à laquelle nous devons les agréments de son discours.
J'ai dit que si la déchéance des concessionnaires de la ligne de Virton n'a pas encore été prononcée, M. Bouvier en est une des principales causés.
Voici les faits :
Le délai accordé au concessionnaire du chemin de fer de Virton pour accepter ma résolution quant au tracé de la partie de ce chemin de fer qui s'étend entre Sainte-Marie et Virton. devait expirer le 19 janvier. Quelque temps avant cette date, j'ai reçu de M. Parent-Pêcher une lettre par laquelle il déclarait se ranger à ma décision, tout en réservant ses droits à réclamer des dommages et intérêts devant les tribunaux ; en même temps, il me soumettait un nouveau projet dont l'adoption aurait eu pour conséquence de raccourcir de cinq kilomètres la distance de Sainte-Marie à Virton.
M. Parent-Pêcher s'engageait, si son plan était approuvé, à l'exécuter sans délai et sans réclamation. J'ai fait part de ce projet à M. Bouvier qui m'a dit : Il faut l'examiner.
C'est ce que je fais.
M. Bouvier. - Encore toujours ; je crois qu'on continue à nous faire chanter.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'ai renvoyé ce projet au corps des ponts et chaussées. (Interruption.)
Vous comprenez, messieurs, que lorsque je dis : J'examine, ce n'est pas en réalité moi qui examine. J'ai renvoyé le projet au corps des ponts et chaussées qui l'étudie ; tout ce que je puis faire, c'est de l'inviter à accélérer son examen et c'est ce que j'ai déjà fait à diverses reprises.
Mais je tiens encore à affirmer en terminant que si je n'ai pas prononcé la déchéance de la compagnie, c'est sur l'avis de M. Bouvier lui-même. Si les porteurs d'obligations de la société anonyme du chemin de fer de Virton ou les habitants de l'arrondissement venaient se plaindre à moi de ce nouveau retard, je serais bien obligé de les renvoyer à leur représentant.
M. Bouvier. - Nous chanterons encore.
- Des voix. - La clôture !.
M. Jamar (contre la clôture).- Au début de son discours, l'honorable député d'Arlon a mis en cause les membres de l'ancien cabinet au sujet d'une correspondance échangée entre le département des travaux publics et la Société générale d'exploitation. L'honorable membre l'a fait dans des conditions telles, que je suis convaincu de ne point faire un vain appel aux sentiments d'équité de l'assemblée en la priant de me permettre de lui donner des explications que le discours de l'honorable député d'Arlon rend nécessaires.
M. Brasseur (contre la clôture). - Nous avons reçu hier un document du gouvernement et je désirerais savoir quelle est la valeur de ce document. Il paraît que c'est une condition essentielle du projet. Or, je dois déclarer à la Chambre que j'ai des objections excessivement graves à présenter à cet égard, des objections qui prouveront à l'évidence qu'au lieu de 9 francs 40 c., il n'y aura plus que 5 francs.
La proposition qu'on nous présente est plus mauvaise que la première. Je demande donc qu'un débat ait lieu sur ce document que nous avons à peine eu le temps d'examiner, sans cela nous voterions sans savoir au juste jusqu'où nous nous engageons.
- Voix nombreuses. - La clôture !
M. le président. - La clôture est demandée, je dois la mettre aux voix,
M. Snoy. - Je ferai remarquer que M. Jamar a demandé la parole en quelque sorte pour un fait personnel et qu'il serait juste de la lui accorder. (Interruption à droite.)
M. Bara. - La droite entend-elle que seul M. Jamar aura le droit de parler ? (Interruption.) Je ne comprendrais pas cette attitude. L'honorable ministre des finances lui-même, en terminant son discours, a fait appel aux observations. Et l'on demande la clôture ! Si nous devons voter dans ces conditions, il ne nous restera qu'à voter contre le projet.
M. le président. - Il va être procédé à l'appel nominal.
- Plusieurs membres. - On n'insiste pas.
M. le président. - La Chambre paraît décidée à entendre M. Jamar, mais M. Bara est inscrit avant lui ; il faut donc procéder à l'appel nominal, qui a été demandé.
- Il est procédé à l'appel nominal.
97 membres y prennent part.
34 répondent oui.
61 répondent non.
2 s'abstiennent.
En conséquence, la clôture n'est pas prononcée.
Ont répondu oui : MM. Coomans, Coremans, de Clercq, de Dorlodot, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Gerrits, Hayez, Hermant, Lefebvre, Lelièvre, Liénart, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Rembry, Boyer de Behr, Thibaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Outryve d'Ydewalle, (page 516) Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Biebuyck. et Vilain XIIII.
Ont répondu non : MM. Cornesse, Couvreur, d’Andrimont, Dansaert, David, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, de Lexhy, de Lhoneux, de Macar, Demeur, de Naeyer, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dupont, Elias, Frère-Orban, Guillery, Hagemans, Houtart, Jacobs, Jamar, Janssens, Jottrand, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Muller, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Simonis, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van. Overloop, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Bouvier et Brasseur.
Se sont abstenus :
MM. de Borchgrave et Schollaert.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Borchgrave. - Je n'étais pas d'avis que la discussion générale continuât ; d'un autre côté, l'honorable M. Jamar ayant demandé la parole pour un fait en quelque sorte personnel, j'ai pensé qu'il convenait de lui accorder la parole avant de prononcer la clôture.
M. Schollaert. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.
M. le président. - La discussion continue ; la parole est à M. Bara.
M. Bara. - Je serai très court ; je n'ai que quelques observations à présenter.
Chacun de nous doit naturellement avoir à cœur de ne pas engager sans examen sa responsabilité en présence des propositions nouvelles de la société des Bassins houillers.
Or, messieurs, il est un principe qui n'est nullement sauvegardé par la convention, quelques améliorations qu'on y ait apportées au point de vue des obligataires ; ce principe est celui de la répartition des annuités d'après le produit des lignes.
La convention du 25 avril ne règle que les rapports de l'Etat et de la société des Bassins houillers ; mais la société des Bassins houillers conserve sa position vis-à-vis de toutes les sociétés particulières avec lesquelles elle a traité. C'est pourquoi la stipulation de l'article 44, fixant l'annuité à 7,000 francs par kilomètre, ne lèse pas les obligataires.
Mais du moment qu'on fait le partage, et c'est ce que veut faire M. le ministre des finances, il ne peut pas faire une ventilation aussi attaquable que celle qu'il propose.
Prenons un exemple. Le chemin de fer du Centre produit 13,000,000 de recette brute par kilomètre.
Eh bien, que lui donne la compagnie des Bassins houillers dans la convention ? Elle lui donne environ 420,000 francs d'annuités certaines, acquises, de sorte qu'une ligne qui rapporte 1,300,000 francs n'obtient qu'une somme de 420,000 francs.
Croyez-vous que dans ces conditions la société du chemin de fer du Centre renonce à son action résolutoire vis-à-vis de la compagnie des Bassins houillers ? Cela est impossible. Ce serait un acte frauduleux. Les actionnaires qui oseraient faire cela seraient personnellement responsables.
Il serait dangereux de la part du gouvernement, il serait immoral de demander à la compagnie du Centre de renoncer à son action résolutoire, alors qu'on ne lui garantirait que 400,000 francs d'annuités.
M. Jacobs, ministre des finances. - Le Centre a trop peu.
M. Bara. - Je crois donc que M. le ministre des finances, dans son traité, doit faire une ventilation qui assure à chacun la part qui lui revient ; sinon, les renonciations qu'il solliciterait seraient attaquées, du chef de fraude.
'j'appelle, à cet égard, l'attention de M. le ministre des finances sur l'article 446 en matière de faillites.
Que porte cet article ?
Cet article dit que les actes passés par un failli peuvent être annulés même lorsqu'ils ont été contractés avant la faillite, si le tiers qui y a prit part connaissait la cessation des payements. Je ne dis pas que la société des Bassins houillers est en état de cessation de payement. J'aime à croire qu'elle satisfera à ses engagements. Mais le gouvernement doit être plus prudent que quiconque et son devoir est de l'être même à l'excès.
Je crois donc que la convention, telle qu'elle est, ne garantit pas suffisamment les intérêts des obligataires. De plus, on ne sait par quels actes valables tout cela sera réalisé. Le gouvernement demande carte blanche à cet égard.
M. le ministre des finances peut obtenir d'autres garanties. Aux termes des nouvelles propositions, il y a 528,000 francs d'annuités qui sont disponibles entre les mains de la société des Bassins houillers ; eh bien, je demande si c'est la compagnie qui doit les avoir, préférablement aux obligataires. Pourquoi ne les donne-t-elle pas en gage au Centre, à Hainaut-Flandres ?
Il me semble que ce point a de l'importance et que M. le ministre des finances devrait obtenir cette concession.
Je reconnais qu'il y a, dans la convention qui vient d'être faite, certains avantages nouveaux. Ainsi, on substitue les sociétés du Centre, Hainaut-Flandres, etc., dans le droit de construction des lignes concédées au défaut des Bassins houillers.
C'est là évidemment un nouvel avantage ; c'est là une concession des Bassins houillers, mais d'un autre côté il y a beaucoup d'alea ; il y a encore beaucoup de choses douteuses dans la situation des obligataires. Je ne suis pas convaincu que les intérêts des obligataires et les intérêts de l'Etat soient garantis sous tous les rapports et j'entends conserver sur ce point toute ma liberté d'appréciation et ne pas engager ma responsabilité. Le ministère n'a pas voulu d'autre manière d'agir, nous ne sommes pas assez forts pour lui imposer une conduite plus prudente.
Je crois que le gouvernement aurait beaucoup mieux fait, pour sa propre garantie, de faire tous les actes et de nous présenter un tout parfaitement convenable. Dans l'intérêt même des Bassins houillers, un pareil système eût été meilleur. Chacun aurait su à quoi s'en tenir.
Aujourd'hui, si le projet de loi est adopté, M. le ministre des finances s'exposera beaucoup ; il aura beaucoup de difficultés lorsqu'il voudra traiter avec la société des Bassins houillers, parce qu'il ne sera pas lié par un texte de loi. Si, au contraire, les traités avaient été faits avant le vole de la loi, ces difficultés ne pourraient se présenter et M. le ministre aurait pu amener la société des Bassins houillers à faire la concession qu'elle devrait faire : l'abandon de tout son avoir, de tous les avantages de la convention du 25 avril aux obligataires selon la valeur de leur ligne.
M. Jamar. - L'honorable M. Tesch, au début de son discours, est revenu sur une question sur laquelle j'ai déjà donné des explications à la Chambre. Je désire, messieurs, compléter ces explications, et le vote que vient d'émettre la Chambre m'engage à être concis.
Lorsque la Société générale d'exploitation, en échange des sacrifices qu'elle avait consentis en exécution de l'article 17 de la convention du 25 avril, vous demanda la concession du réseau Forcade, le cabinet fut appelé à examiner quelle était la situation du concessionnaire actuel de ce réseau.
Notre attention fut particulièrement attirée sur la différence de réduction qui existait entre l'article 47 du cahier des charges de la concession de la Grande Compagnie du Luxembourg de 1816 et l'article 17 du cahier des charges qui accordait en 1864 aux sieurs Lenoir et consorts la concession du réseau Forcade. Les avocats du département des travaux publics furent consultés sur ce point. Tout en conseillant une formule, qui devint l'article 5 de la convention et qui devait dans leur esprit mettre le gouvernement à l'abri de toute éventualité, ils déclarèrent qu'à leur avis ces différences de rédaction ne constituaient pas une extension du droit de préférence, qui devait être compris et réalisé comme il l'avait toujours été par le département.
C'était là aussi, au reste, le sentiment de ceux de mes collègues qui faisaient partie du cabinet en 1864 quand la concession avait été accordée.
Nous fûmes donc unanimes à reconnaître qu'il n'y avait aucun inconvénient à déférer au désir exprimé par la Société générale d'exploitation ; d'établir l'accord qui existait entre nous sur l'interprétation à donner au droit de préférence réservé à la Compagnie du Luxembourg.
Nous pensions également qu'il pouvait y avoir quelque danger à introduire cette interprétation dans la convention, car la compagnie du Luxembourg y eût trouvé peut-être une base à des prétentions inadmissibles.
Nous fûmes unanimes encore à reconnaître que notre manière d'agir ne pouvait léser aucun intérêt sérieux.
Ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de le dire à la Chambre le 28 mai, je mis la Compagnie du Luxembourg en demeure de se prononcer sur le droit de préférence qui lui était accordé par la nouvelle convention.
La réponse de la compagnie fut à ce point dilatoire, que l'honorable M. Wasseige crut, avec beaucoup de raison, qu'il n'y avait pas lieu d'en tenir compte et prévint, le 19 octobre dernier, la Société générale d'exploitation que la Compagnie du Luxembourg était déchue de son droit de préférence et, qu'en conséquence, il invitait la Société générale d'exploitation à verser au trésor les 900,000 francs, complément du cautionnement définitif.
(page 517) Revenant sur cette première résolution, on fit revivre, le 14 novembre, le droit de préférence de la Compagnie du Luxembourg par une nouvelle mise en demeure. Je crois savoir que la Compagnie da Luxembourg n'a répondu ni d'une manière plus claire ni plus explicite que la première fois.
En agissant ainsi, la Compagnie du Luxembourg me semble avoir montré une très mince sollicitude pour les intérêts dont l'honorable député d'Arlon s'est constitué le défenseur. Il lui était facile d'indiquer nettement, dès le 28 mai, les prétentions qu'elle entendait faire valoir et une solution pouvait intervenir au grand profit des populations qui attendent la construction de ces lignes. Si donc les intéressés ont des reproches à adresser, ce n'est pas à l'ancien cabinet qu'ils doivent s'en prendre, c'est à la Compagnie du Luxembourg qui, par son attitude, n'a fait qu'entraver les solutions que cette affaire eût pu recevoir et c'est au cabinet actuel qui a fait revivre le droit de préférence dont la Compagnie du Luxembourg avait été justement déchue.
Quant à l'action personnelle, dont l'honorable député d'Arlon a parlé sous l'empire de je ne sais quelle préoccupation, je n'en ai nul souci. Toutes ces questions ont été examinées avec attention en conseil des ministres et j'ai autant de confiance dans les lumières de mes anciens collègues que dans celles de l'honorable député d'Arlon.
M. Tesch. - Il y a dans cette affaire différentes questions et je n'hésite pas à dire qu'elles recevront par les tribunaux, si elles leur sont soumises, une solution diamétralement opposée à celle qu'attend l'honorable AL Jamar.
Si, messieurs, il y a des difficultés, c'est précisément en raison du cahier des charges. Je ne veux pas entrer dans les détails ; je laisserai la Compagnie du Luxembourg, la compagnie des Bassins houillers et la Société générale les débattre entre elles. Mais je me suis plaint d'une chose, et je crois que c'est avec raison : c'est que quand on dépose un projet, il faut que tous les intéressés en connaissent les éléments. Or, je déclare que je ne les ai pas connus.
Je ne suspecte nullement la loyauté des intentions. Tous les membres de l'ancien cabinet à l'unanimité et les avocats du département peuvent avoir une opinion. Mais je déclare que je ne crois pas que tous les membres de l'ancien cabinet aient assez examiné l'ensemble des faits pour asseoir une opinion, et je pense qu'il y a des membres qui croient que la concession, telle qu'elle a été transportée à la Société générale d'exploitation, est identiquement la même que celle qui avait été accordée d'abord à la société Forcade.
M. Jamar. - C'est une erreur de votre part.
M. Tesch. - Que c'est la même concession ?
M. Jamar. - Que les membres de l'ancien cabinet n'aient pas été unanimes sur ces questions.
M. Tesch. - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'il y avait des membres qui n'avaient pas connu cette question dans tous ses détails.
M. Jamar. - Ils l'ont connue dans tous ses détails et il y a notamment des membres qui croient que la concession faite aujourd'hui à la Société générale d'exploitation est identiquement la même que celle qui avait été donnée primitivement à la société Forcade. Eh bien, il n'en est rien ; et c'est précisément dans cette différence de concession que vous trouverez les raisons qui ont fait que la Société du Luxembourg a demandé des éclaircissements qui, jusqu'à présent, ne lui ont pas été donnés.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Ayant été mis personnellement en cause pour la seconde notification faite à la Compagnie du Luxembourg, ayant en quelque sorte été sommé de justifier cette mesure, je ne puis me dispenser d'expliquer en quelques mois les raisons qui m'ont fait agir.
L'une des principales causes qui m'ont déterminé a déjà été exposée d'une façon si claire par l'honorable M. Tesch, qu'il me sera possible d'être très bref.
Lorsque le réseau Forcade, ou l'entreprise à laquelle on a donné ce nom, a été concédé en 1870 à la Société générale d'exploitation, il existait un droit de préférence généralement reconnu pour la Compagnie du Luxembourg ; mais on n'était pas d'accord sur l'étendue de ce droit.
Il y avait d'abord un droit absolu résultant de l'article 47 du cahier des charges de 1846 relatif à la concession de la ligne du Grand Luxembourg ; aucun délai n'est fixé pour l'exercice de ce droit.
D'autre part, l'article 17 du cahier des charges de la concession Forcade contient aussi un droit de préférence, mais ce droit est plus restreint ; il devait s'exercer dans un délai de trois mois que la Compagnie du Luxembourg avait accepté.
Le premier droit existait-il encore ? N'avait-il pas été remplacé par celui inscrit dans l'article 17 du rallier des charges de la concession de 1864, de manière à être complètement absorbé par celui-ci ? En d'autres termes, la Compagnie du Luxembourg n'en était-elle pas réduite purement et simplement à pouvoir se substituer à la compagnie Forcade, en cas de déchéance de celle-ci ?
Ces questions étaient excessivement douteuses et c'est parce qu'elles étaient douteuses que mon honorable prédécesseur, sur l'avis des avocats du département, rédigea une disposition (article 3 de la convention de 1870) qui mettait à la charge de la Société générale d'exploitation toutes les conséquences possibles de la solution de ces questions, conséquences que les concessionnaires de 1870 déclaraient accepter à leurs risques et périls.
Telle était la situation avant la contre-lettre que l'honorable M. Tesch nous a rappelée aujourd'hui. Cette contre-lettre décida l'une des questions les plus douteuses en faveur de la Société générale d'exploitation. C'était une première faute et cette faute l'honorable M. Jamar ne peut pas en décliner la responsabilité, car les avocats du département ne furent pas consultés.
M. Jamar. - Vous trouverez au dossier l'avis des avocats du département.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je suis autorisé à dire, au nom des avocats du département, qu'ils n'ont eu aucune connaissance de la contre-lettre et il est évident que cette contre-lettre est venue affaiblir dans une proportion considérable les obligations imposées à la Société générale par l'article 3 de la convention de 1870.
Sous bien d'autres rapports encore, la première notification faite à la Compagnie du Luxembourg est venue amoindrir la bonne position faite au gouvernement par cet article 3.
Qu'avait à faire le gouvernement ? Il devait notifier purement et simplement à la Compagnie du Luxembourg la déchéance de la société Forcade et lui demander si elle entendait ou n'entendait pas se substituer à cette dernière société.
Au lieu de cela, qu'a-t-on fait ?
On s'est borné à notifier à la Compagnie du Luxembourg qu'elle eût à user du droit de préférence qu'elle puise dans l'article 47 du cahier des charges de 1846.
L'article 17 du cahier des charges de 1864 disparaissait et la Compagnie du Luxembourg ne pouvait exercer son droit qu'à l'égard d'une concession nouvelle qui aurait dû être bien déterminée par le gouvernement dans l'acte même de mise en demeure. Du délai de trois mois, il ne pouvait plus en être question.
Naturellement, la Compagnie du Luxembourg a demandé qu'on lui indiquât la concession nouvelle qui lui était offerte, repoussant, au surplus, l'obligation pour elle d'avoir à se prononcer dans le délai que fixait la mise en demeure.
Telle était la situation au moment où je suis arrivé au département des travaux publics. Elle était, vous le voyez, fort compromise. Désireux cependant de sauvegarder les droits de l'Etat autant qu'il était en mon pouvoir, aussitôt que le délai de trois mois fixé par mon honorable prédécesseur fut expiré, je m'adressai à la Société générale d'exploitation, pour l'inviter à verser le cautionnement exigé par le cahier de charges de 1870. Je prévoyais un refus justifié par la manière dont la première mise en demeure avait été faite et c'est précisément ce qui est arrivé. Si j'avais persisté, je me trouvais exposé à un procès avec la Compagnie d'exploitation, procès dont le résultat était fort douteux et dont la perte compromettait à toujours la réalisation de la concession ; je préférai négocier, et moyennant une nouvelle notification dont les termes furent arrêtés de commun accord, j'obtins de la compagnie d'exploitation les nouveaux engagements contenus dans la lettre que voici :
« Bruxelles, le 7 novembre 1870.
« Monsieur le ministre,
« Nous venons vous confirmer les propositions que nous avons eu l'honneur de vous faire dans la conférence que vous avez lieu voulu accorder hier à M. Philippart et à M. Jooris et qui nous paraissent de nature à résoudre les difficultés qui ont surgi relativement à la concession du chemin de fer dit réseau Forcade.
« Il s'agirait de renouveler à la société du Luxembourg, dans la forme prévue à l'article 54 de la concession de son chemin de fer, la notification de l'arrêté de déchéance de la concession dite du réseau Forcade, en lui faisant remarquer que le tracé de notre concession provisoire ne se trouve (page 518) indiqué que par les dispositions de l'acte de cette concession et en la sommant d'avoir à vous faire connaître dans le délai de trois mois si elle entend ou non exercer ses droits de préférence sur ce réseau, la prévenant que, faute de s'être prononcée dans le délai fixé, elle serait, dès à présent et pour lors, considérée comme en étant déchue.
« Cette communication lui ayant été faite, cinq éventualités peuvent se présenter :
« Ou bien la Compagnie du Luxembourg répondra, avant l'échéance, qu'elle renonce à son droit et, dans cette hypothèse, nous serons, dans la huitaine, tenus de régulariser le cautionnement.
« Ou bien elle exercera son droit sur l'ensemble du réseau et alors la concession lui appartenant, le cautionnement provisoire que nous avons versé nous sera restitué.
« Ou bien elle répondra qu'elle entend exercer son droit sur une partie du réseau, et alors conformément à nos conventions si ce droit est reconnu en justice nous serons libres de prendre le reste de la concession ou de le répudier.
« Il est entendu que cette prétention se produisant, le gouvernement en déférerait immédiatement l'appréciation aux tribunaux.
« Ou bien la Compagnie ne répondra pas et son silence sera considéré comme un refus, et nous devrons, à l'expiration du délai, être déclarés concessionnaires définitifs.
« Ou bien enfin elle répondra par des moyens dilatoires et nous nous en rapportons d'avance à l'appréciation du gouvernement.
« Si le gouvernement juge qu'il n'y a pas lieu de s'y arrêter, nous serons tenus de verser le cautionnement à l'échéance du délai de trois mois ; si au contraire le gouvernement juge que ces moyens sont sérieux, il assignera immédiatement la Compagnie du Luxembourg pour faire statuer sur ces moyens.
« Notre compagnie s'oblige, en tous cas, à tenir le gouvernement indemne de tous les frais et dépens que ces procès occasionneraient.
« Dès qu'une décision en dernier ressort sera intervenue dans l'instance, nous nous trouverons, suivant ce que cette décision statuera, dans l'un ou dans l'autre des cinq cas prévus plus haut.
« Nous espérons, monsieur le ministre, que vous voudrez bien donner des instructions pour qu'il soit procédé.de cette façon et nous vous prions. d'agréer l'hommage de notre haute considération.
« Le président du conseil d'administration.
« (Signé) F. Gendebien. »
Apres avoir obtenu cet engagement de la société, j'ai fait à la Compagnie du Luxembourg la notification que l'on me reproche. Je crois avoir bien fait et avoir, autant qu'il était possible, rectifié ce qu'il y avait de défectueux dans l'acte posé par mon honorable prédécesseur. Je crois avoir fait une bonne chose, une chose utile au gouvernement et au Luxembourg. Je crois avoir adopté le seul, l'unique moyen de donner à cette province, sinon la certitude, au moins de grandes présomptions d'avoir son chemin de fer.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Frère-Orban (contre,1a clôture). - Messieurs, un incident en quelque sorte nouveau se produit.
C'est moi qui ai introduit dans la discussion cette question du réseau franco-belge en demandant des explications.
L'honorable ministre des finances a dit quelques mots qui ne répondaient nullement à ma question.
Dans mon dernier discours je suis revenu sur ce point. J'ai reproduit la question que j'avais posée au gouvernement. Je n'ai pas reçu de réponse. Aujourd'hui on s'explique et on demande que je ne parle pas. Cela est-il juste ? Si l'on veut que je ne parle pas, je me tairai, mais je livrerai à l'appréciation du pays cette manière de faire.
M. Brasseur (contre la clôture). - Messieurs, je dois insister plus vivement que jamais pour que nous ayons encore une séance pour nous expliquer sur les nouvelles propositions.
L'honorable ministre des finances vient de dire que les Bassins houillers ont montré la meilleure volonté du monde et qu'ils viennent faire des propositions plus équitables en faveur des obligataires.
Je vous prouverai, messieurs, que ces propositions sont bien plus funestes aux obligataires que les conditions actuelles ; qu'il est impossible qu'ils les acceptent et que le gouvernement ne peut entrer dans la voie où il a voulu nous engager hier. Au moins que le gouvernement s'explique sur ce document, pourquoi nous est-il soumis ? Est-ce une convention qu'on veut conclure avec les Bassins houillers ?
- Des membres. - C'est le fond...
M. Brasseur. - Vous avez raison, et je m'arrête ; je demande donc que la discussion soit remise à demain.
- Voix à droite. - Non, non, la clôture !
M. Coomans. - Il me semble que pour ne pas perdre plus de temps, nous devrions laisser continuer la discussion, car les membres qui croient avoir encore des observations à présenter pourront toujours parler sur les articles.
D'ailleurs il est déjà tard.
Je demande donc la remise de la discussion à demain.
- Voix nombreuses. - Oui ! oui ! A demain !
- La séance est levée à 5 heures et un quart.