(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 463) M. de Borchgrave procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Borchgrave présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Arnold-Marin Jansen prie la Chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. » - Renvoi au ministre de la justice.
« Des instituteurs communaux dans l'arrondissement de Courtrai proposent des mesures pour améliorer leur position. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi instituant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires.
« Le conseil communal de Cruybeke prie la Chambre d'accorder au sieur de Richter la concession d'un chemin de fer de Gand a Anvers par Lokeren et la vallée de la Durme, avec l'obligation de construire la ligne de Tamise à la Tête de Flandre (rive gauche de l'Escaut). »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Liège et des environs demandent la mise en liberté des soldats français fugitifs de Prusse et arrêtés en Belgique ou amenés blessés dans notre-pays, ou bien poussés sur le territoire belge par les événements de guerre, et désarmés sans résistance à la frontière. »
« Même demande d'habitants de Seraing. »
- Même renvoi.
« Le sieur Courtier prie la Chambre de lui faire obtenir la restitution de la somme de 150 francs qu'il a versée à la masse des remplaçants. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Westerloo demande le maintien des commissaires d'arrondissement »
« Même demande du conseil communal de Meerle. »
- Même renvoi.
M. Royer de Behr demande un congé d'un jour pour cause d'indisposition.
Obligé de s'absenter pour un service public, M. Vleminckx demande un congé d'un jour.
Même demande de M. d'Hane de Steenhuyse.
- Ces congés sont accordés.
La discussion générale continue.
M. le président. - La parole est continuée à M. Boulenger.
M. Boulenger. - Messieurs, dans votre séance d'hier, j'ai eu l'occasion, après vous avoir indiqué à quel titre j'intervenais dans la discussion, de vous faire voir, d'une part, la conduite et l'attitude que tenait la société des Bassins houillers à l'égard des tiers obligataires et des tiers intéressés à la cession des lignes que l'Etat a reprises et d'autre part la conduite du gouvernement sur le même terrain.
Dans le même ordre d'idées, je crois vous avoir démontré le sens réel, la portée certaine de l'article 59 de la convention du 25 avril 1870, pour établir devant vous d'une manière, je crois, indiscutable, quel fondement pouvaient avoir les reproches qu'on avait cru devoir y puiser à l'égard de notre honorabilité.
J'en ai donc fini sur ce point que je considérais comme essentiel, et je crois avoir établi et démontré d'une façon péremptoire, rien même que par la comparaison de la première rédaction de cet article 59 et de la dernière rédaction, c'est-à-dire celle qui a été accueillie par vous, quelles étaient les intentions des parties contractâmes et tout spécialement quelles étaient les intentions de la société des Bassins houillers, c'est-à-dire sa volonté formelle, sa volonté expresse de déterminer et de fixer d'une manière certaine le droit des tiers intéressés dans cette affaire, à l'aide de l'intervention de l'Etat qui devait nécessairement se produire par l'agréation qu'il devait donner à l'établissement financier auquel la société des Bassins houillers voulait transférer les annuités à lui dues par l'Etat.
Je n'ai donc plus à revenir sur ce point, et je n'ai plus à mettre sous vos yeux le tableau que j'ai tracé hier et duquel il résulte à l'évidence qu'au contraire de notre volonté l'Etat a pensé, peut-être avec raison, qu'il devait se désintéresser dans cette question d'intérêt public, qui pouvait s'agiter entre la société des Bassins houillers et les sociétés dont les lignes faisaient l'objet du traité du 25 avril 1870.
J'aborde maintenant un ordre d'idées secondaire, qui, néanmoins, a une importance considérable, au point de vue auquel je me suis placé.
En 1869, à la fin de l'année, au moment surtout où les négociations furent ouvertes, la société des Bassins houillers était aux abois, la Société générale d'exploitation était aux abois ; ces deux sociétés, sous le coup de la nécessité, ont traité avec l'Etat. En ce qui concernait la société des Bassins houillers, elle était sous le coup de déchéances ; à maintes reprises, la société des Bassins houillers, pour les concessions qui lui avaient été données, avait réclamé des délais.
Je ne puis faire qu'une chose, opposer à de pareilles allégations la dénégation la plus formelle. Je demande à l'honorable chef du département des travaux publics de compulser les archives de son département et de nous dire s'il y a trouvé la moindre trace d'une mise en demeure judiciaire ou autre, s'il y a trouvé la moindre trace d'une demande quelconque de délai émanant de la société des Bassins houillers.
La vérité est qu'à ce sujet, pendant l'année 1869, nous avons eu à nous plaindre vivement du retard qu'on apportait dans l'examen et l'approbation des plans et la Chambre se rappelle encore la polémique qui s'engagea à ce sujet entre M. le ministre des travaux publics et l'administrateur délégué de la société des Bassins houillers. La Chambre a déjà été saisie de cette discussion. Je n'y reviendrai pas. IL en résulte que les dires de l'Etat étaient au moins contestés.
Il est vrai, cependant, qu'une des lignes reprises dans la convention du 25 avril était en péril d'être déchue, je veux parler du chemin de fer d'Anvers à Douai, mais je ne crains pas le moindre reproche à ce sujet. Tout le monde sait que la société des Bassins houillers n'a fait que lui venir en aide. Si vous en doutez, l'un des collègues de M. Frère dans l'ancien cabinet, en son titre d'ex-président du conseil d'administration de cette société, pourra mieux que moi vous en dire les causes et vous indiquer sur qui pèsent les responsabilités.
La Société générale d'exploitation aussi était aux abois, vous- a dit l'honorable M. Frère. Voyez-la à l'œuvre, et dites-moi si c'est le faire d'une société aux abois. Elle exploitait, au 31 décembre 1870, 962 kilomètres au lieu des 559 kilomètres qu'elle possédait le 1er avril 1867, jour de sa création. C'était donc un accroissement de 403 kilomètres, mis en exploitation en moins de trois ans et construits pour une grande partie par la société des Bassins houillers. 405 kilomètres, c'est la moitié du réseau actuel de l'Etat, créé en plus de 30 ans !
Faut-il enfin que je rappelle et à M. Frère-Orban et particulièrement à M. Jamar dans quelles circonstances sont nées les négociations qui ont abouti à la convention du 25 avril ? Dois-je leur rappeler comment (page 464) la Société générale d'exploitation, menacée gravement dans son existence par le projet de concession à donner à la société de Tournai-Jurbise, revendiqua fièrement ses droits et les droits de ceux dont elle gérait les intérêts. Les entreprises de Hainaut-Flandres et du Centre étaient menacées dans leur existence, sans profit pour le public ; en conséquence, la société notifia au gouvernement que, s'il commettait à son égard ce qu'elle considérait comme une véritable spoliation, elle dénoncerait toutes ses relations de service mixte avant le 1er juin, de manière que le corps électoral lui-même fût saisi de ce conflit ? Dois-je dire comment la convention du 25 avril en amena l'apaisement, et enfin puis-je apporter une preuve plus éloquente de ces faits que l'aveu exprimé par M. Jamar à M. Frère dans une lettre du 15 mars 1870 versée au dossier de la Chambre ? En voici les termes :
« Je vous rappelle que vous m'avez promis une réunion du conseil pour mardi, afin de statuer en principe sur la question de la reprise des lignes des Bassins houillers. Je tiens beaucoup, vis-à-vis de M. Philippart, à ne pas même avoir l'apparence d'un procédé dont il pût se plaindre avec quelque apparence de raison ; et si je rompais après de longues négociations, sinon sur des questions d'application des principes à convenir, il ne manquerait pas de dire qu'il y avait de ma part une manœuvre pour empêcher la dénonciation de la convention dont la Société générale nous avait menacés. »
Je le demande à tout homme impartial : sont-ce là les agissements de sociétés aux abois ?
Est-ce à l'heure où les ressources financières auraient fait défaut, que la Société générale d'exploitation pouvait déclarer la guerre à l'exploitation de l'Etat et braver les terribles moyens de concurrence dont il dispose, et dont M. Jamar dans son discours n'a pas hésité à déclarer qu'il aurait usé ?
Mais, messieurs, un autre reproche grave s'est produit de la part de l'ancien ministre des finances. Dans les traités passés entre la Société générale d'exploitation et la société des Bassins houillers, on lit une clause des plus extraordinaires destinée à se prémunir contre des éventualités fâcheuses.
La société des Bassins houillers, ce grand coupable dont les mauvais coups et l'astuce menacent le repos du pays, la société des Bassins houillers stipule qu'elle s'interdisait de mettre en faillite la Société générale d'exploitation !...
Comment, c'est après avoir puisé dans cette clause même le droit de faire l'opération que vous avez conclue avec la société que vous y trouvez tous ces maléfices ! Vous nous concédez, il est vrai, qu'elle est licite, mais vous l'estimez peu morale !... et vous oubliez que vous-même vous en avez fait profit !...
Serait-ce là d'aventure que vous auriez trouvé la preuve de l'astuce profonde des administrateurs des Bassins houillers qui auraient eu le tort grave de protéger leur enfant, en s'enlevant contre lui une voie d'exécution extraordinaire, qui reste ouverte cependant à tous les autres créanciers ?
Je n'ai pas à me défendre sur ce point, j'en laisserai le soin à l'auteur même de l'article qui, j'en suis sûr, n'en répudiera pas la paternité et dont j'atteste que vous ne récuserez pas la compétence ; je veux parler de votre ancien collègue du département de l'intérieur, l'honorable M. Eudore Pirmez ! (Interruption.) /
Une dernière allégation m'a été d'autant plus sensible, que j'ai l'honneur, comme vous, messieurs, de participer à la gestion des affaires publiques. M. Jamar l'a produite, et M. Frère-Orban l'a répétée. La société des Bassins houillers, a dit le député de Bruxelles, en fournissant à l'Etat pour plus de 26,000,000 de francs de matériel roulant, a prouvé de quelles convoitises le trésor public est l'objet !...
Voyons ce qu'il y a d'exact dans cette appréciation si profondément blessante pour un membre du parlement.
Avant la signature de la convention du 25 avril, le ministre des travaux publics avait reçu, les 5 et 6 avril, les inventaires complets d'un matériel roulant en service au 1er janvier 1870. Les lettres d'accompagnement sont encore au département des travaux publics, l'honorable M. Jamar peut s'en assurer, les inventaires accusaient une valeur totale de 25,217,000 fr.
Le 25 avril, M. Jamar recevait, et j'ai en mains son accusé de réception, l'inventaire complet et détaillé du matériel en cours de construction, d'où il résulte que l'Etat doit être livré pour notre compte de 1,971 véhicules, dont 20 locomotives et 1,951 voilures et waggons, détaillés avec prix au regard, ce qui représente un prix à payer de 6,287,150 francs.
Ces tableaux étaient accompagnés d'un autre document dont M. Jamar accuse simultanément la réception, c'était un relevé général de tout le matériel roulant sur nos lignes au 1er janvier 1870 - sur toutes nos lignes, y compris celles de la Flandre, qui y figurent comme garnies alors de 41 locomotives, 111 voitures et fourgons et 453 waggons - le tout estimé dans nos inventaires pour une somme de 4,400,000 francs.
Voici ces documents, l'honorable M. Jamar peut les vérifier.
Ces deux sommes, provenant l'une du matériel garnissant les lignes au 1er janvier 1870, et l'autre du matériel en cours de construction, font ensemble 29,504,150 francs. Ici comme plus haut, point de situation douteuse, point d'équivoque possible, j'apporte à mon contradicteur ces chiffres approuvés de sa main !
Qu'il explique à la Chambre comment ces 29,000,000 de francs se sont trouvés réduits dans son exposé des motifs à 18,000,000 de francs, qu'il s'abrite derrière ses chefs de service, je n'y ferai, pour ma part, aucune opposition ; qu'il avoue même ingénument avoir commis une erreur, soit ! Mais qu'il ose, après de telles explications, essayer d'insinuer que la religion du ministre a été surprise, ce serait un procédé dont je vous livrerais, messieurs, l'appréciation !
Dès que les accusations commencent, elles ne s'arrêtent plus. Etes-vous bien sûr, dit-on au gouvernement actuel, que dans le matériel qu'on vous livre, on ne vous a pas fait passer une partie du matériel de la Flandre ? Outre ce qu'une pareille fraude aurait de blâmable, un esprit sérieux devrait-il la produire quand il sait que le matériel est l'indispensable moyen de fortune d'un exploitant de chemin de fer, que ce matériel lui vaut dix, vingt et même trente fois l'annuité à 4 1/2 p. c. que l'Etat doit payer ?
Mais ici encore et toujours, je ne reste pas dans le champ de la discussion qui ne convient pas à ma position personnelle, et j'apporte des pièces et des chiffres à l'appui de mes dires.
Le 23 avril 1870, M. Jamar, ministre des travaux publics, recevait donc de nous, suivant nos inventaires, la déclaration certifiée que nous avions, le 1er janvier 1870, en service sur les lignes de la Flandre 635 véhicules, estimés dans nos écritures à environ 4,400,000 francs. Eh bien, à l'heure qu'il est, je produis à la Chambre, l'extrait de mes inventaires au 1er janvier courant, qui établit qu'à cette date, sur le même réseau, nous avions en service, de plus qu'au 1er janvier 1870, 6 locomotives, 39 voitures, 131 waggons valant 609,975 fr. 15 c.
Le moindre doute n'est plus permis sur ces chiffres affirmés par l'honorable M. Gendebien, président du conseil d'administration de la Société générale d'exploitation. Car ils ont été remis à M. le ministre des travaux publics, il y a plus de huit jours, le 16 janvier courant, avec demandé d'en opérer le contrôle s'il le jugeait opportun !
Peut-on encore parler, après cela, de convoitises coupables à l'endroit du trésor public, de mauvais coups à faire, de fourberie, d'astuce, de mensonge ?
Vous connaissez les faits imputés à ceux qui dirigent la société des Bassins houillers du Hainaut au milieu desquels je suis lié par la plus étroite solidarité, je crois vous les avoir exposés avec tout le calmé et la modération que vous pouviez attendre de moi.
Si j'ai cru devoir relever les inexactitudes évidentes de nos cocontractants relativement à la convention du 25 avril 1870, pour vous prouver combien injustement et combien à tort ils avaient menacé l'honorabilité d'un de vos collègues, à propos de ce contrat, la Chambre, je suppose, n'attend pas de moi que je discute d'autres appréciations bien plus hasardées, bien plus inexactes, qui se sont fait jour dans cette enceinte sur les actes de la société des Bassins houillers, en dehors de son contrat avec l'Etat.
Ce ne serait, je pense, ni digne de vous, ni digne de moi.
N'allez pas croire pourtant que je me borne à opposer à ces allégations téméraires le seul dédain qu'elles méritent. N'allez pas croire que pour y répondre je mette au défi de les produire en dehors de l'immunité parlementaire où j'en aurais vite et facilement raison. Non, messieurs, mille fois non ; je comprends autrement le sentiment de l'honneur ; mes collègues du conseil d'administration comprennent autrement le sentiment de l'honneur, et nous répondrons et je réponds à tous ceux d'entre vous qui ont lu et qui ont entendu les attaques dont je me plains :
Venez dans mon cabinet, j'y mets à votre disposition tous nos livres, toute notre comptabilité, tous nos actes !
Je les livrerai sans crainte, avec bonheur même à votre scrupuleux et loyal examen !
Un mot encore et je finis.
(page 465) Je ne me dissimule pas la délicatesse de ma position dans ce débat, au fond duquel je ne suis pas entré et je ne veux pas entrer ! Je ne me dissimule pas, à cet égard, combien il peut être facile à dire que je fais actuellement de mon siège parlementaire la tribune de mes intérêts privés ; c'est à vous d'apprécier la convenance de ma conduite, et j'en appelle à la conscience de chacun de vous.
Il est un terrain sur lequel l'honorable M. Jamar m'a convié ; qu'il en reçoive l'assurance, je l'y suivrai, qu'il le sache bien, je l'y suivrai sans aucune infériorité de position ni vis-à-vis de lui ni vis-à-vis d'autres ; je veux parler du terrain politique. Ah ! les financiers de l'école des Bassins houillers ne peuvent se complaire au milieu des ardeurs de la lutte politique !
Que l'honorable député de Bruxelles se rassure ! Lorsque l'apaisement de la politique extérieure nous aura donné la conscience que les agitations de la politique intérieure peuvent se produire sans danger pour notre nationalité, il me sera donné, j'en suis certain, de lui prouver que ni le mouvement des affaires financières, ni les préoccupations des affaires industrielles, n'ont énervé la vigueur et la solidité de mes convictions politiques, et nous verrons dans les combats que nous devrons livrer à l'adversaire commun, qui de nous deux sera au premier rang pour donner l'assaut !
M. Jamar. - Lorsque j'ai quitté la direction des travaux publics, mon vœu le plus cher, mon désir le plus ardent était que l'acte le plus important de ma carrière administrative, - la convention du 25 avril, - pût produire pour le pays, pour l'administration des chemins de fer de l'Etat, pour la société avec laquelle je traitais, les résultats féconds que, dans ma pensée, elle ne pouvait manquer d'avoir pour tous les intérêts qui y étaient engagés.
Je n'ai prononcé aucune parole ni posé un seul acte qui ne soit pas en rapport avec ce sentiment qu'à plusieurs reprises j'ai eu l'occasion de prouver à la société des chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut.
Mais, messieurs, mes honorables amis MM. Frère-Orban et Bara ont commis un crime irrémissible. Ils ont critiqué la création de la caisse d'annuités et l'usage que l'on voulait en faire.
Ils accomplissaient, en agissant ainsi, ce qu'ils considéraient comme un devoir, et leur opposition au projet du 22 novembre a eu des résultats dont aujourd'hui le gouvernement et la Chambre tout entière s'applaudissent.
Cela nous a valu, dès le mois de décembre, les attaques injurieuses que vous savez et dont nous avons démontré ici la fausseté et le triste caractère.
Nous avons supporté patiemment ces injures. Nous avons attendu ce débat qui devait nous fournir l'occasion de nous expliquer, et si à cette heure les protestations indignées de notre dignité blessée attristent et blessent ceux que certains liens attachent à ces entreprises, qu'ils adressent leurs reproches non pas à nous, mais à ceux qui, sans raison et sans droit, ont substitué la passion et l'injure à une discussion loyale.
L'honorable député de Mons accepte-t-il, dans cette enceinte, la responsabilité de toutes ces agressions inqualifiables ?
Je n'hésite pas à croire qu'il la répudie, car cette triste solidarité ne viendrait pas renforcer les sentiments qu'ont pour lui ses collègues et auxquels il n'hésitait pas à faire appel hier au commencement de son discours.
L'honorable membre, qu'un mot prononcé par mon honorable collègue M. Frère-Orban semble avoir particulièrement blessé, a rappelé avec complaisance à la Chambre les noms des hommes qui avaient pris part à la création de la société des Bassins houillers du Hainaut.
Ils appartenaient et appartiennent encore à la Chambre et au Sénat et leur concours avait fait concevoir les plus sérieuses espérances du succès des entreprises auxquelles ils s'associaient ainsi.
J'ignore pourquoi l'on a invoqué ces souvenirs.
De tous ces amis qui nous sont chers, pas un, que je sache, n'a pris part à la convention du 25 avril. Ils avaient quitté depuis longtemps et successivement les conseils d'administration de ces entreprises et il ne me convient pas, en ce moment, d'indiquer ou de rechercher les motifs de leur résolution.
Un seul point me touche particulièrement dans le discours de l'honorable M. Boulenger, c'est l'appréciation étrange qu'il fait des indications si précises données par mon honorable collègue, M. Frère-Orban, dans la séance du 18 de ce mois.
Nous étions, messieurs, en présence d'une affirmation précise : c'était le gouvernement qui avait proposé à la compagnie des Bassins houillers les diverses rédactions que nous avions ensuite repoussées par des motifs de la nature la plus honteuse et pour surprendre la bonne foi de la Chambre.
Voilà ce qui a été dit et écrit ; l'honorable député de Mons n'a pas déclaré accepter la responsabilité de ces accusations, mais il faut bien que la Chambre se rappelle à quelles accusations l'honorable M. Frère et moi nous avons été appelés à répondre.
Nous avons produit à la Chambre deux documents.
Le premier était la photographie de la rédaction de l'article 59, prétendument émanée de l'initiative du gouvernement et qui était écrite tout entière de la main d'un des administrateurs de la compagnie des Bassins houillers du Hainaut. Cette pièce n'a donné lieu à aucune contestation.
Le second document fourni à la Chambre était la minute de l'avant-projet envoyé par M. l'inspecteur général Vander Sweep, le 22 avril, à la compagnie des Bassins houillers.
L'article 59 reproduit d'une manière complète l'article, tel qu'il avait été rédigé par M. l'administrateur des Bassins houillers du Hainaut.
Voici ce que disait l'honorable M. Frère-Orban en indiquant ce fait :
« Celait tout simple ; on négociait, une proposition était faite par les Bassins houillers, qui devait être ultérieurement examinée par les ministres ; il fallait donc bien la reproduire dans le projet. Mais dans l'intervalle de la remise de cette proposition par les Bassins houillers, écrite de la main même de l'un des administrateurs, sur papier au timbre de la société, on avait su que l'intervention de la trésorerie était repoussée d'une manière absolue. Le refus d'accorder une rente, la résolution de ne consentir qu'à un prélèvement sur la recette brute, étaient également connus ; l'article déjà transcrit sur la minute fut modifié dans ce sens, mais de manière cependant à permettre de relire encore la rédaction primitive ; et l'on voit, en marge de la rédaction modifiée, une note écrite au crayon par M. l'inspecteur général Vander Sweep et qui est ainsi conçue : « Rédaction proposée en dernier lieu par les Bassins houillers ; à examiner par le département des finances. »
Tout cela, messieurs, n'a aucune valeur aux yeux de l'honorable député de Mons et voici l'argument, auquel il a recours : La compagnie des Bassins houillers n'a pas reçu la minute de M. l'inspecteur général Vander Sweep et la copie qui est en sa possession ne contient ni les passages supprimés, ni la note marginale de ce haut fonctionnaire ! Et l'honorable membre n'hésite pas à dire que mon honorable collègue a trompé la Chambre sur la valeur de ce document !
M. Boulenger. - J'ai dit qu'il s'était trompé.
M. Jamar. - ... Ou qu'il s'est trompé, si vous le voulez. Mais, messieurs, l'honorable membre sent très bien ce que vaut cette confusion faite volontairement ou involontairement entre le document que nous invoquons et la copie que la compagnie des Bassins houillers a reçue et qui ne devait contenir ni la note marginale de M. l'inspecteur général Vander Sweep, ni les passages qui étaient supprimés de commun accord avec la compagnie des Bassins houillers, Aussi, n'hésite-t-il pas à recourir à de tristes moyens pour atténuer la valeur irréfutable de ce document.
Il déclare que cette pièce est restée dans les mains du ministre et je complète sans doute sa pensée en disant que très probablement la note marginale est un acte de honteuse complaisance d'un fonctionnaire qu'heureusement le soupçon ne saurait atteindre,
L'honorable membre n'hésite pas davantage à déclarer qu'il est possible que je n'aie pas tout dit à mes collègues sur ce qui s'est passé entre les négociateurs.
Cette seconde insinuation vaut la première. Elle m'étonne dans la bouche de l'honorable député de Mons. Il sait mieux que personne que M. Philippart n'a pas vu, à cette époque, que moi des membres du cabinet et a pu s'assurer que le conseil était tenu au courant des négociations, des plans et des espérances de M. Philippart.
Si les paroles de l'honorable membre, messieurs, pouvaient laisser un doute dans votre esprit, pouvaient atteindre l'inspecteur général de l'exploitation, il y a un témoin dont on ne peut pas suspecter le témoignage et que tour à tour les honorables MM. Jacobs, Brasseur, Liénart et Boulenger ont invoqué.
C'est M. l'avocat Hennequin qui dit très nettement que toutes les rédactions proposées successivement pour l'article 59 ont été proposées par MM. Philippart et Gendebien jusqu'au moment où nous nous sommes mis d'accord sur la rédaction minutée en conseil par l'un de nous.
Que voulions-nous par cet article ? Je suis bien obligé de le répéter puisqu'on semble ne pas avoir compris mes premières explications.
(page 466) Exempter des droits d'enregistrement et de timbre des transferts prévus et indiqués par la compagnie des Bassins houillers, transferts irréprochables, utiles à tous les intérêts et de la nature de ceux que l'on a opérés pour les sociétés du Haut et Bas-Flénu, des chemins de fer de la Jonction de l'Est et d'autres encore.
Il fallait enfin que le transfert des annuités afférentes aux lignes du réseau à construire pût être opéré afin de fournir aux Bassins houillers les capitaux nécessaires pour la construction de ces lignes.
Mais, messieurs, est-ce que les exemptions de droits que consacrait l'article 59 pouvaient autoriser la société des Bassins houillers à poser des actes illicites ?
Est-ce que les Bassins houillers pouvaient, à l'aide de l'article 59, transférer à des tiers plus de droits qu'elle n'en avait elle-même ? Pouvait-elle, pour me servir d'une expression vulgaire, vendre la maison dont elle n'était que locataire ? Personne n'oserait le soutenir et, quant à nous, nous avons pensé que nos lois et nos tribunaux offraient une protection suffisante aux tiers dont on aurait voulu violer les droits.
Mon sentiment n'a pas changé.
MM. Boulenger, Brasseur, Liénart et l'honorable ministre des finances lui-même, je pense, sont venus répéter avec une certaine complaisance la phrase que j'ai prononcée dans la discussion de la convention du 25 avril. J'ai dit que le gouvernement n'avait pas à s'immiscer dans cette question, que la convention ne portait aucune atteinte aux intérêts des tiers, que ceux-ci sauraient bien sauvegarder.
M. l'avocat Hennequin exprime la même idée dans sa lettre : « Les ministres ont procédé par élimination, et l'article 59, tel qu'il a été définitivement arrêté, est plus expressif encore par ce qu'il ne dit pas que par ce qu'il dit. La pensée qui s'en détache à l'évidence, c'est de laisser chaque partie sur son droit, de n'altérer ni ceux de la société des Bassins, ni ceux des compagnies concessionnaires avec lesquelles elle a traité, ni ceux des obligataires respectifs, et de tenir l'Etat parfaitement neutre entre tous. »
Voilà, messieurs, ce que nous avons voulu, et ce que nous demandons encore aujourd'hui, à la condition, bien entendu, de ne pas altérer la position des obligataires par la création d'instruments tels que la caisse d'annuités, ou par le payement au comptant du matériel que nous considérons comme leur gage.
Quand j'ai parlé, messieurs, de la préoccupation du gouvernement pour les intérêts des obligataires, c'a été au sujet des conséquences que pouvait avoir pour eux la lutte qui menaçait de s'engager entre l'Etat et la société des Bassins houillers.
Mon langage d'aujourd'hui n'est donc point en opposition avec le langage que j'ai tenu lors de la discussion de la convention du 25 avril.
Mon honorable collègue, M. Frère-Orban, n'aura pas de peine non plus à justifier les allégations qu'il a produites et qu'a vivement critiquées l'honorable député de Mons.
Il a invité M. le ministre des travaux publics à rechercher dans les archives du département s'il existait une mise en demeure de construire certaines lignes sous peine de déchéance. L'honorable député de Mons pense que jamais la société des Bassins houillers ne s'est trouvée dans cette situation. Pour faciliter le travail de l'honorable ministre des travaux publics, je lui indique, notamment la ligne d'Ath à Saint-Ghislain, comme étant de celles pour lesquelles on trouvera, au dossier, plusieurs mises en demeure.
Je ne sais à quel sentiment l'honorable. M. Boulenger a obéi lorsqu'il a dit à la Chambre qu'il y avait quelqu'un ici qui pourrait donner, sur ce qui s'était passé au sujet de la société du chemin de fer d'Anvers à Douai, d'utiles renseignements. Je ne sais s'il a voulu rappeler que j'avais été membre du conseil d'administration de cette compagnie.
Je n'éprouve sur ce terrain aucun embarras. Avant d'entrer au département des travaux publics, j'ai donné ma démission de toutes les situations qui me semblaient incompatibles avec la position que j'étais appelé à occuper. Non seulement j'ai donné ma démission d'administrateur de la société du chemin de fer d'Anvers à Douai, mais j'ai poussé le scrupule, jusqu'à me retirer de la Banque de Belgique dont j'étais commissaire, eu égard aux relations qu'avait cet établissement avec la compagnie des Bassins houillers.
M. Boulenger. - C'est très vrai.
M. Jamar.- Quant à la question des 18 millions, auxquels les fonctionnaires du département des travaux avaient estimé le matériel, je dois maintenir les explications que j'ai déjà données à la Chambre.
J'ai eu, messieurs, la prévoyance de communiquer à M. Philippart l'exposé des motifs du projet de loi avant qu'il parût. Ce chiffre de 18 millions n'a, de sa part, donné lieu à aucune protestation.
J'ai de plus indiqué à la Chambre le passage du rapport des fonctionnaires du département des travaux publics relatif au matériel et je maintiens complètement ces allégations.
Qu'une erreur peu importante puisse s'être glissée dans l'appréciation de ces fonctionnaires, il n'y aurait là rien d'étonnant, en présence du peu de temps qui leur était laissé pour faire cette appréciation ; mais j'ai indiqué à la Chambre les bases prises pour arriver à ce chiffre de 18 millions.
Mon intention en prenant la parole une seconde fois avait été principalement de répondre aux discours prononcés par les honorables MM. Liénart et Brasseur. Mon honorable ami, M. Sainctelette, a singulièrement simplifié ma tâche en exposant à la Chambre, d'une manière plus heureuse et plus éloquente que je n'aurais pu le faire, les arguments en réponse à ceux que l'on avait présentés contre la convention du 25 avril.
Je puis donc me borner à rencontrer certains points que l'honorable M. Sainctelette n'a pas abordés dans son discours.
Je veux, avant tout, édifier la Chambre sur l'accusation que l'honorable député d'Alost a portée contre moi dans ces termes :
« La presse a retenti d'une explication qui ne serait pas l'avantage de l'ancien cabinet et qui tendrait à établir, lorsqu'on la rattache à d'autres circonstances et notamment à un grand nombre de contre-lettres datées du jour même où la convention fut signée, que l'on aurait cherché, lors de la présentation de la convention, à organiser autour d'elle la conspiration du silence. »
Une contre-lettre, se dit, messieurs, d'après Dalloz et le Dictionnaire de l'Académie, d'un acte sous seing privé que les parties destinent à être gardé secrètement et par lequel, en général, elles détruisent l'effet d'un acte authentique.
J'ai demandé, dans la séance de vendredi, à l'honorable député d'Alost qu'il voulût bien m'indiquer quelles étaient les pièces du dossier qui revêtaient ce caractère.
Le lendemain, l'honorable M. Liénart prenant l'inventaire du dossier C, déclara à là Chambre que toutes les pièces contenues dans ce dossier, à l'exception des n°9 et 15, étaient des contre-lettres, et, pour mieux démontrer à la Chambre l'énormité de mes crimes, il a énuméré les uns après les autres tous les numéros de cet inventaire.
On ne supposerait certes pas, dans ces conditions, qu'il est possible que l'honorable député d'Alost n'ait pas lu toutes les pièces de ce dossier. C'est cependant ce que je vais essayer de prouver à la Chambre.
Le n°10 est une lettre de M. Philippart en date du 15 mai. Elle est restée sans réponse du département et par sa lettre du 7 juin, n°18, M. Philippart déclare qu'elle doit être considérée comme nulle et non avenue.
Voilà, messieurs, une contre-lettre.
Les n°15,17 et 18 ont à peu près la même importance. A l'article 55, alinéa 3, on trouvait les mots : « Somme de 7,000 francs » ; à l'article 44 les mots : « Somme annuelle de 7,000 francs. » Les lettres échangées ont pour objet d'établir que, dans notre pensée, ces désignations s'appliquent aux annuités dont parle l'article 59.
Celte rectification de rédaction m'a semble superflue, ces expressions de somme annuelle et d'annuité étant tout à fait équivalentes.
Les n°19 et 20 sont relatifs à l'article 2, alinéa i, ainsi conçu :
«Art. 2. La société des chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut cède, en outre, à l'Etat, qui accepte également, tous ses droits sur les chemins de fer suivants, tels qu'ils résultent des contrats cités ci-après :
« 1°…
« 4° Les chemins industriels à livrer prochainement à l'exploitation :
« Des charbonnages de Mariemotl et Bascoup, suivant convention du 2é février 1870 ;
« …
« En ce qui concerne le premier de ces chemins de fer industriels, le gouvernement se réserve le droit de négocier avec les sociétés charbonnières de Mariemont et Bascoup telles modifications qu'il jugera convenir à la convention ci-dessus mentionnée. »
Nous trouvions que la convention du 25 février 1870 était onéreuse et d'un caractère fâcheux. En signant la convention, nous avons demandé à la compagnie des Bassins houillers de nous autoriser à faire des démarches auprès des compagnies de Mariemont el de Bascoup pour modifier cette convention. Nos démarches, malheureusement, sont restées sans résultat. Mais les lettres du 19 et du 20, qui sont trop longues pour que j'en donne (page 467) lecture à la Chambre, ne font qu'accentuer cette réserve qui était uniquement dans l'intérêt de l'Etat.
Enfin, messieurs, les n°22 et 23 indiqués par l'honorable membre comme des contre-lettres portant la date de la convention, c'est-à-dire du 25 avril, sont datées des 1er et 2 juillet. J'en donnerai lecture à la Chambre parce qu'elles indiquent qu'au moment où j'ai quitté le département, et bien qu'aucune solution ne fût donnée à la demande de création d'une société anonyme, l'accord entre les deux parties contractantes n'avait pas été altéré un instant.
Voici ce que m'écrivait M. Philippart, le 1er juillet :
« Monsieur le ministre,
« J'ai déjà eu l'honneur de vous dire combien je regrettais votre retraite des hautes fonctions dont vous êtes investi. Il eût été désirable, pour le gouvernement comme pour ma compagnie, que l'exécution de la convention du 25 avril eût commencé sous les yeux et le contrôle du ministre qui avait présidé à sa rédaction, et qui, mieux que tout autre, peut en apprécier l'esprit et en poursuivre l'application.
« Vis-à-vis de la décision que vous avez prise, M. le ministre, il importe cependant de constater notre accord sur certains points que notre correspondance a laissés dans l'ombre. Vous me permettrez donc de vous prier de me confirmer que vous aviez l'intention de proclamer la déchéance de la concession d'Anvers à Douai et que vous n'y avez renoncé qu'après avoir obtenu de nous l'abandon éventuel de certaines sections de ce chemin, ainsi que nous l'avons constaté par notre lettre du 25 avril, n°5911.
« Dans les négociations qui ont suivi le traité et la correspondance échangés entre nous, il a été convenu également que la ligne de Noirdieu à Jumet s'exécuterait aussi bien que celle de Ransart à Gosselies.
« Cette convention n'ayant pas fait l'objet d'une constatation écrite, je vous prie, M. le ministre, de bien vouloir me répondre à ce sujet.
« Agréez, M. le ministre, l'expression de ma haute considération.
« L'administrateur délégué,
« Je répondis que nous étions d'accord sur les deux premiers points que, quant au troisième, celui qui concerne la ligne de Ransart à Gosselies, le département réservait son examen.
Je demande où est, dans cet échange de lettres, la clause dérogatoire à la convention du 25 avril. M. Liénart voudra bien l'indiquer à la Chambre.
Les n°1 et 2 lui donneront quelque peine également ; la stipulation que. ces lettres renferment est uniquement dans l'intérêt de l'Etat. Elles indiquent que la redevance à payer à la compagnie du Grand-Central, qui est propriétaire en commun avec l'Etat de la station de Châtelineau, sera payée par la compagnie.
Si je n'ai pas examiné ces pièces, messieurs, dans l'ordre de l'inventaire, c'est que pour celles qui me restent à analyser j'ai à rencontrer deux contradicteurs.
L'honorable M. Brasseur, qui a fait de cette question une étude laborieuse, a lu, lui, toutes les pièces de ce dossier. Il n'a point parlé de contre-lettres ni de conspiration du silence. Il n'a pas dit un mot non plus des pièces n°1, 2, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 22 et 23.
Le soin qu'a mis M. Brasseur à mettre en lumière tout ce qui pouvait incriminer l'ancien cabinet dans la convention du 25 avril doit prouver à la droite, mieux que je ne pourrais le faire, que l'honorable député d'Alost a agi avec légèreté en comprenant ces pièces dans son acte d'accusation.
L'honorable M. Brasseur s'est étonné que les stipulations contenues dans les diverses lettres dont il a entretenu la Chambre ne fissent pas partie intégrante de la convention.
Toutes ces pièces, messieurs, auraient pu parfaitement être introduites dans la convention sans en altérer la portée ni le caractère, mais elles l'eussent rendue d'une appréciation plus difficile.
J'ai déjà regretté que les stipulations si nombreuses qui forment le chapitre III, relatives à l'exécution des nouvelles lignes, aient donné des proportions si étendues à la convention du 25 avril.
Dès que la convention du 25 avril fut signée, nous fûmes unanimement d'avis qu'il était utile pour les négociateurs de compléter leur travail par un ensemble d'instructions destinées aux fonctionnaires et aux chefs de service, qui, sans avoir pris part aux négociations qui ont précédé la convention du 25 avril, allaient être chargés de l'exécuter.
C'est ce qui a donné naissance aux lettres qui portent les dates des 25 avril et 1er mai.
Elles eussent pu n'en former qu'une seule, mais destinées à des directions différentes et à des dossiers distincts, chacune des questions résolues a été l'objet d'une lettre séparée.
Un point important, c'est que toutes ces pièces destinées, suivant l'honorable député d'Alost, à rester dans l'ombre et le mystère ont été immédiatement transmises aux directions qui avaient à assurer l'exécution des clauses qu'elles avaient pour objet ; et certainement ceux d'entre vous, messieurs, qui ont examiné ces pièces attentivement auront trouvé que cette conspiration du silence était une image hardie de la part de M. Liénart.
Je vais maintenant examiner les pièces dont a parlé M. Brasseur, dans l'ordre de l'inventaire.
Les numéros 3 et 4 sont relatifs à l'exécution du paragraphe 2 de l'article 30 :
« Art. 30. Moyennant le payement de la somme de cinq millions de francs (fr. 5,000,000), la société des Bassins houillers sera déchargée vis-à-vis de l'Etat de toute obligation en ce qui concerne :
« 1°...
« 2° L'usage foncier des parties de chemin de fer communes aux lignes nouvelles, d'une part, et aux lignes qui formeront, au 1er janvier 1871, le réseau des chemins de fer exploités par l'Etat, d'autre part ; ces parties communes sont déterminées de concert entre les parties contractantes. »
Je ne sais, messieurs, si, à l'heure qu'il est, ces parties communes ont été déterminées d'une manière précise, mais dans l'impossibilité de les déterminer à bref délai, nous avions reconnu la nécessité de nous mettre immédiatement d'accord sur les bases qui présideraient à cette détermination.
Les stipulations des pièces n°3 et 4 sont favorables à l'Etat, non seulement en ce qui concerne la détermination du maximum de 60 kilomètres, mais notamment en ce qui concerne la faculté pour le gouvernement de déduire des 60 kilomètres un certain nombre de kilomètres qui, comme ceux qui composent le parcours de La Pinte à Gand, ont été l'objet de conventions antérieures, peu favorables à l'Etat-
Le forfait de 5 millions que consacre l'article 30 est favorable à la compagnie des Bassins houillers.
Mais j'étonnerai sans doute l'honorable M. Brasseur en lui disant que ce forfait de 5 millions était, dans notre esprit, la compensation des charges plus lourdes que nous imposions à la compagnie des Bassins houillers dans l’exécution des lignes nouvelles, sous le rapport du matériel de la voie, des signaux, de l'étendue des stations, des bâtiments, des passages, des clôtures, tic.
L'honorable M. Brasseur eût pu s'assurer de l'étendue de ces sacrifices s'il avait songé à compulser le cahier des charges des concessions primitives avec le chapitre III de la convention du 25 avril relatif aux conditions d'exécution des lignes nouvelles.
Si M. Brasseur avait fait cette comparaison, il eût tenu à la Chambre un tout autre langage que celui qu'il a fait entendre, au sujet de l'article 27 notamment.
Les numéros 5 et60 de l'inventaire sont relatifs à l'expertise du matériel.
L'honorable M. Brasseur a donné aux mots « valeur d'usage » une signification qui m'a fort étonné dans sa bouche.
La valeur d'usage, d'après Say, Rossi, Malthus et un grand nombre d'économistes distingués, est la valeur intrinsèque d'un objet. Quelle autre base aurait-il été possible de prendre pour l'expertise du matériel d'un chemin de fer dont on reprenait l'exploitation ? Je ne m'expliquais pas comment l'honorable M. Brasseur se trouvait en désaccord avec tant d'économistes distingués, mais j'ai pu heureusement m'assurer que ce désaccord n'est qu'apparent, qu'il n'est que dans les mots : au fond, M. Brasseur est d'accord avec nous.
Voici en effet, ce que je lis dans le Manuel d'économie politique de l'honorable membre :
' « Beaucoup d'économistes désignent l'utilité par l'expression de valeur en usage par opposition à la valeur en échange. Nous rejetons cette terminologie parce que loin d'introduire dans le langage économique de la simplicité et de la clarté, elle est de nature à jeter de la confusion dans les idées. C'est le reproche que l'on peut adresser à plus d'un économiste français et anglais. Pour nous qui ne connaissons qu'une seule espèce de valeur, toute incertitude disparaît et il nous semble tout à fait inutile de dire valeur en échange quand il ne peut y avoir d'autre valeur que celle qui résulte des échanges. Malthus, dans ses Principes d'économie politique, page 50, admet trois espèces de valeurs : 1° la valeur en usage qu'il définit l'utilité intrinsèque d'un objet, 2° la valeur nominale d'échange ou valeur estimée en métaux précieux (prix courant), 3° la valeur intrinsèque d'échange ou pouvoir d'acheter toute autre marchandise.
(page 468) « Au fond, continue M. Brasseur, cette division correspond à la nôtre. Ce que Malthus appelle la valeur en usage est pour nous l’utilité. »
Nous voici donc d'accord. Ce sera l'utilité de l'objet qui formera la base de l'expertise. Cette base étant donnée, je me demande comment il est possible que les experts donnent aux locomotives condamnées à être démolies par la compagnie du chemin de fer d'Orléans et la compagnie du Grand Central, une valeur autre que celle des matériaux qui ont concouru à la confection de ces locomotives.
Je demande, en outre, si les experts peuvent attribuer la même valeur à une machine qui fera une mince consommation de combustible, qu'a une autre qui en consommera en excès. Cela n'est point admissible et je m'en rapporte avec confiance aux ingénieurs de l'Etat pour ne point commettre de pareilles hérésies en matière d'expertise.
Enfin, messieurs, les pièces 7 et 8 constatent l'accord des parties sur le moment où l'Etat aura à faire connaître le mode qu'il compte employer pour le payement du matériel. Nous avons pensé, messieurs, que le gouvernement aurait un délai suffisant jusqu'au 1er août et nous avons fixé cette date. Le gouvernement a eu certainement tout le temps d'examiner quel était le mode qui convenait le mieux et en effet le 28 juillet, M. le ministre des finances écrivait a la compagnie des Bassins houillers qu'il payerait le matériel par annuités. C'était sa première impression : c'est la bonne, dit-on, et je désire que la Chambre la fasse prévaloir en dernière analyse.
J'ai accordé, je le reconnais, à M. Philippart une faveur qui est une dérogation à l'article 63 en postposant la date du 31 décembre à la date du 1er août à laquelle les compagnies du Haut et Bas Flénu et la compagnie du Nord français devaient donner leur acquiescement à la convention du 25 avril.
Mais ces ratifications ne pouvaient nous manquer. J'avais vu à plusieurs reprises MM. de Brouckere et Corbisier qui étaient représentants de la compagnie du Bas Flénu ; j'avais vu également les administrateurs de la compagnie du Nord français et tous m'avaient dit que, moyennant le transfert d'une quotité des annuités égale au montant du bail que les deux sociétés avaient consenti à M. Philippart, leur ratification était acquise.
L'événement a justifié mes prévisions. Le gouvernement est, à l'heure qu'il est, en possession de l'acquiescement de la compagnie du Haut et Bas Flénu, tandis qu'il n'a pas encore la ratification d'autres compagnies qu'il devait cependant avoir le 1er août dernier.
Les n°12, 13 et 14 se rapportent à l'exécution de l'article 13, ainsi conçu :
« Art. 13. La société des Bassins houillers déclare avoir remis, avec inventaire, à l'Etat, qui le reconnaît, des copies certifiées des principaux traités de transport, des principales conventions relatives aux divers accordements industriels et des conventions d'exploitation avec d'autres compagnies de chemins de fer qui sont actuellement en vigueur et dont les effets doivent se prolonger au delà du 31 décembre 1870.
« L'Etat s'oblige à les exécuter en lieu et place de la société des Bassins houillers ou de ses ayants cause. Il s'oblige également à exécuter tous les autres traités analogues et, d'une importance secondaire, pour autant qu'ils aient été consacrés par une exécution régulière. »
M. Brasseur. - Je n'ai pas parlé de cela.
M. Jamar. - Pardon. Revoyez voire discours. C'est, du reste, la disposition qui permet à la compagnie des Bassins houillers de faire des transports moyennant une réduction de 50 p. c. Je pense que l'honorable M. Brasseur se rappellera qu'il en a entretenu la Chambre.
M. Brasseur. - C'est vrai.
M. Jamar. - Un de ces traités, consacré par une exécution régulière, était une convention verbale. Le n°13 est une lettre de M. Dumon, ancien ministre des travaux publics, qui déclare que cette convention existe, qu'elle a été consacrée par une exécution régulière. Il ne m'est pas venu un seul instant à la pensée de ne pas ajouter foi à la parole d'e M. Dumon, et je ne sais si, dans cette Chambre, l'honorable M. Liénart lui-même pense que j'aurais pu agir autrement.
Il reste enfin la pièce n°21. C'est la lettre de M. Philippart qui est restée sans réponse.
Cette pièce constate le résultat d'un premier examen des lignes à réviser. L'exécution donnée par le gouvernement à l'article 17 prouve, comme je l'ai dit, que la liberté du gouvernement subsistait quant à l'examen des lignes à construire définitivement ; mais nécessairement l'exécution loyale de la convention ne permettait pas au gouvernement de faire des suppressions d'une manière arbitraire et dans des limites qui eussent privé la compagnie d’un profit sur lequel elle devait légitimement compter.
Nous avions, du reste, sur ce point, obtenu de la compagnie des sacrifices considérables. Le rapport des fonctionnaires du département des travaux publics constate que les concessions primitives de la compagnie comportaient 670 kilomètres et l'accord s'est à peu près établi pour déterminer à 510 kilomètres seulement le réseau des lignes à construire.
Le sacrifice, comme on le voit, est important ; il est d’un cinquième, à peu près, et nous ne sommes parvenus à l'obtenir qu'en faisant de ce sacrifice la condition de l'entente entre la Société générale d'exploitation et l'Etat pour la concession des lignes dans la province de Namur et de Luxembourg.
J'arrive naturellement ici à vous parler des deux dernières pièces qui appartiennent, non plus au dossier C, mais au dossier D, et qui concernent le réseau Forcade.
L'honorable M. Liénart a compris ces deux pièces dans son acte d'accusation.
Pour moi, je pense que l'accord qui s'est établi par les lettres des 3 et 14 mai est irréprochable, et je n'aurai pas de peine à l'établir.
La convention du 5 mai relative à la concession du réseau Forcade réservait à la Grande Compagnie du Luxembourg le droit de préférence que lui assuraient l'article 47 de sa concession de 1846 et l'article 17 du cahier des charges de la concession accordée aux sieurs Lenoir et consorts en 1864.
Un délai de trois mois était accordé à la Compagnie du Luxembourg pour déclarer si elle entendait user de son droit de préférence. Si elle n'en faisait pas usage, la concession devenait définitive à l'expiration de ce délai et la Société générale d'exploitation avait à verser le complément du cautionnement d'un million.
Le droit de préférence ne saurait s'exercer que d'une façon, c'est en se substituant à tous les droits et obligations stipulées dans une convention. Toujours il a été ainsi compris et réalisé.
La Grande Compagnie du Luxembourg se montrait disposée, disait-on, à revendiquer le droit de prendre à sa guise certaines lignes du réseau Forcade et à répudier l'obligation de construire les autres. Cette prétention ne reposait sur aucun fondement, elle était inadmissible. Si elle avait pu prévaloir, on arrivait à une situation qu'il n'eût pu venir à la pensée de personne d'imposer à un concessionnaire. Qui donc, en effet, songerait à obliger un concessionnaire à construire un ensemble de lignes dont une compagnie rivale exploiterait certaines parties essentielles en ayant ainsi la liberté de ruiner la compagnie qu'elle tiendrait sous sa dépendance ?
Aussi n'avons-nous pas hésité à reconnaître que si, par impossible, les prétentions de la Grande Compagnie du Luxembourg étaient admises, la Société générale d'exploitation serait libre de construire ou de ne pas exécuter les parties de lignes abandonnées par la Grande Compagnie du Luxembourg.
Je ne pense pas que cette éventualité puisse se réaliser, mais dans tous les cas il a dépendu du gouvernement de s'y soustraire.
Par une lettre du 28 mai, j'avais mis la compagnie du Luxembourg en demeure de se prononcer sur l'exercice de son droit de préférence.
Le délai expiré, l'honorable ministre des travaux publics écrivit à la compagnie du Luxembourg, en date du 19 octobre, la lettre suivante :
« Le 28 mai dernier, mon département a fait connaître à la Grande Compagnie du Luxembourg les dispositions insérées dans l'article 3 de la convention conclue avec votre Compagnie, le 5 du même mois, en vue de ne pas préjudicier au droit de préférence qui lui est attribué par l'article 17 du cahier des charges du 10 janvier 1863 relatif à la concession d'un réseau de chemins de fer dans le Luxembourg.
« Ladite Compagnie a été invitée, en même temps, à faire connaître si elle entend, ou non, user de ce droit pour accepter la concession du réseau de chemins de fer dont il s'agit.
« J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint copie de la réponse que la Compagnie du Luxembourg a adressée à mon département.
« La convention du 5 mai réserve le droit de la Grande Compagnie du Luxembourg ; vous avez accepté cette réserve, le délai de trois mois déterminé par l'article 7 de celle convention est expiré ; je vous prie, en conséquence, de vouloir bien déposer le complément de cautionnement de 900,000 francs, conformément à l'engagement que vous avez contracté par ledit article et de me faire parvenir ensuite le certificat constatant ce dépôt.
« Le ministre, « (Signé) A. Wasseige. »
A mon sens, messieurs, la résolution de l'honorable chef du département des travaux publics était parfaitement justifiée ; il usait d'un droit incontestable.
(page 469) Plus tard, messieurs, d'autres idées prévalurent. Une nouvelle notification fut faite à la Grande Compagnie du Luxembourg, qui fit revivre son droit de préférence. Cette notification fut faite à la suite d'un accord que constate une lettre du 7 novembre de la Société générale d'exploitation. J'y retrouve une série de dispositions analogues à celles que consacrent les lettres des 3 et 14 mai et que commandent, selon moi, la justice et l'équité.
Je n'apprécie pas les faits, je les indique. Les critiques dans cette affaire doivent donc s'adresser, selon moi, à ceux qui n'ont point persévéré dans la voie où l'honorable ministre des travaux publics s'était engagé avec tant de raison le 19 octobre 1870.
Je demande pardon à la Chambre d'être entré dans de si minutieux détails. En présence des critiques dont ces pièces étaient l'objet, j'ai cru devoir les analyser. J'en livre, sans crainte, le caractère à l'appréciation de la Chambre.
M. Boulenger (pour un fait personnel). - Je tiens à donner immédiatement si l'honorable préopinant quelques explications au sujet de l'intention qu'il m'a prêtée en disant que l'articulation que j'avais faite ou plutôt l'ordre d'idées dans lequel je m'étais placé pour indiquer la valeur de l'annotation marginale faite sur le document original du département des travaux publics, impliquait de ma part une atteinte à l'honorabilité de l'honorable M. Jamar ou à l'honorabilité de l'honorable M. Vander Sweep.
Je proteste de toutes mes forces contre une semblable portée donnée à ma pensée. Jamais cela n'est entré dans mon esprit ni dans mes paroles.
Voici, pour me faire mieux comprendre, ce que j'ai dit : Lorsque le projet de convention entre la compagnie et l'Etat fut minuté au département des travaux publics, on intercala une rédaction que la société des Bassins houillers avait présentée et qui est devenue l'article 59.
Le département des travaux publics indiqua immédiatement alors, je le reconnais, puisque l'honorable M. Jamar l'affirme et que l'attestation s'en trouve au dossier de la Chambre, que cet article devait être revu par le département des finances.
Cette rédaction porte la date du 18 avril et c'est le 19 que je trouve la lettre de l'honorable M. Mercier, qui forme rapport sur celle rédaction.
C'est à la date du 19 qu'une décision a dû être prise par le gouvernement et je m'explique que l'on ait bâtonné alors les deux paragraphes supprimés et qu'on nous ait donné, le 22 avril, la rédaction que nous avons entre les mains.
Remarquez, je vous prie, qu'il n'y a là aucune incrimination pour l'honorabilité de l'honorable M. Jamar ni de l'honorable M. Vander Sweep. Ce sont des faits matériels qu'un examen peut faire promptement vérifier.
M. Frère-Orban. - Vous appliquez la note marginale à la proposition du 18 août, tandis qu'elle s'applique à la proposition insérée dans le contrat.
M. Boulenger. - Ila évidemment entre vous et moi un quiproquo, mais je persiste à insister sur ce point dans le sens que je l'ai fait.
C'est, me paraît-il, la seule explication logique de l'ancien article 41, qui est devenu 59.
Je proteste donc contre l'interprétation que l'on semble avoir donnée à mes paroles et à ma pensée.
M. Liénart. - Messieurs, j'ai demandé la parole, comme rapporteur, pour ramener le débat à ses véritables limites après la digression à laquelle la Chambre n'a pas marchandé son attention pendant plusieurs jours, quoiqu'il s'agit d'un fait définitivement accompli. La Chambre me saura gré de sacrifier à la prompte expédition de ses travaux le sentiment d'amour-propre qui pourrait me porter à rentrer à la suite de l'honorable préopinant dans la discussion de la convention du 25 avril.
Je me bornerai donc à relever dans les Annales une erreur typographique qui m'a fait indiquer les pièces 1 à 16 et 10 à 23, au lieu de 1 à 6 et 10 à 23 et...
M. Jamar. - J'ai sous les yeux l'indication de tous les numéros que vous avez cités à la Chambre. Je la dois à l'obligeance de l'honorable M. Pirmez, qui les a écrits pendant que vous les énumériez.
M. Liénart. - L'erreur est manifeste.
Et m'en référant aux explications lumineuses de l'honorable M. Brasseur, je cours à l'article 17, au sujet duquel l'honorable membre me semble avoir cédé trop facilement à une interruption de l'honorable M. Jamar ; ab uno discite omnes.
L'article 17 porte in fine :
« Dans les six mois qui suivront la publication de la loi approuvant la présente convention, le gouvernement soumettra à un nouvel examen les lignes énumérées ci-dessus, et il est autorisé à modifier tout ou partie de ces lignes afin d'éviter des doubles emplois. »
Les membres de l'ancienne majorité me sont tous témoins de l'émotion que cet article éveilla dans l'esprit des représentants des différents arrondissements intéressés dans la question ; la discussion des sections en fait également foi.
A juger par les termes absolus de cet article, le gouvernement avait conservé une liberté absolue d'action, il pouvait supprimer toute ligne quelconque à condition qu'elle fît double emploi et d'autre part il résultait de ses termes que la question de savoir quelles étaient les lignes menacées n'avait encore fait l'objet d'aucun arrangement.
L'article 17 ne reflétait pas fidèlement en cela la véritable situation. Le gouvernement n'était plus libre, lorsqu'il présentait le projet de loi, de supprimer toute ligne qui aurait fait double emploi, et d'autre part les lignes menacées de suppression avaient été désignées de commun accord entre les parties contractantes avant le 25 avril 1870, c'est-à-dire avant la signature du contrat, comme cela résulte avec évidence des pièces dont je vais avoir l'honneur de donner lecture.
M. Brasseur vous l'a déjà dit, mais je le répète, parce que cela est d'une vérité saisissante, conçoit-on que M. l'administrateur délégué des Bassins houillers aurait souscrit purement et simplement, sans indication, sans garantie, sans réserve aucune, à supprimer toute ligne que le gouvernement aurait arguée de double emploi ; c'eût été se livrer à la merci de l'autre partie contractante et remettre en ses mains le sort de la convention. M. l'administrateur des Bassins houillers n'en fit rien.
A la date du 25 avril, jour où la convention fut signée, il adressa à M. le ministre des travaux publics une lettre dans laquelle il indique limitativement quelles seront les lignes que le gouvernement sera autorisé à supprimer pour cause de double emploi.
« Chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut, n°5911.
« Monsieur le ministre,
« Le gouvernement, dans l'article 17 de notre convention, s'est réservé le droit de modifier tout ou partie du tracé des lignes énumérées dans cet article. Nous consentons, si le gouvernement l'exige, à la suppression ou à la modification d'un certain nombre de sections du réseau de Frameries-Chimay, ceinture de Charleroi, vicinaux du Brabant et Anvers à Douai, conformément au tableau suivant : »
Suit le tableau ; je lis seulement le littera D :
D.- Chemin de fer d'Anvers à Douai,
Seront seulement construites :
1° La section d'Anvers à Termonde ;
2° La section d'Audenarde à Tournai ;
3° La section de Tournai à la frontière de France, pour noter en passant, comme représentant de la Flandre, que la grande ligne internationale d'Anvers à Douai, qui traverse les provinces, d'Anvers, de Flandre et de Hainaut, était menacée partiellement de suppression, et je remercie l'honorable titulaire actuel du département d'avoir fait évanouir la menace.
Cette lettre, il est vrai, ne fut pas provisoirement répondue, lorsque, le 1er juillet, se répandit dans Bruxelles la nouvelle de l'avènement du cabinet actuel, et M. l'administrateur des Bassins houillers de rappeler aussitôt à M. le ministre des travaux publics sa lettre du 25 avril, en demandant confirmation.
Les relations entre le chef du département des travaux publics et M. l'administrateur de la compagnie des Bassins houillers n'ont pas toujours été aussi tendues qu'elles le sont devenues depuis et les parties contractantes échangeaient, à l'occasion, des marques de politesse et même d'égards. La lettre de rappel en témoigne...
M. Frère-Orban. - On a déjà lu cela.
M. De Lehaye. - N'interrompez pas.
M. Liénart, rapporteur. - Elle ne perdra rien à une seconde lecture.
« Monsieur le ministre,
« J’ai déjà eu l'honneur de vous dire combien je regrettais votre retraite des hautes fonctions dont vous êtes investi. Il eût été désirable, pour le gouvernement comme pour ma compagnie, que l'exécution de la convention du (page 470) 25 avril eût commencé sous les yeux et le contrôle du ministre qui avait présidé à sa rédaction et qui mieux que tout autre peut en apprécier l'esprit et en poursuivre l'application. »
L'honorable M. Jamar n'était pas en reste de politesse. Le dossier déposé sur le bureau de la Chambre s'ouvre par une lettre écrite de la main de M. Jamar à son collègue des finances :
« 15 mars 1870.
« Je vous rappelle que vous m'avez promis une réunion du conseil pour mardi, afin de statuer, en principe, sur la question de la reprise des lignes dès Bassins houillers. Je tiens beaucoup, vis-à-vis de M. Simon Philippart, à ne pas même avoir l'apparence d'un procédé dont il pût se plaindre avec quelque apparence de raison... » Je reprends la lecture de la lettre de M. Philippart :
« Vis-à-vis de la décision que vous avez prise, M. le ministre, il importe cependant de constater notre accord sur certains points que notre correspondance a laissés dans l'ombre. Vous me permettrez donc de vous prier de me confirmer que vous aviez l'intention de proclamer la déchéance de la concession d'Anvers à Douai, et que vous n'y avez renoncé qu'après avoir obtenu de nous l'abandon éventuel de certaines sections de ce chemin, ainsi que nous l’avonss constaté par notre lettre du 25 avril, n° 5911.
« … Cette convention n'ayant pas fait l'objet d'une constatation écrite, je vous prie, M. le ministre, de bien vouloir me répondre à ce sujet. « Agréez, etc.
« L'administrateur délégué,
« S. Philippart. »
L'honorable M. Jamar répond du seuil de l'hôtel des travaux publics :
« Ministère des travaux publics. Cabinet.
« Monsieur l'administrateur délégué,
« Je viens vous accuser réception de votre lettre du 1er juillet.
« Nous sommes d'accord, et je le constate par les présentes, pour satisfaire au désir que vous m'en témoignez, que je n'ai consenti à proroger les délais d'exécution de la ligne d'Anvers à Douai, et à soustraire ainsi cette concession à la déchéance qui la menaçait, qu'à la condition de vous voir apporter au tracé primitif les modifications dont un examen ferait reconnaître la nécessité en se plaçant au point de vue de la situation nouvelle créée par la convention du 25 avril.
«. « Il a été entendu également entre nous que la ligne de Noir-Dieu à Jumet serait construite ; quant à la section de Ransart à Gosselies, je réserve à cet égard l'examen à faire par le département des travaux publics.
« Agréez, je vous prie, monsieur l'administrateur délégué, l'assurance de ma haute considération.
« (Signé) A. Jamar. »
M. Van Wambeke. - Comprenne qui pourra.
M. Liénart, rapporteur. - Est-ce que l'honorable M. Jamar se retranchera derrière les termes un peu vagues de cette lettre ?
Je ne puis le croire, parce que si les gouvernements devaient avoir de tels agissements, les parties qui traiteraient avec eux devraient user d'une circonspection qu'on n'apporte pas dans les relations ordinaires des affaires.
L'essayât-il, que ce serait en vain ; car il n'y a que deux alternatives possibles : ou bien vous n'étiez pas d'accord avec M. l'administrateur, ou vous l'étiez.
Si vous n'étiez pas d'accord avec M. l'administrateur des Bassins houillers, vous deviez le dire nettement, catégoriquement, sans ambages et sans équivoque ; vous deviez lui opposer un démenti formel, comme vous l'avez fait, du reste, dans cette même lettre pour une autre partie, quand vous disiez : « Quant à la section de Ransart, je réserve à cet égard l'examen à faire par le département des travaux publics » ; vous deviez surtout ne pas attendre le 2 juillet et votre sortie du ministère pour répondre à une lettre du 25 avril.
Vous ne l'avez pas fait : donc vous étiez d'accord.
M. Jamar. - Quelle est la clause dérogatoire à l'article 17 ?
M. Liénart, rapporteur.- J'y arrivais justement. La situation n'était donc plus entière, comme l'article 17 devait le faire supposer. Consultez l'honorable M. Vander Sweep, il vous dira qu'il a considéré le gouvernement comme engagé. Comment se fait-il qu'on ait laissé ignorer à la Chambre les lignes menacées de suppression ? Apparemment pour ne pas s'aliéner, en ce moment critique, les arrondissements qui auraient eu éventuellement à souffrir de cette suppression, et ceci, messieurs, achève de prouver combien, dans toute celle affaire, on a sacrifié aux préoccupations électorales. Je n'ai pas voulu dire autre chose et mon jugement est répété à l'envi par les principaux organes de la presse, à une voix discordante près : cette voix est l'écho de l'ancien cabinet.
J'en viens, messieurs, au projet de loi. Je vous ferai connaître les phrases par lesquelles il a passé, les conclusions auxquelles la section est arrivée et les raisons de droit et de fait qui justifient ces conclusions.
Par la convention du 25 avril, l'Etat a fait avec la compagnie des Bassins houillers un marché pour un triple objet.
Pour les 600 kilomètres déjà construits, le prix consiste dans un prélèvement sur la recette brute de 7,000 francs par kilomètre avec majoration éventuelle jusqu'à concurrence de 15,000 francs, soit un prélèvement minimum de 4,200,000 francs, ou 9 millions maximum pour les lignes déjà construites, et autant pour le réseau à construire.
Quant au matériel, l'Etat l'a repris à dire d'experts en se réservant l'option d'un payement comptant ou d'une annuité de 4 1/2 p. c. pendant soixante et dix ans, évaluée par approximation à 1,305,000 francs dans l'exposé des motifs.
Nous n'avons à nous occuper que du dernier objet, la vente du matériel, c'est-à-dire de celui des trois qui est relativement le moins important de très loin.
Quant à cet objet, le gouvernement a signé, sous la date du 22 novembre 1870, un projet de convention, aux termes de laquelle il s'engage à payer en rente belge 4 1/2 la valeur du matériel à résulter de l'expertise ; en d'autres termes, le gouvernement a choisi l'alternative du payement au comptant en obtenant pour ce payement des conditions certainement avantageuses pour le trésor par suite du placement à 105 de la rente 4 1/2 p. c. Ceci est incontestable.
Si la question eût été réduite à ces termes, elle n'aurait guère fourni l'aliment d'une discussion. Mais dans ces derniers temps il s'est produit un mouvement dans le monde financier, je parle de l'émotion qui s'est emparée des porteurs d'obligations ; bien que ce mouvement fût dû à la cession de l'annuité kilométrique, la section ne pouvait manquer d'y donner son attention.
Les réclamations des obligataires avaient principalement pour objet la rente de 7,000 francs par kilomètre, correspondant au produit de la ligne, la cession de cette rente est pour eux la grosse affaire ; la capitalisation du prix du matériel se présenta également à eux comme une diminution de garanties, mais elle constitua l'objet accessoire de leurs revendications, témoin le passage suivant que j'extrais d'une série de lettres publiées dans les journaux à l'appui des droits des obligataires.
Après avoir proposé un moyen d'assurer aux obligataires le partage de la rente de 7,000 francs, l'auteur continue :
« Du moment où les Bassins houillers seront entrés dans cette voie, les obligataires se déclareront très probablement satisfaits, et ils ne songeront plus, sans doute, à revendiquer le matériel vendu à l'Etat et dont les Bassins houillers seront libres de disposer à leur guise, ce qui nous paraît être une fiche de consolation suffisante. ? Voir page 699 du Journal le Commerce, l'article intitulé : la Société des Bassins houillers et la Caisse d'annuités, signé Emile Francq.
Nous ne vîmes pas, dans cette circonstance, un motif de refuser notre plus grand soin à l'examen de la prétention des obligataires concernant cet objet secondaire de leurs réclamations, mais nous fûmes obligés, à regret, de reconnaître que le prétendu gage des obligataires était difficile à établir en droit strict.
Le gage ne se constitue pas au gré des parties contractantes ; pour qu'il existe aux yeux de la loi et qu'il trouve appui devant nos tribunaux, il faut que le gage se constitue dans les conditions prévues par la loi. Or, il n'y a que deux espèces de gages réels : l'hypothèque et le gage mobilier ; il ne peut être question d'hypothèque en l'absence d'inscription et il ne peut être davantage question de gage mobilier parce que les conditions exigées par la loi et en dehors desquelles il n'y a pas de constitution de gage valable ne se rencontrent pas dans l'espèce.
Ainsi conclut également une consultation revêtue de la signature de noms marquants du barreau de Bruxelles : MM. A. Orts, A. Picard, A. Beernaerts, L. Leclercq, E. Dequesne et J. Lejeune.
La section n'est pas arrivée à cette conclusion sans éprouver un double regret : le premier, que des statuts de sociétés auxquels a été donnée la sanction royale aient contenu des stipulations qui ont pu induire les tiers en erreur sur l'étendue de leurs droits ; le second, que l'immense développement de l'industrie des chemins de fer appelant à elle, principalement sous forme d'obligations, les énormes capitaux qui ont servi à (page 471) l'alimenter, n'ait pas inspiré au législateur le devoir de réglementer ces intérêts nouveaux et de leur assurer dans la loi une protection efficace.
M. Brasseur a certainement exprimé le sentiment de la section centrale lorsqu'il a engagé le gouvernement à combler cette lacune, et je ne fais, pour ma part, qu'une réserve toute personnelle sur la question de savoir si la garantie recherchée ne peut pas être trouvée, même sous la loi actuelle, en ce sens que le droit de concession pouvant être considéré comme une emphytéose, il serait susceptible, comme tel, de faire l'objet d'une hypothèque en même temps que le matériel, qui serait considéré comme immeuble par destination.
La proposition de M. l'administrateur des Bassins houillers qui nous fut apportée par l'honorable ministre des finances mit fin à la discussion engagée sur les intérêts des obligataires.
La modification du 19 décembre 1870 fait sortir, en effet, du projet de convention le mobilier sujet à contestation, ce mobilier n'est pas capitalisé ; on paye seulement la rente. Le droit des obligataires, s'ils en ont, est complètement sauvegardé, rien n'est préjugé, tout est réservé.
M. Tesch. - Je demande la parole.
M. Liénart. - Assurément, messieurs, la très grande majorité des membres de la Chambre voudra nous suivre dans cette voie. Quelques-uns seulement veulent nous pousser plus loin.
Les plus absolus confondent dans un même ensemble et considèrent comme affectés également à la garantie des obligataires et le matériel dus sociétés fusionnées et celui des Bassins houillers sans distinction aucune. Nous tenons cette prétention comme manifestement exagérée.
Telle est, sans doute, l'opinion des obligataires eux-mêmes, car nous n'avons trouvé trace de réclamation de cette nature dans aucun document émanant d'eux et vous savez si le dossier de ce différend industriel est volumineux.
La pétition dont je vais parler à l'instant est également d'accord pour admettre la division de la section centrale (annexe B du rapport), dont elle reconnaît implicitement le bien fondé et dans laquelle elle se borne à signaler une lacune,
Il a été adressé à la Chambre, sous la date du 25 décembre dernier une demande de rectification au chiffre renseigné dans l'annexe B comme représentant le matériel repris de la société du Centre. La section centrale avait rencontré cette objection ayant qu'elle fût arrivée à la tribune par la réclamation des pétitionnaires.
Les 16,000 obligations remises à la Société des Bassins houillers par le Centre l'ont été pour faciliter aux Bassins les travaux complémentaires de la voie et l'augmentation du matériel ; il n'en résulte pas que ce matériel nouveau soit jamais entré dans l'avoir du Centre ou que les obligataires puissent prétendre à un droit de gage sur cette partie du matériel. Le contraire est établi par la déclaration de notre honorable ancien collègue M. Sabatier, faite et approuvée en séance du conseil d'administration de la société du Centre du 17 mai 1867, comme cela résulte de l'extrait suivant du procès-verbal :
« L'ordre du jour appelle l'examen des projets de lettre proposés par la société des Bassins houillers, et dont ci-après copie, pour régulariser la remise à cette compagnie des 16,000 obligations du Centre, déposés à la Banque de Belgique, en vertu de l'article 4 du traité de cession.
« MM. Emerique et Vanderpepen, auxquels se joint également M. le président, approuvent la rédaction proposée. MM. Adolphe Sainctelette et Maskens font observer que les mots « affecter un certain nombre de locomotives et de waggons à l'usage des lignes du Centre » leur paraissent trop vagues ; ils préféreraient que la Société d'exploitation livrât ces waggons et locomotives aux Bassins houillers, lesquels les rétrocéderaient au Centre. M. Sabatier répond que ni la Société générale d'exploitation, ni les Bassins houillers ne peuvent aliéner du matériel en faveur du Centre, qui a déjà cédé par le contrat tout le matériel qu'il possédait...
Au nom des obligataires de l'Ouest, on a élevé dans cette enceinte des prétentions à un droit de gage sur tout ou partie du matériel des Bassins houillers.
Il est très vrai qu'en modifiant ses statuts, le 28 mars 1866, la société de l'Ouest a promis à sa première série d'obligations la garantie de tout son avoir social, notamment le produit de sa ligne, ainsi que le matériel d'exploitation ; mais l'Ouest n'a jamais eu de matériel, et par conséquent le gage promis n'a pu être constitué dans la réalité sur un matériel qui faisait défaut.
Les négociations qui ont suivi n'ont pas modifié la situation en ce qui concerne le gage, parce qu'elles n'ont fait entrer dans l'avoir de l'Ouest aucun objet nouveau auquel le gage pût s'appliquer.
Il est encore vrai que la Société anonyme, puis la Société générale d'exploitation en reprenant successivement le service des lignes de l'Ouest ont reconnu le privilège des premières séries d'obligations ; ces sociétés se sont portées par là garants solidaires des engagements primitifs et sont tenues de respecter le privilège tel quel, sans pouvoir le diminuer en rien, mais aussi sans l'avoir augmenté en rien, si ce n'est de leurs engagements personnels et solidaires.
L'engagement de pourvoir d'un matériel suffisant n'est, de l'aveu des hommes de loi, qu'une garantie de bonne exploitation et ne sera jamais considéré comme une constitution de gage.
Comme dernier apaisement à donner à la Chambre, il restait à votre section centrale à examiner si la cession du matériel ne pourrait pas faire, dans certaines circonstances, l'objet d'une demande en résolution de la part des sociétés fusionnées.
Avant de terminer ce point, laissez-moi vous associer à une impression qui m'a assiégé pendant mon travail. L'examen de ces diverses questions aurait dû être fait avant la convention du 25 avril ; il importe certainement de le faire aujourd'hui, parce qu'il n'a pas été fait alors, mais cet examen avait sa place naturelle marquée au début des négociations.
M. Dumortier. - Quand on signait la convention.
M. Liénart, rapporteur. - Quand on signait le contrat, comme le dit très justement mon honorable collègue, M. Dumortier, parce que c'est au moment où un marché se conclut qu'on s'informe des droits du vendeur.
L'honorable M. Frère a accusé la compagnie des Bassins houillers d'avoir tardé à faire la remise des pièces ; la remise en a été faite, contre récépissé, à la date du 25 février. Comment se fait-il que l'honorable membre, qui était si désireux d'obtenir ces pièces, n'ait songé à les parcourir qu'après être descendu du pouvoir ?
Il a acheté, aux termes de l'article 10 de la convention, « le matériel en service sur les lignes énumérées aux articles 1 et 2 » sans en excepter le matériel de la jonction de l'Est, ni celui du prince de Chimay qui n'ont jamais été la propriété des Bassins houillers. L'honorable M. Frère aurait-il mal fait de réserver pour cette circonstance le reproche de précipitation ?
- Des membres. - A demain !
- La séance est levée à 5 heures.