(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 429) M. de Borchgrave procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Vrints donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Borchgrave présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Darrien réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le remboursement de la somme qu'il a versée à la caisse des pensions en qualité de réviseur temporaire à la manufacture de l'Etat à Liège. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Brouse propose une nouvelle organisation de la garde civique. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Rens, Vuylsteke et Van Hoorde, membres de l'administration générale du fonds de Willems, réclament l'intervention de la Chambre pour que MM. les ministres de la justice et de l'intérieur donnent suite à leur demande ayant pour objet les articles à publier dans la partie non officielle du Moniteur et la publication du Moniteur et des Annales parlementaires dans les deux langues. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Vosselaer demande le maintien des commissaires d'arrondissement. »
« Même demande des conseils communaux de Desschel, Baerle-Duc, Morkhoven, Vaerendonck, Oolen, Lichtaert et de, l'administration communale de Hersselt. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Damseaux et Guersay, président et secrétaire de la société horticole et agricole des Bords de l'Ourthe, fondée à Chanxhe, demandent un subside pour l'aider à donner plus d'extension aux concours de la société. »
M. Lelièvre. - J'appuie cette requête et j'en demande le renvoi à la commission des pétitions, qui sera invitée à faire un prompt rapport. La demande de la société mérite d'être prise en considération dans un bref délai.
- La proposition de M. Lelièvre est adoptée.
« Les secrétaires communaux du canton de Westerloo demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales, générale. »
« Même demande des secrétaires communaux du canton de Mechelen et dans la Flandre orientale. »
M. Van Renynghe. - Je prie la Chambre de vouloir bien inviter la commission des pétitions à faire un prompt rapport.
M. Lelièvre. - Je me joins à l'honorable M. Van Renynghe pour réclamer un prompt rapport sur une réclamation qui est de toute justice et que j'ai souvent appuyée.
- La proposition de M. Van Renynghe est appuyée.
« Par deux pétitions, des habitants de Liège demandent la mise en liberté des soldats français amenés blessés en Belgique ou fugitifs de Prusse et arrêtés dans notre pays, ou bien poussés sur le territoire belge par les événements de la guerre et désarmés sans résistance à la frontière. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur de Mulder demande une première allocation sur le budget prochain des travaux publics pour exécuter son projet de dérivation des eaux des polders et du pays de Waes. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget des travaux publics.
« Des propriétaires, industriels et autres habitants de Dolhain, section de Baelen, demandent que leur section soit réunie à la commune de Limbourg. »
M. David. - Au lieu du dépôt de cette pétition sur le bureau de la Chambre, j'en demanderai le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport. Déjà deux rapports sont déposés sur cette affaire, mais la nouvelle requête contient des renseignements nouveaux, très importants, dont la commission doit prendre connaissance pour les apprécier, et il est indispensable que nous puissions nous occuper de tous les rapports en même temps.
- La proposition de M. David est adoptée.
« Le sieur Cieters demande que les attributions des commissaires d'arrondissement soient étendues. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui modifie l'article 132 de la loi provinciale.
« Des habitants de Beverst demandent que, pour les élections aux Chambres, le vote ait lieu à la commune ou du moins au chef-lieu de canton. »
« Même demande d'habitants d'Eysden. »
- Renvoi à la section centrale pour le projet de loi sur la réforme électorale.
« Des instituteurs pensionnés sur les fonds des caisses provinciales de prévoyance prient la Chambre de décider que les pensions liquidées avant le 31 décembre dernier seront élevées à la moyenne des pensions allouées par la caisse générale pendant le cours de l'année actuelle. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi instituant une caisse centrale de prévoyance des instituteurs primaires.
« Des instituteurs communaux de Braine-l'Alleud demandent une loi décrétant l'enseignement primaire obligatoire. »
M. de Vrints. - Je proposerai le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Des instituteurs du canton de Couvin prient la Chambre d'adopter le projet de loi instituant une caisse centrale de prévoyance des instituteurs primaires. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Des instituteurs primaires proposent des mesures pour améliorer leur position. »
(page 430) « Même pétition des instituteurs de Slekene. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Perck demandent le vote à la commune pour les élections aux Chambres. »
« Même demande d'habitants de Woluwe-St-Etienne, Crainhem, Dieghem, Nosseghem, Wesembeek. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme électorale.
« Des habitants de Bruxelles demandent la suppression du ballottage dans les élections. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Mettet demandent que le chemin de fer projeté de Charleroi à Athus prenne son point de départ à Châtelineau ou bien à Acoz. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Lelièvre. - La requête est fondée sur les plus justes motifs ; elle a, du reste, un caractère d'urgence. Je demande donc que la Chambre veuille la renvoyer à la commission des pétitions, avec invitation de faire son rapport le plus tôt possible.
- Adopté.
M. Thonissen, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours.
- Ce congé est accordé.
M. Bouvier. - Messieurs, je demande la parole pour adresser une interpellation à l'honorable ministre de l'intérieur. Dans la dernière séance, j'avais demandé la parole pour adresser une simple question à l'honorable ministre, mais la droite, par un esprit d'intolérance que je n'ai pu m'expliquer, n'a pas jugé à propos de me laisser poser la question.
Pour éviter cet inconvénient et maintenir une de nos prérogatives les plus précieuses, le droit d'interpellation, j'ai jugé convenable d'adresser une lettre à M. le ministre de l'intérieur pour le prévenir qu'à l'ouverture de cette séance j'aurais l'honneur de lui adresser une interpellation et j'ai indiqué quel en serait l'objet. Il s'agit, messieurs, de l'adoption de l'école prétendue normale, assure-t-on, de Pesches.
Toute la presse a retenti de cette circonstance que, dans l'école de Pesches, qui est une congrégation religieuse, il n'y avait pas de cours normal, qu'il n'y existait même pas une religieuse capable d'enseigner l'orthographe. Je vous avoue franchement que cette assertion m'a vivement ému et j'ai pensé que M. le ministre de l'intérieur devait se trouver heureux de l'occasion que je lui fournissais, par mon interpellation, de la démentir. Car, si elle était vraie, l'acte posé par M. le ministre de l'intérieur serait déplorable pour l'enseignement.
Je demanderai également à M. le ministre de l'intérieur si, comme dans l'affaire de M. Habets, il a consulté la députation permanente de la province de Namur ; et je le prierai de bien vouloir nous indiquer la date de l'avis de cette députation.
La question sur l'adoption de l'école normale de Pesches, messieurs, est très importante au point de vue même du trésor, car, d'après l'arrêté du 25 octobre 1861, M. le ministre de l'intérieur a le droit de subventionner les écoles normales.
Il a même le droit de créer des bourses, et vous comprenez que si le fait, affirmé par des journaux était exact, nous verrions le trésor public en quelque sorte livré aux mains des couvents.
Je demande donc que M. le ministre veuille bien nous fournir quelques explications, afin de dissiper la mauvaise impression qu'ont produite les affirmations de la presse.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je ne vois aucun inconvénient à répondre immédiatement à la question que l'honorable M. Bouvier vient de m'adresser.
Cette question porte sur deux points : l'avis de la députation permanente et l'existence des cours normaux.
Sur le premier point, je répondrai qu'il existe un avis de la députation permanente de la province de Namur, en date du 20 mars 1868, concluant à l'adoption.
Sur le second point, mes explications ne seront pas moins précises.
Le 30 septembre dernier, je m'adressai à l'inspecteur provincial de l'instruction primaire dans la province de Namur, pour lui demander un rapport sur la situation du matériel et du personnel de l'institut de Pesches..
Le 9 décembre, M. le directeur général chargé du service de l'instruction publique m'adressa le rapport suivant :
« J'ai l'honneur de remettre sous les yeux de M. le ministre le dossier relatif à la demande d'adoption de l'école normale d'élèves-institutrices établie au couvent des Pesches.
« La députation provinciale du conseil provincial de Namur et l'inspecteur provincial ont émis des avis entièrement favorables.
« Dans cet état des choses, je prie M. le ministre de me faire connaître s'il entre dans ses intentions d'agréer immédiatement l'école dont il s'agit, afin que je puisse, le cas échéant, préparer le projet d'arrêté nécessaire. »
Le rapport auquel se référait cette note de M. le directeur général porte la date du 11 novembre 1870. Il se termine par ces mots : « En résumé, la maison de Pesches se trouve dans des conditions analogues à colles du couvent de Champion en ce qui concerne le matériel et le personnel de l'école normale. »
Et l'honorable représentant de Virton sait que l'école normale de Champion a été adoptée par l'honorable M. Vandenpeereboom.
J'ajouterai que le même rapport de l'inspecteur provincial de la province de Namur constate que les cours normaux sont organisés et que, dans chacun de ces trois cours normaux, il se trouvait des élèves lors de l'inspection faite par M. Dony.
J'espère que l'honorable député de Virton jugera ces explications satisfaisantes.
- L'incident est clos.
M. Boucquéau. - Je demande la parole pour une motion d'ordre sur un fait personnel.
M. le président. - Vous allez interrompre la liste des orateurs inscrits.
M. Boucquéau. - Il s'agit d'une rectification aux Annales parlementaires
M. le président. - Dans ce cas, la parole vous appartient.
M. Boucquéau. - Messieurs, la reproduction de notre séance de samedi dernier n'a paru qu'aujourd'hui aux Annales parlementaires. J'ai constaté, en la lisant, que l'honorable M. Brasseur s'était attribué des paroles que j'ai prononcées moi-même. Je me suis donc rendu au Moniteur pour y réclamer la sténographie et j'ai pu me convaincre ainsi, non seulement que l'honorable M. Brasseur avait modifié des paroles que la sténographie m'avait attribuées, mais encore qu'il avait détaché des phrases qui m'appartenaient pour les annexer à son propre discours.
J'ai obtenu, contre reçu, les feuillets de la sténographie de cette partie de la séance ; je les tiens à la disposition de la Chambre.
Pendant le discours de l'honorable M. Brasseur, j'ai fait une interruption qui m'a été communiquée séance tenante et il se trouve que des paroles rapportées par la sténographie comme ayant été prononcées par moi se trouvent surchargées de la main même de l'honorable M. Brasseur et rattachées à son propre discours.
Quelle que soit l'appréciation de ce fait par la Chambre, je crois que. cela ne devrait pas se pratiquer, si ce n'est de commun accord aveu les membres intéressés.
M. Brasseur. - Voudriez-vous bien lire le compte rendu de cette partie de la séance ?
M. Boucquéau. - Voici la sténographie :
« Je ne parlerai pas, messieurs, d'une critique qui a été soulevée par M. Boucquéau, parce que son objection n'est pas fondée. M. Boucquéau a dit hier que si l'on avait mis en adjudication publique le second réseau, on aurait trouvé preneur à moins de sept mille francs. M. Boucquéau oublie que ce n'est pas l'Etat qui garantit sept mille francs ; c'est une garantie d'intérêt de la part du premier réseau ; le premier réseau garantit le second ; il n'y aurait donc pas moyen de procéder publiquement à une adjudication, parce que l'Etat ne garantit rien du tout.
« M. Boucquéau. - Il y a toujours un minimum général de 7,000 francs par kilomètre...
« M. Brasseur.-Oui, mais c'est un prélèvement sur les recettes brutes.
« M. Boucquéau. - Un minimum de 7,000 francs pour toutes les lignes. Pour que les lignes nouvelles n'eussent pas 7,000 francs, il faudrait que l'ensemble ne donnât pas une moyenne de 7,000 francs.
« M. Brasseur. - Non, si le premier réseau ne donne que 7,000 francs et si le second réseau n'atteint pas ce chiffre, il n'aura pas 7,000 francs. »
Or, après cela, aux Annales, M. Brasseur efface ce que j'ai dit moi-même :
« Pour que les lignes nouvelles n'eussent pas 7,000 francs par (page 431) kilomètre, il faudrait que l'ensemble ne donnât pas une moyenne de sept mille francs » et il l'insère dans son discours.
Eh bien, messieurs, je dis que M. Brasseur a non seulement changé ce que la sténographie m'attribue, mais que de plus il a supprimé les paroles que j'ai ajoutées à mon interruption pour les reporter dans son discours alors que la sténographie n'en faisait pas mention en ce qui le concerne.
Je demande donc qu'une rectification soit faite, ou plutôt je demande à dire quelques mots pour expliquer comment j'ai compris la question.
M. le président. - Voyons d'abord l'explication de M. Brasseur...
M. Brasseur. - Peut-être vaudrait-il tout autant, M. le président, que M. Boucquéau présentât d'abord ses observations ; je prendrais la parole après...
M. le président. - Soit ; la parole est donc continuée à M. Boucquéau ; je le prie d'être court.
M. Boucquéau. - Dans mon discours, j'ai argumenté du prélèvement de 7,000 francs par kilomètre qui est assuré aux lignes nouvelles comme aux lignes anciennes pour démontrer que l'exposé des motifs donnait un motif peu fondé en disant que la remise du matériel se faisait après afin de faciliter la construction des lignes nouvelles. J'ai dit que le prélèvement de 7,000 francs par kilomètre était plus que suffisant dans les mains d'un concessionnaire capable et digne de confiance pour lui faire obtenir le capital nécessaire à la construction de ces lignes ; j'ai ajouté que si l'on mettait en adjudication la construction de ces lignes sur cette base, on l'aurait obtenue avec une réduction considérable.
Vous le savez, l'article 44 de la convention assure à la compagnie des Bassins houillers, sur l'ensemble du réseau, un prélèvement minimum moyen de 7,000 francs sans distinction entre les lignes à construire et les lignes construites.
Cela est incontestable et je défie que l'on trouve le contraire dans ce que j'ai dit vendredi dernier. Or, on sait que les lignes existantes comptent 601 kilomètres, que les lignes à construire en comptent 550, ce qui fait 1151 kilomètres. Eh bien, messieurs, je demande si c'est sérieusement que l'on peut émettre le doute que l'ensemble du réseau créé et à créer puisse donner une recette brute moyenne de 8,050,000 lorsque le réseau actuellement existant atteint déjà 12,020,000 francs. Pour que cela ne fût pas vrai, il faudrait que les lignes nouvelles ne produisissent rien et que la recette des anciennes diminuât d'un tiers.
Ne pourrait-on pas laisser les lignes anciennes dans les conditions établies par la convention du 25 avril 1870, en adjugeant les lignes nouvelles sur une moyenne qui ne serait pas de 7,000 francs, qui n'atteindrait probablement pas 5,500 ni même 5,000 francs ? Or, ces lignes nouvelles ainsi adjugées, donneraient un rabais d'environ un million par an, qui serait justement attribué aux obligataires, avant qu'il fût. question de les réduire d'un centime.
Je crois que cette démonstration est incontestable.
Je n'insisterai donc pas sur la rectification à faire aux Annales ; je laisse toutefois à la Chambre le soin d'apprécier l'incident.
M. le président. - La parole est à M. Brasseur. Je le prie de se borner à faire ses observations sur la sténographie et de ne pas rentrer dans le débat.
M. Brasseur. - L'honorable membre qui vient de se rasseoir a trouvé que j'ai tronqué son discours, que je me suis attribué des paroles qu'il a prononcées lui-même, et que dès lors il y aurait lieu à rectification dans les Annales parlementaires.
L'honorable membre n'a pas tout dit ; il aurait dû ajouter qu'après son nom, le premier texte a été biffé et remplacé par un autre texte. J'ai positivement cru que ce dernier texte devait m'être attribué et qu'il y avait eu là une erreur des sténographes.
En effet, ces paroles ne coïncidaient pas avec le langage de l'honorable membre et, dans sa bouche, ne me paraissaient pas avoir de sens.
Et notez qu'attribuées à l'honorable M. Boucquéau, ces paroles n'auraient pas concordé avec le langage que j'ai tenu un peu plus bas.
J'ai dit :
« Ce que j'atteste de la manière la plus formelle, c'est qu'il n'y aura pas dans cette enceinte deux membres de votre avis, quand vous soutenez que les 7,000 francs sont acquis, quand même la recette brute du premier et du second réseau n'atteindrait pas ce chiffre. »
L'honorable- M. Boucquéau avait dit qu'il aurait été plus convenable d'adjuger le second réseau publiquement.
Or, en parlant d'une adjudication publique, il avait donc la pensée qu'il y avait une garantie de 7,000 francs, et qui la fournissait ? S'il y avait adjudication publique, il y aurait eu de la concurrence.
Les Bassins houillers avaient garanti le second réseau par le premier réseau, Mais si d'autres s'étaient présentés à l'adjudication publique, quelles garanties y avait-il en leur faveur pour le nouveau réseau ? Aucune, puisque la garantie résultait simplement d'une ligne en possession des Bassins houillers ; donc il n'y avait que les Bassins houillers qui pouvaient faire cette opération dans les conditions où elle était posée.
J'ai donc agi de très bonne foi et si je n'ai pas reproduit exactement le langage de l'honorable membre, je suis prêt à le rectifier. Je déclare de nouveau que cette adjudication publique ne pouvait pas avoir lieu ; le fond du débat n'est donc pas changé ; il n'y aura qu'une phrase de transposée, si l'honorable M. Boucquéau le désire.
M. Boucquéau. - Je demande la parole.
M. le président. - Il sera fait une rectification aux Annales parlementaires. J'avais prié M. Boucquéau de vouloir bien en soigner la rédaction avec M. Brasseur.
M. Boucquéau. - Je demande seulement, M. le président, qu'il ne soit pas permis à un membre de changer les paroles attribuées par la sténographie à un autre membre sans en référer à celui-ci.
M. Brasseur. - Ce n'est qu'une simple erreur, qui n'a aucune importance quant au fond. Personne ici, du reste, ne se permettrait de changer les paroles prononcées par d'autres membres. Je ferai remarquer de plus à l'honorable membre que la phrase dont il s'agit avait été écrite par la sténographie sur le côté du feuillet.
M. Boucquéau. - Comment, à côté ! (Interruption.) Messieurs, ceci a son importance. Le feuillet qui m'a été remis par la sténographie comporte ma première interruption, la réponse de M. Brasseur, ma seconde interruption et ensuite la continuation du discours de M. Brasseur.
J'ai ajouté moi-même à ce feuillet une douzaine de mots que la sténographie n'avait pas reproduits ; M. Brasseur se les est attribués et les a intercalés dans son discours. Vous le voyez, messieurs, un jour, c'est mon tour de parole que M. Brasseur veut me prendre ; un autre jour, ce sont mes paroles qu'il me prend.
M. le président. - Une rectification sera insérée aux Annales parlementaires. Je prie MM. Boucquéau et Brasseur de vouloir bien s'entendre pour en soigner la rédaction.
(page 433) M. Balisaux. - Messieurs, l'intérêt majeur que l'arrondissement industriel de Charleroi attache à l'exécution des chemins de fer concédés à la compagnie des Bassins houillers, chemins de fer dits de ceinture de Charleroi et de Châtelineau à Luttre, me met dans la nécessité de considérer comme un devoir impérieux mon intervention dans des débats qui occupent la Chambre depuis quelques jours et qui préoccupent si vivement l'opinion publique.
Je voudrais, messieurs, dans l'intérêt surtout des importantes localités que ces chemins de fer doivent desservir, tacher de concilier autant que possible les droits de chacun ; je voudrais réparer ce qui est réparable, et empêcher l'Etat de se compromettre, soit matériellement, soit même moralement.
Je voudrais aussi, autant que possible, faciliter aux obligataires l'exercice de leurs droits contre la compagnie des Bassins houillers, dans le cas où celle-ci aurait l'intention de soustraire son avoir à leur action ou à leur garantie. Je voudrais enfin que la compagnie des Bassins houillers pût exécuter les obligations qu'elle a contractées vis-à-vis de l'Etat et notamment vis-à-vis d'un arrondissement aussi important que l'arrondissement de Charleroi.
Loin de moi, messieurs, la pensée de me constituer le défenseur de la compagnie des Bassins houillers, de répondre pour elle aux attaques violentes dont elle a été l'objet.
Au contraire, si j'avais à apprécier et à juger la manière de faire de cette compagnie relativement à l'exécution des engagements formels qu'elle a pris depuis cinq ans, engagements qu'elle a souvent foulés aux pieds, mon jugement serait sévère, et il serait plus sévère encore si j'avais en outre à apprécier quelques actes posés par cette compagnie postérieurement à la convention du 25 avril 1870.
Mais d'un autre côté, messieurs, si j'étais appelé à donner mon avis sur la manière d'agir de l'ancien ministère à l'égard de la compagnie des Bassins houillers, je ne pourrais me dispenser de lui infliger un blâme pour sa faiblesse, sa tolérance coupable envers elle.
L'honorable M. Frère-Orban, du reste, a bien voulu, dans son discours, le reconnaître, et je le remercie de cet aveu ; il a reconnu que c'était peut-être un devoir pour le ministère de se montrer envers cette compagnie plus rigoureux qu'il ne l'a été.
Je le remercie, dis-je, de cet aveu, je lui en demanderai tout à l'heure un autre. L'honorable M. Frère a, dans sa vie publique, fait de si grandes et de si belles choses qui ont immortalisé son nom, qu'il peut bien reconnaître qu'il n'a pas le don de l'infaillibilité et qu'à un moment donné, il a pu se tromper.
La concession d'un chemin de fer est un privilège exorbitant, qui ne trouve sa raison d'être que dans l'intérêt public. Quand cet intérêt public est lésé et, pardonnez-moi l'expression, berné pendant cinq années, le premier devoir du gouvernement est de prononcer la déchéance du concessionnaire et de retirer le privilège.
Nous assistons, messieurs, depuis quelques semaines, à un singulier spectacle. A la suite de meetings, d'articles de journaux, de protestations de commissions d'obligataires, l'opinion publique s'est émue et elle a cherché dans cette affaire compliquée, presque inextricable, un coupable. Que voyons-nous ? L'ancien ministère accuse la compagnie des Bassins houillers, celle-ci se défend et accuse à son tour son accusateur. L'ancien ministère critique les actes du ministère actuel et les qualifie de légers, d'inconsidérés. Le nouveau ministère lui répond : S'il est un coupable, c'est vous, c'est sur vous que doit reposer toute la responsabilité des conséquences de cette convention du 25 avril 1870.
Telle est, messieurs, la situation.
Je désire, moi, rendre à chacun ce qui lui est dû et apprécier la part de responsabilité qui lui incombe. Je serai d'autant plus franc et d'autant plus sincère, que toute question ayant un caractère politique doit être écartée. L'honorable M. Frère et l'honorable M. Tesch ont pris soin de le déclarer dès le commencement de la discussion. Je dirai donc sincèrement, sans réticence et sans arrière-pensée, quelle est mon opinion.
Et à ce propos, qu'il me soit permis, quoique je n'appartienne, ni par ma place, ni par mes opinions, ni par mes principes, à la droite, de faire un appel aux honorables membres qui la composent. C'est un immense danger pour vous, messieurs, de faire de cette question une question politique. Ce serait pour vous une grave imprudence de lier le sort du ministère à celui de compagnies dont l'existence est plus ou moins problématique ; il est incontestable, pour moi, que si le ministère entre dans la voie qu'il paraît s'être tracée, s'il consent à payer immédiatement une somme de 13 millions à la compagnie des Bassins houillers et à engager le visa de la trésorerie sur des titres incertains, aléatoires, il assume envers le pays une grande responsabilité. Dans des conditions semblables, messieurs, la chute de l'une ou de l'autre de ces compagnies, la société des Bassins houillers ou la Société générale d'exploitation, serait le signal de la chute du ministère.
Cette question, a-t-on dit, ne peut avoir, par elle-même, aucun caractère politique.
Je me plais à le reconnaître, mais je dois témoigner tous mes regrets de ce qu'il n'en a pas toujours été ainsi.
Nous remonterons tantôt à la naissance de la société des Bassins houillers, et je fournirai la preuve de ce que j'avance.
Notre honorable collègue, M. Brasseur, a fait un procès en règle à la convention du 25 avril 1870, je devais, messieurs, me rencontrer avec lui sur le même terrain. Mon intention était de critiquer cette convention au point de vue de ses conséquences désastreuses.
Mais, messieurs, j'ai un reproche à adresser au discours de l'honorable M. Brasseur, c'est d'être tombé dans l'exagération ; qui prouve trop, souvent ne prouve rien.
La conclusion de l'argumentation de l'honorable M. Brasseur, pour un auditeur ou un lecteur qui ne serait pas, comme moi, convaincu que l'orateur n'était animé d'aucune intention malveillante, pourrait être que la bonne foi du gouvernement, signataire de la convention du 25 avril, doit être suspectée.
Je le regrette, car des hommes comme MM. Frère-Orban, Bara, Pirmez et Jamar sont, par leur probité, leur honorabilité, au-dessus de tout soupçon.
M. Brasseur. - Je n'en ai jamais eu l'idée.
M. Balisaux. - Je crois, moi, que si un reproche peut être adressé à l'ancien ministère, c'est d'avoir agi avec trop de précipitation dans une affaire d'une telle importance, c'est d'avoir aussi exigé trop de précipitation dans l'examen de cette question par les sections et par la Chambre, car un examen trop rapide engendre souvent l'erreur.,
Je ne paraphraserai donc pas le discours de l'honorable M. Brasseur ; je lui laisserait propriété pleine et entière de ses arguments ; je ne discuterai la convention du 25 avril que sur des points qui n'ont pas été traités par lui.
Mais remontons d'abord à l'origine de la compagnie des Bassins houillers ; recherchons son but, qui est, du reste, clairement défini par son titre. Quand on veut, messieurs, bien apprécier quelqu'un, on remonte dans son existence et on va même souvent jusqu'à demander quel est son père.
Disons aussi quelques mots du chemin de fer de Châtelineau à Luttre et Bruxelles. L'arrondissement de Charleroi, il est inutile de vous le prouver, on vous en entretient assez souvent dans cette Chambre, est des plus importants. Cet arrondissement désirait depuis longtemps une ligne ferrée directe de Charleroi à Bruxelles.
II n'est, en effet, desservi que par deux voies de communication : l'une, le chemin de fer de l'Etat, se dirigeant de Charleroi sur Braine-le-Comte et parcourant 72 kilomètres ; l'autre, se dirigeant sur Ottignies et ayant à peu près le même parcours, tandis que Charleroi n'est distant de Bruxelles que de 48 à 50 kilomètres.
L'arrondissement de Charleroi, grand centre industriel et très populeux, demandait la même faveur que les autres grandes villes du pays telles que Gand, Liège, Anvers. Bref, après des demandes réitérées, après des supplications nombreuses, le gouvernement consentit à exécuter une ligne directe de Châtelineau à Bruxelles, passant par Luttre.
La loi du 8 juillet 1865 décréta l'exécution de ce chemin de fer par l'Etat. Soit dit entre parenthèses : il y aura bientôt six ans que cette loi a été votée par les Chambres, et l'arrondissement de Charleroi attend toujours. A l'époque des élections, on fait des simulacres d'adjudication de travaux, mais avec des cahiers de charges tellement exagérés, tellement impossibles, que tous les entrepreneurs reculent épouvantés devant les (page 434) exigences de l'Etat ; c'est pourquoi depuis six ans nous nous trouvons toujours dans l'attente. Rien ne s'exécute.
Si, en passant hier, j'ai vu des préparatifs de travaux, mais ce n'est plus l'ancien cabinet qui les fait exécuter, c'est le nouveau. Du train dont vont les choses, j'espère que nos arrière-neveux iront directement de Charleroi à Bruxelles.
Le 1er février 1866, la compagnie des Bassins houillers se constitue ; sa naissance a un certain caractère de dignité, un certain cachet de distinction. En effet, une grande compagnie financière du pays, des sénateurs et députés, la tiennent sur les fonts baptismaux ; le capital s'élève à 30 millions, représentés par 6,000 actions de 500 francs dont 18,750 seulement sont souscrites.
Celte naissance était une véritable fête, il fallait la célébrer dignement. Que fait-on ? On se partage 2,250 actions de 500 francs, qui représentaient, au taux d'émission à la Bourse, une somme d'environ 1,500,000 francs. C'était un beau denier pour l'apport d'une concession d'un chemin de fer de Frameries à Chimay qui, cinq ans après, n'est encore exécuté que sur une faible partie de son parcours, pour le bénéfice d'une convention verbale faite avec la société du chemin de fer du haut et du bas Flénu, afin d'exploiter ses lignes et, enfin, pour deux demandes en concession de, lignes ferrées.
L'intervention de la Banque de Belgique, dans le partage, est basée sur ce droit qui s'appelle : Nominor leo.
Quant à MM. les administrateurs, sénateurs et députés, je me plais à reconnaître et à déclarer qu'ils ne reçoivent rien.
Eh bien, messieurs, voilà le vice de la plupart de nos sociétés de chemins de fer en Belgique ; les fondateurs, pour des apports qui n'existent souvent qu'en imagination, pour de prétendues études, des plans, des tracés qui se résument en quelques lignes au crayon rouge ou bleu tirées sur une carte géographique, viennent d'abord prélever sur l'avoir social des sommes considérables.
La compagnie des Bassins houillers commençait bien, messieurs ; le présent devait faire pressentir l'avenir, elle était destinée à vivre dans la province de Hainaut, son titre l'indiquait, elle aurait dû n'en point sortir si elle avait été sage et prudente.
Mais elle était née avec un caractère aventureux, et, à peine sortie de l'enfance, elle courait en France, à Orléans, demander la concession d'un chemin de fer d'Orléans à Dreux ; et elle oubliait, en annonçant ce chemin au public, qu'elle n'avait qu'un tronçon d'Orléans à Dreux et non pas un chemin de fer d'Orléans à Rouen.
Elle courait à Paris où elle annonçait un chemin de fer de Frameries à Chimay et elle oubliait encore, probablement dans l'intérêt du placement de ses obligations, que Frameries et Chimay ne sont pas en France, mais en Belgique.
Voilà ce que font les sociétés au caractère aventureux ; voilà pourquoi elles arrivent souvent, avant l'âge, à la vieillesse et à la décrépitude.
La société des Bassins houillers s'était donc constituée sous le patronage de la Banque de Belgique. Les actions souscrites par celle-ci ont été payées, j'en ai la conviction. Seulement, elles ont disparu depuis longtemps du portefeuille de la Banque ; en 1869, je n'y trouve plus que 1,014 actions libérées, cotées encore au taux splendide de 740 francs pièce. Le reste repose en paix, dit-on, sur un contrat d'assurance sur la vie de l'un de MM. les administrateurs de la compagnie des Bassins houillers.
Environ trois mois après la constitution de la société, le 21 avril, intervient une convention entre l'Etat et la compagnie, et cette convention, qui devait être ratifiée par les Chambres, concède à la compagnie des Bassins houillers le chemin de fer de ceinture de Charleroi.
Nous nous trouvions, le 21 avril 1866, presque à la veille des élections. Le temps pressait ; il fallait nécessairement, dans un bref délai, donner une satisfaction à cet arrondissement de Charleroi, prétendument si exigeant et si difficile. Aussi, messieurs, les Chambres sont-elles priées d'examiner cette affaire avec la plus extrême urgence. La loi qui approuve la convention est, en effet, votée le 31 mai 1870.
Voyons quelles sont les conditions du cahier des charges de cette convention entre l'Etat et la compagnie des Bassins houillers.
Vous vous souvenez sans doute, messieurs, que les arrondissements, industriels protestent énergiquement, depuis plusieurs années, contre l'application du droit fixe exorbitant d'un franc qui grève les transports à petites distances des matières premières telles que charbons, cokes et minerais.
Je ne ferai pas ici, messieurs, le procès au droit fixe ; c'est une question trop importante pour être traitée d'une manière incidentelle.
Déjà, dès 1856, lors de la concession dis embranchements industriels à la compagnie de Charleroi à Louvain, on avait trouvé une grande exagération dans la perception de ce droit fixe d'un franc par tonne, pour les transports à courte distance des matières pondéreuses.
La compagnie de Charleroi à Louvain avait admis, comme base de perception d'un droit fixe, une modique somme de douze centimes par tonne seulement, avec un tarif de transport de huit centimes par tonne et par kilomètre.
La compagnie des Bassins houillers, pour obtenir l'appui de l'industrie dans sa demande en concession, alla beaucoup plus loin : elle offrit de supprimer le droit fixe et d'opérer les transports des charbons, cokes et minerais au prix minimum de 40 centimes par tonne pour un parcours de trois kilomètres et de n'exiger qu'une taxe de cinq centimes en plus par tonne pour chacun des autres kilomètres à parcourir. Son droit de perception, pour un transport de 15 kilomètres, était donc seulement d'un franc, c'est-à-dire un prix équivalent au droit fixe perçu par l'Etat pour tout transport quel que soit son étendue.
L'arrondissement de Charleroi était au comble de la joie ! Il bénissait le ministère et ses députés ; l'exécution de la ligne devait être prochaine.
Le délai fixé pour le complet achèvement était de trois ans, à partir de l'octroi de concession. Ce délai expiré, l'arrondissement de Charleroi s'étonne, il n'avait vu ni plans, ni ingénieurs, ni ouvriers ; on n'avait fait qu'un simulacre d'exécution.
De vives réclamations, des protestations sans nombre, des commissions arrivent au ministère ; on les renvoie d'Hérode à Pilate, seulement on n'a jamais pu savoir qui, du ministre des travaux publics ou de M. Philippart, était Pilate. La loi du 31 mai 1866 avait aussi autorisé le gouvernement à concéder la ligne de Châtelineau à Luttre à la compagnie des Bassins houillers et de se décharger ainsi d'une obligation qui lui était imposée par la loi du 8 juillet 1865.
La compagnie des Bassins houillers, pour obtenir cette nouvelle faveur, s'était engagée à appliquer à cette voie le même tarif de transport que pour le réseau de ceinture de Charleroi, et, en outre, à exécuter la ligne de Châtelineau à Luttre, dans ce même délai de trois ans, à partir de l'octroi de concession.
Quelle est la cause des retards apportés par la compagnie à l'exécution des travaux ?
L'honorable M. Pirmez nous a dit un jour que ces retards étaient dus à la crise financière. Or, messieurs, en ma qualité d'administrateur délégué d'une banque anonyme, je suis aussi quelque peu financier, non pas en ce sens que j'aie la prétention d'avoir des connaissances financières, mais que j'éprouve comme tout autre le contre-coup des crises qui surviennent. Or, depuis 1866, - j'en appelle aux souvenirs de toutes les personnes ici présentes qui peuvent avoir des relations financières avec le monde industriel et commercial, - aucune crise de cette nature ne s'est fait sentir.
Au contraire, messieurs, depuis 1866, j'ai toujours constaté que l'intérêt était constamment resté dans des conditions normales et même favorables.
Des personnes que l'on a qualifiées de médisantes, l'honorable M. Pirmez s'en souvient, ont cherché, ailleurs que dans une prétendue crise financière, les retards dans l'exécution des lignes ferrées et l'explication de la tolérance du gouvernement envers la compagnie des Bassins houillers. Elles ont attribué cette tolérance à la présence de sénateurs et députés dans le conseil d'administration de cette société. Je proteste aussi contre ces allégations, mais on pourrait être plus prudent en se mettant, dans tous les cas, à l'abri de tout soupçon.
Arrive enfin le mois d'avril 1870, une lutte électorale se prépare dans l'arrondissement de Charleroi, elle sera ardente parce qu'un prétendu transfuge du parti libéral, M. Balisaux, est sur les rangs. Cette éternelle question des Bassins houillers pèse sur la tête des anciens députés. Il faut sortir à tout prix de cette position difficile. On se dit : La compagnie des Bassins houillers nous doit de la reconnaissance. Nous savons qu'elle n'exécute aucun de ses engagements, qu'elle est même presque dans l'impossibilité de le faire, mais elle est assez puissante, elle nous viendra en aide, appelons-la à la rescousse ! Et la compagnie des Bassins houillers intervient dans la lutte, elle défend dans la presse ses protecteurs et amis. Cette appréciation, messieurs, n'est nullement exagérée ; je puis parler ainsi quand l'honorable M. Frère-Orban, dans son discours, s'exprime de la manière suivante, à l'égard de la compagnie des Bassins houillers :
« Après une expérience d'assez courte durée, nous fûmes suffisamment convaincus que les compagnies étaient aux abois. La compagnie des (page 435) Bassins houillers, qui avait obtenu des concessions considérables, se trouvait dans l'impuissance de les exécuter. Elle était sous le coup de déchéances qui, prononcées, eussent été sa ruine. Il a dépendu de nous de les décider par un simple acte qu'il était dans notre droit et peut-être dans notre devoir d'exécuter, à raison des intérêts des populations qui étaient engagés dans la création de ces chemins de fer. »
Et l'on demande, messieurs, après une telle appréciation, quels motifs avaient pu déterminer le gouvernement à faire prononcer la déchéance des droits d'une autre compagnie de chemin de fer, pour gratifier encore la société des Bassins houillers du réseau Forcade, des concessions de chemins de fer de Gembloux et Jemeppe à la Meuse ?
Que l'on ne prétende donc pas aujourd'hui que jamais cette question des chemins de fer de la société des Bassins houillers n'a eu un caractère ni même une apparence de caractère politique.
La convention du 25 avril 1870 est donc signée, mais ce n'est pas assez. Il faut de toute nécessité que la loi soit votée avant les élections. On la présente donc, elle n'est examinée, étudiée, que d'une manière très superficielle et elle est votée sans discussion.
Si les honorables députés de Charleroi l'avaient sérieusement examinée, même seulement au point de vue des intérêts industriels et commerciaux de l'arrondissement, qu'ils étaient, avant tout, obligés de défendre, ils eussent refusé un vote favorable à ce projet, car ces intérêts étaient sérieusement lésés, compromis, je dirai même bafoués.
Je vous le prouverai tout à l'heure.
Je vous l'ai déjà dit, messieurs, la précipitation engendre souvent l'erreur ; je vais vous en donner un nouvel exemple.
Au mois de février 1869, un ministre monte à la tribune et il soumet aux Chambres un projet de loi draconienne, contraire à tous les principes de justice et d'équité, surtout dans un pays qui, comme le nôtre, met en tête de son programme économique : la liberté commerciale.
Eh bien, cette loi du 25 février 1869, relative aux cessions de concessions de chemins de fer et qui fut une faute qui faillit vous coûter très cher, n'est encore que le résultat de la précipitation.
Cette loi du 25 février 1869 fut aussi votée sans discussion préalable. Un honorable membre avait même demandé, je crois, vingt-quatre heures de réflexion, et ces vingt-quatre heures lui avaient été refusées.
Je le répète, messieurs, ce fut une faute et une faute grave. Cette loi draconienne ne peut subsister longtemps dans notre Code.
Vous allez maintenant comprendre, messieurs, en parcourant rapidement la convention du 25 avril 1870, les rapports qui existent entre cette convention et les faits que je vous ai énumérés tan tôt, énumération qui a pu vous paraître une digression inopportune. La loi du 8 juillet 1865 avait dit : L'Etat exécutera un chemin de fer de Châtelineau à Luttre et de Luttre à Bruxelles.
Vous vous souvenez qu'en présence de l'engagement pris par la compagnie des Bassins houillers d'opérer aussi les transports sur cette ligne au tarif considérablement réduit de la convention du 21 avril 1866, l'arrondissement de Charleroi avait insisté auprès du gouvernement pour qu'il remît à la compagnie des Bassins houillers la construction et l'exploitation de cet embranchement. La condition expresse de cette intervention avait donc été l'application du tarif réduit.
Voyons comment on la respecte dans la convention du 25 avril 1870, cette condition si favorable à nos intérêts industriels et commerciaux.
L'article 42 de cette convention est ainsi conçu :
« Les tarifs à appliquer seront ceux actuellement en vigueur ou tous autres que l'Etat jugerait à propos de décréter, pourvu qu'ils aient un caractère général, c'est-à-dire qu'ils soient applicables à toutes les lignes formant le réseau exploité par l'Etat. »
Voilà donc un droit acquis complètement sacrifié ! L'énorme droit fixe d'un franc par tonne prélevé par l'Etat réapparaît menaçant.
Voilà donc cette convention si favorable à l'arrondissement de Charleroi et qui, à elle seule, vaut à M. Pirmez, suivant son dire, l'éternelle reconnaissance de l'arrondissement !
M. Braconier. - Ainsi il fallait établir des tarifs exceptionnels uniquement pour l'arrondissement de Charleroi !
M. Balisaux. - Il ne s'agissait pas d'établir, mais bien de respecter ce qui était établi.
C'est à ce point de vue que j'examine la convention, c'est-à-dire au point du droit et de l'équité.
Par cette convention, le gouvernement a lésé les intérêts de l'arrondissement de Charleroi, qui comptait sur un tarif réduit, qui lui est subrepticement enlevé. On a enlevé à l'arrondissement de Charleroi un droit qui lui était irrévocablement acquis par une convention et par une loi.
Mais on a été plus loin ! L'article 17 de la convention donnait au gouvernement le droit de supprimer, dans les six mois, toutes les lignes qu'il jugerait constituer des doubles emplois : c'était tout remettre en question.
Les termes formels de la convention, leur interprétation grammaticale et logique permettaient au gouvernement de supprimer tout à fait le chemin de fer de Châtelineau à Luttre, comme formant un double emploi, attendu qu'il y a déjà de Châtelineau à Luttre un chemin de fer appartenant à l'Etat et exploité par lui.
Arrivons maintenant à la question qui est réellement à l'ordre du jour ou, du moins, qui y a directement trait : les articles 59 et 10 de la convention du 25 avril 1870.
L'article 59 de la convention est ainsi conçu :
« Les transferts qui auraient pour objet les annuités à payer par l'Etat et les titres en nom ou au porteur qui, en représentation des valeurs transférées, seraient émis pour toucher ces annuités, seront exempts des droits de timbre et d'enregistrement. Ceux de ces actes qui seront présentés à l'enregistrement seront enregistrés au droit fixe de 2 fr. 20 c. »
Est-il possible, messieurs, qu'en présence d'un texte aussi clair, aussi précis, on puisse dire que l'ancien gouvernement n'a pas connu et reconnu que la compagnie avait la prétention de transférer les annuités ? A-t-il, par là, autorisé le droit de transfert ? Evidemment non ! Mais cette autorisation était inutile. Le transfert était de droit ou ne l'était pas. S'il était de droit, une autorisation était superflue ; s'il n'était pas de droit, elle était vaine, puisque le gouvernement ne peut pas autoriser ce qui est contraire à la loi.
Mais, ce qui est constaté à l'évidence, ce qui résulte de tous les projets qui ont été échangés entre parties et sur lesquels je ne reviendrai pas, attendu qu'ils ont été suffisamment commentés, c'est que le gouvernement a connu, su que la compagnie des Bassins houillers faisait de la clause de l'article 59 la condition sine qua non du contrat.
Je ne demande, messieurs, pour le prouver qu'un extrait de la lettre de M. Hennequin, avocat du département des travaux publics, en date du 25 juillet 1869 :
« M. Philippart, dit-il, n'a cessé de déclarer, dans tout le cours des négociations que le droit de déléguer à un établissement financier les annuités (on disait alors les rentes) qui seraient dues par l'Etat était la condition sine qua non de la cession des chemins de fer, le seul moyen de la rendre possible.
« L'Etat n'a donc point ignoré que le transfert était la condition du contrat et il l'a facilité en l'exemptant du timbre et de l'enregistrement.
« La preuve en est dans les rédactions successives qu'a subies l'article 59 avant d'être adopté par le gouvernement... »
M. Frère-Orban. - Lisez un peu plus loin.
M. Balisaux. - Je veux démontrer que le gouvernement a su que la compagnie des Bassins houillers faisait de l'article 59 la condition sine qua non du contrat et rien de plus. J'en arrive à conclure que si le gouvernement a connu que l'intention de la compagnie était de céder ou de transférer ces annuités, c'était à lui, s'il était sage, s'il était prudent, de réfléchir à toutes les conséquences possibles de ce transfert.
M. Frère-Orban. - Nous l'avons repoussé. Lisez ce qu'a dit M. Hennequin.
M. de Rossius. - Vous auriez dû prévoir que vos successeurs étaient des imprudents.
M. Balisaux. - La vérité est, messieurs, que le gouvernement traitait avec une entière bonne foi, qu'il n'a pas pensé à la fraude possible, la mauvaise foi ne se présumant pas ; il n'a pas pensé que les obligataires pouvaient être frustrés : s'il y avait pensé, il était de son devoir d'inscrire dans la convention une clause d'incessibilité des annuités. De deux choses l'une, ou bien vous n'avez pas suffisamment réfléchi, c'est une erreur, confessez-la ; ou bien vous y avez réfléchi et alors vous êtes coupables.
Il serait préférable d'avouer une erreur quand elle est aussi flagrante, aussi palpable.
L'honorable M. Frère-Orban, dans son discours, a protesté énergiquement contre le mot « rente » dont s'écrit servi la compagnie des Bassins houillers dans diverses publications qu'il a justement flétries,
M. Frère-Orban. - Je n'ai pas protesté contre l'emploi du mot « rente », j'ai protesté contre l'affirmation que c'était une rente garantie par l'Etat et qui ne pouvait être atteinte que par les mêmes éventualités qui atteindraient le crédit de l'Etat.
M. Balisaux. - Je vais vous prouver que l'étude de cette convention du 25 avril avait été si superficielle, si peu sérieuse de la part des membres du cabinet, qu'ils se servaient d'expressions qu'ils critiquaient (page 436) chez les autres et dont ils n'appréciaient pas eux-mêmes toute la portée, Je veux parler de ce mot « rente ».
Dans le courant d'avril 1870, l'honorable M. Pirmez se sent dans la nécessité de justifier que le ministère a bien mérité de la patrie et que les députés de Charleroi ont particulièrement droit à la vive reconnaissance du corps électoral de cet arrondissement.
Un discours se prépare donc et s'élabore avec soin dans le cabinet de l'honorable ministre, et voici comment il s'exprime le 1er mai 1870, en séance de l'Association libérale de Charleroi :
S'occupant de la question des chemins de fer concédés et répondant au reproche possible du retard dans leur exécution, il dit : « Il ne suffit pas de dire qu'une chose ne marche pas, il faut trouver le moyen de la faire avancer. Or, j'affirme que rien de ce qui eût dû être fait n'a été omis. Quand les lignes furent concédées, un grand établissement financier constitua une société pour les construire. La débâcle des affaires des chemins de fer italiens et espagnols jetait la peur dans tous les esprits : on ne pouvait placer ni une action ni une obligation. »
J'ai fait des efforts pour découvrir ce que les chemins de fer espagnols et italiens venaient faire dans l'arrondissement de Charleroi : mes efforts sont restés vains.
M. Pirmez continue :
« Que fallait-il faire ?
« Fallait-il provoquer la déchéance ? La déchéance, mais c'est tuer son cheval pour le faire aller plus vile !
« Personne ne l'a demandée ; elle eût été fatale !
« Elle n'a pas été prononcée ; qu'on s'en félicite ! Le ciel financier s'est éclairci ; aujourd'hui la compagnie travaille partout.
« Les terrassements de la ligne de Luttre à Châtelineau sont presque terminés entre Châtelineau et Gilly ; les terrains s'achètent plus avant ; on travaille entre Gilly et le Campinaire ; Trazegnies à Courcelles est fort avancé, si pas terminé ; à Marchienne, des embranchements sont construits, etc.
« Mais ce n'est pas tout : la loi présentée avant-hier donne aux lignes en construction l'exploitation par l'Etat ; la rente assurée à la compagnie donne toutes garanties que les capitaux ne manqueront pas.
« Nous sommes fiers d'avoir conduit cette affaire à bonne fin et n'eussions-nous que cela à notre bilan que nous croirions avoir bien mérité de l'arrondissement.
* Vous ne savez pas ce qu'il faut de patience et de persévérance pour aplanir les difficultés de détail de ces affaires. »
J'en appelle à mes collègues de Charleroi : Où travaille-t-on ?
M. Pirmez. - A vos charbonnages ?
M. Balisaux. - Nous attendons avec impatience,, comme tout le monde dans l'arrondissement. L'honorable M. Pirmez continue :
« Je parlais tantôt du chemin de Fleurus à Nivelles ; je pourrais vous parler de la station de Gilly et demander au conseil de cette commune ce qu'il a fallu de négociations pour satisfaire tous les intérêts. Mais que j'en pourrais citer de ces difficultés : stations de Gosselies, entrée de la station de Châtelineau, de la station de Couillet, jonction des lignes à Roux, lignes de Couillet à Tamines, etc.
« Pendant que. nos adversaires déversaient sur nous de stériles accusations dans lesquelles jamais une marche à suivre n'a été indiquée, jamais un conseil donné, nous faisions disparaître les obstacles.
« Ils seront désolés de ce que le chemin de fer se fasse, parce qu'ils perdront un sujet de récriminations ; mais nous voulons qu'il s'achève parce que nous en aurons l'honneur.
« Ceux qui attendent l'exécution d'un chemin de fer sont aussi impatients que les amoureux ; mais quand ceux-ci obtiennent l'objet de leurs vœux, ils sont dans une inexprimable joie ; j'espère que l'arrondissement, qui a eu leur impatience, éprouvera leur satisfaction. »
Nous ne rechercherons pas, messieurs, ce que cet amoureux désire avec tant d'ardeur et obtient avec une si inexprimable joie. La comparaison peut être juste, mais ce n'est pas celle que j'aurais choisie.
Le mot « rente » était donc bien dans vos esprits. (Interruption.) Si ce mot « rente » s'est échappé dans l'improvisation de l'honorable ministre, c'est qu'on s'en était probablement souvent servi dans les délibérations du conseil, dont il était l'interprète.
Mais vous allez plus loin : vous dites que cette rente assurée par l'Etat à la compagnie fera affluer les capitaux dans les caisses de ladite compagnie. Or, messieurs, comment faire affluer des capitaux dans une caisse, si ce n'est en cédant quelque chose en échange de ces capitaux ?
Vous avez donc su que la compagnie des Bassins houillers se disposait à vendre ces rentes ou ces annuités et qu'en échange elle allait recevoir des capitaux pour exécuter ses lignes.
Oh ! je m'en doute bien, vous allez me dire : Il s'agissait des annuités affectées aux lignes non encore exécutées. Mais les lignes non encore exécutées ne donnent pas encore lieu au payement d'une rente. Pour que l'annuité de 7,000 francs par kilomètre soit due, il faut que ce kilomètre soit exécuté et exploitable et c'est pour l'exécuter qu'il faut des capitaux.
C'est en réalisant ces rentes sans faire de distinction entre celles dues pour l'exploitation des chemins de fer exécutés et celles qui pourront être dues plus tard, que la compagnie fera affluer les capitaux dans ses caisses.
M. Pirmez. - Ne falsifiez pas ce que j'ai dit.
M. Balisaux. - Je lis votre discours...
M. Pirmez.- Du tout : vous en tronquez le texte !
M. Balisaux. - Je prierai M. le président de faire lire ce discours par une autre personne.
- Des membres à droite et à gauche. - Non ! non !
M. Balisaux. - Voici le discours imprimé.
M. Pirmez. - Eh bien ?
M. Balisaux. - Je vais vous le lire et si j'y ai ajouté un mot, je me retire de la Chambre comme indigne d'y rester plus longtemps.
M. Pirmez. - J'ai dit : Pour les lignes en construction.
M. Balisaux. - Vous me permettrez de lire textuellement ; eh bien, je lis mot à mot. (Interruption)
Critiquez mon argumentation, dites que je suis dans l'erreur, je le veux bien ; c'est votre droit ; mais affirmer que je viens tronquer un texte, c'est un peu fort.
M. Pirmez. - Ne dites pas la rente garantie, alors !
M. le président. - Pas d'interruption ; vous n'avez pas la parole.
M. Balisaux.-Passons maintenant, messieurs, à l'article 10, paragraphe final, de la convention du 25 avril 1870 ; il est ainsi conçu :.
« L'Etat aura le choix de payer le matériel au comptant ou de se libérer au moyen d'une annuité de 4 1/2 p. c. à servir pendant 70 ans. »
De deux choses l'une : ou le ministère avait, à cette époque, l'intention de payer comptant ou il se proposait de payer par annuités. Cela dépendait peut-être, dans son esprit, de l'état de la caisse. Si son intention était de payer comptant, il n'est pas étonnant que son successeur ait eu la même idée que lui. Mais si, à l'époque du 25 avril 1870, le ministère avait déjà dans la pensée de ne payer que par annuités, pourquoi se réserver le droit d'option ? Si vous saviez alors que vous ne payeriez pas comptant, qu'il pouvait y avoir un danger à le faire, eh bien, j'ai le droit de vous adresser le reproche d'avoir laissé subsister dans la convention une arme dangereuse.
Vous saviez bien que vous n'étiez pas immortels et vous deviez prévoir que vos successeurs, ne connaissant pas tout ce que vous avez appris sur la compagnie des Bassins houillers, auraient pu se servir de cette arme et compromettre les intérêts du trésor.
C'est donc une faute qu'on pourrait vous reprocher. Mais je n'admets pas que vous ayez commis une faute en cette circonstance. Je crois que l'exercice du droit d'option que vous vous réserviez dépendait uniquement de cette question : Y aura-t-il, au 31 décembre 1870, des ressources suffisantes dans le trésor pour payer 26 millions ?
Mais ne faites par un reproche au nouveau ministère, que je ne suis, du reste, pas chargé de défendre et dont je vais même critiquer les actes postérieurs à la convention du 25 avril 1870 ; ne lui faites pas un reproche d'avoir à la légère et d'une façon inconsidérée choisi un mode de payement que vous avez inséré vous-mêmes dans cette convention.
Je passe maintenant, messieurs, aux actes du nouveau ministère, et je ne puis que les condamner à leur tour.
Je lui reproche d'avoir versé dans les mêmes erreurs que le cabinet précédent et de les avoir même surenchéries en ce sens que l'ancien cabinet n'avait fait que faciliter les transferts en dispensant la compagnie des droits de timbre et d'enregistrement ; tandis que le nouveau ministère a donné une consécration à un droit de transfert contestable et sérieusement contesté, en autorisant la création de la caisse des annuités. Or, cette faute est grave, parce qu'elle est irréparable. Quoi qu'en ait dit l'honorable M. Frère, il n'y avait pas de réparation possible, à moins que la société n'eût contrevenu] à ses statuts. Ce n'est que dans ce cas qu'un arrêté royal autorisant une société anonyme peut être rapporté par un autre arrêté royal.
(page 437) La prudence et la sagesse ordonnaient au nouveau ministère de laisser la compagnie des Bassins houillers user des droits qu’elle croyait avoir et que les obligataires des diverses compagnies auraient pu paralyser, suit en vertu de l'article 1166, pour les obligataires des compagnies qui n'ont pas encore ratifié la convention du 25 avril 1870, soit en vertu de l'article 1167, pour les obligataires des compagnies qui ont approuvé cette convention. Pour réparer la faute d'avoir autorisé la création d'une caisse d'annuités, le gouvernement a choisi un moyen que je ne puis non plus approuver.
Dans le but de défendre des intérêts compromis, mais qui ont pour sauvegarde les lois et les tribunaux, l'Etat veut s'engager dans une série d'opérations compliquées, inextricables, dans un véritable dédale, dont il ne sortira pas sans compromettre sinon ses intérêts matériels, du moins sa dignité et sa moralité.
Du reste, la répartition des titres d'annuités, si elle eût pu se faire avec justice et avec équité, aurait dû être opérée, d'une autre manière ; vous auriez dû l'établir, en faisant une espèce de ventilation. Vous auriez dû, pour toutes les lignes dont vous aviez l'exploitation, attribuer aux obligataires de chacune d'elles une part proportionnelle au revenu de chacune de ces lignes. Mais vous faites une olla podrida des obligations ; il y en a de bonnes, il y en a de mauvaises, vous les placez toutes sur le même pied.
Les obligations du chemin de fer de Baume à Marchienne constituent un très beau placement, d'un revenu assuré, et vous les confondez avec les obligations de Tamines à Landen qui constituent un très mauvais placement, en présence du petit trafic qui s'opère sur cette ligne.
Les obligataires de la première ligne n'ont-ils pas le droit de se plaindre d'une inique spoliation au profit des seconds ?
Si j'étais un obligataire de la ligne de Baume à Marchienne, je protesterais énergiquement contre cet acte qui lèse profondément mes intérêts.
Si donc vous vouliez suivre un système qui ne vous compromît pas, même moralement, vous devriez faire une répartition équitable, car celle que je combats ne l'est pas.
En voici la preuve. Depuis que le projet de convention est connu, par une spéculation que je ne puis qualifier d'honnête, les bonnes obligations ont une tendance à la baisse et les mauvaises une tendance a la hausse.
L'honorable ministre a dit que l'Etat ne prend aucun engagement envers les tiers ; que son intervention ne constitue qu'un simple contrôle ; qu'il ne conserve les titres d'annuités que comme dépositaire, comme séquestre, et les obligations échangées contre ces titres, qu'en vertu d'un droit de gage ou nantissement et comme garantie de l'exécution des engagements de la compagnie envers l'Etat.
Il n'en est pas moins vrai qu'il a le projet de faire appliquer sur les titres de la caisse d'annuités qui sont entrés dans la circulation, le visa de la trésorerie.
Je dis le projet, messieurs, car la loi qui est soumise à vos délibérations ne parle pas de ce visa de la trésorerie, et je ne pense pas que le gouvernement puisse en disposer sans y être préalablement autorisé par une loi.
Si ce projet est soumis à nos délibérations, je le combattrai. Je veux bien reconnaître que l'Etat ne s'engage en rien, qu'il aura soin de publier que ce visa ne constitue qu'un contrôle. Mais enfin, messieurs, le visa existera sur les titres, et dans un an, dans deux ans il y aura des ignorants qui croiront positivement que le visa de la trésorerie constitue une garantie du remboursement de leurs titres. Nous savons bien, messieurs, que nul n'est censé ignorer la loi, mais nous savons aussi que, malgré cela, la plupart l'ignorent.
Eh bien, j'ose affirmer que ce visa de la trésorerie sera de nature a amener des erreurs regrettables et à compromettre au moins la moralité de l'Etat, qui ne doit jamais être soupçonné. Quand le visa de la trésorerie est appliqué sur un titre, l'Etat est censé garantir le payement de ce titre et il ne faut pas que quiconque puisse être trompé par une apparence de garantie tout à fait inutile et dangereuse.
Du reste, messieurs, vous savez comme moi que ce titre d'annuité est on ne peut plus aléatoire.
En voici la preuve : c'est qu'en 1871 la compagnie des Bassins houillers garantit à l'Etat une recette de 21,000 francs par kilomètre et qu'en 1872 el 1873 cette recette brute doit atteindre le chiffre de 22,000 francs. Or, ma conviction est que, pendant ces trois années, la compagnie des Bassins houillers sera, de ce chef, la débitrice de l'Etat d'une somme considérable.
Que fera l'Etat pour se couvrir ?
L'Etat compensera les sommes que la compagnie pourrait lui devoir avec les annuités qu'il lui devra du chef de l'exploitation des lignes. Cette compensation, qui s'opérera de plein droit, réduira donc la somme a payer du chef des annuités, et les porteurs de ces titres se présenteront en vain à la caisse pour toucher les annuités ; il n'y aura rien ou il y aura nécessairement une diminution proportionnelle, suivant l'importance de la somme que la compagnie des Bassins houillers devra a l'Etat.
Je suis beaucoup moins rassuré que paraît l'être l'honorable ministre des finances sur cette prétendue intervention de financiers qui, au dire de la compagnie des Bassins houillers, garantiront largement à l'Etat le payement de ces différences.
Je connais beaucoup de financiers en Belgique, et je doute que l'on trouve facilement un financier sérieux qui consente à prendre un engagement de cette importance avec des garanties aussi incertaines que celles qui peuvent lui être offertes.
Je suppose, messieurs, que la Société générale d'exploitation ou la société des Bassins houillers tombent en faillite.
Plusieurs compagnies n'ont pas encore adhéré à la convention du 25 avril. Ces compagnies sont alors en droit de demander la résolution de leurs contrats. Si elles ne le font pas, leurs obligataires useront de ce droit, aux termes de l'article 1166 du code civil.
Cette résolution diminuera incontestablement le trafic, conséquemment la recette et le chiffre des annuités à payer par l'Etat. Or, toutes les annuités sont déjà aujourd'hui nécessaires pour satisfaire les obligataires, jusqu'à concurrence des deux tiers seulement de leurs créances. Cette résolution amènerait donc une nouvelle perturbation dont l'Etat essayerait en vain de dégager sa responsabilité morale.
Du reste, messieurs, le projet que le gouvernement semble vouloir réaliser est devenu tout à fait impossible. La compagnie des Bassins houillers, sitôt que l'arrêté approuvant la société des annuités a paru, s'est empressée, le 5 octobre 1870, je crois, de vendre toutes les annuités à cette compagnie et elle s'est empressée, aussi de retirer de la circulation, non pas les obligations, elle n'a pas entendu payer ses obligataires avec des titres d'annuités ; elle a spéculé, elle a acheté des actions de diverses compagnies concessionnaires.
Il suffit, pour s'en convaincre, de lire les avis imprimés dans le Moniteur des intérêts matériels des 16 octobre et 25 décembre 1870 et publiés à la requête de la société anonyme des Bassins houillers et de la Société générale d'exploitation.
Je suis allé, messieurs, aux informations. Je ne sais pas si je suis ou non dans l'erreur, mais les renseignements que je possède m'ont été fournis par un financier très honorable ; c'est que les actions échangées contre des titres de la caisse d'annuités sont : 30,000 actions de la société anonyme d'exploitation, 11,000 actions de la société du Centre, un nombre indéterminé d'actions de Tamines à Landen et de Braine à Courtrai. Au surplus, des titres d'annuités ont été remis en payement à des administrateurs et actionnaires de la société dite Société anonyme d'exploitation. Il faut cependant tous ces titres d'annuités pour satisfaire les obligataires, et où aller les retrouver ?
Comment, je le répète, M. le ministre compte-t-il sortir de ces inextricables difficultés ? Je le conjure donc de renoncer à ce projet. Du reste, messieurs, depuis quand l'Etat doit-il intervenir dans des intérêts privés que la loi et les tribunaux peuvent sauvegarder ? Tous les obligataires viendront dorénavant s'adresser à l'Etat, lorsque leurs intérêts seront compromis. Mais les obligataires de la société Langrand-Dumonceau sont-ils moins dignes d'intérêt que les obligataires de toutes les lignes de chemin de fer ? Que fait l'Etat pour eux ? Il ne fait rien, et il a raison.
M. Bara. - Vous avez raison, mais nous ne devions pas non plus stipuler des garanties pour les obligataires dans la convention du 25 avril. Le langage que vous tenez détruit les reproches que vous avez adressés tout à l'heure à l'ancien cabinet.
M. Balisaux. - On a prétendu, messieurs, c'est l'honorable ministre des finances qui l'a dit, que dans aucun cas, il ne pourrait y avoir en circulation deux titres représentant le même droit ; c'est une erreur ; je vais vous le démontrer.
Je suppose que la société des Bassins houillers, qui peut devoir à l'Etat une somme considérable, n'exécute pas ses engagements ; l'Etat, usant des droits que lui conféreront ses contrats de gage ou de nantissement, poursuivra en justice la réalisation des obligations qui auront été échangées contre des titres d'annuités et cette réalisation ou vente remettra donc dans la circulation des titres d'obligations qui auront cependant été considérés comme amortis.
(page 438) Et qui osera prétendre, messieurs, qu'une telle situation n'est pas de nature à porter atteinte sinon au crédit de l'Etat, au moins à la dignité et à la moralité du gouvernement ?
Je le répète donc une dernière fois, messieurs, que l'honorable ministre des finances y réfléchisse sérieusement et que les honorables membres de la droite, à qui le ministère actuel doit être cher, empêchent, autant que possible, le gouvernement de lier son sort à celui d'opérations que je puis consciencieusement, pour une partie d'entre elles du moins, qualifier de véreuses.
En présence des deux amendements proposés par le gouvernement dans le but de garantir les droits des obligataires et de l'affirmation de M. le ministre des finances que la somme à payer comptant est inférieure à la quantité de matériel construit depuis le 1er juillet 1868, j'étais disposé à émettre un vote favorable au projet de loi, mais j'avais cependant encore certains doutes : je croyais que le matériel dont le payement serait effectué comptant appartenait à la compagnie des Bassins houillers. On me l'avait affirmé ainsi.
Je le croyais d'autant plus qu'en lisant la convention du 23 avril 1870, je constatais que la compagnie des Bassins houillers vendait elle-même ce matériel à l'Etat et qu'elle devait en recevoir le prix. C'est, en effet, la compagnie des Bassins houillers, aux termes de l'article 10 de cette convention, qui s'engage à payer à l'Etat une somme de 400,000 francs du chef de dépréciation de ce matériel.
En lisant, au surplus, l'article 65, on constate que l'intervention au contrat de la Société générale d'exploitation est considérée comme purement accidente et des plus anodines.
Et cependant, messieurs, lisez les bilans de la compagnie générale d'exploitation et vous constaterez que presque tout son avoir consiste en matériel ; or, tout cet avoir, c'est la compagnie des Bassins houillers qui le vend et qui en reçoit le prix.
Tous ces faits étaient donc de nature à faire naître des doutes dans mon esprit ; j'ai voulu aller aux renseignements : je me suis procuré les bilans divers des sociétés et voici ce que j'ai constaté :
Qu'il résulte des rapports de la Société générale d'exploitation :
1° Que la société des Bassins houillers et la Société anonyme d'exploitation ont apporté à la Société générale d'exploitation :
A. Le matériel qui se trouvait sur les lignes que ces deux sociétés avaient louées, matériel dont elles n'étaient en partie que locataires ;
B. Le matériel que ces deux sociétés avaient acquis, et qui ne s'élevait qu'à 2 millions environ.
2° Que ces deux sociétés ont reçu le prix de ce matériel en actions libérées d'un ou plusieurs versements de la Société générale d'exploitation. (Voir rapport de 1868.)
3° Que c'est la Société générale d'exploitation qui a commandé le matériel acheté depuis. (Voir les trois derniers rapports de cette société.)
4° Que ce matériel figure tout entier aux bilans de la Société générale d'exploitation. (Voir les trois bilans.)
5° Que ce matériel n'a jamais figuré à l'actif de la société des Bassins houillers ;
6° Que la Société générale d'exploitation doit à divers environ 18 millions et que cette dette a pour cause surtout le prix du matériel ;
7° Que la Société générale d'exploitation a, par la convention du 25 avril, disposé gratuitement de ce matériel, presque son seul avoir, au profit de la compagnie des Bassins houillers.
J'ai constaté en droit :
Que cette aliénation gratuite est nulle :
1° Parce que la société des Bassins houillers possédant la majorité des actions de la Société générale d'exploitation, elle s'est fait à elle-même cette donation ;
2* Parce que cette gratification est faite en fraude des droits des créanciers.
Ainsi donc voilà la compagnie des Bassins houillers qui a déjà vendu une fois la part de ce matériel qui lui appartenait, à la Compagnie générale d'exploitation, qui en a reçu le prix et qui la revend encore une fois quoiqu'elle ne lui appartienne plus.
La Société générale d'exploitation n'a pas d'obligataires, mais elle a des créanciers et les créanciers sont au moins aussi dignes d'intérêt que les obligataires ; ils ont fourni leur matériel ; or, vous savez la position où ils se trouvent ; ils voient ce matériel passer en d'autres mains et le prix en être reçu par une autre compagnie. Voilà des faits graves et qui, pour ma part, ne me permettront pas d'approuver le projet de loi qui vous est soumis, si ce n'est avec un amendement qui permettrait aux créanciers d'intervenir et de prendre devant la justice toutes les mesures qu'ils croiront utiles à la sauvegarde de leurs intérêts.
Voici, messieurs, l'amendement que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre :
« L'article 5 de la convention du 22 novembre 1870, modifié par celle du 19 décembre suivant et du 16 janvier 1871, est remplacé par les dispositions suivantes :
« L'Etat payera le matériel régulièrement et contradictoirement inventorié, sous déduction d'une somme de treize millions six cent mille francs, représentant la valeur du matériel provenant des compagnies dont l'exploitation a été reprise par la société des chemins de fer des Bassins houillers et la Société générale d'exploitation, par douzièmes de mois en mois, à partir du 1er mars 1871 ; chaque payement sera majoré des intérêts à 4 1/2 p. c. depuis le 1er janvier 1871.
« Dans l'intérêt des tiers obligataires ou créanciers de la société des Bassins houillers, de la Société générale d'exploitation ou de toutes autres sociétés de chemins de fer dont l'exploitation est reprise par l'Etat, en vertu de. la convention du 25 avril 1870, cette créance de la société des Bassins houillers contre l'Etat ne sera susceptible d'aucun transfert, vente ou cession. »
En résumé, messieurs, je désire que les intérêts de tous soient, autant que possible, sauvegardés. Si la compagnie des Bassins houillers est à même d'exécuter ses engagements, elle n'éprouvera qu'un retard de quelques mois pour recevoir le prix du matériel vendu et elle ne subira aucun préjudice, puisqu'on lui bonifiera un intérêt de 4 1/2 p. c. pour le retard.
Je permets ainsi aux obligataires et créanciers d'agir en justice, s'ils le jugent nécessaire, pour faire respecter leurs droits et leurs intérêts.
Si la compagnie des Bassins houillers refuse cette combinaison, elle aura donné une preuve irrécusable, selon moi, qu'elle est à bout de ressources ; j'espère, pour elle et pour l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de me confier un mandat dans cette Chambre, qu'il n'en est rien.
M. Pirmez (pour un fait personnel). - Messieurs, je n'ai aucun goût pour les discussions personnelles et je regrette que l'orateur qui vient de se rasseoir ait cru devoir prendre cette discussion pour prétexte d'une longue série d'attaques contre moi.
Je comprends les difficultés de sa position : après avoir appartenu pendant de longues années à un parti, - appelé dans cette Chambre par suite de l'engagement d'honneur qu'il a pris de ne soutenir que des candidats opposés à ce parti, il se trouve dans une position assez embarrassante.
Il a pendant longtemps hésité sur la position qu'il prendrait et nous ne savons pas encore quelle sera définitivement cette position. Il y a quelque temps il nous a dit qu'il ne savait pas quelle différence il y a entre un catholique et un libéral. Il paraît que, depuis lors, il a fait des progrès sous ce rapport, car il nous dit aujourd'hui qu'il n'appartenait pas à la droite. Mais ce qui dérange un peu mes idées, c'est qu'il a déclaré aussi, il n'y a pas longtemps, que. le gouvernement avait sa confiance illimitée. Si quelqu'un peut s'y reconnaître, il sera infiniment plus habile que moi.
M. Balisaux. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Pirmez. - Mais quelle que soit cette difficulté, et quelque indulgence que j'aie pour les discours qu'elle inspire, il m'est impossible d'accepter que je doive servir à masquer tous les embarras qu'elle cause.
L'honorable M. Balisaux a cru devoir faire remonter cette discussion a la création de la société des Bassins houillers du Hainaut. Il a hautement blâmé l'a constitution de cette société et m'a très clairement désigné comme ayant participé à sa création pour égarer, dans des vues politiques, l'arrondissement de Charleroi.
Il a été plus loin encore sans avoir le courage d'une accusation directe : il a donné à entendre que si l'on n'avait pas proclamé la déchéance des lignes concédées à cette société, c'est à cause de la position qu'un de mes anciens collègues et moi avions vis-à-vis d'elle.
M. Balisaux. - Je n'ai nullement prétendu cela ; j'ai rappelé qu'on l'avait dit. Ne me faites pas affirmer des choses que je n'ai pas dites.
M. Pirmez. - C'est cela. Il y a deux manières d'accuser : l'accusation franche et directe ; l'accusation voilée et indirecte. Or, je demande si ce n'est pas accuser et accuser sans franchise quelqu'un que de rapporter de prétendus on-dit, des incriminations qui seraient formulées par d'autres que l'on ne nomme même pas.
M. Van Hoorde. - M. Balisaux a eu tort de ne pas employer la formule de M. Frère : « La malignité publique a peut-être le droit de se demander : Celle-là est irréprochable ! »
M. Pirmez. - Si vous voulez répondre à M. Frère, faites-le ; mais je doute que vous obteniez beaucoup de succès.
(page 439) M. le président. - Pas d'interruption, messieurs.
M. Pirmez. - J'appartenais a un grand établissement financier dont j'étais administrateur. J'ai, en cette qualité, en cette qualité seulement, participé à la constitution de la société des Bassins houillers du Hainaut. C'était en février 1866. Par suite de certaines circonstances, j'ai quitté l'administration de cette société dix mois après, en décembre 1866. Si l'on veut discuter les actes que j'ai faits et surtout ce que j'ai retiré de ma participation à la gestion de cette société, j'en serai très heureux.
Et j'ai la conviction que si quelqu'un veut avoir un débat à cet égard, il passera pour l'avoir entamé dans mon intérêt, pour être, comme on dit vulgairement, mon compère.
Quand cette société s'est constituée, elle n'avait pas que des lignes à construire ; par une des opérations les plus heureuses qu'on ait faites, elle avait racheté le chemin de fer du Haut et du Bas Flénu, dont l'apport fut fait par l'acte constitutif, et quel qu'ait été le prix d'apport, la société n'a pas eu, je crois, a s'en plaindre. Aux chemins du Flénu, la société devait joindre les chemins industriels de Charleroi ; elle avait aussi l'exploitation des voies ferrées de deux Bassins houillers du Hainaut, et par des affinités assez considérables avec la société du Centre, elle n'était pas étrangère au troisième. Voilà l'origine de cette dénomination de société des Bassins houillers du Hainaut. Pendant le temps dans lequel j'ai participé à sa gestion, elle n'a fait aucune opération étrangère au pays.
En 1866, a été accordée la concession du chemin de fer de ceinture de Charleroi. Y a-t-il quelque chose de vicieux dans cette concession ? Comment se fait-il que, depuis lors, la concession n'a jamais donné lieu à une critique ? N'a-t-elle pas introduit le système d'un tarif très bas ? Je me félicite d'avoir contribué à établir un tarif destiné à favoriser le transport du charbon et du minerai, tarif qui portera des fruits, même pour d'autres lignes.
Est-ce là un grief qu'on me peut faire aujourd'hui, et que me fera un député de Charleroi ?
L'honorable M. Balisaux a parlé très longuement de la déchéance qu'aurait pu, par expiration de terme, encourir cette concession.
C'est en 1869 que celle déchéance eût été encourue. M. Balisaux trouve que, en ne prononçant pas cette déchéance, on a lésé d'une manière profonde l'intérêt de l'arrondissement de Charleroi.
Chose étrange ! ni un représentant, ni un sénateur, et presque tous avaient toujours été étrangers à cette affaire, ne pensa à réclamer celte, déchéance !
M. Balisaux ne dira pas, sans doute, que M. Lebeau se soit laissé influencer par la compagnie des Bassins houillers ; il était représentant. Il s'agissait d'un intérêt vital pour l'arrondissement de Charleroi ! Et M. Lebeau se tait !
Jamais il n'éleva la voix pour demander qu'on prît cette mesure qui devait sauvegarder un grand intérêt de l'arrondissement. C'est aujourd'hui qu'on découvre ce qu'il fallait faire.
La chambre de commerce de Charleroi demandait-elle la déchéance ? le comité charbonnier la demandait-il ?
Et vous-même, M. Balisaux, membre de ces deux corps, vous êtes-vous imaginé de la demander ? Vous m'écriviez parfois pour des choses moins importantes ; j'ai relu vos lettres, y en a-t-il un mot ?
Qu'est-ce donc qui m'eût empêché de réclamer cette déchéance ? En 1869, j'avais depuis longtemps cessé toute participation à cette société ; j'y étais complètement étranger. Mais il y a plus. A cette époque, loin de vouloir provoquer une déchéance, les industriels soutenaient la société contre le gouvernement, ils lui attribuaient les lenteurs de cette société, et c'est moi qui devais me faire l'accusateur de cette dernière.
Et après ces faits, on viendra par une insinuation blessante suspecter même ma probité, et j'aurai à me défendre de n'être, dans un intérêt privé imaginaire, opposé à une déchéance que personne n'a jamais réclamée. (Interruption.)
Ceux de mes honorables collègues qui trouvent que cette défense est superflue ne savent pas à quelles accusations j'ai été en butte.
L'honorable M. Balisaux, parlant de la convention du 25 avril 1870, a dit que cette convention a eu pour effet de priver l'arrondissement de Charleroi d'avantages qui lui étaient accordés.
La polémique électorale avançait que cette spoliation était le but de cette convention, et que, guidé par des intérêts que j'aurais eus dans l'arrondissement de Liège, j'avais machiné tout cela contre mes commettants. J'ai dû recourir à la justice pour faire déclarer cette assertion calomnieuse.
Voulez-vous savoir ce que valent ces accusations ? La convention du 25 avril autorise le gouvernement à supprimer les parties de lignes qui font double emploi. Chose bien simple, bien irréprochable. Et M. Balisaux vient dire que l'on peut supprimer même la ligne de Châtelineau à Luttre, formellement indiquée, dans la convention, comme devant être construite !
Pour vous, qui avez les pièces, vous savez parfaitement ce que cela vaut ; le public, qui n'a pas le texte, est facilement induit en erreur !
Mais j'ai commis bien d'autres crimes.
On a lu un passage de mon discours à l'association libérale ; vous avez déjà pu apprécier, messieurs, la nature de ce discours qui était assaisonné d'une certaine humour. On a trouvé dans ce discours le mot rente et l'on en a conclu qu'en prononçant ce mot, j'avais affirmé que l'annuité à payer par l'Etat avait les qualités d'une rente de l'Etat. Je reconnais qu'attacher une portée pareille à un mot d'un discours, c'est lui faire beaucoup d'honneur ; mais qu'est-ce que de pareilles citations ont de sérieux ?
Il n'y a aucun doute sur la nature de l'annuité de 7,000 francs due par l'Etat, c'est un prélèvement sur la recette brute ; il n'y a aucune contestation possible à cet égard, il n'y a pas rente de l'Etat. Mais en résulte-t-il que dans le langage ordinaire, quand il ne s'agit pas de préciser la nature de la redevance, on ne puisse l'appeler une rente ?
Quand je dis qu'un homme a 100,000 francs de rente, est-ce que j'affirme pour cela que ces 100,000 francs sont uniquement composés de coupons de fonds publics, est-ce que j'exclus les revenus variables comme ceux des actions ?
Evidemment non. Voilà cependant le grief qu'on me fait !
Mais, messieurs, ma faute est bien plus grave encore ! J'ai prononcé à l'association libérale cette fameuse phrase : « La loi présentée avant-hier donne aux lignes en construction l'exploitation par l'Etat. » (I[ s'agit donc bien des lignes nouvelles) : « La rente assurée à la compagnie donne toute garantie, que les fonds ne manqueront pas. » Voilà.
Ai-je parlé d'autre chose que des lignes en construction ? Non, et cependant on m'accuse d'avoir autorisé la vente des annuités des anciennes lignes pour faire les lignes nouvelles !
Aurais-je faussement indiqué l'avantage qui résulte pour ces lignes d'être exploitées par l'Etat, moyennant le payement d'une certaine annuité que je puis appeler rente parce que ce terme est parfaitement exact ?
Me suis-je trompé lorsque j'ai dit que c'était là une garantie de nature à faire apporter les capitaux dans la caisse de la compagnie ? Mais, messieurs, il y a quelques jours, la Société générale avait passé un contrat qui a précisément pour but d'assurer la construction des lignes nouvelles, au moyen de cette rente que j'indiquais à l'Association libérale, et quoiqu'il ait été rompu, ne prouve-t-il pas que ce que je disais est exact ?
Mais j'ai encore commis d'autres erreurs, erreurs prodigieuses ; j'ai dit, par exemple, que les constructions de chemins de fer avaient été entravées, parce que la débâcle des chemins de fer italiens et espagnols avait jeté un grand discrédit sur les obligations de chemins de fer.
M. Balisaux est banquier ; il ne peut donc pas ignorer qu'il y a eu sur ces titres des pertes énormes. Les Badajoz, les Cordoue-Malaga, les Grenoble, les Varna, etc., ont perdu presque toute leur valeur. Croyez-vous que ceux qui ont perdu de l'argent dans ces affaires sont bien tentés d'engager encore leurs fonds dans les affaires des chemins de fer ? Evidemment non, et il n'est pas une personne qui se soit occupée de matières de bourse, pas une seule, qui ne sache qu'il y a eu un grand discrédit jeté pendant longtemps sur la plupart des valeurs de chemin de fer.
Voilà, cependant, encore, messieurs, d'après M. Balisaux, une de ces assertions étonnantes qui méritent d'être, après six mois, signalées à la Chambre.
Croirait-on qu'il faut, dans une discussion aussi importante, mêler ces petites questions personnelles, ces mesquines rancunes, au lieu de discuter sérieusement les intérêts du pays ?
Messieurs, pour ma part, je ne le pense pas. Je regrette de pareilles discussions qui entravent les travaux de la Chambre. Si je n'y n'avais été forcé, parce qu'il y avait une insinuation que je devais laver immédiatement, je n'aurais pas pris la parole ; j'aurais laissé l'honorable M. Balisaux faire descendre nos discussions à ce niveau.
M. Balisaux (pour un fait personnel). - Je n'ai que quelques mots à répondre à l'honorable M. Pirmez.
Il a cru devoir se justifier personnellement des reproches que j'ai adressés à la compagnie des Bassins houillers sur l'inexécution de ses engagements formels envers l'arrondissement de Charleroi et des reproches que j'ai adressés au ministère sur sa tolérance et sur sa faiblesse envers cette compagnie.
Je n'ai eu, messieurs, l'intention d'incriminer la conduite de qui que ce soit. Je vais en appeler à vos souvenirs. J'ai commencé par prendre la défense des honorables ministres contre les exagérations du discours de l'honorable M. Brasseur, parce que j'ai cru que ce discours pouvait laisser (page 440) dans l'esprit des lecteurs certains doutes sur l'honorabilité des personnes qui composaient le ministère ; j'ai continué par affirmer que les honorables sénateurs et députés qui étaient intervenus dans le contrat de constitution de la société anonyme des Bassins houillers n'avaient pas pris part au gâteau qui s'était partagé le jour de sa naissance.
Qu'ai-je dit ? J'ai fait allusion à ce qui s'est passé au sein de l'Association libérale et j'ai parlé de certaines prétendues médisances. Or, c'est dans le sein de l'Association libérale même qu'on a fait un reproche aux députés d'avoir usé de leur influence sur le gouvernement pour empêcher la déchéance de la société concessionnaire.
M. Pirmez. - C'est un thème qui avait été envoyé.
M. Balisaux. - C'est probablement un thème que j'ai payé ! Voilà toujours vos moyens ! Je vous ai envoyé quelqu'un pour aller vous attaquer ! Parce que ce quelqu'un est venu vous dire des choses qui vous blessent, ce ne peut être qu'un envoyé de Balisaux. Mais j'ai aussi été vivement attaqué. J'ai été vilipendé, traîné dans la boue par la presse dont vous acceptez le patronage. Eh bien, je ne vous en accuse pas. Soyez convaincu, honorable collègue, que j'ai pour vous de l'estime et même certaine affection... (interruption), que je suis convaincu de votre haute capacité et de votre intégrité. Je n'ai donc eu nullement l'intention de porter aucune atteinte ni à votre honneur, ni à votre moralité.
Si j'ai, messieurs, en critiquant la convention du 25 avril,, fait une interprétation erronée de quelques dispositions de ce contrat, l'honorable M. Pirmez est le maître de combattre mes arguments et les conséquences que j'en ai tirées, mais je ne lui permets pas non plus de suspecter ma bonne foi, que je mets sur le même rang que la sienne.
J'arrive maintenant à la critique personnelle dont je viens d'être l'objet de la part de mon honorable collègue.
Je suis entré dans cette Chambre comme libéral et surtout comme libéral indépendant, j'ai déjà eu l'honneur de vous dire que je n'entendais me mettre au service de personne, non plus que m'enrégimenter sous aucune bannière si ce n'est celle du progrès et de la liberté.
Je me présente, dis-je, comme libéral indépendant et j'entends ne juger les hommes que sur leurs actes. Je ne crois pas qu'il suffise de prendre une étiquette libérale. On est libéral parce qu'on le prouve et non pas parce qu'on le dit. Je n'en veux qu'un exemple : celui de M. Pirmez lui-même qui n'est et n'a jamais été qu'un libéral de circonstance.
Je connais, dans la droite, de prétendus catholiques plus amis du progrès que certains de la gauche qui vantent bien haut leur libéralisme.
Je me trouve en présence d'un ministère nouveau et je ne veux pas dire à ce ministère : « Parce que vous êtes MM. Kervyn de Lettenhove, d'Anethan, Cornesse, je n'ai pas confiance en vous ! » Quand ce ministère posera un acte que je considérerai comme contraire à la liberté, au progrès, il me trouvera parmi ses adversaires. Je suis donc libéral, je le répète, mais je mets avant tout mon indépendance, ma liberté d'appréciation des hommes et des choses.
vous dites et vous avez répété cent fois que j'étais un transfuge du parti libéral. Vous me connaissez trop, pour que je prenne la peine de vous démontrer le contraire. Vous ne croyez pas vous-même ce que vous avancez.
Mais voyons ce que vous êtes et ce que vous avez été :
En 1856, vous étiez catholique et vous refusiez d'allier votre candidature à celle de l'honorable M. Lebeau, mon beau-père ; vous défendiez à son organe, l'Echo de la Sambre, de prendre votre défense, pour ménager ces bons catholiques qui vous avaient promis leurs suffrages.
En 1857, après la discussion delà loi dite des couvents, il fallait...
M. Anspach. - En quoi tout cela intéresse-l-il la Chambre ''(Interruption.)
M. Balisaux. - Je réponds à l'honorable M. Pirmez qui m'a fait le reproche d'avoir une position indécise dans cette Chambre.
En 1857 donc, vous avez compris qu'il fallait se dire libéral pour arriver au pouvoir et c'est alors seulement que vous avez consenti à allier votre candidature à celle de M. Lebeau.
J'ai, quant à moi, toujours été libéral. Si je me suis retiré de l'Association en 1868, ce n'est pas pour une question de principes, mais pour soutenir un libéral que l'Association répudiait sans motifs légitimes, l'honorable M. Dulait, que vous-même, M. Pirmez, m'aviez particulièrement recommandé.
Mais vous, pourquoi, jusqu'à présent, n'avez-vous jamais consenti à faire partie de l'Association libérale ? Pourquoi ? Parce qu'il est de tradition chez vous de nager entre deux eaux. (Interruption.)
Vous suspectez mes opinions, vous me critiquez sans cesse par vos journaux, que dois-je en conclure ? C'est que le banc ministériel est bien doux, beaucoup mieux rembourré que les nôtres, pour éprouver tant de chagrin de se lever une fois qu'on s'y est assis.
Eh bien, moi, que vous avez qualifié de transfuge, d'ambitieux, dois-je vous le dire ? J'ai refusé de m'y asseoir. Et le regret que vous semblez éprouver d'avoir dû le quitter me ferait presque regretter maintenant de n'avoir point voulu en goûter les douceurs.
Messieurs, je regrette d'autant plus la lutte qui a surgi entre l'honorable M. Pirmez et moi que l'honorable membre est pour moi un ancien ami, que j'ai toujours eu pour lui une profonde estime. Je lui en ai donné naguère encore une preuve bien positive, car, soit dit sans présomption, l'honorable M. Pirmez le sait parfaitement, si je l'avais voulu, bien voulu, il ne siégerait plus dans cette Chambre, mais dans la tribune des anciens députés. (Interruption.)
M. Pirmez. - J'appartiens à la droite, au parti catholique : mon collègue, M. Balisaux, est un libéral : voilà le résumé de son discours, mais ce qui m'étonne, c'est que, la droite tout entière applaudisse à ses paroles et qu'elle blâme les miennes. (Interruption.) Encore maintenant, vos murmures prouvent ce que j'avance.
Le. ministère actuel a remplacé le ministère libéral dans lequel je siégeais et la première chose qu'il fait, pour un cabinet d'une couleur nettement opposée, est de s'adresser à M. Balisaux pour lui proposer un portefeuille. C'est sans doute parce qu'il est libéral ! (Interruption.)
Voici le dilemme que je me pose : ou bien le ministère croit à ce que dit M. Balisaux ou il ne croit pas au libéralisme de M. Balisaux.
M. Balisaux. - Je demanderai à M. d'Anethan la permission de publier la lettre que je lui ai adressée pour décliner l'honneur d'accepter une place dans le cabinet...
M. Pirmez. - Je ne nie pas que vous ayez refusé de faire partie du cabinet, mais je pose mon dilemme. (Interruption.)
Si le ministère considère M. Balisaux comme libéral, il doit convenir qu'il aime mieux un libéral qu'un catholique ; c'est peu flatteur pour son parti en général et spécialement pour M. Wasseige.
Si M. d'Anethan n'a pas cette opinion et pense qu'un catholique vaut mieux qu'un libéral, c'est qu'il ne croit pas du tout au libéralisme de M. Balisaux. Maintenant un mot de ma position.
En 1856 j'étais combattu par le parti catholique et si bien combattu que j'ai été battu...
M. Drion. - Les catholiques ont toujours volé pour vous.
M. Pirmez. - A cette époque, j'avais pour adversaires MM. Dechamps, Brixhe et Wautelet, qu'on n'accusera certes pas d'être des libéraux. Il n'y avait pas d'alliance entre M. Lebeau et moi, bien que nous fussions portés sur la même liste, la liste libérale opposée aux candidats catholiques ; c'est vrai, mais alors M. Lebeau passait pour rouge, ce que je n'ai jamais été ; il a passé au bleu (Interruption), nous avons marché ensemble ; il est devenu blanc, nous sommes divisés.
Voilà les explications que M. Balisaux m'a forcé à donner.
Pour faire ma confession tout entière, je dirai qu'en 1864 j'ai été porté sur la liste du parti catholique ; mais pourquoi ? Parce qu'on avait trouvé ce moyen ingénieux pour renverser M. Lebeau.
M. Drion. - Les catholiques ont voté pour vous, parce que vous étiez modéré.
M. Pirmez. - Je suis encore modéré. (Interruption.) J'appartiens au libéralisme modéré. (Nouvelle interruption.) Je n'ai jamais appartenu à une autre nuance que celle-là. Mais c'est précisément ma modération qui excite contre moi le parti catholique...
M. Drion. - Pas du tout.
M. Pirmez. - En 1864, les catholiques, m'ont pris pour candidat, parce qu'ils ont trouvé ce moyen le meilleur pour renverser M. Lebeau, qui était la bête noire du parti. J'ai parcouru alors tout l'arrondissement, faisant des meetings pour soutenir mon collègue menacé, demandant qu'on votât pour lui avant de voter pour moi. (Interruption.)
Ce que j'admire le plus dans tout ceci, c'est quz je ne suis ici qu'avec la permission de M. Balisaux. (Interruption.) Il y avait deux listes complètes ; il y avait engagement d'honneur de sa part de ne soutenir aucun autre candidat que ceux de la liste catholique ; j'ai été le point de mire de toutes les attaques ; les journaux catholiques et les journaux dévoués à M. Balisaux étaient remplis d'articles des plus violents contre moi... (Interruption.)
(page 441) M. Frère-Orban. - Vous écoutez l'attaque, et vous n'écoutez pas la défense
M. Pirmez. - Je dis qu'il est merveilleux que je sois ici en quelque sorte par la permission de l'honorable M. Balisaux. Vous voyez toute sa bienveillance pour moi, vous avez entendu son discours ; tout est bon pour ma chercher querelle ; vous croyez, membres de la droite, que dans la lutte électorale il a fait le contraire de ce qu'il fait ici.
On vous fait croire beaucoup de choses ; mais si vous êtes capables de croire celle-là, il n'y a rien qu'on doive renoncer à vous faire accepter,
- La suite de la discussion est remise à demain.
(page 431) La séance est levée à 5 heures et quart.