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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 décembre 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 325) M. de Borchgrave procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Borchgrave présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le secrétaire communal de Guygoven demande que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport ayec l'importance de leur travail et les services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Lelièvre

. - Je demande un prompt rapport sur cette pétition que j'appuie tout particulièrement.

- Adopté.


« D'anciens employés de l'octroi, actuellement préposés des douanes à Gand, réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir la restitution des sommes retenues sur leur traitement alors qu'ils étaient attachés à l'administration de l'octroi. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Baillamont prie la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer d'Athus à Givet demandée par le sieur Brassine. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Westroosebeke demandent l'exécution du chemin de fer de Thourout à Ypres qui a été concédé aux sieurs Maréchal et ecrla. »

- Même renvoi.


« La dame Tambourin demande que l'autorisation de contracter mariage soit accordée au milicien Moulart, de la levée de 1866, actuellement en congé illimité à Ceroux-Mousty. »

- Même renvoi,


« La dame Lievens, veuve du sieur Van de Riévère, demande que son fils Abdon, milicien de la levée de 1865, canonnier à Louvain, soit renvoyé en congé illimité. »

- Même renvoi.


« Le sieur De Ceunynck demande que les Annales parlementaires soient publiées en flamand et en français. »

- Même renvoi.


« Les huissiers de l'arrondissement de Neufchâteau demandent que les tarifs en vigueur pour tous les actes de leur ministère soient augmentés de 50 p. c. »

« Même demande des huissiers de l'arrondissement de Huy, Bruxelles, Ypres, Neufchâteau et des sieurs Claes, Parmentier, Prégaldino, Rondelet et Gallemaerts. »

M. Lelièvre. - J'appuie cette pétition et je demande qu'elle soit transmise à la commission qui sera invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Vanden Buren présente des observations contre l'institution de corps spéciaux dans la garde civique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Meensel-Kieseghem présente des observations en faveur d'un projet de chemin de fer de Tirlemont vers Diest par Meensel-Kieseghem. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vander Borght propose des mesures pour améliorer la position des instituteurs primaires. »

« Même demande du sieur Van Sieberg. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui établit une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires.


« Des habitants de Peer demandent que les élections aient lieu à la commune ou du moins au chef-lieu du canton. »

« Même demande d'habitants de Tongres, Lanaken, Reckheim. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme électorale.


« Le sieur Alexandre Carpentier, cultivateur-propriétaire, à Grand-Rieu, né à Beaurieux (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


Il est fait hommage à la Chambre :

1° Par M. de Maere-Limnander, ancien représentant, de 150 exemplaires d'une brochure intitulée : D'une réforme électorale indispensable.

2° Par M. le recteur de l'Université de Liège, de 127 exemplaires d'une brochure contenant les discours prononcés à la salle académique de cette université le 14 novembre dernier, pour honorer la mémoire de feu les professeurs Théodore Lacordaire et Charles Frankinet.

- Distribution aux membres de l'assemblée et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi approuvant la convention conclue avec la société des Bassins houillers du Hainaut

Rapport de la section centrale

M. Liénart. - Au nom de la section centrale, j'ai l'honneur de déposer le rapport sur le projet de convention conclu le 22 novembre 1870 avec la société anonyme des Bassins houillers du Hainaut pour la reprise du matériel.

Projet de loi fixant le contingent de l’armée de l’année 1871

Rapport de la section centrale

M. Wouters. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi qui fixe le contingent de l'armée pour 1871.

- Ces rapports seront imprimés, distribués et mis à la suite de l'ordre du jour.

Proposition de loi relative au délai de prescription en matière d’amendes civiles, fiscales et disciplinaires

Développements et prise en considération

M. Lelièvre. - La législation, en ce qui concerne les amendes appliquées par les tribunaux civils, laisse une lacune qu'il importe de combler. Dans un grand nombre de cas, les dispositions législatives en vigueur n'énoncent pas le délai de la prescription relatif aux contraventions. Elles se bornent à prononcer l'amende, sans indication du terme de la poursuite. La conséquence de cet ordre de choses, c'est qu'en pareille (page 326) occurrence l'action pour le recouvrement des amendes n'est éteinte que par le laps de trente années à dater des contraventions.

Or, il est évident que c'est là une anomalie qu'il est impossible de laisser subsister.

En matière de contraventions de police, la poursuite est périmée à l'expiration d'une année. A l'égard des délits correctionnels, l'action se prescrit par trois ans et la poursuite des crimes mêmes est éteinte par dix années. Il est donc incontestable que, relativement aux amendes en matière civile, il doit également exister un terme à l'expiration duquel les contrevenants ne puissent plus être poursuivis.

Sans cela les infractions dont il s'agit seraient traitées, au point de vue de la prescription, plus rigoureusement que les actes les plus criminels.

Ces considérations s'appliquent également aux amendes prononcées par la loi du 23 ventôse an XI sur le notariat, de même qu'aux pénalités édictées par les lois concernant les actes de l'état civil et toutes dispositions analogues.

La jurisprudence a admis que, dans ces hypothèses, les amendes peuvent être réclamées pendant trente ans, terme de la prescription ordinaire.

Or, c'est là un régime exorbitant qui doit cesser, d'après les principes mêmes qui ont fait admettre la prescription en matière répressive.

Il s'agit d'ailleurs d'infractions peu graves, et sous ce rapport encore, il est équitable d'introduire un délai limité pour l'exercice de la poursuite à laquelle les contraventions doivent donner lieu.

Du reste, des principes d'ordre supérieur exigent qu'après certain intervalle de temps, il ne soit plus question de poursuites qui dégénéreraient en véritable vexation, repoussée par la justice et l'équité. La société elle-même n'est pas intéressée à ce qu'on revienne sur des faits remontant à une époque assez éloignée pour rendre toute recherche inutile ; on prévient ainsi de sérieux inconvénients. Telles sont les considérations qui ont dicté la proposition que nous avons l'honneur de soumettre à la Chambre. Le projet tend à faire introduire dans la législation un principe conforme a l'équité et faisant cesser les anomalies injustifiables qui existent aujourd'hui entre les amendes prononcées en matière fiscale et disciplinaire et les mêmes pénalités comminées par les lois en matière répressive.

La proposition est fondée sur les règles qui ont fait admettre la prescription en toute matière et sur des nécessités sociales dont il est impossible de méconnaître l'importance. Nous espérons que la Chambre lui donnera son assentiment.

- La proposition est appuyée.

M. le président. - La discussion est ouverte sur la prise en considération.

- Personne ne demandant la parole, la proposition est prise en considération.

M. le président. - La Chambre entend-elle renvoyer cette proposition aux sections ou à une commission.

M. Lelièvre. - Je propose le renvoi de la proposition à une commission spéciale composée de cinq membres à nommer par le bureau ; il s'agit, en effet, de questions qui doivent être examinées par des hommes spéciaux.

- Des membres. - A une commission de sept membres.

- La proposition est renvoyée à une commission composée de sept membres à désigner par le bureau.

Rapports sur des pétitions

M. Van Renynghe, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Bruxelles, le 1er mai 1870, le sieur Tirie, ancien combattant de 1830 et ancien soldat, demande un secours.Il est âgé de 65 ans et réduit à la misère. Il fait valoir des titres pour justifier sa demande.

Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Messieurs, le conseil communal de Lichtervelde par pétition du 29 avril 1870 et l'administration communale de Swevezeele, par requête du 30 avril de la même année, déclarent appuyer la demande d'un chemin de fer d'Eecloo à leurs communes.

Comme les motifs qu'ils font valoir à l'appui de cette demande méritent d'attirer une attention très sérieuse de la part du gouvernement, votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Peteghem, le 29 avril 1870, le sieur Van der Biest présente un projet de révision de la loi sur l'instruction primaire.

Votre commission, sans rien préjuger, vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - L'administration communale de Gand, par pétition du 15 avril 1870, appelle l'attention de la Chambre sur la nécessité de régler, par une loi, le travail des enfants dans les manufactures.

Elle dit que la réglementation du travail des enfants dans les manufactures est à l'ordre du jour en Belgique depuis 1843 ; que de temps à autre on la discute à la Chambre ; que le gouvernement promet alors une enquête ; que cette enquête est même parfois suivie d'un projet de loi ; mais que ce projet de loi n'est pas discuté et que les choses continuent à rester dans le statu quo.

Elle ajoute que la question dont il s'agit est extrêmement grave, que c'est l'avenir du pays qui est en jeu.

Cette administration fait valoir, en outre, beaucoup d'autres considérations très sérieuses à l'appui de sa demande et qui méritent d'être mûrement examinées par le gouvernement.

Votre commission vous propose donc, messieurs, de renvoyer cette pétition à M. le ministre de l'intérieur..

M. Drubbel. - Je viens appuyer le renvoi de la pétition du conseil communal de Gand au ministre de l'intérieur avec demande d'explications et non par le renvoi pur et simple, comme le propose la commission des pétitions.

La question de la réglementation du travail des enfants dans les manufactures est incontestablement très importante, très grave et j'ajouterai qu'il est temps de la résoudre. Depuis longtemps, l'attention publique est attirée sur le sort de ces nombreux enfants que l'on voit surtout dans les grands centres industriels et plus spécialement à Gand, condamnés, par la misère ou l'incurie de leurs parents, à un travail excessif qui ruine leur santé et paralyse leur développement physique et moral.

Certes, la question est grave ; car il existe de profonds dissentiments entre les meilleurs esprits sur l'utilité, la légitimité même du remède à apporter au mal que chacun reconnaît et déplore.

L'Etat peut-il, doit-il intervenir ? Son intervention sera-t-elle efficace ? N'y a-t-il pas d'autres moyens de remédier au mal ? de concilier des intérêts contradictoires ? Ce sont toutes questions, je le sais, qui soulèvent des considérations de l'ordre le plus élevé.

Mais voilà plus d'un quart de siècle que la question est soulevée et préoccupe le pays. En 1843, une commission a été instituée ; elle se livra à une enquête minutieuse qui dura, si je ne me trompe, plus de trois ans ; elle finit par constater un déplorable état de choses, et la nécessité d'y porter un prompt remède.

La commission élabora, je pense, un projet de loi. Aucune suite sérieuse n'y fut donnée, malgré les réclamations qui ne cessèrent de se produire.

A la vérité et à l'occasion de ces réclamations, la question a été plus d'une fois agitée dans cette enceinte, elle a fait l'objet d'un rapport et de discussions très remarquables, mais elle fut toujours ajournée sous prétexte d'enquête et d'investigations ultérieures.

Il me semble que la question peut être considérée aujourd'hui comme complètement élucidée. Il est temps de la résoudre dans un sens ou dans un autre.

Aussi, j'engage vivement, pour ma part, l'honorable ministre de l'intérieur à en faire l'objet de son examen et de soumettre, le plus tôt possible, à nos délibérations, les mesures qui auront été jugées utiles et légitimes pour porter remède à la situation fâcheuse dont on se plaint.

Et précisément parce que je considère la chose comme urgente, je propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur avec demande (page 327- d'explications, pour que nous sachions si, après avoir examiné la question et avoir eu le temps de prendre un parti, l'honorable ministre nous présentera un projet de loi ou bien s'il entend continuer le système d'abstention qui a prévalu jusqu'ici.

Alors chacun de nous appréciera s'il doit user de son droit d'initiative.

M. Vleminckx. - Messieurs, je m'associe à ce que vient de proposer l'honorable M. Drubbel, pour que M. le ministre de l'intérieur veuille bien donner quelques explications sur ses intentions relatives à la solution de la question de la réglementation du travail des enfants dans les manufactures.

Ainsi que vient de le dire l'honorable M. Drubbel, ce n'est pas la première fois que la Chambre s'occupe de cette question. Il y a deux ans, a la suite d'une longue discussion, il a été reconnu que s'il était difficile, impossible même, de réglementer le travail des adultes, les mêmes difficultés n'existaient pas pour la réglementation du travail des enfants.

Il y a deux choses qu'il faut avoir en vue dans cette question : il faut songer à ménager les forces des enfants pour leur donner plus de vigueur dans l'âge viril et dans la vieillesse, pour les mettre à même de résister avec plus de succès aux causes destructives auxquelles la classe ouvrière est malheureusement plus exposée que les autres classes de la société ; il faut autre chose encore : ensuite mettre ces pauvres enfants dans la possibilité d'acquérir un certain degré d'instruction qui leur manque aujourd'hui généralement, instruction qui doit leur donner une place au soleil, et leur permettre d'obtenir dans la société une position qu'à défaut d'elle, ils n'obtiendront jamais.

La science et la capacité, vous le savez comme moi, mènent à tout dans le siècle où nous sommes, ou, pour être plus vrai, à presque tout, parce qu'en Belgique elle ne donnerait pas même le droit de nommer des conseillers communaux, si la Chambre adoptait le projet de réforme électorale que le gouvernement lui a présenté ; mais sur ce point il y aura plus tard une discussion sur laquelle je ne veux pas anticiper.

J'espère donc que M. le ministre de l'intérieur, qui a manifesté, dans une dernière séance de cette Chambre, un si grand intérêt, une si vive sollicitude pour l'instruction primaire, voudra bien s'occuper avec un grand soin de la question de la réglementation du travail des enfants, à laquelle se rattache, je le répète, la solution de la question de l'instruction à donner à un grand nombre d'entre eux, qui aujourd'hui en sont presque complètement privés.

Je ne me bornerai pas à appuyer la demande de l'honorable député de Gand. J'irai plus loin. Il n'y a pas seulement que les manufactures où il y ait emploi d'enfants. Il y a d'autres industries encore, les travaux souterrains des mines, par exemple, dans lesquels sont employés des garçons et des filles.

Une chambre de commerce du pays, celle de Charleroi, je pense, a appelé jadis nos jeunes houilleurs de véritables petites brutes. Ce sont, en effet, à l'heure qu'il est encore de véritables petites brutes, messieurs. Or, il y a, dans la pétition de l'administration communale de Gand, des motifs parfaitement applicables aux jeunes enfants qui sont employés dans les charbonnages.

Je demanderai donc que cette pétition soit également renvoyée à l'honorable ministre des travaux publics, et je préviens cet honorable ministre que, lors de la discussion de son' budget, je l'entretiendrai particulièrement, je le lui dis dès à présent, du décret de 1813 qui permet d'employer les enfants des deux sexes dans les travaux souterrains des mines, à partir de l'âge de dix ans. Chose horrible à mon avis ! Je donnerai alors quelques avis de nos ingénieurs des mines, dont il n'est pas un qui ne proteste contre cette partie du décret et qui tous en provoquent la modification.

Pour le moment, je me borne, comme je viens d'avoir l'honneur de vous le dire, à demander que la pétition de l'administration communale de Gand soit non seulement envoyée à M. le ministre de l'intérieur, mais à M. le ministre des travaux publics.

M. Simonis. - Messieurs, je ne comprends pas comment l'administration communale de Gand ose renouveler la demande qu'elle a adressée à cette honorable assemblée lors de la session de 1868-1869. Si elle trouve réellement encore des abus aussi criants dans les manufactures gantoises, elle aurait dû commencer par s'entendre avec des industriels de bonne volonté pour apporter quelque amélioration dans l'état de choses dont elle se plaint, et ce n'est, me semble-t-il, qu'après qu'elle aurait eu prouvé à l'évidence que l'initiative privée ne suffit pas, qu'elle aurait été en droit de renouveler sa demande et de réclamer une loi.

Or, messieurs, il n'est pas à ma connaissance que l'administration communale de Gand ait rien fait dans cet ordre d'idées depuis 1869 ; elle est restée inactive ; elle s'est croisé les bras et se contente de renouveler ses plaintes, tandis que dans l'arrondissement de Verviers, où les abus ne sont pas comparables à ceux qui ont été signalés à Gand, toutes les personnes qui s'intéressent à la classe ouvrière se sont émues et, par une organisation sérieuse, elles espèrent rendre une loi inutile.

L'association, messieurs, que nous avons fondée à Verviers a pour but de déraciner, par la persuasion, par la propagande seule, des abus de travail qui existent encore dans certaines manufactures, mais qui, je dois le dire à l'honneur de mon arrondissement, ne sont plus qu'exceptionnels.

Notre société, messieurs, compte, à l'heure qu'il est, 125 membres parmi lesquels figurent les industriels les plus importants de notre localité. Etablie depuis un an à peine, elle commence seulement à exercer son influence salutaire et vous en conviendrez, messieurs, ce n'est guère que dans quelques années que nous pourrons juger des fruits utiles qu'elle aura produits.

La ville de Saint-Nicolas, située aux portes de Gand, a été dotée l'année dernière d'une société semblable. Là on a constaté que les abus sont pour ainsi dire nuls.

J'espère, et ici je m'adresse surtout aux représentants de Gand, de Charleroi, de Mons et, en général, aux représentants de tous les districts industriels belges ; j'espère, dis-je, que vous ne voudrez pas rester étrangers à ce mouvement qui tend à s'accentuer de jour en jour davantage et que bon nombre d'entre vous coopéreront dans leurs arrondissements à l'établissement de sociétés semblables à la nôtre.

J'ai la conviction qu'en stimulant ainsi partout l'initiative privée on fera mieux que par le moyen d'une loi, et les industriels belges n'auront pas à subir la honte de se voir obligés par coercion à remplir un devoir social.

A l'appui de ce que j'avance, messieurs, je n'ai qu'à citer ce qui s'est passé en France. Vous n'ignorez pas que chez nos voisins du midi la loi de 1841 n'a eu pour ainsi dire aucun effet jusqu'au moment où la Société de protection des apprentis et des enfants employés dans les manufactures, est venue leur prêter son concours.

Cette société compte actuellement plus de 2,000 membres, parmi lesquels se trouvent les industriels et les économistes les plus distingués de la France.

Un fait sur lequel j'appelle spécialement votre attention a été signalé dans une brochure qui a été publiée dernièrement par M. Houget, président de notre association verviétoise. Il a trait au district de Mulhouse, qui, remarquez-le bien, n'est pas affilié à la grande société française dont je vous parle.

Voici le passage de la brochure dont il s'agit :

« Malgré la loi de 1841, qui s'adresse à l'aristocratie industrielle française (celle qui emploie plus de 20 ouvriers), il paraît que l'enfance ouvrière ne rencontre pas encore généralement, dans le district d'action de la société de Mulhouse, la bienveillance qu'un simple sentiment d'humanité doit provoquer en sa faveur. Quinze documents, émanés de la Société, à diverses époques, ont signalé le mal en demandant des moyens de répression. »

Ainsi, messieurs, à Mulhouse où la loi agit seule, elle ne produit, pour ainsi dire, aucun effet, tandis que dans la plus grande partie de la France, où l'initiative privée fonctionne concurremment avec elle, il n'y a qu'une voix pour reconnaître que les résultats obtenus sont des plus satisfaisants.

Eh bien, ne pouvons-nous pas espérer atteindre le même but sans l'intervention gouvernementale ? J'en ai l'espoir, et quand même nos efforts devraient échouer contre l'indifférence ou le mauvais vouloir des industriels, quand même, dans la suite, on serait obligé d'avoir recours à une loi, eh bien, les sociétés qui se seraient établies jusqu'alors auraient encore leur raison d'être, car chez nous, comme en France, une loi ne pourrait avoir des résultats sérieux sans le concours de l'initiative privée.

Me plaçant donc uniquement au point de vue pratique, et tout en admettant le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, je demanderai à M. le ministre de vouloir bien user de toute son influence pour encourager l'initiative privée afin de multiplier dans notre pays les sociétés protectrices de l'enfance.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il est à peu près inutile de déclarer que l'appui du gouvernement, je dirai mieux ses vives sympathies et ses vœux les plus ardents, sont assurés aux efforts individuels tels que les a exposés tout à l'heure l'honorable M. Simonis. Nous nous félicitons de voir nos industriels comprendre le besoin de l'instruction pour tous les enfants et éloigner en même temps ceux qui sont les plus faibles, d'un travail trop rude pour leur âge.

(page 328) Le point où commencent les difficultés, c'est celui où il s'agit de peser avec soin et la part d'intervention du gouvernement et la part qu'il faut laisser à l'initiative privée. Il s'agît de celle grave question tant de fois soulevée dans cette enceinte, de déterminer quels sont les devoirs de la société en faveur de ceux que leur âge ne protège pas suffisamment.

Je me suis occupé, messieurs, de l'examen de cette question avec une vive sollicitude. Depuis près de six mois, de nouveaux renseignements ont été demandés à cet égard aux chambres de commerce, et j'ai constaté, non sans un profond regret, que le nombre des femmes et des filles employées dans les travaux souterrains est encore bien considérable aujourd'hui.

Je remarque toutefois avec bonheur (et je le constate volontiers) que des améliorations notables tendent à s'introduire, que les industriels de diverses provinces reconnaissent qu'il faut assurer davantage la bonne éducation des enfants, que c'est là le moyen le plus sérieux d'avoir plus fard de bons ouvriers, mais si des abus subsistent encore, le gouvernement n'a-t-il pas à intervenir ? Doit-il rester complètement désarmé ? Doit-il se borner à des encouragements et à des vœux ?

C'est là que commence, à mes yeux, le problème à résoudre. Dans l'ordre d'idées dont le gouvernement a eu à s'occuper, il y a plusieurs catégories spéciales de travailleurs qui, tout naturellement, ont frappé son attention ; je veux parler des jeunes filles au-dessous de 21 ans qui sont employées dans les travaux souterrains et, d'autre part, des enfants au-dessous de 18 ans qui travaillent dans les verreries, dans les hauts fourneaux et dans d'autres établissements à feu continu. Sur ces deux points surtout, l'attention du gouvernement est vivement portée à rechercher ce qu'il y a lieu de faire.

Des industriels en grand nombre sont d'avis que, si l'on interdisait le travail souterrain aux filles au-dessous de 21 ans, on parviendrait ainsi, dans un délai rapproché, à exclure presque toutes les femmes des travaux souterrains.

D'autre part, il est évident que pour les enfants au-dessous de 18 ans ; il y a des travaux qui empêchent le développement physique et qui offrent les plus sérieux inconvénients.

Toutes ces questions sont l'objet de l'attention la plus assidue du gouvernement, et j'espère, messieurs, que dans un temps prochain j'aurai l'honneur de pouvoir faire connaître à la Chambre quel a été le résultat de l'examen auquel il s'est déjà livré et auquel il continuera à se livrer.

M. Drubbel. - En présence des explications qui ont été données, je n'insiste pas pour le renvoi avec demande d'explications et je pense que l'on peut se borner au renvoi pur et simple au ministre de l'intérieur.

M. le président. - M. Vleminckx a proposé en outre le renvoi au ministre des travaux publics.

- Ce double renvoi est prononcé.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée d'Andrimont, le 14 avril 1870, le sieur Histerman réclame contre une décision de la députation permanents du conseil provincial de Liège qui oblige son fils Nicolas, milicien de 1870, à servir dans l'armée, malgré son exemption par le sort.

Comme sa réclamation n'est pas fondée et que d'ailleurs elle n'est pas de la compétence de la Chambre, votre commission vous propose, messieurs, l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Namur, le 2 avril 1870, le sieur Rifllart demande que son fils Honoré, soldat substituant au 7ème régiment de ligne, incorporé pour absence illégale de son corps, soit réintégré dans sa position primitive.

Cette demande n'étant pas de la compétence de la Chambre, votre commission, messieurs, vous propose l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée d'Eghezée, le 20 novembre 1870, le sieur Goffin, facteur rural dans cette commune, demande une augmentation de traitement.

Entre autres motifs à l'appui de sa demande, il allègue la cherté des subsistances.

Votre commission, messieurs, sans rien préjuger, vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Lelièvre, - J'appuie la pétition et les conclusions de la commission. Je profite de cette occasion d'appeler l'attention du gouvernement sur la position des facteurs ruraux. Ces employés ne reçoivent pas une rémunération convenable et en rapport avec la besogne très pénible dont ils sont chargés ; il y a lieu d'améliorer leur position et M. le ministre des travaux publics ferait réellement chose utile de décréter des mesures à cet égard. Je recommande donc cet objet à la sollicitude de l'honorable ministre.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'examinerai cet objet avec la plus grande sollicitude.

- Les conclusions du rapport sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Velthem-Beyssem, le 20 novembre 1870, le sieur De Clerck réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement de ce qui lui revient du chef de ses travaux de recensement général pour la prédite commune.

Sa réclamation mérite d'être examinée et, par conséquent, votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Verviers, le 16 novembre 1870, des commissionnaires-expéditeurs en cette ville déclarent adhérer à la pétition ayant pour objet la révocation de la convention conclue entre le gouvernement et la compagnie Van Gend pour les transports sur le chemin de fer.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Simonis. - La convention Van Gend constitue, à mon avis, un privilège qui n'est, en aucune façon, justifié.

Il est impossible, dans les circonstances actuelles, aux commissionnaires-expéditeurs de lutter avec la compagnie favorisée, et j'espère que M. le ministre des travaux publics dénoncera, le plus tôt possible, cette convention.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Ce que je puis m'engager à faire dès à présent, c'est d'examiner avec la plus grande bienveillance les pétitions qui m'ont été renvoyées et les observations qui ont été produites.

- Les conclusions du rapport sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Sart-Custinne, le 15 novembre 1870, des habitants de cette commune prient la Chambre d'accorder au sieur Brassine la concession d'un chemin de fer d'Athus à Givet. Le conseil communal de Bourseigne-Vieille a fait la même demande.

Les motifs qu'ils font valoir à l'appui de leur demande méritent d'être pris en considération, et, par conséquent, votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 21 novembre 1870, le sieur Matthys propose des mesures pour améliorer la garde civique.

Il propose : 1° d'accorder à tout ancien officier ou sous-officier de l'armée le droit de conserver son grade dans la garde civique ; 2° de faire un léger sacrifice en faveur des ex-sous-officiers de l'armée qui devraient faire partie du deuxième ban et qui consentiraient de passer au premier ban pour l'exercer ; 3° de faire instruire le plus tôt possible le premier ban par ces ex-sous-officiers et 4° d'utiliser également les ex-caporaux de l'armée.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Charleroi, le 16 novembre 1870, le sieur Duriaux, détenu pour dette commerciale, demande l'abolition de la contrainte par corps en matière de commerce.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

M. Lelièvre. - L'ancien ministère avait proposé une loi à l'effet de supprimer la contrainte par corps. La Chambre des représentants.et le Sénat ont été d'accord sur la nécessité de cette suppression en matière de commerce et vis-à-vis des étrangers.

Je demande que le ministère actuel veuille bien déposer un projet de loi supprimant la voie rigoureuse dont il s'agit sur les points à l'égard desquels il y avait accord entre le Sénat et la Chambre. C'est une mesure d'humanité que je réclame, dans l'intérêt des détenus qui, de l'avis des diverses branches du pouvoir législatif, ne doivent plus être maintenus en état d'écrou,,

M. Cornesse, ministre de la justice. - La contrainte par corps a donné lieu à des discussions très vives dans les deux Chambres et a même soulevé ce que l'on pourrait appeler un conflit entre la Chambre et le Sénat.

Le gouvernement et particulièrement le département de la justice se sont (page 329) occupés de l'examen des questions ressortissant à cet objet, et je puis dire à la Chambre que ces études ne tarderont pas à aboutir et qu'un projet de loi sera présenté dans le courant de la présente session.

- Les conclusions du rapport sont adoptées.

Projet de loi accordant un crédit extraordiniare au budget du ministère de l’intérieur pour construction de maisons d’école

Rapport de la section centrale

M. Kervyn de Volkaersbeke. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale sur le crédit extraordinaire demandé par le département de l'intérieur pour la construction et l'ameublement de maisons d'école.

- Impression, distribution et mise du projet de loi à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics pour l’exercice 1871

Dépôt

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le projet de budget révisé du département des travaux publics pour l'exercice 1871.

- Impression, distribution et renvoi aux sections.

Projet de loi prorogeant les mesures prohibant l'exportation et le transit de certaines marchandises

Dépôt

M. Jacobs, ministre des finances. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi ayant pour but de proroger jusqu'au 30 juin 1871 la faculté donné au gouvernement de prohiber l'exportation et le transit de certaines marchandises.

- Impression, distribution et renvoi aux sections.

Projet de loi allouant un crédit extraordinaire aux budgets des ministère de l’intérieur et des travaux publics pour la voirie vicinale et la grande voirie

Discussion générale

M. le président. - La section centrale, qui a examiné le projet de loi, en propose l'adoption pure et simple.

La discussion est ouverte.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - Messieurs, dans l'exposé des motifs du projet de loi qui est soumis à vos délibérations, nous voyons que la construction de routes est peut-être, de tous les travaux, celui qui assure le plus d'assistance à la classe nécessiteuse, eu égard à la dépense faite.

Il n'y a personne dans cette Chambre qui contestera la vérité de cette assertion et je pense qu'aujourd'hui plus que jamais nous devons tâcher de procurer aux classes nécessiteuses un travail qui puisse suffire à l'entretien de la famille de l'ouvrier pendant la mauvaise saison, surtout en ce moment où les événements extérieurs aggravent encore sa pénible situation.

Je crois, messieurs, qu'il importe de connaître quelle est la position faite à certaines provinces et notamment à la Flandre orientale.

La requête que le conseil provincial a adressée à la Chambre vous a déjà suffisamment éclairés à cet égard et je ne puis mieux défendre sa cause qu'en vous demandant la permission de vous rappeler quelques passages de cette requête.

Voici ce que dit le conseil provincial :

« Par sa requête du 27 juillet 1868, le conseil provincial de la Flandre orientale s'est adressé à votre haute sollicitude pour obtenir, soit la majoration du crédit ordinaire, soit l'allocation d'un crédit spécial et extraordinaire en faveur des travaux d'amélioration de la voirie vicinale.

« L'année dernière, le conseil provincial, se référant à sa précédente requête, a cru devoir insister de nouveau pour que des sommes suffisantes fussent mises à la disposition du département de l'intérieur pour lui permettre de seconder efficacement les communes dans la construction de leurs routes.

« Vous avez examiné avec bienveillance, messieurs, ces demandes, qui tendaient au développement du réseau des chemins vicinaux ; vous avez reconnu et proclamé, dans les discussions, que les voies de communication de commune à commune, en multipliant les relations en en facilitant les transports, exerçaient l'influence la plus heureuse et la plus décisive sur le bien-être moral et matériel des populations rurales qui avaient l'avantage d'en jouir, mais vous avez pensé que le fonds communal aurait procuré aux communes, dans un avenir peu éloigné, les moyens d'exécuter elles-mêmes ces utiles travaux. »

En effet, messieurs, il est extrêmement important de permettre, par des travaux, aux communes d'établir entre elles des relations fréquentes et faciles. Cependant il n'en est pas ainsi dans quelques parties de la Flandre.

Ainsi, pour ne vous citer que quelques communes que je connais plus spécialement, je vous dirai que deux chefs-lieux de canton, Cruyshautem et Nazareth, qui sont limitrophes, ne communiquent par aucune route pavée. Il y a ensuite deux grands centres de population, l'un situé sur l'Escaut et l'autre sur la Lys, à la hauteur de Gavre et de Deynze. Ces centres importants de population, aujourd'hui très éloignés l'un de l'autre, méritent que le gouvernement fasse construire une route qui facilite les communications entre la Lys et l'Escaut.

Il serait peut-être utile, messieurs, de signaler d'autres passages de la requête qui nous a été adressée ; je me bornerai à vous donner lecture des lignes suivantes :

« Abandonnées à elles-mêmes, nos communes seraient impuissantes à exécuter leurs projets déjà formés et à compléter leur système de voies de communication. »

Messieurs, il n'est personne dans cette Chambre qui ne sache que l'abolition des barrières, que j'approuve certainement, a laissé un grand vide dans le trésor des communes. Ainsi les routes qui pouvaient être entretenues précédemment au moyen du produit des barrières sont aujourd'hui complètement privées de cette ressource. Les communes sont obligées de prendre l'entretien de ces routes sur leur revenu ordinaire. (Interruption.)

Quant à moi, je ne puis qu'approuver la suppression des barrières, comme j'ai approuvé la suppression des octrois. Mais quand on prétend que ce sont les communes rurales qui ont perdu à la suppression de l'octroi, on se trompe ; ce sont les communes rurales qui y ont gagné et il me serait facile d'en administrer la preuve. (Nouvelle interruption.)

M. le président. - Restons dans la question.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - De la requête dont il est question, il résulte que 134 projets son en souffrance dans la Flandre orientale. Il importe donc que le gouvernement permette, par des subsides, de rétablir l'équilibre et fournisse aux communes le moyen de réaliser leurs projets.

II n'y a qu'un seul moyen d'atteindre ce but ; mais ce n'est pas avec le crédit qui vous est demandé que vous y parviendrez ; ce crédit est peu de chose en présence de ce qu'il y a à faire dans la Flandre orientale et de ce qu'il y a probablement à faire dans les autres provinces. Pour y parvenir, il faudrait que l'Etat se chargeât d'apurer la situation de la province. C'est le seul moyen vraiment efficace, car les fonds sont engagés jusqu'en 1872 et même jusqu'en 187S.

Il est donc de toute nécessité que l'Etat vienne au secours de la Flandre orientale. l'espère qu'il suffira de recommander à l'honorable ministre la situation dans laquelle se trouve cette province, pour qu'il présente un projet de loi ou qu'il demande un crédit plus considérable qui lui permette de faire exécuter les travaux qu'on y réclame depuis longtemps.

M. Julliot. - Messieurs, je ne m'attendais pas à voir encore proposer des crédits spéciaux pour construction de grandes routes, alors que tout le trafic se fait par chemin de fer, canaux et chemins vicinaux de grande communication. Qu'on fît de grandes routes autrefois pour lier ville à ville, c'est-à-dire les grandes agglomérations de population, cela se comprend, mais aujourd'hui je n'y comprends plus rien.

Un seul motif péremptoire devrait supprimer ce système, c'est qu'en fait de grande voirie vicinale les degrés d'intérêt de chaque commune s'accusent par le sacrifice qu'elle est disposée à faire, mais les grandes routes construites par l'Etat seul ne donnent aucune mesure de leur utilité ; le corps des ponts et chaussées, au nom de l'Etat qui paye, trace les lignes qui leur semblent les plus belles sans s'occuper de la question économique, la seule qui vaille.

Comment ! vous faites intervenir les provinces et les communes sans exception dans le service social le plus indispensable, l'enseignement primaire, et vous exemptez provinces et communes dans les dépenses considérables qui ont plus de la forme d'utilité que de fond.

Ici vous imposez à la généralité des impôts que vous distribuez à quelques-uns qui vous sont désignés par les ponts et chaussées et tout le reste peut s'en passer. On dira peut-être qu'il faut faire des grandes routes à tous, mais cet argument n'est pas sérieux.

Je désirerais donc de voir joindre les deux millions pour la construction de voies vicinales de grande communication

Si, au contraire, le gouvernement persiste dans le système des grandes routes, alors il est de son devoir d'inscrire en tête de sa liste cette route du canton de Looz, qui est réclamée depuis dix ans.

(page 368) M. de Baets. - Chaque fois que le gouvernement demandera un crédit, soit pour l'instruction publique, soit pour la grande ou la petite voirie, je serai tout disposé à le voter des deux mains.

Messieurs, veuillez m'accorder deux minutes.

Je pense qu'il serait utile que l'on se mît d'accord quant à l'emploi des fonds demandés par le gouvernement, pour qu'ils puissent être appliqués encore dans l'exercice qui va s'ouvrir.

Il importe que les conseils provinciaux et les conseils communaux sachent quels sont les fonds que le gouvernement désire utiliser et l'application qu'il se propose d'en faire.

Le concours des communes et des provinces devant fatalement être demandé, il importe que l'on marche ensemble, que l'on fasse un travail arrêté de commun accord par toutes les parties intéressées.

Il est même bon que, d'avance, on indique aux employés de l'Etat, à ceux qui sont chargés de faire la répartition, c'est-à-dire de couper le gâteau et de le distribuer entre les convives, pour que l'on puisse examiner si la distribution n'est pas trop mal faite.

Ainsi, dans le temps, quand le ministère des travaux publics demandait une somme de 1,500,000 francs pour construire des affluents aux stations, j'ai dit : Vous devez fatalement, nécessairement, obligatoirement allouer à notre district une bonne portion de ce crédit, et je le prouvais.

Je disais : Une des communes les plus importantes du district de Gand avait, avant l'établissement du chemin de fer, le canal de Gand à Ostende et, à côté de ce canal, une grande route qui était la voie de l'Angleterre non seulement vers la Belgique, mais vers l'Allemagne.

Je disais : Voilà une commune de 4,000 à 5,000 âmes qui, par la construction du chemin de fer de l'Etat, a perdu la moitié de son passage sans rien recevoir en échange.

Après cela, le chemin de fer d'Eecloo est venu contourner la commune de l'autre côté, de façon qu'elle s'est trouvée dans un cercle de fer et qu'elle a perdu ce qui buttait de circulation. La commune de Lovendegem a encore son commerce, son indutlrie locale, mais elle n'a plus les immenses ressources que lui procurait le transit entre Ostende, Gand et Bruxelles.

Or, comme cette commune se trouve entre deux chemins de fer, je me disais : Puisqu'elle n'a fait que souffrir de l'établissement du chemin de fer, il est logique, il est élémentaire de la dédommager en la dotant de 5 kilomètres de route conduisant de Lovendegem à Sleidinge.

Eh bien, cela n'a pas réussi ; je ne sais trop pourquoi ; probablement parce que c'était bon. (Interruption.) C'est souvent un motif de ne pas réussir.

J'espère bien que M. Wasseige, qui occupe pour la première fois le banc ministériel, tâchera de prouver à toutes les provinces (je ne demande pas de faveur pour mon district) qu'il ne fait pas des travaux publics une question politique, mais seulement une question d'administration.

Il serait même bon peut-être, permettez-moi cette hérésie, il serait même bon que le ministre des travaux publics ne soit pas représentant ; il pourrait ainsi mieux échapper à toutes les sollicitations. Mais je crois que M. Wasseige aura assez d'énergie pour résister à l'entraînement des députés.

Je recommande à l'attention toute spéciale du gouvernement un travail qui pourrait avoir, non pas seulement pour mon district, mais pour toutes les communications interprovinciales : je veux parler de la construction d'une route, qui aurait une utilité qu'on n'a peut-être pas encore soupçonnée.

Lorsque Wellington était à Bruxelles avant la bataille de Waterloo, il a dit que si l'Angleterre avait la Belgique sous sa dépendance, il serait construit immédiatement une voie militaire de Bruxelles sur Ostende, allant par Ninove, Sottegem, Gavre, Deynze et Thielt,

Je ne demande pas de voie militaire, je ne demande que des voies pacifiques ; mais là où l'on peut faire passer des canons, on peut aussi faire passer des charrettes.

Je me place au point de vue industriel, commercial et agricole. Eh bien, à ce point de vue la voie la plus courte de Bruxelles à Ostende serait par les localités que je viens d'indiquer. Vous me ferez observer que l'on détourne ainsi les communications de Gand. Cela m'est égal. Le mal que vous redresserez sera un bien pour tous et je ne me renfermerai jamais dans le cercle étroit de l'égoïsme.

Je sais bien que les grands transports à de grandes distances se font par chemin de fer, mais il reste les communications de ville à ville, de commune à commune, et souvent, c'est ici le cas, les voies de communication sont insuffisantes. Il faut voir comment la voie, dont je demande l'élargissement, l'aménagement, grimpe sur les collines, plonge dans les ravins et se trouve souvent impraticable ou praticable seulement pour le petit roulage ! Elargissez, rectifiez, aplanissez, et vous aurez fait œuvre utile.

Vous aurez relié non seulement des villes à des villes, des communes à des communes, mais vous aurez relié des routes, des chemins de fer, des rivières et des fleuves.

Je laisse les cantons de Deynze et de Nazareth dont l'honorable M- Kervyn défend si bien les intérêts et, partant de Gavre, c'est-à-dire du bord de l'Escaut, je traverse la riche contrée qui s'étend jusqu'à Ninove, rencontrant les routes de Gand à Hundelgem, de Gand à Grammont, plusieurs chemins de fer, la Dendre, etc., et toutes ces voies je, les relie ensemble par une voie perpendiculaire.

L'utilité du travail ne pourra sérieusement être contestée.

J'ai indiqué un travail analogue en demandant, dans une des dernières séances, l'achèvement du chemin de fer de ceinture de Gand et aussi l'achèvement du canal de ceinture de cette ville. II n'y a aucun mode plus recommandable que celui qui consiste à établir une circonférence ; car, en créant alors des lignes rejoignant la circonférence, on fait chose utile à tous. (Interruption.)

M. le président. - Faites silence, messieurs.

M. de Baets. - Cela ne m'empêche pas de parler, M. le président. C'est peut-être un système, mais je n'en dirai pas moins ce que j'ai à dire. Il ne suffit pas de favoriser toujours les noyaux, il faut aussi que cette faveur s'étende, par des rayonnements, jusqu'aux points les plus éloignés.

Je le demande encore, pourquoi ne fait-on pas, pourquoi les ingénieurs ne proposent-ils pas un grand chemin qui s'indique de soi-même ?

Il y a la Lys, le chemin de fer de l'Etat vers Courtrai, la chaussée d'Audenarde, l'Escaut, la chaussée de Termonde, le chemin de fer de Waes, la chaussés d'Anvers, le canal et le chemin de fer de Terneuzen. Reliez toutes ces voies et les nombreuses et importantes communes qu'elles traversent.

(page 369) Aidez au moins les particuliers qui viennent dire à l'Etat, à la province, et aux communes : Si vous n'avez pas d'argent à donner pour exécuter ce travail, nous en ferons les frais et vous nous rembourserez plus tard.

Messieurs, la discussion a amené, de la part de quelques membres, une observation dont je désire faire mon profit.

On a dit que l'on applaudissait à la suppression des barrières.

Je suis de l'avis de l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke ; les barrières, comme toutes les autres entraves, nuisaient à l'agriculture. Eh bien, messieurs, je vais vous signaler un fait qui vous étonnera peut-être. Vous savez que les honorables députés de Bruxelles ont demandé avec énergie, il y a quelques années, et ont obtenu la suppression du péage de 2 centimes qui était payé au pont rue des Palais, pour aller à Laeken. Eh bien, je trouve que ce péage n'était pas bon.

Quoi de plus absurde que d'arrêter le voyageur pour lui dire : « Payez-moi 2 centimes et vous pourrez passer. »

Le péage a donc été supprimé. Eh bien, je demande que le gouvernement nous mesure à la même aune. Pourriez-vous croire que, sur le territoire même de la ville de Gand, nous soyons assujettis à des péages ? Ce qui est d'autant plus absurde qu'il existe un moyen de faire disparaître ces péages d'un trait.

D'après une note qui m'a été remise, il y déjà un certain temps, par une personne qui devait parfaitement connaître l'état des choses (note que je n'ai pas eu l'occasion de contrôler, mais que je dois supposer exacte), d'après cette note, on paye pour venir de Tronchiennes à Gand :

Pour chaque cheval non attelé, 8 c.

Pour chaque voiture à 2 chevaux, 24 c.

Etc., etc.

Pour chaque personne passant à pied, 4 c.

Je passe le détail des autres péages sur la route de Gand à Deynze par Tronchiennes, me réservant de reprendre la question à la discussion du budget des travaux publics.

Mais, messieurs, dès à présent, je dois dire que la commune de Tronchiennes, qui est située à une demi-lieue de Gand, est une des localités les plus importantes de l'arrondissement ; elle nous fournit un nombre considérable d'ouvriers et elle nous en fournirait bien davantage si cet obstacle n'existait pas.

Eh bien, calculez ce que représente au bout d'une année le péage payé par les ouvriers de toute espèce, par l'agriculture et le commerce.

Mais vous me direz : Une concession a eu lieu ; une société s'est formée et a consacré des capitaux à ce travail ; il faut qu'elle perçoive un péage pour retirer l'intérêt de ses capitaux.

C'est parfaitement vrai. Mais n'est-il pas également vrai que les sociétés des chemins de fer que vous rachetez ont fait la même opération ? Pourquoi dès lors ne rachèteriez-vous pas les péages perçus dans la ville de Gand ?

Il est d'autant plus facile d'opérer ce rachat que décrétant une nouvelle voie de communication de Tronchiennes au quartier d'Akkergin, le péage disparaîtrait inévitablement tout de suite.

Pour le public, il n'y aurait pas l'embarras du choix. On choisirait la route non imposée.

J'espère bien que le gouvernement portera aussi son attention sur cette question et que, comme il nous a débarrassés des barrières et des octrois, il nous débarrassera aussi d'autres entraves, y compris la douane.

Je recommande ces considérations à l'attention sérieuse de l'honorable ministre des travaux publics.

(page 329 ) M. de Theux. - Il y a longtemps qu'on a signalé quels étaient les principes qui devaient diriger le gouvernement dans la répartition des subsides pour les chemins vicinaux entre les provinces. Un principe qui me semblait généralement admis, c'est qu'il fallait avoir égard, d'une part, à l’étendue territoriale, et, d'autre part, aux ressources des diverses (page 330) provinces, et ensuite à la possibilité que l'on avait de se procurer des matériaux.

On vous a parlé tout à l'heure de la Flandre orientale. Cette province a fait de grandes avances pour hâter le plus possible la construction des chemins vicinaux, ce dont je la félicite. Si la province de Limbourg n'a pas pu pousser aussi vite les travaux des chemins vicinaux, c'est qu'elle a été privée de ses principaux revenus, des principales parties des districts de Maestricht et de Ruremonde, qui étaient certainement les plus riches de la province et qui ont dû être cédées pour assurer la sécurité de la Belgique.

La province de Luxembourg a droit aussi à être bien traitée, puisqu'elle a dû aussi sacrifier une partie de son territoire dans l'intérêt général. Mais la province, de Limbourg a un titre tout particulier. Ses ressources ne sont pas grandes ; elle contribue autant qu'il est en son pouvoir à tous les travaux publics. C'est ainsi qu'elle prend toujours une part de la dépense de la grande voirie, et qu'elle fait tous les sacrifices possibles pour étendre la voirie vicinale.

Notez encore que dans cette province, que l'on a eu tort de citer dans une discussion antérieure, les communes sont généralement peu populeuses et ont peu de ressources.

Si donc on voulait la priver de la part que le gouvernement lui a allouée à juste titre dans les répartitions précédentes, ce serait un grand préjudice pour cette province, et j'espère que le gouvernement n'entrera pas dans cette voie.

Quant à moi, je suis partisan des travaux par les communes et par les provinces. Je donnerai mon assentiment au crédit demandé. J'espère que le gouvernement ne déviera pas de ses précédents et ne se laissera pas entraîner dans une voie qui serait extrêmement préjudiciable à la province que j'ai l'honneur de représenter.

M. Elias. - Messieurs, l'honorable M. de Theux vient de signaler, pour la répartition des sommes qui sont allouées pour la voirie vicinale, deux bases dont il voudrait que l'on tînt compte. Il vous a parlé de l'étendue du territoire et des ressources des provinces.

Il existe deux autres bases qui ont été signalées autrefois dans cette Chambre, l'une par l'honorable M. Pirmez, l'autre par moi, et qui me semblent mériter aussi quelque considération.

La première, celle que j'avais signalée, consiste à tenir compte de la somme des contributions pour laquelle chaque province intervient dans les contributions générales de l'Etat, et, par conséquent dans la formation de la somme allouée à titre de subside aux diverses provinces.

L'autre, signalée par l'honorable M. Pirmez, réside dans la somme totale de dépenses que les provinces elles-mêmes font pour l'amélioration de leurs chemins vicinaux.

Quand on examine ces deux bases, on constate qu'il y a, dans la répartition actuelle, des inégalités véritablement choquantes.

Quelques-unes ont déjà été signalées par moi. Je n'y reviendrai pas longuement. Je citerai seulement deux ou trois chiffres.

Il existe des provinces qui participent pour 20 p. c. dans les contributions de l'Etat et qui ne reçoivent que 13 p. c. de la somme totale des subsides.

D'autres provinces, au contraire, que je ne signalerai pas ; ne contribuent que pour 3 1/2 p. c. dans les contributions de l'Etat et reçoivent 10 p. c. du subside.

Si nous examinons quelle est la part d'intervention de l'Etat dans la construction des chemins vicinaux, nous voyons que, dans certaines provinces, l'Etat intervient pour 34 p. c. dans les frais de construction et dans d'autres pour 19 p. c. seulement ; dans les unes donc, pour plus du tiers de tous les frais de construction ; dans d'autres, pour moins du cinquième. (Interruption.)

L'honorable M. Pirmez, prédécesseur de l'honorable M. Kervyn, avait promis de déterminer les bases rationnelles qui serviraient à la répartition des subsides ordinaires et extraordinaires.

Je recommande cet objet à l'attention de l'honorable ministre et j'espère qu'il en fera une étude sérieuse et que prochainement il nous fera part du résultat de cet examen. Mon vote dépendra de la réponse que j'obtiendrai sur ce point.

M. Van Hoorde. - Messieurs, je ne puis pas laisser passer sans observations les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Elias.

Si j'ai bien compris mon honorable collègue, son intention est de faire considérer les dépenses résultant du service de la voirie vicinale et de la construction de routes, comme constituant une catégorie de dépenses spéciale, tout à fait à part, sans aucune relation quelconque avec les autres travaux publics, de toute espèce, faits par l'Etat. Il veut qu'elles soient envisagées en elles-mêmes et en elles seules, afin d'arriver, au moyen d'une double base qu'il indique, à une répartition équitable.

Mais, messieurs, je proteste formellement contre une répartition qui serait faite de cette manière ; car, loin d'être équitable, elle serait profondément injuste.

Comment ! l'Etat a dépensé en travaux publics de toute nature, depuis la fondation de notre indépendance, en dehors des crédits budgétaires ordinaires, et indépendamment des sommes affectées à la défense nationale, au moins 500 millions de francs.

Je n'ai pas le chiffre exact sous la main. Je ne m'attendais pas à devoir le produire aujourd'hui ; et je pourrais encore moins préciser ce qu'a obtenu telle ou telle province, la Flandre orientale par exemple, dont les députés demandent bien des choses, et qui cependant n'a pas toujours été oubliée, je pense ; ou la province de Liège que représente plus particulièrement M. Elias.

Mais quant à celle-ci, j'ose affirmer qu'elle a eu, au moins, sa part. J'ose affirmer, par contre, que la province de Luxembourg qui constitue, à elle seule, eu égard à son étendue territoriale, la sixième partie du pays, n'a pas reçu, en tout, la quarantième partie de cette somme énorme de 500 millions.

M. Bouvier. - C'est très exact.

M. Van Hoorde. - C'est pour cela que je m'oppose de toutes mes forces à ce qu'on ne tienne compte ainsi que d'une seule classe de travaux, la mettant en regard du chiffre des contributions payées par chaque province ; ou tout au moins à ce qu'on élague du chapitre des voies de communication les voies ferrées et les voies navigables. Je suis certain que, uniquement pour l'établissement de ses chemins de fer et l'amélioration de ses cours d'eau, l'Etat a déboursé plus de 400 millions.

Or, quelle est, je vous le demande, la portion du Luxembourg dans ces 400 millions ? Elle est évidemment infime.

Je conclus donc, messieurs, que pour arriver à une répartition réellement légitime des deniers publics consacrés à la voirie, grande et petite, il est impossible de se placer au point de vue spécial de l'honorable M. Elias. La question est plus haute, et il ne s'agit pas de voir ce que telle ou telle province a coûté, en matière de routes et de chemins, et ce qu'est le montant de ses contributions ; il convient d'examiner ce que le trésor a dépensé, en toutes matières, pour accroître le bien-être matériel des différentes parties du royaume. C'est ainsi, et ainsi seulement qu'on parviendra, par des compensations, à une répartition rationnelle.

Alors, au lieu d'être lésée dans le partage des deux millions que nous allons voter, comme elle le serait dans le système que je combats, la province de Luxembourg y trouvera de quoi donner satisfaction à un grand nombre d'intérêts en souffrance. L'arrondissement de Bastogne, notamment, qui est celui où il y a le plus à faire, pourra espérer voir s'améliorer sa voirie vicinale qui est, aucun de ceux qui le connaissent ne me contredira, dans un état pitoyable. Il pourra, en outre, espérer voir décréter bientôt des voies de communication désirées depuis de longues années, et parmi lesquelles j'ai déjà signalé à l'attention de l'honorable ministre des travaux publics celles qui doivent relier le chef-lieu de l'arrondissement à la station de Gouvy, par Tavigny et Limnerlé, les communes de Tillet et d'Amberloup à la station de Sibret, et la commune d'Arbrefontaine à la station de Vielsalm. Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de lui renouveler ici ma recommandation.

M. Elias. - Mon observation n'avait nullement pour but d'éveiller les susceptibilités de mes collègues ; j'avais eu soin de ne citer aucune province.

M. Van Hoorde. - L'allusion était transparente.

M. Elias. - Elle tendait simplement à faire sortir le mode de répartition actuel de l'arbitraire qui le distingue et avait pour but -de faire rechercher des bases nouvelles de répartition.

Je n'ai pas demandé au gouvernement de ne prendre pour base que la somme des contributions payées ; au contraire, j'ai signalé moi-même une seconde base : les sommes que les provinces et les communes allouent pour l'amélioration de leurs chemins. J'ai rappelé aussi les bases indiquées par M. de Theux : l'étendue du territoire, la population, l'étendue des terrains cultivés.

En un mot, je voudrais qu'on trouvât des bases réunissant la somme des intérêts et de tous les droits.

Je persiste donc dans mes observations et j'espère que l'honorable ministre voudra bien continuer les recherches commencées par son prédécesseur.

M. de Theux. - L'honorable préopinant a signalé d'abord comme (page 331) base le produit de la contribution foncière, mais il a perdu de vue une chose où se dépensent toutes les contributions perçues. Il est évident que les provinces de Limbourg et de Luxembourg profitent très peu des dépenses générales ; elles fournissent bien, par exemple, des hommes à l'armée, mais elles ne profitent pas des dépenses que l'on fait pour l'armée. Il faut tenir compte aussi de la priorité des travaux faits ; quand certaines provinces étaient déjà richement dotées, les autres étaient encore presque dépourvues.

Le gouvernement ne doit pas oublier que nous sommes une grande famille et qu'il se doit à l'intérêt de tous. Quant à moi, je crois qu'il serait dangereux de se mettre à discuter les détails des revenus et des dépenses.

Une autre base spéciale, c'est que plusieurs provinces riches en mines de charbons, de fer et en carrières fournissent aux provinces qui en sont privées et retirent un grand bénéfice des travaux et des dépenses qui se font ailleurs.

Enfin, il y a toute une série de considérations que je ne veux pas reproduire ici ; je veux me borner à indiquer l'étendue territoriale et les ressources des provinces ; car il est juste que les provinces, privées d'avantages qui sont pour d'autres une source de produits, puissent participer également à la prospérité générale.

M. Bouvier. - L'honorable M. Elias, sans vouloir faire une allusion directe à la province de Luxembourg, a fait une insinuation qui ne permet pas de douter que cette province n'ait été mise en cause dans son discours.

Messieurs, il faut, dans la répartition des sommes destinées à l'établissement de voies vicinales, tenir compte de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve une grande province comme le Luxembourg.

Il n'y a pas là, comme dans la province de Liège, des canaux, des voies navigables, la Meuse, par exemple, qui a été canalisée avec les ressources de toute la nation pour des sommes considérables.

Il n'y a pour ainsi dire pas de chemins de fer dans le Luxembourg tandis que dans la province de Liège on en rencontre à des distances très rapprochées.

La Chambre a pu constater déjà quelle peine nous avons eue à obtenir un chemin de fer jusqu'à Virton.

II y a chez nous des centres de population qui sont à de grandes distances de voies de communication faciles ; la province de Luxembourg a besoin de subsides pour obtenir des points de contact dont certaines communes se trouvent dépourvues aujourd'hui pour communiquer entre elles.

Le gouvernement retrouverait bien vite une compensation de ces dépenses dans l'impôt foncier qu'augmenterait la plus-value des propriétés mieux cultivées par la facilité du transport des engrais.

Autrefois nous avions, dans le Luxembourg, la chaux à prix réduit, et aujourd'hui ce petit avantage nous a été enlevé.

Nous faisons tous nos efforts pour établir des raccordements avec les grands centres de population, mais la Chambre sait bien que le Luxembourg n'est pas riche et j'estime qu'il y a lieu de tenir compte de la situation de cette intéressante province.

Chaque dépense faite dans l'intérêt de la voirie vicinale est toujours une bonne dépense, surtout au point de vue agricole.

Le gouvernement tiendra compte dans la répartition des subsides, de l'étendue territoriale des provinces et de l'exiguïté des ressources de certaines communes. J'aime à croire qu'il n'aura d'autre guide dans la distribution des subsides que le sentiment de la justice et de l'impartialité et qu'il fera profit des observations faites par M. le comte de Theux en ce qui touche la province de Limbourg, qui a une grande similitude avec la province dont je défends les intérêts.

M. Lefebvre. - Dans cette discussion, on a parlé de la suppression des barrières, et l'Etat ayant supprimé les barrières, je ne comprends pas qu'il autorise les provinces et les communes à établir de nouvelles barrières.

Je demanderai au gouvernement d'engager ces administrations de recourir à d'autres moyens pour obtenir les ressources dont elles ont besoin et à les informer qu'il n'accordera plus aucun subside pour les routes sur lesquelles on voudrait établir de nouvelles barrières. (Interruption.)

M. Beeckman. - Je n'entrerai pas dans le débat soulevé par quelques honorables préopinants ; je laisse au gouvernement le soin de répartir la somme comme il le jugera convenable. Quant à moi, je voterai avec reconnaissance les deux millions que l'on nous demande pour la voirie vicinale.

Messieurs, je me permettrai de faire une simple remarque à la Chambre et je la soumets à l'appréciation éclairée de M. le ministre des travaux publics.

Vous avez tous observé, en parcourant vos arrondissements, qu'en général les grandes routes qui sont parallèles au chemin de fer sont peu fréquentées ; je dirai plus : en règle générale, ces routes sont, pour ainsi dire, abandonnées.

Vous remarquerez aussi que ces routes ont le plus souvent à peu près le double de la largeur qu'ont les routes ordinaires ; et comme l'entretien des routes est toujours en rapport avec la largeur, il s'ensuit que, pour entretenir les grandes routes qui ne sont pas fréquentées, vous dépensez à peu près le double de ce que coûtent les routes vicinales qui sont beaucoup fréquentées.

Je demanderai donc que M. le ministre des travaux publics veuille bien examiner si le moment n'est pas venu de rétrécir les grandes routes qui sont parallèles au chemin de fer ; d'un autre côté, en rétrécissant ces routes, vous diminuerez la dépense d'entretien, et vous viendrez en aide d'une manière colossale, dirai-je, à la construction des routes vicinales.

Ainsi, par exemple, la route de Bruxelles à Liège n'est plus fréquentée aujourd'hui, et par le rétrécissement de cette route, vous pourriez construire, dans les provinces de Brabant et de Liège, peut-être la moitié des voies de communication qui y sont actuellement demandées par différentes localités.

Je prie donc encore une fois M. le ministre des travaux publics d'examiner attentivement la question et de voir s'il n'y a pas moyen d'arriver au résultat que j'indique.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, tous les projets de loi soumis à la Chambre qui ont pour objet l'exécution de travaux d'utilité publique, sont accueillis avec la plus vive sympathie et votés à l'unanimité. Les dissentiments ne se déclarent que lorsqu'il faut régler la répartition des fonds sollicités. C'est ici que commence le rôle le plus pénible et le plus difficile réservé au gouvernement.

A différentes reprises, on s'est occupé de cette grave question de la répartition des crédits de ce genre.

Dès 1853, sous le ministère de l'honorable M. Piercot, on rencontre dans les documents parlementaires une note où l'on a cherché à déterminer quelles devaient être les bases de la répartition. Voici celles qu'on indiquait :

Les fonds de la voirie vicinale ne doivent pas seulement répondre à des intérêts locaux ; il faut les mettre en relation avec un système plus étendu ; il faut qu'ils servent l'intérêt général, ou tout au moins s'ils ne s'y rapportent pas directement, il faut qu'ils se justifient par l'intérêt de l'hygiène, qui est aussi un intérêt général.

Il faut enfin que l'exécution de ces travaux soit en quelque sorte le complément de travaux déjà entrepris, afin qu'on arrive ainsi à constituer un vaste ensemble de communications utiles.

Telles étaient, messieurs, les bases indiquées, dès 1853, dans les documents parlementaires. Mais on reconnut bientôt qu'il était très difficile de les appliquer.

A une époque déjà bien éloignée, on remarque que, dans la répartition des crédits, nos provinces ont été divisées en deux catégories. L'une partie reçoit un subside annuel de 95,000 francs, l'autre un subside annuel variant de 118,000 à 120,000 francs.

Dès le premier moment de mon administration, je me suis occupé des moyens d'assurer le développement de la voirie vicinale. Le 12 juillet, j'adressais aux administrations provinciales une circulaire pour les inviter à faire connaître leurs besoins. J'ai reçu les réponses de la plupart des provinces, et une seule, la Flandre orientale, dont on a beaucoup parlé aujourd'hui, faisait connaître que le montant des subsides restant à accorder afin de compléter la part d'intervention de la province et de l'Etat dans les travaux déjà exécutés ou en cours d'exécution atteignait le chiffre de 3,000,000 francs. Or, il ne s'agissait, messieurs, que d'une seule province.

Le même travail a été exécuté dans mon département et je suis arrivé à des résultats bien plus considérables encore, car pour plusieurs provinces on évalue les travaux de voirie vicinale qui restent à exécuter à des chiffres qui s'élèvent de 10 à 20 millions par province.

Il est donc certain qu'il y a des besoins très sérieux, très considérables qu'il importe de satisfaire. Mais il y a lieu de se demander quelle est la part d'intervention qui incombe à l'Etat, si l'Etat seul doit agir ou si sa mission n'est pas plutôt de provoquer et de faciliter les travaux qui intéressent les provinces et les communes.

En effet, messieurs, lorsqu'on invoque les statistiques qui mettent sous (page 332) nos yeux les travaux exécutés dans une longue période, dans une période de 25 ans qui commence à 1840 et se termine à 1865, on constate que la part d'intervention n'a pas été égale pour tous les pouvoirs qui se sont associés à ces travaux. Dans un chiffre de dépenses considérables qui atteint, si je ne me trompe, 60 ou 70 millions, on voit que l'Etat est intervenu pour 17 millions, que les communes sont intervenues pour 27 millions, mais que la part des provinces n'a été que de 10 millions.

Je pense donc, comme l'honorable représentant de Liège, que les provinces ont quelque chose de plus à faire ; et tout en reconnaissant - je reviendrai tout à l'heure sur ce point - que la province de Flandre orientale à des griefs légitimes à élever, je me demande si cette province elle-même a fait assez pour le développement de sa voirie vicinale, et j'ai des doutes à cet égard, lorsque je remarque que le chiffre porté à son budget provincial ne monte qu'à 58,000 francs.

J'ai donc eu, messieurs, à rechercher quelles sont les bases sur lesquelles doit reposer l'intervention du gouvernement, comparée à celle des provinces et des communes.

Il est évident que le gouvernement doit tenir compte de ce que représentent les parts réunies des communes et des provinces ; et si, jusqu'à ce moment, on a admis que la part de l'Etat ne doit être que du tiers de la dépense, il est certain que le gouvernement est tenu de venir en aide d'abord aux administrations communales ou provinciales qui viennent lui offrir une plus large part de concours.

Mais cette base n'est évidemment pas la seule, et plusieurs honorables préopinants déjà ont signalé l'étendue territoriale des différentes provinces. Je me suis livré à quelques études à cet égard, et je remarque, en effet, que la situation de la voirie vicinale, dans les différentes provinces, présente, eu égard à leur étendue, de notables différences.

Ainsi, dans la province d'Anvers, on trouve moins de deux mètres courants de voirie vicinale par hectare de superficie, tandis que, dans la province de Hainaut, la proportion s'élève à près de dix mètres, c'est-à-dire que la voirie vicinale est cinq fois plus développée dans le Hainaut que dans la province d'Anvers.

Ces chiffres, messieurs, semblent indiquer qu'il y a des besoins à satisfaire.

Si certaines provinces sont pauvres, si les ressources de ces provinces et des communes qui en dépendent ne permettent pas l'exécution aussi rapide qu'ailleurs des travaux de la voirie vicinale, il n'en est pas moins établi que, dans ces cas, il y a un devoir qui incombe au gouvernement, car souvent c'est dans les provinces les plus pauvres qu'il est le plus utile de créer de nouvelles voies de communication.

Enfin, à côté de cette situation générale des provinces, il y a des localités qui manquent de ressources et ce sont celles-là encore qui souvent ont le besoin le plus urgent de ces travaux de voirie vicinale afin de sortir de cet état de torpeur et de misère dans lequel elles languissent aujourd'hui.

Cette fois encore, il est évident que l'Etat doit exceptionnellement adopter un système d'encouragement plus puissant et plus large en faveur de ces communes dont la situation spéciale appelle son appui et sa protection.

Telles sont les bases dont le gouvernement a à tenir compte.

D'une part, encourager les provinces et les communes à intervenir largement par dés subsides considérables et venir en aide d'abord à celles qui tendent la main la plus généreuse au gouvernement pour arriver à l'exécution de ces travaux ; ensuite, apprécier avec sollicitude les besoins des provinces où une grande étendue de territoire exige le rapprochement des populations ; enfin, tenir compte, mais d'une manière plus restreinte, de la situation malheureuse des communes qui réclament une prompte assistance.

Voilà les bases qu'il y a lieu de ne pas perdre de vue. Dans quelle proportion faut-il les associer ? C'est ce que mon département recherche en ce moment ; il s'efforcera de concilier les intérêts généraux et les intérêts particuliers.

Dès aujourd'hui, la Chambre peut être convaincue qu'en votant le crédit sollicité elle ne viendra pas seulement en aide à la classe laborieuse dans une situation qui a créé des besoins passagers, mais aussi qu'elle créera, pour l'agriculture et pour la prospérité du pays, des éléments de progrès durables.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, je commencerai par remercier l'honorable M. de Baets de la bonne opinion qu'il a exprimée sur mon compte.

Dans la répartition du crédit que je sollicite, je n'aurai égard qu'aux besoins réels et, comme il me l'a recommandé, sans me laisser influencer par des passions libérales ou catholiques.

Je suis certain que l'honorable M. de Baets joindra l'exemple au précepte et qu'il se gardera de m'influencer, si ce n'est au point de vue de l'intérêt général.

Je n'ai pas de crédit à distribuer par province et je n'entrerai pas dans l'examen des questions qui viennent d'être parfaitement traitées par l'honorable ministre de l'intérieur. Je prends chaque affaire en particulier, à mesure qu'elle se présente, et j'y applique la somme que je crois justifiée.

C'est ainsi qu'il existe des différences très notables entre les subsides accordés aux diverses provinces du pays. Dans ce moment - ceci est de nature, je pense, à faire plaisir à mes honorables collègues des Flandres, - la Flandre orientale se trouve exceptionnellement bien partagée.

En effet, dans les subsides promis jusqu'au 9 décembre 1870, la Flandre orientale tient le premier rang ; elle se trouve avoir à mon département, un crédit ouvert à concurrence de 154,821 francs.

J'espère que ce renseignement fera plaisir à mon honorable collègue et ami, M. Kervyn de Volkaersbeke.

L'honorable membre a parlé, entre autres, d'un chef-lieu qui se trouve dans l'isolement, de Cruyshautem.

Or, précisément, l'Etat fait construire une grande route qui doit coûter 300,000 francs et qui reliera Cruyshautem à Nederzwalm-Hemelgem, en passant par Auwegen et la station de Syngene.

Déjà une première section avait été adjugée au prix de 75,000 francs. Une autre vient de l'être pour 40,000 francs, soit en tout 115,000 francs.

Je pense que, moyennant ces travaux, Cruyshautem ne se trouvera plus isolé et que mon honorable collègue sera satisfait.

M. Julliot nous a dit qu'on ferait bien de supprimer les allocations destinées aux routes pour en employer le montant aux chemins de grande communication reliant les localités aux stations ou aux artères principales. En général, je suis de son avis et c'est ce que nous faisons au département des travaux publics. Ainsi nous construisons actuellement peu de routes et nous dépensons la plus forte partie de nos ressources à ce que nous appelons les affluents. Cependant le principe de M. Julliot ne peut pas être appliqué d'une manière générale ; il existe encore des localités trop déshéritées pour que l'Etat n'intervienne pas en leur faveur, mais je constate avec bonheur que M. Julliot n'a pas poussé le rigorisme à l'extrême.

M. Beeckman ne nous a pas invités à supprimer des routes ; il s'est borné à nous demander de les rétrécir ; c'est une chose à examiner ; l'honorable membre nous a donné de bonnes raisons pour appuyer sa demande ; je dois toutefois lui faire observer que si les routes étaient rétrécies, les dépenses d'entretien n'en diminueraient pas pour cela dans une proportion correspondante, car les routes étroites s'usent plus que les routes larges.

Nous sommes occupés en ce moment, au département de travaux publics, à étudier un système de chemins de fer routiers qui est appelé, je pense, à se développer et à produire de grands avantages. Pour établir des chemins de fer routiers, il faut des routes très larges ; j'examinerai donc les deux systèmes simultanément, et je ne me déciderai à rétrécir que si je suis convaincu qu'il n'y a pas lieu de tirer parti du nouveau système auquel je fais allusion.

Un mot à M. Lefebvre, qui a parlé des péages. Je veux bien reconnaître que les péages n'ont plus de raison d'être après la suppression des barrières, mais l'honorable membre admettra, sans doute, que le gouvernement doit agir avec prudence en cette matière plus peut-être qu'en beaucoup d'autres.

C'est ce que je me propose de faire tout en ayant soin de prendre en considération les observations qui m'ont été présentées.

M. Magherman. - L'honorable ministre de l'intérieur, tout en constatant les grands besoins de la Flandre orientale en matière de voirie vicinale, a émis l'opinion que cette province ne contribue pas dans une mesure assez large dans les frais de cette branche du service public.

Je pense qu'en exprimant cette opinion M. le ministre ne tient pas compte de certains faits que je crois utile de lui rappeler.

Le conseil provincial de la Flandre orientale, dès les premières années de son institution, a voté un emprunt de deux millions qui a été entièrement consacré à la construction de routes. Au moyen de cette somme six routes provinciales ont été construites dans la Flandre orientale,, sans aucune intervention de l'Etat. Tandis que les autres provinces, notamment le Brabant, la Flandre occidentale et le Hainaut, les routes de la même catégorie ont été construites soit par l'Etat avec l'intervention de la province, soit par la province avec une large part contributive de l'Etat. Les intérêts de cet emprunt pèsent encore toujours sur la situation financière de la (page 333) Flandre orientale et il convient certainement d'en tenir compte dans la somme des sacrifices que s'impose cette province pour le service de la voirie.

Il est une autre circonstance qui ne doit pas être perdue de vue en ce qui concerne plus spécialement l'arrondissement d'Audenarde.

Il est peu d'arrondissements qui ne profilent pas, dans une certaine mesure, des avantages concédés par l'Etat en matière de chemins de fer, soit par la jouissance immédiate du passage de ces voies de communication, soit par la garantie d'un minimum d'intérêt en faveur des lignes qui les desservent. Eh bien, l'arrondissement d'Audenarde ne possède pas sur son territoire un mètre de voie construite par l'Etat ; il ne jouit pas d'un centime de minimum d'intérêt en faveur des voies qui le traversent. Tout ce que cet arrondissement possède de voies ferrées, il le doit à l'industrie privée et en partie au concours pécuniaire de ses habitants. De ce chef, il y existe une grande inégalité au préjudice de l'arrondissement d'Audenarde et ce n'est que dans la construction de routes pavées sur son territoire, que l'arrondissement d'Audenarde peut trouver une juste compensation.

Il est vrai que l'honorable ministre des travaux publics vient de citer une route de grande utilité qui s'y construit actuellement, celle de Cruyshautem par Synghem à Nederswalm-Hermelghem. C'est là un commencement de réparation due à nos efforts, et j'espère que les honorables ministres de l'intérieur et des travaux publics persévéreront dans cette voie.

J'estime que ces considérations seront de nature à faire revenir l'honorable ministre de l'intérieur de l'opinion qu'il s'est faite sur l'insuffisance des sacrifices que s'impose la Flandre orientale qui contribue, du reste, pour une large part dans les charges de l'Etat.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Le vote des deux millions, dont a parlé l'honorable M. Magherman, remonte à une époque très éloignée, à trente ans, je pense, et je persiste à croire que le conseil provincial de la Flandre orientale peut faire pour la voirie vicinale plus que les 58,000 francs qu'il a portés à son budget.

Je reconnais d'ailleurs, par les chiffres que j'ai déjà invoqués, qu'au point de vue de l'étendue territoriale, cette province se trouve dans une situation qui légitime ses griefs.

Tandis que la proportion de la voirie vicinale atteint par hectare une longueur de près de dix moires pour le Hainaut, elle n'est que de deux et trois mètres pour les provinces d'Anvers, de Limbourg et des deux Flandres.

La Flandre occidentale se trouve, à ce point de vue, dans une position plus mauvaise que celle du Limbourg, et la Flandre orientale se place entre le Limbourg et le Luxembourg. Si l'on ajoute aux arguments basés sur l'étendue de la province, d'autres considérations qui se fondent sur son développement agricole et industriel et sur l'importance de sa population, il est évident que la Flandre orientale a de légitimes griefs à faire valoir.

- La discussion générale est close. La Chambre passe à la discussion des articles.

Discussion des articles

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Un crédit extraordinaire d'un million de francs est ouvert au département de l'intérieur pour améliorations à apporter à la voirie vicinale et travaux d'assainissement. »

-- Adopté.


« Art. 2. Un crédit extraordinaire d'un million de francs est ouvert au département des travaux publics pour travaux de raccordement de routes aux chemins de fer de l'Etat et aux chemins de fer concédés, redressements et améliorations de routes à la traverse des chemins de fer, subsides pour aider à l'établissement de chemins vicinaux aboutissant à des stations. »

- Adopté.


« Art. 3. Les dépenses faites en vertu des deux articles précédents seront couvertes soit par des bons du trésor, soit par l'émission d'obligations de la dette 4 1/2 p. c. (sixième série). »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

89 membres répondent à l'appel.

88 membres répondent oui.

1 membre (M. Frère-Orban) s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Anspach, Bara, Beeckman, Berge, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Brasseur, Coomans, Coremans, Cornesse, Couvreur, Cruyt, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baets, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, Delaet, Delcour, De Le Haye, de Lexhy.de Liedekerke, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Elias, Funck, Gerrits, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jottrand, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lescarts, Liénart, Magherman, Mascart, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Orts, Puissant, Rogier, Schollaert, Simonis, Snoy, Tesch, Thibaut, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Verwilghen, Vilain XIIII, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters et de Naeyer.

M. le président. - M. Frère-Orban, qui s'est abstenu, est prié, aux termes du règlement, de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Frère-Orban. - Messieurs, j'ai demandé la parole, au moment où M. le président a déclaré que la discussion était close. (Interruption.) Je n'ai pas réussi à me faire entendre. Je ne m'en plains pas. Mais je me suis abstenu, pour présenter dans mes motifs d'abstention les observations que je crois utile de soumettre à la Chambre.

Je n'ai naturellement pas d'objection à faire contre le crédit qui nous a été demandé. Les subsides pour la voirie vicinale sont généralement admis comme vient de l'être le crédit sollicité par le gouvernement ; mais j'aurais voulu appeler l'attention de la Chambre sur le mode proposé pour couvrir cette dépense.

On couvre cette dépense non avec les ressources ordinaires du trésor, non avec des excédants de revenus, mais à l'aide de l'emprunt. On autorise le gouvernement à couvrir la dépense par l'émission d'obligations de la dette 4 1/2 p. c.

Je crois qu'il importe d'examiner avec attention si ce mode ne peut pas présenter des inconvénients sérieux. L'émission se faisant par petites parties de titres qui sont lancés successivement sur le marché, peut finir par nuire singulièrement à notre crédit. Je crois que ce n'est pas là un bon mode d'opérer.

Il est bien vrai que des lois qui ont été votées dans la session précédente ont réservé au gouvernement la faculté d'accroître la sixième série du fonds 4 et demi p. c. On a déjà fait application de ce moyen, mais il ne faut pas en abuser. Il s'agit en réalité d'emprunts qui se font par petites fractions sans que les Chambres, à défaut d'une vue d'ensemble, puissent bien apprécier leur importance. C'est un moyen de s'engager trop aisément dans des dépenses ; c'est enfin un moyen de permettre de fréquentes émissions de titres qui peuvent exercer une influence fâcheuse sur le crédit.

M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, je me permettrai de donner à la Chambre quelques explications en réponse à ces motifs d'abstention qui auraient trouvé leur place dans la discussion même, si M. le président avait entendu que l'honorable M. Frère demandait la parole.

M. le président. - Aucun membre du bureau ne l'a entendu, et je le regrette.

M. Frère-Orban. - Je ne m'en plains pas.

M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, il est une chose certaine, c'est que nous ne pouvons faire ces dépenses extraordinaires pour la voirie que nous soumettons à la Chambre, au moyen des ressources ordinaires du trésor. Ce qui le démontre, c'est que déjà, au mois de juillet, lorsque nous avons demandé des crédits extraordinaires pour l'armée, nous avons demandé l'autorisation de couvrir ces dépenses par une émission.

Si nous l'avons fait à cette époque, c'est que nous avions disposé des ressources ordinaires de l'exercice, de façon à être dès lors obligés de recourir à des ressources extraordinaires pour couvrir les dépenses extraordinaires. Les nécessités qui existaient au mois de juillet existent à fortiori aujourd'hui, puisque, dès le mois de juillet, nos ressources ordinaires étaient consacrées aux dépenses déjà votées.

Que faisons-nous depuis cette époque ? Quand un crédit important est postulé, nous demandons à la Chambre d'être autorisés à ajouter à l'emprunt que nous ferons un jour le montant des crédits dont nous demandons l'allocation. Car, je tiens à le déclarer, aucun emprunt n'a été fait jusqu'à présent en suite des autorisations données. Mais nous demandons l'autorisation, pour le jour où un emprunt sera fait, d'y ajouter les 2 millions que la Chambre vient de nous accorder.

Il ne s'agit pas d'émettre successivement divers petits emprunts ; il s'agit d'indiquer que les crédits votés seront compris, lorsque le moment (page 334) sera venu, dans un emprunt qui, en plusieurs fois, il est vrai, aura été voté par la Chambre et dont le chiffre aura été déterminé par elle.

La situation est celle-ci. Lorsque le moment sera venu d'accroître les ressources du trésor, nous ferons un emprunt qui comprendra tous les crédits votés. Nous ne ferons pas d'emprunts partiels ; nous ferons un emprunt global qui aura été autorisé par la Chambre par les diverses lois successives qu'elle aura votées.

M. Frère-Orban. - Je demande la parole.

M. le président. - Il ne me paraît guère conforme aux usages de la Chambre de discuter des motifs d'abstention. Vous pourriez remettre vos observations à une autre occasion.

M. Frère-Orban. - Je pense que les précédents de la Chambre permettent de discuter des motifs d'abstention. C'est ce que vient de faire M. le ministre des finances. Je crois pouvoir d'autant plus m'autoriser des précédents, qu'ayant été contredit, je suis logiquement appelé à justifier les motifs que je viens de faire valoir.

M. le président. - Si la Chambre ne s'y oppose pas, vous avez la parole.

M. Frère-Orban. - Au surplus, la Chambre comprend que c'est un motif d'intérêt public qui me fait agir en cette circonstance. C'est pour appeler l'attention du gouvernement et de la Chambre sur la bonne administration de nos finances.

M. le ministre des finances vient de dire qu'il n'avait pas l'intention de procéder par voie de petits emprunts successifs, par voie d'émissions successives de titres de la dette 4 1/2 p. c. à ajouter aux titres déjà en circulation ; mais qu'on réunirait les chiffres ainsi votés pour en faire ultérieurement l'objet d'un emprunt.

Je ne pense pas que M. le ministre des finances ait été complètement exact en s'exprimant ainsi. Les projets de loi votés dans le cours de la dernière session autorisent formellement l'émission de titres 4 1/2 p. c. pour couvrir les dépenses extraordinaires qui ont été autorisées. Quoique, à cette époque, on se prévalût de la bonne situation de nos finances et que l'on eût contredit des observations que j'avais présentées à ce sujet ; on a pensé depuis que l'on ne pouvait faire face à ces dépenses sans avoir recours à des ressources extraordinaires.

Aujourd'hui, dans le projet qui vient d'être voté, on a demandé à la Chambre deux facultés : l'une, de pouvoir émettre des bons du trésor, ce qui serait le cas d'application de la règle que vient d'invoquer M. le ministre des finances, c'est-à-dire de préparer les éléments d'un emprunt futur ; et l'autre, qui lui permet d'émettre des obligations de la dette 4 1/2 p. c. (Interruption.)

Voici la disposition qui vient d'être votée.

« Les dépenses. faites en vertu des deux articles précédents seront couvertes, soit par des bons du trésor soit par l'émission d'obligations de la dette 4 1/2 p. c. »

L'honorable ministre des finances est donc autorisé à émettre des titres 4 1/2 p. c. à ajouter à la dette actuellement existante pour une somme égale au crédit et non à réserver cette somme pour la comprendre dans un emprunt à contracter ultérieurement. Son droit est donc clairement écrit, et c'est ce droit que j'examine, ne pouvant apprécier que plus tard l'usage qui en aura été fait.

C'est sur ce point que j'appelle l'attention du gouvernement. C'est là, selon moi, un mode que l'on peut sans doute employer dans des cas exceptionnels, mais qui ne peut passer à l'état de règle et de système pour les crédits extraordinaires que nous pouvons être appelés à voter.

M. Jacobs, ministre des finances. - Je désire répondre quelques mots à l'honorable M. Frère.

M. le président. - Nous allons ouvrir une discussion sur un projet qui est voté.

M. Jacobs, ministre des finances. - Il ne s'agit que de fournir un éclaircissement, car je suppose que je ne me suis pas fait bien comprendre. La situation est celle-ci..

Le gouvernement a été autorisé, lors du vote des divers crédits extraordinaires, à émettre des titres de la dette 4 1/2 p. c. de la sixième série à concurrence des crédits ouverts.

Ces différents crédits s'additionnent en attendant que j'en aie besoin.

L'encaisse du trésor est encore suffisant. Je commence par payer une partie de ces dépenses extraordinaires au moyen de l'encaisse, mais je devrai combler le vide plus tard et je le ferai par l'emprunt.

Je demande à la Chambre, chaque fois qu'elle vote un crédit extraordinaire, l'autorisation de faire un emprunt égal.

Je suis autorisé dès maintenant à faire l'emprunt et même à le faire successivement, attendu qu'aucune règle n'est tracée à cet égard, mais mon intention est de profiter de ces autorisations successives, en bloc, si je puis m'exprimer ainsi, de les masser en quelque sorte au moment où j'aurai besoin de ressources nouvelles.

Il s'agit de faire un seul emprunt au lieu d'en conclure cinq ou six successivement, comme j'aurais pu le faire.

M. Frère-Orban. - Vous avez un blanc seing. C'est ce que je critique.

M. Jacobs, ministre des finances. - Tout emprunt est un blanc seing. Quand j'ai l'autorisation d'émettre des titres de la dette 4 1/2 p. c, je les émets au cours le plus favorable.

J'agis en cette matière comme on le fait toujours. Jamais on n'a prétendu, quand il s'agissait d'un emprunt, que la Chambre devait indiquer au ministre les conditions de détail. C'est là de l'administration et, sous ce rapport, la Chambre accorde toujours un blanc seing au ministre.

- La séance est levée à 5 heures.