(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)
(page 307) M. de Vrints procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est approuvée.
M. de Vrints présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Saint-Josse-ten-Noode propose des modifications aux articles 2 et 55 de la loi communale. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi portant des modifications à la loi communale.
« Les membres des conseils communaux d'Alveringhem, Oeren, Saint-Ricquiers demandent, pour toutes les élections, le vote à la commune. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme électorale.
« Des habitants de Lichtervelde, Ardoye, Coolscamp, Pilthem, Thielt, réclament l'intervention de la Chambre pour que la compagnie concessionnaire exécute le chemin de fer de Lichtervelde à Thielt. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Mulle de Terschueren. - Je demande, en outre, que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.
M. de Montblanc. - J'appuie cette proposition.
- Adopté.
« Les membres de l'administration communale de Fays-les-Veneurs prient la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer d'Athus à Givet. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Cuykens, cultivateur à Londerzeel, réclame une indemnité pour la perte qu'il a subie par suite du retard dans le transport de ruches d'abeilles par le chemin de fer de l'Etat. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Wihéries demandent que le chemin de fer de Dour à Quiévrain soit exécuté avant le mois de juin prochain. »
- Même renvoi.
« La veuve Désir, née Tassiaux, dont le mari est décédé en activité de service, demande un secours. »
- Même renvoi.
M. le président. - J'ai reçu la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Je vois dans le Moniteur de ce jour mon nom figurer parmi les membres qui ont appuyé les conclusions de la commission sur la pétition de quelques habitants de Cherscamp. Je n'assistais pas à la séance ; et si j'avais été appelé à me prononcer, j'aurais voté contre les conclusions de cette commission.
« Je saisis cette occasion, M. le président, pour vous prier de me faire accorder un congé de quelques jours pour motif de santé.
« Recevez, M. le président, l'assurance de ma considération la plus distinguée.
« (Signé) Léon Houtart. »
- La publication de la lettre de M. Houtart aux Annales parlementaires servira de rectification.
Le congé que le même membre demande lui est accordé.
M. Van Humbeeck. - Messieurs, au nom de la commission chargée de l'examen du projet de révision du code de commerce, j'ai l'honneur de déposer les rapports sur les titres Ier, II, III, IV, X et XI du livre premier.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. Pery de Thozée. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau divers rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.
- Même décision.
M. d'Andrimont. - Messieurs, des bruits étranges circulent dans le pays.
On dit que le gouvernement, fidèle en cela aux principes qui ont été développés et acceptés au congrès de Malines, veut, pour les écoles normales et dans la mesure du possible, substituer l'enseignement congréganiste à l'enseignement laïque.
Déjà, des actes nombreux sont venus accréditer ces rumeurs.
Récemment le gouvernement a adopté deux écoles congréganistes, l'une à Gosselies, l'autre à Saint-Nicolas. Les arrêtés royaux y relatifs ont été insérés dans le Moniteur du 8 novembre dernier.
Or, depuis 1866, depuis que les Chambres ont décidé l'érection des quatre écoles normales, on n'a pas songé à recourir aux couvents pour former le cœur et l'intelligence de nos normalistes, et on a eu mille fois raison. Ill est encore question, c'est un on dit - les journaux s'en occupent -d'adopter la congrégation des sœurs de Saint-André, près de Bruges, et l'établissement des sœurs de Pesche, près de Namur ; on parle même, et c'est encore un on-dit dont malheureusement je ne puis administrer la preuve, d'une proposition très sérieuse qui serait faite par un ecclésiastique de Liège, M. Habets, directeur des filles de la Croix, rue Hors-Château, proposition tendante à transformer le saint établissement qu'il gère, en une école normale pour les institutrices.
Le pays est ému de ces démarches ; il comprend qu'il y a là-dessous quelque machination cléricale. (Interruption.)
Ainsi un fait tout récent, la réponse de M. le ministre de l'intérieur à l'administration communale de Liège me fournit la preuve manifeste des pensées ultra-réactionnaires du gouvernement. Ce qui se passe aujourd'hui à Liège se passera demain à Mons et plus tard à Bruges et à Gand. C'est donc, messieurs, une question d'intérêt général et il est bon que la vérité se fasse jour ici. C'est pour cela, messieurs, que je me permettrai de rappeler, aussi succinctement que possible, la phase qu'a traversée l'affaire de l'école normale des institutrices.
(page 308) La loi du 29 mai 1866 a décrété l'érection de quatre écoles normales : deux écoles normales pour institutrices, deux écoles normales pour instituteurs. De nombreux pourparlers entre le gouvernement et les villes ont retardé l'exécution de la loi. On n'était pas d'accord sur la part d'intervention des communes. Le choix d'un emplacement offrait même une certaine difficulté.
Loin de moi la pensée de me plaindre du peu d'activité de l'honorable M. Pirmez, alors ministre de l'intérieur. La question des écoles normales l'a vivement préoccupé et les démarches personnelles qu'il a faites à Liège le prouvent surabondamment.
Mû par un sentiment de délicatesse, exagéré peut-être, c'est à moi seul qu'incombe la responsabilité du retard qu'a éprouvé l'exécution de la loi. Le gouvernement, messieurs, par lettre du 31 mai 1867, offrait à la ville de construire une école normale à Liège et, comme cette lettre est une des pièces les plus importantes du débat, je me permettrai d'en donner la lecture complète à la Chambre. Elle était adressée par M. le gouverneur à l'administration communale :
« Messieurs,
« M. le ministre de l'intérieur vient de faire dresser un avant-projet de plan pour la construction d'une école normale primaire de l'Etat, d'après le programme que j'ai eu l'honneur de vous communiquer par ma lettre du 1er août 1866, 4e division, n°6222.
« Il résulte de ce travail que la dépense s'élèvera de 800,000 francs à 1,000,000. L'intention du gouvernement étant de poursuivre et de réaliser, dans le plus bref délai possible, l'érection décrétée par la loi du 29 mai 1866, je vous prie, messieurs, de vouloir bien délibérer d'urgence sur les points suivants et d'y répondre d'une façon catégorique :
« 1° Quelle est la somme exacte pour laquelle la ville peut intervenir dans les frais de construction d'une école normale d'institutrices, faite dans les conditions prescrites par ma lettre précitée ?
« 2° Si la ville ne peut intervenir dans les frais de construction, consent-elle au moins à mettre à la disposition du gouvernement un terrain d'une étendue de 1 hectare 50 à 60 ares, et, le cas échéant, quel est ce terrain ? »
C'est sur ces bases que la ville de Liège traita avec le gouvernement, et voici la délibération qu'a prise le conseil communal sur cet objet, le 11 février 1870. Je ne la lirai pas tout entière, je me bornerai à vous en citer quelques extraits.
« Le conseil,
« Revu la correspondance échangée avec le gouvernement au sujet de l'établissement, à Liège, d'une école normale d'institutrices, en exécution de la loi du 29 mai 1866 ;
Décide ce qui suit :
1° La ville de Liège acquerra et mettra immédiatement à la disposition du département de l'intérieur, pour l'établissement d'une école normale d'institutrices, avec école d'application, conformément à la loi du 29 mai 1866, le terrain figuré au plan ci-joint sous les lettres A, B, C, D, sauf les emprises nécessaires à l'élargissement du quai de Fragnée et à l'ouverture de la nouvelle rue projetée entre le quai et la rue de Fragnée ;
« 2° L'école d'application tiendra lieu d'école communale et comprendra :
.« a. Des salles pour 250 filles pauvres ;
« b. Des classes pour des garçons âgés de moins de 12 ans ;
« c. Un jardin d'enfants.
« L'autorité locale n'y enverra que des enfants réunissant les conditions prescrites par le règlement d'ordre intérieur.
« La ville, au défaut du bureau de bienfaisance, payera du chef de leur instruction et pour toute indemnité, une simple rétribution dont la quotité sera fixée par le conseil communal, conformément à l'article 5 de la loi du 23 septembre 1842.
« 5° Les frais de l'école d'application (matériel et personnel) seront à la charge exclusive de l'Etat. »
Ces propositions, messieurs, furent acceptées par un arrêté royal du 2 avril et, le même jour, le gouvernement se mettait d'accord avec la ville de Mons pour y établir l'école normale des filles. Le pays allait enfin voir s'élever deux des écoles normales qu'elle attendait avec une si vive impatience depuis 1866.
Le programme du régime à suivre pour la construction des écoles normales avait été rédigé par l'honorable M. Vandenpeereboom. Vous trouverez ce programme dans le rapport triennal de l'instruction primaire de 1863 à 1866. Les locaux devaient pouvoir contenir de 150 à 180 élèves. Une école d'application devait y être annexée. Tout était prévu dans ce programme.
L'honorable M. Pirmez n'y apporta que très peu de modifications, et le 10 juin 1870, il chargea un architecte de Liège, M. Dejardin, professeur à l'académie, homme de talent et justement apprécié, de faire les plans et devis de l'école normale, en lui recommandant bien de ne pas s'écarter des règles du programme.
Cet architecte, toutes affaires cessantes, avec une célérité qui lui donne droit à des éloges, se mit à dresser les plans et devis de l'école normale et le 10 octobre, quatre mois après, ce travail considérable était complètement achevé.
Il ne restait donc pour le gouvernement qu'à mettre le travail en adjudication publique. L'administration communale, désireuse de voir cette affaire marcher rapidement, écrit le 10 novembre, un mois après la remise des plans, à M. le ministre de l'intérieur pour obtenir de lui l'approbation des plans, prétextant, entre autres, la raison qu'une prompte mise en adjudication des travaux donnerait de l'occupation à la classe ouvrière.
Or, voici quelle a été la missive peu compréhensible que M. le ministre de l'intérieur a fait adresser à l'administration communale le 24 novembre 1870 :
« Le gouverneur à l'administration communale de Liège.
« Messieurs,
« A la réception de votre lettre du 10 de ce mois, j'ai prié M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien hâter l'approbation du projet qui lui est soumis pour la construction d'une école normale à Liège. Voici la réponse qu'il vient de me faire parvenir :
« Je n'ai pas perdu de vue la création de nouvelles écoles normales.
« Cette question figurait au nombre de celles qui ont donné lieu à la convocation de MM. les inspecteurs provinciaux en session extraordinaire au mois d'octobre ; leurs délibérations ont eu notamment pour objet d'indiquer les règles qu'il convenait de ne pas perdre de vue dans la fondation de ces établissements et ils n'ont pas cru pouvoir adopter les plans qui leur ont été soumis.
« En cet état de choses, il a fallu se livrer à de nouveaux travaux préparatoires, et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour en hâter la conclusion. »
Pourquoi, messieurs, faut-il de nouveaux plans ?
N'est-ce pas là un moyen peu franc de retarder d'un an ou deux la construction de l'école normale pour institutrices. Et ne peut-on pas y voir l'intention au gouvernement, plus soucieux des intérêts des monastères que de l'intérêt de l'enseignement primaire, de faire prospérer les congrégations religieuses chargées de former des normalistes ?
Quelles sont les nouvelles règles qu'il importe de ne pas perdre de vue dans la fondation de ces établissements ? Mais, messieurs, ces règles ont été déterminées par l'honorable M. Vandenpeereboom, par l'honorable M. Pirmez. M. le ministre de l'intérieur veut-il encore les bouleverser de fond en comble ? Veut-il réduire l'importance des écoles normales laïques et se soustraire ainsi aux engagements contractés vis-à-vis du pays et vis-à-vis des villes ? Veut-il restreindre le nombre des élèves, pour mettre les écoles normales de l'Etat dans une situation d'infériorité vis-à-vis des congrégations religieuses ?
Il y a, messieurs, entre les lignes de la dépêche de M. le ministre quelque chose de caché et c'est pour connaître ce quelque chose que j'ai demandé à interpeller M. le ministre de l'intérieur.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, dans la séance d'avant-hier, l'honorable M. d'Andrimont m'a annoncé une interpellation ayant pour but de réclamer du gouvernement des explications sur le retard qu'éprouve la mise en adjudication des travaux des écoles normales de Liège et de Mons ; c'est à cette interpellation que j'ai l'honneur de répondre.
D'où vient l'inquiétude qui s'est emparée de l'esprit de l'honorable membre ? C'est qu'à Liège des bruits circulent ; il y a des on-dit, et il suffit de pareilles rumeurs pour que l'honorable M. d'Andrimont croie l'existence de l'école normale de Liège compromise.
Je suis très heureux de pouvoir le rassurer.
Je n'ai jamais songé à remettre à des congrégations religieuses la direction des écoles normales de l'Etat. En ce qui touche l'école normale de Liège, je n'ai pas eu à examiner des propositions faites par M. le chanoine Habets, par le motif très simple qu'aucune proposition ne m'a été faite ; s'il y en avait eu une, elle n'eût pas été accueillie.
(page 309) J’espère que l'honorable M. d'Andrimont considérera cette réponse comme assez catégorique, quoique, tout à l'heure, il m'ait accusé de cacher des mystères entre les lignes de mes dépêches, reproche auquel je me réserve de répondre.
L'histoire de l'école normale de Liège, aussi bien que de celle de Mons, est assez longue ; elle remonte à la loi du 29 mai 1866, qui a créé en Belgique quatre écoles normales.
L'honorable M. d'Andrimont n'est remonté, dans l'exposé qu'il a fait tout à l'heure, qu'au mois de mai ou de juin 1867, si j'ai bien compris ; mais il faut aller un peu plus haut ; il faut indiquer d'une manière précise quelles étaient les intentions du gouvernement dans la création des écoles normales, et cela expliquera aisément les nombreuses péripéties que leur création a traversées.
Lorsque le gouvernement demanda à la législature le vote du projet de loi qui créait quatre écoles normales, son intention bien arrêtée était que les villes où elles auraient leur siège auraient non seulement à fournir le terrain, mais encore à supporter tous les frais de construction et même les frais d'entretien.
Cette proposition fut communiquée a la ville de Liège, le 31 juillet 1866, c'est-à-dire au moment même où le ministre de l'intérieur d'alors, l'honorable M. Vandenpeereboom, venait d'arrêter un programme, dont l'honorable M. d'Andrimont s'est occupé à diverses reprises.
Il est à remarquer d'abord, et ceci ne manque pas d'intérêt, que ce programme n'était pas accompagné d'un devis et, qu'au moment même où on l'avait rédigé, on ne s'était pas occupé des frais qu'il devait entraîner.
Cependant, à première vue, il présentait des développements si considérables qu'il était évident que la dépense devait être fort élevée.
Ce fut le 31 juillet 1866 que l'honorable M. Vandenpeereboom informa l'administration communale de Liège qu'une école normale pouvait être érigée dans cette ville, à la condition que le conseil communal s'engagerait à fournir les locaux et les terrains et à se charger des frais d'entretien.
Le 28 septembre 1866, l'administration communale de Liège exposa que la dépense serait trop considérable. Elle fit remarquer qu'elle s'élèverait pour les bâtiments à 350,000 francs au moins et que le terrain en coûterait 200,000.
Remarquez, je vous prie, messieurs, ce chiffre de 350,000 francs qui forme la première évaluation correspondant au programme rédigé par les soins de l'honorable M. Vandenpeereboom.
Encore, dans ce chiffre de 550,000 francs, le mobilier scolaire n'était-il pas compris.
La ville de Liège répondit donc, au mois de septembre 1866, qu'elle attachait très peu de prix à cette école normale, et voici le motif qu'elle donnait :
« Naturellement nous avons à rechercher si l'intérêt communal, dans cette affaire, est assez puissant pour justifier un sacrifice aussi élevé. »
M. d'Andrimont. - On demandait que la ville fit l'école.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Oui, et à ces conditions on trouvait que le sacrifice était très élevé et qu'il y avait lieu d'hésiter et peut-être même de reculer.
C'est ainsi que j'interprète la dépêche de l'administration communale de Liège du 28 septembre 1866.
Ici commence, je pense, la série des faits repris par l'honorable M. d'Andrimont.
Au mois de mai 1867, M. le ministre de l'intérieur fit connaître à l'administration communale de Liège qu'on avait étudié avec plus de soin le programme qui avait été rédigé au mois de juillet 1866 et que l'exécution de ce programme, qui ne devait d'abord entraîner qu'une dépense de 350,000 francs, ne coûterait pas moins de 800,000 francs à 1,000,000, c'est-à-dire qu'en quelques mois l'évaluation était plus que doublée, presque triplée.
Il est donc bien constaté (permettez-moi de le faire observer en passant) que ce programme n'avait pas été sérieusement étudié, puisque en quelques mois les évaluations pouvaient différer à ce point.
Le 29 mai 1867, M. le ministre de l'intérieur demandait à l'administration communale de Liège quelle serait son intervention et tout au moins si elle était disposée à fournir le terrain.
Vous remarquerez, messieurs, que les prétentions du gouvernement s'étaient bien adoucies.
En quelques mois, le gouvernement avait renoncé à demander à la ville de Liège des dépenses de construction qu'il évaluait lui-même de 800,000 francs à 1,000,000.
Au mois de juillet 1867, l'administration communale de Liège répond qu'elle est disposée, aussitôt que ses ressources le lui permettront et vraisemblablement dans un avenir prochain, à intervenir par l'acquisition d'un terrain.
Au mois de septembre suivant, M. le ministre de l'intérieur se plaint des retards qui proviennent de l'administration communale de Liège ; il demande que la ville de Liège donne le terrain ; mais cela ne suffit plus au ministre ; il ajoute que la ville doit intervenir dans les dépenses pour 1/10, c'est-à-dire pour 100,000 francs. Si je me trompais, l'honorable M. d'Andrimont voudrait bien redresser mon erreur.
M. d'Andrimont. - C'est exact.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Le 27 septembre 1867, le conseil communal de Liège se réunit, et ici je trouve que M. d'Andrimont est un peu coupable, comme il l'avouait lui-même tout à l'heure, car c'est sous sa présidence que le conseil communal de Liège repousse la proposition du gouvernement.
M. d'Andrimont. - Les 100,000 francs d'intervention, oui.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Le 24 février 1868 (je demande pardon à la Chambre d’entrer dans ces détails, mais ils offrent quelque intérêt), le 24 février 1868 le conseil communal offre d'intervenir pour une somme de 150,000 francs, ce qui représentera les frais d'acquisition du terrain.
Le ministre repousse la proposition qui lui est faite ; il maintient sa décision, c'est-à-dire qu'il exige que la ville de Liège intervienne pour 1/10 dans les frais de construction.
Cependant au mois de mars 1868 les choses se modifient ; le ministre fait connaître qu'on se contentera d'une allocation de 150,000 francs, qu'on évaluera à dire d'experts le prix du terrain, et que, s'il ne vaut pas 150,000 francs, la ville aura à suppléer jusqu'à concurrence de cette somme.
Il résulte d'une lettre de l'administration communale de Liège qu'au mois d'avril et au mois de novembre 1868, elle insistait pour qu'on donnât suite à sa proposition.
En mai 1869, la ville insiste encore. Au mois de juin, il y a une nouvelle lettre en ce sens, mais sur ces entrefaites qu'arrive-t-il ? Le gouvernement dépose à la Chambre un projet de loi qui renferme un crédit de 500,000 francs pour l'établissement de quatre nouvelles écoles.
M. Muller. - Avec la mention : premier crédit.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je pense que c'est le seul.
M. Vandenpeereboom. - Il pouvait y en avoir d'autres.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - De nombreuses difficultés eurent lieu sur le choix du terrain ; M. d'Andrimont en a parlé ; je n'y reviendrai pas.
Nous arrivons au mois de février 1870, c'est-à-dire à une époque très récente. Le gouvernement fait connaître qu'il accepte les propositions de l'administration communale de Liège. Bien que la ville de Mons eût, eu sus du terrain, fourni un subside de 40,000 francs, le gouvernement déclare se contenter, en ce qui concerne la ville de Liège, de la remise d'un terrain qu'on croyait convenable.
Nous sommes au mois de février ; c'est le 11 février, si je ne me trompe, que l'administration communale de Liège, par une délibération, fixe le choix du terrain et les conditions auxquelles elle consent à traiter avec le gouvernement, conditions très importantes, très essentielles, sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure. Enfin, le 28 mars, un arrêté royal ratifie la convention avec la ville de Liège et décide que l'école normale y sera établie définitivement.
Peu de jours après, on autorise M. Dejardin à présenter un plan.
Il résulte, ce me semble, messieurs, de l'examen auquel je viens de me livrer, que le cabinet actuel n'est pas très coupable.
Nous avons derrière nous une période de quatre ans et demi.
Pendant quatre années, les administrations précédentes n'ont rien fait, à cause, je le veux bien, des difficultés qui se sont succédé.
Le nouveau cabinet n'est aux affaires que depuis six mois, et on lui fait un grief, non pas seulement de ce qu'il n'a pu faire, mais même de ses intentions.
Que portait la décision de l'administration communale de Liège du 11 février 1870 ; quelles étaient les conditions convenues entre l'administration communale de Liège et le gouvernement ? Je demande à la Chambre la permission d'en donner lecture.
« La ville de Liège acquerra et mettra immédiatement à la disposition du département de l'intérieur, pour l'établissement d'une école normale d'institutrices, avec école d'application, conformément à la loi du 29 mai 1866, un terrain, etc.
(page 310) « L'école d'application tiendra lieu d'école communale et comprendra des classes pour 250 filles pauvres, des classes pour garçons âgés de moins de 12 ans, et un jardin d'enfants. L'autorité locale n'y enverra que des enfants réunissant les conditions prescrites par le règlement d'ordre Intérieur, etc. »
L'arrêté royal qui intervint quelques jours après, accepta le concours consenti par la ville de Liège aux clauses et conditions énoncées dans la délibération du conseil communal.
Ainsi, messieurs, il y avait là deux choses : un établissement normal qui était avant tout d'un intérêt général, et un cours d'application, établi sur des bases larges et sérieuses, puisqu'il devait profiter à 250 filles pauvres. Cette école devait assurer le service de l'instruction dans une partie de la ville de Liège, où le besoin s'en faisait spécialement sentir.
Ce sont là les engagements pris par le cabinet précédent : je les ratifie et je les maintiens.
Et il ne dépendra pas de moi que non seulement pour cet établissement spécial d'éducation, mais encore pour l'école normale, les travaux ne soient entrepris dans un très bref délai.
J'ajouterai, et ici je réponds à une question qui m'a été adressée par l'honorable M. d'Andrimont, que lorsque M. Dejardin a été chargé de faire un plan, il était tout naturellement entendu que ce plan répondrait aux besoins d'une bonne école normale, qu'il serait soumis à l'examen du gouvernement et qu'il ne serait mis à exécution qu'autant qu'il aurait été approuvé.
Eh bien, qu'a fait le cabinet actuel ? On l'a accusé quelquefois de certains retards ; mais cette fois on ne pouvait pas lui adresser ce reproche. C'est le 10 octobre que le plan est arrivé à mon département, et avant le 20 octobre, je l'ai soumis à la commission des inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire. Ces fonctionnaires ne sont pas, à coup sûr, des hommes politiques ; ce sont des hommes spéciaux, et ils étaient naturellement appelés à apprécier ce plan ; eh bien, quel que fût le mérite de l'architecte, ils ont jugé que ce plan ne répondait pas aux besoins d'une bonne école normale.
Dans cette situation, qu'a fait le gouvernement ? Il a continué à chercher l'appui de toutes les lumières, c'était son devoir, et en quoi pourrait-on l'en blâmer ?
L'honorable M. d'Andrimont a pu voir dans les journaux d'aujourd'hui que la commission centrale de l'instruction primaire est convoquée de nouveau pour se réunir avant la fin de ce mois, et un des objets soumis à ses délibérations sera de poursuivre la révision des plans.
Quant à l'école de Mons, je n'entrerai pas dans les mêmes détails. Là aussi il y a eu de nombreuses difficultés, mais l'honorable M. Pirmez a invoqué dans cette affaire un principe auquel je suis heureux d'apporter une complète adhésion.
Il y a, selon moi, dans la création des écoles normales deux intérêts différents qui s'associent pour le bien de l'instruction ; il y a l'école normale et il y a le cours d'application. L'école normale répond à un besoin général, mais le cours d'application s'applique surtout à un besoin spécial et est d'intérêt communal.
Or, dans cette affaire de Mons, l'honorable M. Pirmez a posé de la manière la plus nette le principe que j'invoque moi-même. Voici en quels termes mon honorable prédécesseur écrivait à l'administration communale de Mons, à propos de ce cours d'application :
« Vous voudrez bien inviter le conseil à prendre à sa charge les frais de construction de l'école d'application à l'usage des élèves-instituteurs, cette école étant appelée à exonérer la ville d'une partie des obligations qui lui incombent aux termes de la loi de 1842. »
Maintenant ai-je à expliquer les retards que l'honorable M. d'Andrimont a signalés à Mons, aussi bien qu'à Liège ? La réponse est fort aisée. C'est, si je ne me trompe, au mois de mai ou au commencement du mois de juin que l'architecte Hubert a été chargé de préparer un plan ; on lui a accordé quelques mois pour l'exécuter, et à l'heure qu'il est, le plan ne m'est pas encore parvenu.
M. d'Andrimont. - Messieurs, je répondrai d'abord un mot à l'accusation, ou plutôt au reproche qu'a fait M. le ministre de l'intérieur à l'administration communale de Liège, de n'avoir pas désiré l'établissement de l'école normale. C'est une erreur. La ville de Liège a toujours réclamé une école normale pour les institutrices, et si les propositions du gouvernement n'ont pas été acceptées plus tôt, c'est que le concours pécuniaire qu'on demandait à la commune était trop onéreux.
L'honorable ministre de l'intérieur a employé le meilleur moyen qui fût en son pouvoir pour retarder indéfiniment... (Interruption.) pour retarder l'édification de l'école normale, tout en ayant bien soin de mettre à couvert sa responsabilité.
Il a soumis les plans de l'architecte à une commission composée des inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire convoqués en session extraordinaire.
Or, ces messieurs n'ayant jamais été consultés ni par M. Vandenpeereboom ni par M. Pirmez pour rédiger les règles du programme à suivre pour la fondation des écoles normales, ont naturellement trouvé les plans mauvais, le devis exagéré, et ils ont proposé, ne se préoccupant ni peu ni point des engagements pris envers la ville, envers le pays, des conséquences préjudiciables d'un retard dans l'exécution de la loi au point de vue du développement de l'instruction primaire, ils ont proposé, dis-je, un autre programme dont nous ne connaissons point la teneur et ils recommandent en même temps de se livrer à de nouveaux travaux préparatoires.
Enfin, messieurs, chose étrange et qui prouve comment le ministre de l'intérieur prend à la légère les décisions les plus graves, on a condamné les plans de l'école normale de Liège sans entendre l'architecte qui les avait conçus.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - On l'entendra.
M. d'Andrimont.-Mais, en attendant, vous ne l'avez pas moins condamné. On ne lui a demandé ni explications verbales, ni explications écrites. Le procédé est cavalier, disons même qu'il est blessant et il serait préjudiciable certainement à la réputation de l'architecte si ce dernier ne jouissait à Liège de la considération générale et si tout le monde ne connaissait les motits peu avouables qui ont fait agir le ministre de l'intérieur.
Je trouve encore, messieurs, un indice du mauvais vouloir du gouvernement dans le fait du déplacement de l'honorable M. Jamart, directeur au département de l'intérieur...
M. de Theux. - C'est autre chose.
M. d'Andrimont. - ... qui était tout spécialement chargé des écoles normales et qu'on a envoyé à la direction de la garde civique pour qu'il ne mît pas d'entrave aux sourdes menées du ministre de l'intérieur. (Interruption.)
Je suis content, pour mes débuts, de vous faire jeter les hauts cris ; j'ai mis, paraît-il, le doigt sur la plaie.
Je sais bien, messieurs, qu'en vertu de l'article 47 de la loi de 1842, le ministre peut consulter les inspecteurs provinciaux et les réunir en session extraordinaire.
Mais messieurs, les prédécesseurs de M. le ministre de l'intérieur ne l'ont pas fait dans les mêmes circonstances.
M. Van Wambeke. - Qu'est-ce que cela fait ?
M. d'Andrimont. - Lorsqu'on a adopté l'école congréganiste de Champion et celle de Wavre-Notre-Dame, on n'a pas consulté les inspecteurs provinciaux.
Le fera-t-on, l'a-t-on fait d'abord, messieurs, lorsqu'on a agréé l'école de Gosselies et l'école de Saint-Nicolas, il y a quelques jours à peine ?
Le ferez-vous lorsqu'il s'agira d'approprier le magnifique hôtel de T'Serclaes que les sœurs de Saint-André viennent d'acheter à beaux deniers comptants pour y faire une école normale agréée par le gouvernement ? Enverrez-vous des inspecteurs pour voir si les locaux répondent aux besoins. L'avez-vous fait pour Gosselies et pour Saint-Nicolas ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Oui.
M. d'Andrimont. - Soit ; les inspecteurs ont donc délibéré ?
Fera-t-on un programme pour ces écoles adoptées, comme on le demande pour les écoles laïques ? Y aura-t-il deux poids et deux mesures ?
On veut, messieurs, modifier le programme, les règles observées dans ce genre de constructions. Mais ce programme a été rédigé avec le plus grand soin. Il a été annexé à des documents que je puis dire parlementaires, puisqu'il figure au rapport triennal de l'instruction primaire. Il n'a soulevé aucune observation ni dans le corps enseignant ni de la part des inspecteurs, ni dans les Chambres, ni dans la presse. C'était un programme qu'on trouvait parfait en 1866 et qu'on commence à trouver mauvais. Je ne veux pas lire ce programme, de crainte de fatiguer la Chambre, mais je dois dire que ce programme répond à tous les besoins.
Mais on veut, paraît-il, réduire la dépense ainsi que les dimensions de l'école normale. J'ai entendu dire et, sous ce rapport, je serais très content que M. le ministre de l'intérieur voulût bien me répondre ; je lui ai posé cette question et il n'y a pas répondu ; est-il vrai, oui ou non, que le nombre des élèves par classe sera diminué, qu'au lieu de 50 élèves, il n'y aura plus que 30 élèves par classe ?
Les renseignements qui me sont parvenus me permettent d'assurer (page 311) qu'on a trouvé que le nombre de 50 élèves par classe était beaucoup trop élevé et qu'il fallait le réduire à 50. Si cela est vrai, voici le résultat qu'on obtiendrait.
La Chambre, en décidant qu'il y aurait quatre écoles normales, espérait que chaque école normale aurait de 150 à 180 élèves, c'est-à-dire que les quatre écoles normales suffiraient pour instruire de 600 à 720 élèves à la fois. Or, d'après le système préconisé par le gouvernement, au lieu d'avoir des classes de 50 élèves, on n'aurait plus que des classes de 30 élèves, soit, puisqu'il y a trois classes, 90 élèves par école. Donc 360 élèves pour les quatre écoles. Différence de moitié en dessous des prévisions du projet voté par les Chambres, le 29 mai 1870.
Mais, messieurs, ce que propose le gouvernement est tout à fait contraire à la loi de 1866. Les décisions de la Chambre, sous ce rapport, ne seraient pas observées. Elles seraient lettres mortes pour le ministère actuel.
Je dis même plus, c'est que si vous ne mettez par classe que 30 élèves, vous aurez, l'expérience le prouve, un déchet très considérable à la fin de l'année, et les prescriptions de la loi, quant au nombre des élèves, seront encore plus loin d'être atteintes.
Ainsi dans l'exposé des motifs du projet relatif à la création de quatre écoles normales primaires, présenté par M. Vandenpeereboom, li est dit ceci :
« Le cours d'études normal étant de trois années, il semblerait que les écoles dussent fournir, tous les ans, un nombre d'instituteurs et d'institutrices diplômés représentant le tiers du nombre des élèves. Il n'en est rien. A part les décès, beaucoup d'élèves quittent les établissements avant l'expiration des trois années, soit parce qu'ils manquent de vocation, soit pour tout autre motif. De là résulte une perte qui peut être évaluée à 36 p. c. du nombre des admissions annuelles. »
Il s'ensuit donc, messieurs, que la population qui, d'après le vœu des Chambres, aurait dû être de 150 à 180 élèves serait réduit, si les propositions du gouvernement sont adoptées, non pas à 90 mais à 60, parce qu'il faut encore déduire un déchet de 36 p. c.
Enfin, messieurs, les statistiques prouvent que, dans les écoles normales actuelles, il y a 50 élèves. Je lis dans l'annuaire statistique de la Belgique, qu'il y a dans les deux écoles normales de l'Etat 324 élèves, ce qui fait 162 élèves par école normale, et ce qui porte à 54 le nombre d'élèves par classe, chiffre qui avait été décidé par les Chambres en 1866.
Maintenant, messieurs, je poserai une simple question à M. le ministre. M. le ministre qui n'a pas, dit-il, reçu les plans de l'architecte de Mons, lui a-t-il écrit... (Interruption.) ou l'a-t-il fait venir à son cabinet pour l'informer que les règles du programme étaient modifiées ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ces règles n'ont pas été modifiées d'une manière générale. C'est à propos du plan envoyé de Liège, qu'on a recherché s'il n'y avait pas lieu, à la fois, à des améliorations et à des réductions de dépenses.
M. d’Andrimont. - Comment ! vous dites, dans votre lettre :
« Leur délibération (des inspecteurs provinciaux) ont eu notamment pour objet d'indiquer les règles qu'il convenait de ne pas perdre de vue dans la fondation de ces établissements. »
Eh bien, du moment que vous êtes disposé à modifier le programme de façon à réduire l'importance de l'école, vous deviez immédiatement prévenir l'architecte de Mons, et si vous ne l'avez point fait, c'était uniquement pour avoir du « bois d'allonge ».
Pour être logique, messieurs, le gouvernement devrait décider que les classes des quatre grandes écoles normales devraient être dédoublées sur le pied de 30 élèves par classe. Nous arriverions ainsi à un total de 180. Ou bien si l'on maintient ce qui a été décidé, ou ce qui pourrait avoir été décidé, si l'on maintient qu'il ne doit y avoir que 30 élèves par classe, il faut que l'importance de l'intervention des villes soit diminuée dans la même proportion.
Mais M. le ministre se gardera bien d'adopter cette conclusion ; les réductions dans le nombre d'élèves et dans le chiffre de la dépense sont calculées d'une manière machiavélique ; elles se font au profit des congrégations religieuses.
Maintenant, messieurs, examinons la position de la ville de Liège vis-à-vis du gouvernement.
Le contrat entre la ville et le gouvernement est un contrat synallagmatique ; il lie les deux parties.
La lettre du 31 mai 1867 le prouve.
Qu'est-il dit dans cette lettre ? Qu'il y a un programme qu'on nous a communiqué, que la dépense s'élèvera à 800,000 francs et que l'exécution aura lieu si nous intervenons pour une somme de 160,000 francs.
Nous ayons rempli nos engagements.
Pourquoi alors réduisez-vous le nombre des élèves et l'importance de l'établissement qu'il s'agit de fonder ?
Du reste, la ville n'a consenti à faire un sacrifice aussi considérable qu'en vue justement de l'importance de l'école normale qu'il s'agissait de construire.
Elle n'aurait pas donné un terrain de 160,000 francs pour une école normale de 400,000 francs.
On a fait miroiter le chiffre de la dépense ; on a parlé de 800,000 francs, d'un million pour obtenir un concours large.
La ville de Liège n'a pas lésiné, elle s'est exécutée généreusement.
Enfin, messieurs, il y a encore un autre motif pour lequel la ville de Liège désire qu'on mette immédiatement la main à l'œuvre.
C'est que nous avons besoin d'écoles d'application. Le quartier de Fragnée n'a pas suffisamment d'écoles. Nous ne pouvons laisser un grand nombre d'enfants sans instruction.
En tout cas, nous en ferions remonter la responsabilité au ministre de l'intérieur.
Du reste, nous connaissons la sollicitude de M. le ministre de l'intérieur pour l'instruction publique. Il procède par voie de suppressions de subsides.
Nous ne voulons pas déflorer le budget de l'intérieur. Nous reviendrons plus tard sur l'enseignement laïque des filles, question capitale et vitale pour le pays.
M. Delcour. - C'est là que nous vous attendons.
M. d'Andrimont. - Je ne le cache pas, je suis hostile à l'enseignement qui se donne dans les couvents.
M. Bouvier. - Vous n'êtes pas le seul.
M. d'Andrimont. - Abandonner aux congrégations religieuses le soin de former les normalistes, c'est compromettre nos libres institutions, et je le prouve. (Interruption.)
Les femmes que l'on veut charger du soin d'instruire nos jeunes normalistes ont renoncé au monde et ne connaissent point les joies de la famille. (Interruption)
M. Bouvier. - Elles ne comprennent pas même cela.
M. d'Andrimont. - Ces femmes vivent en dehors des préoccupations terrestres et n'ont pas de conscience propre. Leur conscience est indéterminée, indécise. Elles ne peuvent, en effet, ni penser, ni juger, ni parler sans consulter le ou les directeurs de leur conscience.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Et vous leur confiez vos enfants.
M. d'Andrimont. - Cela n'est pas exact.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Vous et vos amis.
M. d'Andrimont. - Je ne le ferai jamais.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Il y en a beaucoup sur vos bancs qui l'ont fait et qui le font encore.
M. d'Andrimont. - Ces directeurs de leur conscience n'agissent qu'en vertu des ordres d'en haut, c'est-à-dire d'ordres de celui qui a fait le Syllabus et condamné nos chères libertés.
Il s'ensuit que ces femmes qui sont tout en Dieu et dévouées au pape inculqueront aux normalistes non pas l'amour mais le mépris de nos institutions, et vos écoles normales deviendront non pas une pépinière d'institutrices, mais une pépinière de bigotes.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je crois avoir répondu à l'interpellation de M. d'Andrimont telle qu'elle a été posée dans la séance d'avant-hier. Quant aux questions qu'il vient d'aborder, il a reconnu lui-même qu'elles trouveraient leur place lors de la discussion du budget du ministère de l'intérieur, et c'est là que nous pourrons les examiner.
M. Bouvier. - C'est escamoter le débat.
M. Sainctelette- Messieurs, la ville de Mons a, dans la question des écoles normales, la même situation et le même intérêt que la ville de Liège. L'honorable M. d'Andrimont a trop bien exposé les faits pour que j'aie à revenir sur les développements qu'il a donnés ; je me permettrai seulement de compléter sa démonstration sur deux points.
Je dis d'abord que sur l'établissement d'une école normale il y a, entre le gouvernement et la ville, un contrat, non pas précisément un contrat dont on pourrait réclamer l'exécution en justice, mais, ce qui n'a pas moins de valeur à nos yeux, une parole donnée et sanctionnée par un arrêté royal.
Les dépêches qui ont ouvert les négociations ont mis sous les yeux des conseils communaux le programme rédigé par M. Vandenpeereboom et c'est sur (page 312) le vu de ce programme que ces conseils communaux ont eu à se prononcer. Je tiens en mains la dépêche adressée le 28 juillet 1866 par le gouverneur du Hainaut à la ville de Mons. Elle relate complètement et avec la plus grande précision toutes les conditions énoncées dans le programme de M. Vandenpeereboom. Elle dit, notamment, que « pour satisfaire aux besoins des diverses parties du service, il faut nécessairement trois classes pouvant contenir chacune 60 élèves et qui serviront en même temps de salles d'étude. »
Après diverses négociations relatives à l'emplacement de l'école, au choix du terrain, aux conditions du concours de la ville pour la création d'une école d'application, il est intervenu entre les villes et le gouvernement des conventions constatées par des résolutions des conseils communaux et par des arrêtés royaux. A la suite de cette convention, le département de l'intérieur a transmis à la ville de Mons pour être remis aux architectes le programme même du département de l'intérieur, dont voici un exemplaire. Ce programme ne diffère du programme arrêté par M. Vandenpeereboom qu'en un seul point.
Au lieu de 60 élèves par classe, il n'y en a plus que 50 ; cette modification s'est produite, je pense, sous l'administration de M. Pirmez. Toujours est-il que, tout au moins, nous avons le droit de compter sur des classes établies de façon à recevoir 50 élèves, comme nous nous sommes engagés à contribuer pour une somme de 40,000 francs dans les frais d'une école d'application pouvant contenir 200 élèves.
Il y a donc eu là un véritable échange de promesses. Le gouvernement a demandé un terrain de 1 hectare 50 centiares. A Mons, nous lui avons livré 1 hectare 66 centiares.
Il a demandé de plus la somme nécessaire pour la construction de l'école d'application, avec l'engagement d'en supporter les frais d'entretien. En compensation, il s'est engagé à créer à Mons une école normale de cent cinquante élèves au minimum.
Je désire savoir positivement de M. le ministre de l'intérieur si le plan de l'école communale de Mons sera modifié quant au nombre des élèves. Je déclare que si les classes sont disposées de façon à recevoir moins de cinquante élèves, je considérerai l'acte posé par M. le ministre de l'intérieur comme une violation de la parole donnée.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai eu l'honneur de faire remarquer à la Chambre que le gouvernement avait réuni en session extraordinaire les inspecteurs provinciaux. Si le gouvernement avait été dirigé par une pensée politique, est-ce à cette réunion qu'il eût fait appel ? Si, au contraire, il était dominé par ce sentiment qu'il ne fallait s'occuper que des véritables intérêts de l'instruction, n'était-ce pas tout naturellement à des hommes qui ont acquis une longue expérience, qui ont voué toute leur carrière à l'instruction primaire, qu'il devait demander des conseils et des avis ?
Eh bien, c'est ce qu'a fait le gouvernement.
MM. les inspecteurs provinciaux ont déjà été réunis ; ils le seront encore dans quelques jours, et lorsqu'ils auront prononcé d'une manière définitive sur ces questions qui, dans ce moment-ci, comme le porte la dépêche adressée à l'administration communale de Liège, ne comportent encore que des travaux préparatoires, le gouvernement sera heureux de s'appuyer sur leur opinion et ne déclinera pas la responsabilité de ce qu'il fera après l'avoir consultée.
M. Sainctelette. - Le nombre des élèves sera-t-il réduit ? Voilà la question que j'ai l'honneur de poser.
M. le président. - Veuillez ne pas interrompre ; vous n'avez pas la parole.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Les inspecteurs donneront leur opinion sur ce que réclament les besoins de l'instruction et par conséquent sur ce qu'exige une bonne organisation des écoles normales.
M. Frère-Orbanù. - Ce n'est pas là ce qu'on vous demande.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il est reconnu que les professeurs des écoles normales ne peuvent donner utilement leurs cours qu'à un nombre déterminé d'élèves. (Interruption.) Combien y aura-t-il d'élèves, combien faudra-t-il de professeurs ? Ce sont là des questions à examiner et qui regardent avant tout les hommes d'expérience. (Interruption.) Mais ce que je puis déclarer, c'est qu'aucune pensée politique ne s'est mêlée aux conseils donnés an gouvernement. Le supposer, messieurs, c'est faire outrage au caractère de MM. les inspecteurs provinciaux.
M. Frère-Orban. - Ce sont des fonctionnaires révocables.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Révocables ou non, ils sauraient se soustraire à la pression du gouvernement.
M. de Rossius. - Enfin, il s'agit donc de changer le programme ?
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je dis que quand il s'agit de créer des écoles normales appelées à remplir un rôle important, le devoir du gouvernement est de consulter les hommes qui sont le plus à même de l'éclairer. Du reste, dans quelques jours MM. les inspecteurs provinciaux reprendront l'étude de cette question ; il est probable que le budget de l'intérieur ne sera pas discuté avant cette époque, et, comme je l'ai dit, c'est à ce moment que la Chambre pourra le plus utilement reporter la suite de cette discussion.
M. Muller. - Il est profondément regrettable que M. le ministre de l'intérieur ne puisse ou ne veuille pas comprendre une question aussi simple, aussi nette que celle qui lui a été posée : Le nombre des élèves des écoles normales de Liège et de Mons sera-t-il réduit oui ou non ? Vous devez avoir une opinion arrêtée à cet égard, et ne pas perdre de vue les conventions définitivement conclues avec ces villes et sanctionnées par des arrêtés royaux.
Maintenant, pour mettre de côté tout subterfuge, je vous rappelle que, sans qu'il y ait jamais eu réclamation de la part des inspecteurs provinciaux, les écoles normales des instituteurs renferment un nombre d'élèves égal à celui qui a été proposé par vos honorables prédécesseurs pour les écoles normales de filles.
M. Elias. - Supérieur, même.
M. Muller. - Il était égal, toute proportion gardée ; seulement, le chiffre des élèves institutrices a été élevé à 180. Pourquoi ? Parce que dans le programme on prévoyait une section supérieure d'instruction primaire, ou inférieure d'enseignement moyen pour la formation d'institutrices du premier degré.
Eh bien, si M. le ministre de l'intérieur est embarrassé de répondre à cette question, ce ne peut être pour des motifs puisés dans l'intérêt même de l'enseignement : je dois le dire. (Interruption.)
Vous venez d'adopter comme écoles normales des filles deux établissements privés, tenus par des congrégations religieuses ; vous les subsidiez je ne sais à l'aide de quels fonds, car vous n'avez pas proposé une augmentation de crédit au budget de l'intérieur ; vous réduirez peut-être les subsides ; d'autres écoles adoptées qui ne sont pas tenues par des religieuses ou vous viendrez solliciter un crédit nouveau.
Eh bien, alors que vous multipliez les écoles adoptées, vous ajournez l'organisation des écoles normales de l'Etat !
Ainsi, vous sacrifiez, vous gouvernement, l'enseignement officiel au profit d'institutions privées. Ce n'est pas là votre devoir ; votre devoir, comme gouvernement, c'est de tenir haut le drapeau de l'enseignement de l'Etat, de ne pas le compromettre et l'abaisser devant celui de l'enseignement privé.
Vous m'autorisez à tenir ce langage, puisque vous ne répondez pas à la question si simple, si nette, qui vous a été adressée à trois ou quatre reprises et devant laquelle, au fond, vous restez muet.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je dois protester contre les paroles de l'honorable M. Muller qui semble me dépeindre comme un adversaire de l'enseignement primaire...
- Un membre. - De l'enseignement de l'Etat.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je reçois tous les jours des lettres de remerciements de la part d'instituteurs primaires.
Il y avait un grand nombre d'années qu'on n'avait rien fait pour améliorer le sort des instituteurs admis à la retraite. Qu'il me soit permis de rappeler que j'ai déposé sur le bureau un projet de loi qui, faisant droit à de longues plaintes, augmente la pension des instituteurs primaires.
Je ne veux pas en dire davantage à ce sujet dans le moment actuel. Lorsque la Chambre discutera le budget de l'intérieur, ce débat sera probablement de nouveau soulevé, et la Chambre pourra apprécier alors ce que j'ai fait et ce que je me propose de faire encore pour l'enseignement primaire.
M. Sainctelette. - Je ferai remarquer à M. le ministre de l'intérieur et à la Chambre que la question que j'ai posée est des plus simples. C'est une de ces questions auxquelles on a pu et dû réfléchir dès les premiers jours de l'organisation de l'enseignement primaire, sur la solution de laquelle tous ceux qui se sont occupés d'enseignement, depuis l'instituteur jusqu'au ministre de l'instruction publique, doivent avoir depuis longtemps une opinion formée. Il s'agit de savoir à quel nombre d'élèves un instituteur peut convenablement donner l'enseignement. Il est impossible que, (page 315) sous ce rapport, il faille, après 40 ans de pratique, commencer des études nouvelles. Il est évident que ce nombre de 50 auditeurs n'excède pas les forces d'un instituteur.
M. le ministre de l'intérieur doit donc avoir sur ce point une conviction personnelle formée, indépendamment de l'avis de la commission des inspecteurs provinciaux. Je ne puis croire non plus que cette commission puisse avoir, à ce sujet, sous le ministère de l'honorable M. Kervyn, une opinion nouvelle, c'est-â-dire différente de l'opinion émise sous les ministères de MM. Vandenpeereboom et Pirmez. Ce seraient de bien médiocres fonctionnaires que ceux qui auraient dû attendre l'an de grâce 1870 et l'entrée de l'honorable M. Kervyn aux affaires pour se préoccuper d'une question aussi élémentaire que celle du nombre possible des élèves.
Mais la question que j'ai posée au gouvernement a une double portée. Il ne s'agit pas seulement de savoir si M. le ministre de l'intérieur répudiera les errements suivis jusqu'à présent quant au nombre d'élèves, mais il s'agit encore et surtout de savoir si M. le ministre de l'intérieur peut dégager la parole royale donnée par un arrêté en exécution d'engagements formels.
Les conseils communaux de Mons et de Liège n'ont accepté l'établissement d'une école normale qu'à raison des services qu'ils s'en promettaient pour la propagation de l'enseignement primaire. Le nombre possible des élèves formés par ces écoles a été une considération déterminante.
Je ne sais pas ce qui s'est passé à Liège, mais j'ai la certitude qu'à Mons, ce qu'on a voulu avant tout, c'est de mettre le plus grand nombre possible d'élèves normalistes à la disposition du Hainaut. Nous avons, tous les jours, l'occasion de constater, même pour les écoles de Mons, l'insuffisance du nombre des instituteurs.
Nous vivons au milieu d'une population industrielle qui manque d'instruction, et notre premier devoir et notre premier soin a été d'augmenter, dans la mesure de nos moyens, le nombre des sujets mis à la disposition des communes. Nous avons, en vue de cette situation, contracté avec le gouvernement et, je dois le dire, je ne reconnais pas à M. le ministre de l'intérieur le droit de revenir sur un acte posé envers nous et de violer l'engagement pris.
Je le prie donc de nouveau de vouloir bien s'expliquer catégoriquement sur ces points-ci : Entend-il réduire le nombre des élèves ? Entend-il par là manquer à la convention qui a été contractée envers nous ? Car je n'admettrais pas, comme l'honorable M. d'Andrimont semble l'avoir admis tantôt (peut-être sa parole a-t-elle dépassé sa pensée), je n'admettrais pas, dis-je, qu'aujourd'hui on pût venir nous rendre une partie des terrains et des fonds que nous avons mis à la disposition de l'Etat. Non ! il y a un contrat et ce contrat doit être exécuté.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur vient de nous dire qu'aucun des ministres qui l'ont précédé ne s'était occupé avec autant de sollicitude que lui des intérêts de l'enseignement primaire. Je ne veux pas enlever à l'honorable ministre un des fleurons qu'il ajoute à sa couronne, mais je ferai observer à la Chambre qu'il est difficile qu'après trois ou quatre mois de ministère, l'honorable M. Kervyn puisse avoir rendu autant de services que d'autres, toute modestie à part, dont la carrière ministérielle a été longue. Je m'efface complètement ici, messieurs, mais je ne crois pas pouvoir laisser passer sans protester le dire de M. le ministre de l'intérieur qu'aucun de ses prédécesseurs, ni M. Rogier, ni M. Pirmez, n'ait rien fait, ou ait peu fait, ou ait moins fait que lui dans l'intérêt de l'enseignement primaire.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Pour la question spéciale de la retraite des instituteurs.
M. Vandenpeereboom. - La question spéciale dont parle l'honorable M. Kervyn n'est pas due à son initiative. La révision des règlements relatifs aux pensions des instituteurs a été mise à l'étude depuis longtemps, et nous aurons à examiner si la solution donnée par M. Kervyn est favorable aux intérêts des instituteurs.
Sur ce point donc, je fais toutes mes réserves.
Maintenant puisque j'ai la parole, je dirai un seul mol de l'interpellation faite par M. d'Andrimont. Cet honorable membre a posé une question très simple à M. le ministre de l'intérieur.
Lorsque le programme des bâtiments pour écoles normales a été arrêté, on a d’abord fait constater quels étaient les besoins en instituteurs.
J'ai cru qu'il fallait que chacune des écoles normales de filles pût contenir 150 institutrices et si, dans le principe, on a encore augmenté ce chiffre, c'était pour avoir en réalité 150 élèves, car chaque année il y a des déchets et des déchets assez considérables. J'avais donc fixé le chiffre de 610 en vue de ces pertes.
En matière d'enseignement normal, la question de l'emplacement et du local n'est qu'une question accessoire.
Le premier point qu'il faut décider, c'est combien il faut de normalistes ; puis, des bâtiments doivent être appropriés pour le nombre d'élèves reconnu nécessaire. En un mot, il faut non pas fixer d'après les bâtiments le nombre des élèves institutrices, mais la capacité des bâtiments d'après le nombre d'élèves à envoyer. Si l'honorable ministre de l'intérieur consulte les inspecteurs provinciaux de l'enseignement, évidemment ce n'est pas pour savoir combien il faut d'instituteurs ou d'institutrices chaque année. Il sait cela par lui-même. L'instruction de cette question est faite depuis longtemps, et la seule chose à demander éventuellement aux inspecteurs, c'est si les plans soumis conviennent pour donner l'instruction au nombre des élèves indiqués.
Il est donc très facile de donner une réponse à cette question : l'école normale de Liège pourra-t-elle contenir cent cinquante élèves institutrices, plus trente institutrices pour l'enseignement primaire supérieur ? En d'autres termes, cet établissement sera-t-il construit dans des proportions suffisantes pour contenir cent quatre-vingts élèves ?
Voilà la question que je pose. C'est une question à laquelle on peut répondre par oui ou par non. Répondez donc ! Si vous ne répondez pas, le pays saura que vous n'osez pas répondre et il pourra conclure de votre silence que vous voulez réduire l'enseignement normal laïque. Répondez donc oui ou non.
M. de Theux. - Messieurs, j'avais bien prévu ce débat, lorsque, dans la séance d'hier, je demandais de le remettre à la discussion du budget de l'intérieur. Aujourd'hui, j'ai un argument de plus. Nous voyons naître un abus nouveau. L'opposition se concerte pour livrer une attaque presque générale à M. le ministre de l'intérieur. L'opposition est au courant des questions qu'elle veut poser, des arguments qu'elle produira et elle sait que M. le ministre de l'intérieur est seul en état de répondre, s'il le juge convenable. Mais nous qui sommes majorité et qui ignorions absolument quel serait le terrain de la discussion, nous n'y sommes pas préparés du tout ; et si ce n'était pas par respect pour les antécédents parlementaires, je rappellerais à la loi de 1842, à son texte, à son esprit. Lors de la discussion du budget de l'intérieur, je me réserve de prendre part à cette gravé question de l'enseignement primaire et d'autres parties de l'instruction, si cela est nécessaire. Les honorables membres qui siègent sur les mêmes bancs que moi ne manqueront pas d'y prendre aussi la part légitime que la Constitution leur donne et ne manqueront pas de remplir les devoirs de la majorité en demandant l'exécution pure et simple de la loi sur l'instruction primaire dans son texte et dans son esprit.
Maintenant, pour la dernière question, quel est le nombre d'élèves que devra contenir chaque école normale, M. le ministre de l'intérieur veut consulter les conseils des inspecteurs de l'enseignement primaire, et c'est une autorité qui certes a bien voix au chapitre. Il nous apportera les résolutions de ce conseil ; nous aurons sous les yeux les propositions qu'il croit utile de faire au gouvernement, les motifs qu'il donnera, et nous aurons alors à apprécier.
Pour le moment, je déclare que ni moi, ni aucun de mes amis n'entendons prendre part à une discussion que je considère comme une discussion de parti, comme une discussion de pure opposition, à laquelle le gouvernement n'aurait pas dû prendre part. Il aurait bien fait d'adopter la proposition de la majorité et de demander la remise de cette interpellation à la discussion du budget de l'intérieur. Quant à moi, loin de blâmer le ministre, je le prie de maintenir la position qu'il a prise.
M. de Rossius. - Messieurs, je regrette infiniment qu'il nous soit impossible d'arracher la vérité à l'honorable ministre de l'intérieur. Il reste sourd à notre pressant appel et l'on nous accuse d'avoir concerté je ne sais quelle attaque pour le surprendre et dérouter nos adversaires. Nous laissons à la droite, M. de Theux, les complots ténébreux.
Entre nous, il n'y a point d'entente préalable ; nous avons posé à M. le ministre de l'intérieur une question nette, une question claire, et cependant il refuse de répondre : qui donc notre attitude pourrait-elle étonner ?
Quand nous voyons M. le ministre de l'intérieur adopter de nouvelles écoles normales appartenant à des congrégations religieuses, concéder ainsi ce que ses prédécesseurs avaient refusé, nous commençons à nous défier.
Alors nous nous informons, la presse libérale parle et révèle qu'on médite d'autres mesures inacceptables. En même temps que l'édification des écoles normales laïques est retardée, d'autres couvents recevront du gouvernement le privilège de fournir des institutrices à nos communes qui. devront bien s'en contenter, ne pouvant en trouver qui ne soient pas façonnées par le clergé. Et nous n'aurions pas le droit de nous lever et d'exiger de l'honorable M. Kervyn une réponse catégorique à cette question !
Pourquoi les retards dans la construction de l'école de Liège ? Vous avez soumis les plans à votre commission centrale des inspecteurs. Quelle pensée vous a guidés ? Quel but poursuivez-vous ?
Ces plans correspondent à un programme. Ils sont la traduction exacte de ce programme. Je les connais, plusieurs de mes collègues de la députation de Liège les connaissent et nous pouvons témoigner du scrupule qui a présidé à leur confection, confiée à un architecte aussi capable qu'expérimenté.
Que peut-on donc réclamer de MM. les inspecteurs ! Le programme avec un soin infini entre dans les détails les plus circonstanciés. Rien n'est oublié vraiment, si bien qu'il n'y a pas moyen que la commission de l'enseignement modifie les plans sans changer le programme qui les a inspirés.
Puisque c'est au programme que l'on s'en prend, nous demandons à M. le ministre de l'intérieur : Quelle modification, quelle amputation prétend-on lui faire subir ? S'agit-il notamment, ce que nous soupçonnons, de diminuer la superficie de chacune des classes, de réduire la population qui y aura accès et nécessairement le nombre des institutrices laïques qui y obtiendront le diplôme requis ?
(page 314) M. le ministre persiste à se taire. Je lui demanderai alors s'il verrait quelque obstacle à déposer sur le bureau les procès-verbaux des séances de cette commission centrale des inspecteurs ? Ces procès-verbaux passeront sous nos yeux dans trois ou quatre ans. Pourquoi ne pourraient-ils nous être communiqués demain ? Que l'on nous fasse enfin connaître quelles sont les vues du gouvernement ou, si l'on veut, quelles sont les vues de la commission centrale, ces vues qui nous inquiètent et nous effraient.
La résistance du ministère achève de nous éclairer.
Pour nous, la parfaite conformité des plans au programme accepté par les contractants, Etat et communes, est hors de doute. Nous disons dès lors au gouvernement : Si vous avez jugé opportun de saisir la commission centrale, de retarder ainsi l'exécution tant désirée de la loi de 1866, tandis que vous vous hâtez d'accorder l'agréation aux établissements qui sont dans la main du clergé, c'est que vous poursuivez un but politique que vous n'osez pas avouer.
C'est la seule leçon que le pays puisse tirer de cette longue discussion.
M. le président. - M. Sainctelette a demandé la parole, mais il a déjà été entendu deux fois et je dois consulter la Chambre.
- La Chambre décide que la parole sera accordée à M. Sainctelette.
M. Sainctelette. - Je désire savoir, messieurs, si les communes du pays doivent tenir désormais, que quand une convention a été faite par le gouvernement et sanctionnée par arrêté royal, le ministre de l'intérieur peut en faire litière.
Afin que la Chambre puisse statuer sur cette question, je propose l'ordre du jour suivant :
« La Chambre, constatant avec regret que le ministre de l'intérieur a refusé de répondre aux questions si simples qui lui étaient posées, passe à l'ordre du jour. »
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
M. Pirmez. - Je veux, messieurs, faire deux très courtes observations sur lesquelles j'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur.
La première, c'est que le nombre des instituteurs qui doivent sortir des écoles normales de l'Etat et des écoles privées a été pour ainsi dire con4ractuellement fixé lors de la discussion de la loi de 1812.
M. Nothomb a fixé aux deux tiers le nombre des instituteurs à provenir des écoles de l'Etat, à un tiers le nombre à fournir par les écoles privées.
M. le ministre doit prendre garde de contrevenir à cette espèce de convention par l'adoption d'écoles privées concourant avec des restrictions apportées aux écoles de l'Etat.
Ce serait violer les bases d'une loi transactionnelle.
Ma seconde observation est celle-ci.
M. le ministre s'est fait illusion sur le projet de loi qu'il a déposé quant à la pension des instituteurs.
Ce projet favorise certains instituteurs en augmentant leurs pensions ; je crois qu'il réduit, par contre, certaines pensions et qu'en somme la balance ne sera pas en leur faveur.
Je l'engage à bien examiner ce point, et j'engage aussi les instituteurs à l'examiner.
Mais avant de se faire de ce rapport un titre de gloire, il faut attendre qu'il soit discuté.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je puis l'affirmer, si j'ai réuni la commission centrale des instituteurs primaires, afin qu'elle pût apprécier la valeur des plans de M. Dejardin, c'est parce que je suis convaincu qu'il n'y a pas de meilleurs juges que les inspecteurs provinciaux pour se prononcer sur les plans d'un établissement destiné à former des instituteurs primaires.
Mon opinion n'était pas suffisamment formée, et j'ai cru remplir un devoir en soumettant cette question aux inspecteurs provinciaux qui, à coup sûr, ne sont pas des hommes politiques et qui ne sont mus que par le désir de développer l'enseignement primaire.
M. d'Andrimont. - Vous n'avez pas même consulté l'architecte.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis que le plan n'avait pas été approuvé, lorsque j'ai reçu le rapport, et j'ai convoqué de nouveau MM. les inspecteurs provinciaux pour le 27 de ce mois, afin de reprendre cette question, et nous pourrons alors entendre l'architecte.
Ce n'est donc que dans les derniers jours de ce mois que les inspecteurs provinciaux pourront se prononcer d'une manière précise sur les plans de l'école normale, et la Chambre comprendra, je l'espère, que je ne puis maintenant infirmer, ni approuver ce que j'ai appelé des travaux préparatoires.
Je constate que mes honorables prédécesseurs ont parlé de 50, de 60, de 70 et même de 80 élèves, ne se mettant pas d'accord sur leur nombre, évaluant d'une manière différente les cas de maladies, les cas de décès... (Interruption.)
Ce que je déclare d'une manière formelle et ce qui répond davantage aux questions qui m'ont été adressées, c'est que je n'entends en rien réduire la part faite à l'enseignement de l'Etat en tant qu'il s'agit de subvenir aux besoins de l'enseignement primaire. Et lorsque M, Pirmez rappelait tout à l'heure que M. de Theux aussi bien que M. Nothomb avait toujours entendu maintenir à l’enseignement de l'Etat les proportions que son action doit conserver, j'affirme de nouveau qu'il n'y a dans ma pensée rien qui tende à la restriction de cette action de l'Etat. Je suis convaincu que devant ce grand besoin de l'instruction primaire il faut qu'il y ait une action puissante de l'Etat, mais il faut aussi le concours efficace de toutes les initiatives. Je maintiendrai à la fois les droits de l'Etat et les libertés constitutionnelles.
- Voix à droite. - La clôture !
- La clôture est prononcée.
M. le président. - Nous avons à nous prononcer maintenant sur l'ordre du jour proposé par M. Sainctelette.
- Voix à gauche. - L'appel nominal !
M. De Lehaye. - Je demande l'ordre du jour pur et simple.
M. le président. - L'ordre du jour pur et simple a la priorité.
- Voix à gauche : L'appel nominal !
Il est procédé au vote par appel nominal.
88 membres y prennent part.
51 répondent oui.
37 répondent non.
En conséquence, l'ordre du jour pur et simple est prononcé.
Ont répondu oui :
MM. Thienpont, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck, Brasseur, Coomans, Cornesse, de Haerne, Delaet, Delcour, De Le Haye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Theux, Drion, Drubbel, Hayez, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Royer de Behr, Schollaert, Simonis, Tack et de Naeyer.
Ont répondu non :
MM. Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Allard, Anspach. Bara, Bergé, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Braconier, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baillet-Latour, De Fré, de Lexhy,. de Lhoneux, de Macar, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Muller, Orts, Pirmez, Rogier, Sainctelette et Tesch.
M. Thienpont. - J'ai l'honneur de déposer un rapport sur une demande de naturalisation ordinaire.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et la demande portée sur un prochain feuilleton.
M. de Macar. - J'ai l'honneur de déposer un rapport de la commission spéciale qui a examiné le projet de loi portant réunion de l'ancienne commune de Mont-Adelin au canton judiciaire de Verviers.
- Le rapport sera imprimé et distribué et le projet de loi mis à la suite de l'ordre du jour.
La discussion générale est ouverte ; personne ne demandant la parole, l'assemblée passe au vote de l'article unique ; il est ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à signer avec l'Espagne un acte additionnel au traité de commerce et de navigation conclu le 12 février 1870, acte par lequel il sera réservé à chacune des parties contractantes la faculté de faire cesser les effets du traité avant le terme fixé à l'article 19, en le dénonçant ou en en demandant la révision un an d'avance. »
Il est procédé à l'appel nominal. 81 membres y prennent part. Tous répondent oui.
En conséquence, la Chambre adopte.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel nominal :
MM. Thienpont, Thonissen, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Bara, Beeckman, Bergé, Biebuyck, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Brasseur, Coomans, Cornesse, Dansaert, David, De Fré, Delaet, Delcour, De Le Haye, de Lexhy, de Lhoneux, de Macar, de Montblanc, de Muelenaere, de Rossius, Descamps, de Theux, Dethuin, de Vrints, Drion, Drubbel, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Hayez, Hermant, Jacobs, Jamar, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Liénart, Magherman, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Rembry, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Tack, Tesch et de Naeyer.
M. le président. - Veut-on remettre la séance à demain ?
- Des membres. - A mardi !
- La Chambre, consultée, fixe sa prochaine séance publique à mardi prochain pour la continuation de l'ordre du jour.
La séance est levée à 4 heures et demie.