Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 28 mars 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Moreau, vice premier-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 947) M Dethuin, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

Il donne lecture, du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Laudrien prie la Chambre de décider que sa pétition du 24 de ce mois, relative à la loi de 1842, sera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Verviers prient la Chambre de faire rapporter toutes les dispositions de lois qui obligent l'armée à assister aux cérémonies d'un culte. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Les sieurs Delvaux, de Bosschaert et autres membres de l'association libérale et constitutionnelle d'Anvers demandent la publication en langue flamande des Annales parlementaires. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La demoiselle Maria Faleur, institutrice communale à Autre-Eglise, née à Hautmont (France) demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Par messages en date du 27 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :

« Relatif à la translation en voiture des prévenus, accusés ou condamnés ;

« Qui ouvre des crédits supplémentaires aux budgets du ministère de la justice, pour les exercices 1867 et 1868 ;

« Qui ouvre au gouvernement des crédits spéciaux pour divers travaux d'utilité publique. »

- Pris pour notification.


« Le secrétaire de l'Institut archéologique de la province de Luxembourg fait hommage à la Chambre d'un exemplaire du 2ème cahier du tome V des Annales de cet Institut. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Motion d’ordre

M. Allard. - La Chambre se rappellera que, dans la séance du 5 février dernier, il est arrivé une pétition de la commission administrative des hospices civils d'Enghien, protestant contre les paroles prononcées par M. Bruneau dans la séance du 25 janvier. J'ai fait remarquer alors que plusieurs fois déjà la Chambre avait considéré comme non avenues des pétitions où l'on protestait contre des paroles prononcées dans cette enceinte par des membres de la législature ; j'ai dit qu'on ne pouvait admettre ce genre de protestation, que la presse était libre et que ceux qui trouvaient avoir à se plaindre n'avaient qu'à s'adresser aux journaux. La Chambre admit cette manière de voir et la pétition fut considérée comme non avenue. Aujourd'hui, messieurs, j'appelle votre attention sur deux pétitions adressées à la Chambre, la première dans la séance du 15 novembre et dont voici l'analyse :

« Des habitants de Bruges qui ont assisté au meeting tenu en cette ville le 3 novembre protestent contre des assertions émises dans la séance du 5 de ce mois, et d'après lesquelles le meeting aurait été le théâtre d'une atteinte à la liberté de réunion. »

Cette pétition, qui a été renvoyée à la commission des pétitions, ne mentionne pas le nom de l'orateur qui aurait prononcé les paroles contre lesquelles elle venait protester. Mais, messieurs, dans la séance du 22 novembre, il arriva une deuxième pétition qui fut aussi renvoyée, comme la première, à la commission des pétitions. Voici l'analyse de cette deuxième pétition :

« Des habitants de Bruges présentent des observations sur la protestation adressée à la Chambre contre le discours de M. Delaet à l'occasion du meeting qui a eu lieu à Bruges, le 3 novembre. »

Messieurs, je ne me trouvais pis dans la salle quand ces deux pétitions ont été analysées ; si j'avais été présent, j'aurais proposé alors ce que j'ai proposé pour la pétition d'Enghien. Je demande maintenant que la Chambre veuille bien dessaisir la commission des pétitions de ces deux requêtes et les considérer comme non avenues.

M. le président. - La Chambre sera sans doute unanime pour adopter la proposition de M. Allard, qui est conforme à ses antécédents. Je crois que pour l'avenir il y a lieu de donner au bureau les pouvoirs nécessaires pour écarter de semblables protestations contre des paroles prononcées dans cette Chambre. C'est déjà une chose regrettable qu'il en soit présenté une analyse devant vous ; j'ajouterai que déjà j'ai cru pouvoir en agir ainsi relativement à deux protestations contre des paroles prononcées par des membres de la Chambre et j'ai cru me conformer par là à l'esprit de la jurisprudence de celle-ci.

M. Allard. - J'ai oublié de dire tout a l'heure, qu'il y a, depuis 1831, au moins dix décisions dans le sens de ce que je viens de proposer, quoique ces prestations fussent rédigées eu termes convenables.

Sous le Congrès, les pétitions rédigées en termes inconvenants n'étaient pas même analysées. J'appuie donc ce que vient de proposer notre honorable président.

M. le président. - Il y a donc assentiment de la Chambre.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1868

Discussion générale

MiPµ. - Messieurs, j'ai commencé, dans la séance d'hier, à vous exposer les diverses phases qu'a traversées le projet de règlement sur les écoles d'adultes qui a été publié par mon honorable prédécesseur, au mois de septembre 1866.

Si la Chambre se le rappelle, une lettre de l'inspecteur provincial de Namur soumit au gouvernement plusieurs questions relatives aux écoles d'adultes.

Après quelques retards, les gouverneurs furent consultés.

J'ai fait connaître à la Chambre le résumé des avis émis par ces fonctionnaires en constatant qu'aucun d'entre eux ne considérait la loi sur l'enseignement primaire comme étant nécessairement applicable, dans son ensemble, aux écoles d'adultes.

Lorsque les rapports des gouvernements furent parvenus au département de l'intérieur, celui-ci consulta la commission centrale de l'instruction primaire, laquelle exprima également cette opinion que le programme des cours énumérés à l'article 6 de la loi de 1842 n'est point nécessairement applicable à l'instruction des adultes.

Voici, d'abord, ce que je lis dans le rapport d'une section de cette commission :

« Les conditions réglementaires devraient être stipulées d'après les besoins des localités, tout en admettant certains principes tels que la séparation des sexes, la durée des classes, les matières à enseigner. L'inspection aurait le droit de visiter les écoles d'adultes aussi souvent que le besoin s'en ferait sentir, pour y provoquer des mesures d'ordre et de progrès. »

La commission elle-même proposa la décision suivante :

« Les instituteurs ne pourront recevoir les filles dans les écoles du soir. Les garçons qu'on y admettra devront être âgés de 14 ans accomplis.

(page 948) « Le programme des cours, ainsi que le tableau de la distribution du travail, seront arrêtés par le gouverneur, sur la proposition de l'inspecteur provincial, le conseil communal entendu. »

Ainsi, la commission centrale d'instruction primaire propose formellement que le programme des cours dans les écoles d'adultes soit arrêté par les gouverneurs de province, preuve évidente que cette commission ne considérait nullement le programme comme étant déjà arrêté par la loi.

En possession de ces documents, l'honorable M. Rogier ne donna pas suite immédiatement à l'idée de faire un règlement, mais il pourvut aux besoins les plus urgents. Le 31 du mois de juillet 1852, il adressa aux gouverneurs de province une circulaire destinée à déterminer les conditions auxquelles l'allocation du subside de l'Etat, en faveur des écoles d'adultes, serait dorénavant subordonnée.

Voici ce que contient cette circulaire, qui figure au nombre des pièces que l'on a encore invoquées comme tendant à établir que, selon la jurisprudence du gouvernement, les écoles d'adultes sont soumises au régime de la loi de 1842 :

« Le crédit dont le gouvernement dispose en faveur des salles d'asile et des écoles d'adultes n'est que de 25,000 fr. par année.

« Eu égard à la modicité de cette somme, je vous prie d'apporter la plus grande réserve dans vos propositions de subsides.

« Je crois utile de vous rappeler que les subsides de l'Etat ne peuvent être accordés qu'en cas d'insuffisance des ressources locales, et qu'ils sont destinés spécialement aux écoles qui ont le caractère d'établissement communal, ou aux écoles privées qui acceptent 'le régime d'inspection établi par la loi, et dont la comptabilité est soumise au contrôle de l'autorité administrative. »

Or, vous le voyez, ce que veut l'honorable M. Rogier, c'est que l'on n'accorde de subsides de l'Etat (il ne parle pas des subsides provinciaux et communaux) qu'aux écoles dans lesquelles l'emploi des fonds peut être contrôlé. Il montre sa pensée en exigeant qu'il existe un contrôle de comptabilité, et M. Rogier distingue si bien entre les écoles facultatives et les écoles obligatoires, qu'il continue ainsi :

« Avant de fonder ou d’encourager des salles d’asile et des écoles d’adultes, les communes doivent pourvoir à l’instruction gratuite des enfants pauvres de l’âge de 7 à 14 ans, conformément au règlement du 21 mai 1843, et c’est seulement après qu’elles ont rempli cette partie de leurs obligations qu’elles peuvent obtenir le concours du gouvernement pour la création ou le soutien d’institutions de l’espèce. »

Me tromperais-je sur le véritable sens que l'honorable M. Rogier a voulu attribuer à sa circulaire ? Mais une décision rendue à la même époque par M Rogier, montre qu'il s'agit bien d'une inspection spéciale, et non de l'inspection créée par la loi de 1842.

M. Rogierµ. - Il y a le règlement d'inspection.

MiPµ. - Qui n'est appliqué ...

M. Rogierµ. - Vous me permettrez bien d'interpréter ma circulaire.

MiPµ. - Sans doute, je présente cette observation précisément parce que j'attache une grande importance aux documents qui émanent de M. Rogier ; et j'y attache de l'importance parce que je reconnais la haute autorité de M. Rogier, les services immenses qu'il a rendus en matière d'instruction primaire ; je ne fais ici que rendre à cet homme d'Etat éminent, l'hommage qu'il mérite à tous égards. .

La Chambre le sait, la question des écoles d'adultes est connexe à une autre question : celle des ateliers d'apprentissage.

L'article 25 mentionne en effet dans un même texte et les écoles d'adultes et les ateliers d'apprentissage.

Or, voyons si les ateliers ont été soumis à l'inspection prescrite par la loi de 1842.

Un arrêté ministériel en date du 13 mars 1849, porte ce qui suit :

« Le ministre de l'intérieur,

« Considérant l'utilité de soumettre à des inspections particulières et suivies, indépendamment des inspections générales, les ateliers d'apprentissage et de perfectionnement établis dans les Flandres, sous les auspices et avec le concours du gouvernement, et de contrôler l'exécution des mesures de détail, de l'ordre industriel, prises ou à prendre dans l'intérêt de ces provinces :

« Arrête :

« Art. 1er. Il sera institué dans chacune des deux Flandres une inspection des ateliers d'apprentissage et de perfectionnement, ainsi que de la section industrielle des écoles manufactures.

« Le fonctionnaire chargé de cette inspection aura également pour mission de veiller à l'exécution des mesures de détail relatives à l'industrie.

« Il correspondra avec le département de l'intérieur, par l'intermédiaire du gouverneur de la province.

« Art. 2. Copie du présent arrêté sera adressée pour information à MM. les gouverneurs de la Flandre occidentale et de la Flandre orientale. »

Voilà donc une inspection spéciale créée pour les écoles des manufactures et l'arrêté ministériel de 1849, dont je viens de vous donner lecture, se trouve rappelé dans un arrêté royal en date du 10 février 1861,où on lit ce qui suit :

« Revu l'arrêté royal du 20 janvier 1847, relatif à l'organisation des ateliers d'apprentissage.

« Considérant qu'il y a lieu de déterminer les conditions générales auxquelles l'allocation des subsides de l'Etat ou de la province à ces établissements sera subordonnée à l'avenir.

« Vu la proposition de Notre ministre de l'intérieur,

s Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 21. La surveillance des ateliers, quant à l'instruction et à l'administration, est exercée par les autorités communales d'après les dispositions de la loi du 30 mars 1836, par les inspecteurs désignés en conformité de l'arrêté ministériel du 13 mars 1849, ainsi que par l'inspecteur de l'industrie, d'après les indications de Notre ministre de l'intérieur. »

Ainsi, voilà des écoles qui sont les sœurs jumelles des écoles d'adultes qui sont créées en vertu de la même disposition de loi ; leur applique t-on le règlement de la loi de 1842 ?

Nullement ; ce n'est pas à la loi de 1842 qu'elles sont soumises, mais à la loi du 30 mars 1836 et à l'arrêté royal qui crée des inspections spéciales pour les écoles manufacturières. (Interruption.) Il est incontestable que les écoles manufacturières ont été rapportées à la loi communale et non à la loi de 1842.

L'année suivante, c'est-à-dire en 1853, la commission centrale de l'instruction primaire s'occupa cette fois de la rédaction d'un règlement pour les écoles d'adultes. Elle en formula le projet, et voici ce que nous y lisons :

« La demande en autorisation doit être adressée au gouverneur de la province par l'intermédiaire de l'administration communale, avant le 1er septembre de chaque année.

« Elle est accompagnée d'un projet de programme conforme aux prescriptions de l'article 6 de la loi, et soumise à l'avis de l'inspecteur provincial. »

Voilà donc un projet de règlement portant la date de 1853, qui cette fois déclare que le projet de programme doit être conforme à la loi de 1842.

Je pourrais me demander si, en exigeant que le projet de programme soit conforme aux prescriptions de l'article 6 de la loi, on a voulu déclarer qu'il s'agissait ici d'un cas d'application nécessaire de cet article, ou si l'on a entendu simplement appliquer celui-ci, par voie réglementaire, à un cas déterminé.

Mais je ne veux pas m'arrêter à cette question d'interprétation assez douteuse. Il est un fait bien plus considérable, c'est que ce projet de règlement, qui fut préparé en 1853, demeura une lettre morte, que jamais le gouvernement ne lui donna de sanction. L'honorable M. Piercot, à qui il fut soumis, n'y apposa pas sa signature, pas plus que M. de Decker, qui lui succéda.

L'honorable M. Rogier, qui reprit le pouvoir quelques années après, ne le signa pas davantage ; il y a plus, loin d'adopter le système consacré par le projet, il prit une décision qui lui est diamétralement opposée.

Peu de temps après son retour aux affaires, l'honorable M. Rogier s'occupe de la question depuis si longtemps en suspens. Il ne prend pas de règlement, à la vérité, mais il consigne dans une circulaire les dispositions qu'il désire voir adopter.

Voici, messieurs, ce que l'honorable M. Rogier écrivait à ce propos, le 18 janvier 1858 :

« ... J'ai pensé qu'il y avait lieu de prendre quelques mesures (page 949) réglementaires, et, sur la proposition de la commission centrale de l'instruction primaire, j'ai décidé ce qui suit :

« 5° Un règlement arrêté par le conseil communal sur la proposition de l'inspecteur provincial, l'inspecteur cantonal entendu, et approuvé par la députation permanente, détermine, entre autres : la rétribution scolaire, le programme des études, le jour et les heures de travail ainsi que les peines disciplinaires. »

En résumé donc, nous trouvons dans le projet de la commission centrale, cette déclaration que le programme est applicable aux écoles d'adultes

Ce projet demeure une lettre morte. Jamais il n'est signé, mais nous trouvons une circulaire qui remplace le règlement et dans lequel, loin de reproduire le principe de ce règlement, est proclamé le principe contraire.

Au lieu du programme prescrit légalement, on trouve la fixation des matières à enseigner, faite par les communes, par l'inspecteur cantonal et par le gouverneur.

Cette circulaire, messieurs, consacre donc le système que j'ai eu l'honneur d'indiquer à la Chambre, c'est-à-dire la détermination du programme d'enseignement, non d'après les dispositions invariables de l'article 6 de la loi, mais d'après les besoins des localités, d'après les circonstances, d'après le vœu des populations, d'après le désir des conseils communaux, d'après les nécessités de l'enseignement et j'ajouterai, messieurs, que le document dont il s'agit a été communiqué à l'épiscopat, sans donner lieu, de sa part, à aucune objection.

Cette circulaire ne supposait donc pas l'application rigoureuse des dispositions de la loi de 1S42.

Entre autres dispositions, cette circulaire contenait la prohibition des écoles du soir destinées aux filles. A ce sujet, l'administration communale de Liège s'adressa au département de l'intérieur, en lui faisant connaître qu'il existait des établissements de cette nature dans la localité, et en demandant si, en exécution de la circulaire du 18 janvier 1858, ces établissements devaient être fermés.

Voici en quels termes la demande du collège fut soumise à l'appréciation du gouvernement :

« Comme la ville de Liège a organisé et possède depuis plus de vingt ans une école du soir destinée exclusivement aux filles adultes ; et que depuis cinq ans, elle a cru devoir en créer une nouvelle dans un des quartiers les plus populeux ; comme ces établissements d'instruction, soumis d'ailleurs au régime d'inspection du gouvernement, sont un véritable bienfait pour les classes ouvrières et qu'elles n'ont jamais occasionné la moindre observation critique, nous avons dû nous demander si la disposition arrêtée par M. le ministre devait néanmoins avoir pour conséquence la suppression de ces utiles institutions. »

L'enseignement religieux n'était pas donné dans ces écoles de Liège, l'inspection ecclésiastique ne s'y exerçait pas.

L'honorable M. Rogier répondit à l'administration communale que les écoles signalées par elle pourraient continuer à subsister.

Mais la réclamation que je viens de vous signaler n'est pas la seule qui se produisit ; une autre plus sérieuse fut adressée au ministre de l'intérieur par le gouverneur de la Flandre orientale. Il s'agissait de savoir jusqu'à quel point les prescriptions de la circulaire du 18 janvier 1858 pouvaient s'appliquer lorsque les écoles d'adultes, placées sous la direction du clergé, se tenaient dans des bâtiments communaux.

Voici la solution qui fut donnée à la question par l'honorable M. Rogier, le 22 avril 1858 :

« Votre lettre du 5 de ce mois, 4e direction, n°657, me soumet la question de savoir si les mesures réglementaires faisant l'objet de ma circulaire du 18 janvier dernier s'appliquent aux écoles d'adultes qui se trouvent, sous la direction du clergé, dans des bâtiments commun aussi bien qu’à celles qui se tiennent dans de pareils locaux, sous la direction des instituteurs.

« Ma circulaire prérappelée a particulièrement pour objet les écoles d'adultes tenues par des instituteurs communaux dans n'importe quels locaux. Quant à celles qui sont tenues par des instituteurs adoptés dans leurs propres locaux, ou par des instituteurs privés dans des bâtiments appartenant aux communes, aux bureaux de bienfaisance ou aux hospices, on ne peut leur imposer a priori les mesures dont il s'agit, bien que cependant cela fût très désirable. Mais on doit les surveiller avec soin et s'assurer qu'il ne s'y commet point d'abus. »

Il s'agissait bien là d'établissements recevant un subside sous forme de prestation d'un local, et cependant l'honorable M. Rogier reconnaît qu'a priori, on ne peut les soumettre aux dispositions de la loi de 1842.

Pendant ce temps, plusieurs localités importantes établissaient des écoles d'adultes ; il y en avait à Bruxelles, à Saint-Josse-ten-Noode, à Liège, à Louvain, dans d'autres villes encore ; ces écoles fonctionnèrent, sans donner lieu à aucune réclamation de la part de l'inspection ecclésiastique, à l'état de liberté que je propose aujourd'hui de leur accorder ou plus exactement de leur maintenir.

Vous voyez donc, messieurs, qu'il existe un ensemble de faits bien considérables à l'appui de mon système. Si parfois nous trouvons l'inspection introduite dans ces écoles d'adultes, c'est surtout à l'inspection civile, appelée à contrôler l'usage fait des subsides alloués par le gouvernement, à voir s'il y a lieu de maintenir ces subsides, à s'assurer qu'ils ne sont pas détournés de leur destination, etc. Mais l'application de la loi de 1842 dans sa force impérative, nous ne la trouvons pas.

Quant aux communes qui soutenaient que l'inspection civile elle-même ne pouvait être légalement imposée à leurs écoles d'adultes, elles formulaient parfaitement leur système.

Dès le mois de juin 1845, une discussion s'était engagée au conseil communal de Bruxelles, relativement à la distinction à établir entre les écoles obligatoires et les écoles facultatives ; cette distinction avait été soutenue d'une manière remarquable par M. de Brouckere, dans la lettre suivante :

« Nous avons toujours soutenu, nous soutenons encore que les écoles d'adultes ne sont pas nécessairement, sans conditions, soumises à l'inspection prescrite par la loi du 23 septembre 1842.

« Il faut distinguer entre l'instruction obligatoire, et celle qui, aux termes de l'article 25 de ladite loi, est purement-facultative.

« La loi sur l'instruction primaire soumet les écoles à l'inspection ; nous le comprenons, et nous ne l'avons jamais contesté.

« Mais les classes d'adultes, qui ne sont point des écoles primaires proprement dites, et dont le législateur ne parle que pour recommander tout spécialement à l'Etat d'en encourager l'établissement, les écoles d'adultes ne sont qu'une institution utile, sans nécessité absolue.

« La loi de 1842, article 25, ne parle des écoles d'adultes que pour imposer au gouvernement le devoir, si pas l'obligation, d'affecter à des établissements de l'espèce une partie du subside voté annuellement par la législature pour l'instruction primaire. »

Nous ne soutenons pas autre chose.

Enfin, messieurs, arriva le règlement du mois de septembre 1866.

Je conçois que mon honorable prédécesseur ait pu être amené à appliquer d'une manière générale la loi de 1842 aux écoles d'adultes ; il a pu y être amené d'une part, par ce que vous connaissez des textes de la loi, des règlements, des circulaires même que j'ai énumérées, d'une autre part encore par le désir d'obtenir pour ses écoles d'adultes le concours puissant du clergé.

Il n'était pas alors en face des difficultés qui se sont élevées depuis, et qui l'eussent peut-être, comme nous, conduit à un autre résultat. Je rends, qu'il en soit bien convaincu, pleine justice à ses intentions. Mais dans ce règlement de 1866 qui est la condamnation la plus formelle du système que je soutiens, dans ce règlement même il se trouve une disposition qui est favorable à ma thèse, c'est celle qui est relative à la section supérieure des écoles d'adultes.

En effet, si la loi de 1842 tout entière régit ces écoles, il fallait l’appliquer à la section supérieure comme à la section inférieure. Mon honorable prédécesseur a pensé qu'en matière d'enseignement des adultes, il ne fallait pas nécessairement appliquer le principe de l'enseignement religieux comme on l'applique dans l'enseignement primaire.

M. Vandenpeereboom a protesté avec chaleur contre cette idée que d'après le règlement on eût fait apprendre le catéchisme aux adultes. (Et il résulte de la lettre de l'archevêque de Malines qu'en effet, il ne peut être question de cet enseignement où la mémoire joue le principal rôle ) Ce qu'il faut aux adultes, s'est dit l'honorable M. Vandenpeereboom, ce sont des instructions religieuses, des conseils utiles de morale religieuse.

Je reconnais volontiers que c'est là ce qu'il faudrait dans les écoles d'adultes.

Mais en proclamant que ce n'est pas le catéchisme, que c'est une instruction religieuse d'une autre espèce qui convient aux écoles d'adultes (page 950), mon honorable ami a fourni un argument bien sérieux à la thèse que je soutiens, argument invincible, je puis le dire.

En effet, si l'article 6 de la loi de 1812 est applicable aux écoles d'adultes, si l'on a pensé et en décrétant cette loi et en organisant l'enseignement qui en est la conséquence, si l'on a pensé, dis-je, que l'enseignement religieux s'applique à ces écoles, l'instruction de l'épiscopat a donc été faite pour les écoles d'adultes comme pour l'enseignement primaire. Or, que trouvons-nous dans cette instruction ? Qu'il faut faire apprendre aux élèves la lettre du catéchisme.

Dès lors, choisissez. Voulez-vous prétendre que l'instruction épiscopale soit appliquée aux écoles d'adultes ? S'il en est ainsi, vous devez reconnaître vous-mêmes que c'est bien le catéchisme qu'il faut enseigner.

Voulez-vous, au contraire, qu'il ne s'y applique pas, alors vous devez reconnaître que l'épiscopat établissant le mode de l'instruction religieuse en vertu de la loi de 1842, n'a pensé qu'aux écoles d'enfants, et non pas aux écoles d'adultes, ce qui concorde avec le système que je défends devant la Chambre.

Voilà, messieurs, l'histoire de ce règlement a provoqué, dès 1849 ; soumis à instruction jusqu'en 1852, formulé, en 1853, sous forme d'avant-projet, laissé dans les cartons jusqu'en 1858, transformé alors en circulaire d'après d'autres principes et puis enfin rétabli sous forme réglementaire en 1866 !

Dix-huit ans s'étaient écoulés !

Que résulte-t-il, messieurs, de l'ensemble des faits que je viens d'avoir l'honneur d'exposer à la Chambre ? Mais tout au moins qu'il y a eu beaucoup d'hésitation, qu'on n'a pas appliqué d'une manière positive, formelle, dans toutes ses conséquences, la loi de 1842 aux écoles d'adultes ; que si on a eu recours à cette loi pour introduire l'inspection civile, très nécessaire au point de vue du contrôle de l'emploi des fonds alloués par le gouvernement, on ne voit pas que le programme de l'article 6, avec sa conséquence de l'inspection ecclésiastique, ait été rigoureusement imposé à ces écoles.

Pour rendre, comme je le fais, pleine justice à mon honorable prédécesseur, nous devons nous demander bien moins ce qu'il fallait faire en 1866, que ce qu'il faut faire aujourd'hui, d'après l'ensemble des considérations qui peuvent influer sur notre décision.

C'est la troisième partie des observations que je me suis engagé à présenter à la Chambre.

Sur ce terrain, messieurs, je ne suis plus astreint à interpréter juridiquement la loi, ni à suivre une jurisprudence quelconque ; lorsque la législature examine une loi, elle jouit d'une indépendance que ne possèdent ni la magistrature ni l'administration ; elle peut, elle doit examiner l'ensemble de la situation et se prononcer en faveur du système le mieux approprié aux exigences de l'intérêt public. '

Quelle est la situation faite à l'arrêté de 1866 ?

Je constate, d'un côté, une opposition considérable que, dans un pays représentatif comme le nôtre, on ne peut complètement négliger : celle de plusieurs cités importantes, des principales villes du pays et celle de trois conseils provinciaux.

D'un autre côté, nous devons considérer la position prise par le clergé, appelé à intervenir dans l'organisation des écoles d'adultes. Je ne veux pas discuter ici toute la correspondance échangée avec l'épiscopat dans ces derniers temps ; je crois constater cependant deux choses, c'est que d'abord il n'y a eu d'adhésion absolue et sans restriction que de la part d'un seul des évêques, celui de Tournai, et une adhésion moins nette, celle du cardinal-archevêque de Malines. En second lieu, c'est qu'il y a eu beaucoup d'hésitation pour donner une adhésion et qu'il y avait au moins un désir que l'obligation d'intervention ne fût pas absolue.

Il est important dans cette affaire de ne pas perdre de vue les dates. L'adhésion de l'évêque de Tournai est de février 1867, celle du cardinal-archevêque de décembre 1866. C'est après ces époques que certains pourparlers se nouent. Ces pourparlers prouvent à eux seuls qu'il n'y avait pas, dès les époques que je viens d'indiquer, adhésion au règlement.

Les négociations se poursuivent jusqu'en août 1867.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y a eu des négociations entre les évêques, mais pas avec le gouvernement.

- Un membre. - Les évêques étaient d'accord.

MfFOµ. - Je prouverai, puces en mains, qu'ils ne l'étaient pas.

MiPµ. - Aussi, comme nous l'apprend la lettre de Mgr. Dechamps, les évêques réunis n'ont pris la résolution de donner leur concours aux écoles d'adultes, qu'au mois d'août 1867, et encore sous certaines conditions.

Un procès-verbal fut dressé dans cette réunion pour constater cette résolution.

C'est donc au mois d'août 1867, que les évêques réunis à Malines ont décidé qu'ils prêteraient leur concours aux écoles d'adultes, si le ministre de l'intérieur consentait à prendre par écrit certains engagements.

Que faut-il en conclure ? C'est qu'avant le mois d'août 1867 il n'y avait pas d'adhésion, au moins unanime.

Quant à l'adhésion du mois d'août 1867, qu'est-elle devenue ? Mais, messieurs, elle est restée dans le registre des procès-verbaux des réunions épiscopales ; elle n'a pas été publiée, elle n'a pas été notifiée au gouvernement. Rien ne l'a révélée avant la lettre récente de Mgr Dechamps. N'est-ce pas le cas de dire : Idem est non apparere et non esse ?

Comment le gouvernement pouvait-il supposer que cette décision avait été prise ? Il ne pouvait pas la deviner.

Il est donc certain que jusqu'à la fin de 1867, il n'y avait eu qu'un concours partiel et qu'on n'a pas, postérieurement à cette date, transmis au gouvernement l'assurance d'un concours sans réserve. Ce n'est que depuis la reconstitution du ministère que nous avons eu connaissance de la décision du mois d'août 1867.

Je ne veux pas discuter le point de savoir si l'épiscopat aurait ou n'aurait pas adhéré à l'organisation des écoles d'adultes. Je constate quelle était la situation d'après les faits patents.

Je dois constater en outre, d'après la lettre de Mgr Sterckx, que le désir de l'épiscopat était de ne pas devoir donner un concours absolu, dans tous les cas aux écoles d'adultes. Ce point n'est pas douteux, et il est important.

Telle est donc la situation : d'une part, les grandes villes et des conseils provinciaux demandaient que l'application de la loi de 1842 ne fût pas généralisée, d'une autre part, le clergé hésitant demandait également que l'application de cette loi ne fût pas générale et absolue.

Des deux côtés, on réclamait donc un peu de tolérance, un peu de liberté.

Eh bien, messieurs, dans une pareille situation et en considérant le texte et les dispositions de la loi de 1842 comme douteux, comme susceptibles de controverse, je demande ce que la prudence et la sagesse politique commandaient ?

Il y a deux interprétations de la loi : une interprétation rigoureuse et une interprétation plus large.

Où allez-vous avec l'interprétation rigoureuse ? A l'annulation des délibérations des conseil provinciaux ; à celle des budgets des villes de Liège, de Gand et autres portant des subsides pour des écoles d'adultes non soumises à la loi de 1842.

Vous devez annuler ces subsides et fermer des écoles existantes depuis de longues années.

Si telle est la loi, elle doit être observée. Je demanderai à mes honorables adversaires s'il en est un parmi eux qui oserait porter le rigorisme de la loi jusqu'à cette extrémité. Je crois pouvoir dire qu'il n'y en a pas. Et je vais le prouver.

M. de Decker s'est trouvé en présence de cette difficulté : l'école de Bruxelles ne voulait pas se soumettre à l'inspection civile et la Chambre connaît les motifs que M. de Brouckere donnait à cette résistance.

M. de Decker, appelé à examiner la question légale, était d'avis que la loi de 1842, quant à l'inspection civile, devait être appliquée. Mais traduisit-il en fait cette opinion ?

Voici, messieurs, ce que nous lisons, écrit de sa main, sur la note qui lui fut remise par les bureaux du ministère, quant à l'inspection de cette école :

« Toutes les bonnes raisons sont pour le gouvernement. Mais il faut savoir parfois ne pas insister. Dans une ville bien administrée comme l'est Bruxelles, la nécessité de l'inspection est moins impérieuse ; ajournons donc. »

Vous devez reconnaître, messieurs, qu'il y a là une grave difficulté d'exécution. Et je dis que quand on est en présence d'une résistance qui s'appuie sur des motifs sérieux, il faut prendre garde d'appliquer la loi dans sa dernière rigueur. Sans doute, les droits de la loi doivent être maintenus, mais pour prendre une mesure grave il faut avoir un droit indiscutable, et plus les mesures sont énergiques, plus le droit doit être évident. Or, dans le cas qui nous occupe, la résistance était trop forte et les droits de l'Etat trop peu certains pour que l'on pût user de rigueur.

(page 951) Que feriez-vous d'autre part si le clergé, persistant dans ses réserves, vous disait : J'interviendrai, mais non dans les communes où mon intervention pourrait amener une concurrence fâcheuse à mes propres établissements. Diriez-vous au clergé : Vous interviendrez partout ou vous n'interviendrez nulle part ? Mais vous créeriez là une difficulté aussi grave que celle qui est soulevée par les conseils communaux et provinciaux. N'est-il pas préférable de laisser un peu de latitude et de dire au clergé : II vous sera loisible d'intervenir ou de ne pas intervenir ?

Je pense donc qu'en présence du doute, et tout le monde, j'en suis sûr, reconnaîtra qu'il y a doute, il faut incliner un peu en faveur de la liberté.

Voila pour les faits. Maintenant, est-ce que le système que je préconise est un système illogique, bâtard, susceptible de compromettre la loi de 1842 dans ce qu'elle a de certain et d'obligatoire ? J'ose dire, au contraire, que c'est le seul système logique, le seul qui ne confonde pas ce qui est obligatoire avec ce qui est facultatif, et qui ne compromette pas l'existence de la loi elle-même.

Quant aux écoles obligatoires, je veux maintenir fermement la loi de 1842, et je le veux, parce qu'à l'école obligatoire doit correspondre un programme obligatoire ; il ne serait pas raisonnable en effet, de considérer la création d'une école comme une nécessité, sans exiger en même temps un programme ; sinon l'enseignement pourrait y être dérisoire.

Par contre, quant aux écoles facultatives, je dis qu'on ne serait pas raisonnable d'en prononcer l'interdiction, par le motif qu'elles n'auraient pas un programme complet. Je suppose, en effet, qu'une commune ouvre une école d'adultes ; une école comme celles dont il s'agit dans la circulaire de M. Nothomb, où l'on donne une heure ou deux de classe chaque semaine et l'hiver seulement ; l'administration communale croit pouvoir se contenter d'y faire enseigner à lire et à écrire.

Que ferez-vous ? Appliquant la loi de 1842, vous devrez faire fermer l'école ; mais pour agir ainsi, quelles raisons alléguerez-vous ? Vous n'en aurez qu'une seule à donner ; il faudra proclamer que cette école est une chose mauvaise. L'oseriez-vous ? Oseriez-vous dire à une commune : Je vous défends d'encourager cette école si elle se borne à enseigner la lecture et l'écriture et n'enseigne pas le catéchisme ? Non, vous ne l'oseriez pas, et cependant telle devrait être la conséquence logique de votre système. Et vous arriveriez à considérer cet enseignement partiel comme une calamité.

Mon système n'offre aucun de ces inconvénients ; je reconnais que l'enseignement des adultes, alors même qu'il se borne à des leçons d'écriture et de lecture, est une bonne chose ; peut-être ne la subsidierai-je pas, parce que je trouverai qu'il faut exiger une plus complète organisation pour allouer les subsides de l'Etat. Mais si une commune veut créer un pareil enseignement, l'interdirai-je sous prétexte qu'il est insuffisant ? Non, je dirai : Mieux vaut cela que rien, et j'accepte le peu que vous me donnez.

Sommes-nous, quant aux écoles d'adultes, dans la même situation qu'à l'égard des écoles primaires proprement dites quant aux faits de l'enseignement ?

Je vous disais hier ; La loi de 1842, dans sa partie fondamentale, est une loi de jonction ; c'est une loi qui a réuni, à tort ou à raison, l'enseignement religieux et l'enseignement laïque, pourquoi ? C'est parce que ces deux enseignements existaient depuis toujours. Depuis des siècles, il y a eu en Belgique pour les enfants un enseignement religieux et un enseignement laïque. On a toujours enseigné aux enfants la lecture, l'écriture et le catéchisme. Que les plus âgés d'entre vous se rappellent le temps de leur enfance et ils affirmeront que toujours l'enseignement du catéchisme existait, réuni ou séparé, à côté de l'enseignement de la lecture et de l'écriture.

Ainsi, la loi de 1842 procède d'une idée de coalition ; elle réunit l'enseignement civil et l'enseignement religieux.

Et, remarquez-le bien, dans cette coalition entre l'autorité civile et l'autorité ecclésiastique, les avantages étaient réciproques.

Autrefois, dans les classes les plus inférieures de la société, on apprenait le catéchisme, alors même qu'on n'apprenait ni à lire ni à écrire Allez dans les campagnes et vous verrez encore que la plupart de ceux qui n'ont jamais appris à lire et à écrire, connaissent le catéchisme. On s'est réuni, l'autorité civile a gagné à avoir le concours du clergé, le clergé a gagné à avoir le concours de l'autorité civile.

Y a-t-il une situation semblable en ce qui concerne les écoles d'adultes ? Mais, messieurs, il n'existe pas d'enseignement religieux pour les adultes ; je n'en ai jamais connu, ou plutôt, je me trompe, il en existe un, c'est le prône, l'instruction à l'église. Je ne me trouve pas ici en présence de deux enseignements. Si je crée l'enseignement des adultes, faut-il que je crée nécessairement l'enseignement religieux que le clergé n'a pas organisé ? Si je voulais appliquer aux écoles d'adultes le système appliqué en 1842, que devrais-je faire ? Je devrais joindre le prône, le sermon du dimanche à mon enseignement civil. Cela est-il possible ?

Je crois qu'il y a, entre les deux situations, une différence fondamentale : d'un côté, la jonction de choses existantes, de l'autre la création d'un enseignement, laïque sans correspondant dans les établissements du clergé.

Aussi constatons-le bien : l'institution des écoles d'adultes, dans le système que j'indique, sera encore avantageux à l'enseignement religieux ; il n'y aura pas de perte pour lui et il y aura bénéfice. Et, en effet, supposons que nous ne créions pas d'écoles d'adultes, l'enseignement religieux pour les adultes n'existerait pas.

Nous créons des écoles d'adultes. Dans presque toutes les communes elles donneront l'enseignement religieux ; dans celles-là, il y aura développement de l'enseignement religieux.

Il est des communes où l'enseignement religieux ne sera pas donné ; nous serons là dans la position où nous sommes aujourd'hui.

Ainsi, messieurs, dans le système que je propose à la Chambre de consacrer, il pourra y avoir pour l'enseignement religieux avantage ; mais dans aucun cas, il ne pourra y avoir de perte.

Ai-je besoin de répondre à l'avance aux objections, aux attaques dont déjà une partie de la presse est remplie ? Ai-je besoin de venir dire que les écoles d'adultes même où l'on ne donnera pas l'enseignement religieux ne seront pas, pour cela, des écoles d'athéisme ?

Est-il un membre de cette Chambre qui se fera l'écho de ces attaques ?

M. Bouvierµ. - Cela n'existe pas.

MiPµ. - Viendra-t-on dire que parce que l'on donnera à quelques malheureux, le soir, des leçons de lecture, d'écriture et de calcul, sans leur donner aussi une leçon de catéchisme, on poussera partout les populations aux instincts purement matériels ?

Je crois, messieurs, qu'il y a bien de l'exagération dans cette idée de la nécessité d'adjoindre partout et toujours l'enseignement religieux à l'enseignement civil.

Mais n'avez-vous pas vu à la campagne, où les rapports entre les domestiques et les maîtres sont bien plus fréquents et plus intimes que dans les villes, n'avez-vous jamais vu quelque membre de la famille donner le soir à un domestique une leçon de lecture sans donner en même temps une leçon de catéchisme ?

Cet acte de bonne charité serait-il un acte irréligieux ? Et si la famille communale fait pour ses membres destitués d'un enseignement élémentaire quelque chose de pareil, pourquoi trouverait-on là quelque chose de blâmable ?

Quel sera maintenant, messieurs, le résultat de la réforme que je propose ? Je n'exagère pas ce résultat.

Je crois que dans la plupart des communes qui ont adhéré au règlement de 1866 les choses subsisteront comme précédemment, et qu'il en sera de même dans les écoles où l'enseignement religieux n'est pas donné aujourd'hui.

La position sera la même. Seulement, nous pourrons même à ces communes donner quelques subsides. Y voit-on un mal ?

Il y a d'autres combinaisons encore que celles que je viens d'indiquer.

Voulez-vous que je cite ce qui s'est passé à Charleroi, ce que notre honorable collègue M. Lebeau a fait quant à ces écoles d'adultes ? Il est allé trouver le doyen de Charleroi et il lui a dit : « Notre école d'adultes n'est pas soumise au régime de la loi de 1842. Mais, si vous le voulez, venez, de temps à autre, y donner une instruction religieuse. »

Ce respectable ecclésiastique a répondu : Je ne demande pas mieux. Mon âge ne me permettra pas peut-être d'y aller moi-même, mais j'y enverrai un de mes vicaires.

(page 952) M. Bouvierµ. - C'est un bon curé.

MiPµ. - Je demanderai qui trouvera là quoique chose de mauvais ? N'est-ce pas une bonne solution ? Ne peut-elle pas être acceptée dans bien des communes ?

Mais?, messieurs, remarquez-le bien, comment peut se donner l’enseignement religieux dans les écoles d'adultes ? Cet enseignement incombe à l’instituteur. Il ne donnera pas la leçon de catéchisme, me dit-on. Que voulez-vous que l'instituteur dise à ses élèves ? Dans les 868 écoles qui ont adhéré au programme, il y a beaucoup d'instituteurs qui ne peuvent que dire aux adultes ce qu'ils ont dit le matin aux enfants qui se préparent à la première communion.

Il y a là une sérieuse difficulté. Comment peut-elle être résolue ? En variant la solution d'après les localités.

La réforme que je veux introduire, en matière d'écoles d'adultes, est-elle quelque chose de bien énorme, au point de vue des principes de la droite de cette Chambre ?

Je puis vous montrer que les hommes les plus haut placés, dans les rangs de l'opinion catholique, ont adhéré à un système semblable ; ils ont été plus loin que moi. Pour le prouver, il me suffit d'ouvrir le projet de loi de 1834.

Voici le rapport joint à ce projet ; il nous le fait connaître :

« Les écoles primaires privées, d'après les principes de la liberté d'enseignement sanctionnés par la Constitution, ont dû nécessairement rester en dehors de la loi.

« Le projet met sur la même ligne les écoles primaires communales entretenues exclusivement aux frais de la commune ; elles restent purement communales, quant à leur administration et leur surveillance.

« Toutefois, chaque commune est tenue d'avoir une école primaire établie dans un local convenable, où les enfants pauvres soient gratuitement admis et où l'enseignement comprenne l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments du calcul, la langue française, flamande ou allemande (selon le besoin des localités), et le système légal des poids et mesures. »

On devait donc avoir dans chaque commune une école où l'on donnera le programme de l'article 6 : l'enseignement moral et religieux, la lecture, l'écriture et le calcul. Mais, à côté de l'école obligatoire, les communes pouvaient avoir une école libre entretenue à leurs frais et où elles étaient maîtresses.

Notez que ce projet est celui qui a été adopté avec des amendements en 1842.

Je ne vais pas aussi loin, messieurs ; je ne veux pas étendre cette disposition aux écoles primaires proprement dites, soumises à la loi de 1842. Mais j'ai le droit de dire que si l'on a consenti alors à admettre l'école facultative pour les enfants, à plus forte raison peut-on rester dans le domaine de la liberté en ce qui concerne les écoles d'adultes.

Mon système, messieurs, va moins loin que celui de 1834, qui a cependant été adopté à l'unanimité des membres de la commission. Et savez-vous qui faisait partie de cette commission ? Les honorables MM. de Gerlache et de Theux. (Interruption.)

Ce que je veux prouver, c'est que ce système dénoncé comme devant introduire l'athéisme dans toutes les communes de la Belgique, va moins loin que celui des honorables MM. de Gerlache et de Theux.

Messieurs, c'est peut-être une témérité de ma part, niais je crois pouvoir demander et aux adversaires et aux partisans de la loi de 1842 de me soutenir en cette circonstance.

A ces adversaires, je dirai : Vous repoussez la loi de 1842 ; vous ne pouvez pas vouloir l'étendre, vous ne pouvez pas vouloir que ce qui a été écrit pour les écoles obligatoires soit rendu applicable aux écoles facultatives.

Aux partisans de la loi de 1842, je dirai : Prenez-y garde, cette loi que je viens maintenir est fortement attaquée. Si votre désir est de la sauver, de l'empêcher de succomber devant l'opposition qui s'élève, ne retendez pas, car vous la compromettriez. Cette loi puise sa force dans son existence même. Vous voulez en faire une application nouvelle à des écoles naissantes. Il y a là un danger sérieux. Maintenez la loi de 1842 dans son esprit, dans les parties où elle se justifie, où elle a été appliquée jusqu'ici, mais n'essayez pas d'aller au delà ; une corde trop tendue est exposée à se rompre.

En résumé donc, et je termine par là, nous sommes en présence d'une difficulté sérieuse, on doit le reconnaître. Pour résoudre cette difficulté, que faut-il faire ? Adopter la solution qui, dans notre pays, est la solution naturelle des difficultés. C'est toujours la même : donner un peu de liberté.

Projet de loi allouant des crédits provisoires au bu budget des ministères de la guerre, des travaux publics et de l’intérieur

Discussion des articles

M. le président. - La Chambré veut-elle s'occuper maintenant du projet de loi allouant des crédits provisoires ? (Oui ! oui !)

La discussion générale est ouverte.

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Des crédits provisoires, à valoir sur les budgets des dépenses de l'exercice 1868, sont ouverts, savoir :

« 1° Au département de la guerre : fr. 6,000,000.

« 2° Au département des travaux publics : fr. 6,700,000.

« 3° Au département de l'intérieur : fr. 2,700,000.

« Total : fr. 15,400,000. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

69 membres répondent à l'appel nominal.

64 votent pour le projet.

4 votent contre.

1 (M. Van Hoorde) s'abstient.

En conséquence, le projet est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption :

MM. Kervyn de Lettenhove, Lange, Le Hardy de Beaulieu, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Orban, Pirmez, Rogier, Schollaert, Thienpont, T'Serstevens, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Wambeke, Vilain XIIII, Vleminckx, Wasseige, Allard, Ansiau, Anspach, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Carlier, Couvreur, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Haerne, Eugène de Kerckhove, Delcour, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, de Zerezo de Tejada, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jouret, Julliot et Dolez.

Ont voté le rejet :

MM. Delaet, Gerrits, Hayez et Jacobs.

M. le président. - M. Van Hoorde, qui s'est abstenu, est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Van Hoordeµ. - Je me suis abstenu parce, que le projet de loi comprend, à côté de crédits que j'approuve, d'autres crédits dont je ne suis pas partisan, à cause des exagérations du budget auquel ils se rapportent.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1868

Discussion générale

M. Dethuinµ. - Messieurs, les discussions soulevées au sujet de la mise à exécution du règlement général des écoles d'adultes, montrent, selon moi, à toute évidence que les mesures les plus généreuses, les réformes les plus efficaces tentées dans le but d'améliorer l'enseignement primaire seront toujours vaines et stériles, subordonnées qu'elles seront à la concordance et a l'application d'une loi qui, par système, est hostile à tout progrès intellectuel.

Or, lorsqu'une loi est contraire à la prospérité de l'enseignement, on ne doit pas seulement s'attacher à atténuer passagèrement les effets malfaisants qu'elle engendre, il faut sans hésitation remonter jusqu'à la source du mal pour le combattre et l'anéantir.

Le pays, messieurs, comprend que l'instruction populaire est indispensable et que sans elle le progrès sommeille et la liberté s'évanouit ; il s'est pénétré de cette pensée si juste, si vraie, si simple et si profonde à la fois que M. Emile de Girardin exprime si admirablement dans son livre sur l'enseignement primaire en France.

« L'instruction des peuples, dit l'éminent écrivain, met en danger les gouvernements absolus ; leur ignorance, au contraire, met en péril les gouvernements représentatifs, car les débats parlementaires, pour révéler aux masses l'étendue de leurs droits, n'attendent pas qu'elles (page 953) puissent les exercer avec discernement, et dès qu'un peuple connaît ses droits, il n'y a plus qu'un moyen de le gouverner, c'est de l'instruire. »

Pour nous, qui voulons consolider et rendre plus stable encore notre gouvernement représentatif, nous devons favoriser l'enseignement populaire.

L'instruction, messieurs, n'a pas fait jusqu'ici de bien grands progrès en Belgique, et, nous sommes forcés de l'avouer, la loi de septembre 1842 a toujours été une barrière opposée au développement intellectuel du pays.

Si l'on compare entre eux les divers Etats de l'Europe, on constate avec regret que presque tous, au point de vue de l'enseignement, sont plus progressifs que le nôtre.

Un entre autres, obscur naguère, aujourd'hui éclairé et prospère, attire les regards émerveillés de l'Europe et recueille à juste titre ses applaudissements ; je veux parler du Portugal qui, au milieu de réformes très progressives, a décrété, il y a quelque temps, l'instruction obligatoire, et ce système, je puis l'affirmer, fonctionne dans ce pays à la satisfaction de tous.

Aujourd'hui, messieurs, nous n'avons pas même songé à doter notre pays de l'instruction obligatoire ; nous nous bornons à poursuivre le retrait d'une loi que l'on peut considérer comme l'élément destructeur de l'instruction primaire. Elle crée à l'instituteur une position insoutenable. En effet, tout homme qui veut penser, croire librement ne peut être instituteur primaire.

On se plaint trop souvent et parfois trop haut des instituteurs et de leur éducation ; mais à qui la faute ? Messieurs, à la loi de 1842. Ces fonctionnaires ont été mal élevés dans les écoles normales, on s'est efforcé d'abaisser leur caractère pour les rendre plus soumis, leurs idées ont toujours été maintenues terre à terre ; au nom de la discipline, on a comprimé la pensée. Ils n'ont pu lire, étudier, raisonner surtout ; leur esprit n'a pu se développer. Ils ont été serinés et non instruits, on en a fait des machines et non des professeurs.

Il suffit de parcourir les règlements des écoles normales, d'examiner les matières qui y sont enseignées pour découvrir dans quel moule on a jeté ces hommes,

Le paragraphe 2 de l'article 35 de la loi de 1842 créa deux écoles normales de l'Etat pour tout le pays.

Ce nombre, messieurs, était insuffisant, et les honorables membres qui composaient alors le cabinet étaient trop capables, trop intelligents et surtout trop clairvoyants pour qu'ils l'ignorassent. Mais on avait depuis longtemps pensé aux écoles normales épiscopales et l'adoption de celles-ci par le gouvernement, avec conditions favorables aux évêques, était déjà résolue. Aussi, les évêques vinrent-ils spontanément demander pour leurs écoles l'inspection de l'Etat, et le 17 décembre 1843 parut l'arrêté royal plaçant les écoles de Saint-Trond, Saint-Roch, Bonne-Espérance, Roulers, Bastogne, Carlsbourg, Malonne, Saint-Nicolas sous le régime d'inspection établi par la loi, les admettant ainsi aux bénéfices attribués à cette position.

Je lis dans le règlement de ces écoles adoptées, protégées et subsidiées par l'Etat, au paragraphe premier n°12, après l'énumération de quelques branches enseignées : « le chant grégorien, l'art de toucher l'orgue. » Certes, messieurs, la musique est un art très répandu de nos jours, mais je ne vois pas l'utilité pratique pour un instituteur qui se destine à la vie modeste, calme et paisible du village de savoir toucher de l'orgue et de connaître le chant grégorien.

Je chercherais encore et, en vain peut-être, le but de ces études, si je ne le trouvais clairement indiqué au numéro suivant. On y ajoutera, dit le numéro 13 : « quelques notions sur les devoirs d'un sacristain et sur la manière de faire les cierges ». Cette fois trop de notions !!! la franchise du dernier numéro est précieuse, mais profondément regrettable.

Je tourne quelques feuillets et j'arrive aux conditions d'admission. Je remarque la suivante :

« L'aspirant doit être d'une conduite irréprochable, d'une piété sincère, d'un caractère modeste, ferme et modéré, d'une santé robuste, issu, en légitime mariage, de parents honnêtes ; s'ils sont pauvres, ils ne peuvent être misérables. »

Voilà, messieurs, des conditions qui devraient être rayées d'un règlement imprimé dans un pays libre et civilisé.

Quoi ! on repousse un homme parce que la fatalité a voulu que sa mère fût séduite !

Est-ce là, la morale pleine de grandeur, de mansuétude et de générosité que prêchait e Christ ? Est-ce là la morale de l'Evangile, de la civilisation du XIX ème siècle, où est-ce la morale des ténèbres, de la barbarie, du fanatisme et de l'aveuglement ?

Si l'enfant est légitime, cela ne suffit pas encore ; les parents sont-ils honnêtes, ce n'est pas assez ; ils peuvent être pauvres, mais non misérables. L'injustice et l'inégalité en face même de la misère et du malheur !

Mais plus les parents sont misérables, plus ils ont dû lutter, s'imposer des privations, souffrir peut-être pour donner à leurs enfants la première éducation, et plus, logiquement et chrétiennement, la récompense doit être mesurée aux difficultés, aux peines et aux douleurs.

Mais dans les écoles, si la pauvreté est parfois admise, la misère doit toujours rester à la porte.

Ceux qui entrent réunissent, grâce aux habiletés réglementaires, toutes les qualités requises pour faire d'excellents instituteurs catholiques militants. Pendant les vacances, ils sont perfectionnés dans la pratique. En effet, chaque élève, dit le règlement « sera placé pendant les vacances sous la surveillance spéciale de son curé, et le directeur demandera à celui-ci un témoignage clos de la conduite de chaque élève instituteur. »

Est-ce bien de la surveillance ? Un autre mot conviendrait mieux sans doute, je ne veux pas le prononcer.

Quelles sont, messieurs, les conclusions graves et sévères sans doute, mais logiques, qu'il faut tirer de l'étude de ce règlement ? C'est que les fils de juifs, de protestants ne peuvent être admis dans ces écoles. Ils ne le peuvent, parce que l'enseignement est exclusivement catholique romain et par conséquent contraire à leur croyance ; ils ne le peuvent, car, grâce aux restrictions déguisées mais prévoyantes du règlement, on peut leur dire : Nous ne pouvons vous admettre, les règlements s'y opposent, notre conscience nous le défend ; vous n'êtes pas issus en légitime mariage et en effet, les unions juives ou protestantes, bien que parfaitement régulières et légitimes aux yeux de la loi civile, ne le sont pas au point de vue des principes et des lois de l'Eglise catholique.

Je sais qu'un arrêté royal du 15 décembre 1860 modifie les conditions auxquelles doivent se soumettre les écoles normales privées pour obtenir les avantages résultant de l'agréation, aux termes de l'article 10 de la loi de septembre 1842 ; mais il est toujours vrai que pendant vingt ans on a toléré des règlements qui, à chaque page froissent une conscience, blessent à chaque ligne une conviction.

Le cabinet de 1842 peut être attaqué, ses actes critiqués ; mais on doit lui rendre justice ; il était logique et conséquent avec ses opinions. Il poursuivait un but, il voulait confier au clergé catholique l'éducation de la jeunesse et étayer ainsi sa puissance en préparant les générations futures à la consolider.

La loi de 1842 n'est pas seulement politique, elle est essentiellement stratégique.

En effet, non content d'adopter les écoles épiscopales, le gouvernement supplie les évêques de choisir le personnel enseignant des établissements normaux laïques de l'Etat, et le 11 novembre 1843, l'honorable ministre de l'intérieur écrit à l'archevêque de Malines pour le prier de vouloir bien indiquer deux ecclésiastiques capables de diriger les écoles de Lierre et de Nivelles.

Voilà donc toutes les écoles normales du pays entre les mains du clergé politique, dont les délégués, choisis par lui, vont former tous les éducateurs des citoyens de l'avenir.

Quelle est, messieurs, la position de l'élève-instituteur ? J'avais l'honneur de faire remarquer tout à l'heure à la Chambre qu’il ne pouvait lire ni étudier à l'école normale ; lorsqu'il en est sorti, il ne peut rien enseigner.

La censure est rétablie. Les ouvrages où l'on parle de Marnîx de Sainte-Aldégonde sont signalés comme dangereux. Tel autre est repoussé parce que la cour de Rome l'a mis à l'index. Veut-on connaître les livres condamnés, les publications interdites ?

Voici d'abord un journal, l'Education nouvelle, signalé comme anti-catholique.

La revue de Mlle Gatti de Gamond, l'Education de la femme, dénoncée comme une publication sensualiste et hétérodoxe.

En 1863, l'Histoire populaire de la Belgique, de notre honorable collègue, M. Hymans. a été attaquée par les délégués de l'épiscopat. Ils l'ont trouvée très répréhensible au point de vue de l'orthodoxie catholique.

M. Hymans. - En tronquant le texte.

M. Dethuinµ. - M. Van Boxelaere, inspecteur diocésain, a (page 954) exprimé les regrets du clergé qui voit se propager les livres condamnés par l'autorité ecclésiastique.

Les études historiques et l'analyse raisonnée de l'histoire de France de M. de Chateaubriand ont été signalées comme mauvaises au point de vue moral et dogmatique.

L'Histoire de la civilisation de M. Guizot est sévèrement interdite. Enfin, M. Tagnon, délégué de l'évêque de Namur, aujourd'hui archevêque de Malines, a demandé si on ne pouvait pas donner exclusivement en prix aux élèves des livres de messe, ces livres, ajoute M. le délégué, étant plus utiles que d'autres ouvrages.

Que penser, après cela, de l'article 9 de la loi, qui donne aux chefs des cultes le droit d'approuver seuls et sans aucun contrôle, les livres employés pour l'enseignement de la morale et de la religion ?

Le paragraphe 2 de l'article 6 de la loi de 1842 est ainsi conçu :

« L'enseignement de la religion et de la morale est donné sous la direction du ministre du culte professé par la majorité des élèves. »

Or, messieurs, le culte professé par la grande majorité des Belges, c'est le culte catholique. Les élèves catholiques sont donc en majorité dans toutes les écoles. Les ministres des cultes de la minorité sont exclus de l'école, ils ne peuvent même s'y présenter à heures fixes et en l'absence des élèves catholiques ; car l'honorable ministre de l'intérieur l'a catégoriquement déclaré dans la séance du 14 août 1842.

« Les ministres des différents cultes, dit l'honorable M. Nothomb, ne seront pas admis à se présenter successivement, alternativement à l'école, le ministre catholique et le ministre protestant chacun pour l'enseignement moral et religieux dans les rapports avec les cultes respectifs....

« ... L'enseignement de la religion et de la morale sera donné dans chaque école pour les enfants appartenant en majorité à l'un des cultes positifs existant dans le pays. Quant aux autres enfants, pour eux l'enseignement moral et religieux sera donné en dehors de l’école. »

Voilà donc des enfants de citoyens belges traités exceptionnellement parce qu'ils ne professent pas le culte de la majorité.

Le paragraphe 3 de l'article 7 complète la pensée et montre plus clairement encore le but que poursuit la loi. Il dit : « Les ministres des cultes et les délégués du chef des cultes auront en tout temps le droit d'inspecter l'école. »

Il en résulte que le curé, étant dans chaque commune le délégué ordinaire du chef du culte catholique, a le droit d'aller tous les jours surveiller l'instituteur, de lui imposer ses opinions morales et religieuses et de l'obliger à enseigner des principes opposés peut- être à ses croyances et à ses convictions.

L'instituteur doit donc être catholique de religion, clérical d'opinion pour donner consciencieusement sa leçon sous la direction du prêtre ; ou bien, pour éviter les persécutions, il mentira, deviendra hypocrite en feignant de croire à des choses que sa raison n'admet pas.

On évite toutes ces disgrâces en donnant l'instruction religieuse aux catholiques dans l'église, aux protestants dans le temple. C'est là, messieurs, au milieu du silence imposant et grandiose qui règne toujours dans la maison du Seigneur, qui frappe et impressionne vivement sa jeune imagination, que l'on doit apprendre à l'enfant à connaître son créateur.

Tout le monde gagnera à séparer les intérêts du temporel d'avec ceux du spirituel.

La loi de 1842 a-t-elle, depuis vingt-six ans qu'elle fonctionne dans notre pays, produit de bons résultats au point de vue des sentiments religieux et des croyances populaires ?

Si j'écoute les plaintes qui s'élèvent tous les jours dans le clergé contre l'impiété croissante, la désertion des églises et l'oubli des sacrements ; si je lis attentivement les allocutions du pape, tontes empreintes d'une mélancolie profonde et d'un découragement manifeste, je suis en droit de conclure que l'immixtion du prêtre, à titre d'autorité, dans l'enseignement laïque, a nui à la véritable religion en détruisant son antique prestige.

On a facilement découvert le but, on a de suite deviné que ce n'était pas Dieu qui entrait à l'école avec le prêtre, mais la politique et les partis déguisés en morale et en religion.

Messieurs, c'est, à mon sens, une injustice de dire en parlant des enfants appartenant à un culte en minorité en Belgique :

« Quant à eux, l'enseignement de la morale et de la religion sera donné en dehors de l'école. »

Où iront-ils, que feront-ils ces enfants ainsi abandonnés à eux-mêmes ? Peu importe, dit-on, ils se retireront quand le prêtre entrera.

Mais, messieurs, si le père d'un de ces enfants, citoyen belge, honnête, laborieux, excellent patriote, mais juif ou protestant, venait dire aux défenseurs de cette loi arbitraire : Je suis ouvrier, je vais à l'usine, ma femme à l'atelier, notre maison est fermée. Dès le matin nous confions à l'instituteur notre enfant et celui-ci est renvoyé de l'école parce qu'il n'est pas catholique. Mon fils est jeune, il se blesse, il se noie peut-être, contracte des vices ou tout au moins de mauvais instincts et vous commune, vous Etat qui devez à tous les citoyens une égale protection, vous tous législateurs qui tolérez cette loi, je vous rends moralement responsables des malheurs de mon enfant.

Ce père, messieurs, aurait raison. Enfin fatigué, ennuyé, sans cesse inquiet au travail, il retirera son enfant de l'école pour le placer dans ces fabriques malsaines où l'enfance s'étiole, dépérit et meurt.

Qui souffre de ces inégalités ?

Cette chose sainte et sacrée, dont on ne peut prononcer le nom sans respect : la famille. Mais admettons les faits exagérés. Supposons un instant que l'enfant, pendant que l'on enseigne une religion qui n'est pas la sienne, attende tranquillement que la leçon soit terminée. Lorsqu'il rentrera, si cette leçon a été comprise, retenue, si elle a profité aux élèves privilégiés, que diront-ils à leur condisciple ? Messieurs, ils se souviendront que, parlant au nom d'un Dieu de miséricorde infinie, on a affirmé que hors la religion catholique, apostolique et romaine il n'y a pas de salut ! qu'il faut fuir les hérétiques, repousser les schismatiques, avoir horreur des excommuniés.

Cet âge est sans pitié ; les enfants appliqueront aveuglément les principes du catéchisme ; ils fuiront, tourmenteront cet infortuné, il sera le paria, le souffre-douleur de la classe.

C'est ainsi, messieurs, que l'on fait germer dans des âmes naïves et vierges encore, cette semence empoisonnée de l'intolérance et du fanatisme religieux, que l'on prépare les luttes, les aveugles haines, les préjugés barbares qui désolent l'humanité. Et l'on se plaint des mœurs populaires, de leur rudesse, lorsque l'on développe chez l'enfant du peuple, pour ainsi dire dès le berceau, des sentiments d'autant plus funestes que des études supérieures, un frottement plus fréquent avec un monde plus éclairé ne viendra jamais les modifier, ni les anéantir.

Voilà la fausse éducation primaire que nous devons tous combattre, car elle est la cause première et trop souvent ignorée de l'abaissement des caractères et de la décadence des nations.

Ainsi, on le voit, cette loi est purement stratégique. Elle a tout prévu, tout combiné, le terrain de l'avenir a été soigneusement étudié. L'instituteur a été choisi, formé dans les écoles normales ; il doit être catholique romain et ne peut avoir d'autres opinions que celles de l'Eglise. Les citoyens qui appartiennent au culte de la minorité sont impitoyablement exclus de l'enseignement primaire.

De cette façon on ne peut créer un personnel enseignant à la hauteur de sa mission, car le talent ne peut parvenir et les vocations se manifester, qu'à la condition de posséder certaines croyances.

Macarel, dans ses éléments de droit public, condamne sévèrement les principes sur lesquels repose la loi de 1842.

« Un principe, dit Macarel, qui ne doit pas seulement trouver sa place dans les lois secondaires, mais bien dans la Constitution même, c'est l'égale admissibilité de tous les citoyens aux emplois publics. Rien ne blesse, ne décourage plus en effet les citoyens que le privilège et la partialité dans la distribution de ces sortes de faveurs, et le seul moyen de n'appeler à lui que des hommes dignes et capables, est de ne mettre les emplois qu'à l'enchère des talents et des vertus.

« Dans un pays où quelques lumières auraient pénétré, la tyrannie qui contraindrait à professer des opinions que l'on n'a pas, dépraverait autant qu'il serait en elle les premières classes de la société, pour tromper et enchaîner les dernières. Elle entretiendrait dans le monde un commerce forcé de mensonge, tant qu'il y serait donné à tous de faire semblant de croire ce que plusieurs ne pourraient croire. En effet, il y aurait corruption ou lâcheté dans les uns, inertie ou imbécillité dans les autres, dégradation de l'espèce humaine dans la plupart.

La noblesse et l'énergie du caractère tiennent plus qu'on ne pense à la franchise des opinions ; loin de l'anéantir, le pouvoir doit donc en favoriser le développement, son intérêt seul le lui conseillerait, alors même que l'équité ne lui en ferait pas un devoir. »

Telle est, messieurs, l'opinion de Macarel, tel est aussi l'esprit de notre pacte fondamental méconnu par la loi de 1842.

Cette loi est donc inconstitutionnelle. L'enseignement donné par le prêtre à l'école l'est également.

(page 955) En effet, le prêtre doit aveuglément obéir à Rome et respecter les lois de l'Eglise avant celles de son pays. Or, ces lois de l'Eglise, quelles sont-elles ? Les encycliques, qui condamnent d'une manière absolue nos libertés les plus chères et les plus sacrées.

Savez-vous, messieurs, ce que disent les encycliques de la liberté de la presse ? C'est tout simplement « une liberté funeste dont on ne peut avoir assez d'horreur. »

Même respect, même tolérance pour la liberté des cultes, proclamée par les articles 14 et 15 de la Constitution. C'est « une source infecte d'indifférentisme, d'où découle cette maxime absurde et erronée ou plutôt ce délire qu'il faut assurer à qui que ce soit la liberté de conscience. On prépare la voie à cette pernicieuse erreur par la liberté d'opinion pleine et sans borne qui se répand au loin pour le malheur de la société religieuse et civile. »

Voilà donc, messieurs, nos libertés absurdes, les principes du Congrès erronés et nos illustres législateurs qui les ont inscrits dans notre Constitution, « des hommes en délire. »

La liberté d'association, qui a pourtant si bien profité au parti clérical en faisant de la Belgique la terre hospitalière des couvents, n'a pas même trouvé grâce devant l'encyclique.

Ecoutez, messieurs, comme elle parle, l'ingrate qu'elle est, de cette liberté constitutionnelle.

« Aux causes d'amertume qui nous tourmentent et nous affligent principalement dans le danger commun, se sont jointes certaines associations et réunions marquées où l'on fait cause commune avec des gens de toutes religions et même de fausses, etc., etc. »

Eh bien, j'ose l'affirmer au point de vue social, cet enseignement est mauvais, car il subordonne aux ordonnances de l'Eglise le respect dû avant tout aux lois nationales et civiles ; je dirai plus, il est anarchiste, car en entretenant les rivalités et les querelles religieuses, il fait naître la désunion, la haine et la discorde entre des citoyens qui doivent être toujours unis dans l'intérêt de la patrie.

Combien ne devons-nous pas admirer la sagesse prévoyante de nos pères qui, devinant les luttes et craignant les envahissements, avaient laissé l'Eglise chez elle et l'Etat chez lui.

Mais, dira-t-on, et je compte quelques amis politiques au nombre de mes honorables contradicteurs, si le prêtre n'est plus admis dans l'école, il lui sera hostile et favorisera les écoles rivales.

Messieurs, les maux que l'on veut éviter existent actuellement et cependant le prêtre est reçu dans toutes nos écoles. L'argument est d'ailleurs complètement détruit par un document officiel.

En effet, le dernier rapport triennal, après avoir solennellement annoncé que le calme régnait à l'école, constaté avec une douce satisfaction que les curés les visitaient assidûment et que leurs relations avec les instituteurs étaient des plus cordiales, que tout enfin, messieurs, était pour le mieux dans les meilleures des écoles, seulement... ajoute le rédacteur du rapport triennal... seulement... « lorsque des établissements communaux existent en concurrence avec des établissements tenus par des corporations religieuses, alors il arrive que les curés veulent quand même favoriser plus ou moins ouvertement les seconds aux dépens des premiers. »

Que cela, en vérité !!

Je l'avoue, après la lecture de la première partie du rapport, je commençais à m'amender, à revenir à de meilleurs sentiments, je sentais la grâce me toucher. Mais l'aveu échappé naïvement au rédacteur du rapport triennal a donné à mes convictions une force plus grande et plus inébranlable que jamais.

J'entends dire : Le prêtre, devenu un étranger pour l'école, refusera d'admettre les enfants qui la fréquentent à la première communion. Aujourd'hui, messieurs, malgré le contrôle qu'il exerce sur nos établissements laïques, le clergé fait plus encore. A Fleurus, le curé a refusé les dernières prières et l'entrée de l'église au corps d'un malheureux enfant de neuf ans, parce qu'il avait suivi les cours de l'école moyenne.

M. Bouvierµ. - C'est incroyable !

M. Dethuinµ. - Je ne veux pas insister sur ce point. Mais, messieurs, qu'il me soit permis de le dire, ces rigueurs qui affligent les cœurs véritablement pieux et révoltent les consciences les plus timides, affaibliront de plus en plus cette religion armée et respectée de nos aïeux, parce qu'elle prêchait alors l'amour et la fraternité, parce qu'elle était l'amie du pauvre et du faible et s'enorgueillissait de son humilité. Elle dépérit tous les jours... (Interruption.) Elle va bientôt disparaître pour faire place à cette religion ardente, passionnée, politique, avide de richesses, de puissance et de grandeurs.

Que l'on ne vienne donc plus dire, chaque fois que l'on parle de séculariser l'enseignement : Vous voulez donc créer des écoles d'alliées, proscrire la foi de vos pères, rendre irréligieuses les générations de l'avenir et préparer ainsi des révolutions sociales en soulevant des passions que vous serez impuissants à calmer !

Le bon sens public a, depuis longtemps, fait justice de ces exagérations de langage.

Nous voulons, au contraire, que les enfants étudient à l'église les principes de la religion, mais qu'à l'école ils apprennent à connaître l'histoire de leur pays, qu'ils lisent souvent notre histoire moderne qui prend naissance en 1830, et qu'ils sachent, avant tout, aimer leur patrie, respecter ses lois, chérir ses libertés.

C'est ainsi, messieurs, que l'on fait vibrer dans le cœur de l'enfant de nobles et salutaires sentiments patriotiques. L'amour du pays ! Voilà une religion morale, sublime, universelle, que tous les peuples vénèrent, parce que tous ils la comprennent.

Avec notre enseignement primaire actuel, je crains que le clergé, tout-puissant à l'école, obéissant, peut-être malgré lui, à des ordres supérieurs, n'enseigne à la jeunesse l'histoire espagnole et non l'histoire de Belgique ; qu'il apprenne aux enfants à vénérer le fanatique duc d'Albe, ce terrible et sanglant oppresseur de notre pays et à haïr le protestant Guillaume le Taciturne, un héros, le glorieux et infatigable défenseur de nos droits et de nos libertés.

Si nous voulons maintenir notre pays à la hauteur des autres nations, n'hésitons pas, au moins en matière d'enseignement, à faire noblement litière des ambitions et des rivalités qui nous séparent ; résumons ainsi notre programme : « Instruction religieuse entièrement libre, sans surveillance laïque dans les églises et dans les temples ; enseignement exclusivement laïque, national et constitutionnel dans les écoles. »

Ne permettons plus aux partis de venir vider leurs différends dans nos écoles au détriment de celles-ci et que l'instituteur cesse enfin d'être la victime expiatoire de nos luttes politiques ; ne l'humilions plus, surtout ne l'insultons plus en laissant inscrire dans une loi que la saine morale lui est étrangère.

Ainsi, messieurs, nous rendrons prospère notre enseignement public et nous répandrons un peu de lumière.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. De Lexhy. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de crédit supplémentaire de 350,000 fr. pour l'église de Laeken.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1868

Discussion générale

M. Wasseige. - Messieurs, la réponse de l'honorable ministre de l'intérieur à l'honorable M Funck aurait été assez complète, assez péremptoire pour me dispenser de venir aussi défendre la loi de 1842, si malheureusement elle n'avait été précédée de cette déclaration qu'il ne tenait tant à la loi de 1842 que parce qu'elle existait et fonctionnait depuis longtemps. Cet amour me paraît par trop platonique. Quoi qu'il en soit, personne dans cette Chambre, pas même M. Funck, ne demande actuellement l'abrogation de cette loi, et je pourrais me dispenser de m'occuper de cette question, si je n'avais à répondre rapidement et très succinctement à quelques-unes des allégations de l'honorable député de Bruxelles, en rencontrant également la plupart de celles de l'honorable M. Dethuin. Je dois cependant à ce dernier une mention spéciale. Ses critiques de la loi de 1842 partent d'un bon cœur, c'est dans l'intérêt de la religion, pour augmenter son prestige et son importance, qu'il veut chasser le prêtre de l'école primaire et de l'école normale ; mais il me permettra de lui dire qu'en cette matière, malgré l'estime que j'ai pour son intelligence élevée, je préfère encore l'opinion de nos évêques à la sienne.

Pour M. Funck donc, et un peu pour M. Dethuin, le type de l'école primaire serait l'école sans croyance religieuse aucune, et dont tout enseignement dogmatique serait sévèrement exclu, pour ne pas froisser la liberté de conscience inscrite dans notre Constitution.

Mais je voudrais bien que mon honorable collègue nous fît le programme d'une semblable école.

Dans quels livres pourrait-il faire apprendre à lire les enfants, de quels ouvrages se servirait-il pour leur enseigner l'histoire, sans que la question religieuse en surgisse forcément, sans que Dieu y soit nommé, sans que son existence soit proclamée ?

(page 956) Que faire alors ? Car enfin si l'enseignement catholique peut froisser la conscience des protestants, des juifs ou des mahométans, l'acte de reconnaître Dieu peut tout aussi bien froisser la conscience des libres penseurs, des athées et de tous ceux qui nient l'existence d'un Dieu quelconque.

Et malheureusement, je ne pose par une hypothèse gratuite, et pour les besoins de ma cause : l'athéisme s'étale parfois au milieu de nous, il se trouve des journaux, et des plus considérables, parmi ceux qui soutiennent la politique de M Funck, pour le proclamer et le défendre ; et le refus de serment avec invocation de la Divinité, sur quoi cst-il fondé ? Sur la négation de l'existence de Dieu.

Vous le voyez donc, messieurs, si le système d'instruction, d'éducation primaire préconisé jeudi est vrai, ce n'est pas seulement l'enseignement dogmatique de toute religion positive quelconque qui devrait être banni de l'école, mais toute allusion à l'existence de Dieu, car vous devez aussi bien respecter la conscience des libres penseurs que celle des dissidents, qui d'ailleurs sont expressément dispensés des leçons de religion.

Vous le voyez messieurs, en poussant à l'extrême les conséquences des principes émis par l'honorable M. Funck, on arrive à l'absurde, à l'impossible.

Mais en fait, voyons, y a-t-il des consciences froissées ? Habitons-nous un pays de Musulmans, de Mormons, de Cochinchinois, comme disait l'honorable M. Vandenpeereboom, où une infime minorité catholique, appuyée sur une loi de parti, veut imposer ses croyances et ses dogmes dans l'enseignement de l'enfance ? On le croirait réellement aux précautions minutieuses que voudrait prendre l'honorable M. Funck contre l'enseignement catholique dans les écoles.

Mais c'est précisément le contraire qui est vrai.

L'immense majorité de la nation professe la religion catholique ; c'est surtout avec l'argent des catholiques que les écoles ont été érigées et qu'elles sont entretenues ; quoi de plus naturel alors que l'on y enseigne les principes de la religion de la presque unanimité de ceux qui les payent et qui les fréquentent ? Et je dis avec assurance la presque unanimité, car il y a bien peu de parents, même parmi ceux qui sont soit indifférents, soit même irréligieux, qui voulussent soustraire leurs jeunes enfants aux bienfaits de l'éducation chrétienne.

J'en connais même qui, quoique hostiles en principe à l'enseignement donné par les corporations religieuses, fondaient dans leurs vastes propriétés des écoles de Sœurs et de Frères de la doctrine chrétienne.

Et ne prétendez pas que vos écoles seront neutres et accessibles à toutes les croyances ! Mais d'abord, pourquoi, pour les rendre accessibles à des croyances qui n’existent pas ou qui existent peu en Belgique, faut-il les rendre suspectes à la seule croyance qui les fréquente ?

Mais vos écoles ne peuvent pas être neutres, et franchement ce n'est pas cela que vous voulez.

Vous n'êtes pas neutres, car vous ne voulez pas limiter l'enseignement primaire aux seules matières scientifiques, mais vous voulez aussi que cet enseignement serve à l'éducation de l'enfance, en deux mots, vous prétendez aussi au gouvernement des esprits, je puis même dire que c'est surtout à ce résultat que vous visez ; car s'il ne s'agissait réellement que d'apprendre aux enfants la lecture, l'écriture et le calcul, peu vous importerait par qui seraient dirigées les écoles primaires.

Eh bien, votre éducation, votre morale, quelles bases lui donnerez-vous en face des grands problèmes qui se partagent le monde ? Le Christ, je vous l'ai déjà dit, vous le rencontrerez forcément dès les premières pages des livres que vous donnerez à vos élèves ; que ferez-vous ? Si vous l'adorez, vous êtes chrétien ; si vous passez votre chemin, vous êtes libre penseur ; mais dans les deux cas vous cessez d'être neutre.

Et pussiez-vous de bonne foi rester neutre, que votre système aboutirait à l'étouffement insensible des croyances dans l'eau tiède du scepticisme officiel, selon l'expression de l'un de nos meilleurs journaux catholiques.

Les auteurs de la loi de 1842 sont partis d'un tout autre ordre d'idées ; ils ont pensé qu'au lieu de diviser, de séparer l'instruction et l'éducation, au lieu de les poser en étrangères, sinon en adversaires, il fallait les réunir et les fortifier l'une par l'autre ; que ce n'était pas trop, pour arriver à ce but, de l'alliance de l'autorité publique, de la liberté et de la religion représentée par le clergé des différents cultes ; que leurs efforts combinés dans une œuvre commune ne seraient pas trop puissants pour livrer à l'ignorance des masses un suprême combat à l'aide d'un sérieux enseignement littéraire et religieux.

La loi de 1842 ne fut donc pas une œuvre de parti, d'antagonisme et de lutte, ce fut au contraire une œuvre d'alliance dans un but social.

Et j'oserais affirmer que les idées exposées ici par l’honorable M. Funck n'auraient pas été comprises dans les Chambres de 1842, et que si M. Funck y avait siégé, il se fût trouvé seul de son avis, car je doute fort que les trois honorables opposants à la loi sur l'instruction primaire l'eussent suivi jusqu'au bout.

Il n'est donc pas étonnant que mon honorable collègue comprenne si peu et juge si mal une loi faite en opposition si complète avec ses idées.

Les auteurs de la loi de 1842 agissaient en effet d'après les principes que l'école primaire, est celle où l’éducation est considérée comme inséparable de la religion, celle dont la religion est la base invariable, où la religion est combinée avec toute la matière de l’instruction et dont l’atmosphère est toute religieuse ; et dans l’application de ces principes ils se trouvaient d’accord avec lord Derby, sir Robert Peel, lord Russel et l’illustre M. Guizot.

Et pour qu'il n'y eût pas le moindre doute sur ce qui devait servir de base invariable à l'instruction primaire, voici comment s'exprimait, dans la séance du 8 août 1842, et sans être contredit par aucun des libéraux d'alors, celui que l'on peut appeler le père de la loi de 1842, M. J.-B. Nothomb.

Voici comment M. Nothomb déclarait le vrai sens de la loi :

« Pas d'enseignement, surtout pas d'enseignement primaire sans éducation morale et religieuse.

« Et nous entendons par éducation religieuse l'enseignement d'une religion positive.

« Nous sommes tous d'accord sur ce principe : c'est notre point de départ.

« Nous rompons, il faut le dire et le dire tout haut, nous rompons avec les doctrines politiques du XVIIIème siècle qui avaient prétendu séculariser complètement l'instruction, et constituer la société sur des bases purement rationalistes.

« Nous ne voulons pas d'une instruction exclusivement civile, nous proclamons l'instruction inséparable de l'éducation ; nous voulons un enseignement complet, et nous ne voyons d'enseignement complet que dans l'instruction jointe à l'éducation morale et religieuse.

« Cela posé, par qui la religion sera-t-elle enseignée ?

« Elle ne peut l'être que par les ministres du culte ou sous leur direction ; eux seuls sont compétents sous ce rapport ; l'autorité civile abandonnée à elle-même ne pourrait être compétente que pour l'instruction primaire proprement dite, si celle-ci pouvait être considérée isolément. »

Nous voilà bien loin des idées de M. Funck.

Mais si la loi est telle que vous le dites, raison de plus pour l'abroger au plus tôt, nous dit M. Funck, car cette loi a été « une surprise » pour le parti libéral. Singulier compliment pour les libéraux de cette époque. Je ferai cependant observer que la Chambre de 1842 comptait alors dans les rangs de la gauche les Devaux, les Lebeau, les Rogier et d'autres hommes éminents qui pourraient soutenir sans désavantage la comparaison avec toute la députation actuelle de la capitale. Il n'y a donc ici qu'une surprise, c'est celle que devront éprouver les honorables membres de se voir ainsi jugés et appréciés par un de ceux qui se disent leurs amis.

Mais ce qui ressort à l'évidence des paroles de l'honorable M. Funck, c'est que s'il en arrivait à la révision de la loi de 1842, cette loi n'aurait été qu'une surprise, qu'un véritable traquenard pour l'opinion catholique.

Avant la loi de 1842, l'enseignement public n'était pour ainsi dire organisé nulle part. Grâce à la liberté d'enseignement proclamée par la Constitution, le clergé avait de nombreuses écoles, les idées qui régnaient alors dans la majorité étaient plutôt portées vers l'extension de l'enseignement libre que vers l'enseignement officiel. L'honorable M. Rogier lui-même disait dans l'exposé des motifs de la loi de 1834 : que l'action de l'Etat n'est légitime que pour suppléer la liberté. Tout était donc favorable aux catholiques, qui pouvaient, en cas de lutte, disposer de ressources importantes ; mais les catholiques mus par un sentiment généreux que je ne puis qu'approuver, préférèrent subir des restrictions aux avantages que la liberté d'enseignement pouvait alors avoir pour eux et, donnant la main aux libéraux, ils leur firent les concessions d'une plus vaste organisation de l'enseignement primaire légal en échange de garanties religieuses plus complètes pour les familles.

Dès ce moment, avec une bonne foi et une loyauté qui ne se sont jamais (page 957) démenties, les catholiques ont toujours concouru, et par leurs efforts et par leurs vœux et surtout par leur argent, à l'organisation de l'enseignement primaire dans toutes les communes. L'honorable M. Vandenpeereboom vous a dit hier les progrès qu'avait déjà faits cette organisation et les sommes énormes qui y ont été employées ; eh bien, ces sommes, les catholiques les ont toujours votées et en bien grande partie payées ; cet argent cependant fut souvent employé contrairement à leur opinion, et servit parfois à faire répudier par le gouvernement des écoles adoptées, tenues par des corporations religieuses, et dont l'existence comme écoles adoptées était parfaitement légale à leurs yeux.

Eh bien, malgré ces griefs les catholiques continuèrent à prêter tout leur concours au développement des écoles communales, parce qu'ils trouvaient une compensation dans l'application sincère de la loi de l842 à ces écoles, dans l'intervention du prêtre, dans l'inspection ecclésiastique, dans toutes les garanties, en un mot, qui leur avaient été données dans cette loi.

Aussi grâce à l'intervention et à l'argent des catholiques, presque toutes les écoles sont érigées, toutes les places sont prises, la concurrence est impossible. Eh bien, dit l'honorable M. Funck, pourquoi mes amis hésitent-ils encore ? Pourquoi par leurs hésitations ne forcent-ils à ajourner moi-même l'abrogation de la loi de 1842 ? Que craignent-ils ? Grâce à la bonne foi un peu bénévole des catholiques, l'Etat est partout, dans toutes les communes, et comme l'Etat c'est nous, confisquons ce que nous tenons grâce au concours généreux de nos adversaires, et défions toute concurrence : elle leur coûterait trop cher. Faisons donc, avec l'aide et l'argent des catholiques, des écoles rationalistes et moquons-nous d'eux, ils ne peuvent plus lutter, il leur faudrait pour cela 7 à 8 millions par an, et quelque riche que soit un parti, il ne peut guère disposer annuellement d'une somme aussi importante, surtout lorsque ces ressources sont forcément et légalement engagées ailleurs.

Eh bien, messieurs, jamais je n'avais encore entendu faire aussi crûment un semblable aveu. C'est pis que la loi des bourses, c'est un peu cynique, mais c'est clair et infaillible et je m'étonne que les amis de M. Funck hésitent encore à le suivre ! Mais aussi n'avais-je pas raison de dire que si la loi de 1842 était révisée dans le sens des idées de M. Funck, cette œuvre d'alliance entre deux grandes opinions pour atteindre un but éminemment social, n'aurait été pour les catholiques qu'un affreux traquenard.

Que l'on s'étonne encore que nos vénérables évêques hésitent parfois aussi de leur côté à prêter leur concours avant d'avoir reçu les explications et les garanties qu'ils jugent indispensables !

Si M. Funck devenait un jour ministre, à quoi leur serviraient et ces explications et ces garanties ?

Je dirai maintenant quelques mots de la question des écoles d'adultes, mais la Chambre comprendra qu'il m'est impossible de répondre complètement à un discours aussi étendu, aussi sérieux que celui de l'honorable ministre de l'intérieur, alors surtout qu'il ne m'a pas été possible d'en prendre connaissance dans les Annales parlementaires. Je me bornerai donc à quelques considérations générales ; d'autres honorables collègues plus forts, plus expérimentés que moi, voudront bien suppléer à mon insuffisance et continuer ma tâche.

Ainsi que vous l'a dit l'honorable ministre, toute la question consiste a savoir si l'enseignement religieux et l'inspection ecclésiastique sont obligatoires ou facultatives, dans les écoles d'adultes. Hippocrate dit oui, Gallien dit non, et je me range franchement du côté d'Hippocrate.

Et tout d'abord il est un argument que l'honorable ministre a traité assez légèrement et qui me paraît, quant à moi, péremptoire dans l'espèce. La Constitution déclare que l'instruction publique donnée aux frais de l'Etat doit être réglée par la loi... et l'on est généralement d'accord que sous le nom d'instruction publique donnée aux frais de l’Etat, il faut entendre aussi toute instruction donnée aux frais des provinces et des communes. C'est pour obéir à cette prescription constitutionnelle, que furent faites les lois sur l'enseignement primaire, sur l'enseignement moyen et sur l'enseignement supérieur.

Il faut donc absolument, constitutionnellement que vos écoles d'adultes soient réglées par l'une de ces lois, sinon vous ne pourriez les créer

Or, les écoles d'adultes sont instituées par l'article 25 de la loi de 1842, vous en convenez vous-même. Le texte est pour nous, cela est évident ; seulement pour échapper à la rigueur des déductions, l'honorable ministre fait de l'école d'adultes une école spéciale, une école sui generis, et j'en fais, moi, une véritable école primaire ; et je pense que c'est moi qui suis dans le vrai.

En effet, qu'est-ce qu'une école d'adultes ?

Je ne puis en donner une définition plus parfaite que celle que j'emprunte à M. le gouverneur du Brabant. Il disait, dans la brillante discussion soulevée devant le conseil provincial sur la question qui nous occupe : Une école d'adultes est celle ou l'on donne l'instruction primaire à ceux qui n'ont pas passé par l'école primaire ou à ceux qui ont passé par l'école primaire, afin qu'ils n'oublient pas ou qu'ils fortifient, qu'ils complètent ce qu'ils ont appris ; et cet honorable gouverneur ajoute à sa définition celle qui se trouve consignée dans un rapport de la commission chargée, en France, d'examiner le projet de loi relatif à l'enseignement primaire. La voici : L'école d'adultes est un supplément indispensable pour longtemps et restera toujours un complément utile de l'école primaire ; pour ceux qui ont été privés d'instruction dans l'enfance, c'est une réparation ; pour les autres, c'est un moyen de faire qu'ils n'oublient pas, qu'ils se perfectionnent, qu'ils atteignent le degré de culture souhaitable.

N'est-il donc pas vrai de dire que les écoles d'adultes par leur nature propre, par les matières qui doivent forcément s'y enseigner, sont de véritables écoles primaires ?

Ces écoles ne diffèrent entre elles que par l'âge de ceux qui les fréquentent, par les heures où se donne la classe ; elles ne sont spéciales que sous ce rapport.

Il y a encore cette différence, indiquée par M. le ministre» que l'une est obligatoire pour la commune et l'autre facultative.

Cela est exact, la commune est libre de ne pas ériger d'écoles d'adultes, mais une fois qu'elle a trouvé bon et utile de le faire, elle n'a pu le faire qu'en vertu de l'article 25 de la loi de 1842 et elle n'a pu lui ôter son caractère de véritable école primaire.

Mais, dit l'honorable ministre, les écoles d'adultes n’ont donné lieu à aucune discussion en 1842, ce n'est qu'au second vote qu'elles ont été introduites dans la loi par l'honorable M. Devaux. Cela est vrai, mais qu'est-ce que cela prouve ? C'est que tout le monde, à cette époque, était d'accord que la loi était tellement claire, si simplement et si naturellement applicable aux écoles d'adultes, qu'aucun doute ne s'est présenté à l'esprit de qui que ce soit ; s'il en avait été autrement, si l'on avait voulu faire des écoles d'adultes des écoles spéciales, pouvant être soustraites à l'enseignement religieux et à l'inspection ecclésiastique, ces deux grands faits sur lesquels reposait toute l'économie de la loi, pouvez-vous croire qu'il n'en eût pas été question et que l'on ne s'en fût pas expliqué clairement ? Pouvez-vous croire que l'opinion catholique, qui avait alors la majorité dans la Chambre, y eût consenti ? Non, vous ne pouvez pas le croire de bonne foi.

On n'a pas discuté parce qu'on était tous d'accord, que tout le monde adoptait loyalement, franchement l'application des principes fondamentaux de la loi aux écoles d'adultes, et l'on aurait bien surpris le principal auteur de cette loi si précieuse, et tous les membres de la Chambre et du Sénat qui l'ont discutée et votée avec lui, si on leur avait dit qu'un jour, leurs unanimes intentions seraient méconnues et que la situation réelle des écoles d'adultes provoquerait une crise ministérielle.

L'argument que l'on voulait tirer du manque de discussion à propos de l'article 25 de la loi de 1842, me paraît, au contraire donc, l'un des plus forts que l'on puisse invoquer en faveur de la thèse que je soutiens.

Mais, dit l'honorable ministre, la loi de 1842 est une loi restrictive qui doit être interprétée strictement. Je ne suis pas encore de cet avis ; la loi de 1842 n'est nullement restrictive, elle laisse la liberté d'enseignement complète, elle lui rend même hommage dans son article 2, c'est une loi de transaction sur laquelle deux grandes opinions se sont mises d'accord et qui doit, au contraire, être interprétée largement, loyalement, sans subtilité et sans chicane.

MiPµ. - M. Dechamps a soutenu que c'était une loi restrictive.

M. Wasseige. - Alors, je ne suis pas de son avis.

MiPµ. - Me permettez-vous une citation ?

M. Wasseige. - Certainement.

MiPµ. - Voici comment s'exprimait M. Dechamps, dans la séance du 21 février 1862 :

« Le premier point de départ pour bien interpréter la loi de 1842 était la loi communale. Une chose qu'on oublie constamment dans le rapport triennal, c'est que la commune, en matière d'enseignement, est régie par deux lois, La première, la loi constitutive, c'est (page 958) la loi communale ; la seconde, qui a dérogé par certaines propositions à la première, c'est la loi de 1842.

« D'après la loi communale, la commune avait la liberté de fonder, d'adopter une école, de faire des conventions à sa convenance avec des écoles privées ; elle nommait l'instituteur, elle le suspendait et le révoquait ; elle avait l'administration, complètement indépendante de ses écoles.

« La loi de 1842 a apporté des restrictions à cette liberté de la commune, j'en conviens ; c'est même un grief qu'on lui a souvent adressé ; mais quand il n'est pas expressément dérogé par la loi de 1842 à la loi communale, la loi communale doit être la règle.

« L'honorable M. Rogier, dans le deuxième rapport triennal, a déclaré que lorsqu'il s'agit des communes en matière d'enseignement primaire, les dispositions restrictives sont de stricte interprétation.

« Ainsi, dit-il, les communes conservent leurs droits anciens, sauf ceux qui sont expressément réservés par le gouvernement.

« On oublie que tout ce que la loi de 1842 n'a pas interdit expressément et que tout ce que permet la loi communale, les communes peuvent le faire. Ce principe est en dehors de toute contestation. »

M. Wasseige. - Eh bien, je le répète, je regrette de ne pas être du même avis que M. Dechamps : mais quant aux écoles d'adultes, elles se trouvent dans la loi.

MiPµ. - M. Dechamps soutenait avec vous la même thèse lorsqu'il soutenait son amendement.

M. le président. - Cela prouve que cette thèse peut être soutenue de la meilleure foi du monde.

MiPµ. - Oh ! je ne le conteste pas...

M. Wasseige. - Je continue et je dis :

Comment est-il possible d'interpréter autrement que ne l’a fait l'honorable M. Vandenpeereboom l'article 26 de la loi, dont les prescriptions, arrivant immédiatement après l'énumération de l'article 25, ne peuvent laisser aucun doute sur leur applicabilité aux écoles d'adultes ?

Et que M. le ministre me permette de le lui dire, l'argument qu'il veut tirer de l'article 13 de la loi n'est pas digne de son talent. Et comment est-il possible de prétendre que lorsque la loi, réglant les attributions des inspecteurs cantonaux, a déclaré que l'inspection s'étendrait sur les écoles communales et adoptées, les seules dont il avait été question jusque-là, elle a voulu interdire l'inspection ecclésiastique obligatoire de l'article 26 ? Cela n'est pas sérieux.

Mais si votre argument est vrai pour l'inspection ecclésiastique, monsieur le ministre, il doit l'être également pour l'inspection civile, les deux inspections étant mises sur le même rang dans l'article 26. Donc si cet article ne concerne pas les écoles d'adultes, si ces écoles peuvent recevoir des subsides sans être astreintes à se soumettre à l'inspection ecclésiastique, elles peuvent aussi être dispensées de l'inspection civile. Est-ce votre avis, monsieur le ministre ? Si ce n'est pas votre avis, n'ayez pas deux manières d'interpréter l'article 26.

L'argument tiré de l'article 36 ne me paraît pas plus heureux.

Ce qui prouve, dit l'honorable ministre, que la double inspection rendue obligatoire par l'article 26 ne concerne pas toutes les écoles dont il est parlé dans la loi de 1842, c'est que, pour pouvoir l'appliquer aux écoles primaires supérieures et aux écoles normales, il a fallu le déclarer textuellement dans l'article 36.

Mais l'explication est bien claire et l'argument se retourne contre M. le ministre.

A l'article 26 il n'avait pas encore été question des écoles primaires supérieures ni des écoles normales, et le législateur de 1842 a pensé que, pour éviter le moindre doute, il fallait répéter l'obligation de la double inspection.

Et remarquez combien il tenait à cette double inspection et à l'instruction religieuse qui en est la conséquence forcée, car qu'irait inspecter le clergé dans vos écoles, si l'enseignement religieux ne s'y donnait pas ?... Il y tenait tellement qu'il le répète trois fois. Après avoir institué les écoles primaires proprement dites et les écoles adoptées, il les soumet à la double inspection, article 13 ; après avoir créé les écoles d'adultes à l'article 25, il les soumet à la même obligation, article 26, et enfin, après avoir institué les écoles primaires et les écoles normales aux articles 33, 34 et 35, il répète une troisième fois dans l'article 36 l'obligation stricte de la double inspection civile et ecclésiastique. Est-il possible de mieux témoigner sa volonté d'imposer un système uniforme pour toutes les écoles instituées par la loi et comment, après cela, peut-on paraître encore douter de la véritable portée de la loi de 1842 ?

Mais il y a plus : il ressert de l'examen de ces articles 33, 34, 35 et 36, la preuve évidente que le système adopté par M. Vandenpeereboom, pour les écoles d'adultes, est le seul vrai, le seul légal.

Le grand argument de ceux qui prétendent que les écoles d'adultes ne sont pas soumises à toutes les prescriptions de la loi de 1842, et notamment à l'enseignement religieux obligatoire et à l'inspection ecclésiastique, c'est que les élèves qui fréquenteront ces écoles seront trop âgés, auront déjà passé par l'école primaire et, comme on affecte de le répéter, sauront déjà leur catéchisme ; comme si tout l'enseignement religieux devait être forcément circonscrit dans l'étude de la lettre du catéchisme !

Eh bien, voici des écoles normales, des écoles primaires supérieures, instituées aussi par la loi de 1842 ; ces écoles, par l'extension de leur programme, par les besoins moraux auxquels elles ont à pourvoir, sont bien certainement destinées à recevoir des élèves plus âgés que ceux fréquentant les écoles primaires et plus intelligents, plus instruits que la plupart de ceux qui fréquenteront les écoles d'adultes.

Pour ceux-là le doute n'est pas possible, tous les objets énoncés à l'article 6 font partie obligée de l'enseignement, l'article 34 est catégorique et l'inspection ecclésiastique ne fait pas l'ombre d'un doute, devant le texte de l'article 36.

Pourquoi donc a fortiori n'en serait-il pas de même pour les écoles d'adultes.

Je n'en vois pas une seule raison plausible.

Mais, dit encore l'honorable ministre, on ne peut pas conclure de l'inspection à l'enseignement religieux, quoiqu'il déclare ensuite que, sans enseignement religieux, il n'y a pas d'inspection ecclésiastique ; or, dit-il, l'article 6 de la loi impose un minimum d'enseignement religieux à toute commune, il ne peut donc s'appliquer qu'aux écoles obligatoires, car où il n'y a pas de dette, il n'y a pas de minimum de dette.

Mais je pourrais retourner l'argument et dire : Pas d'inspection ecclésiastique sans enseignement religieux. Or l'article 26, soumettant les écoles d'adultes à l'inspection ecclésiastique, les oblige par cela même à donner l'enseignement religieux ; l'article 26 vise donc tacitement, mais expressément l'article 6.

Mais il y a plus. S'il est vrai que l'école d'adultes n'est pas obligatoire pour les communes, il est également vrai qu'elle ne peut s'établir que conformément à la loi ; or, si la loi impose l'enseignement religieux à ces écoles, lorsque la commune a usé de la faculté que lui donne la loi d'ériger une école d'adultes, elle a contracté la dette dû minimum d'enseignement religieux au même titre et tout comme l'école primaire, proprement dite ; donc l'argument de M. le ministre tombe.

Parlerai-je maintenant de l'interprétation donnée à la loi de 1842, des circulaires administratives ? Il y a dans ces pièces du pour et du contre, beaucoup plus de pour que de contre ; mais elles ne peuvent prévaloir contre un texte clair et précis ; d'ailleurs, et nous nous en félicitons, plusieurs des auteurs de ces circulaires sont encore parmi nous, et je ne doute pas que les honorables MM. de Theux et Rogier ne donnent à cet égard les explications les plus satisfaisantes.

J'arrive à l'argument le plus sérieux de l’honorable ministre, tellement sérieux que j'oserais presque dire que c'est celui-là qui a le plus pesé sur la détermination qu'il a prise et que, sans celui-là, il eût peut-être été d'un autre avis ; et vous venez encore de l'entendre.

De grandes villes ont organisé des écoles d'adultes, ces écoles prospèrent, elles refusent de se soumettre à la loi de 1842 ; faut-il les fermer ? Cela me paraît impossible, dit l'honorable ministre.

Ce qui revient à dire : Moi gouvernement, par faiblesse, imprévoyance, inattention ou connivence, j'ai laissé violer la loi dans quelques grandes communes, l'attitude de quelques conseils provinciaux a pesé sur moi, et pour que la loi ne soit plus violée par personne, il faut faire de l'exception la règle et permettre qu'elle le soit par tout le monde.

Les adversaires de la loi de 1842, peu nombreux encore, sont ardents ; il faut les ménager, il faut leur faire prendre patience. Déjà bien des concessions leur ont été faites dans l'application de la loi ; elles ne sont plus suffisantes, il leur faut quelque chose de plus, et ce quelque chose, ce sont les écoles d'adultes qu'on leur abandonne. Voilà, j'ose le dire, le véritable motif de la conduite du gouvernement. C'est une reculade.

Pauvre politique, pauvre système, si l'on veut réellement conserver la loi de 1842 ! Aveuglement fatal ou connivence déguisée, le résultat est le même.

(page 959) Les exigences vont grandir chaque jour ; la pression, victorieuse une fois, deviendra chaque jour plus forte, et vous ne pourrez refuser longtemps d'accorder aux écoles primaires la faculté que vous accordez aujourd'hui aux écoles d'adultes. Déjà les conseils communaux de vos grandes villes vous l'ont audacieusement demandé. La brèche est faite, et l'ennemi ne sortira plus de la place qu'après l'avoir fait sauter tout entière.

A mon avis, ce que tout gouvernement doit faire sous peine de se hisser déborder et de périr, c'est de toujours faire respecter la loi, par les forts comme par les faibles, par les forts surtout, car ceux-là seuls sont dangereux. Eh ! mon Dieu, les moyens ne vous manquent pas ; moyens pacifiques et parfaitement légaux ; n'accordez pas de subsides à ceux qui contreviennent à la loi, ne permettez pas que les provinces, que les communes dont, en dernière analyse, les budgets sont soumis à votre approbation, agissent autrement que vous-même, et bientôt vous verrez les choses rentrer dans l'ordre, dont quelques grandes communes n'ont osé sortir que parce qu'elles ont cru pouvoir compter sur votre concours. Ne nous parlez donc pas des faits accomplis, c'est l'excuse ou le prétexte des faibles, et vous avez la prétention de ne pas l'être. Mais voulez-vous que je vous dise toute ma pensée ? Vous pourriez bien être aveugles.

Nous avons un adversaire commun, que vous connaissez aussi bien que nous. C'est ce parti radical et franchement ennemi de toute croyance, de toute influence religieuse, qui, sous des noms différents, agite et trouble l'Europe ; ce parti qui rêve le renversement de tout ce qui existe, dont vous seriez les victimes comme nous, aussitôt que nous, plus tôt peut-être, car je crois que vous leur êtes encore plus antipathiques que nous.

Ce parti, je l'espère, n'est pas encore nombreux dans notre heureuse Belgique, mais il y existe cependant et y projette parfois des lueurs sinistres ; eh bien, ce parti il faut le combattre à outrance, sans trêve ni merci ; ce ne sont pas les ménagements, les complaisances, les faiblesses qui l'arrêteront, il ne verra là que des effets de la peur et il en grandira d'autant plus, il ne reculera que devant la résistance énergique et forte. Eh bien, pour opposer cette résistance efficace et victorieuse, ce n'est pas trop de tous nos efforts. Nous vous offrons, à cet effet, notre concours loyal, nous vous disons : À vos lois, à votre morale, à votre honneur, à vos gendarmes, il faut joindre la propagande religieuse, l'enseignement catholique, l'influence du prêtre, seuls moyens vrais et efficaces d'apaiser et de contenir les passions déchaînées, parce que l'enseignement catholique seul apprend aux populations malheureuses à souffrir avec résignation et espoir. Eh bien, ce concours que nous vous offrons, cette force qui vient à vous, vous les repoussez, croyant pouvoir rassasier le monstre avec les miettes que vous jetez devant lui, ce qui ne l'empêchera pas de vous dévorer. Eh ! n'avais-je pas le droit de dire que vous êtes aveugles !

Et cependant beaucoup d'entre vous partagent nos convictions et nos croyances : pourquoi donc cette hésitation, cette défiance des uns envers les autres ? Que craignez-vous ? je vous le demande. Et franchement je ne trouve aucune réponse raisonnable et satisfaisante.

Vous croyez encore à l'efficacité de l'enseignement catholique, beaucoup d'entre vous veulent encore comme l'illustre Guizot et les meilleurs esprits de tous les peuples les plus civilisés, que l'atmosphère de l'école soit religieuse ; vous admettez encore la présence de l'élément catholique dans vos prisons, dans vos hospices, au berceau de vos enfants, au chevet de vos mourants, mais comment admettez-vous tout cela ? Avec crainte, avec hésitation, presque avec répugnance. Ce n'est pas franchement que vous tendez la main à votre auxiliaire, ce n'est pas sans arrière-pensée que vous acceptez son concours ; tout en l'acceptant, vous paraissez le redouter presque autant que notre ennemi commun ; c'est contre lui surtout que vous prenez vos précautions les plus minutieuses, je dirai même les plus injurieuses.

Vous limitez son action autant que possible, vous la paralysez et par cela même, vous lui ôtez, autant qu'il est en vous, son efficacité.

Eh pourquoi tout cela, grand Dieu ? je me le demande.

Que craignez vous, que redoutez-vous ? Ah ! vous le savez bien, le spectre noir ne fait plus peur à personne, mais le spectre rouge apparaît plus rapproché, plus effrayant que jamais aux yeux les moins clairvoyants.

Réagirons donc ensemble, connaissons-nous franchement et loyalement.

Ne craignons que ce qui est réellement à craindre. Mais que cette crainte ne nous rende ni pusillanimes ni défiants, qu'elle nous engage au contraire à redoubler nos communs efforts.

C'est la classe ouvrière surtout que l'on cherche à exploiter, à égarer, nous venons encore d'en avoir de bien tristes preuves !

Cherchons donc à l'instruire, à la désabuser, à la moraliser, c'est pour elle surtout que les écoles d'adultes sont organisées, c'est aux ouvriers surtout que ces écoles doivent être utiles.

Mais c'est surtout aux ouvriers aussi que l'instruction religieuse est indispensable.

Or, vous le savez bien, messieurs, si la présence du prêtre et son enseignement sont laissés à l'appréciation des conseils communaux dans nos grandes villes, dans nos plus grands centres, là précisément où le prêtre serait le plus indispensable, il ne sera pas appelé.

Eh bien, dites-le franchement, qu'en pensez-vous ?

Est-il bon ou bien peut-il être nuisible que les jeunes ouvriers, à l'âge des passions, lorsqu'ils sortent de cette atmosphère délétère des usines, des mines ou des fabriques, dépeinte d'une manière si frappante par M. Leplay et tant d'autres économistes distingués, est-il bon ou nuisible qu'ils reçoivent une instruction religieuse appropriée à leur âge ? Les leçons de l'Evangile, les idées de morale chrétienne, ne sont-elles pas aussi nécessaires, plus nécessaires peut-être, pour ces esclaves du travail que pour les enfants ?

Pour moi, pour nous, la réponse n'est pas douteuse. Eh bien, si vous pensez comme nous, vous devez à ces populations votre protection la plus énergique et vous devez empêcher à tout prix qu'elles ne soient privées des bienfaits de la loi, par l'aveuglement ou les étranges préjugés de certaines administrations communales qui préféreraient voir échouer les écoles d'adultes que de permettre aux jeunes gens d'y entendre parler de Dieu, de l'âme, du Christ, des devoirs et des hauts enseignements du catholicisme.

Quand les révolutions éclatent, il est trop tard ; mais les avertissements nous manquent-ils, grand Dieu ? Quand on voit les congrès de Liège, de Bruxelles, de Genève, les clubs ouvriers de quelques-unes de nos cités les plus industrielles, les grèves organisées de l'Angleterre qui se répandent jusque chez nous, quand on écoute ce qui s'y professe, quand on étudie les effrayants programmes que l’on y développe, les lignes que l'on y ourdit, les plans que l'on y prépare ; quand on se rend compte des menaces qui s'y amoncellent pour des éventualités prochaines, on s'émerveille, ou plutôt on s'afflige profondément de voir d'honnêtes gens, des esprits sérieux, mais que d'incroyables préjugés égarent, ne se préoccuper que d'une seule chose : fermer les portes des écoles primaires et des écoles d'adultes au prêtre et au catéchisme, y supprimer Dieu et la prière, comme si c'était là le mal à craindre et le péril à éviter !!

Pardonnez-moi, messieurs, si mon animation est grande, mais c'est que ma conviction est profonde.

Je m'arrête et je laisse à d'autres à continuer et à approfondir cette importante discussion.

Je me bornerai à protester de toutes mes forces contre l'interprétation donnée par le gouvernement à la loi de 1842, pour ce qui concerne les écoles d'adultes.

- Des voix. - A mardi !

- La séance est levée à 4 heures et demie.