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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 11 mars 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 811) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 1/4 heures.

M. Dethuinµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur François Lamberjack, menuisier, à Sterpenich, né à Keerich (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Fizenne, membre de la députation permanente du conseil provincial du Brabant, demande la place de conseiller vacante à la cour des comptes. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Des habitants de Waterloo demandent la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Catteau prie la Chambre de discuter, pendant la session actuelle, le projet de loi sur les dommages-intérêts et visites domiciliaires en matière de presse. »

- Même renvoi.


« Le sieur Scherre demande une loi qui enlève aux commissaires d'arrondissement le recours en appel, et aux gouverneurs le recours en cassation contre les inscriptions, les radiations et les omissions indues en matière électorale. »

- Même renvoi.


« Des industriels réclament contre les cahiers des charges de la concession des services de touage de la Meuse. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Rumillies demandent le rejet de toute proposition aggravant les charges militaires et prient la Chambre de ne prendre aucune décision concernant les projets de lois militaires jusqu'à ce que le gouvernement ait fait appel au pays, pour qu'il se prononce sur cette question. »

« Même demande d'habitants de Molembaix »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires.


« Il est fait hommage à la Chambre, par M. Quetelet, au nom de l'Observatoire royal de Bruxelles, de 125 exemplaires du tome XVIII des Annales de cet établissement. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« M. Jonet, retenu par une indisposition, demande un congé. »

- Ce congé est accordé.

Projets de loi relatifs au contingent de l’armée pour 1869, à la division du contingent de milice en contingent actif et contingent de réserve, et à la durée du service militaire

M. le président. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'établir une discussion d'ensemble sur ces trois projets, un seul rapport ayant été fait et les embrassant tous. (Adhésion.)

S'il n'y a pas d'opposition, cette marche sera suivie.

Motion d’ordre

M. le président. - La parole est à M. de Theux pour une motion d'ordre relative aux projets en discussion.

M. de Theuxµ. - Ma motion d'ordre est une demande de renseignements.

Dans la section centrale, lors de la lecture du rapport, j'ai fait observer qu'il nous manquait une statistique ; c'est celle du nombre des journées effectives de service des miliciens pendant chaque année.

Nous avons dans le rapport de la section centrale un tableau comparatif des journées de droit. Mais ce que je demande et ce que la section centrale a demandé à l'unanimité ; c'est le nombre de journées effectives de présence sous les drapeaux. Je crois qu'il est très intéressant pour la Chambre d'avoir ce renseignement. C'est d'autant plus intéressant que, dans le premier rapport de l'honorable M. Van Humbeeck, on lisait à la page 33 que l'on pouvait évaluer à 1 3/4 classe le nombre de miliciens aux époques où il y avait le plus d'hommes rappelés. Eh bien, il importe que la Chambre puisse apprécier les conséquences des divers systèmes, en ayant sous les yeux un tableau constatant d'une manière positive quel est le nombre d'hommes présents pendant les cinq dernières années sous les drapeaux.

Je pense que M. le ministre des finances avait promis ce renseignement à M. le rapporteur qui se proposait de le donner comme supplément à son rapport ; jusqu'à présent nous ne l'avons pas reçu.

Je viens donc demander à MM. les ministres de la guerre et des finances de bien vouloir communiquer au plus tôt à la Chambre les résultats de leurs recherches.

MgRµ. -- J'avais mal compris la demande de M. le comte de Theux. Je croyais qu'elle portait sur le nombre de congés qui avaient été donnés.

M. de Theuxµ. - Sur l'un et l'autre, mais surtout sur le nombre d'hommes présents sous les drapeaux. Le nombre de congés est aussi un détail intéressant.

MgRµ. - J'ai fait dresser l'état des congés. Je donnerai des ordres pour qu'on réunisse les autres documents que demande l'honorable M. de Theux et je les soumettrai à la Chambre.

M. de Theuxµ. - Il n'y a, je suppose, aucun inconvénient à imprimer le tableau des congés ?

MgRµ. - Aucun. Si la Chambre le permet, j'ajouterai quelques explications.

Les congés sont de deux sortes : les petites permissions de 2, de 8 ou de 15 jours ; et les congés à longs termes.

En ajoutant les uns aux autres, on obtient un chiffre assez considérable. Il représente pour 1867, 16,699 congés de toutes catégories. Il n'entre pas dans l'intention du gouvernement, même avec le système nouveau, de rejeter les demandes de congés à court terme. C'est même un encouragement pour l'homme qui se conduit bien.

Quant aux congés d'un mois et au delà, le nombre en a été en 1867 de 3,298 représentant 4,735 mois ou 142,050 journées.

Si le système du gouvernement prévaut, chaque milicien aura droit à un mois de congé par an ou de deux mois pendant le temps de présence au drapeau. Cela fera cnvironl5,000 congés d’un mois ou 550,891 journées. Cela représente pour le soldat un avantage considérable et qui s'étendra à tous nos soldats au lieu de constituer une exception.

M. Coomans. - Je voudrais que M. le ministre de la guerre pût développer un peu la réponse qu'il aura à faire à M. de Theux et la développer dans ce sens-ci : il serait intéressant de connaître quelle a été la durée du service, au moins par catégories, des miliciens appelés par le tirage au sort. Nous savons tous que de très grandes différences dans la durée du service existent et ont toujours existé, ce qui prouve bien que le favoritisme, pour ne pas dire l'injustice, a présidé à la distribution des congés de faveur.

Si je viens de bien comprendre l'honorable ministre de la guerre, il y a eu l’an dernier 11,000 fantassins qui n'ont pas reçu de congés ; 3,000 environ en ont reçu, sur un chiffre de 14,000.

Comme l'honorable ministre vient de dire que les congés ne sont accordés qu'aux miliciens qui se conduisent bien, il serait douloureux d'avoir à se convaincre que la très grande majorité de l'armée se serait mal conduite.

MfFOµ. - Et ceux qui ne demandent pas de congés ?

M. Coomans. - J'ose affirmer que vous en refusez beaucoup et (page 812) que vous en refusez à des miliciens qui ne se sont pas mal conduits. Je crois que vous appelez mauvaise conduite la pauvreté. (Interruption.) J'en ai la preuve signée par tous les ministres de la guerre.

M. le président. - Restez dans la motion d'ordre, monsieur Coomans.

M. Coomans. - On a refusé des congés à ceux qui ont des dettes à la masse. Or, ce n'est pas là de la mauvaise conduite. Il serait épouvantable d'entendre soutenir dans un pays libre que la pauvreté est régulièrement le signe de la mauvaise conduite.

Je demande donc que l'on nous donne autant que possible la durée du service pour les deux ou trois dernières classes de miliciens forcés, et, là, vous verrez, messieurs, que tel milicien a servi un mois, tel autre dix mois ; autre quinze mois, tel autre vingt mois, tel autre quatre ans, tel autre près de cinq ans. Je vous défie de justifier toutes ces différences !

J'aurai à m'occuper de la durée du service dans la suite du débat, mais il serait très désirable, je le répète, et j'espère que la Chambre en conviendra, de connaître quelle a été la durée du service des dernières classes de miliciens. (Interruption.)

C'est un détail, dit-on. Non, ce n'est pas un détail ou si c'en est un, il est très important. (Interruption.) Comment ! nous avons à examiner la question du contingent, nous avons à discuter sur quelques mois de plus ou de moins, et nous n'examinerions pas la question de savoir s'il est juste d'imposer une différence de 4 ou 5 années de service à la même catégorie de miliciens et pour la même cause, pour cause de mauvais numéro !

Je demande donc que l'on nous donne l'indication très sérieuse de la présence sous les armes des trois dernières classes de miliciens par exemple.

Les papiers du département de la guerre sont assez bien tenus, j'en suis convaincu, pour qu'on puisse donner ces renseignements à bref délai.

Quant à moi, je les juge indispensables pour les observations que j'aurai à soumettre encore à l'assemblée.

MgRµ. - Je puis répondre immédiatement à M. Coomans.

Les soldats d'infanterie servent, en moyenne, vingt-huit mois ; les soldats de cavalerie et de l'artillerie montée, quatre ans ; les soldats de l'artillerie à pied, trois ans. Il est impossible d'établir la durée du service pour les armes spéciales comme pour l'infanterie.

M. de Theuxµ. - Et pour le génie ?

MgRµ. - Les travaux du génie s'exécutant toujours pendant l'été, les soldats du génie servent d'abord pendant un an 5 mois, puis ils sont envoyés chez eux l'hiver et reviennent 6 mois pendant deux campagnes. Ils se trouvent donc à peu près dans la même condition que les soldats de l’artillerie de siège.

Voilà, je crois, tous les renseignements que demande M. Coomans. Si la Chambre désire que je les produise par écrit, je le ferai.

M. Bouvierµ. - Mais ils se trouvent dans le rapport.

MgRµ. - Je proteste contre l'assertion de M. Coomans qui prétend que lorsqu'un milicien est pauvre il n'obtient pas de congé et n'est pas favorisé par ses chefs.

M. Coomans. - Cela est vrai.

MgRµ. - Du tout. Vous parlez des miliciens qui ont des dettes à la masse ; eh bien, oui on retient quelquefois ces hommes, mais c'est dans leur intérêt et pour les habituer à l'ordre. S'ils ont des dettes à la masse, c'est très souvent parce qu'ils usent leurs effets à plaisir.

D'ailleurs avant de les priver de congés, on commence par leur faire des retenues sur leur argent de poche.

Notre armée, messieurs, est conduite d'une manière toute paternelle ; il n'y a pas de pays où le soldat soit mieux traité et je suis indigné quand j'entends des allégations 'comme celle que M. Coomans porte devant cette Chambre.

M. le président. - La parole est à M. de Brouckere.

M. de Brouckere. - Je voulais répondre précisément ce que vient de répondre M. le ministre de la guerre. Je n'insiste pas.

M. Coomans. - Je ne dirai pas que je suis indigné, mais je suis étonné d'entendre l'honorable ministre de la guerre commencer par me donner un démenti sur un fait dont il atteste, deux minutes après l'exactitude. (Interruption) Qu'ai-je dit ? Que ce n'est pas toujours pour mauvaise conduite que vous refusez des congés ; j'ai ajouté que vous en refusiez aussi pour cause de pauvreté. Eh bien, cela est signé dans une foule de papiers ministériels que j'ai chez moi et que vous avez chez vous. (Interruption.) Combien de fois n’avez-vous pas demandé des congés et ne vous a-t-on pas répondu que les congés ne seraient accordés que lorsque les miliciens auraient apuré leurs dettes à la masse. J'avais donc pleinement raison.

Mais vous soutenez aujourd'hui, contrairement à ce que vous avez affirmé dans d'autres circonstances, que quand le milicien a des dettes à sa masse, c'est toujours de sa faute. Messieurs, cela n'est pas vrai, vous avez reconnu que la solde est insuffisante, et tout le monde sait qu'il est impossible... (Interruption.)

M. le président. - Veuillez ne pas faire de bruit, messieurs.

M Coomansµ. - Mais, M. le président, vous m'interrompez.

M. le président. - C'est pour protéger votre parole, M. Coomans ; si vous préférez les murmures, je les laisserai continuer.

M. Coomans. - Tous les ministres de la guerre ont reconnu, tous les officiers supérieurs ont affirmé et nous savons tous que la solde du milicien est insuffisante, même la solde du milicien le plus propre, qui ne fait jamais de tache à ses habits.

Comment donc osez-vous lui dire que lorsqu'il a des dettes à sa masse, c'est parce qu'il a été malpropre ? Cela n'est pas vrai ; et je n'admets pas que vous le rendiez responsable d'un fait dont il est innocent et dont vous êtes seul cause.

J'ai donc le droit de vous demander de nous renseigner sur le point intéressant que j'ai marqué, à savoir quelle est la durée du service des miliciens appelés par la voie du sort. Je me réserve de répondre à ce que vient de prétendre M. le ministre de la guerre, qu'il est juste de maintenir pendant quatre ans sous les armes des miliciens qui n'ont pas en de plus mauvais numéros que ceux que vous retenez pendant deux ans et demi seulement.

Je puis, au contraire, vous démontrer que vous maintenez sous les armes, pendant trois et quatre ans, des miliciens qui ont eu un numéro bien supérieur à celui des miliciens qui ne servent que deux ans et demi.

Donc, ce n'est pas pour cause de mauvais numéro que vous imposez et prolongez la durée du service. Vous agissez pour d'autres raisons, pour des raisons de convenance militaire. Nous examinerons ce que la justice devient à ce point de vue-là.

Pour le moment, je demande qu'on nous donne ces renseignements. Jamais la statistique n'aura été plus utile, car nous aurons à rechercher jusqu'à quel point la justice et la logique sont froissées par notre système de recrutement.

M. de Brouckere. - Messieurs, il n'y a aucune contradiction dans les explications que M. le ministre de la guerre vient de donner à la Chambre.

L'honorable M. Coomans prétendait et semble prétendre encore qu'on donne des congés aux miliciens qui ont des ressources pécuniaires et qu'on les refuse aux miliciens pauvres.

M. le ministre de la guerre a déclaré que cela n'est pas exact, et cela ne l'est réellement pas.

M. Coomans. - Cela est très exact.

M. de Brouckere. - Voici ce qui est exact. On refuse parfois, souvent si vous le voulez, des congés aux miliciens qui, par leur faute, n'ont pu combler leur masse. C'est parce qu'ils ont manqué de propreté, de soins, d'arrangement, d'économie. En voulez-vous la preuve ? C'est qu'un grand nombre de miliciens n'ayant aucune ressource chez eux, savent parfaitement se mettre en règle en ce qui concerne leur masse.

Si le gouvernement ne prenait pas cette mesure, il en résulterait qu'aucun milicien ne comblerait sa masse. C'est donc une précaution très sage et très bien justifiée.

Maintenant, je dirai que s'il y a eu au ministère de la guerre un abus en matière de congés, ce n'est pas parce qu'on n'en accordait pas assez, mais parce qu'on en accordait trop. (Interruption.)

Je me suis expliqué à cet égard dans la section centrale. J'espère qu'à l'avenir M. le ministre de la guerre refusera tous les congés de faveur et que quand il se présentera des circonstances telles que l'on ne puisse refuser un congé à un milicien, il sera entendu qu'il servira ultérieurement pendant une période équivalente à la durée de ce congé, pour parfaire le temps de service normal obligatoire.

Il faut qu'il y ait justice. Il est parfaitement vrai que les membres de la Chambre et du Sénat demandent fréquemment des congés et qu'il est très difficile au département de la guerre de refuser ces congés. Il en (page 813) résulte que les miliciens qui n'ont personne pour les protéger sont, sous ce rapport, dans des conditions moins avantageuses.

Je déclare de la manière la plus formelle que, selon moi, ce serait un acte de bonne administration et de justice que de refuser à l'avenir tout congé de faveur.

M. Vermeireµ. - Je désire répondre deux mots à ce que vient de dire l'honorable M. de Brouckere.

MfFOµ. - Cela viendra dans la discussion générale.

M. Vermeireµ. - Je n'entrerai pas dans la discussion générale ; je veux seulement répondre deux mots à un fait avancé par l'honorable M. de Brouckere.

M. le président. - Vous pourrez faire cela tout à l'heure. Il est certain que nous ne sommes plus dans la motion d'ordre. Je dois nécessairement maintenir l'ordre des inscriptions. J'invite donc M. Vermeire à remettre ses observations à tout à l'heure.

M. Vermeireµ. - Je n'ai que deux mots à dire.

M. le président. - Va donc pour deux mots.

M. Vermeireµ. - L'honorable M. de Brouckere vient de dire que, pour lui, il s'opposerait à tous les congés de faveur qu'on voudrait accorder encore à l'avenir. Cette question, messieurs, a été agitée également au sein de la commission militaire et on a été même jusqu'à exprimer le désir que les représentants n'usassent plus de la facilité de leurs communications avec le ministre de la guerre, pour obtenir des congés de ce genre.

Je ne saurais, messieurs, m'associer à ce désir, car si les congés de faveur n'étaient plus accordés en Belgique, notre système militaire serait beaucoup plus dur que le service militaire en vigueur en France. Il a été établi, en effet, qu'en France le nombre des hommes qui chaque année obtiennent des congés de faveur s'élève au seizième du contingent annuel.

Il y a peu de jours encore, à la séance du corps législatif du 4 de ce mois M. le ministre de la guerre de France a fait connaître qu'il y a régulièrement, dans ce pays, 23,000 hommes en congé.

J'ai donc raison de dire que s'il n'était plus accordé de congé de faveur en Belgique, notre système militaire serait plus dur que celui de la France.

- L'incident est clos.

Discussion générale

M. le président. - Nous abordons maintenant la discussion générale des projets de loi.

M. Bouvierµ. - Trois projets de loi sont soumis à votre sanction.

Ils ont pour objet de porter le contingent annuel à 12,000 hommes dont mille ne serviront que pendant sept mois, destinés aux bataillons de réserve de l'infanterie, à fixer la durée du service qui ne s'étendra pas au delà de deux années avec trois rappels successifs d'un mois d'année en année, soit une durée totale de vingt-sept mois.

Je déclare que mon vote approbatif est acquis à ces projets de loi, quoique appartenant à un arrondissement où l'industrie agricole réclame les bras de tous ses enfants.

Si je consens à prendre cette attitude, c'est qu'il s'agit, dans ce grave débat, des plus grands intérêts de mon pays, d'assurer sa sécurité, son indépendance, son autonomie et eu agissant ainsi, je resterai fidèle à cette noble devise : Fais ce que dois, avienne que pourri.

Depuis notre régénération politique, tous les esprits sages et sérieux ont été unanimes pour proclamer cette vérité qu'une armée de cent mille hommes est indispensable pour assurer la défense nationale ; gouvernement, chambre, commissions de toute nature n'ont jamais varié sur ce point, qui est fondamental dans cette discussion. Vous-mêmes, messieurs, venez de confirmer cette manière de voir en votant les cadres d'une armée s'élevant à ce chiffre.

La question se réduit donc à savoir si le mode de recrutement actuel amène ce résultat. Je n'hésite pas à répondre non, et cette opinion est partagée par tous ceux qui ne sont occupés de nos forces militaires. Les contingents annuels de 10,000 hommes ne donnent pas à la Belgique l’effectif d'une armée de 100,000 hommes.

Nous allons tâcher de le prouver. D'après la loi de 1847, les miliciens sont astreints au service militaire pendant une période de huit années, mais ils n'obtiennent leur congé qu'à l'expiration de dix années. Toutefois ceux q-i appartiennent aux deux dernières classes, c'est-à-dire la neuvième et la dixième, jouissent de la faculté de se marier. Une fois mariés, ils ne peuvent plus être appelés à l'activité de service.

Par suite de cette faveur qui donnait lieu à un déchet considérable et voulant remédier à un état de choses qui détruisait le principe, admis par les Chambres, d'une armée de 100,00 hommes, intervint la loi de 1853 qui porte à l'article 5 la disposition suivante :

« En attendant la révision des lois sur la milice le Roi pourra, en cas de guerre ou si le territoire est menacé, rappeler à l'activité de service le nombre de classes congédiées qu'il jugera nécessaires à la défense du pays.

Mais comme les hommes mariés étaient exempts de tout service, tout le fardeau militaire incombait aux célibataires et aux veufs sans enfants, et en 1839, il fallut rencontrer jusqu'en 1827 pour constituer une armée, et cependant le nombre des volontaires était considérable. Ce système est injuste puisqu'il frappe exclusivement deux catégories de citoyens : les célibataires et les veufs sans enfants, alors que ceux-ci ont déjà payé une première fois leur dette à la patrie, et au moment où je parle tous ceux auxquels je viens de faire allusion, si la guerre venait à éclater, seraient appelés à l'activité de service quel que soit l'âge qu'ils auraient atteint. Ainsi un chef d'industrie, un négociant sera astreint à servir un seconde fois ou à se faire remplacer, et s'il n'a pas de fortune il devra, après plusieurs années d'inaction, recommencer son instruction militaire et solder une nouvelle masse d'habillement. De pareilles anomalies ne sont-elles pas la condamnation du système de recrutement actuel, et comment ce résultat est-il amené ? Mais par suite de déchets sur les contingents actuels provenant, comme nous venons de l'établir, de la faculté de se marier accordée aux classes que nous venons d'énumérer, aux désertions, condamnations et décès que chacune de ces classes accuse.

(erratum, page 830) En tenant compte de ces déchets sur les dix classes, on atteint pas un chiffre de 16,000 à 17,000 hommes, y compris les volontaires, qu'il faut défalquer des cent mille hommes exigés par la loi.

Vous les possédez sur papier, sur les matricules de l'armée, je le veux bien, mais en réalité vous ne les avez pas.

Il faut donc modifier ce système et trouver une compensation à la perte de 16,000 à 17,000 hommes, que font éprouver à nos forces militaire les vices de la législation actuelle. Comment y arriver ? Tout ceux qui ont été consultés sur cette grave question, ont été d'accord pour reconnaître qu’il fallait élever le contingent annuel, et le porter à 13,000 hommes. C'est le chiffre qui a été adopté par la commission mixte par vingt voix contre une. Le gouvernement par esprit de transaction, et je l'en félicite, a consenti à réduire ce chiffre à 12,000 hommes.

Le nouveau système du projet de loi, plus démocratique, plus conforme aux principes d'égalité, procurera aux populations un grand soulagement, en répartissant plus également les charges du service militaire sur un plus grand nombre de miliciens, en permettant d'abréger sa durée, et pour que cette répartition soit plus juste encore, je proposerai au projet de loi en discussion un amendement qui abaissera la taille du milicien à un mètre 55 centimètres, comme le porte la loi du 1er février 1868 voté, en France, car il est important de constater que sur 44,000 miliciens inscrits en 1867 2,017 ont été exemptés pour défaut de taille.

Le projet du gouvernement présente, en outre, cet immense avantage de permettre, en cas de danger, le rappel des miliciens en congé qui pourra se faire du jour au lendemain ; ils trouveront dans les dépôts leurs armes et leurs vêtements, ce qui permettra la prompte mobilisation de notre armée, car on l'a dit avec autorité et raison, nous vivons à une époque où la vitesse en tout sera l'invincible loi de la guerre. Les événements de 1866, couronnés par la bataille de Sadowa l'ont prouvé.

L'augmentation du contingent, avec les trois rappels échelonnés d'année en année, permettra de former avec les miliciens des cadres pour les hommes en congé, c'est-à-dire pour les 2/3 de l'armée et c'est chose indispensable de trouver dans chacune des levées de bons éléments pour former des sous-officiers.

(erratum, page 830) Le vote approbatif que vous avez donné pour créer deux nouveaux régiments d'artillerie et augmenter de 30 batteries de siège, vous place dans la nécessité d'élever le chiffre du contingent, qui absorbera déjà un millier de miliciens par suite de ces deux innovations.

L'augmentation du contingent devient encore une nécessité par suite de Ja diminution du nombre des volontaires qui de dix-sept mille qu'i était il y a peu d'années est descendu au chiffre de huit mille. Le contingent demandé est en rapport avec celui qui existait avant 1840.

Quel était à cette époque notre contingent annuel ? Il était de douze mille hommes, Quelle était la population de la Belgique ? Elle s'élevait (page 814) à quatre millions d'habitants dont le chiffre aujourd'hui approche de cinq millions.

Le budget de la guerre montait, comme l’a démontré l’honorable M. Dumortier dans son patriotique et éloquent discours… (Interruption à droite.)

Je constate, messieurs, que c'est des bancs de la droite que partent ces interruptions et ces marques d'étonnement sur mon appréciation de ce discours. Eh bien, je répète que, dans un discours très substantiel, très patriotique, très éloquent, l'honorable M. Dumortier a établi que le chiffre moyen du budget était de 44 millions, et personne dans cette Chambre même du côté de la droite n'a contesté son exactitude, sans jamais descendre au-dessous de 37 en présence d'un budget des voies et moyens n'atteignant pas 90 millions. En d'autres termes, le budget de la guerre absorbait donc plus de la moitié des ressources du pays. L'on n'entendait pas déblatérer contre la maudite conscription, l'odieuse conscription, l'infâme conscription, ni préconiser une armée de volontaires dont l'existence est un problème qui, même résolu, deviendrait un chancre pour nos finances, ni de la nation armée, système plus dur que celui qui ne prend qu'une partie de cette m&nc nation, avec une durée de service très supportable, ni une ariïïèe de moutagnards à la façon suisse. Non, dans ces temps difficiles, il y avait moins de paroles creuses et plus d'actes. Les enfants de la Belgique servaient généreusement leur pays, et la nation, moins peuplée, moins riche, accordait largement et sans marchander l'argent nécessaire à un pareil déploiement de nos forces militaires.

Y aurait-il aujourd'hui moins de patriotisme et de générosité dans l'âme des Belges parce qu'ils seraient devenus plus riches ! Est-ce que la puissance de l'or amènerait le triste résultat d'amollir les caractères et de refroidir les élans chaleureux du cœur quand il s'agit de patrie et surtout d'une patrie libre, riche et prospère ? Pour l'honneur de mon pays, pour l'honneur du nom belge, je n'ose pas même le penser.

Et si la Belgique avait le malheur de périr, de devenir un département français, par exemple, examinons le sort qui lui serait réservé et ou vous conduirait votre impardonnable et injustifiable parcimonie, quels seraient les désastres qui accompagneraient la perte de notre autonomie en ce qui concerne seulement l'organisation militaire, sans parler des maux in calculables qui viendraient frapper de ruine notre patrie !

D'après la lot du 1er février 1868, le contingent annuel s'élève en France à 100,000 hommes, qui n’en donnent par suite des déchets que 71,000 ; 8,000 hommes sont incorporés dans la marine, 44,000 dans l'armée active, la différence passe dans la réserve.

La durée du service qui, sous l'empire de la loi de 1832, n'était que de six ans et demi, a été élevée par la nouvelle loi à une durée de neuf années dont cinq années pour le service actif et quatre années dans la réserve, de sorte qu'en condensant les divers chiffres, un membre de la législature a pu dire tout récemment à la tribune française, sans trouver de contradicteur, que si l'on représente par le nombre 10 la charge qui résultait de la loi de 1832, celle qui résulte de la nouvelle loi sera représentée par 14 ou plus exactement par 13,82.

Il ne faut d'ailleurs pas oublier d'insister sur cette vérité que personne n'oserait contester dans cette assemblée, c'est que nos miliciens sont bien traités quand ils arrivent dans l'armée. De lourds, d'épais, de gauches qu'ils sont quand ils sortent de leurs villages, ils y reviennent hommes. Ceux qui n'ont pas reçu chez eux les bienfaits de l'instruction l'obtiennent au régiment, ceux qui sont peu instruits le deviennent davantage. L'armée peut être considérée à juste titre comme une grande école où les forces physiques morales et intellectuelles de nos jeunes soldats prennent un grand essor. L'homme qu'elle enlève momentanément à la famille, elle le lui rend plus robuste de corps et d'esprit.

Dans la nouvelle Confédération allemande, le contingent annuel est de 3 1/2 hommes par mille habitants, ce qui constituerait un chiffre de 17,500 hommes pour une population égale à celle de la Belgique ; chez nous, ce chiffre n'est pas de 2 p. c.

Eu Hollande, le contingent étant fixé à 14,000 hommes équivaudrait pour la Belgique à une levée annuelle de 20,000 hommes.

Je ne veux pas pousser plus loin les termes de ma comparaison. J'ajoute que dans ces deux pays la durée du service est plus longue que celle établie dans le projet de loi.

Les forces militaires sont donc portées avec un contingent de 100,000 hommes et neuf années de service à 415,000 hommes d'armée active, 320,000 hommes de réserve plus 486,000 hommes de garde nationale, total 1,131,100,eu d'autres termes, la France ne formera bientôt qu'un vaste camp de soldats.

Dans ce pays le service militaire est un véritable impôt du sang. Les champs de bataille de Crimée, de l'Italie, de la Chine, de Cochinchine, d'Afrique et du Mexique ne l'attestent et ne le proclament que trop haut.

En Belgique, le champ de bataille consiste dans le pacifique camp de Beverloo où les enfants du pays s'exercent à l'art militaire non pour faire des conquêtes, mais pour apprendre à défendre le sol natal.

Dans le courant de la discussion, je me permettrai de vous entretenir des remplaçants et des substituants qu'on traite dans notre armée, je n'hésite pas à le dire, de la manière la plus injuste.

Je demande pardon à la Chambre de l'avoir entretenue des matières militaires malgré mon insuffisance. Elle me le pardonnera en raison du but que je veux atteindre ; dans mon culte ardent des intérêts nationaux, j'ai placé une grande confiance dans une bonne et solide armée, prête à défendre avec honneur, courage et une mâle intrépidité le sol sacré de la patrie, de notre chère Belgique.

MgRµ. - Messieurs, vous êtes appelés à vous prononcer sur le chiffre du contingent de l'armée et sur la durée du temps de service. Je viens vous entretenir de ces deux points. Je serai aussi bref que possible ; je désire être clair et surtout vous convaincre ; car, dans ma conviction intime, la bonne constitution de l'armée dépendra des votes que vous allez émettre.

Je constate en commençant, avec l'honorable M. Bouvier, que la proposition d'augmenter le contingent et de le porter à 13,000 hommes, ne vient pas de l'initiative du gouvernement.

Elle a été émise par la commission mixte et, comme on vous l'a dit, elle a été votée par 20 voix contre une seule, celle de l'honorable M. Vermeire et une abstention, celle de l'honorable M. Muller.

Le gouvernement a considéré l'augmentation du contingent comme une chose grave. Je vous dirai tout à l'heure quels sont les motifs qui l'ont engagé à en diminuer le chiffre de mille hommes. Je me borne pour le moment à constater le fait.

Bien des considérations obligent le gouvernement à maintenir le contingent qu'il propose. Les unes sont pratiques, je les indiquerai ; les autres sont plus générales et je désire les présenter maintenant.

Messieurs, depuis 1866, il s'est fait dans le monde militaire un mouvement aussi considérable que celui qui s'est produit dans le siècle précédent après la guerre de sept ans. A cette époque, on vit une petite nation de. cinq millions d'habitants tenir tête aux trois plus grandes puissances de l'Europe, la France, l'Autriche et la Russie ; elle dut ses succès à la bonne constitution de son armée, à une tactique supérieure, à un armement perfectionné. A la suite de la guerre de sept ans, je le répète, il s'est fait dans le monde militaire un mouvement dont les dernières fluctuations se produisaient encore au commencement de l'empire.

Eh bien, après la guerre de 1866 un mouvement pareil s'est déclaré ; vous le voyez autour de vous ; vous pouvez le constater.

La Prusse possédait un armement supérieur à celui de l'Autriche, bien que sa tactique n'en différât pas beaucoup ; mais ce qui la distinguait, c'était son système de mobilisation. C'est au système de mobilisation de la Prusse, à la facilité avec laquelle elle a mis son armée en marche, prévenant tous ses ennemis ; c'est à ce système, dis-je, que la Prusse a dû principalement ses succès.

Le général Moltke, dans la première livraison de sa Campagne de 1866, nous apprend quelle était la méthode de mobilisation du Hanovre et de l'Allemagne du Sud.

Je vous ai déjà cité ce passage, je crois devoir vous le reproduire :

« C'était encore, dit-il, un ennemi à naître. Nous savions combien, de ce côté, on s'était peu préparé à la guerre pendant la paix. »

Un écrivain prussien en pareil cas (je préfère entendre l'ennemi plutôt que l'intéressé) tient le langage suivant sur l'année bavaroise :

« L'armée bavaroise compte 16 régiments d'infanterie, 12 régiments de cavalerie, et 136 bouches à feu ; on l'estime à 86,000 hommes et avec la réserve et la landwehr à 150,0 00 hommes sur le papier, en supposant que l'ennemi laissât le temps absolument nécessaire pour achever les nouvelles formations, et cé temps n'était pas peu de chose. Mais en Bavière, ni le landwehr, ni les réserves ne peuvent peser dans une guerre promptement commencée et vivement conduite. »

Ainsi, toutes les dépenses que la Bavière avait faites pendant la paix pour sa landwehr, pour mettre sur pied une armée de. 86,000 hommes sont restées stériles au moment de la guerre ; elle n'a pu rassembler que 50,000 hommes et les opposer à son ennemi.

(page 815) Le même écrivain dit à propos du Hanovre :

« Rien n'avait été prévu pour la mobilisation de l'armée à Göttingen, où le roi ne put réunir que 11,000 hommes...

« Le départ pour Göttingen eut lieu dans la nuit du 15 au 16 avec une telle précipitation qu'elle (l'armée) laissa en arrière toutes ses munitions et tout l'équipage du train.

« Le 17 et le 18 les généraux Graben et Manteuffel occupaient le Hanovre et s'emparaient sans coup férir des provisions laissées en arrière, de 60 pièces de canon, 10,000 fusils, 200 voitures et 200,000 livres de poudre. »

Voilà donc encore cette armée hanovrienne, bien qu'excellente et très brave, la voilà pour ainsi dire frappée d'impuissance, parce qu'elle n'avait pas un bon système de mobilisation. Le même fait se remarque en Autriche.

Nous avons à cet égard un renseignement précieux, il est contenu dans la première livraison de l'histoire officielle de la campagne de 1866 écrite par le bureau historique de l'état-major autrichien. Vous y trouverez un grand rapport du général Krismanic, relatant le plan de campagne.

Je me borne à vous en citer une seule phrase, et vous comprendrez que là encore, c'est le défaut d'un bon système démobilisation qui a été la principale cause des désastres que cette puissance a éprouvés.

Ainsi, le général constate que l'Autriche est forcée de se mettre sur la défensive dès le début et qu'elle doit accepter cette position défensive comme un fait regrettable, mais obligé. Il ajoute : « On peut s'attendre que l'année prussienne, dont l'organisation, comme chacun le sait, permet une prompte mobilisation, sera à la frontière prête au combat, tandis que l'armée autrichienne sera encore en pleine marche de concentration et n'aura peut-être pas terminé complètement son organisation de guerre. »

Il ajoute plus loin :

« Dans l'année 1850, le fait que la Prusse s'était laissé devancer par nous dans les préparatifs a seul motivé sa condescendance et arrêté la guerre. L'état des choses actuel diffère essentiellement de celui de 1850. »

Voilà donc deux armées en marche et l'une prête avant l'autre, par conséquent possédant l'initiative, dominant pour ainsi dire les événements.

Vous n'êtes pas sans avoir lu les écrits relatifs à cette époque si intéressante, puisqu'elle a changé la face de l'Europe centrale, et vous avez pu étudier comme moi les critiques que certains esprits ont portées sur les opérations de l'armée prussienne.

On dit que la marche en Bohème avait été une faute stratégique de premier ordre ; que si la Prusse avait eu en présence un ennemi sachant profiter de la situation, cette puissance était perdue ; que l'on pouvait se servir contre ses troupes des lignes intérieures ; que l'armée prussienne était entrée imprudemment en Bohême en plusieurs colonnes séparées, et par des défilés de montagnes que quelques hommes pouvaient défendre ; mais la faute n'était qu'apparente car l'armée autrichienne n'était pas en Bohême.

Obligée d'établir sa concentration aux environs d'Olmutz, elle perdit un temps précieux que son ennemi sut habilement mettre à profit.

Lorsqu'elle voulut réparer ces moments précieux et s'avancer vers le nord, l'armée prussienne était maîtresse de tous les défilés des montagnes, elle les franchissait, sans coup férir et livrait sur l'Yser et sur l'Elbe ses premiers combats.

Ainsi c'est à son système de mobilisation aussi bien qu'à son armement et à sa tactique supérieurs que la Prusse doit ses succès et sa grandeur.

Voyez maintenant ce qui se passe autour de nous. Voyez ce qui se fait en France.

La France, depuis deux ans, travaille sans relâche à augmenter sa puissance militaire.

Mais pour atteindre ce but, a-t-elle augmenté le nombre de ses bataillons ? Non, il n'y a pas un bataillon de plus. Que fait-elle donc ?

Elle crée des réserves toujours disponibles pour combler les vides de ses rangs. Elle établit un système de prompte mobilisation, elle veut être aussi rapidement prête à combattre que les puissances de l'Allemagne.

Ainsi, toutes les dépenses que la France s'est imposées, la nouvelle loi qu'elle vient de promulguer, les gardes mobiles qu'elle met sur pied, n'ont pas pour objet d'augmenter les cadres de son armée active, maïs leur but est d'établir un système de prompte mobilisation.

Je tenais, avant d'entrer dans la discussion du contingent, à vous présenter ces considérations premières, parce qu'elles ont eu une influence déterminante sur les décisions du gouvernement.

Encore quelques mots, si vous voulez bien me le permettre, sur le système de mobilisation de l'armée.

Les bases d'une mobilisation comprennent divers points : le matériel ; les approvisionnements ; les chevaux ; le personnel. Aucune puissance ne saurait peut-être mobiliser son armée plus promptement que nous, et cela pour deux raisons ; d'abord parce que la population est très condensée et que les ressources abondent ; la seconde, parce que nous avons un réseau de chemin de fer merveilleusement approprié à notre système de défense.

Nos chemins de fer viennent presque tous aboutir vers Anvers, quatre lignes s'y joignent arrivant de quatre directions différentes et pouvant porter en quelques jours, vers notre réduit, tout ce qui est nécessaire à la mise sur pied de guerre et à l'approvisionnement de l'armée. J'ai fait dresser un état concernant cet objet ; le système de mobilisation sera établi sur des bases très sérieuses et bien étudiées, et j'ose espérer qu'il ne faudra que fort peu de jours pour rassembler nos troupes et nous préparer à combattre.

Je laisserai de côté tout ce qui concerne le matériel et les approvisionnements, pour ne s'occuper que du personnel.

La base de la mobilisation de l'armée relativement au personnel consiste d'abord dans ses cadres. Il est de toute impossibilité, avec la manière dont la guerre se fait aujourd'hui, de constituer des unités tactiques nouvelles, des corps nouveaux au moment du combat. Il fait donc avoir sur pied de paix tous les cadres nécessaires pour la guerre sinon au grand complet, du moins équivalents au pied de rassemblement.

Il n'en est pas de même du personnel destiné à remplir ces cadres. Si les nations s'astreignaient à conserver dans les époques de calme tout le personnel nécessaire pour la guerre, elles seraient entraînées dans des dépenses énormes. C'est pourquoi l'on tient sous les armes le nombre de soldats utile pour l'entretien des cadres, pour l'éducation des soldais, pour l'instruction des officiers et des sous-officiers ; le restant est en congé.

Mais on ne peut songer à instruire les hommes qui, le cas échéant, viendraient remplir les cadres lors de l'entrée en campagne. Ainsi donc les réserves doivent être composées d'anciens soldais.

Voilà la première condition.

Une seconde condition indispensable, c'est d'avoir ces réserves bien disponibles et pour ainsi dire dans la main.

La loi de 1853 fut votée à l'époque où la France avait besoin, pour mobiliser toute son armée de terre, de plusieurs mois, lorsque l'Angleterre se trouvait dans cette même situation qu'elle déplore maintenant et qu'elle cherche à réparer, lorsque autour de nous, enfin, il n'existait aucune de ces troupes temporaires comme la garde nationale en France, comme la garde civique mobile dans notre pays ; corps destinés à remplacer l'armée active, à la dégager des garnisons et des places fortes et à lui permettre de développer son maximum d'action. On comprend que sous l'empire de cet état de choses, le gouvernement ait espéré, en attendant la discussion de la nouvelle loi de milice, avoir le temps de rappeler les anciennes classes libérées.

On pouvait, je le répète, concevoir l'espérance de s'en servir. Mais aujourd'hui cela est devenu impossible ; le temps fera complètement défaut. Pour continuer ce système, il y aurait obligation de prolonger le temps de service des classes, afin que les hommes restent sous la main du gouvernement, que celui-ci puisse constater leur présence dans les villages, et qu'il possède les moyens de les réunir de temps à autre dans les camps.

Mais si nous étions obligés de réunir subitement ces vieilles classes libérées, si nous devions les habiller et les distribuer dans les divers corps, le temps se passerait ; nous serions pris au dépourvu.

Ainsi, par une nécessité absolue, le département de la guerre doit avoir constamment à sa disposition tous les éléments constitutifs de l'armée ; il doit conserver l'équipement, l'habillement de tous les hommes, afin qu'en trois ou quatre jours au plus chacun soit dans le rang et prêt à marcher.

C'est, messieurs, ce que la grande commission mixte avait parfaitement saisi : elle a compris qu'au lieu de prolonger le temps de service, et nous verrons jusqu'où on peut être obligé de le porter, il était préférable d'augmenter le contingent.

(page 816) Elle y était du reste obligée par une autre raison. Elle avait reconnu la nécessité d'accroître d'une manière considérable l'artillerie de siège, elle avait voté les cadres de trente et une batteries de siège et de trois compagnies du génie. Prendre dans les 10,000 hommes du contingent ordinaire ce qu'il fallait pour la création de ces corps nouveaux était chose impossible et elle se trouvait devant la nécessité d'augmenter le chiffre des appels annuels.

Mais la commission mixte devait encore parer à un autre inconvénient : elle devait tenir compte des pertes successives qu'éprouvent nos classes de milice.

La Chambre vote tous les ans un contingent de 10,000 hommes et croit peut-être que ces 10,000 hommes sont mis à la disposition du département de la guerre, il n'en est rien. Chaque classe donne une perte de près de 500 hommes ; c'est-à-dire qu'au lieu d'un contingent de 10,000 hommes, le gouvernement dispose seulement de 9,500 hommes.

Il y a d'abord 200 à 300 hommes qui, par suite de maladies, d'infirmités et d'autres causes constatées après l'incorporation, ne rejoignent pas les corps. Il faut y ajouter les non-valeurs.

Une autre cause d'affaiblissement résulte de l'autorisation donnée aux soldats de la 8ème classe de servir comme remplaçants. La troisième et la plus importante provient de ce qu'on n'a pas tenu compte, dans les tableaux, des mariés des 9ème et 10ème classes qui, d'après la loi, sont dispensés de venir sous les armes en cas de rappel.

On s’est donc trouvé en présence du résultat que je vais indiquer. J'ai fait dresser avec soin l'état récapitulatif du nombre d'hommes de chaque classe dont l'armée disposait au 1er janvier 1868. En voici le tableau :

Classes de 1867, 9,164 hommes ; de 1866, 8,756 ; de 1865, 8,542 ; de 1864, 8,429 ; de 1863, 8,288 ; de 1862, 7,818 ; de 1861, 7,716 ; de 1860, 7,377 ; de 1859, 7,162 ; de 1858, 7. 099. Total : 80,351 hommes.

Ce résultat concordé parfaitement avec la formule théorique dont on se sert d'ordinaire pour apprécier approximativement les pertes éprouvées annuellement par les contingents, formule basée sur de nombreuses données d'expérience et qui évalue les pertes de chaque année à 1/20 de l'effectif.

En opérant ainsi sur un contingent de 10,000 hommes, on obtient pour dix années un chiffre de 80,181. C'est à 170 hommes près ce que donne l’expérience. En 1853, on avait suivi pour le jeu de contingents d'une autre formule. On diminuait les contingents de 1/25 seulement par année, et l'on avait ainsi donné à l'effectif de l'armée une force qu'il ne pouvait atteindre, ce dont le département de la guerre ne fut pas longtemps à s'apercevoir.

Reprenons à présent notre chiffre de 80,351 hommes. Nous devons en défalquer les mariés des 9ème et 10ème classes, sur lesquelles nous n'avons que des données incertaines, parce que ces classes sont libérées et que les hommes qui en font partie ne sont pas tenus de prévenir les corps. J'évaluerai ce nombre approximativement à 5,000. Il nous reste donc sur les dix classes, 75,351 hommes, auxquels il faut ajouter 8,000 volontaires. Le gouvernement dispose donc en ce moment de 83,351 sous-officiers et soldats. Il manque, pour parfaire les 100,000 hommes, 16,649 hommes.

D'après le système de 1853, il aurait fallu demander ces 16,649 hommes aux vieilles classes, dont la 10ème en défalquant les mariés est réduite à 4,600. Combien de mariés faut-il ajouter aux premiers ? Jusqu'à quelle année faudra-t-il remonter ? Nul ne saurait le dire. Nous sommes en présence de l'inconnu.

La seule mesure sage était évidemment de suivre la commission mixte dans la voie qu'elle avait ouverte, et de chercher le complément qui nous manque dans une augmentation du contingent. Elle proposait 13,000 hommes. N'y a-t-il pas moyen d’abaisser ce chiffre ? Voilà la question que le gouvernement s'est posée. A cet égard il désirait descendre jusqu'aux dernières limites et alléger autant qu'il était en lui les charges des populations.

Nous avons vu plus haut qu'un contingent de 10,000 hommes laisse disponibles, après dix ans, 75,351 hommes, c’est donc 7,535 hommes par classe de 10,0'0 hommes ou 15,070 hommes pour deux classes. Si nous ajoutons ce chiffre aux 83,361 hommes qui composent l'effectif de l'armée, nous trouvons 98,421 hommes.

Les 13,000 hommes auraient procuré 105,956 hommes et ce supplément était certes désirable pour atteindre l'effectif de 100,000 hommes ; car il faut tenir compte des hommes absents du pays, des malades, etc. La révision de la loi de la milice comblera jusqu'à un certain point la différence. Cette révision nous rendra, en grande partie du moins, les 500 hommes que l'on nous enlève aujourd'hui et nous atteindrons de cette façon l'effectif de 100,000 hommes que toutes les commissions qui ont examiné à fond notre état militaire ont considérés comme indispensables à la défense du pays.

Vous voyez donc, messieurs, avec quelle sollicitude pour nos populations le gouvernement a traité cette question. Il ne lui était pas possible de songer encore au rappel des vieilles classes, il lui fallait bien avoir recours à une augmentation. Il s'est donc arrêté à 12,000, mais comme un minimum au-dessous duquel il ne lui est pas possible de descendre.

Il ne considère pas moins cette demande comme une aggravation de charge à laquelle il est juste de donner une compensation. Il a trouvé cette compensation dans la manière dont s'accomplira le temps de service, qui a été calculé de manière à le rendre plus léger

Aujourd'hui le budget de la guerre peut retenir le soldat sous les armes durant 30 mois. Il abaisse ce temps jusqu'à 27 mois et de la manière suivante.

L'incorporation du milicien d'infanterie aura lieu le 1er octobre et il sera envoyé en congé illimité le 15 décembre de la deuxième année. Pendant ce temps, il aura droit à un mois de congé chaque année. Il sera donc présent aux drapeaux durant 24 mois. Puis il sera soumis à un rappel d'un mois pour les camps, tous les deux ans, c'est-à-dire à trois rappels.

Il y a 5,000 hommes, auxquels malheureusement je ne puis pas appliquer le même système, ce sont ceux qui sont destinés aux armes spéciales et à la cavalerie, Ici la nature des armes et l'instruction exigent un temps plus long. Au moins j'atténue encore leur position par des congés analogues à ceux accordés à l'infanterie. Ce ne seront pas des congés facultatifs, mais de droit.

M. Allard. - Et ceux qui ne voudront pas de congés ?

MgRµ. - Ceux-là resteront aux corps et en augmenteront l'effectif. En ce qui concerne l'infanterie, je dirai tout à l'heure la raison, raison de responsabilité très grande pour moi, qui m'empêche de descendre plus bas. (Interruption.)

Dans les corps on réglera ces absences de façon à satisfaire, autant que possible, les intérêts de nos miliciens. Les uns cultivateurs préféreront en jouir à l'époque de la moisson ; les autres aimeront mieux passer une partie de l'hiver dans leurs familles. Un avantage incontestable pour eux, c'est qu'au lieu d'être enlevés comme aujourd'hui à leurs travaux durant trois étés et deux hivers, ils ne le seront plus que pendant deux étés. Les camps auront lieu au mois de septembre ; c'est le mois, je pense, qui exige le moins de monde pour les travaux de la campagne.

Si vous comparez le budget de 1867 à celui que j'ai présenté, vous en déduirez les conséquences suivantes : Le budget de 1867 comprend, pour l'infanterie, 8,992,185 journées et celui de 1868, 8,476,560 journée1 :, c'est un gain de 515,000 journées, quoique l'effectif comprenne 1,000 hommes en plus pour sept mois.

La différence en moins n'existe pas pour les autres armes, parce que nous y ajoutons 1,000 hommes et que le temps de service reste le même. L'influence des congés plus nombreux n'en est pas moins réelle. En somme, pour juger des efforts que j'ai faits dans cette voie j'attirerai votre attention sur le point suivant.

L'augmentation de l'effectif en hommes, est de 1,782 pour toute l'armée, ce qui exigerait 650,431 journées de présence, tandis que le nombre de journées de présence sur le budget de 1867, n'est que de 185,154, différence 465,276.

Vous apprécierez par là combien nous avons cherché à compenser par des avantages accordés aux soldats, l'augmentation de contingent que nous sollicitons, c'est-à-dire que dans le nouveau système les charges sont réparties sur un plus grand nombre d hommes et qu'en définitive chaque homme sert moins de temps.

Du reste, ce contingent de 12,000 hommes, si vous le comparez aux (page 817) anciennes obligations de la Belgique, est inférieur à celles-ci. Si nous étions restés sous l'empire de la loi de 1817, la demande serait plus considérable.

J'ai ici le chiffre de la fameuse levée de 1826 dont on a tant parlé. La population de la Belgique était alors, avec les deux annexes que nous avons perdues, de 3,800,000 âmes. La levée était de 10,865 hommes,

Ce contingent se divise en deux parties. Le gouvernement des Pays Bas avait le droit de prendre un milicien par 500 âmes. Mais, comme il y a constamment des déchets dans les armées, ainsi que nous avons pu le constater, l'article 15 de la loi de 1817 donnait au gouvernement hollandais le pouvoir de remplir, au moyen de la levée suivante, les vides qui s'étaient manifestés. La loi fixait également une limite supérieure d'un homme sur 300 âmes.

Ce n'était pas alors la législature qui déterminait le contingent ; il était implicitement compris dans la loi, tandis qu'aujourd'hui la Chambré le vote chaque année.

Eh bien, si nous étions encore sous le régime de la loi de 1817, nous devrions, pour arriver au même chiffre proportionnel, fournir un contingent de 14,000 hommes.

J'aborde maintenant, messieurs, la question du temps de service !

On a invoqué beaucoup d'opinions anciennes sur la durée du service pour le soldat d'infanterie. On a dit qu'il fallait peu de temps pour le former. Tel général assure qu'on peut l'instruire en 12 mois, celui-ci demande 18 mois, celui-là 20, etc.

Permettez-moi, à ce sujet, de revenir encore une fois sur la campagne de 1866, et de vous demander si cette guerre n'a pas révélé des faits nouveaux.

La tactique a marché depuis à peu près deux siècles.

Aux lourdes masses de la renaissance, Gustave-Adolphe a opposé ce qu'il appelait ses brigades. Il a divisé ses corps pour les opposer aux gros bataillons autrichiens.

Nous avons vu se renouveler de son temps ce qui s'était produit entre les Grecs et les Romains lorsque les légions étaient aux prises avec les phalanges.

La phalange formait une seule masse compacte, tandis que la légion était divisé en manipules Or ceux-ci agissaient avec une rapidité merveilleuse, entouraient et débondaient la phalange et en venaient facilement à bout.

Après Gustave-Adolphe apparaît Frédéric II. Celui-ci introduit l'ordre mince, il développe ses lignes et les fait manœuvrer avec une perfection admirable.

Tandis que son ennemi se mouvait avec peine dans les positions qu'il avait péniblement occupées, Frédéric avait manœuvrer et à proximité de canon, et il employait contre un adversaire plus lourd ce fameux ordre oblique dont vous avez entendu parler.

La révolution française, messieurs, a admis un autre système de tactique. Ce sont encore des lignes, mais fractionnées. Les bataillons, au lieu d'être constamment déployés, forment des colonnes d'attaque. Des soldats s'en détachent et l'on voit s'organiser le système de tirailleurs qui a rendu à la France de si grands services pendant les guerres de la république et de l'empire.

Ce système se généralise, on tire des bataillons les meilleurs soldats pour les charger des fonctions spéciales de tirailleurs ; ce sont les campagnies de grenadiers et de voltigeurs ; le restant du bataillon manœuvre sous leur protection. Mais les progrès s'accomplissent. Les deux compagnies d'élite ne suffisent plus ; toutes doivent à leur tour faire le même service, toutes doivent devenir des compagnies d'élite. Il y a à peine deux mois, les voltigeurs et les grenadiers ont disparu de l'armée française, comme ils avaient disparu de notre organisation depuis plusieurs années.

Aujourd'hui tous les soldats doivent avoir la même valeur individuelle et recevoir une instruction complète. C'est une nécessité du nouvel armement et de la manière de combattre inaugurés depuis deux années. On ne peut plus se dire : Je vais former cinquante excellents soldats, je puis mettre près d'eux cinquante soldats médiocres et n'ayant qu'une instruction sommaire. Cette méthode, acceptable encore il y a peu de temps, n'est plus de mise aujourd'hui et conduirait à d'amères déceptions.

On prétend qu'il suffit d'une année, de 18 mois au plus, pour enseigner au soldat son devoir.

Pour lui apprendre théoriquement ce qu'il doit faire, un an suffit, je l'avoue, mais il faut une seconde année pour le lui enseigner pratiquement.

Les soldats qui ont déjà servi une année sont les moniteurs des recrues ; ils les guident et les mettent au courant des détails.

Mais il nous faut des cadres ; or, comment les constituer si nous n'avons pas de compagnies d'une certaine consistance ?

Pouvez-vous croire que si vous avez des cadres sans soldats, vous parviendrez à les former, à les instruire, à les recruter ? C'est là une grave erreur, et avec ce système vous n'aurez ni cadres ni soldats.

Je dois vous présenter une autre considération plus grave encore.

Si nous descendons au-dessous du terme que j'ai indiqué, qu'arrivera-t-il ? Supposons, par exemple, le terme de 18 mois de service.

Pendant six mois, une seule classe de milice sera incorporée dans le bataillon. Mais l'homme qui entre dans l'armée ne peut être considéré comme soldat ; il faut qu'il sache au moins manier son arme avant de prendre place dans le rang et de marcher avec ses camarades ; supposons deux mois pour cette instruction, et c'est une grande concession. Nous serons donc pendant huit mois avec une seule classe sous les armes. Examinons les conséquences qui en résulteront.

Un contingent de 7,400 hommes réparti entre les divers régiments d'infanterie donne une moyenne, par régiment, de 462 hommes.

Or le garde de police et de garnison exigent 65 hommes, les ordonnances et plantons 16, les cuisiniers 15, les malades au quartier et les détenus au cachot 20 (c'est une moyenne sur tous nos régiments), les soldats employés aux magasins, chez les maîtres ouvriers 20 les malades aux hôpitaux 50, les employés aux boulangeries 4, aux boucheries 4, et dans cette énumération il n'y a aucun congé.

Cela fait avec les élèves et soldats musiciens 216 hommes. Si nous y ajoutons les hommes employés extraordinairement dans certaines places aux travaux du génie, à la confection des cartouches, il ne nous reste dès lors disponibles que 210 hommes, c'est-à-dire 11 hommes par compagnie.

Ainsi, avec une durée de service de dix-huit mois, nous ne pouvons compter pendant huit mois que sur 11 hommes par compagnie. Indiquer ce chiffre, C'est résoudre la question.

Mais ce n'est pas tout, je dois répondre de la sécurité intérieure : Or je le demande, comment me sera-t il possible de l'assurer avec deux ou trois mille hommes ? Quant à moi, je ne puis m'y engager. Avec le système que je propose, au contraire, avec 26 mois de service, dont deux mois de congé, j'ai toujours deux classes sous les armes, je puis disposer de 10,000 hommes pour parer à toutes les éventualités.

La discussion me fournira sans doute l'occasion de prendre encore la parole, je m'arrêterai donc aux considérations que je viens de vous présenter.

En terminant, j'insiste pour que la Chambre veuille bien accepter et le contingent et la durée du temps de service que nous proposons.

La responsabilité du ministre de la guerre, messieurs, est très lourde. Quels reproches ne serait-on pas en droit de lui adresser s'il faisait des promesses qu'il ne pourrait tenir, s'il acceptait une mission qu'il sait ne pouvoir accomplir ?

Le pays compte sur une armée de 100,000 hommes ; et quelle déception n'éprouvera-t-il pas si, au moment du danger, il ne les trouve pas devant lui, prêts à marcher, armés et instruits ? Quelle accusation ne pourrait-il pas lancer contre un officier général qui, dans ces circonstances, occuperait le poste où je suis ?

Je vous ai dit également que je répondais de la sécurité intérieure. Eh bien, je vous le demande, quelle serait ma position si, au moment où une émotion quelconque se produisait, je n'avais pas en mains les moyens de parer au danger...

M. Coomans. - Est-ce au nom du gouvernement que vous parlez M. le minière ?

MgRµ. - Je parle en mon nom.

MfFOµ. - Et au nom du gouvernement. Est-ce qu'il peut y avoir deux opinions sur le fait indiqué ?

MgRµ. - La charge que nous réclamons est lourde pour le pays, c'est vrai, mais si vous comparez ce que nous vous demandons avec les charges que les autres pays s'imposent, vous verrez que ce n'est pas chez nous que l'on réclame les plus grands sacrifices.

Mais, dit-on, vous arrachez le milicien à ses parents ; vous diminuez la masse du travail national.

D'abord, comme l'a dit tout à l'heure M. Bouvier, si nous arrachons le milicien à ses parents, nous le leur rendons meilleur… (Interruption)

(page 808) M. Bouvierµ. - Mais certainement.

MgRµ. - Il n'y a pas un village, pas une ville où l'homme sortant de l’armée ne soit préféré aux autres. C'est un fait que vous ne pouvez pas nier, car il se produit partout,

Voulez-vous que je vous cite, à cet égard, un passage de M. le général Trochu dont on a tant parlé... (Interruption.) Il pourrait vous convaincre. Du reste, une enquête a été faite sur ce point dans le pays et la réponse de toutes les personnes consultées a été celle que j'indique.

Quant à cette assertion que l'armée est une cause de diminution du travail national, au risque de faire bondir les économistes, je dirai que c'est là une contre-vérité. Que faut-il pour que le laboureur trace en paix son sillon et recueille les fruits de ses sueurs ? Que faut-il pour que le pays se développe et jouisse de ses libertés, pour que l'industrie prospère ? Il faut la tranquillité et la sécurité.

Eh bien, c'est le milicien qui les assure ; il veille pendant que les autres travaillent, et sa mission est noble ; car tandis que ceux dont il protège les travaux jouissent à leur guise du fruit de leurs labeurs, lui il accomplit cette mission dans les privations et la pauvreté. Aussi quand il rentre dans son village, il peut porter le front haut et se dire : J'ai été un citoyen utile et j'ai payé ma dette à la patrie.

M. Kervyn de Lettenhove. - Lorsque, il y a plus d'un mois, j'ai pris la parole dans cette enceinte, tout en protestant vivement de mon désir de ne pas compromettre l'existence de l'armée, j'ai exposé tout ce qui pouvait, selon moi, contribuer à améliorer son organisation, et j'arrivais à cette conclusion qu'on ne pouvait efficacement régler la défense nationale sans lui donner pour base le sentiment national, c'est-à-dire une grande et forte adhésion dans le pays et dans la Chambre qui représente le pays. Puis, m'adressant au gouvernement, j'exprimais l'espoir qu'en cédant sur la question spéciale du contingent, il ferait acte de prudence et de sagesse. Cet espoir, je ne le conserve plus après le discours que vient de prononcer M. le ministre de la guerre.

Je dois déclarer tout d'abord que l'argumentation de l'honorable général Renard n'a modifié à cet égard ni mon opinion, ni mes convictions.

En l'entendant développer cette théorie nouvelle de l'art de la guerre qui place dans la mobilisation rapide de l'armée et dans l'instruction des individus toutes les chances de succès et toutes les garanties d'une bonne défense, je me sentais amené aussitôt à cette conclusion que c'était dans la qualité plutôt que dans la quantité que nous devions chercher la formule de notre organisation militaire. Cette formule, je ne la trouve plus lorsqu'on vient nous demander une augmentation de contingent. Et, quelle que soit mon estime pour l'armée, je ne puis oublier que si, dans l'un des plateaux de la balance viennent se placer mes sympathies pour elle, dans l'autre je rencontre les charges des populations.

Ce sont là deux grands intérêts qu'il ne faut pas mettre en opposition, qu'il ne faut pas immoler l'un à l'autre, mais que notre devoir est de chercher à rapprocher et à concilier.

Quel est, messieurs, le problème à résoudre ?

Il y a bien longtemps (c'était vers 1862), que j'écrivais ces lignes :

« Il s'agit à la fois d'organiser une force militaire sur les bases qui lui permettront de rendre le plus de services et de faire en sorte que cette organisation pèse le moins possible sur les populations. »

L'honorable M. de Brouckere, qui présidait la commission mixte de 1867, exprimait exactement la même pensée (mais sans doute en meilleurs termes) lorsque, ouvrant les séances de cette commission, il tenait ce langage :

« Je définirai votre mission en peu de mots en disant que nous devons nous efforcer de trouver les meilleurs moyens d'assurer la défense efficace du territoire en imposant le moins de charges possible au pays. »

Je ne pense pas, messieurs, que cette définition soit contestée ; elle est dans la pensée de tous les orateurs qui ont pris la parole.

Je l'ai même retrouvée dans un des discours prononcés par M. le ministre de la guerre et tout récemment l'honorable M. Van Humbeeck, organe de la section centrale, la reproduisait de nouveau lorsqu'il disait dans son rapport que l'augmentation de contingent ne pouvait se légitimer que par la plus étroite nécessité.

La tâche que je me suis imposée aujourd'hui est devenue plus difficile après le discours de M. le ministre de la guerre ; car je dois m'efforcer de démontrer que cette étroite nécessité n'existe pas.

Je serai réduit à recourir à beaucoup de chiffres, à m'appuyer sur des données statistiques nombreuses comme M. le ministre de la guerre vient de le faire à l'instant même ; et j'espère que la Chambre qui, à plusieurs reprises, a bien voulu m'accorder son attention, me la continuera aujourd'hui dans la discussion que j'aborde.

Il est un point, messieurs, sur lequel tous les partisans de l'augmentation du contingent se sont mis d'accord ; c'est que nous nous trouvons sur le terrain de la loi de 1853 ; que rien n'est changé à cet égard ; qu'en 1853 le gouvernement et la législature voulaient une armée dont l'effectif représentât 100,000 hommes et qu'aujourd'hui on ne réclame pas davantage.

Je vous demanderai, messieurs, la permission de revenir avec plus de détails sur ce qui s'est passé en 1853 et dans la commission qui a été chargée de préparer cette organisation. Il y a là des renseignements précieux à recueillir.

On rencontrait, messieurs, dans la commission de 1853, comme dans celle de 1867, les hommes les plus éminents, les plus capables d'étudier cette matière, les généraux les plus distingués, les hommes politiques les plus honorés. Parmi ces hommes politiques, il en était un qui avait pris une grande part à l'établissement de l'indépendance nationale et notamment aux traités qui ont lié à cette indépendance notre neutralité ; je veux parler de l'honorable comte Lehon, que nous avons retrouvé en 1840 prenant à Paris une part active à ces graves négociations dont on a, selon moi, exagéré les périls. Voici, messieurs, quel était le langage qu'en 1851 M. le comte Lehon tenait à la commission chargée de préparer l'organisation militaire.

« Le 20 novembre 1851, M. le comte Lehon reconnaît la nécessité d'un état militaire, mais il ne veut pas qu'on regarde la neutralité comme condition d'un état militaire plus fortement constitué que dans toute autre situation. Il attache à cette neutralité un caractère défensif. »

Deux jours après, M. le comte Lehon ajoute qu'il est d'avis « d'instituer une organisation efficace et stable de notre établissement militaire ; mais qu'il pense qu'on ne doit pas en exagérer les conditions et les nécessités si l'on veut rester dans une juste appréciation des charges qu'elles imposent. »

M. le ministre de la guerre appartenait également à cette commission ; à cette époque comme aujourd'hui, il insistait sur l'utilité, sur la nécessité d'un vaste armement. II reconnaissait toutefois, dans la séance du 25 novembre 1851, que le rôle de l'armée belge était de faire une guerre défensive.

Voilà, messieurs, quelques principes que j'ai cru devoir rapidement rappeler, parce qu'ils sont généralement d'accord avec ceux que j'ai cherché moi-même à faire prévaloir dans une discussion antérieure.

J'arrive maintenant, messieurs, à la question de l'effectif du contingent.

Dans la commission de 1853, un officier distingué de l'arme de l'artillerie, M, Timmerbans, fut chargé de calculer l'effectif et il établit que dix contingents de 7,500 hommes donnaient en réalité 62,000 à 63,000 hommes Or, si nous prenons pour base 10 contingents de 10,000 hommes au lieu de dix contingents de 7,500 hommes, un calcul proportionnel nous conduit immédiatement à ce résultat que l'effectif réel doit être de 84,000 hommes. En effet, M. Servaes, qui appartenait au corps de l'intendance, fut chargé de faire un calcul analogue et arriva à constater que l'effectif réel devait être de 83,795 hommes. Le gouvernement, de son côte, fit connaître au comité chargé du recrutement qu'il comptait que dix levées lui donnaient au moins 80,000 hommes. Pour parfaire le contingent de 100,000 hommes on espérait avoir 16 000 volontaires et on y ajoutait pour les cadres d'officiers de l'état-major 4,000 hommes, ce qui faisait 100,000 hommes.

La discussion arriva devant la Chambre et la section centrale demanda au gouvernement des explications précises sur la matière dont l'effectif était formé. Cette fois encore, on adressa à la section centrale un tableau qui fut annexé au rapport de l'honorable M. Manilius ; on y voyait que les dix classes étaient évaluées à 82,236 hommes ; en faisant la part du déchet, on évaluait les volontaires à 15,221 hommes ; on y ajoutait pour l'état-major et les officiers des corps, 3,166 hommes ; ce qui donnait un total de 98,625 hommes.

Il importe de remarquer, messieurs, que le gouvernement, à cette époque, avait annoncé à la Chambre qu'il accorderait des autorisations de mariage pour les dernières classes ; et j'avais cru que le calcul de ces autorisations et des déchets qu'elles devaient entraîner figurait dans les prévisions du gouvernement. Or, si j'ai bien compris M. le ministre de la guerre, il vient d'affirmer le contraire ; il a même évalué à 5,000 les non-valeurs qui résulteraient des autorisations de mariage pour la neuvième et la dixième classe.

J'ai fait moi-même des calculs à cet égard ; je regrette de ne pas (page 819) les avoir ici. Il me semble qu'il doit y avoir une erreur dans les calculs de M. le ministre de la guerre, et je serais heureux qu'il voulût bien nous donner dans les Annales parlementaires une justification de ces calculs.

En effet, si j'ai bonne mémoire, la statistique constate que les hommes de 25 à 30 ans qui se marient forment un total d'environ 10,000. Or, il ne peut être question ici que de deux années, au lieu de cinq et il ne s'agit que des miliciens ; le chiffre de 5,000 me paraît donc tout à fait impossible.

Du reste, je n'affirme rien ; je le répète, je n'ai pas ici les calculs auxquels je me suis livré ; mais, si je ne me trompe, je suis arrivé à un résultat totalement différent de celui que nous a indiqué M. le ministre de la guerre.

Je rappelle d'ailleurs que le gouvernement, en 1853, a déclaré qu'il admettait le mariage pour les dernières classes de milice.

Sont-ce là les seuls documents que l'on puisse consulter ? Faut-il remonter à 1853 pour trouver des évaluations officielles, relatives à l'effectif des contingents ? Non, messieurs, on nous a distribué en 1864 un exposé de la situation du royaume, où l'armée occupe une large place ; on y trouve notamment le tableau de la décomposition des contingents classe par classe au 1er décembre 1860. Je pense que cette fois j'ai bien le droit d'affirmer que les mariages de la 9ème et de la 10ème classe ont été pris en considération dans ce tableau. Or, qu'y lisons-nous ?

C'est qu'au 31 décembre 1860 l'effectif des dix classes représentait 86,639 hommes. Et cependant M. le ministre de la guerre a mis tout à l'heure sous vos yeux un tableau où l'effectif des contingents n'est plus évalué qu'à 80,300 hommes. (Interruption.)

Dans le tableau de 1860, les déchets étaient évidemment déduits ; ils sont également déduits dans le tableau que vient de résumer M. le ministre de la guerre.

Il y a donc entre ce dernier chiffre et celui de 1860 une différence considérable.

Messieurs, il importe de rechercher cette différence.

Ici, je voudrais poser quelques axiomes tellement simples, tellement vrais, que j'éprouve presque de l'embarras à les présenter.

Quels sont les contingents qui subissent le moins de pertes et de déchets ? Ce sont ceux qui sont les mieux composés.

Lorsque les pertes et les déchets augmentent, c'est que l'armée perd de sa valeur.

Le moyen de faire disparaître ces pertes et ces déchets, c'est de l'améliorer.

M. le ministre de la guerre acceptera probablement ces axiomes. Eh bien, en recherchant la cause des non-valeurs, on arrive, ce me semble, au moyen de les faire disparaître.

Lorsque en 1853, des hommes éminents, des officiers distingués se livraient à ces calculs sur l'effectif de l'armée, manquaient-ils de lumières ? Se trompaient-ils ? Evidemment non ; mais ils avaient devant eux des bases de calcul qui se sont essentiellement modifiées. Je veux parler de ce qui s'est produit pour le remplacement.

Les tableaux statistiques de 1840 à 1850 constatent que, dans cette période décennale, les remplaçants et les substituants n'avaient formé que le dixième de l'armée. Or, depuis 1850 jusqu'aujourd'hui les choses se sont modifiées à ce point que le nombre des remplaçants et des substituants est plus que triplé ; qu'il est à peu près quadruplé.

C'est parce qu'on a vu s'introduire dans l'armée un élément sorti de la débauche et de l'oisiveté que nous serions réduits aujourd’hui, il faut bien le dire, à demander aux populations une part de leurs éléments honnêtes et laborieux, part qui ne servirait qu'à remplacer les déchets dont je parlais tout à l'heure.

Cela est tellement vrai qu'au sein de la commission mixte de 1867, dans la séance du 6 avril, l'honorable général Guillaume déclarait que si l'on maintenait le remplacement et la substitution tels qu'ils existent aujourd'hui, il faudrait accroître considérablement le contingent, non seulement à cause de la faculté de remplacer ou de substituer qui est accordée aux miliciens des anciennes classes, mais encore, et surtout, à cause de la désertion, du renvoi et de la condamnation des remplaçants et des substituants.

Il y a déjà quelques années, lorsque je fus appelé à faire partie de la section centrale du projet de loi sur la milice, j'eus l'honneur de demander des éclaircissements sur ces questions à l'honorable général Chazal, qui eut la complaisance de m'ouvrir les archives du département de la guerre. Eh bien, que résulte-t-il de ces renseignements ? C'est qu'à cette époque, c'est-à-dire en 1861, alors qu'il n'y avait dans l'armée que 30 et demi p. c. de remplaçants et de substituants, après le délai d'un peu plus d'une année, 325 remplaçants sur 1,668 ne figuraient plus dans les cadres de l'armée ; que 117 substituants sur 1,401 avaient également disparu, dans le même laps de temps, des cadres de l'armée.

Et aujourd'hui qu'est-il arrivé ? C'est que cette proportion favorable aux substituants a complètement cessé ; les remplaçants ne se sont pas améliorés, et les substituants sont devenus plus mauvais que les remplaçants.

Nous avons tous pu lire dans les procès-verbaux de la commission mixte, de 1867, qu'en 1864 et en 1865, le nombre des désertions de substituants avait atteint le double du chiffre de 1862 et de 1863.

On trouve dans les mêmes procès-verbaux que sur 101 hommes chassés de l'armée il y a 35 remplaçants ou substituants ; que sur 100 déserteurs, il y a 63 remplaçants ou substituants ; que sur 100 individus frappés de déchéance, il y a 63 remplaçants ou substituants ; que sur 100 hommes envoyés aux compagnies de discipline, il y a 71 remplaçants ou substituants.

Eh bien, lorsqu'on prend ces chiffres en sérieuse considération, lorsqu'on se rappelle que, d'après les mêmes procès-verbaux, les remplaçants et les substituants ne formant que le tiers de l'armée, les condamnations qu'ils subissent sont, eu égard à celles des miliciens, pour les remplaçants, dans la proportion de 5 l/2 à 1, et pour les substituants dans la proportion de 7 à 1, nous pouvons certes en conclure que la cause des déchets nous est parfaitement connue et suffisamment démontrée ; et lorsque vous arriverez à avoir, dans une armée de 100,000 hommes, 40,000 à 50,000 remplaçants et substituants, les déchets iront toujours en augmentant.

Et ne croyez pas, messieurs, que ce soit là une vaine préoccupation. Dans ces mêmes procès-verbaux de la commission mixte, il est dit qu'on peut prévoir qu'avant dix ans l'élément remplaçant-substituant formera la majorité dans le contingent de l'armée.

MfFOµ. - Tant mieux ; ce sera l'armée de volontaires anglais.

M. Kervyn de Lettenhove. - C'est abaisser le rôle du volontaire que de l'assimiler au niveau de celui du remplaçant et du substituant ; le premier n'ayant pour guide que le sentiment de l'honneur ; les autres faisant un marché, vendant leurs services au lieu de les offrir au pays,

M. Mullerµ. - Vous n'avez pas cité le nombre de renvois de volontaires.

M. Kervyn de Lettenhove. - Les volontaires, en Belgique, appartiennent à deux éléments différents : l'un mauvais, qu'il faut proscrire et l'autre très bon, qu'il faut encourager.

MfFOµ. - Alors, il ne faut avoir que des miliciens. Voilà le système.

M. le président. - N'interrompez pas. M. Kervyn, n'écoutez pas les interruptions et continuez votre discours.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je ne m'oppose pas à ce qu'on m'interrompe.

Je n'ai jamais soutenu qu'il fallait former une armée exclusivement de volontaires. Mais je crois que l'on peut trouver d'excellents volontaires formant l'élément permanent de l'armée, dans lequel viendrait s'encadrer les jeunes miliciens que je ne veux pas supprimer, mais auxquels je veux donner des moniteurs.

Eh bien, messieurs, dans l'hypothèse où je me place, celle de l'augmentation périodique du nombre des remplaçants et des substituants, ne remarquez-vous pas que l'on est entraîné à cette conséquence effrayante que vous serez constamment réduits à voter de nouvelles augmentations de contingent ? Toutes les fois que de nouveaux remplaçants et de nouveaux substituants viendront prendre place dans l'armée, vous aurez d'autres déchets à constater et vous arriverez à cette conséquence inévitable que vous imposerez au travail honnête de nouvelles charges et que si, à force de sacrifices, le travail honnête parvient à fournir des remplaçants, ce sera une nouvelle cause de dégradation pour l'armée.

Mais je veux me placer dans un autre ordre de faits. La section centrale de milice a déjà consacré de nombreux et louables efforts à l'amélioration du remplacement. Il faut espérer, j'ai cependant peu d'illusions à cet égard, que ses efforts produiront des résultats et que les remplaçants et les substituants qui à l'avenir seront envoyés à l'armée, vaudront mieux que ceux que nous avons vus jusqu'ici. Si cet espoir doit se réaliser, n'est-il pas évident que les déchets disparaîtront ? Et ici je me crois en droit de poser ce dilemme : ou bien la nouvelle loi de milice fera disparaître ce mauvais élément, et les déchets s'effaceront et (page 820) l’augmentation du contingent deviendra inutile ; ou bien la nouvelle loi de milice ne produira aucun effet et l'appel de 2,000 miliciens de plus que l'on vous demande ne sera qu'un acte purement provisoire et il faudra sans cesse de nouvelles augmentations de contingent.

MfFOµ. - On le diminuera, si l'on a moins de déchets.

M. Kervyn de Lettenhove. - On le diminuera, dit M. le ministre des finances, mais de quoi s'agit-il aujourd'hui ? Il s'agit du contingent de 1869, et j'espère bien que dans cette session, ou tout au moins, lorsque la Chambre reprendra ses travaux à la fin de cette année, nous aurons à examiner la loi de milice, que nous parviendrons à réaliser ces réformes, ces améliorations qui sont dans le vœu de tous. Or, si ces réformes sont obtenues, si l'on reconnaît que les déchets disparaissent, quel aura été le résultat de la loi que nous discutons aujourd'hui ? Nous aurons voté, au mois de mars 1868, un chiffre de 12,000 hommes, et dans quelques mois on reconnaîtra qu'un chiffre de 10,000 hommes pouvait suffire.

Et ce serait là l'étroite nécessiteront parlait l'honorable rapporteur de la section centrale ?

II est, messieurs, une autre considération que je ne puis complètement passer sous silence. Dans la section à laquelle j'avais l'honneur d'appartenir, un membre de cette Chambre, qui jouit, à plus d'un titre, d'une haute et légitime autorité, a fait remarquer qu'il y avait une utile réforme à introduire dans notre législation pénale militaire, qu'un grand nombre d'individus, pour sortir de l'armée, se faisaient condamner et encombraient nos prisons cellulaires.

M. Coomans. - C'est vrai !

M. Kervyn de Lettenhove. - C'est un fait que déjà j'ai eu moi-même l'honneur d'indiquer à la Chambre, lorsque, appréciant la situation de la maison cellulaire de Louvain, je faisais remarquer que le plus grand nombre de cellules étaient occupées par des militaires.

M. le ministre de la justice vous a fait connaître qu'il s'occupait de réformes à cet égard, que la Chambre serait saisie d'un projet de loi qui les consacrerait. En effet, messieurs, il est bien évident pour tous que c'est dans les compagnies de discipline et non dans les cellules qu'il faut envoyer les coupables qui appartiennent à l'armée, et que ce n'est pas en les chassant de l'armée qu'il faut les punir, qu'il faut au contraire leur imposer, dans ces compagnies de discipliné, un service prolongé, que c'est là le moyen de porter un remède au mal.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le projet est prêt.

M. Kervyn de Lettenhove. - J'en remercie M. le ministre de la justice.

Mais quelle sera la conséquence de ce projet et de cette réforme ? C'est que ces non-valeurs qui résultent des efforts des individus pour se dispenser du service militaire par des condamnations, viendront aussi à disparaître.

J'arrive donc, messieurs, à ce résultat, que l'élément du remplacement, de la substitution est amélioré, et si la réforme pénale, que nous annonce M. le ministre de la justice, est votée par la Chambre, les déchets n'existeront plus ou seront tout au moins considérablement réduits.

Ici, messieurs, j'ai à prévoir et à combattre d'autres objections. Je suppose que mes honorables contradicteurs veulent bien reconnaître que les dix classes de l'armée représenteront 86,000, 84,000, 82,000 80,000 hommes ; c'est ce dernier chiffre que l'honorable M. de Brouckère a adopté, je pense, au sein de la commission mixte.

Mais on soutiendra sans doute qu'en admettant même ce chiffre comme sérieux et comme acquis au débat, et en plaçant à côté ce chiffre de 3,000 à 4,000 hommes qui représente le cadre des officiers et des états-majors, il n'en restera pas moins une lacune importante, puisque l’élément volontaire qui, dans les prévisions de 1853, devait représenter environ 16,00 hommes, est inévitablement et fatalement réduit d'année en année, qu'il y a là une lacune qu'il est impossible de ne pas combler.

M. le ministre des finances a exprimé à diverses reprises l'opinion que c'était la prospérité publique qui devait expliquer la diminution du nombre des volontaires ; je ne puis partager son opinion à cet égard. Je crois qu'aujourd'hui autant qu'à toute autre époque, plus peut-être qu'à toute autre époque, le nombre des individus cherchant à entrer dans les carrières publiques est très considérable. M. le ministre des finances ne contestera pas sans doute que lorsqu'il y a une place à donner, il y a infiniment plus de solliciteurs que de fonctionnaires à créer.

Si la profession militaire devenait une véritable carrière, si non seulement dans l'usage et par les faits, mais aussi par une prescription légale, on arrivait à rémunérer les services militaires en attachant à ces services loyalement et honorablement accomplis ht certitude d'entrer dan une de ces nombreuses administrations qui dépendent du départe tient des finances ou du département des travaux publics, je crois qu'on verrait un grand nombre d'individus embrasser la profession des armes.

M. le ministre des finances a également ajouté, si je ne me trompe, qu'il fallait se réjouir de ce que le nombre des volontaires se restreignait, que cela prouvait que les mœurs du pays prenaient une autre direction.

MfFOµ. - Je n'ai pas parlé de cela.

M. Kervyn de Lettenhove. - C'est, je pense, M. le ministre de la justice qui l'a dit.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Non, c'est un autre membre en section.

M. Kervyn de Lettenhove. - Enfin cette objection a été faite.

On a considéré comme un hommage aux mœurs actuelles, aux tendances actives du pays cet éloignement d'un grand nombre d'individus du service militaire.

Messieurs, je comprendrais cela parfaitement au point de vue du pays, mais comme nous ne pouvons pas, dans cette discussion, séparer l'intérêt de l'armée de l'intérêt du pays, M. le ministre de la guerre n'hésitera pas à déclarer qu'aucune bonne organisation militaire n'est possible, si elle ne comprend que des soldats servant malgré eux, si elle ne compte pas aussi des hommes qui de leur propre vouloir entrent dans la carrière militaire, guidés par la ferme intention de remplir avec zèle les devoirs qu'elle impose.

Ainsi, M. le ministre de la guerre qui insiste avec tant d'autorité sur le caractère des armées modernes, qui est la mobilisation, voudra bien reconnaître que le premier élément de la mobilisation, ce sont les sous-officiers ; or, on n'en trouvera jamais d'une manière convenable et en nombre suffisant tant qu'il n'y aura pas dans l'armée un élément acceptant d'une manière stable et permanente le service militaire, et lorsque l'honorable M. Bouvier parlait tout à l'heure du développement de certaines armes, je me demandais si au moment où l'on augmente de moitié l'artillerie, et où l'on porte les régiments d'artillerie de 4 à 6, on trouvera à en constituer les cadres, si cet élément des sous-officiers qui forme la pépinière des armées, (erratum, page 830) vous le trouverez pour l'artillerie.

Je persiste à le croire ; tant qu'il n'y aura pas un service honorablement accepté et rempli avec le sentiment du devoir, cet élément précieux et indispensable vous fera défaut.

Maintenant qu'est-ce qui éloigne donc les volontaires ? Je n'hésite pas à le dire, messieurs, toutes les fois que vous verrez s'accroître le nombre des remplaçants et des substituants, vous verrez décliner le nombre des volontaires. Cette opinion, je l'ai entendu exprimer (erratum, page 830) par des généraux distingués de notre armée. Ils disaient : Comment voulez-vous qu'on entre spontanément dans l'armée lorsque chaque jour on voit s'y développer un élément que la commission mixte a si énergiquement stigmatisé ?

Ce n'est pas seulement par la rémunération, c'est aussi, c'est surtout en excluant de l'armée tout ce que l'honneur militaire repousse, que vous augmenterez le nombre de volontaires.

En se plaçant à ce double point de vue, la crainte de voir disparaître les volontaires des rangs de notre armée est-elle fondée ? J'en appelle à M. le ministre de la guerre lui-même.

Dans la commission mixte, M. le ministre de la guerre, à plusieurs reprises, s'est occupé de cette question et il a exprimé son opinion en termes si catégoriques, que je crois ne pouvoir mieux faire que de les reproduire. Voici ce que disait M. le général Renard :

« Il est vrai que le nombre des volontaires a beaucoup diminué depuis un certain nombre d'années ; mais cela tient à ce que le soldat ne jouit plus des mêmes avantages que par le passé. Si l'on pouvait augmenter la solde des volontaires, au moyen des fonds de la caisse d'exonération, il s'en présenterait en assez grande quantité. »

Et, dans une autre séance, M. le général Renard ajoutait :

« On craint de ne pas trouver en Belgique assez de volontaires pour remplacer les exonérés. Cette crainte est chimérique. »

Et immédiatement après M. le général Renard, se livrant à des calculs et prenant pour point de comparaison ce qui avait lieu eu France, cherchait à démontrer qu'il se présenterait un nombre suffisant de volontaires pour remplacer les exonérés.

En effet, messieurs, il n'était pas nécessaire d'aller jusque-là, car si vous preniez pour base de vos calculs ce gui a eu lieu en France, vous arriveriez à ce résultat qu'en supposant le service des volontaires contracté pour six ans, vous en trouveriez 32,000 ou 33,000 pour prendre place dans votre armée.

Je n'aime pas, messieurs, à chercher de trop nombreux exemples en dehors de nos frontières ; je crois que chaque peuple a ses mœurs dont il faut tenir compte ; mais lorsque j'entends reprocher aux opinions que j'émets, qu'il n'y a là que des théories, je crois qu'il m'est bien permis de dire un mot de ce qui se passe dans les pays étrangers.

Tout à l'heure M. le ministre de la guerre parlait des Pays-Bas ; il disait que là un plus grand nombre d'hommes était appelé au service militaire ; mais je ne sais si M. le ministre de la guerre a tenu compte de ce fait que dans le royaume des Pays-Bas le service des miliciens est très peu de chose, qu'il y a un tirage au sort parmi ceux qui doivent marcher et que la bonne chance de ce tirage au sort consiste à n'avoir à faire qu'un service de 3 mois. Quels sont donc les hommes qui font le service permanent dans un pays où le commerce est très développé ?

II est intéressant de le remarquer, dans le royaume des Pays-Bas, il y avait en 1863, non pas comme en Belgique 8,000, mais 12,857 volontaires. Et en même temps, pour former l'armée des Indes il y avait encore 28,928 autres volontaires. De sorte qu'en 1865, dans le royaume des Pays-Bas, dont la population est bien inférieure à la nôtre et qui est aussi un pays de grande activité, il y avait une force en volontaires de 41,785 hommes.

J'ai cité, messieurs, l'Angleterre, pourquoi ? Parce que l'Angleterre des temps modernes a renoncé à l'esprit de conquête, parce qu'elle est organisée avant tout en vue de la défense de son territoire ; et quand je compare l'armée anglaise à l'armée française je constate cette différence radicale que la France, avec son organisation militaire ferme et sévère, semble faite pour porter la guerre aux limites du monde, dût-elle en rapporter les revers, tandis qu'en Angleterre la plus large place est faite à l'élément patriotique, et on s'y fait honneur de croire que la défense du sol national y sera d'autant plus énergique qu'une part plus grande y sera faite à l'initiative de chaque citoyen.

Eh bien, en Angleterre ou en est arrivé à former une armée régulière de 184,000 hommes, sans qu’un seul Anglais porte les armes malgré lui.

Il n'est pas exact de dire, comme l'a affirmé M. le ministre des finances, qu'en Angleterre on a la conscription pour la milice. Cette législation a existé, mais il y a en Angleterre une loi qu'on appelle le Ballot suspension act et qui défend de faire marcher un seul homme contre son plein gré.

MfFOµ. - Voulez-vous me permettre une observation ?

M. Kervyn de Lettenhove. - Volontiers.

MfFOµ. - Contrairement à ce que vous pensez et à ce que vous avez dit plusieurs fois, le tirage au sort pour la milice en Angleterre était le système ancien dont le principe a été maintenu. Une loi périodiquement renouvelée suspend le tirage au sort, pourvu qu'il se trouve des volontaires, cela revient à dire que s'il n'y a pas assez de volontaires, on tirera au sort pour la milice.

Il y a trois choses en Angleterre : l'armée permanente, la milice et en outre les volontaires.

M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai ici un ouvrage publié par le secrétaire d'Etat chargé du département de la guerre pour l'année 1867-1868.

A la page 122 se trouve un chapitre qui porte pour titre : « De la milice ». C'cst bien de la milice que M. le ministre des finances vient de parler. Eh bien, je lis dans ce chapitre :

« C'est l'usage, depuis un grand nombre d'années, de faire voter chaque année par le parlement le ballot suspension act. »

C'est précisément cet acte du parlement qui défend de faire usage de la conscription. (Interruption.)

Voici. messieurs, ce que je lis également dans ca document officiel, et je pense que la précision des termes mettra fin aux doutes de M le ministre des finances :

« Il faut remarquer que l'armée régulière de la Grande-Bretagne diffère essentiellement par sa constitution des armées de tous les autres Etats de l'Europe. Aucun sujet de la couronne britannique n'est tenu de servir, si ce n'est de sa libre volonté, tandis que la conscription existe sous quelque forme comme institution dans toute l'Europe. »

MfFOµ. - Eh bien, on suspend.

M. Coomans. - Suspendez chez nous aussi.

M. le président. - Je vous prie, messieurs, de ne pas interrompre.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je crains, messieurs, de m'occuper trop longtemps des pays étrangers, mais la Chambre voudra bien reconnaître que les demandes d'explications de M. le ministre des finances m'ont retenu un peu malgré moi eu Angleterre.

Il est un autre pays cependant dont je voudrais parler, et pour deux motifs, c'est la Suède.

La Suède, quoique éloignée de nous, est un pays qui ne nous est pas étranger. C'est de ce pays que Montesquieu appelle le berceau de toutes libertés qui existent en Europe, que sont parties les émigrations qui sur deux rives de l'Océan ont fondé en Angleterre la commune saxonne et chez nous la commune flamande.

Le Suède et la Belgique ont ce caractère commun qu'elles ont traversé le moyen âge sans connaître en quelque sorte la féodalité en jouissant à peu près sans interruption du régime communal.

Un autre motif me porte à parler de la Suède : c'est que l'honorable ministre de la guerre y a rempli, dans des circonstances solennelles, une mission qui lui a permis d'étudier avec soin l'organisation militaire de ce pays et, lorsque, dans mon premier discours, parlant de ce qui se passe en Suède, j'insistais sur le caractère essentiellement remarquable de cette organisation, M. le ministre m'a interrompu (j'ai noté ses paroles), en disant que si nous avions un corps permanent, comme celui qui existe en Suède, le service obligatoire pourrait être réduit à quelques mois.

J'ai eu l'honneur de citer à la Chambre quelques passages d'une brochure publiée par le roi de Suède lui-même. Je n'y reviendrai pas. Seulement, au moment où M. le ministre de la guerre insiste sur le développement de la force du contingent, ce qui, selon moi, est une erreur, parce que, dans un temps de progrès, il faut, avant tout, songer à améliorer la valeur des individus et non à augmenter leur masse, je tiens à faire remarquer que cette brochure, parfaitement connue de M le ministre de la guerre, part de ce principe qu'il faut chercher à la fois l'organisation la meilleure et la plus économique possible et arrive à cette conclusion que de nos jours, ce n'est plus la masse d'une armée mais bien sa puissance d'action qui sert d'échelle pour la mesure de sa capacité.

Il y a quelques jours à peine, la diète chargée également de s'occuper des questions militaires s'est réunie en Suède, et voici en quels termes le roi Charles XV a ouvert la session.

« En parlant du principe exprimé par vous-mêmes qu'il est du devoir de chaque citoyen de prendre part à la défense du sol natal, j'ai adopté, dans le but d'alléger les sacrifices qui en temps de paix résultent de ce devoir général, la conservation de cadres permanents et bien exercés, pour former le noyau de noire armée. A la suite de mûres délibérations j'ai trouvé que des cadres, à tous égards satisfaisants, pouvaient, avec la réponse la moins sensible, être le plus convenablement formés sur la base des anciennes institutions nationales particulières à notre pays et adoptées dans nos coutumes.

Je crois, messieurs, que par ses institutions communales, la Suède a avec notre pays plus d'un point de rapprochement ; et je ne saurais dire avec quelle admiration je vois en Suède l'organisation militaire intimement liée au sol qu'elle doit défendre. C'est là un système qui développe les sentiments de patriotisme et (erratum, page 830) de liberté. En même temps qu'il entretient la moralité de l'armée, parce qu'il autorise le mariage du soldat, comme cela avait déjà lieu du temps de Gustave-Adolphe, sans que cela en ait jamais diminué la valeur.

D'autre part, ce système permet à chaque homme de continuer, tout en restant attaché à la profession militaire, à enrichir sa famille et aussi son pays.

Les conséquences de cette organisation sont que la Suède, qui n'a que 4 millions d'habitants, c'est-à-dire un million de moins que la Belgique, est arrivée à ce résultat que les corps permanents de volontaires y sont aux recrues dans la proportion de 10 hommes à 45, qu'il y a une armée qui s'élève à 140,000 hommes et que le budget de la guerre n'est que de 13 millions.

MgRµ. - Chaque soldat a sa ferme.

(page 822) M. Kervyn de Lettenhove. - Vous voulez dire qu'il y a des dotations. Eh bien, d'après des renseignements qui me viennent d'une excellente source, les dotations de l'armée ne sont évaluées qu'à un revenu de 4 à 5 millions, de sorte qu'en ajoutant cette somme aux 15 millions figurant au budget de 1868, je n'atteins pas un chiffre de 20 millions.

Mais, quelle que soit (erratum, page 830) la réponse, il ne faut pas perdre de vue que chaque homme en continuant de prendre part au travail national, accroît de jour en jour la prospérité publique.

- Plusieurs membres. - A demain !

M. Kervyn de Lettenhove. - J'en ai encore pour une demi-heure.

- Voix nombreuses. - A demain !

- La séance est levée à 4 3/4 heures.