(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 763) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Reynaert, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Les sieurs Liverani et D rouet appellent l'attention de la Chambre sur la difficulté de concilier les article 4 et 5 de l'arrêté royal du 13 octobre 1841, instituant un concours sur les matières d'enseignement supérieur. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Hompré demandent que la compagnie du Luxembourg soit contrainte d'exécuter, sans délai, l'embranchement du chemin de fer qui doit relier la ligne de Bruxelles à Arlon. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Vosselaere prient la Chambre de maintenir provisoirement le tirage au sort pour la milice, de réduire le contingent et la durée du service, d'augmenter le nombre des volontaires en leur assurant une large rémunération, de rejeter tout projet ayant pour but des dépenses militaires. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires et renvoi à la section centrale pour les projets de lois relatifs au contingent et à la durée du service.
« Des habitants de Grammont prient la Chambre de rejeter toute aggravation des charges militaires et de réviser les lois sur la milice. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires et renvoi à la section centrale du projet de loi sur la milice.
« Le sieur Charles-Joseph Dassesse, greffier de la cour des comptes, demande la place de conseiller vacante à cette cour. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« M. le gouverneur de la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale transmet 125 exemplaires du compte rendu des opérations de cette société pendant l'année 1867. »
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
M. le président. - Messieurs, deux de nos collègues ont déposé sur le bureau une proposition de loi. Les sections seront invitées à se réunir demain pour examiner si elles en autorisent la lecture.
M. le président. - Conformément à ce qui a été décidé hier, l'article 6 est tenu en suspens ; nous passons donc à l'article 7 ainsi conçu :
« Art. 7. A l'avenir, les officiers du corps d'état-major ne seront plus recrutés directement à l'école militaire ; ils seront tirés des différentes armes et pris dans une catégorie d'officiers ayant suivi avec fruit tous les cours d'une école spéciale.
« Le gouvernement fixera l'espèce et la durée de ces cours, le nombre d'officiers qui le fréquenteront, la nature des épreuves à subir pour être admis à les suivre et les examens destinés à établir qu'ils ont été fréquentés avec fruit.
« Le gouvernement détermine a également un délai dans lequel les lieutenants et sous-lieutenants actuels du corps d'état-major devront avoir subi l'examen exigé aujourd'hui pour l'admission au grade de capitaine ; ceux qui auront satisfait à cet examen dans le délai indiqué conserveront, pour arriver au grade de capitaine d'état-major, un droit de préférence sur les officiers sortis de l'école spéciale par laquelle se fera à l'avenir le recrutement du corps. »
MgRµ. - Je crois devoir proposer une légère modification à cet article. Je demande qu'après les mots « un droit de préférence » qui se trouvent vers la fin du troisième paragraphe, on intercale ceux-ci : « jusqu'aux deux tiers des vacances survenues dans leur arme conformément aux prescriptions de l'article premier de la loi du 8 juin 1853. »
Voici cet article premier de la loi du 8 juin 1853 :
« Le corps d'état-major se recrute à l'école militaire et dans l'armée. Les deux tiers des emplois vacants de capitaine de 2ème classe sont assurés aux lieutenants du corps ; le tiers restant est réservé aux capitaines de 2ème classe et aux lieutenants de toutes armes qui ont satisfait à un examen dont le programme est déterminé par arrêté royal. Les lieutenants de cette catégorie doivent avoir au moins quatre années de grade, pour être admis à subir l'examen. Toutefois, à défaut de concurrents parmi les capitaines de 2ème classe et les lieutenants des autres armes, les emplois vacants de capitaine peuvent être accordés en totalité aux lieutenants du corps d'état-major.
« Les capitaines et les lieutenants de l'armée, admis dans le corps d'état-major, y prennent rang à la suite des capitaines de 2ème classe dans l'ordre de leur ancienneté de grade. »
D'ici à l'époque où les lieutenants et sous-lieutenants d'état-major arriveront au grade de capitaine, il est plus que probable que l'école de guerre aura déjà fonctionné. Je désirerais donc leur réserver les droits que leur accorde la loi du 8 juin 1853. Tel est le but de mon amendement.
- Personne ne demandant la parole, l'article 7 est mis aux voix et adopté avec la modification proposée par M. le ministre de la guerre.
« Art 8. Nonobstant les dispositions de l'article 2, le corps d'état-major gardera provisoirement la composition qui lui est assignée par la loi du 8 juin 1853 ; mais, conformément à l'article précédent, il n'y sera plus admis de nouveaux sous-lieutenants.
« Lorsque le nombre des officiers composant le-corps sera réduit à quarante-six, par décès, démissions, retraites ou autres causes, le gouvernement mettra complètement en vigueur l'organisation indiquée à l'article 2.
« Néanmoins il pourra faire des nominations dans le sens de cette organisation au fur et à mesure des extinctions et sans sortir des limites budgétaires. »
M. Carlier. - Messieurs, la Chambre, en votant hier sur le troisième paragraphe de l'article 2, a augmenté le nombre des officiers supérieurs de l'état-major et a porté le nombre des colonels de trois à 4, celui des lieutenants-colonels de 3 à 4 ; celui des majors de 6 à 8 et le nombre des capitaines de 24 à 30 : mais par l'article dont vous venez d'entendre la lecture, le gouvernement, d'accord avec la section centrale, demande que cette nouvelle organisation ne soit mise en vigueur que lorsque par suite de retraits, promotions, décès ou autres causes, le nombre des officiers qui composent le corps sera réduit de 52, nombre actuel, à 46.
Cette mesure aura pour effet d'arrêter l'avancement des officiers qui composent actuellement le corps d'état-major, ou tout au moins d'empêcher que cet avancement ne soit égal à celui des officiers des autres (page 764) corps de l'armée ; elle me semble n'être nullement en harmonie ; elle est même en contradiction avec les mesures prises pour la composition même de ce corps et surtout avec les éloges fort justement décernés par la section centrale aux officiers qui composent notre état-major.
Ainsi que l'honorable rapporteur de la section centrale a en soin de le rappeler, tous les officiers supérieurs de notre armée et surtout les officiers les plus compétents ont décerné de justes éloges au mérite et au savoir des officiers qui composent notre état-major.
Eh bien, c'est à ces officiers qui presque tous ont fait partie des premières promotions de l'école militaire que l'on va faire un sort exceptionnellement désavantageux, on va enrayer leur carrière ; tandis que les autres mesures prises par l'article 2 accordent à la plupart des autres officiers de l'année un avancement beaucoup plus rapide.
Certes, si le gouvernement ou si la section centrale venait proposer d'arrêter complètement l'avancement de tous les officiers de l'armée, nous repousserions cette mesure, parce que nous la croirions désastreuse et de nature à démoraliser le corps des officiers. Eh bien, cette mesure si désastreuse et à laquelle aucun de nous ne songerait d'ailleurs, cette mesure nous l'appliquons a un corps d'élite.
Devons-nous prendre une semblable mesure et consacrer ainsi une flagrante injustice ? Alors que presque tous les autres officiers vont trouver dans la nouvelle organisation une cause de promotion plus rapide, le corps d'état-major seul serait placé en dehors de la mesure ? N'irions-nous pas démoraliser le corps, ou du moins lui enlever cet esprit d'initiative et de zèle qu'on lui reconnaît ?
La mesure proposée présente-t-elle un côté utile ? Est-elle dictée par les nouvelles mesures qui ont été votées par la Chambre sur les propositions de la section centrale ? Nous avons décidé que dorénavant le corps d'état-major se recruterait non plus sur les bancs de l'école militaire, mais bien dans toutes les armes et après des examens subis selon les règles de l'institution d'une école de guerre qu'il s'agira bientôt de former.
Mais, messieurs, ce recrutement évidemment ne doit pas amener maintenant parmi les officiers du corps d'état-major de nouveaux colonels, de nouveaux lieutenants-colonels, de nouveaux majors, de nouveaux capitaines. Evidemment les promotions qui se feront tout d'abord dans ce corps se feront au profit des lieutenants-colonels, des majors et des capitaines qui en font actuellement partie.
Il ne s'agit donc pas, dans les mesures que nous avons prises, du recrutement en ce qui concerne les officiers supérieurs du corps d'état-major, mais il s'agit du recrutement des officiers des batteries, et bien évidemment ma proposition n'amènera aucun résultat contraire à ce que la Chambre a décidé à ce sujet.
Elle a un but d'économie qui peut nous forcer à laisser les officiers du corps d'état-major dans une situation évidemment défavorable et plus défavorable que les officiers des autres corps de l'armée. Mais, à supposer que dès maintenant on agisse à l'égard du corps d'état-major comme on agira à l'égard des autres armes, à supposer qu'on fasse les promotions pour compléter ce corps, cela n'entraînera pour le budget qu'une majoration provisoire et peu considérable, une majoration qui n'entrainera pas une dépense annuelle de 10,000 fr.
Dans la séance d'avant-hier, la Chambre votant sur une motion de mon honorable ami M. Vleminckx tendante à faire disparaître des cadres de l'armée deux lieutenants généraux et quatre généraux-majors de la section de réserve, a établi qu'il fallait que l'organisation de notre armée fût telle que dès maintenant ou plutôt dès la mise en vigueur de la loi, l'armée fût sur un pied tel qu'on pût réclamer ses services à tout instant.
L'honorable rapporteur de la section centrale a dit que la raison principale pour laquelle il voulait obtenir dans les cadres de l'armée 2 lieutenants généraux et 4 généraux-majors pour la réserve, c'est qu'il fallait toujours que l'armée fût à même de rendre au pays les services que celui-ci est en droit d'en attendre. Eh bien, je ne puis faire cadrer ce principe que la Chambre a reconnu fondé et qu'elle a consacré par son vote, avec la proposition qui est faite en ce qui concerne le corps d'état-major.
Le corps d'état-major comme l’état-major général me semble devoir être mis sur un pied tel, que le pays puisse compter sur ses services. Eh bien, si ce corps n'est pas complété, s'il n'est pas mis en harmonie avec la force totale de notre armée, évidemment le système ne sera pas complet et les principes que M. le rapporteur de la section centrale a justement préconisés dans la séance d'avant-hier, ne seront pas appliqués au corps d'état-major comme aux autres corps composant notre armée.
Fondé sur ce raisonnement, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de supprimer l'article 8 du projet. Voici dans quels termes je formule ma proposition.
« Je propose à la Chambre de supprimer l'article 8 du projet de loi afin de permettre au gouvernement d'accorder aux officiers appartenant actuellement au corps d'état-major, un avancement égal à celui des officiers des autres corps de l'armée. »
Je termine, messieurs, par une observation portant sur une légère particularité de l'article 8 dont je demande la suppression.
Cet article 8 dit, à la fin du premier paragraphe, qu'il ne sera plus admis de nouveaux sous-lieutenants dans le corps d'état-major.
La Chambre a déjà voté cette mesure en se prononçant sur l'article 2.
En effet, lorsqu'elle compose le corps d'état-major de 4 colonels, de 4 lieutenants-colonels, de 8 majors et de 30 capitaines, elle montre bien qu'elle ne veut plus dorénavant donner dans ce corps de brevets de lieutenants ni de sous-lieutenants.
Comme il a été décidé par l'article 7, ces officiers seront à l'avenir tirés des régiments de l'armée ou de l'école de guerre.
Donc cette partie de l'article 8 dont je demande la suppression n'est plus nécessaire.
M. le président. - Voici le texte de la proposition de l'honorable M. Carlier :
« Je propose à la Chambre de supprimer l'article 8 du projet de loi afin de permettre au gouvernement d'accorder aux officiers appartenant actuellement au corps d'état-major, un avancement égal à celui des officiers des autres corps de l'armée. »
Je dois faire remarquer que cette proposition a pour but le rejet de l'article 8. Ceux qui sont de l'avis de l'honorable membre n'ont qu'à voter le rejet.
M. Carlier. - C'est en effet le rejet que je propose. Mais je n'ai pas demandé le rejet pur et simple parce que je voulais indiquer dans ma proposition que je laissais au gouvernement la faculté de faire dorénavant dans le corps d'état-major les mêmes promotions que dans le reste de l'armée.
M. Bouvierµ. - Je demande si le gouvernement se rallie à la proposition de l'honorable M. Carlier.
MgRµ. - Messieurs, la section centrale avait adopté l'article 8 moins le dernier paragraphe. C'est sur ma demande que la phrase suivante a été ajoutée :
« Néanmoins, il pourra faire des nominations, dans le sens de cette organisation, au fur et à mesure des extinctions et sans sortir des limites budgétaires. »
Il me semblait qu'on usait d'une grande rigueur en ne donnant au corps d'état-major l'avancement auquel il avait droit qu'au moment où il se trouvait réduit à 46 officiers, ce qui ne pouvait avoir lieu qu'après plusieurs années.
Mais si la Chambre désire suivre l'honorable M. Carlier dans la voie qu'il indique, je l'en remercierai pour le corps d'état-major.
C'est évidemment un grand avantage, et je ne le refuserais pas.
Néanmoins je déclare que si je devais exécuter cette mesure, je ne le ferais qu'en sauvegardant les intérêts de tous.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - L'honorable M. Carlier a reproché à l’article 8 voté par la section centrale d'être un obstacle à l'avancement des officiers du corps d'état-major.
Il y a dans ce reproche une certaine exagération. L'avancement des officiers d'état-major ne se trouvera pas immédiatement dans les conditions favorables où il est destiné à se trouver lorsque la réorganisation du corps sera complète. Il restera provisoirement ce qu'il est aujourd'hui ; en attendant les conditions plus favorables de l'avenir, les conditions actuelles sont sauvegardées ; ainsi il n'y a pas de préjudice si l'on compare la situation présente à celle qui se produira le lendemain de la promulgation de la loi.
Si la section centrale a cru devoir ménager la transition de l'organisation ancienne au système nouveau, c'est en partie parce qu'en voulant constituer immédiatement le corps d'état-major dans ses conditions nouvelles, on aurait amené pour un certain temps une augmentation des charges du budget. Cette augmentation n'aurait pas été de 10,000 fr. ; elle aurait été de 17,000 fr. environ.
La section centrale a reculé devant cette charge, d'autant plus que, d'après les renseignements fournis par M. le ministre de la guerre lui-même, en acceptant ces augmentations de charges provisoires, on ne (page 765) pourrait pas encore, du jour au lendemain, placer le corps d'état-major dans les conditions où il doit arriver insensiblement.
L'honorable M. Carlier a fait aussi un reproche à un article déjà voté par la Chambre, l'article 7. Il a trouvé inutile la disposition de cet article qui porte qu'il ne sera plus admis de nouveaux sous-lieutenants dans le corps d'état-major. (Interruption de M. Carlier.) Vous avez trouvé que c'était une superfétation en présence d'une disposition antérieure qui ne suppose plus, dans la composition du corps ni lieutenants, ni sous lieutenants.
M. Carlierµ. - J'ai dît simplement qu'il était inutile de répéter dans l'article 8 que l'on n'admettrait plus de lieutenants ni de sous-lieutenants dans l'état major, puisque cela résultait de l'article 2.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Je ferai remarquer à l'honorable membre que si la disposition de l'article 7 n'existait pas et s'il fallait s'en tenir au paragraphe 2 de l'article nous ne pourrions plus demain solder les lieutenants et les sous-lieutenants qui existent aujourd'hui. La disposition de l'article 7 a pour but de ménager les intérêts de Ces officiers dans la position transitoire qui leur est faite ; elle à donc son utilité.
- L'article 8 est adopté.
M. Thonissenµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale, chargée de l'examen d'un crédit de 376,192 fr. pour régler avec certaines provinces le compte des intérêts de l'encaisse de 1830.
- Impression et distribution.
- M. Moreauµ remplace M. Dolez au fauteuil de la présidence.
M. le président. - La Chambre a déjà voté une partie des paragraphes de l'article premier.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - La discussion de ce projet de loi a été commencée, vous vous en souvenez, messieurs, dans un moment où elle n'était pas à l'ordre du jour et où personne ne s'y attendait ; il en est résulté que le projet de loi n'a pas fait l'objet d'une discussion générale. Cependant il soulève des questions très graves et très importantes, que je voudrais être autorisé à soumettre à la Chambre. Je demande donc à M. le président comment je pourrai aujourd'hui formuler ces questions et les discuter.
- Plusieurs membres. - Parlez !
M. le président. - La Chambre consent-elle à rouvrir la discussion générale ?
- De toutes parts. - Oui ! oui !
MpMoeauµ. - La discussion générale est donc rouverte ; la parole est à M Le Hardy de Beaulieu.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, vous allez comprendre tout de suite toute l'importance des questions que soulève ce projet de loi.
Et d'abord il implique une question de responsabilité ministérielle. Qui est responsable des actes que nous allons ratifier ? Ces actes pour lesquels on nous demande un bill d'indemnité ont été accomplis par un ministère dont plusieurs membres ne font plus partie aujourd'hui ; je demande donc quels sont, les hommes qui sont responsables de ces actes. Ne sont ce que ceux des ministres actuels qui faisaient partie du cabinet précèdent ?
MfFOµ. - Tous !
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Ce serait donc une responsabilité collective. Mais en l'absence d'une loi sur la responsabilité ministérielle et la Constitution n'ayant pas déterminé quels sont les actes entraînant la responsabilité collective et ceux qui entraînent la responsabilité personnelle ; il importe, je pense, d'y regarder de près avant de poser un précédent qui pourra être invoqué contre les prérogatives de cette Chambre dans l'avenir Cela est d'autant plus important que c'est la première fois, je pense, que se présente une situation comme celle-ci.
C'est la première fois que des ministres viennent demander un bill d'indemnité pour des dépenses faites par des collègues qui ne sont plus au pouvoir ; c'est à un précédent très grave et qui mérite d'être examiné de près, car vous savez combien des précédents en pareille matière peuvent devenir sérieux et combien il est dangereux d'engager la responsabilité des législatures futures par de pareils précédents.
Cette première question posée, et j'espère que le gouvernement nous donnera là-dessus des explications satisfaisantes, il en reste une seconde à examiner.
La constitution dispose par son article 115 que toutes les dépenses de l'Etat doivent être portées au budget et dans l'article 116 qui établit la cour des comptes, il est dit que cette cour « veille à ce qu'aucun article de dépense ne soit dépassé et à ce qu’aucun transfert n'ait lieu. »
Or, il est évident qu'il n'existait, aux budgets de 1866 et de 1867, aucun crédit pour solder les dépenses pour lesquelles on nous demande aujourd'hui un bill d'indemnité.
On me répondra probablement que l'article 14 de la loi organique de la cour des comptes permet au conseil des ministres de contraindre cette cour à viser sous réserve quand elle ne croit pas devoir accorder son visa à une dépense. Mais, messieurs, il est évident qu'une loi ne peut pas être contraire à la Constitution.
L'article 130 stipule en effet que celle-ci ne peut être ni modifiée, ni suspendue en tout ou en partie. D'où il résulte, d'après moi, qu'il ne peut pas dépendre d'un conseil des ministres de prendre une mesure contraire à la Constitution, sans cela celle-ci n'existerait bientôt plus que de nom.
Messieurs, si je fais ces observations, ce n'est pas que j'aie le moins du monde l'intention d'en pousser les conséquences jusqu'au bout. Je suis même tout disposé à voter les crédits nécessaires pour régulariser les dépenses qui ont été faites. Mais je me préoccupe du précédent qu'on nous convie à poser et je crains qu'on ne l'invoque plus tard, alors qu'il pourrait s'agir de sommes beaucoup plus considérables et de circonstances plus périlleuses.
La Chambre ne peut ni se dispenser ni dispenser les ministres d'exécuter la Constitution ; selon moi, elle n'a pas le pouvoir d'accorder un bill d'indemnité sur des faits qui constituent une violation de la Constitution.
MfFOµ. - La Constitution n'est pas ici en cause.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Permettez ; elle stipule que tous les voies et moyens et toutes les dépenses doivent figurer au budget général de l'Etat et que la cour de comptes ne peut être tenue de viser que les dépenses portées au budget.
MfFOµ. - Elles vont y être portées ; c'est pour cela que le projet de loi est présenté.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Oui, mais après que les dépenses ont été faites.
MfFOµ. - Sans doute, mais c'est une simple question de comptabilité et rien de plus.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Les dépenses pour lesquelles vous demandez un bill d'indemnité ont été faites en 1866 et 1867 et vous n'aviez pour les solder aucun crédit au budget.
MfFOµ. - Mais évidemment ; sans cela nous n'aurions rien eu à demander à la Chambre.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - D'après la théorie de l’honorable ministre des finances» il serait permis aux ministres de dépenser tout ce qu'ils veulent, sauf à venir demander ultérieurement les crédits nécessaires pour régulariser ces dépenses.
MiPµ. - Et sauf à payer eux-mêmes si la Chambre leur refusait les crédits qu'ils sollicitent.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Ce n'est pas dans ce but-là que là Constitution a établi l'article 115. L'article 115, combiné avec l'article 116, a eu surtout pour objet d'empêcher que le budget ne fût jamais dépassé par le gouvernement.
Au Congrès, après une discussion assez approfondie de l'article 116, M. le baron Beyts a proposé un amendement ; eh bien, pour garantir le budget contre toute entreprise du genre de celle dont je me plains maintenant, ces mots ont été joints à l'article 116 qu'aucun transfert d'un chapitre à l'autre d'un budget ne peut avoir lieu sans le consentement des Chambres.
C'est alors que l'honorable M. Devaux a proposé la rédaction que je vous ai lue tantôt, et qui exprimait, d'après son sentiment et aussi d'après le mien, le véritable point en discussion, c'est-à-dire que les ministres ne seraient jamais autorisés à dépasser les crédits qui leur étaient alloués.
Vous voyez par ces objections, que je raccourcis autant que possible, (page 766) qu'il s'agit ici d'un précédent constitutionnel d'une très grande importance et qu'il n'y aurait plus de budget en réalité, si on laissait prendre par les ministres l'habitude de le dépasser dans certains circonstances.
Les ministres seraient complètement maîtres de régler les dépenses, sauf à demander à insérer dans le budget suivant les dépenses qui auraient été faites en dehors du budget.
Voilà, messieurs, les observations que j'avais à faire et qui me paraissent dignes de votre attention. J'espère qu'on nous donnera des explications à cet égard.
M. Vleminckx, rapporteurµ. - Messieurs, le principe dont vient de parler l'honorable préopinant est incontestable ; en règle générale, on ne peut dépenser que les crédits qui ont été régulièrement votés. La section centrale a parfaitement reconnu ce principe ; mais elle s'est trouvée en face de faits dont l'importance ne lui a pas échappé. Je crois devoir rappeler, à cette occasion, les observations consignées dans les deux derniers paragraphes du rapport que j'ai eu l'honneur de faire au nom de la section centrale ; voici ce que je disais et ce que la section centrale déclare avec moi :
« La section centrale n'hésite pas à reconnaître que le gouvernement en prenant sous sa responsabilité l'initiative des dépenses dont la régularisation vous est demandée, a accompli un devoir rigoureux. Il fallait de toute nécessité pourvoir, en présence de symptômes de la plus haute gravité, aux moyens d'assurer la sécurité du pays ; il fallait y pourvoir sans bruit et sans éclat, à peine d'aggraver encore la situation du commerce et de l'industrie, déjà fortement troublés et que la prudence commandait de ne pas alarmer davantage.
« Les dépenses faites n'ont pas servi ; c'est vrai, et c'est un très grand bonheur pour la Belgique ; mais elles eussent pu devoir servir, devenir tout à fait indispensables même, et combien n'eût-elle pas été plus grande alors la responsabilité du gouvernement, que certes on n'eût pas manqué d'accuser de toutes parts et légitimement, de la plus injustifiable de faiblesses. »
Eh bien, si des circonstances semblables se présentent encore, quoi qu'en puisse penser l'honorable M. Le Hardy, le ministère, quel qu'il soit, devra se conduire comme l'a fait le gouvernement. Je ne comprendrais, en effet, pas qu'il n'engageât pas sa responsabilité pour prendre des mesures que nécessiterait la défense nationale.
Il y a dans la Constitution un autre article encore que ceux cités l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. C'est l'article 121 qui .est ainsi conçu :
« Aucune troupe étrangère ne peut être admise au service de l'Etat, occuper ou traverser le territoire, qu'en vertu d'une loi. »
Nous vivions déjà sous l'empire de la Constitution en 1831 ! Si, au mois d'août de cette année, le ministère d'alors n'avait pas posé un grand acte sous sa responsabilité, la France ne serait pas venue à notre secours et la Belgique tout entière eût été envahie.
MiPµ. - Messieurs, l’honorable M. Le Hardy de Beaulieu demande si ce sont les anciens ministres ou si ce sont les ministres actuels qui sont responsables de ce qui a été fait l'année dernière.
Je crois qu'il ne suffirait pas à un ministre qui aurait concouru à un acte, de sortir du cabinet, pour se soustraire à la responsabilité de cet acte ; je ne pense pas, du reste, qu'aucun ancien membre du cabinet soit disposé à répudier la responsabilité qui pèse sur lui.
Il serait très commode de se dégager de la responsabilité d'un acte qu'on aurait posé, en se retirant du ministère.
Quant aux nouveaux ministres, aucune responsabilité ne peut évidemment peser sur eux, mais je crois pouvoir déclarer que mes collègues et moi nous l'acceptons pleinement pour calmer les scrupules de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
L'honorable membre se préoccupe aussi beaucoup de la question de savoir si dans l'avenir on ne poursuivra pas le système de faire des dépenses qui n'ont pas été autorisées d'avance par la législature.
Je crois que M. Le Hardy de Beaulieu devrait beaucoup plus se préoccuper de la crainte de ne pas voir le gouvernement prendre sur lui la responsabilité de faire ce qui est nécessaire.
La position la plus simple pour le gouvernement, c'est évidemment de ne jamais sortir de la stricte légalité. S'il n'est pas dans les termes d'une parfaite régularité en s'abstenant, le gouvernement ne risque rien.
Mais il peut y avoir des cas où le gouvernement est obligé, en présence d'un grand intérêt national, d'assumer sur lui une responsabilité très grave, où les ministres engagent leur fortune et même au delà pour faire des dépenses qu'une nécessité urgente leur commande sans délai.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu peut être tranquille. Les ministres n'iront pas de gaieté de cœur poser des actes qui engagent à ce point leur responsabilité ; ils ne le feront que s'il y a une impérieuse nécessité.
Quant à la question de constitutionnalité ou de légalité, elle repose uniquement sur une confusion complète.
Nous sommes aujourd'hui en présence d'une situation où le gouvernement a dû s'écarter de la marche régulière pour faire des dépenses qu'il ne pouvait différer. Il est donc clair qu'il ne peut se trouver dans les termes de la loi.
L'honorable membre demande comment cela s'est fait ? Mais cela s'est fait en vertu d'une ordonnance du ministre des finances et toutes les lois ne pourront empêcher le ministre des finances qui a la caisse à sa disposition, d'en disposer sous sa responsabilité.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - C'est très grave !
MiPµ. - C'est très grave ! Evidemment quand un caissier part avec la caisse, c'est un fait extrêmement grave, ce qui n'empêche pas qu'il y ait des caissiers et qu'il y en aura toujours.
L'honorable membre peut donc calmer ses inquiétudes pour l'avenir et sur l'étendue de la responsabilité ministérielle ; il doit s'abstenir de tomber dans des confusions entre des cas qui sont entièrement différents, qui n'ont absolument rien de commun : ceux, où, dans les cas ordinaires, on suit les règles prescrites et ceux, où, sous l'empire de la nécessité, on sort des termes de la loi.
Dans les premiers cas, les dispositions qu'il cite sont appliquées ; dans les autres, on recourt aux bills d'indemnité, ce que le gouvernement fait en ce moment.
M. Hayezµ. - J'ai différentes observations à faire sur le projet de loi qui est soumis à vos délibérations .
Je désire les faire aussi courtes que possible ; je pense donc que la Chambre préférera que je les présente en une fois plutôt que de demander la parole à chaque article.
L'article 6, le premier, donne lieu à une question à laquelle je prie M. le ministre de la guerre de répondre.
M. le président. - Cet article a été voté, ainsi que les articles 11,14, 21,22 et 25.
Je ne puis permettre que la discussion soit reprise sur ces articles, à moins que la Chambre n'y consente.
M. Thibautµ. - On peut, dans la discussion générale, faire des observations sur tous les articles.
M. le président. - Sans doute, on peut faire des observations dans la discussion générale ; mais je ne puis mettre de nouveau aux voix les articles votés.
M. Hayezµ. - Pourvu que je puisse faire mes observations, peu m'importe que ce soit dans la discussion générale ou à propos des articles.
Je demanderai donc quelle différence il y a entre un officier chargé d'un service sédentaire et un officier chargé d'un service actif sédentaire. (Interruption.)
M. Bouvierµ. - C'est un hors d'œuvre.
M. De Lexhy. - Nous ne nous occupons pas d'une loi d'organisation.
M. Hayezµ. - Nous ne nous occupons pas d'une loi d'organisation ; c'est très bien. Mais il y a un crédit demandé qui explique mon interpellation, et, encore une fois, je désire savoir la différence qu'il y a entre un officier chargé d'un service sédentaire et un officier chargé d'un service actif sédentaire. Il y a là une distinction assez subtile, trop subtile pour que je puisse la saisir et je demande une explication. Il me paraît que j'en ai le droit.
Il a été dit tout à l'heure et le rapport fait sur cette loi prétend que le gouvernement a agi sagement en n'ébruitant pas les dépenses qu'il faisait, parce qu'ainsi il ne semait pas la défiance dans le pays. Or, quel est l'acte le plus capable de semer la défiance dans le pays, quel est celui qui peut occasionner le plus d'inquiétudes et arrêter toutes les opérations commerciales, si ce n'est le rappel des miliciens lorsque nos voisins se font la guerre ? Il est impossible de faire ce rappel sans dire au pays : Un danger nous menace. La plupart des dépenses qui ont été faites en 1866 étaient parfaitement connues de tout le monde ; c'était le secret de Polichinelle.
D'ailleurs, s'il faut en croire les rumeurs qui ont régné à cette époque et qui paraissent assez vraisemblables, le ministère entier n'avait (page 767) pas décidé de faire ces dépenses. C'est un seul de ses membres qui les a prises sous sa responsabilité. (Interruption.)
M. Guillery. - Lisez le projet. Il est dit dans l'exposé des motifs qu'il y a eu décision du ministère entier.
M. Hayezµ. - Le ministère tout entier a accepté la responsabilité de ces dépenses.
M. Rogierµ. - Vous vous trompez.
M. Hayezµ. - C'est très généreux de sa part... Mon avis est que la plupart des dépenses qui ont été faites n'étaient pas nécessaires et que, sauf le rappel des miliciens, on pouvait mettre le pays à l'abri des dangers que l'on croyait exister, sans faire toutes ces dépenses qui n'ont eu, en définitive, qu'un but : celui de majorer des crédits qui se sont trouvés insuffisants en suite des gaspillages qui ont eu lieu.
M. Bouvierµ. - Quels gaspillages ?
M. Hayezµ. - Il y a, par exemple, des dépenses qui ont été faites pour le matériel de l'artillerie. Evidemment, ces dépenses devait incomber au crédit de quinze millions, qui a été alloué pour le renouvellement de ce matériel.
Je citerai encore l'appropriation de locaux pour abriter des poudres à Anvers. Il a été alloué un crédit considérable pour l'édification de cette forteresse. Au moyen de ces crédits, l'on devait exécuter tout ce qui était nécessaire ; donc il ne devait plus y avoir de locaux à construire pour y conserver les approvisionnements de poudre. Si, contrairement aux déclarations faites plusieurs fois dans cette enceinte, ces locaux n'existaient pas, c'est qu'on a voulu les obtenir en majorant le crédit. S'ils existaient, et s'ils contenaient, comme cela devait être, un approvisionnement suffisant, il était inutile d'acheter encore de la poudre comme on l'a fait.
Mais il y a encore un article assez singulier et qui prête même à la plaisanterie. L'ennemi est à nos portes et quel moyen emploie-t-on pour le repousser ? Ou construit à Anvers des hangars pour remiser le matériel des places démantelées. Voilà une dépense bien justifiée par le danger que le pays courait.
Puisque nous sommes arrivés à l'article 25, je remettrai à la discussion des autres articles les observations que j'ai encore à faire.
MfFOµ. - Messieurs, je viens d'entendre avec beaucoup d'étonnement l'honorable membre affirmer que les dépenses dont on demande la régularisation à la Chambre avaient été décidées par un seul ministre, et que les autres avaient eu la bonté de prendre cet acte sous leur responsabilité.
Cette assertion est tout à fait contraire à la vérité.
On doit comprendre, en effet, qu'il n'est pas un homme sensé qui, étant ministre, voulût prendre seul, à l'insu ou contre le gré de ses collègues, la responsabilité de pareilles mesures, et l'on doit comprendre aussi qu'il trouverait encore bien moins, à côté de lui, des collègues assez peu soucieux de leur dignité, pour venir bénévolement et après coup accepter la responsabilité d'actes qu'il lui aurait plu de faire isolément.
Lorsque des circonstances comme celles que nous avons traversées se présentent, on ne saurait en méconnaître la gravité ; elles font naturellement naître des soucis dans l'esprit de ceux qui ont la charge du pouvoir, et elles exigent des délibérations très sérieuses de la part du gouvernement. Ce n'est donc qu'après un mûr examen que des mesures de ce genre peuvent être prises.
L'honorable M. Hayez vous a dit encore que le rappel des miliciens était un acte qui donnait toute publicité aux dispositions arrêtées par le gouvernement ; que partant, le secret que l'on avait prétendu garder était le secret de polichinelle ; que tout le monde savait qu'on prenait des mesures pour assurer la défense du pays.
Messieurs, on peut dire ces choses lorsque les événements sont passés. Mais lorsqu'on se reporte à l'époque où ces événements se sont accomplis, on s'aperçoit qu'une telle assertion est fort inexacte.
Je répondrai à l'honorable membre qu'il me suffirait, pour lui démontrer son erreur, d'ouvrir les journaux du temps et les brochures qui furent publiées à cette époque. (C'était en 1866.) Le gouvernement était accusé alors de ne pas prendre de mesures pour sauvegarder l'intégrité du territoire !
M. Bouvierµ. -C'est très exact.
MfFOµ. - On disait qu'il était étonnant que le gouvernement ne prît pas quelques précautions, on lui reprochait son apparente inertie. Donc le secret était bien gardé ! (Interruption.)
Nous avions ainsi l'avantage de faire ce que commandait l'intérêt de l'Etat et d'empêcher que le pays ne fût inutilement alarmé, ce qui eût immédiatement aggravé dans une énorme proportion la crise que nous traversions.
Il aurait fallu, dit-on, convoquer extraordinairement la Chambre pour venir solliciter les crédits nécessaires, et mettre en discussion les graves questions qui s'agitaient alors.
Je crois qu'on aurait montré peu d'égards à des ministres qui se seraient conduits de la sorte. Ce n'eût pas été peut-être un cas de mise en accusation, mais c'eût été le cas de proclamer leur incapacité et leur imprudence.
Nous avons donc fait, messieurs, ce que des hommes courageux, qui ont la conscience des devoirs que leur impose la haute mission dont ils sont investis, doivent faire dans de telles conjonctures. Nous avons pris sous notre responsabilité de faire ces dépenses en les limitant aux strictes nécessités du moment.
Que nous en coûtait-il de convoquer les Chambres ? Nous leur soumettions la question, elles en délibéraient et nous étions affranchis de toute responsabilité. Mais au lieu d'agir ainsi, guidés uniquement par nos préoccupations pour les intérêts du pays, nous prenons la chose sur nous et nous disons à la Chambre : Jugez et décidez si nous avons agi en bons citoyens, en ministres dignes de leur mandat. Si vous croyez que ne as avons méconnu nos devoirs, rejetez la dépense. Nous savons bien que vous ne mettrez pas pour cela à notre charge les 6 millions dont nous demandons la régularisation, mais vous aurez formulé votre opinion sur les actes que nous avons cru devoir accomplir.
Y a-t-il un seul membre de la Chambre qui prendra l'initiative d'une pareille mesure à notre égard ? (Interruption.)
Je ne relèverai pas, messieurs, toutes les critiques de détail que fait l'honorable M. Hayez. Ainsi, il trouve ridicule que l'on ait dû créer, en vue d'événements éventuels, des hangars à Anvers, pour remiser le matériel des places fortes démantelées.
Mais, messieurs, cela s'explique au contraire tout naturellement à raison même des éventualités qui pouvaient surgir. C'est précisément au moment où l'on craignait la guerre qu'il fallait enlever le matériel des places de guerre démantelées, afin de le mettre en sûreté dans le grand refuge d'Anvers, et y établir des abris dans ce but.
Voici encore un fait qui a encouru le blâme de l'honorable membre. On a créé des magasins, pour y faire des approvisionnements. Or, si ces magasins existaient et s'ils étaient insuffisants, c'est qu'ils étaient pleins ; par conséquent il n'y avait pas lieu de créer de nouveaux approvisionnements.
Mais l'honorable membre ne réfléchit pas que du moment où l'on admet l'hypothèse d'une guerre possible, on doit prévoir la consommation, l'usage, la destruction des approvisionnements existants, et que la prudence la plus élémentaire exige qu'on les augmente encore, pour n'être pas au dépourvu dans un moment donné.
M. Delaetµ. - Il n'y en avait donc pas de suffisants ?
MfFOµ. - Certainement ; mais il fallait bien que l'on pût remplacer les munitions qui auraient éventuellement été épuisées.
M. Delaetµ. - Mon observation subsiste.
MfFOµ. - Cela se borne précisément à ce que je viens de dire. Mais je vais abonder dans votre sens. Supposons qu'il y ait eu excès de prudence, qu'on ait acheté un peu trop de poudre ou de plomb ; ces munitions sont-elles perdues ? Pas le moins du monde ; elles sont en magasin, et nous pourrons en disposer, si malheureusement la nécessité s'en fait un jour sentir.
Devons-nous en temps normal porter tous les approvisionnements au maximum réglementaire ? Est-ce absolument nécessaire ? Supposons que nous ayons demandé un crédit à cet effet. Est-il bien certain que vous ne l'auriez pas rejeté en nous blâmant ? Ne nous auriez-vous pas dit qu'il n'est pas nécessaire d'employer plusieurs millions à l'achat d'approvisionnements dont nous n'aurons peut-être pas l'occasion de faire usage ? Vous nous auriez sans doute engagés à attendre que les circonstances justifiassent nos précautions. Avons-nous fait autre chose ?
Vous voyez donc, messieurs, que les critiques de l'honorable membre n'ont aucun caractère sérieux, à quelque point de vue qu'on les envisage.
M. Delaetµ. - Messieurs, des explications que vient de donner le ministère, il ressort deux choses. D'abord, quelles que soient nos (page 768) dépenses militaires, dans le cas d'une attaque subite, nous ne serions pas en état de défendre le pays.
MfFOµ. - C'est là, prétendez-vous, ce que le ministère a déclaré ?
M. Delaetµ. - C'est ce que vous avez déclaré, non pas en termes formels, mais en venant solliciter des crédits supplémentaires de 6 millions pour de approvisionnements que vous avez cru devoir faire alors que l'état de guerre n'était même pas déclaré.
Si vous étiez en état de vous défendre, si votre artillerie était complète, si vos arsenaux, vos magasins étaient suffisamment pourvus, vous n'aviez pas besoin de faire des dépenses de 6 millions dont vous demandez aujourd'hui la régularisation.
Il résulte évidemment de vos déclarations que vous n'étiez pas prêts et si vos paroles ne l'ont pas dit, vos actes l'ont dit, et ils valent beaucoup mieux encore que vos paroles.
Il est, messieurs, une demande que je veux adresser à M. le ministre de la guerre, ou plutôt, comme il n'était pas au pouvoir à cette époque, au cabinet qui déclare s'être rendu solidairement responsable des dépenses faites par M. le ministre de la guerre d'alors.
Quel était le danger à craindre en 1866 et de quelle façon le gouvernement comptait-il y parer ?
Si je ne me trompe, nous n'avions à craindre alors ni une déclaration de guerre, ni une invasion, mais une violation de territoire par le passage sur le sol belge d'une armée de l'une ou de l'autre puissance belligérante.
Si tel était en réalité le danger que nous avions à redouter, de quelle manière le gouvernement y eût-il fait face en dépensant ces 6 millions et même en doublant la dépense ?
Si nous avions un autre danger à craindre, quelles mesures le gouvernement avait-il prises pour mettre immédiatement l'armée sur pied de guerre ?
Voilà, messieurs, les deux questions que je pose au gouvernement. Il n'en a rien dit dans son exposé des motifs et il n'en a rien dit non plus dans la discussion qui vient d'avoir lieu.
Je crois que ces deux questions ont une importance réelle et qu'elles sont la base fondamentale du débat.
- L’orateur se rassied et se relève quelques instants après.
M. Delaetµ. - Je constate que le gouvernement, soit par dédain de l'initiative et des prérogatives parlementaires, soit par impuissance, ne répond pas.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
M. Delaetµ. - Je comprends que vous criiez aux voix. Il est plus facile de trouver une majorité que de bonnes raisons.
M. Hayezµ. - En réponse à ce qu'a dit M. le ministre des finances, je ferai observer que dans une place de guerre qui a coûté autant que celle d'Anvers, les magasins construits pour recevoir la poudre et l'y conserver doivent être assez grands pour contenir les approvisionnements nécessaires à la défense de cette place. Si, en I866, on a dû construire de nouveaux magasins ayant cette destination, ce ne peut être que parce que ces magasins n'existaient pas encore.
La dépense résultant de cette construction doit donc nécessairement incomber aux crédits alloués pour la construction de la place.
- Voix nombreuses. - La clôture !
- La clôture de la discussion générale est prononcée.
« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement. Exercice 1866 : fr. 28,500 ; exercice 1867 : fr. 532,000. »
- Adopté.
« Art. 26. Frais de route et de séjour des officiers. Exercice 1867 : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Transports généraux. Exercice 1867 : fr. 34,000. »
- Adopté.
« Art. 29. Remonte. Exercice 1866 : fr. 422,200. Exercice 1867 : fr. 48,000. »
M. Hayezµ. - Comme le gouvernement ne répond pas aux observations qu'on lui fait, je me bornerai à demander simplement s'il y a une disposition législative qui autorise le département de la guerre à placer des chevaux des troupes chez les cultivateurs ; 91 chevaux de trait y ont été envoyés en vertu de quelle loi ?
En France, le gouvernement place des chevaux chez les cultivateurs, mais dans ces conditions les soldats restent chargés du soin de ces chevaux.
Pareille disposition n'existe pas ; en Belgique, du moins je le crois, et si je ne reçois pas de réponse, je me regarderai comme autorisé à dire que la mesure que je critique a été prise illégalement. (Interruption.)
- Une voix. - C'est par économie.
M. Hayezµ. - Alors, envoyez-y tous les chevaux.
MgRµ. - Je n'ai qu'une seule observation à présenter. Le, gouvernement a cessé l'achat de chevaux dès qu'il a vu l'horizon s'éclaircir ; mais comme le calme ne paraissait pas assez bien rétabli, les chevaux ont été mis provisoirement chez des cultivateurs. Du reste, je ne pense pas qu'en ce moment il y en ait encore dans cette situation.
M. Bouvierµ. - Cette mesure a été prise dans un but d'économie.
M. Hayezµ. - Dans un but d'économie, allons donc !
MfFOµ. - Certainement.
- L'article est adapté.
« Art. 31. Frais de représentation : fr. 9,500.
« Ces crédits seront couverts par une émission de bons du trésor. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
91 membres y prennent part.
77 membres répondent oui.
12 membres répondent non.
2 membres s'abstiennent.
En conséquence, la Chambre adopte le projet de loi, il sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui :
MM. Royer de Behr, Snoy, Tesch, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Broustin, Carlier, Couvreur, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Haerne, de Kerchove de Denterghem, Delcour, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, Dewandre, de Zerezo de Tejada, Dolez, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jouet, Jouret, Julliot, Lambert, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Liénart, Lippens, Mascart, Pirmez, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Preud'homme, Rogier et Moreau.
Ont répondu non :
MM. Thibaut, Vander Donckt, Van Renynghe, Van Wambeke, Verwilghen, David, de Coninck, Eugène de Kerckhove, Delaet, Hayez, Jacobs et Reynaert.
Se sont abstenus :
MM. Wasseige et Magherman.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Wasseige. - Je n'ai pas voulu voter contre le projet en discussion, parce que je trouve que le gouvernement a bien agi en prenant sous sa responsabilité les dépenses qu'il a faites dans les graves circonstances que vous connaissez ; je n'ai pas voté pour, parce que j'ai voulu protester contre le silence dédaigneux opposé par le gouvernement à des demandes loyales, importantes et parfaitement en situation qui lui avaient été adressées par d'honorables collègues.
C'est cette signification que je donne à mon abstention.
M. Maghermanµ. - J'étais disposé à voter les crédits pétition- par le gouvernement, parce que les dépenses qu'ils doivent couvrir me paraissaient commandées par la nécessité ; mais d'un autre côté le refus du gouvernement de donner des explications aux demandes qui lui ont été faites par deux de nos collègues m'a décidé à ne pas donner mon approbation. Je me suis donc abstenu.
Personne ne demandant la pirole, la discussion générale est close et l'assemblée passe à celle des articles.
« Art. 1er. Le crédit ouvert à l'article 15 du budget de la dette publique pour l'exercice 1867 est augmenté de 100,000 francs. »
- Adopté.
« Art. 2, Cette augmentation de crédit sera couverte au moyen des ressources ordinaires. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal.
87 membres y prennent part ; tous répondent oui.
En conséquence le projet de loi est adopté et sera transmis au Sénat.
Ont voté pour le projet de loi :
MM. Royer de Behr, Snoy, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Van Cromphaut, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Renynghe, Van Wambeke, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, War0cqué, Wasseige, Watteeu, Allard, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Broustin, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Brouckere, de Coninck, De Fré, de Haerne, de Kerchove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, Delcour, de Lexhy, de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Smedt, de Terbecq, Dethuin, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, de Zerezo de Tejada, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery. Hagemans, Hymans, Jacobs Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Liénart, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Reynaert, Rogier et Dolez.
La discussion générale est ouverte. Personne ne demande la parole. Cette discussion est close. L'assemblée passe à la discussion de l'article unique ainsi conçu :
« Un crédit de trois cent trente mille fr. (300,000 fr.) est ouvert au département des finances, pour pourvoir aux dernières dépenses d'exécution de la révision des évaluations cadastrales ; ce crédit formera l'article 38, chapitre VII, du budget de ce département, pour l'exercice 1867. »
M. le président. - A cet article la section centrale propose d'ajouter le paragraphe suivant :
« Il sera couvert au moyen des ressources ordinaires du budget. »
M. le ministre se rallie-t-il à cette addition ?
MfFOµ. - Oui, M. le président.
- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l'appel nominal sur l'article ainsi complété.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 85 membres présents. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel nominal ;
MM. Royer de Behr, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut,. Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Van Cromphaut, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Renynghe, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx,- Warocqué, Wasseige, Watteeu, Allard, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Brouckere, de Coninck, De Fré, de Haerne, de Kerchove de Denterghem, E. de Kerckhove, Delcour, De Lexhy, de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Smedt, de Terbecq, Dethuin, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, de Zerezo de Tejada, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Liénart, Lippens, Magherman, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Reynaert, Rogier et Dolez.
M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant la discussion du projet de loi allouant un crédit de 485,000 francs au ministère des travaux publics.
MtpJµ. - Messieurs, le gouvernement des Pays-Bas a fait à la Belgique des propositions qui rendraient l'exécution des obligations qui lui sont imposées beaucoup moins onéreuses pour le trésor public. Il y aurait donc lieu d'ajourner la discussion de ce projet de loi.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. Lelièvreµ. - Je donne avec une vive satisfaction mon adhésion au projet de loi qui réalise une amélioration attendue depuis longtemps. Il est évident que l'état de choses en vigueur laisse notablement à désirer. Souvent des innocents étaient exposes à se voir conduire publiquement comme des malfaiteurs, au détriment des intérêt de la justice. Je ne puis donc qu'applaudir à la mesure proposée et j’émets le vœu le voir apporter aussi des modifications heureuses en ce qui concerne les lois relatives à la détention préventive. J'appelle sur le point l'attention toute particulière, de M. le ministre de la justice.
- La discussion générale est close.
« Article unique. Par dérogation aux articles 5 et 6 de l'arrêté royal du 18 juin 1853, le gouvernement est autorisé à prendre telles mesures d'administration qu'il jugera convenir pour la translation en voiture des prévenus, accusés ou condamnés et pour le payement des frais qui en résulteront. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur Je projet de loi.
Le projet de loi est adopté a l'unanimité des 75 membres présents.
II sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel nominal :
MM. Royer de Behr, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Van Cromphaut, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Renynghe, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Wouters, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Broustin, Couvreur, Crombez, David, de Coninck, De Fré, de Haerne, de Kerchove de Denterghem, E. de Kerckhove, Delcour, de Lexhy, de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Smedt, de Terbecq, Dethuin, Dewandre, de Woelmont, de Zerezo de Tejada, Elias, Funck, Guillery, Hagemans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Liénart, Lippens, Magherman, Mascart, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Preud'homme, Reynaert, Rogier et Moreau.
M. Bouvierµ (pour une motion d’ordre). - Le gouvernement a présenté à la Chambre deux projets de loi de crédits, dont l'un de 5,150,000 fr. est destiné à l'établissement des stations de Mons, de Charleroi, de Tournai, de Bruges, et il renferme un crédit de 1,000,000 pour la continuation des travaux à faire à la gare du Midi, à Bruxelles, pour l'achèvement de laquelle la Chambre a reçu un si grand nombre de pétitions, et l'autre s'élevant à 350,000 fr. devant s'appliquer à la continuation des travaux de construction de l'église de Laeken.
A l'heure qu'il est, si mes renseignements sont exacts, les travaux de l'église sont complètement abandonnés. Si ces crédits étaient votés, ils procureraient, dans ces temps difficiles, de l'ouvrage à un grand nombre d'ouvriers.
Je demande que MM. les rapporteurs soient invités à déposer, dans le plus bref délai, leur rapport, afin que la Chambre puisse ensuite voter ces projets de loi.
M. Crombez. - Messieurs, comme président des deux sections centrales, je puis donner à la Chambre quelques explications sur l'état des deux affaires.
En ce qui concerne le crédit extraordinaire pour travaux d'utilité publique, nous avons adressé, il y a quelques semaines, des questions à M. le ministre des travaux publics. Nous attendons la réponse. Il faut nécessairement au gouvernement le temps d'examiner les questions que là section centrale fui a posées.
En ce qui concerne l'affaire de l'église de Laeken, la situation est exactement la même.
Il n'est donc possible ni de déposer les rapports, ni surtout de mettre les deux projets de loi à l'ordre du jour, puisque ces deux affaires ne sont pas en état d'être examinées par la Chambre.
MtpJµ. - Messieurs, j'ai l'honneur d'annoncer à la Chambre que la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi allouant des crédits pour divers travaux d'utilité publique, recevra demain les renseignements qu'elle a bien voulu me demander.
(page 770) M. Bouvierµ. - Et pour l'église de Laeken ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La section centrale a demande au gouvernement des renseignements très nombreux sur l'église de Laeken ; elle a demandé notamment qu'il lui fût fourni le plan et le devis de tout ce qu'il restait à faire à cette église. Or, il m'est impossible de fournir de suite ces renseignements détaillés ; comme je ne veux pas m'aventurer, je ne demande rien à la Chambre pour les travaux qu'il reste à achever. Le crédit de l'examen duquel la section centrale a été chargée, était de 500,000 francs.
Ce crédit avait deux destinations. Une somme de 150,000 francs devait être affectée aux travaux de consolidation nécessités par le rapport de la commission qui avait été chargée de faire une enquête sur la solidité de l'église de Laeken. Ces 150,000 francs ont été votés et sont dépensés ; la somme restante, qui n'a pas été votée, savoir : 350,000 fr., est destinée à payer les frais de premier ameublement de l'édifice, de manière que l'église puisse être ouverte au mois d'octobre prochain.
La section centrale n'avait donc plus qu'à délibérer sur les 350,000 fr. destinés à l'ameublement de l'église.
Que fait la section centrale ? Elle ne veut pas accorder ces 350,000 fr. sans savoir ce que coûteront les travaux de l'achèvement complet de l'édifice, travaux qui sont évalués à environ 2 millions. Il n'y a pas cependant de corrélation entre ces travaux-là et l'ameublement auquel il s'agit de pourvoir à l'aide des 350,000 francs.
A la suite de la demande faite par la section centrale, je me suis adressé à l'architecte chargé des travaux, qui ne m'a indiqué qu'approximativement les chiffres nécessaires à l'entier achèvement de l'église de Laeken.
Le rapport de cet homme de l'art, je le communiquerai à la section centrale ; mais je déclare dès maintenant que je ne demande rien au delà de la somme de 350,000 fr. destinée à l'ameublement et sur laquelle la section centrale doit délibérer. Avant de réclamer d'autres crédits, je me munirai de tous les plans et devis nécessaires au complet achèvement du monument.
M. Lelièvreµ. - M. le ministre de la justice avait annoncé des amendements à proposer au projet de loi sur les extraditions. Je désire savoir si ces amendements seront bientôt distribués, mesure absolument indispensable pour qu'on puisse aborder la discussion.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, le gouvernement n'a pas déposé des amendements proprement dits au projet de loi sur les extraditions. Voici ce qui s'est passé : le projet de loi sur les extraditions a été présenté en février 1867, sous l'empire de l'ancien code pénal. Evidemment les définitions des crimes et délits, données dans le projet, devaient être conformes à celles qui se trouvaient dans l'ancien code pénal. Or, la commission, dans son rapport postérieur à la promulgation du nouveau code pénal, n'a pas indiqué les changements nécessités par cette promulgation.
L'honorable M. Lelièvre a demandé qu'on mît en corrélation les articles anciens avec les articles tels qu'ils se trouvent dans le nouveau code pénal ; c'est ce que le gouvernement a fait. Mais ce ne sont pas là des amendements proprement dits, de nature à nécessiter la moindre discussion. Je ne pense pas que l'intention de la Chambre soit de discuter à nouveau le code pénal que nous venons de voter.
Les amendements dont il s'agit ne changent rien au fond ; vous connaissez toute l'économie du projet de loi sur les extraditions et par l'exposé des motifs et par le rapport de l'honorable M. Wouters.
Je pense donc que la Chambre ferait chose utile de discuter ce projet de loi, puisqu'elle peut y consacrer deux jours.
M. Woutersµ. - Comme rapporteur, je suis à la disposition de la Chambre, pour examiner le projet de loi sur les extraditions, au jour qu'elle déterminera. Mais je ferai observer que c'est une loi très importante, qu'elle apporte des modifications essentielles à la législation sur la matière, et qu'il est à craindre que la discussion ne se ressente de la précipitation qu'on met à l'aborder.
Je regrette donc qu'on ait interverti l'ordre du jour et qu'on n'ait pas repris, par exemple, le régime postal, dont la discussion a déjà été entamée.
Quant à la partie complémentaire du projet de loi qui a pour objet de mettre en corrélation les articles de l'ancien code pénal de 1810 et ceux du code pénal de 1867, au point de vue des faits qui peuvent donner lieu à l'extradition, j'observerai que je n'en ai eu communication que pendant la séance de mardi dernier. La lettre d'envoi de M. le ministre de la justice porte la date du 2 mars.
Personne alors ne pouvait se douter que la discussion des projets militaires aurait été si brusquement interrompue.
Je ne pouvais d'ailleurs livrer de suite le projet à l'impression, parce qu'il introduit des amendements au libellé de quelques numéros mentionnés à l'article du projet primitif.
Il propose notamment d'accorder l'extradition pour la banqueroute simple et pour les soustractions commises au préjudice des créanciers des faillites.
J'ai pensé, messieurs, qu'il était indispensable que la section centrale se prononçât sur ces amendements.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je croyais que la Chambre avait fixé hier, c'est du moins ce que j'ai vu dans les Annales parlementaires, le jour auquel elle discuterait le projet de loi sur les extraditions. Si je ne me trompe, l'honorable M. Wouters lui-même, lorsque j'ai demandé qu'on s'occupât aujourd'hui de ce projet, a proposé de fixer la discussion à vendredi.
L'honorable membre vient de dire que des amendements nouveaux ont été proposés. Evidemment, si ces amendements contenaient quelque disposition nouvelle offrant un caractère sérieux, je serais d'avis qu'il y a lieu d'examiner. Mais je vous ai dit que ce qui se trouvait dans les amendements déposés par le gouvernement est simplement le libellé du nouveau code substitué au libellé de l'ancien code. Je suis convaincu que l'honorable M. Wouters a lui-même fait ce travail lorsqu'il a examiné le projet de loi sur les extraditions, puisque son rapport est postérieur à la promulgation du nouveau code pénal.
Il est donc au courant de la législation, et la section centrale a voté sur ces amendements. Car, quand elle a voté le vol, les escroqueries, les abus de confiance, comme infractions donnant lieu à l'extradition, elle a dû les voter tels qu'ils sont définis dans le nouveau code.
L'honorable M. Wouters dit qu'on a ajouté la banqueroute simple et les fraudes en matière de faillite. C'est encore une conséquence du nouveau code. C'est un amendement que j'aurais pu présenter en séance. Doit-il faire retarder l'examen du projet de loi ?
Je fais remarquer à la Chambre qu'elle s'occupe de projets de loi importants tels que celui de l'organisation de l'armée, qui prennent cinq à six semaines.
Eh bien, si les membres qui ne prennent pas une part active à la discussion de ces projets ne peuvent pas se tenir prêts à discuter un projet de loi étranger à ces matières, s'il faut être prévenu cinq ou six jours à l'avance de la discussion du moindre projet, on ne fera plus rien ; il ne sera plus possible de faire de la législation. Nous perdons ainsi énormément de temps. Je ne pense pas que la matière des extraditions doive soulever de si grands débats, qu'il faille se préparer bien longtemps à l'avance.
Je demande donc à la Chambre de maintenir sa décision.
M. Woutersµ. - Je tiens à déclarer de nouveau que je suis prêt à entamer la discussion. Mes paroles n'avaient pour objet que de réserver les droits de la section centrale, et de répondre au désir de la plupart des membres de cette Chambre, d'avoir le temps de se préparer à la discussion. Le projet complémentaire, qui vous sera distribué ce soir, vous convaincra d'ailleurs de la justesse de mes observations.
M. le président. - Nous avons comme premier objet à l'ordre du jour de demain des feuilletons de pétitions. La Chambre entend-elle les maintenir comme premier objet à l'ordre du jour ?
M. Liénartµ. - J'ai été étonne de lire ce matin aux Annales que la Chambre avait fixé à demain vendredi la discussion du projet de loi sur les extraditions. Je pense que telle n'a pas été la décision de la Chambre. Elle ne s'est préoccupée hier que la fixation de l'ordre du jour d'aujourd'hui et nullement de l'ordre du jour de demain.
Quoi qu'il en soit, je crois que la Chambre fera chose sage en n'abordant pas à l'improviste la discussion d'un projet de loi aussi important, car il est plus que probable qu'elle devrait l'interrompre samedi pour reprendre mardi la discussion du projet de loi sur l'organisation militaire.
Demain, la séance sera entièrement remplie et au delà par les feuilletons de pétitions. Je ne doute pas que la Chambre ne s'en occupe demain ; il n'y a pas, en effet, de motif pour s'écarter de la résolution qu'elle a prise à l'unanimité, sur la proposition de M. le président, de consacrer le vendredi à l'examen des feuilletons de pétitions.
Or, d'après les assurances que m'ont données MM. les rapporteurs des (page 771) feuilletons de pétitions, cet examen exigera plus d'une séance. Si les rapports de pétitions nous mènent jusqu'au milieu de la séance de samedi, que nous restera-t-il de temps avant mardi pour discuter la loi très grave des extraditions ? (Interruption.)
C'est une loi dont l'examen a exigé plusieurs semaines lorsqu'elle a été soumise une première fois à la Chambre. Aujourd'hui l'on apporte encore a cette législation des aggravations notables. Je ne pense pas qu'elles puissent passer sans discussion.
Dans ces circonstances, j'aime à supposer que la Chambre ne consentira pas à voter avec précipitation un projet de loi qui touche à de grands intérêts. Il est certain que ce projet de loi a été complètement perdu de vue et ce n'est pas au moment où tous nos esprits sont attachés sur la question capitale des dépenses militaires, que nous devions nous attendre à voir surgir inopinément un débat qui appartient à un tout autre ordre d'idées et auquel il est impossible aujourd'hui d'accorder ni l'attention, ni le temps qu'il mérite.
M. Tack. - On peut postposer les feuilletons de pétitions et alors vous aurez deux séances pour examiner le projet de loi sur les extraditions.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Comme le dit l'honorable M. Tesch, rien n'oblige la Chambre à s'occuper demain des pétitions, et qui plus est, si la discussion de la loi sur les extraditions n'est pas finie samedi, on remettra à un autre jour la continuation de la discussion.
Le code pénal, qui était bien aussi important que la loi sur les extraditions, a été voté par morceaux ; la discussion a été souvent interrompue.
Puisque nous avons encore, cette semaine, deux séances, je demande qu'on les consacre à l'examen de la loi des extraditions.
M. Liénartµ. - Nous allons nous lancer dans un véritable gâchis. Nous avons déjà entamé la discussion d'un projet de loi que nous avons dû interrompre, la discussion du projet de loi sur le régime postal.
C'est un fait très regrettable. Il importe que nous ne nous exposions pas une seconde fois à aborder un projet de loi que nous ne pourrions pas examiner jusqu'au bout.
Ce mode serait-il rationnel ? Je le demande à la Chambre.
Nous ferions mieux de nous occuper des feuilletons de pétitions, dont l'examen a déjà été retardé par la discussion du projet de loi d'organisation militaire et de reprendre ensuite la discussion du projet de loi sur le régime postal. S'il faut à tout prix aborder un autre objet, commençons par les projets dont l'examen est entamé.
Je ne comprends pas qu'on veuille s'exposer à avoir concurremment deux projets sur le métier.
M. Bouvierµ. - Nous avons deux jours pleins pour nous occuper du projet de loi sur les extraditions.
L'honorable préopinant pense que la discussion sera scindée. Quant à moi, je ne le crois pas.
- La proposition de postposer l'examen des feuilletons de pétitions et de mettre comme premier objet à l'ordre du jour de demain le projet de loi sur les extraditions, est mise aux voix et adoptée.
- La séance est levée a quatre heures et demie.