(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 263) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 3 heures et quart.
M. Reynaert, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Van Humbeeck présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Reynaert, secrétaire communal de Haeltert, prie la Chambre de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la position des secrétaires communaux. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Bruxelles demandent le prompt achèvement des travaux de la nouvelle gare du Midi. »
- Même renvoi.
« Par trois pétitions, des habitants de Gand et des environs protestent contre les propositions de la commission militaire et demandent l'abolition du tirage au sort pour la milice et d'une armée permanente.»
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la milice.
« Le sieur Daine prie la Chambre de voter un crédit supplémentaire pour accorder une indemnité suffisante aux agents chargés du recensement général. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.
« Des habitants du canton de Bodegnée protestent contre toute augmentation des charges militaires et demandent que des économies importantes soient réalisées sur le budget de la guerre. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre.
« MM. Schollaert, de Moor, Royer de Behr, retenus par indisposition, MM. Landeloos et Thonissen, retenus pour affaires, demandent un congé. »
- Ces congés sont accordés.
Les bureaux des sections, pour le mois de décembre, ont été constitués comme suit.
Première section
Président : M. de Macar
Vice-président : M. Reynaert
Secrétaire : M. Hagemans
Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt
Deuxième section
Président : M. Jonet
Vice-président : M. de Muelenaere
Secrétaire : M. Jacobs
Rapporteur de pétitions : M. Julliot
Troisième section
Président : M. David
Vice-président : M. Elias
Secrétaire : M. T’Serstevens
Rapporteur de pétitions : M. de Maere
Quatrième section
Président : M. Van Iseghem
Vice-président : M. Delcour
Secrétaire : M. Liénart
Rapporteur de pétitions : M. La Hardy de Beaulieu
Cinquième section
Président : M. Vleminckx
Vice-président : M. Van Cromphaut
Secrétaire : M. Funck
Rapporteur de pétitions : M. Bouvier
Sixième section
Président : M. Hayez
Vice-président : M. Thienpont
Secrétaire : M. de Zerero
Rapporteur de pétitions : M. de Smedt
M. Dewandreµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur le régime postal.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et met le projet à l'ordre du jour.
M. le président. - Conformément à ce qui a été décidé hier, l'amendement apporté par la section centrale à l'article premier de ce projet de loi, formera un projet de loi spécial.
En voici la teneur :
« Article unique. Le renouvellement prescrit par les art. 39 et 56 de la loi du 15 mai 1846, cesse d'être obligatoire pour les cessionnaires des sommes ou ordonnances de payement dues par l'Etat. »
Si la Chambre le désire, je lui donnerai lecture de l'article 39 de la loi du 15 mai 1816, auquel se réfère cette disposition :
« Art. 39. Les saisies-arrêts, oppositions, significations de cession et délégations sur des sommes et ordonnances de payement dues par l'Etat, n'ont d'effet que pendant cinq ans, à compter de leur date, quels que soient d'ailleurs les traités, actes de procédure ou jugements intervenus sur lesdites oppositions ou significations, à moins qu'ils n'aient été régulièrement notifiés à l'administration.
« Elles sont rayées d'office des registres dans lesquels elles auraient été inscrites, et ne sont pas comprises dans les certificats prescrits par l'article 14 de la loi du 14 février 1792 et par les articles 7 et 8 du décret du 18 août 1807. »
- Personne ne demandant la parole, la Chambre passe au vote par appel nominal sur le projet de loi.
74 membres y prennent part, tous répondent oui.
En conséquence la Chambre adopte.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel :
MM. Gerrits, Hagemans, Hayez, Hymans, Janssens, Jamar, Jonet, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Le Hardy de Beaulieu, Liénart, Lippens, Moreau, Mouton, Muller, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Reynaert, Sabatier, Thienpont, Valckenaere, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Vleminckx, Wasseige, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Carlier, Coomans, Couvreur, Crombez, David, de Coninck, De Fré, de Kerchove de Denterghem, (page 264) Delaet, de Liedekerke, de Macar, de Maere, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, Dewandre, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steeenhuyse, Dumortier, Dupont, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck et Dolez.
M. le président. - Nous passons à la discussion du projet primitif.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, l'assemblée passe aux articles.
« Art. 1er. Les saisies-arrêts, oppositions, cessions et généralement toutes significations relatives à des sommes ou valeurs confiées à la caisse des dépôts et consignations auront lieu, savoir :
« Pour les consignations, au bureau de l'agent qui les a reçues ;
« Pour les cautionnements en numéraire, au siège de l'administration de la caisse.
« Pour les dépôts préalables à l'effet de prendre part à des adjudications ou entreprises, ainsi que pour les cautionnements en fonds publics mentionnés au n°1 de l'art. 7 de la loi du 15 novembre 1847, soit au siège de l’administration de la caisse, soit à l'agence du trésor chargée de pourvoir à leur restitution. »
- Adopté.
« Art. 2. Les saisies-arrêts et oppositions n'ont d'effet que pendant cinq ans, à compter de leur date, quels que soient les traités, actes de procédure ou jugements intervenus, à moins qu'ils n'aient été notifiés à l'administration.
« Le terme de cinq ans ne prend cours, pour les saisies-arrêts et oppositions signifiées ailleurs qu'au siège de l'administration de la caisse ou à ses agences en province, qu'à dater du dépôt à la caisse des sommes ou valeurs qui en sont grevées. »
- Adopté.
« Art. 3. Les saisies-arrêts et oppositions qui auraient plus de quatre ans de date au jour de la mise à exécution de la présente loi, seront renouvelées dans le délai d'un an ; celles qui, à la même époque, auraient quatre ans au moins, le seront dans les cinq ans, le tout à peine de péremption. »
- Adopté.
« Art. 4. Les cautionnements de comptables dont le remboursement n'a pas été effectué, faute de production ou de justification suffisante dans le délai d'une année, à compter de la cessation des fonctions, seront versés à la caisse des consignations. »
- Adopté.
« Art. 5. A moins de stipulation contraire, l'article 2 de la loi du 28 nivôse an XIII et l'article 1261 du code civil sont applicables aux consignations de toute nature, faites à la décharge du trésor, soit volontairement, soit en exécution de la loi.
« Ces consignations n'interrompent point la prescription. »
- Adopté.
« Art. 6. L’intérêt des consignations et des cautionnements qui leur sont assimilés court du 1er du mois qui suit celui du versement ; il cesse le dernier jour du mois qui précède le remboursement.
« Le mois est compté à raison de trente jours. »
- Adopté.
« Art. 7. Le taux d'intérêt des fonds des enfants mineurs, des interdits, des absents et des faillis, peut être modifié, par arrêté royal, dans les limites de 3 à 4 1/2 p. c.
- Adopté.
« Art. 8. Les reconnaissances des consignations sont à talon ; elles forment titre envers la caisse des dépôts et consignations, à la charge par les déposants de les faire viser et séparer des talons dans les vingt-quatre heures, par les fonctionnaires et agents administratifs à désigner à cet effet.
Ces reconnaissances, ainsi que les mandats et quittances des intérêts des consignations, sont exempts du timbre et de l'enregistrement. »
- Adopté.
« Art. 9. L'article 2277 du code civil est applicable aux intérêts des consignations non litigieuses. »
Adopté.
« Art. 10. Le ministre des finances fera publier au Moniteur la liste des consignations effectuées, sous les régimes français et néerlandais, dans la caisse instituée par la loi du 2S nivôse an XIII, et dont le remboursement ou le payement des intérêts n'a pas été réclamé.
« Seront acquises au Trésor les consignations qui, dans les deux ans à partir de cette publication, n'auraient fait, de la part des ayants droit, l'objet d'aucune réclamation. »
M. Carlierµ. - Messieurs, je prends la liberté d'appeler l'attention de la Chambre sur l'article dont notre honorable président vient de donner lecture.
Cet article porte :
« Le ministre des finances fera publier au Moniteur la liste des consignations effectuées, sous les régimes français et néerlandais, dans la caisse instituée par la loi du 28 nivôse an XIII, et dont le remboursement ou le payement des intérêts n'a pas été réclamé.
« Seront acquises au trésor les consignations qui, dans les deux ans à partir de cette publication, n'auraient fait, de la part des ayants droit, l'objet d'aucune réclamation. »
Je viens demander au gouvernement de porter à 5 ans au lieu de 2 le terme fixé par le paragraphe 2 de cet article.
Le motif que j'ai à faire valoir est particulièrement puisé dans certaines circonstances qui se présentaient plus particulièrement en Hainaut.
Jadis en Hainaut, la saisie réelle, la saisie des immeubles ne produisait pas les effets qu'elle produisait dans les autres provinces et ne produisait pas surtout les effets qu'elle produit aujourd'hui.
Ainsi, à part un cas très rare, celui du rapport par hypothèque des biens garantissant une rente ou une créance, la saisie de ces biens pour obtenir le payement de ces rentes ou créances, soit en capital, soit en intérêts, n'en amenait pas la vente.
Les biens étant saisis, des sergents ou huissiers étaient chargés d'en toucher les revenus, et c'était sur les revenus seulement que la créance était payée.
Il s'ensuivait que des biens ainsi saisis restaient frappés de saisie pendant des périodes extrêmement longues et que lorsque la saisie était pratiquée pour une somme d'une certaine importance, elle se perpétuait pendant des générations entières.
En 1811 et 1812, des décrets du gouvernement français apportèrent une modification à cette situation. Il fallait mettre cette législation du Hainaut en rapport avec le code de procédure civile et l'on décréta que tous les biens saisis seraient vendus et que le prix en serait attribué soit aux saisissants qui justifieraient de leurs droits, soit aux saisis eux-mêmes qui justifieraient que leurs biens avaient été libérés.
Une quantité considérable de biens fut vendue à la suite de ces décrets, et des sommes importantes furent versées à la caisse des dépôts et consignations.
Depuis, de nombreuses réclamations ont été exercées, des restitutions importantes ont été opérées, mais il reste encore à cette heure, dans la caisse des consignations, des sommes d'une certaine importance appartenant à ces anciennes saisies du Hainaut.
Si l'on se reporte à l'époque où ces saisies ont été opérées, si l'on se rend compte des difficultés que doivent rencontrer les personnes qui ont à justifier aujourd'hui à l'aide de généalogies ou d'actes de l'état civil les droits qu'ils ont sur une consignation, on doit reconnaître qu'il doit leur être difficile de fournir la justification exigée.
C'est, messieurs, à raison de ces difficultés considérables que je viens demander au gouvernement de porter à cinq ans au lieu de deux le terme après lequel il deviendra propriétaire de ces sommes, faute par les ayants droit de justifier leurs réclamations.
Je dois dire que puisque le gouvernement ne fait que s'approprier une chose qui ne lui appartient pas, guidé en cela par une pensée de régularisation plutôt que par l'appât d'un bénéfice, je pense qu'il ne repoussera pas ma demande.
Si cependant mon attente était trompée, je demanderai à M. le ministre des finances d'indiquer quel serait à l'égard de l'attribution qu'il fait à l'Etat des consignations dont je parle, l'effet des réclamations qui pourraient être exercées.
Je suppose un instant qu'une réclamation ait été exercée, quel en sera l'effet ? Suspendra-t-elle la prescription pendant deux ans encore ? Le texte ne le dit pas et il me semble que quelques mots d'explication de la part de M. le ministre des finances jetteraient sur cette partie de la loi une clarté qui ne lui serait pas tout à fait inutile.
Je persiste néanmoins dans la première demande que j'ai adressée à la Chambre et au gouvernement, c'est-à-dire de substituer le terme de 5 ans à celui de 2 ans.
MpVµ. - Si M. Carlier fait une proposition, je le prie de la transmettre au bureau.
MfFOµ. - Les derniers mots que vient de prononcer l'honorable M. Carlier me paraissent (page 265) contenir une objection suffisante à l'amendement qu'il a proposé, et devoir engager la Chambre à ne pas l'adopter.
Ou il y aura des réclamations dans le délai de deux ans ou il n'y en aura pas. S'il n'y a point de réclamation, tout sera dit ; il faut bien en finir : il s'agit de consignations qui remontent à un temps fort éloigné. Si, au contraire, il y a des réclamations, elles seront examinées avec soin et accueillies s'il y a lieu ; car, messieurs, le trésor ne veut pas faire un leurre ; ce n'est pas en vue de lui procurer un profit que cette disposition a été proposée.
Elle a uniquement pour objet de mettre un terme à une situation qui ne peut pas subsister indéfiniment.
Il faut bien qu'on finisse par déclarer à qui appartiennent certains fonds qui sont déposés depuis si longtemps à la caisse des consignations. Si l'on substitue le terme de cinq ans à celui de deux ans, on prolongera la situation actuelle sans aucune utilité réelle, et il suffira d'une seule réclamation pour la prolonger encore.
Je pense donc, messieurs, qu'on peut s'en tenir à la disposition proposée. J'ajoute que s'il ne se produit pas de réclamation dans les deux ans, il est vraisemblable qu'il n'en sera pas formulé davantage dans les cinq années. L'amendement ne me paraît donc pas nécessaire.
M. le président. - Voici la proposition de M. Carlier :
« Art. 10, § 2. Seront acquises au trésor les consignations qui, dans les cinq ans, à partir de cette publication (le reste comme à l'article.) »
-- L'amendement est appuyé ; il fait partie de la discussion.
M. Carlierµ. - Je reprends la parole, messieurs, parce que je crois devoir insister sur cette considération que j'ai déjà invoquée tout à l'heure, c'est que la disposition proposée aura pour effet de mettre le trésor public en possession de fonds qui ne lui appartiennent pas. Or, qu'il se l'approprie après cinq ans ou après deux ans, le résultat sera le même, mais une latitude plus grande sera laissée aux véritables propriétaires pour réclamer ce qui leur appartient. Il y a donc là une raison de puissante équité pour que le gouvernement ou la Chambre adopte mon amendement.
Ce n'est que le désir de régulariser la comptabilité de la caisse des consignations qui a porté le gouvernement à proposer l'article en discussion. Que cette régularité soit obtenue après cinq ans au lieu de l'être après deux ans, je crois que cela importe peu ; mais du moins le droit de propriété se trouvera plus complètement respecté dans le chef des propriétaires d'anciennes consignations.
- L'amendement est mis aux voix et adopté.
L'article 10 ainsi modifié avec la substitution du terme de 5 ans au terme de 2 ans, est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Les placements en rentes sur l'Etat ou en obligations du Trésor, des sommes disponibles de la caisse des dépôts et consignations, leurs transferts et mutations, se feront sous l'autorité immédiate du ministre des finances.
« Les inscriptions au grand-livre et les extraits qui en sont délivrés portent l'annotation suivante :
« La présente inscription ne sera transférée qu'en vertu de l'autorisation spéciale du ministre des finances. »
- Adopté.
« Art. 12. Sont abrogés l'article 5 de la loi du 28 nivôse an XIII, le second alinéa de l'article 37 et l'article 41 de la loi du 15 mai 1846 ; les articles 11 et 13 de la loi du 15 novembre 1847. »
- Adopté.
« Art. 13. L'époque de la mise en vigueur de la présente loi sera fixée par arrêté royal. »
- Adopté.
La Chambre décide qu'elle procédera, séance tenante, au vote définitif du projet de loi.
Elle confirme l'amendement qui a été introduit dans le second alinéa de l'article 10.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 77 membres qui ont répondu à l'appel nominal. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel nominal :
MM. Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Janssens, Jamar, Jonet, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Lebeau, Liénart, Lippens, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Reynaert, Sabatier, Thienpont, Valckenaere, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Vleminckx, Wasseige, Watteeu, Allard, Anspach, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Carlier, Coomans, Couvreur, Crombez, David, de Brouckere, de Coninck, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Macar, de Maere, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, Dewandre, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Dupont, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck et Dolez.
M. le président. - Pendant la session dernière, la Chambre en procédant an vote de quelques titres du projet de loi d'organisation judiciaire, a réservé quelques articles. Ces articles, je crois qu'il entre dans la pensée de M. le ministre de la justice, et je crois que cela convient pour le bon ordre de la discussion, de ne s'en occuper qu'au second vote.
Nous passons donc au titre IV, des cours d'appel.
M. Liénartµ. - Mon intention est de présenter une simple observation relativement à un article qui a été voté. Mais si la Chambre compte revenir sur le titre relatif aux tribunaux de commerce, je différerai jusque-là mon observation.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Plusieurs articles devront être modifiés, notamment les articles qui fixent l'âge auquel on peut être admis dans la magistrature. La Chambre a décide l'année dernière qu'on reviendrait à l'âge déterminé par l'ancienne loi d'organisation judiciaire. Des changements devront être introduits, dans quelques articles relatifs à ce point.
Il y a un autre article qu'il y aura lieu de modifier ; c'est celui relatif aux ventes faites par les greffiers des justices de paix. Les greffiers ont réclamé contre la disposition qui ne leur permet que de faire les ventes au comptant. L'honorable rapporteur de la commission, M. Orts, avait soutenu que par les mots « au comptant » on maintenait la législation antérieure.
Or, il paraît que c'était une erreur qui, d'ailleurs, avait été partagée par le gouvernement et par la Chambre, au second vote, on pourra revenir sur ce point.
De plus, M. Van Overloop a fait une observation qui porte sur l'article 65. Il devra être répondu à cette observation.
Il vaut mieux avoir une discussion sur ces divers objets lors du second vote des articles du projet.
M. Liénartµ. - Comme mon observation tend précisément à obtenir un changement de rédaction à un article, je préférerais la présenter maintenant pour que M. le ministre de la justice puisse y faire droit, s'il le juge convenable
Le doute que je veux dissiper naît de la comparaison de l'article 58 du projet avec l'article 625 du code de commerce qui y correspond.
L'article 625 du code de commerce porte : « Le président et les juges ne pourront rester plus de deux ans en place ni être réélus qu'après un an d'intervalle. »
D'après la rédaction primitive, la prohibition de rester plus de deux ans en place et de n'être rééligible si ce n'est après un an d'intervalle s'étendait non seulement au président et aux juges, mais encore aux juges suppléants.
Locré nous apprend que, sur l'observation du tribunal, cette rédaction fut modifiée et remplacée par la disposition actuelle, qui ne parle que du président et des juges.
On donna pour motif la difficulté de composer les tribunaux de commerce, surtout dans les villes de moyenne importance, difficulté qui serait encore accrue si l'on comprenait les juges suppléants dans la prohibition d'être immédiatement rééligibles.
Quoi qu'il en soit du motif, la question fut tranchée dans ce dernier sens par le texte qui, je le répète, ne parle que du président et des juges.
Aussi aujourd'hui on peut, cela n'est pas contestable, de juge suppléant, devenir d'emblée et immédiatement juge effectif. C'est même le cas habituel ; car la suppléance est pour ainsi dire un acheminement vers la place de juge titulaire.
Or, la rédaction de l'article 58 diffère en un point important de celle de l'article 625. L'article 58 ne parle plus seulement du président et des juges ; cet article est beaucoup plus général, plus absolu ; il s'applique à tous les membres du tribunal de commerce.
(page 266) Il résulterait de cet article ainsi rédigé que les juges suppléants, pas plus que les juges effectifs, ne seraient immédiatement rééligibles, de manière que même le juge suppléant, pour devenir juge effectif, devrait attendre qu'une année se fût écoulée après l'expiration de ses fonctions de suppléant.
Cette conséquence est rigoureuse, elle résulte du texte de l'article 58. Car évidemment le juge suppléant fait partie du tribunal, et si l'on avait voulu s'en tenir à l'ancienne législation sur ce point, il n'y avait pas lieu d'innover pour la rédaction.
Je ne pense pas cependant que pareille conséquence soit entrée dans les vues des rédacteurs du projet, et tout au moins telle n'est certes pas l'opinion de la commission qui s'est occupée du projet de loi d'organisation judiciaire, si j'en juge par une phrase du rapport de M. Orts, la seule qui concerne la matière dont je m'occupe et qui est ainsi conçue : « Les articles 50 à 60 maintiennent le droit en vigueur en des points que personne ne critique. »
Pour prévenir donc les difficultés auxquelles la rédaction de l'article 58 pourrait prêter, je prie la Chambre d'en revenir purement et simplement à la disposition du code de commerce qui ne donne pas de place au doute, et ce changement, on pourrait le faire avant le second vote.
Cette précaution me semble d'autant plus importante, qu'il s'agit d'un article qui sera d'une application usuelle, puisqu'il se rattache directement à la composition des tribunaux de commerce.
M. le président. - Voici l'amendement : au lieu de dire : « Les membres des tribunaux de commerce, » dire : « Le président et les juges des tribunaux de commerce. »
Je pense qu'il entre dans la pensée de l'honorable membre de rattacher son amendement au second vote.
M. Liénartµ. - Oui, M. le président.
M. le président. - Ainsi cet amendement est réservé pour le second vote. Nous passons au chapitre IV.
M. le ministre de la justice se rallie-t-il aux amendements proposés par la commission ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Non ! M. le président.
« Art. 67. II y a trois cours d'appel. »
- Adopté.
« Art. 68. Le siège, le personnel et le ressort des cours d'appel sont déterminés par le tableau joint à la présente loi.
- Adopté.
« Tableau des cours d'appel.
« Bruxelles : 1 premier président, 3 présidents de chambre, 24 conseillers, 1 procureur général, 4 avocats généraux, 2 substitut du procureur général, 1 greffier. Ressort : province d’Anvers, de Brabant et de Hainaut. »
- Adopté.
« Gand : 1 premier président, 1 président de chambre, 13 conseillers, 1 procureur général, 2 avocats généraux, 2 substitut du procureur général, 1 greffier. Ressort : province de Flandre orientale et de Flandre occidentale. »
- Adopté.
« Liége : 1 premier président, 2 présidents de chambre, 18 conseillers, 1 procureur général, 3 avocats généraux, 2 substitut du procureur général, 1 greffier. Ressort : province de Liége, de Limbourg, de Luxembourg et de Namur. »
- Adopté.
« Art. 69. Nul ne peut être premier président ou procureur général s'il n'a trente-cinq ans accomplis, s'il n'est docteur en droit et s'il n'a suivi le barreau ou occupé des fonctions judiciaires pendant au moins cinq ans.
« Les présidents de chambre, conseillers, avocats généraux ou substituts du procureur général peuvent être nommés à l'âge de trente ans accomplis, s'il réunissent les autres conditions énumérées ci-dessus. »
M. Dupontµ. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de combler une lacune que présente l'article 69.
Le premier paragraphe de cet article est ainsi conçu :
« Nul ne peut être premier président ou procureur général s'il n'a trente-cinq ans accomplis, s'il n'est docteur en droit et s'il n'a suivi le barreau ou occupé des fonctions judiciaires pendant au moins cinq ans. »
Les mêmes conditions sont exigées pour être membre de la cour de cassation. Cela résulte de l'article 123 ; seulement ici on doit avoir suivi le barreau ou exercé des fonctions judiciaires pendant 10 ans.
Messieurs, les membres de la faculté de droit de l'université de Liège ont adressé à M. le ministre de la justice une réclamation contre ces dispositions des articles 69 et 123 ; ils demandent (et tel est l'objet de la proposition que j'aurai l'honneur de soumettre à la Chambre) que l'on ajoute à ces articles : « ou enseigné le droit dans une université de l'Etat pendant.... (« 3 ans » à l'article 69 et « 10 ans » à l'article 123.)
Voici, messieurs, les raisons sur lesquelles cette demande est fondée.
Il résulte des deux textes que je viens de citer que n'exerçant pas les fonctions judiciaires, mais remplissant simplement des fonctions publiques, les professeurs des universités de l'Etat ne se trouvent pas compris dans la première alternative prévue par les articles 69 et 123. Mais s'ils sont avocats et s'ils ont suivi le barreau soit pendant 5 ans, soit pendant 10 ans, ils pourront invoquer la deuxième partie des dispositions dont j'ai l'honneur d'entretenir la Chambre ; ici malheureusement se dresse devant eux un obstacle résultant de l'article 12 de la loi du 27 septembre 1835, qui est ainsi conçu :
« Les professeurs ne pourront exercer aucune autre profession sans l'autorisation du gouvernement. »
Il résulte de là, messieurs, que la seconde alternative des articles 69 et 123 est fermée aux professeurs des universités de l'Etat. La faculté de droit de l'université de Liège fait remarquer qu'il est étrange que les membres du corps enseignant qui ont consacré une grande partie de (page 267) leur existence à l'étude du droit, qui en ont fait leur occupation presque exclusive, qui ont parfois contribué à ses progrès et formé toute une génération de magistrats et d'avocats, soient ainsi exclus des fonctions judiciaires, alors qu'après un stage presque illusoire, une inscription au tableau qui peut-être n'a été que nominale, leurs anciens élèves peuvent y aspirer en vertu des articles 69 et 123.
Il faut remarquer, messieurs, que lorsque les dispositions de la loi organique du 4 août 1832, que les articles 69 et 123 ne font que reproduire, ont été votées, il a été formellement entendu à la Chambre et au Sénat qu'elles ne fermaient pas aux professeurs des facultés de droit des universités de l'Etat l'accès des hautes fonctions judiciaires. La question a été posée à la Chambre en 1832 et voici comment M. Raikem, qui était alors à la tête du département de la justice, l'a résolue dans la discussion.
« L'intention de la section centrale doit avoir été de comprendre dans les mots « fonctions judiciaires » (que cette section avait substitués aux mots « fonctions publiques » du projet du gouvernement) tous ceux dont la profession est consacrée à l'étude du droit et par conséquent les professeurs de cette science. »
Plus tard, messieurs, l'honorable M. Raikem comprit lui-même le vice de cette argumentation et devant le Sénat, la même question s'étant reproduite, il s'exprima dans les termes suivants : « L'exclusion n'est que nominale, car les professeurs en droit sont inscrits au tableau des avocats ; s'ils ne plaident pas, ils n'en ont pas moins toutes les prérogatives. »
Ainsi, messieurs, dans la pensée du gouvernement et dans la pensée des Chambres, il était formellement entendu que les membres du corps enseignant universitaire pouvaient invoquer les dispositions dont je parle, et faire valoir leur qualité d'avocat ; s'ils l'étaient soit depuis 5 ou soit depuis 10 ans, ils pouvaient aspirer soit aux fonctions de conseiller à la cour d'appel, soit à celles de membre de la cour de cassation.
Mais, messieurs, comme je le disais tout à l'heure, ce qui était vrai sous l'empire de la loi de 1832, a cessé de l'être depuis 1835, depuis la promulgation de la loi sur l'enseignement supérieur du 27 septembre 1835.
En vertu de l'article 12 de cette loi, les membres de l'ordre des avocats ont, notamment à Liège, rayé du tableau les professeurs des universités de l'Etat, et il en résulte que des membres de la faculté de droit de notre université ne tombent plus sous l'application des articles 123 et 69 de la loi que nous discutons en ce moment ; les intentions manifestées par le gouvernement dans la loi de 1832 sont évidemment méconnues.
La faculté de droit avait depuis longtemps l'intention de demander une modification de la loi de 1832 et de réclamer contre l'exclusion injustifiable dont elle était frappée.
Aujourd'hui qu'un code complet d'organisation judiciaire est soumis aux délibérations de la Chambre, la faculté de droit a pensé que le moment était venu d'appeler l'attention du gouvernement et du parlement sur ce point ; elle vous prie d'apporter à la loi le changement dont je viens de vous parler. Pour ma part, il me semble incontestable qu'il y a lieu de faire cesser une incapacité dont les rédacteurs de la loi organique de 1832 n'ont pas voulu frapper le corps enseignant et qui place les professeurs des universités de l'Etat dans une condition inférieure à celle des professeurs des universités libres. Ceux-ci, en effet, ne sont pas soumis à la loi du 27 septembre 1835.
J'ose donc espérer que la Chambre accueillera avec faveur l'amendement que je lui propose pour mettre fin à cette anomalie.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je me proposais précisément de déposer un amendement dans le sens des paroles prononcées par l'honorable membre, ce qui lui épargnera la peine de rédiger l'article 69 à nouveau.
Les observations présentées par le corps enseignant de l'université de Liège, auquel se joint le corps enseignant de 1'université de Gand, sont parfaitement justes.
En effet, on ne peut comprendre comment une loi exclurait des fonctions judiciaires des hommes qui ont pour mission d'éclairer la science du droit et de faire des magistrats.
Cette exclusion n'a jamais été dans les vues du législateur, comme l'a expliqué l'honorable M. Dupont ; ou a cru que les professeurs de droit pouvaient en même temps être inscrits au tableau des avocats.
C'était la pensée de l'honorable M. Raikem, mais une loi postérieure a interdit aux professeurs de droit des universités de l'Etat d'exercer la profession d'avocat sans une autorisation spéciale du gouvernement, il s'est trouvé que faute d'avoir obtenu cette autorisation les professeurs de droit des universités de l'Etat ont été rayés du tableau de l'ordre.
C'est ce qui est arrivé à Liège. Je dois ajouter que la jurisprudence du conseil de discipline n'est pas uniforme. A Gand, des professeurs de droit de l'université sont inscrits au tableau. Ils jouissent donc du privilège dont on veut faire profiter les professeurs de la faculté de droit de l'université de Liège.
Je pense, messieurs, qu'il n'y a aucune espèce d'inconvénient à inscrire dans la loi que les professeurs qui ont enseigné le droit dans une université de l'Etat pendant au moins cinq ans peuvent aspirer aux fonctions de la magistrature.
A cet égard je dois faire observer que les mots : « universités de l'Etat » n'excluent pas les professeurs des universités libres. Ceux-ci ne sont frappés d'aucune défense, ils pratiquent le barreau et ils sont inscrits au tableau des avocats.
Ils peuvent, comme les avocats, prétendre à des fonctions judiciaires.
L'article serait donc ainsi rédigé :
« Art. 69. Nul ne peut être président ou procureur général s'il n'a trente ans accomplis, s'il n'est docteur en droit et s'il n'a suivi le barreau, occupé des fonctions judiciaires ou enseigné le droit dans une université de l'Etat pendant au moins cinq ans.
« Les conseillers et avocats généraux peuvent être nommés à l'âge de vingt-sept ans accomplis, s'ils réunissent les conditions énumérées ci-dessus.
« Les substituts du procureur général peuvent être nommés lorsqu'ils ont vingt-quatre ans s'ils réunissent les mêmes conditions. »
L'abaissement de l'âge ne peut entraîner aucun inconvénient.
Si des personnes ayant l'âge que je viens d'indiquer ont du talent et des droits, pourquoi ne pourrait-on les nommer ? Il n'est pas probable, du reste, qu'on nomme beaucoup de magistrats ayant strictement l'âge déterminé par la disposition que nous discutons.
Je ferai remarquer que les changements que j'ai l'honneur de proposer nécessiteront des modifications aux articles 19, 20 et 129.
M. Delcourµ. - Messieurs, je viens appuyer avec bonheur l'amendement qui a été présenté au sujet des professeurs de droit des universités de l'Etat.
Il est certain qu'il y a une anomalie dans la législation actuelle.
Ne pas permettre aux professeurs des universités de l'Etat, alors que cela est permis aux professeurs des universités libres, d'occuper des fonctions judiciaires de premier ordre, cela n'est compatible ni avec l'intérêt public, ni avec la dignité qui appartient aux professeurs de l'enseignement supérieur.
Je suis heureux, messieurs, que M. le ministre ait présenté un amendement qui fasse droit aux réclamations qui se sont produites à diverses reprises. La Chambre me paraît disposée à trancher définitivement et irrévocablement la question.
Oui, messieurs, et permettez-moi de le dire en connaissance de cause, les professeurs de droit, qu'ils appartiennent aux universités de l'Etat ou aux universités libres, sont appelés à faire une étude approfondie des lois ; il ne leur suffit pas d'examiner les applications diverses que la loi peut recevoir, mais ils doivent en étudier tous les détails, se pénétrer de leur esprit et remonter à leur origine. Ce n'est qu'à ces conditions que l'enseignement des sciences juridiques peut être complet et sérieux.
Eh bien je vous le demande, ne sont-ce pas les titres les plus sérieux, les garanties les plus solides que le législateur puisse réclamer de ceux qui pourront être appelés aux fonctions les plus élevées de la magistrature ?
Laissez-moi, messieurs, en finissant, vous citer un nom propre ; Pensez-vous que la cour de cassation ne serait pas fière, si elle comptait dans son sein un homme de la valeur de l'honorable M. Haus ?
M. Orts. - Je crois pouvoir, au nom de la commission qui a procédé à l'examen du projet, me rallier aux observations faites par l'honorable M. Dupont et à l'amendement présenté par M. le ministre, lequel fait droit à ces observations.
J'ajouterai un seul mol. Si au sein de la commission nous avions pu prévoir que le conseil de discipline d'un barreau belge quelconque avait jamais songé à déclarer incompatibles avec l'inscription au tableau des avocats, les fonctions de professeur d'une université, nous aurions provoqué nous-mêmes la mesure qui vient d'être proposée.
Mais nous avons toujours pensé, ainsi que cela était accepté par le conseil de discipline du barreau de Gand, ainsi que cela est universellement accepté par les conseils de discipline des barreaux français, que (page 268) la qualité de professeur dans une université de l'Etat n'était pas exclusive du droit de figurer sur le tableau des avocats.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Voici l'article 69 nouveau proposé par M. le ministre de la justice.
« Art. 69. Nul ne peut être président ou procureur général s'il n'a trente ans accomplis, s'il n'est docteur en droit et s'il n'a suivi le barreau, occupé des fonctions judiciaires ou enseigné le droit dans une université de l'Etat pendant au moins cinq ans.
« Les conseillers et avocats généraux peuvent être nommés à l'âge de vingt-sept ans accomplis, s'ils réunissent les conditions énumérées ci-dessus.
« Les substituts du procureur général peuvent être nommés lorsqu'ils ont vingt-quatre ans s'ils réunissent les mêmes conditions. »
M. Orts. - Je n'avais pas compris tout à l'heure la portée des modifications introduites par M. le ministre de la justice à l'âge exigé pour les différentes fonctions dont s'occupe l'article 69. Le bruit et la rapidité de la lecture m'en avaient empêché.
J'admets que ces âges soient modifiés. Cela n'a pas une bien grande importance dans notre pays pour les emplois de la magistrature inamovible, puisque les présentations des cours et des conseils provinciaux, d'où le ministre ne peut sortir, sont là pour mettre une barrière à l'esprit de favoritisme s'il pouvait jamais se glisser dans le choix du gouvernement ; mais je demande à M. le ministre de la justice pourquoi il exige un âge supérieur pour les fonctions de président de chambre, alors que le projet de loi met les présidents et les conseillers sur la même ligne, sous ce rapport.
Les présidents de chambre sont choisis par le corps seul indépendamment de toute influence gouvernementale ; leurs fonctions exigent des aptitudes spéciales, qui ne sont pas toujours en raison directe de l'âge. Je ne vois pas pourquoi on établirait une différence entre l'âge nécessaire pour être conseiller et l'âge nécessaire pour être président, alois que cette différence peut enlever au corps la faculté de faire présider ses chambres par le membre le plus apte à le faire.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le gouvernement a rétabli les dispositions actuellement en vigueur.
M. Orts. - Mais non.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Quoi qu'il en soit, je ne vois pas d'inconvénient à fixer l'âge de trente ans pour les présidents de chambre, parce qu'il n'est pas probable qu'un conseiller arrive à être nommé président à cet âge.
D'ailleurs, si les observations de M. Orts sont fondées, on pourra revenir sur l'article au second vote.
- L'article est adopté.
« Art. 70. En exécution de l'article 99 de la Constitution, l'ordre de présentation des conseils provinciaux aux places de conseillers qui deviennent vacantes est réglé de la manière suivante :
« Cour de Bruxelles.
« Le conseil provincial d'Anvers présente à six places, celui du Brabant à onze places, celui du Hainaut à onze places.
« La 1ère présentation appartient à la province de Hainaut, la 2ème à celle de Brabant, la 3ème à celle d'Anvers, les 4ème, 5ème, 6èmr et 7ème alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant, la 8ème à celle d'Anvers, les 9ème, 10ème, 11ème et 12ème alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant, la 13ème à celle d'Anvers, les 14ème, 15ème, 16ème et 17ème alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant, la 18ème à celle d'Anvers, les 19ème, 20ème, 21ème et 22ème alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant, la 23ème à celle d'Anvers, les 24ème, 25ème , 26ème et 27ème alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant et la 28ème à celle d'Anvers.
« Cet ordre sera observé à commencer par la deuxième série des présentations en cours d'exécution. »
M. Carlierµ. - Je demande que le 4ème alinéa de l'article soit remplacé par un alinéa ainsi conçu :
« Cet ordre sera observé dès la promulgation de la présente loi. »
Lorsque la loi nous a été soumise, les présentations qui avaient été faites jusque-là étaient loin d'avoir épuisé l'ordre institué par la loi du 16 juin 1858. Il n'en est plus de même aujourd'hui, et je crois que la loi fonctionnerait d'une façon aussi juste que complète si le roulement établi par l'alinéa en question pouvait commencer à fonctionner dès la promulgation de la loi.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de développer cette idée pour la faire admettre par le gouvernement et par la Chambre,
Le roulement qu'on veut obtenir serait complètement obtenu par l'adoption du paragraphe que je viens de proposer.
Je parle pour ce qui concerne la cour d'appel de Bruxelles.
M. Orts. - Je demanderai à M. Carlier s'il est bien entendu, comme je le pense, que la mesure qu'il propose d'appliquer à l'ordre des présentations à la cour d'appel de Bruxelles sera également appliquée à l'ordre de présentation aux cours de Gand et de Liège.
M. Dupontµ. - Non.
M. Orts. - Il faut régler l'ordre des séries d'après les principes uniformes. On ne peut appliquer un principe pour une cour et un principe différent pour une autre cour. Tous les Belges sont égaux devant la loi ; même les magistrats. La vérité et la justice à Gand ou à Bruxelles doivent être et rester la vérité et la justice à Liège.
M. le président. - Voici l'amendement proposé par M. Carlier :
« Cet ordre sera observé dès la promulgation de la présente loi. »
- Cet amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.
M. Dupontµ. - L'honorable M. Orts vient de dire que si un principe est appliqué à la cour de Bruxelles, il doit l'être également aux cours de Gand et de Liège. Je ne suis nullement de cet avis. Cela dépend des circonstances de fait, variables suivant les localités.
Vous savez que chaque province a droit à un certain nombre de présentations d'après la loi organique de 1832. Si cet ordre de présentations est épuisé, si chacune des provinces a usé complètement de son droit, il est certain qu'on peut alors adopter le système nouveau qui est inauguré par le projet.
Mais si au contraire une province n'a pu faire encore toutes les présentations que la loi de 1832 lui réserve, l'on ne peut venir modifier à son détriment l'ordre de ces présentations tel qu'il est aujourd'hui fixé.
Dans le ressort de la cour d'appel de Gand et dans celui de la cour d'appel de Bruxelles, il est possible que l'adoption immédiate du système introduit par notre article ne conduise à aucun résultat injuste, et ne porte atteinte à aucun droit acquis ; j'ignore ce qui en est à cet égard, cela dépend du point où les cours et les conseils provinciaux sont arrivés dans la série des présentations.
Il n'en est pas de même à Liège. Voici la situation de notre ressort ; sur les 21 sièges de notre cour d'appel, le conseil provincial de Liège présente neuf places, dont quatre sont rejetées à la fin de la série, ce sont les 18ème, 19ème, 20ème et 21ème places. On en est arrivé à la 17ème présentation de la deuxième série commencé depuis 1832.
On propose aujourd'hui de modifier l'ordre des présentations : le vingtième appartiendra à la province de Namur.
La province de Liège, qui a droit à 9 présentations, ne les perd donc pas ; par la mise en vigueur immédiate du nouveau système, elle verra ses droits méconnus. Il faut, pour être équitable, laisser achever la série des présentations dans le ressort de la cour de Liège tel qu'elle a été commencée.
On en est arrivé aujourd'hui à la 17ème place, il faut qu'on aille jusqu'à la 21ème. Alors on pourra recommencer une série nouvelle et l'on pourra suivre les règles proposées par notre article. Si l'on voulait dès maintenant inaugurer ce dernier système, on commettrait une injustice, que certes, il n'est dans les intentions de personne de faire consacrer par la loi.
M. Carlierµ. - En faisant la proposition que j'ai soumise à la Chambre, mon intention n'était pas d'enlever des droits à qui que ce soit, mais, au contraire, d'établir le roulement, au moins pour la cour d'appel de Bruxelles, de façon à maintenir les droits des trois provinces qui ont à proposer des candidats.
Mon honorable ami, M. Dupont, signale à la Chambre les inconvénients qui résulteraient d'une application uniforme aux trois cours d'appel de la Belgique, de la proposition que j'ai eu l'honneur de faire.
Il y aurait, messieurs, un moyen fort simple et parfaitement praticable d'obvier à ces inconvénients ; ce serait de détacher l'article 70 du projet et d'en faire l'objet d'un projet de loi spécial, par lequel ce roulement serait établi pour chaque cour d'appel de manière à ne léser les droits de personne.
Ce moyen, messieurs, n'est pas insolite du tout et je n'aurai pas besoin de vous prier de remonter bien haut dans vos souvenirs pour en trouver la justification.
Il est, messieurs, une autre raison qui doit, ce me semble, engager la Chambre à procéder de la sorte : le projet de loi que nous discutons est très considérable, il contient une infinité d'articles dont la discussion (page 269) peut durer longtemps encore ; le Sénat devra l'examiner à son tour ; peut-être l’amendera-t-il et en rendra-t-il ainsi le renvoi à la Chambre indispensable. Il peut donc se passer un laps de temps assez long avant que le projet de loi soit définitivement adopté.
Quelle que soit la décision de la Chambre sur ma proposition et sur celle que l'honorable M. Dupont paraît disposé à lui soumettre à son tour, il me paraît impossible que ces propositions, si elles sont admises, puissent fonctionner dans un délai tel que leur fonctionnement n'entraîne pas d'inconvénient.
Je pense donc que le gouvernement ferait chose utile et convenable en détachant l'article 70 du projet de loi et en le transformant en un projet de loi spécial qui pourrait être immédiatement voté et mis à exécution.
Je soumets ces réflexions à M. le ministre de la justice et je me persuade qu'il ne fera point difficulté de les adopter.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Carlier ne fait que reproduire une proposition dont il a, je pense, déjà saisi la Chambre l'année dernière. Il est évident, messieurs, qu'il y a dans les situation faite par l'ancienne organisation judiciaire un préjudice porté à certaines provinces dont la population s'est considérablement accrue ; de telle sorte que la proportion créée primitivement entre elles pour la nomination des membres des cours d'appel n'existe plus.
Je suis, messieurs, tout disposé à examiner cette proposition, mais il m'est actuellement impossible d'accepter l'amendement de l'honorable M. Carlier.
En effet, comme l'a fait remarquer l'honorable M. Orts, il faut une règle générale : on ne peut pas faire commencer immédiatement pour un ressort de cours d'appel l'ordre de présentations par les conseils provinciaux tel qu'il est prescrit par l'article 70, et procéder autrement pour les autres cours d'appel.
La proposition de l'honorable M. Dupont me paraît beaucoup plus raisonnable. L'ancien ordre de présentation a créé des droits qu'il faut respecter ; laissons épuiser la série, il ne faudra plus longtemps pour cela et alors on pourra appliquer d'une manière générale le principe de la loi nouvelle.
Il est évident toutefois que s'il y avait pour une cour d'appel une différence trop grande, il ne serait pas juste d'adopter une règle générale qui aurait pour effet de léser des droits incontestables. Je crois, toutefois, qu'il n'en est pas ainsi et que généralement il n'y a plus guère de présentations à faire dans chacune des deux séries.
Je vérifierai ce fait d'ici à demain, et la Chambre alors pourra statuer en connaissance de cause sur l'amendement de l'honorable M. Carlier.
Je crois aussi que la Chambre se ralliera à l'idée de rendre la disposition de l'article 70 immédiatement applicable.
En effet, c'est une des conséquences de la loi sur la mise à la retraite des magistrats. Comme on a dû renouveler beaucoup de sièges vacants, comme des intérêts ont pu être lésés, il importe de rétablir le plus tôt possible la proportion entre les différentes provinces, ce qui ne pourrait pas se faire si l'application de l'article 70 était indéfiniment ajournée.
Je demande donc que l'on diffère jusqu'à demain de voter sur la proposition de l'honorable M. Carlier en même temps que sur l'article 70 auquel elle se rattache.
M. Dupontµ. - Voici l'amendement que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre. Je propose de dire à l'avant-dernier alinéa de l'article 70, où il est question de la cour d'appel de Liège :
« Cet ordre sera observé après l'épuisement de la série de présentations actuellement en cours d'exécution, en vertu de la loi du 4 août 1832. »
En ce qui concerne la province de Liège, ce n'est absolument qu'une affaire de justice ; le nombre de présentations attribuées à cette province reste le même. Il n'y a de modification que quant à la répartition des sièges entre le Limbourg et le Luxembourg.
Seulement la province de Liège ne veut pas que, par la mise à exécution de l'article 70, elle soit exposée à perdre une des neuf places qui lui sont attribuées et auxquelles elle avait droit déjà en vertu de la loi ancienne.
Pour le surplus, messieurs, je me rallie aux observations de M. le ministre de la justice.
- L'amendement est appuyé, il fait partie de la discussion en même temps que celui de M. Carlier.
L'ajournement de l'art. 70 est prononcé.
« Art. 71. Lorsqu'une place de conseiller devient vacante, le premier président, soit d'office, soit sur le réquisitoire du procureur général, convoque une assemblée générale à l'effet de procéder en audience solennelle à la formation de la liste double, prescrite par l'article 99 de la Constitution. »
- Adopté.
« Art. 72. La présentation de chaque candidat a lieu séparément par bulletin secret, et conformément à l'article 224.
« Le procureur général assiste à l'assemblée ; il n'y a pas droit de suffrage.
« Le greffier dresse procès-verbal des opérations de l’assemblée : ce procès-verbal contient les noms des membres qui ont fait partie de l'assemblée, ainsi que celui de l'officier du ministère public qui y a assisté.
« Il est signé tant par le président que par le greffier. »
- Adopté.
« Art. 73. Le procureur général transmet au gouverneur de la province à laquelle appartient la présentation une expédition de la liste.
« Le conseil provincial procède ensuite à la formation de la liste double, dont la présentation lui est attribuée par l'article 99 de la Constitution.
« Expédition de cette liste est adressée par le gouverneur au procureur général près la cour d'appel qui a fait la présentation.
« Les listes sont transmises au ministre de la justice, respectivement par le procureur général et par le gouverneur. »
M. Orts. - Je demanderai à M. le ministre de la justice, s'il verrait un inconvénient à fixer au délai dans lequel, soit le gouvernement par M. le ministre de l'intérieur, soit le gouverneur de son initiative serait tenu de convoquer le conseil provincial pour procéder aux présentations.
Aujourd'hui il se trouve souvent qu'un corps judiciaire reste très longtemps incomplet, après que des présentations ont été faites par le corps judiciaire lui-même, parce que le conseil provincial n'est pas convoqué.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il est possible que cet inconvénient ait existé anciennement ; mais l'honorable M. Orts voudra bien reconnaître que, dans ces derniers temps, il n'en a plus été de même...
M. Orts. - Sans doute.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'ai demandé à mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, de convoquer les conseils provinciaux intéressés, aussitôt que des vacatures se produiraient dans la magistrature.
L'amendement que l'honorable M. Orts a présenté serait acceptable ; seulement il pourrait donner lieu à d'autres inconvénients. Ainsi, je suppose qu'on soit à une très courte distance de la réunion ordinaire des conseils provinciaux. Dans le système de l'amendement de l'honorable M. Orts, il pourrait se faire qu'un conseil provincial dût être convoqué en session extraordinaire huit ou dix jours avant la session ordinaire.
A mon avis, il suffit que la Chambre appelle l'attention du gouvernement sur une pareille situation pour que la convocation des conseils provinciaux se fasse toujours dans le plus bref délai possible.
Je crois donc inutile, au point de vue pratique, d'introduire une modification dans l'article 72.
M. Orts. - Je n'insiste pas.
- L'article 73 est mis aux voix et adopté.
« Art. 74. Quinze jours avant la nomination, les présentations sont rendues publiques par leur insertion dans le Moniteur. »
M. Orts. - Messieurs, je crois qu'on pourrait sans inconvénient supprimer l'article 74 ; il impose une formalité qui est parfaitement inutile ; qui n'est une garantie pour personne et qui, d'autre part, dans maintes circonstances, a forcé les conseils provinciaux à tenir des sessions extraordinaires ; ce qui est toujours un dérangement pour les membres qui les composent, et qui est une charge assez lourde pour les provinces.
L'article 74 porte que quinze jours avant la nomination, les présentations sont rendues publiques par leur insertion au Moniteur. Cette formalité ne sert à rien ; car il n'y a pas de recours possible contre les présentations des cours d'appel et celles des conseils provinciaux ; ces corps sont souverains dans l'exercice de leur droit de présentation.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je suis de l'avis de l'honorable M. Orts, que la formalité indiquée à l'article 74 est inutile ; mais nous ne pouvons la supprimer, en présence de l'article 99 de la Constitution qui porte que toutes les présentations pour la cour de cassation et pour les cours d'appel sont rendues publiques au moins quinze jours avant la nomination.
(page 270) M. Orts. - Je n'insiste pas ; j'avais perdu de vue cette disposition de la Constitution.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il vaut mieux quelquefois l'oublier que de la violer.
- L'article 74 est mis aux voix et adopté.
« Art. 75. Lorsqu'une place de président vient à vaquer, il est procédé à la nomination d'un conseiller d'après le mode ci-dessus prescrit.
« La cour ainsi complétée pourvoit à la vacance conformément l'article 99 de la Constitution, en observant les formalités prescrites par les articles 71 et suivant de la présente loi ; néanmoins, la préférence, dans tous les cas de parité de suffrages, est accordée au membre le premier en rang dans l'ordre du tableau. »
- Adopté.
« Art. 76. Il y a dans chaque cour d'appel un greffier, qui porte le titre de greffier en chef, et est nommé et peut être révoqué par le Roi. »
- Adopté.
« Art. 77. Le greffier en chef est assisté d'un ou de plusieurs commis greffiers, dont le nombre est déterminé par le Roi, selon les besoins du service. »
M. Orts. - Messieurs, l'article 77 reproduit le texte des dispositions antérieures. Le rapport de l'honorable M. Nothomb attire l'attention de M. le ministre de la justice sur le point de savoir si l'on ne pourrait dans cet article supprimer le mot « commis ». Il paraît que les estimables fonctionnaires dont il s'agit sont un peu blessés de cette qualification de commis. Jadis, ils étaient nommés, payés et surveillés par les greffiers ; maintenant il s'agit de fonctionnaires dont la nomination est faite par la cour elle-même à laquelle ils sont attachés. Puisque le chef est appelé greffier en chef, on pourrait appeler les subordonnés, greffiers, sans le moindre inconvénient ; je crois que cela leur ferait plaisir.
Je propose en conséquence de supprimer le mot « commis » dans l'article 77.
- L'article 77, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
« Art. 78. Nul ne peut être nommé greffier en chef d'une cour d'appel, s'il n'est âgé de trente ans accomplis et s'il n'est docteur en droit, ou s'il n'a rempli, pendant dix ans, les fonctions de greffier d'un tribuna1 de première instance ou de commerce, ou de commis greffier d'une cour.
« Nul ne peut être nommé commis greffier d'une cour d'appel, s'il n'a vingt-cinq ans accomplis. »
M. Orts. - Messieurs, comme conséquence de l'amendement qui vient d'être adopté à l’article 77, il y a lieu de supprimer dans l'article 78, au premier et au deuxième paragraphes, le mot « commis » ; il y a lieu également d'ajouter dans le premier paragraphe au mot « greffier », les mots « en chef ».
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je dois faire observer qu'il n'y a pas de greffier en chef pour les tribunaux de première instance et pour les tribunaux de commerce.
Comme conséquence de l'amendement introduit dans l'article 77, il y a lieu de supprimer le mot « commis » dans cette phrase du premier paragraphe « ou de commis-greffier d'une cour. »
M. Dupontµ. - Je croyais que le vote ne portait que sur les amendements déposés par M. le ministre de la justice. Quoique l'article soit adopté, je demande la permission à la Chambre de dire un mot d'une modification que je me proposais d'y demander.
Les fonctions de commis greffier ou de greffier, comme on va les appeler désormais, près d'une cour d'appel, sont aujourd'hui des fonctions extrêmement bien rétribuées. Les greffiers ou commis greffiers font partie de l'ordre judiciaire. Ils ont un traitement de 4,000 francs.
Il me semble, dès lors, qu'on petit exiger des candidats, pour être aptes à remplir ces fonctions, d'autres conditions que celles qu'indique l'article 78. Je voulais demander à la Chambre d'ajouter au paragraphe 2 de l'article 78, une partie finale ainsi conçue :
« Nul ne peut être nommé greffier d'une cour d'appel, s'il n'a vingt et un ans accomplis, s'il n'est pas docteur en droit ou s'il n'a rempli pendant cinq ans les fonctions de greffier d'une justice de paix ou de commis-greffier près d'un tribunal de première instance. »
Ce sont les mêmes conditions, seulement à une échelle moindre, que celles qui sont exigées par le paragraphe premier de l'article 78 pour les aspirants aux fonctions de greffier.
Je crois, et j'insiste sur ce point, qu'il s'agit de fonctions assez importantes et présentant assez d'avantages pour qu'on puisse exiger ces conditions.
En Allemagne, les fondions analogues sont remplies souvent par des jeunes gens qui désirent entrer dans la magistrature ; et à coup sûr, on peut considérer les fonctions de commis greffier près des cours d'appel si elles étaient bien comprises, comme formant un stage très sérieux.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il me serait impossible de me prononcer maintenant sur l'amendement de l'honorable M. Dupont. Voici une objection qui se présente tout d'abord. Souvent les personnes qui sont nommées greffiers d'une cour, ont fait un stage au greffe de cette cour. Or, vous trouvez difficilement, pour faire ce stage comme greffiers surnuméraires, des docteurs en droit, et vous trouverez plus difficilement encore des greffiers de justice de paix ou d'un tribunal, qui viendront, à leurs moments perdus, étudier le greffe de la cour.
Il y a très souvent, parmi les employés des cours, des personnes qui sont à même de remplir ces fonctions, et qui, après une longue pratique du greffe, après des services nombreux qu'elles auraient rendus, seraient complètement privées d'avancement ; vous n'auriez plus alors dans les greffes que des commis sans aucune espèce d'avenir et ne pouvant prétendre absolument à rien.
C'est là un inconvénient que je signale. Est-ce le seul ? Je n'en sais rien. C'est pourquoi je demande à la Chambre de me donner un peu de temps avant de me prononcer sur cette proposition.
M. Orts. - Au moins, il ne faudrait pas d'effet rétroactif.
M. Dupontµ. - Je me rallie complètement aux observations qui viennent d'être présentées par M. le ministre de la justice.
Messieurs, ces fonctionnaires ont en général un titre spécial ; on leur donne le nom de commis greffier surnuméraire et nous pourrions ajouter cette indication à l'article 78, tel que je propose de le rédiger.
- L'examen de l'amendement de M. Dupont est remis à demain.
« Art. 79. Les commis greffiers sont nommés par la cour à laquelle ils sont attachés, sur une liste triple de candidats présentée par le greffier en chef.
« Ils peuvent être révoqués par la cour qui les a nommés. »
M. le président. - Le mot « commis » doit disparaître par suite du vote que la Chambre vient d'émettre.
M. Dupontµ. - Toujours au point de vue auquel je viens de me placer, je ne puis m'empêcher de trouver exorbitant le mode de nomination des greffiers des cours d'appel. A mon avis, ces greffiers devraient être nommés sur la présentation de la cour, si on le veut, mais ils devraient être nommés et révoqués par le Roi. Je crois, encore une fois, qu'il s'agit de fonctions assez importantes pour qu'elles soient conférées par un arrêté royal.
Dans l'état actuel des choses, il dépendrait du greffier d'exclure les candidats qui ont cependant le plus d'aptitude et ont le plus de titres et d'empêcher la cour de les nommer. C'est pour éviter cet inconvénient que je propose de dire :
« Les greffiers sont nommés par le Roi sur une liste triple de candidats présentée par la cour.
« Ils sont révoqués par le Roi. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne comprends pas l'utilité de cette complication d'une présentation par la cour. Il faudrait, comme pour les conseillers, les présidents et les vice-présidents, une réunion solennelle de la cour pour présenter à une place de greffier, et le gouvernement devrait délibérer ensuite. Je trouve que c'est beaucoup trop.
Si le principe de la proposition de l'honorable M. Dupont devait être admis, il vaudrait peut-être mieux laisser au gouvernement le droit de nommer sur la présentation du greffier en chef. Je crois que le greffier en chef a un intérêt direct dans ces sortes de nomination. Il est responsable, je pense, du travail de ses subordonnés. S'il est responsable, avez-vous le droit, sans le consulter, de lui imposer un employé au choix duquel il n'a pas concouru ? C'est un point à examiner.
Au surplus, je le répète, je crois que ce serait donner trop de solennité à ces nominations que d'exiger des présentations de candidats par la cour. Si l'on ne veut pas de la nomination par la cour, je crois qu'il faut adopter le système de la nomination par le gouvernement.
Je demande donc que l'examen de cette question soit réservé, comme celui de la proposition qu'a faite tout à l'heure M. Dupont.
- L'amendement sera imprimé et distribué. La discussion est remise à demain.
M. Orts. - La proposition de M. Dupont me semble rencontrer une objection sérieuse. M. le ministre de la justice vient de dire qu'il supposait, sans en être certain, que le greffier encourait une responsabilité pécuniaire du chef des actes des commis greffiers. La supposition (page 271) de M. le ministre est une vérité incontestable, consacrée par deux articles de loi ; l'article. 59 du décret du 6 juillet 1810 et l'article 27 du décret du 18 août de la même année, que je ne crois pas abrogés.
Ces deux articles portent en substance que le greffier est responsable des amendes et des peines pécuniaires pour les fautes dont les commis greffiers se rendront coupables dans l'exercice de leurs fonctions, sauf son recours contre eux ainsi que de droit.
Il serait, ce me semble, dangereux d'enlever le droit de présentation à un fonctionnaire responsable des actes de ceux qu'il s'agit de nommer.
- L'article est adopté.
« Art. 80. La cour de Bruxelles est divisée en quatre chambres ; trois de ces chambres connaissent des affaires civiles ; la quatrième connaît des affaires correctionnelles.
« La cour de Gand est divisée en deux chambres ; la première connaît des affaires civiles ; la seconde, des affaires correctionnelles.
« La cour de Liége est divisée en trois chambres ; deux connaissent des affaires civiles ; la troisième, des affaires correctionnelles.
« Le règlement de service de chaque cour indique celle des chambres qui remplit les fonctions de chambre des mises en accusation.
- Adopté.
« Art. 81. Les chambres correctionnelles peuvent s'occuper des affaires civiles réputées sommaires qui leur sont envoyées parle premier président. »
M. Orts. - Messieurs, je propose la suppression des mots : « réputées sommaires. » L'idée a été, lorsque les lois antérieures ont introduit la même faculté, de faire juger par les chambres correctionnelles quand elles en avaient le loisir, les affaires civiles susceptibles d'être traitées en très peu de temps, durant une fraction d'audience, par exemple, et sans qu'on soit obligé de reporter des continuations à une audience postérieure.
A cette époque, affaire sommaire et affaire de mince importance étaient peut-être des synonymes. Mais la loi comprend dans la dénomination d'affaires sommaires par sa définition, une foule d'affaires qui présentent de grandes difficultés d'examen et de décision.
Toutes les affaires commerciales parfois si graves aujourd'hui, toutes les entreprises de travaux publics, toutes les affaires de contrefaçon en matière de brevets, sont déclarées sommaires par la loi. A mon avis, il faudrait laisser au premier président, qui connaît les affaires attribuées à sa cour, le droit de choisir les petites affaires, qu'elles soient réputées sommaires ou qu'elles ne le soient pas. La distinction entre ces affaires appelées sommaires et celles que l'on nomme ordinaires est une pure question de taxe de dépens et nullement une question d'importance.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je me rallie à la proposition de M. Orts.
- L'article, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
« Art. 82. Les chambres civiles sont composées de sept conseillers, y compris le président, d'un avocat général et d'un commis greffier.
« Les chambres correctionnelles sont composées de six conseillers, y compris le président, d'un avocat général et d'un commis greffier. »
M. Orts. - Il faut supprimer le mot « commis ».
- L'article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 83. Lorsque le besoin momentané du service l'exige, la cour d'appel constitue une chambre temporaire composée des conseillers qu'elle désigne. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, le projet de loi supprime le droit, pour le gouvernement, de faire réclamer par le procureur général la constitution d'une chambre temporaire, lorsque les besoins du service l'exigent. Je ne me rends pas compte des motifs de cette suppression. Je ne crois pas qu'il doive appartenir seulement à la cour d'obvier aux inconvénients résultant d'un surcroît d'affaires ; il me semble qu'au besoin elle doit pouvoir être forcée à le faire par le gouvernement sur un réquisitoire du procureur général et qu'il faut en revenir aux dispositions de l'ancienne loi d'organisation.
L'article devrait donc être rédigé de la manière suivante :
« Lorsque le besoin momentané du service l'exige, la cour d'appel, soit d'office soit sur le réquisitoire du procureur général, constitue une chambre temporaire, composée des conseillers qu'elle désigne. »
M. Orts. - Je ne vois pas d'inconvénient à adopter cette modification, mais je dois dire que le changement contre lequel M. le ministre de la justice s'élève avait été introduit dans le projet par le gouvernement lui-même. La commission ne s'est pas montrée plus gouvernementale que le gouvernement. Voilà son seul tort, si elle en a un.
- L'article est adopté avec la modification proposée par M. le ministre de la justice.
« Art. 84. Les cours d'appel ne peuvent juger qu'au nombre fixe de cinq conseillers, y compris le président. »
- Adopté.
« Art. 85. Les audiences solennelles pour connaître des affaires renvoyées après cassation se composent :
« Pour la cour de Bruxelles, de la première chambre à laquelle s'adjoint alternativement la deuxième et la troisième chambre ;
« Pour la cour de Gand, des deux chambres composant cette cour ;
« Et pour la cour de Liège, des deux chambres civiles.
« Elles sont présidées par le premier président et ne peuvent juger qu'au nombre fixe de onze membres, y compris le président. »
- Adopté.
« Art. 86. Le procureur général près de chaque cour est tenu d'adresser chaque année, au ministre de la justice, un état renfermant tous les renseignements indiqués à l'art. 33.
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.