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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 13 novembre 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 125) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Saint-Gilles demandent le prompt achèvement des travaux de la nouvelle gare du Midi, à Bruxelles. »

« Même demande d'habitants de Bruxelles. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Le conseil communal de Recogne prie la Chambre d'accorder à la compagnie Fo-cade la garantie d'un minimum d'intérêt sur une somme proportionnée à l'importance des lignes qu'elle aurait à construire et d'accueillir favorablement toute demande de suppression des voies les moins utiles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Cappellen protestent contre les propositions de la commission militaire et demandent que le gouvernement soit invité à présenter un projet de loi qui abolisse le tirage au sort pour la milice. »

« Même demande d'habitants d'Edegem, de Reeth. »

- Même renvoi.


« Dos officiers pensionnés prient la Chambre de statuer sur leur pétition ayant pour objet une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Thirion et Delcour, président et secrétaire du comité des pharmaciens de la province de Liège, prient la Chambre de s'occuper du projet de loi concernant la police et la discipline médicales. »

M. Lelièvreµ. - Messieurs, cette pétition ayant un caractère d'urgence, je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Gosselies demandent la révision de la loi du 23 septembre 1842 sur l'enseignement primaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'Iseghem prient la Chambre de rejeter tout projet qui augmenterait les dépenses pour l'armée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation de l'armée.


« Les sieurs Wauters et Montegremor, président et secrétaire de la commission du Burgers Verbond, établi à Saint-Willebrord, 5ème section d'Anvers, prient la Chambre de rejeter le projet de loi sur l'organisation militaire. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruges qui ont assisté au meeting tenu en cette ville le 3 novembre protestent contre des assertions émises dans la séance du 3 de ce mois et d'après lesquelles le meeting aurait été le théâtre d'une atteinte à la liberté de réunion. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Interpellation

M. Thibautµ. - Messieurs, dans la plupart des communes du royaume, on s'occupe très sérieusement, quoique avec un profond ennui, du recensement général de la population, de l'agriculture, du commerce et de l'industrie, à la date du 31 décembre 1866. M. le ministre de l'intérieur a donné à ce travail des proportions immenses ; il a consenti à laisser un libre cours a la curiosité souvent exagérée de quelques savants et au besoin qu'ils éprouvent de ranger sous des chiffres tous les faits, même les plus insaisissables, les plus insignifiants, les plus rebelles à se plier aux exigences de cette science nouvelle, qu'on appelle la statistique. Aussi, messieurs, les résultats auxquels on aboutira, je n'hésite pas à le déclarer, auront une très mince valeur ; les résultats sérieux et utiles seront ensevelis sous une montagne de renseignements faux, erronés et sans portée pratique.

Je ne viens pas, cependant, engager M. le ministre de l'intérieur à revenir sur les déclarations qu'il a faites au Sénat dans la session dernière ; je lui laisse entièrement le soin de décider si, averti par une plus longue expérience, sachant mieux chaque jour combien de difficultés sans profit rencontre la vaste opération dans laquelle il s'est laissé entraîner par la commission de statistique, obligé de reconnaître l'impossibilité de terminer ce travail avec succès, il ne doit pas se décider à le simplifier et à le réduire à des proportions raisonnables.

Ce n'est donc pas sur ce point que j'ai désiré interpeller M. le ministre de l'intérieur, mais je demande qui payera les frais du recensement ? La législature a voté un crédit de 585,000 francs ; il est évidemment insuffisant ; le recensement exigera, je le crains, une dépense supérieure à deux millions et demi ; qui les payera ? Dans le rapport de la commission sur le crédit de 585,000 francs dont je viens de parler, je trouve un passage, que je me permettrai de lire à la Chambre. Après avoir dit que le devis consacrait aux agents chargés du dépouillement des bulletins une indemnité de 4 centimes par habitant, tandis qu'en 1846 on avait accordé 6 centimes, le rapporteur ajoute :

« Les administrations communales étant appelées à intervenir d'une manière beaucoup plus large dans l'exécution du dénombrement de 1866, et étant au moins aussi intéressées que le gouvernement à obtenir des résultats exacts, il est permis d'espérer que si cette rémunération semblait insuffisante dans certaines localités, les communes s'imposeraient un léger sacrifiée pour ne pas faire peser de trop lourdes charges sur le trésor public. »

Il est bien constaté aujourd'hui, messieurs, que les agents du recensement ne sont pas suffisamment rétribués. Nulle part ils ne consentent à continuer leur travail que moyennant la promesse d'un salaire plus élevé que celui dont je viens d'entretenir la Chambre. Je demande ce que fera le gouvernement.

Se croit-il en droit d'exiger des communes, pour un travail qui ne les intéresse pas et dont elles connaissant tous les défauts, un sacrifice très considérable ? Des renseignements dont je ne puis suspecter la source l'évaluent à 2 francs par maison habitée. On bien le gouvernement a-t-il l'intention de demander à la Chambre un crédit suffisant pour payer toute la dépense ?

Il est urgent de connaître la pensée du gouvernement. Le travail continue avec certaines difficultés, certaines hésitations dans bien des communes.

Quelques conseils communaux portent au budget pour 1868 une somme destinée à rémunérer ces agents du recensement ; d'autres refusent et les agents ne veulent plus travailler. Il faut qu'on sache à quoi s'en tenir. J'espère que M. le ministre de l'intérieur s'expliquera catégoriquement.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, l'honorable M. Thibaut me demande qui payera les frais du recensement. La réponse à cette question est facile.

Ces frais seront payés sur des crédits votés par la législature ; si ces crédits mis à la disposition du département de l'intérieur étaient insuffisants dans certaines localités, je n'hésite pas à croire que les communes consentiraient à faire un léger sacrifice pour indemniser convenablement les agents du recensement.

(page 126) Pouvez-vous les y forcer ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable membre me demande si je puis les y forcer. Je crois que cela ne sera pas nécessaire. Les secrétaires communaux, j'en suis convaincu, exécuteront avec dévouement les instructions que leur donneront les bourgmestres et feront avec zèle le travail qui est prescrit par une loi.

Du reste, il ne faut pas que l'on croie que le subside accordé aux agents en province soit minime. Sur le crédit global de 585,000 fr., mis à la disposition du département de l'intérieur, une somme de 400,000 fr. est destinée à rémunérer les employés en province, et sur cette somme de 400,000 fr., 350,000 fr. au moins seront distribués aux agents communaux. Or, cette somme de 330,000 fr. représente à peu près le tiers du traitement de tous les secrétaires communaux du royaume.

II y a donc là une rémunération d'une certaine importance.

Je ne veux pas soutenir que cette rémunération sera complètement suffisante partout, mais, je le répète, les communes voudront bien, je l'espère, faire quelque chose dans les cas particuliers où il y aurait insuffisance de subside de la part de l'Etat ; car, l'opération entreprise avec le concours des Chambres est d'une utilité incontestable pour tous.

S'il était démontré que le crédit de 585,000 fr. est insuffisant, je n'hésiterais pas à demander à la Chambre un crédit supplémentaire, mais ce dernier crédit serait minime en tous cas. Il serait loin, comme le dit l'honorable membre, de s'élever à deux millions, car il n'aurait pour objet que de couvrir quelques dépenses qu'il n'a pas été possible de prévoir.

Maintenant, quant à l'opération du recensement, opération que l'on exécute avec ennui, d'après l'honorable membre, c'est là, je l'avoue, un travail peu récréatif ; mais on ne peut nier que c'est un travail d'une utilité considérable. Tout ce que je demande, quant à présent, à la Chambre, c'est de vouloir bien ne rien préjuger, mais d'attendre que le travail soit terminé pour l'apprécier. J'attends ce moment avec confiance, car je reçois de tous côtés les assurances les plus positives que le recensement pourra être mené à bonne fin. quelque difficile qu'il soit.

Je nourris donc l'espoir qu'on aboutira, et j'ajoute que si l'on parvient à mener à bien ce travail, le plus complet qui aura été fait, non seulement en Belgique, mais peut-être même dans les pays voisins, ce sera encore une œuvre qui fera honneur à notre pays.

Je prie donc la Chambre de ne pas se prononcer encore sur le mérite de ce travail, et d'attendre. Elle n'attendra pas longtemps, car on me promet que le recensement de la population sera terminé au commencement de l'année 1868, et que le recensement de l'agriculture et de l'industrie sera terminé avant la fin de l'année prochaine. La Chambre pourra alors se prononcer en connaissance de cause.

J'aime à croire que ces explications seront de nature à satisfaire l'honorable député de Dinant.

M. Thibautµ. - Il ne faut pas que l'honorable ministre de l'intérieur se fasse illusion ; et c'est une illusion d'attendre et d'espérer le recensement de la population du royaume pour le commencement de l'année 1868. Mes renseignements à cet égard ne concordent nullement avec ceux de l'honorable ministre. Dans une foule de communes de diverses provinces et même de la province de Brabant, le travail est arrêté et pourquoi ? Parce que les agents chargés du recensement trouvent que la rémunération promise par le gouvernement est insuffisante et les communes se refusent, de leur côté, à voter des allocations extraordinaires pour cet objet.

Voilà quelle est la situation. Dans un certain nombre de communes, je le répète, on ne fait plus rien et probablement on ne fera rien jusqu'au moment où le gouvernement aura pris l'engagement de demander à la législature les crédits nécessaires pour rémunérer convenablement les agents chargés du recensement.

Quand au travail en lui-même, je crois que M. le ministre se hâte trop de le proclamer le plus beau qu'on puisse entreprendre, non seulement en Belgique, mais même en Europe et ailleurs.

Il est évident, pour tous ceux qui ont examiné sérieusement les bulletins, que la plupart des renseignements demandés ce pourront être fournis que d'une manière inexacte. Je l'affirme en ce qui concerne la statistique agricole.

Quelles conséquences pourrez-vous, dès lors, en tirer ? Vous aurez des chiffres, mais des chiffres sans portée, sans valeur et sur lesquels vous n'oserez pas même, dans l'avenir, vous appuyer sérieusement.

Je ne parlerai pas des statistiques commerciales et industrielles que je connais moins, mais je n'hésite pas à dire que la statistique agricole, sera complètement inexacte.

La réponse de l'honorable ministre de l'intérieur ne peut donc me satisfaire ; j'aurais désiré notamment qu'il eût pris l'engagement de payer les gens qui travaillent pour le gouvernement, au lieu de rejeter sur les communes une partie de la dépense.

Au reste, je ne sais quel moyen l'honorable ministre pourra employer pour obliger les communes à intervenir par des subsides.

Quant au recensement, au lieu d'en faire un pompeux éloge, j'aurais désiré que l'honorable ministre en eût reconnu les côtés faibles et se fût montré disposé à donner des instructions pour simplifier le travail.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - J'ai oublié tantôt de dire qu'il reste encore, sur les crédits votés, des sommes disponibles. On n'a mis jusqu'ici à la disposition des gouverneurs qu'une somme de 189,000 fr. pour payer les agents en province et cette somme n'est pas complètement employée ; il reste encore disponible une somme de 211,000 fr. qui sera mise à la disposition de MM. les gouverneurs en temps opportun.

M. Coomans. - Il faudra aussi de l'argent pour imprimer le volume.

M. Wasseige - Je désire ajouter un mot aux observations présentées par l'honorable M. Thibaut.

Il ne suffit pas, pour faire continuer le travail et engager les agents communaux à s'y livrer plus activement, qu'il y ait encore de l'argent disponible, il faut que ces agents le sachent et surtout que leur salaire soit augmenté.

L'indemnité est aujourd'hui fixée par article, c'est cette indemnité qu'il faut augmenter parce qu'elle est réellement insuffisante ; cela devrait être fait immédiatement et par circulaire ministérielle, sans cela, la situation décrite par l'honorable M. Thibaut ne s'améliorera pas, quelle que soit la somme qui reste encore disponible au département de l'intérieur, pour payer les dépenses occasionnées par le recensement général.

- L'incident est clos.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1868

Discussion générale

M. Lelièvreµ. - A l'occasion du budget en discussion, je proposerai quelques observations que je recommande à l'attention du gouvernement.

La mise en vigueur du nouveau code pénal rend indispensable la révision du code d'instruction criminelle de 1808. Diverses dispositions de ce code doivent être mises en harmonie avec la nouvelle législation. Mais en attendant que cette œuvre, qui exige un travail long et approfondi, puisse être achevée, il est nécessaire d'édicter certaines prescriptions essentielles pour la marche de la procédure en matière répressive.

Les peines de simple police ont été élevées par le code pénal jusqu'à sept jours d'emprisonnement et vingt-cinq francs d’amende. En cas de récidive, ces pénalités peuvent même quelquefois être dépassées.

Il est donc nécessaire de modifier les articles 137 et 138 du code d'instruction criminelle, non moins que l'article 179 du même code.

Ce changement est indispensable, non seulement à l'effet d'attribuer aux juges de paix la connaissance des contraventions prévues par le nouveau code pénal, mais aussi pour leur conférer le droit de statuer à l'égard de tous faits prévus par des lois particulières et contre lesquels sont comminées des peines qui n'excèdent pas celles de simple police dans les limites de la loi nouvelle.

C'est ainsi qu'en matière forestière, quand il s'agit des bois des particuliers, le juge de paix ne peut connaître que des faits punis d'un emprisonnement qui n'excède pas cinq jours et d'une amende qui ne dépasse pas quinze francs. Il faut une loi nouvelle pour élever la compétence des tribunaux de simple police jusqu'à sept jours d'emprisonnement et vingt-cinq francs d'amende. Un projet de loi conçu d'une manière générale est donc indispensable pour déférer aux juges de paix le droit de statuer sur tous faits quelconques qui, au point de vue des pénalités dont ils sont l'objet, ne sont pas réprimés au delà des limites établies par le nouveau code, en ce qui concerne les contraventions de police.

Ce n'est pas tout. On sait qu'aux termes des articles 1er et 2 de la loi (page 127) du 1er mai 1849, le juge de paix a le droit de prononcer contre certains faits la peine de huit jours d'emprisonnement et deux cents francs d'amende.

Ces dispositions n'ont pas été abrogées par la loi d'octobre 1867. Cependant elles ne sont plus en harmonie avec le nouveau code, et les pénalités qu'elles édictent excèdent celles de simple police. A mon avis, il y a lieu de faire disparaître l'anomalie existante à cet égard, et j'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de la justice.

Le nouveau code pénal exige aussi qu'il soit apporté quelques modifications aux règles concernant la prescription telle qu'elle est réglée par le code d'instruction criminelle.

C'est ainsi que les peines en matière de contravention de simple police se prescrivent aujourd'hui par un an (article 95 du code pénal).

Or, cet état de choses doit avoir pour conséquence de modifier l'article 640 du code d'instruction criminelle qui fixait à une année la prescription de l'action du chef de contravention de police, tandis que sous l'empire du même code l'on exigeait deux années pour la prescription de la peine.

Or, la réduction du terme de la prescription, relativement à la peine, doit nécessairement faire réduire le délai en ce qui concerne l'action.

Il peut aussi s'élever à cet égard de graves difficultés en ce qui concerne les délits ruraux. Ces faits, aux termes de la loi de 1791, se prescrivaient par un mois. En sera-t-il de même relativement aux délits de cette nature qui ont été compris dans le code pénal lors de sa révision et que ce code a considérés comme contraventions de police ?

Ce sont là des questions que je crois devoir signaler au gouvernement.

J'ai vu avec satisfaction que l'on continuait le travail concernant un nouveau code rural. A cette occasion, je rappellerai la nécessité de dispositions réglementaires relatives au glanage.

C'est là une matière qui est digne de la sollicitude du gouvernement comme intéressant l'agriculture et le droit de propriété.

Enfin, je pense qu'en présence de l'extension de la compétence des juges de paix, résultant de la nouvelle législation et de la faculté accordée aux chambres du conseil de renvoyer la connaissance de certains délits aux tribunaux de simple police, il est indispensable d'établir près ces juridictions des magistrats remplissant les fonctions du ministère public, magistrats qui auraient le droit d'interjeter appel des décisions rendues par les juges de paix en matière répressive.

Les fonctions des tribunaux de simple police ayant acquis une importance incontestable, il importe que les intérêts de la société soient représentés par des hommes capables initiés à la science du droit et de la législation. Du reste, souvent les procureurs du roi n'ont qu'une connaissance tardive des décisions rendues, et il arrive qu'ils ne sont plus en temps utile pour interjeter appel. Il est, du reste, à remarquer que la besogne étant augmentée notablement, il est tout naturel que les personnes qui consacrent leur temps et leurs peines, dans l'intérêt public, à suivre les actions portées devant les tribunaux de simple police, reçoivent une rémunération convenable.

Telles sont les considérations qui me paraissent de nature à mériter l'examen du gouvernement.

M. Thonissenµ. - La discussion générale du budget de la justice me fournit l'occasion d'appeler l'attention de M. le ministre sur quelques objets qui me semblent dignes d'être signalés à sa sollicitude.

M. le ministre a institué, il y a quelques mois, une commission chargée de la révision du code de procédure civile. Je voudrais que cette commission, composée d'hommes capables et expérimentés, fût également chargée de la révision de la procédure de cassation, qui ne figure pas dans le code de procédure civile.

Les lois qui règlent la procédure devant la cour suprême appartiennent à tous les régimes qui ont précédé notre époque. La plus ancienne remonte à 1667, la dernière date de 1866.

Le décret du décembre 1790, qui supprima l'ancien Conseil des parties et institua le tribunal de cassation, porte, dans son article 28 : « Provisoirement et jusqu'à ce qu'il en ait été autrement statué, le règlement qui fixait la forme de procéder au Conseil des parties sera exécuté au tribunal de cassation, à l'exception des points auxquels il est dérogé par le présent décret. »

Cette prolongation provisoire de l'ancienne procédure, en ce qui concerne les pourvois civils, dura jusqu'en 1815. Le 15 mars de cette année, le prince-souverain des Pays-Bas promulgua un règlement organique de la procédure de cassation ; mais cette œuvre de Guillaume Ier était loin d'être complète. Elle laissait en dehors de ses dispositions tout ce qui s'écarte des prévisions ordinaires, et notamment tous les incidents de procédure. Aussi son article 60 ajoute-t-il : « Dans tous les cas non prévus par le présent règlement, on suivra les lois qui étaient en vigueur à l'époque de l'occupation de la Belgique, notamment le règlement de 1737. » Après vingt-cinq années d'attente, c'était donc encore du provisoire !

Dix sept ans plus tard, à la suite de la révolution de Septembre, parut la loi du 4 août 1832 sur l'organisation judiciaire. Or, l'article 58 de cette loi porte à son tour : «... Provisoirement et jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu, l'arrêté du 15 mars 1815 sera suivi dans toutes ses dispositions non contraires à cette loi. »

Ainsi, messieurs, du provisoire en 1790, du provisoire en 1815, du provisoire en 1832. Il est temps, me semble-t-il, de faire du définitif en 1867.

Nous sommes, en effet, en présence d'une singulière anomalie. Les lois, les règlements et les coutumes de l'ancien régime ont complètement disparu pour les cours d'appel, les tribunaux de première instance et les justices de paix. L'article 1041 du code de procédure civile s'exprime à cet égard de la manière la plus formelle. Au contraire, pour la cour suprême, dont la mission est si haute, dont l'influence est si grande et si salutaire, une partie de l'ancienne législation est toujours en vigueur.

Je désire cependant qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions. Je ne prétends pas que notre procédure de cassation laisse immensément à désirer. Je sais que bien des lacunes ont été comblées par la jurisprudence de la cour et par les usages établis. J'avoue même que cette procédure, comparée à la procédure ordinaire, est expéditive et peu compliquée. Mais je soutiens qu'elle se compose de lambeaux épars qu'elle n'est pas parfaite, et je crois surtout qu'il est indispensable de modifier la règle qui, en thèse générale, refuse au pourvoi en matière civile tout effet suspensif sur l'exécution du jugement ou de l'arrêt contre lequel il est dirigé. Cette règle présente, en pratique, des inconvénients tellement graves qu'on peut, à bon droit, s'étonner de la rencontrer encore dans la législation nationale. Un homme insolvable, un étranger même, qui a obtenu contre moi un arrêt en dernier ressort, peut me contraindre à payer, nonobstant mon pourvoi, et si plus tard l'arrêt est cassé, si les décisions subséquentes me sont favorables, je suis irrévocablement dépouillé d'une partie de ma fortune. Autre exemple. Un arrêt de cour d'appel rejette une opposition à un mariage. L'arrêt est frappé d'un pourvoi. Ce pourvoi n'empêche pas la célébration du mariage, et si, plus tard, l'auteur du pourvoi obtient gain de, cause, le mariage n'en est pas moins célébré et consommé.

Cette situation, messieurs, ne saurait durer. Un jeune jurisconsulte qui a fait de la procédure de cassation l'objet d'un livre justement estimé, M. Scheyven, dit à ce sujet avec beaucoup de raison :

« Une loi qui produit de pareils abus est une loi jugée : elle est mauvaise ! Se peut-il que, sous prétexte du respect qui est dû à la chose jugée, il soit porté une atteinte plus directe à la dignité de la justice ! La cour de cassation n'existe pas seulement dans l'intérêt exclusif de la science et des principes purs ; sa mission est de protéger les citoyens contre les violations de la loi commises par les jugements et arrêts rendus en dernier ressort. C'est pour maintenir cette mission élevée et pour ne pas laisser s'amoindrir l'utilité sociale de la cour suprême qu'une réforme est ici nécessaire. »

En Hollande, le pourvoi en cassation, en ce qui concerne son effet suspensif, a été complètement assimilé à l'appel. L'arrêt attaqué ne peut être exécuté que lorsque le juge en a ordonné l'exécution provisoire par une décision formelle. C'est peut-être aller un peu loin, mais ce n'en est pas moins un progrès sur l'état actuel des choses.

En recommandant spécialement à la Commission, qu'il a instituée, la révision de la procédure de cassation, M. le ministre rendrait, à mon avis, un véritable service au pays.

Voici un autre point sur lequel je me permets d'appeler également l'attention de l'honorable ministre.

Le code pénal belge vient d'être mis en vigueur. Quelques magistrats le trouvent un peu compliqué, un peu surchargé de distinctions ; en un mot, un peu trop scientifique. Je suis persuadé que ces plaintes ne tarderont pas à disparaître, aussitôt que ceux qui sont chargés de l'appliquer auront réussi à dégager complètement leur esprit des formules de la législation antérieure. Je l'ai déjà dit : le code belge, comparé au code de 1810, constitue un grand et incontestable progrès.

Mais il se peut qu'on rencontre plus tard des difficultés d'un autre (page 128) genre, auxquelles on n'a pas encore songé, et peut-être serait-il convenable et utile de les prévenir par la voie législative.

J'ai cru remarquer que plusieurs articles du code civil ne sont plus en harmonie avec le texte du nouveau code pénal.

En effet, dans plusieurs de ses articles, le code civil se réfère au code pénal français, et les dispositions de ce code ne sont pas toujours les mêmes que celles qui figurent dans le Code belge de 1867.

Aux termes de l'article 232 du code civil, la condamnation de l'un des époux à une peine infamante constitue pour l'autre époux une cause de divorce. Or, aujourd'hui il n'y a plus de peine infamante ! Que devient alors l'article 232 du code civil ? On peut répondre, il est vrai, que, dans le sens de l'article 232, les mots « peine infamante » veulent dire « peine criminelle », puisque, suivant le code pénal français, toutes les peines infamantes étaient des peines criminelles Mais cette réponse ne lève pas toutes les difficulté, puisque le code belge renferme des peines criminelles qui ne figuraient pas dans le code français. Faudra-t-il dire, par exemple, que. toute condamnation à une peine criminelle, même à une détention de cinq ans, encourue pour un fait politique, sera une cause de divorce ? Y a-t-il, dans une telle condamnation, une infamie suffisante pour autoriser la femme du condamné à réclamer le divorce ? Cela pourrait être légal, mais cela serait évidemment trop rigoureux.

Une difficulté analogue se présente pour l'article 443 du code civil, suivant lequel tonte condamnation à une peine afflictive ou infamante emporte de plein droit l'exclusion de la tutelle. Cette disposition se trouvait en parfaite harmonie, d'un côté, avec les articles du code civil concernant la mort civile, de l'autre, avec l'article 28 du code pénal de 1810, suivant lesquels toute condamnation à une peine criminelle emportait de plein droit la perte du droit de tutelle. Aujourd'hui, au contraire, que l'interdiction de tout droit de tutelle n'est plus attachée à toute condamnation criminelle, ne faut-il pas faire un changement de rédaction à l'article 443 du code civil ? Ne faut-il pas le mettre en rapport avec le système nouveau des articles 31 et suivants du code pénal actuel ?

Même difficulté encore pour l'article 221 du code civil, suivant lequel la femme de l'individu condamné à une peine afflictive ou infamante ne peut ester en jugement, ni contracter, sans la permission du juge qui, dans ce cas, a le pouvoir de donner l'autorisation, sans que le mari ait été appelé ou entendu.

Ici encore on peut dire qu'il suffit de prendre les mots « peine infamante » dans le sens de « peine criminelle ». Mais cette réponse ne fera pas disparaître tous les doutes. Sur quoi se fonde l’incapacité de l’article 221 du code civil ? L’idée qui se présente naturellement à l’esprit, et qui a été accueillie par les meilleurs auteurs, c’est que cette incapacit est la conséquence de l’interdiction légale. Or, il peut y avoir peine criminelle, dans qu’il y ait interdiction légale ; En outre, dans les discussions du nouveau Code pénal, plusieurs orateurs, notamment MM. Faider et d’Anethan, ont déclaré que l’interdiction légale, telle qu’elle figure dans le code pénal, n’atteint pas le condamné dans ses droits de puissance paternelle et maritale. Et qu’est-ce que l’autorisatio nmaritale, sinon l’un des principaux attributions de la puissance maritale ? Faut-il en conclure que l’article 221 du code civil est aujourd’hui abrogé ? Je crois que telle n’a pas été l’intention des auteurs du nouveau code pénal. Mais alors le texte de l’article 221 du code civil devra être modifié.

Je ne veux pas, messieurs, pousser cette énumération trop loin, Je pourrais le faire cependant, et vous prouver qu'il en est de même pour les articles 420, 421, 424, 446, 451, 452, 459, 470 du code civil, dans leur rapport avec l'article 23 du nouveau code pénal, qui donne à l'interdit légal un curateur, qui renvoie celui-ci, pour les actes de son administration, aux règles établies par le code civil pour la tutelle des interdits ordinaires, et qui a oublié que le code civil donne, en même temps, à l'interdit un tuteur et un subrogé tuteur.

Il est évident que je ne viens pas prier M. le ministre de la justice de résoudre toutes ces controverses. Mon intention n'est nullement de transformer le banc ministériel en bureau de consultations. Je me borne à signaler mes remarques à son attention et à le prier d'examiner s'il ne convient pas de faire subir un changement de rédaction aux articles du code civil que j'ai énumérés et à beaucoup d'autres que j'ai passés sous silence.

M. Bouvierµ. - Dans deux sessions précédentes, j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention de M. le ministre de la justice sur la nécessité d'augmenter le nombre des notaires dans l'agglomération de Bruxelles, nombre qui n'est plus en rapport avec la loi de ventôse an XI.

Les observations que j'ai eu l'honneur de présenter ont été jugées si péremptoires par l'honorable ministre, qu'il nous a promis que dans la session dernière il présenterait, s'il était possible, à la législature un projet dans le sens de ces observations.

Je demanderai à l’honorable ministre si ce projet est prêt et s’il est dans l’intention de le présenter dans le cours de la session actuelle.

Je demanderai également à l'honorable ministre si l'église de Laeken pourra bientôt être livrée à sa destination. J'ai vu avec plaisir que les travaux, qui avaient été interrompus pendant un certain temps, ont été repris. J'ai pu constater par moi-même qu'un assez grand nombre d'ouvriers y sont actuellement occupés ; mais je ne sache pas qu'il existe des crédits suffisants pour achever ce monument. Il serait temps d'en finir, car cette église est en cours de construction depuis plus de quinze ans. Je pense donc qu'il y va de l'intérêt et de la dignité du pays d'achever promptement ce monument.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Les honorables MM. Lelièvre et Thonissen ont traité quelques questions qu'a soulevées l'application du nouveau code pénal.

On comprendra qu'il est impossible au gouvernement de s'expliquer sur les divers points dont les honorables membres se sont occupés. Les difficultés qu'ils ont signalées ne sont du reste pas les seules que le nouveau code pénal fera surgir. Les unes seront résolues par les tribunaux ; les autres nécessiteront peut-être l'intervention législative. Le gouvernement les examinera et, s'il y a lieu, il aura l'honneur de soumettre ses propositions aux Chambres. Voilà le seul engagement que je puisse prendre.

L'honorable M. Thonissen a parlé de la procédure suivie devant la cour de cassation pour se pourvoir en matière civile. La question fera l'objet des études de la commission chargée de la révision du code de procédure civile.

Evidemment on cherchera à établir des règles uniformes pour les divers degrés de juridiction, de manière à faire disparaître les défauts, que l'honorable membre a signalés.

Les travaux de la commission du code de procédure civile marchent activement. J'espère pouvoir déposer sous peu la partie du projet relative à la vente des biens des mineurs ; ce projet simplifiera la procédure tracée par la loi de 1816, et la rendra moins coûteuse.

L'honorable M. Bouvier a demandé quand le gouvernement déposerait le projet de loi relatif à l'augmentation du nombre des notaires de l'agglomération bruxelloise.

Le gouvernement a reconnu, l'année dernière, la nécessité de mettre le nombre de notaires de Bruxelles en rapport avec le chiffre de la population et des affaires, mais il a dû examiner quelle était, dans tout le pays, la situation du corps notarial. Si l'on augmente le nombre des notaires à Bruxelles, il n'y pas de raison pour ne point le faire ailleurs, si d'autres localités se trouvent dans les mêmes conditions. Les études sont presque achevées ; un projet de loi m'a été soumis, et je crois pouvoir dire, que dans le courant de la session, le gouvernement pourra soumettre des propositions à la Chambre.

Quant à l'église de Laeken, la Chambre a eu connaissance du rapport qui a été adressé à mon département par une commission présidée par l'honorable M. de Brouckere. Ce rapport est entièrement favorable aux travaux de l'église de Laeken ; il constate que les craintes qu'on avait manifestées sur la solidité de cet édifice sont exagérées et qu'on peut espérer qu'aucun accident ne se produira ultérieurement. (Interruption.)

On consolide certaines parties de l'édifice, c'est par mesure de précaution, mais la commission qui a examiné en détail tous les travaux n'a nullement partagé l'avis de ceux qui annonçaient l'écroulement prochain de l'église de Laeken.

Je ne pourrais fixer d'une manière certaine l'époque à laquelle l'église sera livrée au culte ; je crois que si l'on n'attend pas l'achèvement de la tour, l'église pourra être ouverte l'année prochaine.

Ce résultat ne sera obtenu toutefois que si des fonds sont mis à la disposition de mon département. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, l'achèvement de l'église de Laeken nécessitera encore, si mes souvenirs sont exacts, une dépense d'environ 2,500,000 fr.

M. Coomans. - Encore ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui encore.

M. Coomans. - Je suis enchanté d'avoir voté contre.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne donne pas ce chiffre comme exact, parce que je n'ai pas le dossier de l'affaire sous la main, mais je pense qu'il faut encore une somme importante.

(page 129) Les Chambres ont voté, en 1866, un crédit de 130,000 fr. ; c'est à l'aide de ces fonds que des travaux s'effectuent en ce moment ; si l'on tient à ce que l'église s'achève dans un délai rapproché, de nouveaux crédits devront être alloués.

- La discussion générale est close.

La Chambre passe aux articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 271,100. »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais de réduction et de publication de recueils statistiques : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 7,500. »

- Adopté.

Chapitre II. Ordre judiciaire

Articles 6 à 11

« Art. 6. Cour de cassation. Personnel : fr. 267,400. »

- Adopté.


« Art. 7. Cour de cassation. Matériel : fr. 5,250. »

- Adopté.


« Art. 8. Cours d'appel. Personnel : fr. 758,050. »

- Adopté.


« Art. 9. Cours d'appel. Matériel : fr. 19,500. »

- Adopté.


« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 1,560,000.

« Charge extraordinaire : fr. 1,900. »

- Adopté.


« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 913,500.

« Charge extraordinaire : fr. 2,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Justice militaire

Articles 12 à 15

« Art. 12. Cour militaire. Personnel : fr. 20,500.

« Charge extraordinaire : fr. 4,255. »

- Adopté.


« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 42,500. »

- Adopté.


« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de justice

Articles 16 et 17

« Art. 16. Frais de justice en matière, criminelle, correctionnelle et de police : fr. 700,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 13,500.

« Charge extraordinaire : fr. 11,108. »

-Adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 18

« Art. 18. Construction, réparations et entretien de locaux Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir des locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix : fr. 35,000.

« Charge extraordinaire : fr. 60,000. »

- Adopté.

Chapitre VI. Publications officielles

Article 19

« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires : fr. 220,000. »

M. Coomans. - Notre honorable président a bien voulu m'apprendre tout à l'heure que le département des finances ne pouvait pas nous livrer les renseignements que j'avais demandés hier, à savoir le produit des annonces d'utilité privée qui figurent au Moniteur, mais que cette indication nous serait donnée aujourd'hui par M. le ministre de la justice.

Je prie M. le ministre de la justice de bien vouloir s'acquitter de cette promesse.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, le produit des annonces du Moniteur est affermé. En vertu du cahier des charges, l'entrepreneur du Moniteur paye 3,000 francs pour le produit des annonces.

M. Coomans. - Je suis forcé, messieurs, de revenir sur mes observations des années précédentes, dont la conclusion principale est que la partie non officielle du Moniteur nous coûte énormément cher, eu égard aux services qu'elle nous rend. J'apprends aujourd'hui, non sans surprise, que mes observations étaient encore plus justes que je ne l'avais cru ; c'est-à-dire que pour la somme de 5,000 fr. que le fisc perçoit, on dépense une somme bien plus considérable. Il serait facile de prouver que la faculté donnée à l'éditeur du Moniteur d'exploiter l'article annonce pour son compte coûte très cher à l'Etat sous forme de papier, d'impression, etc.

Le format du Moniteur est déjà si désagréable, si difficile à la lecture, si compliqué, qu'il aurait fallu peut-être interdire l'insertion d'annonces au Moniteur, à moins que l'Etat n'en recueille un bénéfice au moins indirect.

On n'a pas réfuté les remarques que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre, on n'a pas démontré l'utilité de près de la moitié de la somme que le Moniteur nous coûte chaque année. Je persiste à dire que nous faisons une très mauvaise opération de ce côté-là et je m'étonne encore une fois que nous ne recevions que 3,000 fr. pour les annonces, tandis qu'il n'est pas de journal, quelque insignifiant qu'il soit, qui ne produise davantage.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne puis dire à l'honorable membre si les annonces du Moniteur rapportent plus ou moins de trois mille francs à l'adjudicataire ; mais ce que je puis affirmer, c'est que le gouvernement a lui-même exploité les annonces du Moniteur et qu'il recevait de ce chef 2,500 à 3,000 fr. annuellement, et notez que pour faire cette recette il y avait un comptable attaché au personnel du Moniteur. Qu'a fait le gouvernement ? Il a dit à son entrepreneur : Je vous abandonne le produit des annonces, vous me payerez 5,000 fr. et je supprime le comptable. Cet arrangement a été évidemment favorable au gouvernement.

Prétendez-vous que la somme de 3,000 fr. est trop peu élevée ? Eh bien quand il s'agira de procéder à une nouvelle adjudication, le gouvernement examinera si le cahier des charges ne doit pas être. modifié, mais quand on a fait le contrat de 1862 le gouvernement a fait une bonne opération, puisqu'il s'assurait le produit des annonces, tout en supprimant les appointements de l'agent chargé de cette recette spéciale.

L'honorable membre est revenu sur la question de la partie non officielle et a il répété ce qu'il avait dit les autres années, que la partie non officielle coûtait à l'Etat la moitié du crédit alloué pour l'impression du Moniteur et des Annales parlementaires, c'est-à-dire 110,000 fr. L'année dernière j'ai contesté très sérieusement l'exactitude des chiffres donnés par l'honorable membre, bien qu'il eût annoncé qu'il avait pris la peine de calculer les pages du Moniteur et qu'il avait constaté que la partie non officielle occupait plus de la moitié du journal officiel.

Si je ne me trompe, c'est sur l'année 1865 que l'honorable membre a fait ses calculs. L'année 1865 est du reste la plus favorable à la thèse qu'il soutient, car c'est en 1865 que le Moniteur a été le plus volumineux. Eh bien, messieurs, mon département a fait aussi ce calcul. On s'est amusé (page 130) ou ennuyé, si l'on veut, à faire ce travail, et je vais en communiquer le résultat à la Chambre.

Le Moniteur comprend deux parties ; la première est intitulée : partie Officielle, l'autre est intitulée : Partie non officielle, mais dans la partie non officielle, l'honorable membre voudra bien le reconnaître, il y a des documents qui, si la partie non officielle était supprimée, devraient évidemment être publiés dans la partie officielle. Ainsi les rapports des consuls, la cote de la bourse, les rapports officiels, les annonces des bourses vacantes, tout cela devrait être publié dans la partie officielle.

M. Coomans. - J'ai parlé de la partie non officielle.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais ces documents se trouvent aujourd'hui dans la partie non officielle et si vous voulez apprécier l'économie qui résulterait de la suppression de la partie non officielle, vous devez décompter les matières qui devraient alors être publiées dans la partie officielle.

Le nombre des colonnes de la partie non officielle, y compris les documents dont je viens de parler, a été en 1865 de 4,752 et comme il y a 16 colonnes par feuille d'impression, la partie non officielle forme, pour 1865, 297 feuilles. Le prix de la feuille étant de 81 fr. 88 c., la dépense s'élève à 24,318 fr.

Le papier coûtant fr. 10-36 la rame et ces 297 feuilles ayant nécessité l'emploi de 1,449 rames, le papier a coûté 15,011 fr.

Ce qui fait en tout, pour la partie non officielle 39,329 fr.

M. Coomans. - Je demande la parole.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous pouvez la demander.

Le nombre des feuilles du Moniteur en 1865 a été de 906, et celui des feuilles de la partie non officielle a été de 297.

M. Coomans. - Quand vous défalquez les documents.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre se trompe. Je ne défalque rien. Je dis donc que la partie non officielle a coûté 39,219 fr., y compris les documents qui devraient être répétés dans la partie officielle.

Il y a plus. Quand on fait le calcul de cette façon, on le fait d'une manière favorable à la thèse de l'honorable membre, car la partie officielle coûte plus cher que la partie non officielle.

M. Coomans. - Pourquoi cela ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Parce que l'impression se fait sur manuscrit, parce que les tableaux, qui coûtent bien plus cher que la composition courante, paraissent à la partie officielle. La partie non officielle se borne le plus souvent à reproduire des extraits de journaux du pays et de l'étranger.

Il en résulte donc qu'en comptant au même prix la composition des deux parties, je fais un calcul favorable à votre thèse.

M. Hymans. - Vos chiffres sont erronés.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Hymans me dit que mes chiffres sont erronés. Je pense que l'honorable membre ne s'est pas amusé à compter les feuilles du Moniteur.

M. Hymans. - Si, si.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Alors vous aurez à rectifier mes chiffres.

J'avoue que je n'ai pas fait moi-même ce calcul, mais je suppose que le fonctionnaire que j'ai chargé de ce travail m'a renseigné exactement.

Eh bien, messieurs, de ces 39,000 francs, prix net de la partie non officielle, vous devez évidemment déduire les documents qui paraîtraient à la partie officielle, tels que les rapports, la cote des fonds publics, etc. Ces documents forment à peu près le quart de la partie non officielle ; déduisons un quart de la dépense totale, reste la somme de 29,000 francs. Voilà donc ce que coûte réellement la partie non officielle.

Mais voyons si la suppression de la partie non officielle ne va pas amener aussi une réduction de recettes. D'abord, il faut supprimer les 3,000 francs d'annonces.

Si le Moniteur ne contient plus que les actes officiels, les arrêtés royaux et les lois, il cesse d'être un journal. Ce sera un recueil de lois et ce recueil ne paraîtra plus régulièrement, car il n'y a pas tous les jours des arrêtés royaux et des lois à publier ; le Moniteur paraîtra d'une manière intermittente.

On ne peut évidemment publier les annonces à la partie officielle, donc plus d'annonces, et partant perte de 32,000 francs,

Ce n'est pas tout. Il y a, ce que la Chambre apprendra avec plaisir, 630 abonnés au Moniteur.

Je vous avoue que je ne croyais pas que le journal officiel eût une si forte clientèle.

Si vous ne faites du Moniteur qu'un recueil de lois, il est certain que le nombre des abonnés diminuera. Je suis convaincu qu'il n'en restera pas beaucoup et je fais la part large en disant que 500 disparaîtront. Cela fait 15,000 fr. Si vous déduisez encore cette somme, il reste 1,300 fr., pour le coût de la partie non officielle. Voilà le véritable chiffre qui grève le budget de l'Etat et l'on a pris pour base des calculs une des années où le Moniteur est des plus volumineux.

M. Coomans. - Vous avez pris plusieurs années ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'ai pris l'année 1865.

M. Coomans. - Comment alors savez-vous que c'est l'année la plus favorable ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il suffit, pour s'en assurer, de comparer les volumes. On peut le constater également par le chiffre de la dépense.

Je ne pense pas que, pour m'être agréable, on ait, en 1865 diminué la partie non officielle du Moniteur.

Dans tous les cas, si l'on avait diminué la partie non officielle en 1865, ce serait un progrès qui prouverait que les observations faites à la Chambre ont produit de l'effet.

Mais je crois que l'année 1865 a coûté beaucoup et pour la partie officielle et pour la partie non officielle.

Veut-on supprimer la partie non officielle ? Pour moi, je n'y vois pas grand avantage. Au surplus, je ne pense pas qu'on puisse la supprimer avant l'année prochaine. Le contrat expire en 1868 et nous n'irons pas, je pense, d'ici là, modifier les conditions faites à l'imprimeur.

Reste la question de savoir si, le journal devenant intermittent, les prix d'adjudication ne seront pas plus élevés.

Quand on a mis le Moniteur en adjudication, on a cru que les prix allaient baisser. Eh bien, on n'a pas pu obtenir de réduction. On dit que les imprimeurs se sont coalisés. C'est possible, mais je ne puis les en empêcher. J'ai déjà demandé à l'honorable M. Coomans de me procurer des imprimeurs voulant faire les choses à meilleur compte. Le marché est ouvert. Le gouvernement ne demande pas mieux que de faire des économies. Jusqu'à présent les adjudicataires à bon compte et à prix réduit ne se présentent pas.

M. Pirmezµ. - Il est incontestable que le Moniteur devient chaque jour plus volumineux et par conséquent plus difficile à consulter.

La partie officielle du Moniteur contient beaucoup de choses qui n'ont qu'une utilité très momentanée. Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, les annonces du ministère des travaux publics tiennent autant de place que tous les actes du gouvernement.

D'ici à quelques mois quel intérêt auront ces annonces ? Aucun évidemment. Il faut, tout en leur conservant la publicité du Moniteur, permettre de les en faire disparaître.

A cette fin, il est un moyen simple : faites imprimer ces annonces avec toutes les autres sur une page que l'on puisse détacher et ne pas faire relier.

Le projet de loi sur les sociétés prescrit l'insertion des actes de société dans un recueil spécial. Ce sera là une notable diminution de la partie officielle du Moniteur si on retranche encore ce que j'indique et sans doute d'autres choses qu'un examen plus approfondi suggérera, on aura en grande partie remédié à ce développement exagéré du Moniteur.

M. Hymans. - Je crois que l'honorable ministre de la justice, dans cette circonstance, défend de très bonne foi une détestable cause.

Laissant de côté toutes les questions de détail, la question de savoir ce que coûte l'impression des Annales, etc., il y a une question préalable à examiner : Quelle est l'utilité de la partie non officielle du Moniteur ? Quant à moi, j'ai beau chercher, je ne la trouve pas et l'honorable ministre reconnaît lui-même qu'elle ne sert à rien, puisque en dépit de l'attrait qu'elle offre ou devrait offrir, le Moniteur ne parvient à trouver ni des abonnés ni des annonces. Il a 620 abonnés, nous dit l'honorable ministre ; il rapporte 3,000 fr. d'annonces, c'est-à-dire moins que le journal le plus ignoré du pays et, par parenthèse, j'ai lieu de croire que pour cette recette de 3,000 fr. le gouvernement paye 1,440 fr. de frais d'impression et fournit le papier.

Je me demande surtout quelle est l'utilité de la partie non officielle du Moniteur quand je compare notre journal officiel à ceux des autres (page 131) pays, j'entends parler des grands pays. L'Angleterre en fait de journal officiel n'a qu'un simple carré de papier, la London Gazette, dans lequel on ne trouve que des actes officiels, qui ne renferme pas même le compte rendu des Chambres, qui s'édite par voie de spéculation privée.

En Prusse, il en est de même ; en France, le Moniteur est un journal considérable, mais une entreprise dont le seul privilège est la garantie d'un certain nombre d'abonnements et la dispense du timbre à charge de publier les actes officiels et les comptes rendus des chambres législatives.

Vous me direz que la dispense du timbre constitue en réalité une subvention, c'est vrai, mais en définitive, le Moniteur français coûte moins cher à l'Etat que le nôtre.

Encore si le Moniteur belge avait, ce que je ne propose pas de lui donner, car je ne veux pas que l'Etat fasse concurrence à la presse, en subsidiant un journal, si le Moniteur belge avait une rédaction à lui, s'il contenait quelque chose d'original et d'intéressant, je comprendrais sa partie non officielle, mais celle-ci ne renferme que des extraits de journaux, extraits reproduits le plus souvent en retard sur d'autres feuilles. En d'autres termes le Moniteur belge dont on vient de vous vanter la rédaction, n'a pas de rédacteurs ; le vrai rédacteur du Moniteur belge, c'est une paire de ciseaux. Je ne comprends donc pas qu'on attache quelque importance à son contenu.

M. le ministre de la justice, de très bonne foi, j'en suis convaincu, vous a dit que la partie non officielle ne coûte qu'une somme insignifiante, que sa suppression ne produirait qu'une très faible économie. Il m'est impossible d'accepter les calculs de l'honorable ministre ou plutôt ceux qu'on lui a fournis, et s'il veut faire examiner la question par des hommes compétents, il se convaincra qu'il a été induit en erreur. Du reste il n'est pas exact, comme l'a dit M. le ministre de la justice, que les avis des administrations se trouvent dans la partie non officielle.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je n'ai pas dit cela.

M. Hymans. - Ces avis se trouvent dans la partie officielle. (Interruption.) J'ai sous les yeux le Moniteur d'hier et celui d'aujourd'hui. Je vois dans la partie officielle des avis qui sont en réalité des annonces.

Voici un avis du département des travaux publics annonçant qu'on ne peut pas se servir de timbres périmés, un avis relatif au camionnage, etc. En un mot, tous les avis de cette nature se trouvent dans la partie officielle et ils y occupent une large place.

Mais, dit l'honorable ministre de la justice, on insère dans la partie non officielle des documents importants, et qui, si la partie non officielle n'existait pas, devrait être insérés dans la partie officielle. C'est précisément ce que je conteste ; il y a dans la partie non officielle une foule de documents qui ne devraient se trouver ni dans la partie non officielle, ni dans l'autre.

Ainsi est-il nécessaire de répéter vingt-cinq fois dans le Moniteur l'adresse de tous les bureaux de poste de Bruxelles et des faubourgs, d'y publier les comptes rendus de distribution de prix, de cérémonies, de délibérations, d'incidents de tout genre qui se passent à Bruxelles ? En bonne justice il faudrait publier ces comptes rendus pour le pays entier est-il nécessaire de publier dans le Moniteur les documents relatifs à l'administration communale de Bruxelles, les rapports des consuls ? Cela me paraît douteux et jusqu'à présent d'ailleurs je n'ai pas entendu démontrer la nécessité de cette publication.

Je ne conteste pas que le Moniteur ne renferme parfois des documents intéressants dans sa partie non officielle ; personne ne l'a jamais contesté et il serait bien malheureux qu'on ne trouvât pas quelque chose d'utile à consulter dans ces volumes.

Je reconnais même que cette partie est faite avec beaucoup d'art, mais elle s'adresse à bien peu de personnes et précisément à celles qui n'ont pas besoin de se faire une bibliothèque aux frais des contribuables.

Un des motifs qui me déterminent d'ailleurs à demander sinon la suppression de la partie non-officielle, du moins qu'elle soit réduite, c'est qu'elle rend les recherches dans le Moniteur extrêmement difficiles ; le Moniteur est avant tout un livre à consulter, c'est une sorte de dictionnaire ; quand ce dictionnaire a un ou deux volumes, on peut à la rigueur s'en servir, mais quand il atteint des proportions démesurées, il devient impossible de le manier et de le placer chez soi, à moins d'avoir un hôtel comme M. le ministre de là justice.

C'est grâce à la partie non officielle que le Moniteur a atteint depuis quelques années ces proportions incommensurables, J'ai prié un employé de la bibliothèque de ne faire le compte des accroissement» du Moniteur depuis 1830, et vous allez voir d'où l'on est parti et où l'on est arrivé.

De 1830 à 1839, le Moniteur contenait à la fois les actes officiels, une partie non-officielle, les annales parlementaires, les documents législatifs et il se composait de deux volumes.

M. Mullerµ. - Dans quel format ?

M. Hymans. - Dans un format beaucoup plus commode que le format actuel.

- Un membre. - In-folio !

M. Hymans. - Il y a des in-folio de toute espèce ; je n'ai pas mesuré au mètre la dimension de chaque feuille, mais je constate que jusqu'en 1844 le Moniteur contenait une partie officielle, une partie non officielle et les Annales parlementaires, et qu'il n'arrivait qu'à neuf cents pages.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - De petit-texte.

M. Hymans. - En 1845, commença la publication distincte et séparée des Annales et des documents législatifs. Le Moniteur seul forma deux volumes de 1,500 pages. En 1800, il comptait 3,100 pages par volume ; en 1866, il forma quatre volumes ayant ensemble plus de 7,000 pages, plus de 8,000 avec les Annales, et le caractère qui n'est pas sensiblement plus grand que l'ancien. Ainsi la dimension du Moniteur a quintuplé.

Eh bien, il est évident que si l'on ne met pas ordre à cette propension, il n'y a pas de raison pour que le gonflement du Moniteur s'arrête et que de 8,000 pages nous n'arrivions à 10,000. Quoi de plus naturel, en effet ? Le Moniteur est adjugé à un prix déterminé par feuille ; l'éditeur a donc intérêt à imprimer le plus de feuilles possible ; il doit avoir une tendance constante à augmenter sa publication au détriment du trésor et surtout au détriment du lecteur.

Sans demander, comme l'honorable M. Coomans l'a fait plusieurs fois, la suppression complète de la partie non officielle, je crois qu'il serait utile, tout au moins, de prescrire à l'éditeur un maximum pour sa publication. En supposant même que l'on considère le Moniteur d'aujourd'hui comme n'ayant pas des proportions exagérées, ce serait déjà un avantage d'être bien certain que ces proportions ne seront pas dépassées.

Je ne sais pas si l'honorable M. Coomans a l'intention de déposer une proposition, mais s'il croyait devoir proposer la suppression de la partie non officielle, je proposerais de mon côté de modifier son amendement dans ce sens. Nous obtiendrions, je pense, un résultat si nous avions au moins la certitude du maintien du statu quo et si nous n'étions pas exposés à voir nos quatre volumes d'aujourd'hui faire des jeunes d'ici à quelques années.

M. Coomans. - Après les très justes observations présentées par les deux honorables préopinants, je pourrai raccourcir beaucoup les miennes.

J'ai assisté moi-même ici à un débat de trois jours sur une proposition d'économie de 7,000 francs en tout, à réaliser sur le budget de la cour des comptes... (interruption), la Chambre a discuté trois jours sur cette somme qu'on appellerait aujourd'hui une misère. Il est vrai qu'alors on soignait de plus près les intérêts des contribuables. Aujourd'hui, il s'agit d'une grosse économie qui, selon moi, touche peut-être de près à la somme de 100,000 francs ; vous me permettrez donc, messieurs, de parler encore dix minutes sur cette question ; une minute par 9,000 ou 10,000 francs.

Il est vraiment dommage, messieurs, que M. le ministre de la justice se soit arrêté tout court dans le beau chemin où il s'était engagé tout à l'heure, car il était sur le point de nous prouver que la partie non officielle du Moniteur rapportait un bénéfice au trésor, bien loin de lui coûter très cher.

Messieurs, il y a beaucoup d'erreurs dans le discours de M. le ministre de la justice ; mais celle-ci est vraiment inconcevable, et je m'étonne qu'à défaut d'une connaissance spéciale de l'imprimerie, son bon sens ne l'ait pas mis en garde contre les chiffres qu'un mystificateur officiel lui a donnés.

D'après l'honorable ministre, la partie non officielle ne comporterait pas, comme je l'ai dit, la moitié du Moniteur ; elle n'en occuperait que le tiers ; et cette partie non officielle ne coûterait en tout que 39,000 fr. tandis que tout le Moniteur, avec ses annexes, nous coûte 220,000 francs.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Avec les Annales parlementaires.

M. Coomans. - Sans doute ; mais je crois qu'en multipliant trois fois la somme de 39,000 francs, nous obtenons pour la partie officielle (page 132) une somme très inférieure à la dépense réelle, qui est de 220,000 francs avec les volumes des Annales parlementaires, de sorte que celles-ci, selon M. le ministre, sont comprises dans la dépense totale pour une centaine de mille francs, chiffre très exagéré, exagéré des deux tiers.

Tout le reste du crédit est absorbé par le Moniteur proprement dit.

L'erreur de M. le ministre peut s'expliquer de différentes façons ; mais voici celle que j'aperçois : Il ne compte que le papier et l'impression pour la partie non officielle, tandis qu'il reporte sur la partie officielle tous les frais généraux, comme si la partie non officielle n'avait pas aussi sa part dans les frais généraux.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est une erreur.

M. Coomans. - Mais vous ne distinguez pas, je pense, dans l'adjudication, entre la partie officielle et la partie non officielle ; le coût des deux parties est le même ; de quel droit donc comptez-vous beaucoup moins pour la partie non officielle que pour la partie officielle ?

Et comment raisonnez-vous encore ? Vous dites : La partie officielle coûte plus cher que la partie non officielle, attendu qu'elle se compose sur manuscrit tandis que celle-ci se compose sur lettre moulée. Eh bien, messieurs, c'est justement le contraire : dans la partie officielle figurent presque constamment des réimpressions, et je pourrais citer tel ou tel article très long qui y figure 10, 15 et jusqu'à 20 fois ; ces publications répétées ne coûtent donc pas de frais de composition, puisqu'elles se font au moyen de textes qui n'ont pas été distribués, comme on dit en termes d'imprimerie.

La vérité est donc que la partie officielle coûte moins à l'imprimeur que la partie non officielle ; d'abord parce que, comme je viens de le dire, elle se compose surtout de réimpressions ; ensuite parce que le texte en est plus grand que celui de la partie non officielle. La vérité est encore que la partie non officielle, qui comporte à peu près la moitié du volume total du Moniteur, coûte à peu près la moitié de la somme qui est absorbée par tout le journal. J'ai évalué l'année dernière cette dépense à 80,000 fr. environ ; je ne me dédis pas ; je maintiens l'exactitude approximative de cette somme et je souhaite que l'honorable ministre accepte la proposition que vient de lui faire l'honorable M. Hymans de soumettre à une enquête sérieuse la question dont il s'agit et ne nous apporte plus ici que des faits dont il soit en état d'affirmer l'exactitude.

Je ne rencontrerai pas les diverses observations qu'a faites M. le ministre de la justice sur l'utilité de certaines publications ; je dirai qu'il y a moyen d'insérer dans la partie officielle tout ce que M. le ministre désire conserver.

Mais, messieurs, parmi les arguments de M. le ministre de la justice, il en est d'étranges. « Si nous n'avions pas, dit-il, une partie non officielle, il y a des jours où le Moniteur ne paraîtrait pas. » Eh bien, je défie M. le ministre de la justice de m'indiquer un seul jour sur les milliers de jours que le Moniteur a vécus, où le Moniteur ait paru sans partie officielle. Non, messieurs, la publication du Moniteur ne deviendrait pas intermittente si la partie non officielle faisait défaut ; il n'en est rien, le Moniteur n'a jamais paru sans partie officielle, du moins à ma connaissance.

Du reste, il ne serait pas nécessaire que MM. les ministres fissent tous les jours des arrêtés pour justifier la publication du Moniteur ; franchement je, ne le désirerais pas ; je vous trouve déjà par trop administrés et gouvernés. Ainsi qu'on vient de le dire, on pourrait comprendre dans la partie officielle une foule d'avis qui y figurent déjà aujourd'hui.

En somme, nous payons 70,000 à 80,000 francs pour une publication dont j'affirme d'une manière absolue la complète inutilité.

Quand vous n'aurez plus de partie non officielle, le Moniteur n'en sera ni plus ni moins intéressant qu'aujourd'hui.

Messieurs, l'observation par laquelle j'ai inauguré ce débat demeure debout ; il en résulte que les annonces du Moniteur ne rapportent rien. Si vous devez payer pour la composition 1,400 francs et payer le papier par-dessus le marché, il n'est pas difficile de démontrer que les annonces nous coûtent 6,000 francs, tandis qu'elles en rapportent seulement 3,000. Je ne pensais pas qu'un gouvernement osât s'obstiner à maintenir comme juste et bonne une opération aussi tristement onéreuse que celle que nous vous signalons aujourd'hui.

Je ne fais pas de proposition, parce que je suis las de voir rejeter toutes celles que je soumets à la Chambre. (Interruption.)

J'en laisse la responsabilité d'abord à M, Bouvier, qui a le tort de m'interrompre, et qui ne m'a sans doute pas compris ; ensuite à la Chambre tout entière. Quant à moi, j'ai fait mon devoir.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, l'honorable M. Coomans veut être cru sur parole ; il a ses chiffres ; il vient les produire devant la Chambre ; il dit : « Ces chiffres sont certains, positifs, officiels ; la Chambre doit me croire. »

Or, messieurs, les chiffres de l'honorable membre sont variables, cela dépend du jour où il parle ; ces chiffres varient de 40,000 fr.

Quand il a commencé sa campagne contre le Moniteur, la partie non officielle coûtait 40,000 à 50,000 fr. ; six mois se passent ; un nouvel incident se produit à la Chambre, et l'honorable M. Coomans annonce, solennellement qu'il a passé une partie de ses nuits à feuilleter le Moniteur et à compter le nombre des colonnes, qu'il a tout calculé, qu'il s'agit d'une dépense de 220,000 francs, dont la moitié, soit 110,000 fr., est consacrée à la partie non officielle. Aujourd'hui l'honorable membre qui a oublié le chiffre de 40,000 francs qu'il nous a donné dans un discours précédent redescend à 80,000 francs. Comme les chiffres de l'honorable membre sont si variables, je ne désespère pas de le ramener aux miens, et de le convaincre que je suis dans le vrai.

Mais, dit l'honorable membre, pourquoi faites-vous une distinction, quant au prix, entre les feuilles de la partie officielle et celles de la partie non officielle ? Je n'ai fait aucune distinction, et ici je réponds à l'honorable M. Hymans. L'honorable membre dit : « Instituez une commission, consultez des hommes compétents. »

Je n'en vois pas la nécessité.

Comment se fait le Moniteur ? Il se fait, non par régie, mais par adjudication, c'est-à-dire qu'on s'adresse aux adjudicataires : et on leur dit : « Que demandez-vous par feuille de 16 colonnes, sans distinction de partie officielle et de partie non officielle ? » Eh bien, les adjudicataires ont demandé 81 francs. Si vous admettez cela, nous trouvons que le Moniteur, non compris les Annales, a coûté 132,000 francs.

Pour savoir ce qu'a coûté la partie non officielle du Moniteur, nous devons voir combien il y a de pages dans la partie officielle et combien il y en a dans la partie non officielle ; nous avons en 1866, en chiffres ronds, 900 pages dans le Moniteur, et 300 dans la partie non officielle ; c'est-à-dire que la partie non officielle n'a occupé que le tiers du Moniteur.

Maintenant, si on tient à ce qu'une commission soit nommée pour la vérification de ce calcul, j'y consens bien volontiers, je prierai même les honorables MM. Coomans et Hymans de vouloir bien en faire partie.

L'honorable M. Hymans est d'avis qu'on ne doit pas faire de publications au Moniteur en dehors des actes officiels ; il parle entre autres des nombreux avis que fait insérer le département des travaux publics : Je n'ai pas parlé de ces avis, mais de ceux des administrations communales, des commissions de bourses d'étude, etc. Ces avis ne se publient pas à la partie officielle ; ils devraient paraître à la partie officielle, si la partie non officielle disparaissait.

Messieurs, veuillez bien le remarquer, le gouvernement ne soutient pas qu'il y a péril pour l'Etat à ne pas maintenir la partie non officielle. Quelle a été l'origine de ce débat ? Une question d'économie. L'honorable M. Coomans a dit qu'on dépensait 110,000 francs en pure perte ; j'ai répondu qu'il y avait là de l'exagération, et je crois l'avoir prouvé. Voilà tout. (Interruption de M. Coomans.)

Vous avez dit que c'était la moitié du crédit.

M. Coomans. - Du Moniteur.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais non ; si c'était la moitié du subside pour le Moniteur, cela ferait 50 et des mille francs.

M. Coomans. - J'ai dit : Du Moniteur.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C’est une erreur. Voici ce que vous disiez le 1er mars 1867 :

« Je suis à même de démontrer que la partie non officielle du Moniteur absorbe plus de la moitié des frais du Moniteur, lesquels s'élèvent chaque année, ainsi que vous venez d'en avoir la preuve encore ; cette dépense devient énorme. Je me suis donné la peine de faire un calcul que, cette fois-ci, j'ose déclarer exact. Non seulement il n'est pas vrai comme on l'a affirmé de très bonne foi, que la partie non officielle ne représente que le quart du Moniteur, mais il est parfaitement vrai qu'elle en compose plus de la moitié, et qu'elle coûte plus de la moitié de la dépense totale... »

Vous ajoutiez :

« Je remplis mon devoir en affirmant que la partie non officielle du Moniteur coûte 100,000 fr. »

(page 133) Vous le voyez bien, vous avez prétendu que la partie non officielle absorbait la moitié du crédit.

Eh bien, je vous ai démontré que nous sommes bien loin de compte.

Pour en venir à l'observation de l'honorable M. Hymans, si ou transporte à la partie officielle ce qui se trouve à la partie non officielle, il n'y aura plus d'économie.

L'honorable M. Pirmez a présenté des observations très justes. Il a demandé de faire disparaître de la partie officielle les avis relatifs aux travaux publics.

Je me suis adressé plusieurs fois, à cet égard, à mon honorable collègue, M. le ministre des travaux publics. Je regrette qu'il ne soit pas ici. Mais je partage l'opinion de l'honorable M. Pirmez et je plaidé cette cause devant le département des travaux publics. Je crois inutile de publier si souvent les avis qui occupent une si grande place dans le Moniteur. Mais c'est là une question qui concerne spécialement M. le ministre des travaux publics. II est à craindre que s'il ne publie plus ses avis dans le Moniteur, le département des travaux publics en fasse insérer dans un recueil spécial. Alors il n'y aura rien de changé, si ce n'est que la dépense, au lieu de figurer au budget de la justice, figurera au budget des travaux publics ; c'est ce qui est arrivé avec les rapports des agents consulaires ; ces documents ne paraissent plus au Moniteur, mais ils se publient dans un recueil spécial, et la dépense est payée par le budget des affaires étrangères.

Je reconnais cependant qu'au point de vue du maniement du Moniteur, il serait préférable de supprimer la partie non officielle. C'est une question que je ferai examiner. Je ne suis pas de l'avis de l'honorable M. Hymans, je ne pense pas qu'il convienne d'indiquer un maximum de pages à la partie non officielle. lI faut la supprimer complètement, ou il faut la maintenir telle qu'elle est. Il est impossible de dire au Moniteur : Vous vous arrêterez là, quelles que soient les publications que vous avez à faire.

M. Hymans. - Que font les autres journaux ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Un journal peut faire cela pour un feuilleton ; mais en fait de documents, de cote de bourses, vous ne pouvez agir ainsi. Ce serait une façon trop facile de discréditer le Moniteur.

Je crois donc, je le répète, qu'il faut adopter l'un ou l'autre système : supprimer la partie non officielle du Moniteur ou la maintenir. Eh bien, j'examinerai, pour le moment où le contrat avec l'éditeur actuel prendra fin, s'il n'y a pas possibilité de supprimer la partie non officielle. Pour ma part, je n'y suis pas très hostile. Mais je dois m'entendre avec mes collègues.

M. Hymans. - Si l'honorable ministre de la justice avait tout d'abord prononcé les paroles par lesquelles il vient de terminer son dernier discours, nous aurions pu nous dispenser de nous livrer à cette discussion. M. le ministre de la justice dit qu'il ne tient pas à la partie non officielle du Moniteur, je n'y tiens pas non plus ; l'honorable M. Coomans n'y tient pas davantage, personne n'y tient (interruption) ; nous sommes tous parfaitement d'accord.

Je lui demande d'examiner la question le plus tôt possible. Mais je lui réponds d'une chose : c'est que s'il ne prend pas sur lui de supprimer la partie non officielle du Moniteur, s'il n'en fait pas son affaire personnelle, s'il va demander, dans tous les départements, l'avis des bureaux sur l'utilité du maintien ou de la suppression, celle-ci n'aura jamais lieu.

M. Allard. - Et l'opinion des Chambres ?

M. Hymans. - Je ne sais s'il y a des membres de la Chambre qui tiennent à la partie non officielle du Moniteur. Je crois qu'il est fort peu de membres qui ne lisent les nouvelles que dans le Moniteur, et s'il en est, je ne leur en fais pas mon compliment.

Je crois qu'après la conclusion à laquelle est arrivé l'honorable ministre de la justice et la promesse qu'il a faite, il est inutile de prolonger ce débat.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je n'ai pas fait de promesse.

M. Hymans. - Comment ! Vous n'avez pas dit que vous feriez examiner la question de savoir s'il n'y aurait pas moyen de supprimer la partie non officielle du Moniteur.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui ; j'ai promis l'examen de la question, d'accord avec mes collègues.

M. Hymans. - Eh bien, qu'ai-je dit de plus ? Mais j'aime à croire qu'avant de faire examiner la question, vous l'examinerez vous-même, et que quand vous serez arrivé à la conviction que le maintien de la partie non officielle du Moniteur est inutile, ce n'est pas l'avis des administrations, qui tiennent à leurs annonces, qui vous dissuadera. Il s'agit d'une économie sérieuse, et je n'ai pas entendu un seul argument en faveur de l'utilité de la dépense.

On nous a démontré que l'éditeur du Moniteur fournit ce qu'il doit fournir, qu'il ne compte par page que le prix fixé par l'adjudication. Cela n'a jamais été contesté et je n'ai pas dit le contraire ; mais j'ai signalé la tendance fâcheuse qui a été signalée à diverses reprises dans' cette enceinte par d'autres que par moi, d'augmenter indéfiniment le nombre des volumes du Moniteur. Aujourd'hui déjà il n'est plus maniable ; il n'est plus possible d'y faire des recherches. Eh bien, il n'y a pas d'autre moyen que la suppression de la partie non officielle pour arriver à la rendre plus portable et plus utile.

Je ferai en outre cette remarque que l'on ne publie pas une table des matières par volume, ce qui augmente encore la difficulté des recherches. Il faudrait une table trimestrielle.

Je reconnais avec M. le ministre de la justice la nécessité de maintenir dans le Moniteur certains avis qui figurent aujourd'hui dans la partie non officielle et que l'on pourrait comprendre dans la partie officielle. Mais est-il nécessaire que ces avis prennent tant d'espace ? Il y a de ces avis insignifiants qui occupent une demi-colonne et qu'on pourrait réduire à six lignes si on les imprimait en caractères plus serrés. Je ne vois pas la nécessité que le Moniteur soit le journal du pays le plus désagréable à lire. Si on le rendait plus maniable, s'il était mieux imprimé, le gouvernement y trouverait le premier son avantage, attendu que ce journal aurait des abonnés et que, s'il avait des abonnés, il aurait des annonces.

Nous ne plaidons évidemment ici que l'intérêt du gouvernement, l'intérêt du trésor et l'intérêt du public. II est inutile de nous échauffer à propos de cette affaire.

Si je comprends bien une interruption de M. le ministre des affaires étrangères, il me reproche de m'échauffer moi-même ; je lui dirai que ce n'est pas sans motif : M. le ministre de la justice a offert de me nommer membre d'une commission pour examiner la comptabilité du Moniteur. (Interruption.)

Or, je repousse avec énergie toute espèce d'ouverture de ce genre qui pourrait m'être faite, et M. le ministre de la justice pourrait parfaitement résoudre la question sans recourir à ce moyen.

M. Thibautµ. - Si l'on conserve la partie non officielle du Moniteur, je demande qu'on la sépare complètement de la partie officielle. Ce serait un avantage pour les personnes qui conservent la collection du Moniteur. Presque toujours la partie officielle se termine sur une page et la partie non officielle commence au milieu de cette même page. II est ainsi impossible de faire relier à part la partie officielle, ce qui pourrait se faire si les deux parties n'étaient pas confondues.

Je demanderai aussi s'il ne serait pas possible que dans le paquet qui forme chaque numéro du Moniteur, il y eût un peu plus d'ordre. Il arrive souvent qu'une feuille du Moniteur se trouve dans une feuille des Annales et une feuille des Annales dans une feuille non découpée du Moniteur, ce qui présente une grande difficulté pour les personnes qui veulent lire ce journal. Un peu plus d'ordre et des divisions plus complètes rendraient cette lecture moins fatigante.

M. Dumortier. - Il y a quelque vingt ans, un de nos honorables collègues, un homme dont la voix a une très grande valeur, l'honorable M. H. de Brouckere disait en parlant du Moniteur : « Le stupide et insignifiant Moniteur. » Je crois que c'était très bien dit.

M. H. de Brouckereµ. - A quelle époque ?

M. Dumortier. - Il y a de cela plus de vingt ans.

M. H. de Brouckereµ. - Il y en a plus de trente. (Interruption.)

M. Dumortier. - C'est possible. Ces mots n'en sont pas moins restés vrais, et cette discussion prouve que notre honorable collègue avait la vue très fine puisque, il y a déjà tant d'années, il signalait les défauts du Moniteur.

En effet, il y aurait beaucoup à dire sur cette publication, mais il me semble qu'on tombe un peu ici dans des exagérations. On voudrait que le Moniteur ne contînt rien qui ne fût officiel, mais je crois que c'est aller trop loin.

Le Moniteur, qui est notre manuel, doit nous tenir au courant de ce qui se passe dans les assemblées délibérantes des pays voisins ; il est souvent très utile de pouvoir recourir aux discussions importantes des parlements étrangers.

II y a ensuite une foule de choses très intéressâmes qu'on ne peut pas (page 134) supprimer, par exemple, les séances des académies, des corps savants, il y a encore l'état des vents dans les pays lointains.

Je pense donc, messieurs, que l'honorable ministre de la justice peut retirer quelque fruit de cette discussion : qu'il donne des ordres pour limiter l'impression du Moniteur aux objets sérieux, aux objets d'une importance réelle et pour élaguer tous ces petits faits qui ne font que grossir les volumes.

Une grande faute a été commise quant au Moniteur, et à cette époque j'ai fortement combattu la mesure, c'est d'avoir réduit le format. Le format in-folio constitue un volume très facile à manier ; au lieu de cela on a fait des volumes in-4°, qui sont de véritables cubes. On ne peut plus songer à les prendre en mains.

Ensuite les tables du Moniteur sont remplies de fautes et rien au monde n'est plus difficile que de faire des recherches au moyen de ces tables. On dirait vraiment qu'on s'est amusé à faire des tables pour désespérer les personnes qui veulent s'en servir.

Voilà, messieurs, un point sur lequel j'insiste, et puisque le Moniteur est dans les attributions du ministère de la justice, j'engage M. le ministre à ordonner aux personnes qui sont chargées de cette partie de veiller à ce que nous ayons des tables bien faites. Si les tables se faisaient tous les jours, il serait facile de les faire bien, mais cela devient impossible si vous attendez que vous ayez un volume ou un demi-volume, c'est alors un tel casse-tête, qu'on ne peut rien faire de bon.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 20 à 22

« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : fr. 3,000. »

-Adopté.


« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 25,300. »

- Adopté.


« Art. 22. Traitements et indemnités d'employés-attachés à la commission royale de publication des anciennes-lois : fr. 14,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Articles 23 à 26

« Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »

M. le président. - M. le ministre de la justice a proposé de porter ce crédit à 25,000 fr.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, le crédit de 10,000 fr. a été présenté l'année dernière avant l'exécution de la loi sur la mise à la retraite des magistrats ; c'est cette loi qui rend nécessaire l'élévation du crédit à 25,000 fr.

- Le chiffre de 25,000 fr. est mis aux voix est adopté.


« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que çi-dessus : fr. 1,500. »

- Adopté.


« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.