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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 29 juillet 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1567) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des membres de la société du Vlaemschen Bond à Anvers demandent la traduction en flamand de la partie officielle du Moniteur et des Annales parlementaires. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Lombeek-Notre-Dame demandent l'établissement, à Okegem, d'une station sur le chemin de fer de Dendre-et-Waes. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Heyst demandent l'exécution de travaux pour renforcer la digue de mer devant cette commune. »

- Même renvoi.


« Le conseil provincial d'Anvers émet le vœu d'une révision des lois sur la milice et d'une réduction des dépenses afférentes au département de la guerre et transmet à la Chambre 120 exemplaires des discussions qui ont donné lieu à ce double vote. »

- Renvoi aux sections centrales chargées d'examiner le projet de loi sur la milice et le budget de la guerre.

Distribution aux membres, de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« Le sieur Auguste Morel se plaint d'un arrêté d'expulsion qui lui est signifié. »

MjTµ. - Messieurs, il n'est pas dans les usages de la Chambre de s'occuper d'une pétition, avant qu'elle ait été renvoyée à la commission des pétitions.

Cependant, comme nous sommes à la veille de la clôture de la session, comme la commission n'aurait peut-être plus le temps de faire un rapport, et qu'il serait possible qu'on s'occupât de cette affaire dans le public, je suis prêt à donner des explications à la Chambre dès à présent, si elle le désire. (Parlez, parlez !)

Le sieur Morel se plaint d'avoir reçu signification d'un arrêté d'expulsion : si le sieur Morel avait voulu faire connaître à la Chambre ses antécédents, il m'aurait épargné la peine de vous en entretenir.

Le sieur Morel est venu en Belgique en 1863, à la suite d'une condamnation à quatre années d'emprisonnement pour vol ou escroquerie, prononcée en France contre lui.

Ce n'était pas, messieurs, la seule poursuite dont le sieur Morel avait été l'objet ; il avait été poursuivi deux fois pour faux et deux fois pour vol, et avait été acquitté une fois pour faux et une fois pour vol, et condamné une fois pour vol ou escroquerie et une fois pour faux.

Des que l'administration de la sûreté publique a connu, au mois de juillet 1863, la présence du sieur Morel sur le territoire belge, un arrêté d'expulsion fut soumis à la sanction du Roi, signé le 16 juillet 1863 et signifié au sieur Morel le 29 du même mois.

Le sieur Morel s'adressa à l'administration de la sûreté publique pour lui demander des délais, tantôt parce que sa femme était malade, tantôt parce qu'il avait certaines affaires à régler, et de délai en délai il est resté en Belgique jusqu'au moment où la loi de 1835 a cessé d'exister. Force fut alors de le laisser dans le pays jusqu'à ce que les Chambres eussent volé une nouvelle loi sur les étrangers.

Dès que cette loi a été publiée, j'ai présenté un arrêté d'expulsion à la signature de Sa Majesté.

Cet arrêté a été notifié au sieur Morel.

Le sieur Morel, pendant son séjour, n'avait pas du tout cherché à faire oublier ses antécédents. Au contraire, d'après les renseignements pris par l'administration de la sûreté publique, il n'a cessé de faire des dettes et des dupes ; et dès que l'administration a été armée des pouvoirs nécessaires pour expulser un pareil hôte, elle s'est empressée d'eu user.

Elle a usé de ces pouvoirs non seulement à l'égard du sieur Morel, mais d'un grand nombre d'autres malfaiteurs étrangers. J'ai déjà dit que la Belgique ne devait pas être l'asile des malfaiteurs du monde entier, et qu'il est du plus grand intérêt du pays d'être débarrassé le plus tôt possible de gens de cette espèce.

Si la loi sur les étrangers ne donne jamais lieu à d'autres abus que celui qui vous est dénoncé par le sieur Morel, je crois que nous devrons nous féliciter tous les jours de l'avoir provoquée.

MpVµ. - On propose le renvoi de la pétition à la commission des pétitions.

- De toutes parts. - C'est inutile.

MpVµ. - Veut-on le dépôt au bureau des renseignements ?

- De toutes parts. - L'ordre du jour !

- L'ordre du jour est mis aux voix et prononcé.


« M. Hymans, empêché par une indisposition de se rendre à la Chambre, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi relatif aux fraudes en matière électorale

Discussion des articles

Article 24

MpVµ. - La Chambre est arrivée à l'article 23-24 ; à cet article se rattache une disposition proposée par M. Jacobs. Elle est ainsi conçue :

« Seront punis des mêmes peines les membres des bureaux électoraux qui donneraient connaissance à d'autres personnes des indications de nature à faire reconnaître les votants, dont ils se seraient aperçus dans l'exercice de leurs fonctions et qu'ils n'auraient pas signalées au bureau. »

M. Jacobsµ. - Messieurs, je ne sais s'il faut encore développer des amendements dont le sort est connu d'avance. Deux mots seulement à l'appui de celui dont il vient de vous être donné lecture.

Nous faisons une loi des suspects. Les plus suspects doivent être ceux qui ont le plus de pouvoir. Or d'après la loi, les membres du bureau ont une beaucoup plus grande facilité pour commettre des fraudes et pour trahir le secret des votes que les autres électeurs. Quoiqu'on leur ait interdit de prendre d'autres notes que celles qui sont nécessaires pour recueillir le nombre des suffrages de chaque candidat, cependant sous prétexte de constater ces votes, il leur est aisé, au moyen de signes quelconques, de marques qu'ils constatent sur quelques bulletins qu'ils ne signalent pas à leurs collègues du bureau, mais dont ils vont rendre compte à l'association dont ils sont membres d'attirer ainsi sur les électeurs dont ils ont découvert les votes, soit les vengeances, soit les faveurs de cette association. N'est-ce pas un fait d'une gravité excessive, et ne faut-il pas le réprimer de la manière la plus énergique ? Je n'ai pas reculé devant une pénalité assez forte, parce que le délit constitue un des abus de confiance les plus scandaleux, en raison de la qualité de membre du bureau dé celui qui le commet.

M. Crombez, rapporteur. - Je crois que le projet de loi a fait suffisamment la part qui devait revenir aux membres du bureau dans le système des pénalités. En effet, l'article 6, que nous avons voté, dit :

« Il est également interdit, sous la même peine, aux membres des bureaux, dée enir, pendant le dépouillement, des annotations autres que celles qui sont nécessaires pour la supputation des suffrages. »

Aller plus loin me paraîtrait une exagération. Je ne crois donc pas que la Chambre puisse adopter l'amendement de l'honorable M. Jacobs.

M. de Theuxµ. - C'est très bien de défendre aux membres du bureau de tenir des annotations. Si cependant on révèle le secret des votes, cela restera-t-il impuni ? C'est un fait très grave. La loi s'occupe de divers moyens d'assurer le secret des votes. Ainsi, il est tel bureau dans lequel il est très facile de s'assurer des votes de tels électeurs même en nombre assez grand. Si les membres du bureau ne sont pas tenus au secret, vous n'avez plus de garantie ; il y aura pour eux un privilège de contrôler les bulletins des votants et un privilège qui ne les expose à rien.

Je demanderai à M. le ministre ce qu'il pense de cette mesure.

MjTµ. - Messieurs, l'article du projet ne constitue pas un privilège, et la disposition que propose (page 1568) l'honorable M. Jacobs me semble d'une application impossible, à moins d'aller souvent Jusqu'à l'iniquité.

Je dis que l'article ne constitue pas un privilège pour les membres du bureau par le motif très simple que nous ne défendons à aucune personne de faire connaître à d'autres les marques qu'elle peut avoir découvertes sur un bulletin. Or, il s'agirait ici de punir le fait d'avoir donné connaissance à d'autres d'une marque observée sur un bulletin.

Je suppose qu'une personne circulant derrière le bureau remarque une indication qui se trouve sur un bulletin et la communique à d'autres, elle n'est pas punie. Vous mettriez les scrutateurs dans une position tout a fait exceptionnelle et vous seriez dans le cas de punir les actes les plus innocents.

Ainsi un scrutateur aura remarqué un billet portant certaine qualification anomale, un bulletin d'une écriture qui n'est pas une écriture ordinaire, que cependant on n'aura pas annulé ; si ce scrutateur dit : « Je voudrais bien savoir qui a remis ce bulletin, qui a inscrit cette qualification, » il sera puni.

Cela n'est pas possible ; c'est pousser la chose beaucoup trop loin ; ce serait placer les scrutateurs dans une position difficile. Tantôt on érige l'abstention en délit, tantôt on veut imposer le secret et faire, de la violation de ce secret, un délit ; à mon avis, c'est dépasser toutes les limites, et je ne saurais me rallier à un amendement pareil.

- L'amendement de M. Jacobs est mis aux voix, il n'est pas adopté.


MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale ?

MjTµ. - Messieurs, je demanderai si la dernière partie de cet article est bien nécessaire. Le gouvernement proposait de punir « d'un emprisonnement de 3 mois à 2 ans, et d'une amende de 80 à 2,000 fr. tout citoyen qui, chargé dans un scrutin du dépouillement des billets contenant les suffrages, sera surpris falsifiant, soustrayant ou ajoutant des billets, ou inscrivant, sur les bulletins des votants non lettrés, des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés. » La section centrale supprime cette dernière partie de l'article pour en faire une disposition générale qu'elle introduit dans l'article 25. Je ne fais pas d'objection à ce changement, mais je demande s'il est bien utile de mettre dans l'article 23 la finale : « Ou lisant frauduleusement des noms autres que ceux inscrits »

Cette disposition ne peut, évidemment s'appliquer qu'aux présidents, parce que ce sont eux qui sont chargés de lire les bulletins, elle ne peut s'appliquer aux scrutateurs. Je ne sais pas même si la rédaction serait bonne. Je crois que cette finale pourrait être supprimée.

M. Crombez, rapporteur. - Ainsi que le demande l'honorable ministre de la justice, on pourrait supprimer la dernière partie de l'article 23.

La question de savoir s'il est utile d'inscrire dans la loi une disposition spéciale contre les présidents des bureaux qui liraient frauduleusement des noms autres que ceux qui sont contenus dans les bulletins, cette question, dis-je, a été discutée lors de la révision du code pénal.

Voici ce que porte le rapport de la commission de la justice du Sénat :

« D'après l'exposé des motifs, les mots : « falsifiant des billets » s'appliquent non seulement au cas où l'on aurait matériellement falsifié un billet, mais encore au cas où on lirait des noms autres que ceux qui sont inscrits, Cette fraude, beaucoup plus facile, en effet, que la falsification matérielle, doit être sévèrement réprimée,

« S'il y avait un doute sur le sens de l'article, votre commission croirait devoir vous proposer un amendement. »

La section centrale, lorsqu'elle s'est occupée du projet de loi, a eu soin de consulter le rapport de la commission du sénat et elle a rencontré ce passage qui explique le sens et la portée de l'article 23. En outre, dans la loi française de 1849, article 102, on trouve la même disposition, et pour entrer dans les idées de la commission du Sénat et pour éviter toute incertitude, nous avons introduit dans la loi un amendement qui était suffisamment indiqué par les observations de la commission du Sénat.

Voilà les explications que j'avais à donner à la Chambre. Il en résulte que si l'on supprime la dernière partie de l'article 23, le mot « falsifiant » doit être interprété dans le sens indiqué par le rapport de la commission de la justice du Sénat.

MjTµ. - Il me semble que tout le monde est d'accord pour considérer la lecture frauduleuse de noms autres que ceux qui sont inscrits comme constituant une falsification. Il est donc inutile de le dire expressément car, comme le fait observer la commission du Sénat, ce serait assurément falsifier un bulletin que de le lire ainsi et de faire écrire par les scrutateurs des noms autres que ceux qui se trouvent sur le bulletin.

M. de Naeyer. - Messieurs, cette question a été examinée en section centrale et je me rappelle qu'en section centrale on a été tout à fait d'accord sur ce point que la lecture frauduleuse de noms autres que ceux inscrits sur le bulletin doit être considérée comme une falsification.

MjTµ. - Alors supprimons cela dans l'article.

M. de Naeyer. - Mais nous avons pensé que cet accord résultant de nos discussions, il est bon de le formuler dans la loi qui doit être la règle de conduite des citoyens. Sous ce rapport, nous n'avons fait que copier la loi française où ce fait de lire frauduleusement des noms autres que ceux qui sont inscrits sur le bulletin est expressément énoncé. Je ne vois pas d'inconvénient à faire la même chose dans la loi actuelle.

Il est évident que les lois pénales ne sauraient être trop claires et trop formelles ; du moment que c'est expressément, formellement énoncé dans un article, il ne peut plus y avoir une contestation quelconque et je crois qu'il est bon de prévenir tout doute à cet égard.

II est évident que. tous ceux qui doivent connaître ou appliquer la loi ne lisent pas toujours nos discussions et se bornent souvent à lire la loi. Il est donc désirable qu'ils y trouvent tout ce qui est nécessaire pour être fixé sur sa véritable portée, et surtout pour connaître parfaitement les faits punissables.

MjTµ. - Ce sont des magistrats qui président.

M. de Naeyer. - Pas toujours. Je ne vois aucun inconvénient à énoncer formellement le fait, et il y a cet avantage que la loi sera mieux comprise par tout le monde. Du reste, nous ne faisons que reproduire le texte de la loi française.

M. Mullerµ. - Je ne veux que citer les paroles qui se trouvent dans le rapport sur cette question. II y est dit :

« D'accord sur la portée qu'il faut attribuer à la falsification des bulletins, les membres de la section centrale se sont divisés sur le point de savoir s'il n'y aurait pas lieu de mentionner d'une manière expresse, comme le fait la loi française de 1849, la lecture frauduleuse de noms autres que ceux que l'électeur a inscrits ; et la majorité, pour lever tout doute, a adopté l'affirmative. »

Il est évident que si aujourd'hui on adhère à la suppression réclamée par M. le ministre de la justice, le sens sera parfaitement clair et il ne pourra y avoir le moindre doute à cet égard. Quant à moi, je n'attache aucune espèce d'importance à ce que ces quelques mots soient supprimés ou maintenus.

MjTµ. - Ni moi.

M. Mullerµ. - Il ne peut plus y avoir l'ombre d'un doute après les explications qui ont été données par la section centrale et celles qui viennent d'être échangées au sein de la Chambre.

MjTµ. - Je n'attache pas non plus d'importance à cette suppression, si ce n'est au point de vue de la rédaction. Je ne trouve pas la rédaction très bonne ; ainsi par exemple : « ou lisant frauduleusement des noms autres que ceux inscrits », n'est pas très correct. Il faudrait plutôt mettre : « ou lisant*frauduleusement des noms autres que ceux qui y sont inscrits ». D'un autre côté, cette disposition finale a l'inconvénient de paraître applicable à des personnes auxquelles elle n'est pas applicable. Les « personnes chargées », cela semble s'appliquer à tous les scrutateurs, alors que les scrutateurs ne lisent pas les bulletins. Si la Chambre tient à maintenir ces mots, je ne m'y oppose pas, mais je répète que tout le monde est d'accord pour considérer ce fait comme une falsification et reconnaître qu'il est compris dans les termes de l'article.

M. de Naeyer. - Puisque nous sommés tous d'accord, est-ce qu'il ne vaut pas mieux le dire dans la loi, que d'obliger ceux qui doivent la connaître à recourir à nos explications et à nos discussions ?

Je ne m'oppose pas à la modification de rédaction proposée par M. le ministre de la justice ; qu'on dise : « ceux qui y sont inscrits » si l'on veut, mais je ne puis partager l'opinion de M. le ministre de la justice quant à sa seconde observation, car celui qui donne lecture des noms, est en réalité chargé de concourir aux opérations du dépouillement ; il est donc bien compris dans la première disposition de l'article.

Le président est chargé du dépouillement des bulletins, car enfin la proclamation des noms est une partie du dépouillement ; cela est évident, et sous ce rapport il n'y a aucune anomalie entre les différentes dispositions de l'article.

(page 1569) En maintenant les mois dont M. le ministre de la justice demande la suppression, nous aurons cet avantage que la loi sera plus claire et mieux comprise par tout le monde.

MjTµ. - Je n'insiste pas sur mon observation ; j'examinerai de nouveau la disposition d'ici au second vote.

- La discussion est close.

La rédaction de la section centrale, avec la modification de rédaction proposée par M. le ministre de la justice, est mise aux voix et adopté.

Article 25

« Art. 25. Toute autre personne coupable des faits énoncés dans l'article précédent sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 26 à 1,000 fr. »

- Adopté.

Article 25 (du projet de la section centrale)

« Art. 25 (section centrale). La même peine sera prononcée :

« 1° Contre celui qui sera surpris soustrayant par ruse ou violence des bulletins aux électeurs, ou substituant un autre bulletin à celui qui lui aurait été montré ou remis.

« 2° Contre celui qui, le jour des élections et dans la salle où l'on vote, sera surpris inscrivant, sur les bulletins des votants non lettrés, des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés

« 3° Contre celui qui, à l'appel du nom d'un électeur absent, se présentera pour voter sous le nom de celui-ci. »

MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

MjTµ. - Oui, M. le président.

- L'article 25 est mis aux voix et adopté.

Interpellation

M. Bouvierµ. - Messieurs, nos travaux parlementaires vont enfin toucher à leur terme. Nous n'avons plus qu'à voter quelques articles fort peu importants du projet de loi que nous discutons en ce moment.

Avant de nous séparer, messieurs, je viens demander au gouvernement si les noms des Belges qui ont glorieusement succombé à Tacamburo... (Interruption.) Messieurs, je vois à son banc l'honorable ministre des affaires étrangères et je viens lui demander, pour rassurer les familles belges intéressées si les noms des Belges qui ont glorieusement succombé à Tacamburo sont connus.

Voilà ce que je désire savoir.

On nous a parlé de la probabilité d'un échange de prisonniers ; je demande si cet échange a pu être effectué ou s'il est sur le point d'arriver à l'état de fait accompli.

Ce n'est pas pour embarrasser le gouvernement que j'ai fait cette interpellation, c'est uniquement, je le répète, dans le but de rassurer les familles sur le sort des jeunes gens belges qui sont au Mexique. Voilà le seul but de mon interpellation.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Nous comprenons parfaitement l'inquiétude des familles, et très fréquemment je reçois des demandes de renseignements sur les soldats belges qui ont succombé ou qui ont été faits prisonniers dans le combat de Tacamburo.

Jusqu'ici le gouvernement n'a pas reçu d'informations précises à cet égard. A chaque courrier, je recommande cet objet de la manière la plus pressante, mais il est inexact de dire, comme on l'a fait, que le gouvernement aurait reçu des nouvelles qu'il aurait tenues cachées au public ; le gouvernement n'a aucune espèce d'intérêt à tenir secrètes de pareilles informations.

J'ai pu communiquer aux familles intéressées les noms des officiers et sous-officiers de la légion belge-mexicaine qui ont succombé à Tacamburo, ainsi que les noms des autres militaires qui sont morts par maladie ou par accident. Quant aux noms des soldats tués ou prisonniers, je ne les connais pas ; je les réclame et je les attends par chaque arrivée. On avait fait espérer l'échange des prisonniers ; mais à la date des dernières dépêches que j'ai reçues, cet échange n'avait pas encore eu lieu.

On peut être convaincu que le gouvernement ne négligera aucun soin pour obtenir les renseignements les plus précis, les plus exacts, et j'aime à espérer que nous pourrons fournir ces renseignements dans un délai rapproché.

M. Bouvierµ. - Messieurs, je remercie le gouvernement des explications qu'il vient de donner ; elles sont satisfaisantes... (Interruption.) Oui, satisfaisantes, en ce sens que le gouvernement, qui ne sait encore rien, fera connaître au Moniteur les noms des Belges morts au Mexique, dès qu'il aura reçu des renseignement à cet égard.

- L'incident est clos.

Projet de loi relatif aux fraudes en matière électorale

Discussion des articles

Article 27

« Art. 27. Dans les cas énoncés aux trois articles précédents, les coupables seront, en outre, condamnés à l'interdiction du droit de vote et d'éligibilité pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »

« Art. 26 (section centrale). Dans les cas énoncés aux trois articles précédents, les coupables seront, en cas de récidive, condamnés à l'interdiction du droit de vote et d'éligibilité pendant cinq ans au moins et dix anx au plus. »

MjTµ. - Messieurs, voici ce qui sépare le projet de la section centrale du projet du gouvernement : le projet du gouvernement commine l'interdiction des droits de vote et d'éligibilité pendant cinq ans au moins et dix ans au plus pour la première infraction aux articles qu'il désigne ; la section centrale, au contraire, ne commine cette interdiction qu'en cas de récidive.

Je maintiens le projet du gouvernement, parce que cette disposition a déjà reçu la sanction de la Chambre ; c'est à peu près la reproduction de l'article 160 du projet de révision du Code pénal déjà voté par la Chambre ; cet article commine également l'interdiction pour la première infraction aux articles qu'il indique.

Je ferai remarquer, d'ailleurs, que les faits sont très graves ; il s'agit de falsification de bulletins, d'addition, de soustraction de bulletins. Ce sont tous faits extrêmement graves.

Il me semble qu'on peut d'autant plus prononcer l'interdiction des droits de vote et d'éligibilité, que cette peine est en rapport avec les faits qu'il s'agit de punir. L'harmonie de la loi en souffrirait, si l'on ne prononçait ici l'interdiction qu'en cas de récidive. Je le répète, un article du Code pénal, déjà voté par la Chambre, commine l'interdiction pour la première infraction aux dispositions qu'il indique ; les faits sont tellement graves qu'à mon avis nous n'excédons pas la mesure, en punissant de l'interdiction, même ceux qui s'en rendent coupables pour la première fois.

M. Crombez, rapporteur. - Messieurs, je pense qu'il y a lieu de maintenir l'atténuation de la peine, proposée par la section centrale.

Si l'on considère l'économie de tout le projet de loi, on verra que l’interdiction du droit de vote et d'éligibilité n'est jamais prononcée qu'en cas de récidive. Il n'y a qu'une seule exception, c'est celle qui est posée par l'article 11, en cas de corruption.

Et en effet il est tout naturel que celui qui a trafiqué de son vote soit privé du droit de voter.

Il existe un pacte honteux et la loi a raison d'enlever à l'électeur l'exercice du droit de vote.

Mais, pour tous les autres cas, la loi ne prononce l'interdiction du droit de vote et d'éligibilité qu'en cas de récidive seulement.

Je n'ai pas sous les yeux le rapport de la commission de la justice du Sénat ; mais si mes souvenirs sont exacts, elle n'admet l'interdiction qu'en cas de récidive seulement.

Je crois donc qu'on se montrerait extrêmement sévère, même pour les délits prévus par les articles 23, 24 et 25, en prononçant pour la première fois, l'interdiction du droit de vote et d'éligibilité.

MjTµ. - Messieurs, je ne ferai qu'une seule observation : c'est qu'il me semble au moins aussi grave de falsifier un suffrage que de l'acheter. En cas d'achat d'un vote, il y a eu consentement, consentement vicié, il est vrai, parce qu'il est immoral ; mais il n'y a pas tromperie, falsification ; ce n'est pas un acte plus grave, que celui que pose, par exemple, un scrutateur, qui remplit une mission de confiance, en falsifiant un bulletin ; que celui que pose un président qui lit un nom autre que celui qui est inscrit sur un bulletin.

Je maintiens le projet du gouvernement.

M. Crombez, rapporteur. - Messieurs, dans les observations de M. le ministre de la justice, il y a quelque chose de fondé, en ce sens que les faits prévus par l'article 23 sont en effet très graves. Celui qui falsifie, soustrait ou ajoute des bulletins, commet un délit d'une extrême gravité, puisque ce fait peut exercer une influence sur le résultat du scrutin.

Mais l'article 25 prévoit des délits moins graves. Prenons, par exemple, le cas où, le jour des élections et dans la salle où l'on vote, un électeur sera surpris, inscrivant, sur les bulletins des votants non lettrés, des noms autres que ceux qui lui avaient été déclarés. Je crois que ce fait n'est pas assez grave pour qu'on inflige à celui qui le commet pour la première fois la peine de l'interdiction des droits de vote et d'éligibilité.

Il eu est de même pour celui qui sera surpris, soustrayant, par ruse ou violence, des bulletins aux électeurs, en substituant un autre (page 1570) bulletin à celui qui lui aura été montré ou remis. Dans ce cas, à mon avis, il n'y a pas lieu de prononcer l'interdiction pour la première infraction.

Si vous montrez cette rigueur dans les cas prévus par les articles 23, 24 et 25, comment se fait-il que vous rejetiez la peine de l’interdiction des droits de vote et d'éligibilité, sauf en cas de récidive, lorsqu'il s'agit de punir les autres délits prévus par le projet de loi ?

La section centrale a cherché à mettre un peu plus de logique dans les dispositions pénales du projet de loi et elle a proposé un amendement à l'article 26 qui ne permet l'application de la peine qu'en cas de récidive seulement.

M. Bara. - Messieurs, l'honorable M. Lelièvre a proposé un amendement qui, je crois, mettra d'accord la section centrale et M. le ministre de la justice. Il est évident que les faits prévus par les articles 24, 25 et 26 sont très graves ; et il y a des cas où manifestement une personne qui aura commis de pareils faits devra être interdite du droit de vote et d'éligibilité. Or, comme l'honorable M. Lelièvre propose de décider qu'il sera facultatif aux tribunaux de ne pas prononcer l'interdiction du droit de vote et d'éligibilité, en cas de circonstances atténuantes, je crois que l'honorable rapporteur de la section centrale doit trouver tous ses apaisements dans le vote de cette disposition.

M. Crombez, rapporteur. - Cette disposition n'est pas votée.

M. Bara. - Je crois que le gouvernement s'y est rallié et qu'elle sera votée par la Chambre.

M. Tesch, ministre de la justiceµ. - Messieurs, lorsque nous arriverons à l'article 35, je proposerai un amendement dans le sens des observations qu'a développées l'honorable M. Lelièvre.

J'introduirai dans la loi l'article du nouveau code pénal. Voici l'amendement que je proposerai à l'article 35 : « i l'interdiction du droit de vote et d'éligibilité est ordonnée, ils (les tribunaux) pourront prononcer cette peine pour un terme d'un à cinq ans ou la remettre entièrement. »

Cet article, en permettant au juge de ne pas prononcer l'interdiction quand il y a des circonstances atténuantes, sera suffisant si exceptionnellement le fait n'a pas beaucoup de gravité.

Mais si l'on veut bien se rendre compte des faits qui sont prévus par les articles 24 et 25, on voit qu'il s'agit en réalité d'un véritable vol de suffrages commis de différentes manières, soit par soustraction des bulletins, soit par inscription de noms autres que ceux qui sont indiqués, soit par substitution d'un bulletin à un autre.

L'achat de suffrages a sa gravité ; mais celui qui substitue un bulletin au bulletin que l'électeur veut déposer, le vole véritablement, et il me semble que dès lors l'interdiction peut être prononcée pour la première fois.

M. Nothomb. - Je crois qu'il faudrait faire une distinction entre les faits prévus par l'article 24 et les faits prévus par les articles suivants.

L'article 24 concerne les falsifications commises par les membres du bureau ; évidemment les membres du bureau sont beaucoup plus coupables que ceux qui sont dans la catégorie des articles 25 et 26.

Je comprendrais donc qu'on punît dès la première fois par l'interdiction des droits civiques les membres du bureau qui abusent de la confiance que la loi leur accorde et que l'on ne punît pas aussi sévèrement ceux qui sont dans la catégorie des articles 25 et 26.

M. Orts. - Messieurs, je crois que, dans le système du gouvernement, la graduation de la peine doit être maintenue, sauf l'admission des circonstances atténuantes que M. le ministre de la justice réserve. Il y a pour cela deux raisons.

D'abord, dans la législation actuelle, sous l'empire du Code pénal qui nous régit, l'article 111 fait un crime du fait puni par l'article 25 du projet de loi. La falsification des bulletins ou la substitution, sur le bulletin d'un électeur illettré, d'un nom autre que celui qu'il avait l'intention de faire inscrire, est punie aujourd'hui du carcan, c'est-à-dire d'une peine infamante, qui, une fois prononcée, fait déchoir définitivement du droit de vote et d'éligibilité, tandis que la vente d'un suffrage n'est punie que d'une peine correctionnelle et éventuellement de la suppression, de l'interdiction des droits de citoyen et du droit d'admission aux fonctions publiques.

Ainsi, le système du gouvernement me paraît devoir être maintenu, parce qu'il est le maintien de la législation existante.

Je ne vois pas de raison pour déclarer le fait de falsification d'un suffrage moins grave que le fait d'achat de suffrage, et voici pourquoi.

Celui qui achète un suffrage ne cause en définitive de préjudice qu'à la société, parce qu'il a un complice volontaire dans celui qui consent à vendre son suffrage. De mal individuel, il n'y en a pas. La société est lésée, parce que l'intérêt public, qui exige que les élections soient pures, est compromis par un fait pareil.

Mais lorsque vous falsifiez des bulletins, lorsque vous inscrivez sur le bulletin d'un électeur illettré un nom autre que celui de la personne pour laquelle l'électeur entend voter, non seulement vous falsifiez, au point de vue de l'intérêt public, le résultat de l'élection, mais vous trompez encore l'électeur qui a consciencieusement voté dans un sens autre que celui dans lequel il voulait voter.

Il y a donc deux préjudices causés : un préjudice à un intérêt particulier et un préjudice à un intérêt public.

Je pense que le système est parfaitement logique et doit être voté.

M. Crombez, rapporteur. - Moyennant l'adoption de l'amendement proposé par M. le ministre de la justice à l'article 25, je crois que nous pouvons nous rallier à la rédaction du gouvernement.

- L'article, tel qu'il a été proposé par le gouvernement, est adopté.

Article 27 (nouveau)

« Art. 27 (nouveau). Quiconque aura voté dans un collège électoral, soit en violation de l'article 3 de la loi du 1er avril 1843 (article 5 de la loi électorale) et de l'article 12 de la loi du 30 mars 1836, soit en violation d'une interdiction des droits de vote et d'éligibilité à laquelle il aurait été condamné, sera puni d'une amende de 26 à 200 fr.

« Cette disposition et l'un des deux articles qu'elle mentionne, suivant qu'il s'agira d'élections générales, provinciales ou communales, seront insérés textuellement dans les lettres de convocation des électeurs. »

- Adopté.

Article 28

« Art. 28. Toute personne qui, le jour de l'élection, aura causé du désordre, soit en acceptant, portant ou abordant un signe de ralliement, soit de toute autre manière, sera punie d'une amende de 50 à 500 fr. »

MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il, pour l'article 28, à la rédaction de la section centrale ?

MjTµ. - Non, M. le président.

MpVµ. - La discussion s'ouvre sur la rédaction du gouvernement, ainsi conçue :

« Art. 28. Toute personne qui, le jour de l'élection, aura causé du désordre ou provoqué des rassemblements tumultueux, soit en acceptant, portant ou arborant un signe de ralliement, soit de toute autre manière, sera punie d'une amende de 50 à 500 francs. »

M. Crombez, rapporteur. - Messieurs, nous avons supprimé, dans l'article du gouvernement, les mots : « ou provoqué des rassemblements tumultueux, » et voici le motif de cette suppression : il n'y a guère d'élections où il n'y ait des rassemblements tumultueux.

A toutes les élections, il y a des réunions plus ou moins bruyantes, plus ou moins agitées.

Au surplus, l'article 25 est la reproduction d'une disposition de la loi du 1er avril 1843, disposition qui n'a jamais été appliquée. Et cependant depuis 1843, il y a eu des élections avec des rassemblements tumultueux. La section centrale a donc été d'avis de punir, d'une manière générale, ceux qui auront causé du désordre. Car le désordre suppose un fait dangereux pour la tranquillité publique, tandis qu'un rassemblement un peu bruyant, un peu tumultueux n'a pas le même caractère.

MjTµ. - Messieurs, il y a certainement, je ne dirai pas dans toutes, mais dans la plupart des élections, plus ou moins de rassemblements tumultueux. Mais que faut-il entendre par rassemblements tumultueux ?

La loi entend parler de rassemblements tumultueux qui peuvent avoir une influence sur l'élection, qui peuvent la troubler. Voilà comme je l'entends et ce n'est que dans ce sens que j'ai maintenu les mots dans l'article, qui, du reste, est la reproduction de l'article 19 de la loi électorale et de l'article 161 du code pénal nouveau voté par la Chambre.

Cet article, par cela même qu'on l'a peu appliqué ou qu'on ne l'a pas appliqué, n'a donné lieu à aucun inconvénient. Quand il n'y aura que des rassemblements sans importance, de ces rassemblements qui n'ont pas pour objet, qui n'ont pas pour but de troubler l'élection, ils ne tomberont pas sous l'application de l'article. Mais les rassemblements dans le but d'intimider certains électeurs, ou de donner à l'élection une direction qu'elle ne doit pas avoir, doivent être punis : ils tomberont sous l'application de la loi.

M. Thonissenµ. - Il me semble, messieurs, qu'il y a, dans l'article que nous discutons, une importante lacune. L'article punit ceux qui, le jour de l'élection, provoquent des rassemblements tumultueux ; mais il garde un silence absolu sur ceux qui organisent les mêmes manifestations la veille ou l'avant-veille de l'élection. Ainsi, la veille ou (page 1571) l'avant-veille de l'élection, on réunit des bandes nombreuses ; ces bandes parcourent les rues, font entendre des menaces et intimident les électeurs des campagnes. Ces faits peuvent-ils rester impunis ? Vous voulez tous que le droit électoral s'exerce librement ; vous l'avez déclaré à diverses reprises. Or voici un moyen très efficace de porter atteinte à la liberté des élections.

On forme des rassemblements de deux ou trois mille individus ; ils parcourent les rues d'une ville populeuse en poussant des cris plus ou moins menaçants, et, en même temps, on envoie dans les campagnes des émissaires qui disent : Il y a déjà du désordre aujourd'hui ; demain il y aura des troubles plus sérieux ; il y aura du danger à se rendre en ville. Evidemment, messieurs, cela ne peut pas être toléré.

MfFOµ. - Les campagnards ne sont pas assez sots pour se laisser prendre à de pareilles manœuvres.

M. Thonissenµ. - Cependant l'expérience a déjà prouvé que ce fait exerce de l'influence sur les électeurs qui doivent venir de la campagne. Et s'il n'avait pas d'influence, pourquoi rassemblerait-on ces bandes qui parcourent les rues d'une grande ville pendant plusieurs heures ? Je le répète, la loi pénale doit ici intervenir.

Je proposerai donc d'ajouter, après les mots : « le jour de l'élection, » ceux-ci : « ou à l'occasion de l'élection. »

M. Giroulµ. - Messieurs, les cas indiqués par l'honorable M. Thonissen, ou bien sont parfaitement licites et ne tombent sous l'application d'aucune loi, ou bien sont prévus par la loi pénale. S'il s'agit seulement de rassemblements n'offrant aucun caractère délictueux, de citoyens réunis paisiblement et se promenant dans une ville, je demande comment M. Thonissen, qui, comme nous tous, est un partisan des plus sincères de la Constitution, peut penser à réprimer ces faits.

En effet, messieurs, c'est une des plus glorieuses conquêtes de 1830, c'est une des conquêtes auxquelles nous tenons le plus, que le droit de se réunir paisiblement et sans armes. Or l'honorable M. Thonissen, dans les cas dont il nous entretient, fait précisément le procès à l'usage de cette liberté. Il parle de 2,000 ou 3,000 citoyens se promenant paisiblement, sans proférer aucune espèce d'injure, sans faire aucune espèce de tapage. (Interruption.)

Vous parlez d'injures et de tumulte, mais cela est puni et M. Thonissen doit le savoir tout aussi bien que moi ; il y a un délit qu'on appelle tapages injurieux ou tapages nocturnes. (Interruption.) Il ne faut pas que le fait réunisse les deux caractères. Les tapages en plein jour sont punis ; si c'est ce fait que l'on veut réprimer, il n'y a pas lieu de voter une disposition nouvelle.

M. Thonissen trouve qu'il existe certaines manœuvres répréhensibles ; elles consistent, d'après lui, à réunir des bandes qui parcourent les rues, même paisiblement, et à répandre dans les campagnes le bruit que la ville se trouve dans une espèce de désordre, que l'émeute y a éclaté ; eh bien, si l'on veut entrer dans cette voie, si l'on veut mettre en tutelle l'esprit public de cette nation qui depuis 35 ans a su faire un usage si digne et si modéré des libertés publiques, mon Dieu, adoptez la législation française ; celle-là s'effraye de ce qu'un journal répand un faux bruit, de ce que bien bas et à l'oreille un citoyen annonce une fausse nouvelle ; cette législation punit même l'erreur dans laquelle un citoyen peut tomber.

Est-ce là que vous voulez en venir, à l'occasion d'une loi qui n'a d'autre but que de réprimer les fraudes électorales ? Alors vous devez aller plus loin, vous devez empêcher, comme en France, l'expression libre des programmes de la part de toute espèce de candidat, vous devez empêcher les partis de condamner et de combattre les tendances de leurs adversaires ; en un mot, vous devez réglementer la polémique en matière électorale.

Vous devez faire plus, vous devez même réglementer les réunions électorales, vous devez arriver à la compression complète. Je suis persuadé que ce n'est pas un résultat semblable que l'honorable M. Thonissen veut obtenir.

Son amendement aboutit à des conséquences dont il serait effrayé lui-même.

Si les rassemblements sont tumultueux, ils sont punis ; si les rassemblements sont permis par la législation actuelle, ils doivent demeurer licites, et personne dans cette Chambre ne voudrait suivre un membre proposant de punir des citoyens se réunissant paisiblement et sans armes. Il n'est pas possible de sortir de ce dilemme, par conséquent l'amendement de M. Thonissen doit tomber.

Il doit tomber par un autre motif. Il porte ; « Ou à l'occasion de l'élection. » Cela peut s’appliquer à des élections qui doivent avoir lieu six mois plus tard. Je suppose que demain il se forme des rassemblements où l'on s'occupe des élections prochaines, où l'on discute les candidatures. Ce serait longtemps d'avance, mais l'amendement n'indique aucune limite.

Eh bien, M. Thonissen veut-il punir un fait semblable parce qu'il sera posé dans un but électoral ?

Evidemment non, Je dis que vous arrivez à des conséquences tellement absurdes que toute espèce de réunion ayant pour but d'apprécier la politique du jour, d'apprécier ce qui s'est passé dans les Chambres, d'apprécier la conduite de chaque membre, que tout cela tomberait sous l'application de la loi.

Messieurs, un tel système n'est pas admissible.

M. Thonissenµ. - Messieurs, je ne conçois vraiment rien à l'importance extraordinaire que l'honorable M. Giroul attache à la proposition que j'ai eu l'honneur de faire à la Chambre. Il ne s'agit pas le moins du monde de la violation de la Constitution, et il n'est nullement nécessaire de placer à cette hauteur une chose aussi simple que celle que je demande.

Sans doute, les Belges peuvent s'assembler, mais comment ? « Paisiblement et sans armes. » Or, je parle, moi, de réunions qui ne sont pas paisibles et qui, par conséquent ne rentrent pas dans la catégorie de celles que la Constitution a placées à l'abri de l'atteinte du législateur.

Je ne m'occupe que de rassemblements tumultueux, de rassemblements avec désordre et propres à intimider les électeurs.

La Constitution est donc hors de cause et l'on peut se dispenser de faire des phrases sur les libertés constitutionnelles. Ces libertés ne sont pas en péril ; je cherche, au contraire, à mettre un frein à ceux qui veulent y porter atteinte.

L'honorable membre parle de tapage nocturne. Mais ce n'est là qu'une simple contravention de police prévue par le Code pénal. (Interruption.)

Il parle également d'un rassemblement injurieux. Mais là encore nous ne trouvons qu'une contravention de police. D'ailleurs, il peut y avoir des rassemblements pleins de désordre sans qu'ils soient injurieux pour quelqu'un.

Un rassemblement de 2,000 à 3,000 personnes peut être très propre à intimider les électeurs des campagnes, sans qu'il soit injurieux pour le candidat qui s'est mis sur les rangs.

Du reste, l'honorable M. Giroul s'est plu à exagérer ma proposition outre mesure. Qu'est-ce que je demande ? Est-ce que je veux frapper le droit d'association ou le droit de se réunir sans armes, l'un et l'autre formellement garantis par la Constitution ?

Voici, messieurs, les termes de mon amendement :

« Toute personne qui, le jour de l'élection, ou à l'occasion de l'élection, aura causé du désordre, etc. » Pour le surplus, j'adopte complètement la rédaction de l'article du gouvernement.

Je propose donc uniquement de frapper, la veille ou le lendemain, ce que l'on frappe le jour même de l'élection.

Mais, si votre argumentation était sérieuse, l'article 28 devrait disparaître tout entier ; il serait, lui aussi, une violation de la Constitution, une répétition du Code pénal. Tout ce que vous avez dit s'applique parfaitement à l'article 28 et, dans votre système, le gouvernement, aussi bien que moi, viole la Constitution ; il ne connaît pas le Code pénal ; il oublie qu'il y a des peines de police qui frappent le tapage nocturne et le tapage injurieux. Evidemment, vous arrivez à des conséquences que vous ne voulez pas atteindre vous-mêmes.

Mais, dit l'honorable M. Giroul, vous consacrez l'arbitraire par ces mots : « à l'occasion ».

Si ces mots « à l'occasion » étaient la consécration de l'arbitraire, il faudrait que l'honorable M. Giroul usât de son droit d'initiative pour demander la suppression de 50 articles du code pénal de 1810 et de 25 articles du code pénal militaire ; car, à chaque instant on y trouve les mots : « Quiconque pour tel fait ou à l'occasion de tel fait commettra tel acte, etc. » Ainsi, par exemple, l'article 223 punit celui qui outrage un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Il y a une foule d'autres exemples que je ne veux pas énumérer.

Les mots « à l'occasion » soulèvent une question que le tribunal aura à apprécier.

Vous dites encore que, s'il y a eu du tapage à propos d'un individu et que si, deux ans plus tard, cet individu se met sur les rangs, on viendra prétendre que les désordres ont eu lieu à l'occasion de l'élection.

(page 1572) Cela n'est évidemment pas sérieux et je ne perdrai pas mon temps et celui de la Chambre à répondre à de pareils arguments.

Voulez-vous proscrire l'arbitraire d'une manière absolue ? Vous n'avez qu'à voter contre la loi, car, à chaque instant, l'appréciation du juge interviendra.

En un mot, pour ne pas abuser des moments de la Chambre, je demande simplement qu'on ne se borne pas à punir un fait réellement coupable le jour de l'élection. Je demande qu'on frappe, la veille, ce qu'on frappe le jour même. Voilà tout.

M. Mullerµ. - Messieurs, je crois qu'il y a un motif spécial qui a engagé le gouvernement à frapper d'une manière tout exceptionnelle les désordres occasionnés le jour de l'élection.

Les désordres qui sont occasionnés dans d'autres temps sont réprimés par la loi pénale, mais le jour de l'élection, lorsque tout un corps électoral est rassemblé dans un même lieu, il est évident qu'il y a un motif spécial pour frapper d'une peine exceptionnelle les désordres qui seraient occasionnés par les élections.

Je ne puis, messieurs, admettre l'amendement de l'honorable M. Thonissen qui veut qu'en toute hypothèse des rassemblements tumultueux qui auraient lieu à l'occasion d'une élection, puissent tomber sous l'application de l'article.

En effet, messieurs, vous pourriez aller très loin à cet égard, et vous pourriez frapper, dans leur essence, les meetings, par exemple, tenus en plein air et qui ont plus ou moins le caractère tumultueux.

C'est pour cela, messieurs, que la section centrale avait écarté les mots : « ou provoqué des rassemblements tumultueux ». Elle s'était dit que la première partie de la rédaction du gouvernement était satisfaisante. Si vous avez causé du désordre, vous serez puni. Mais si le rassemblement même tumultueux n'a pas occasionné de désordre, il n'y a pas de peine. C'est ce qu'explique la section centrale dans les termes suivants :

» Conformément au vœu exprimé par la cinquième section, la section centrale propose de supprimer les mots : « ou provoqué des rassemblements tumultueux. » Il suffit de réprimer le désordre d'une manière générale. Quant aux rassemblements plus ou moins paisibles, plus ou moins agités, il y en aura toujours, dans un pays libre, en temps d'élection. Insérer ces expressions dans la loi, c'est évidemment prévoir un fait, regrettable si l'on veut, mais qui ne saurait être l'objet d'aucune poursuite lorsqu'il n'a pas occasionné un trouble de l'ordre public. Cette modification a été adoptée par cinq voix contre une. »

Eh bien, messieurs, quant à moi je persiste à trouver la rédaction de la section centrale préférable à celle du gouvernement. Elle donne moins prise à l'arbitraire.

M. Giroulµ. - Messieurs, j'ai quelques mots à répondre à l'honorable M. Thonissen. J'ai à faire remarquer à la Chambre que, dans sa réplique, il a complètement métamorphosé les faits qu'il avait signalés comme devant tomber sous l'application de son amendement.

J'ai répondu à l'exemple qu'il avait donné en prévoyant des faits qui me paraissent parfaitement licites.

Un rassemblement a lieu la veille ou l'avant-veille de l'élection, dans une ville, et se compose de 2,000 personnes. Je prends le nombre cité par l'honorable membre. Il parcourt la ville.

L'honorable membre n'a pas fait allusion le moins du monde à des circonstances graves autres que celle du rassemblement d'un certain nombre de citoyens.

Mais, dit-il, on prend texte de ce fait pour le répandre dans les campagnes et pour empêcher ainsi l'électeur campagnard de venir au scrutin. Ce fait est répréhensible et c'est ce fait que je veux punir.

Voilà ce qu'a dit l'honorable M. Thonissen et voilà contre quelle argumentation je me suis élevé.

M. Thonissenµ. - J'ai dit les rassemblements tumultueux.

M. Giroulµ. - J'ai dit de plus que s'il s'agit d'un rassemblement tumultueux, que s'il s'agit d'un rassemblement occasionnant du désordre, et c'est le cas dans lequel s'est placé l'honorable membre dans sa réplique, ce fait tombe sous l'application de la loi pénale et que les administrations locales ont tous les pouvoirs pour les faire cesser. Le premier devoir du bourgmestre d'une ville ou d'un village, c'est de faire régner la tranquillité publique dans la circonscription qu'il est appelé à administrer.

Je disais donc que le second fait signalé par M. Thonissen était inutile à prévoir dans la loi nouvelle. Mais j'ai eu à combattre cette étrange théorie qui consiste à vouloir punir celui qui, dans un but électoral, et usant de tous les moyens de publicité et de propagande que la Constitution met a notre disposition, vient dans un village répandre le bruit qu'à la ville qui est le chef-lieu, il y a du désordre.

II faut que le bon sens public fasse justice de semblables bruits ; il faut avoir assez de confiance dans l'énergie et la sagesse du peuple belge pour ne pas se constituer son tuteur en toutes circonstances.

Dans le cas dont il s'agit, la nation est suffisamment préservée par son propre bon sens.

M. Thonissen, abandonnant sa première argumentation, se place sur un autre terrain... (Interruption.) Vous demandez maintenant que les rassemblements tumultueux soient punis.

Ainsi posée, la question sera résolue à l'unanimité. Tout le monde est d'accord avec M. Thonissen, que les rassemblements occasionnant du désordre ne sont pas la conséquence d'un droit constitutionnel, puisque la Constitution n'autorise que les rassemblements paisibles et sans armes.

Mais la loi actuelle prévoit et punit ce cas. Un citoyen ne peut provoquer du désordre sans tomber sous l'application d'une loi pénale. Dans les termes où M. Thonissen a posé son amendement, il est donc superflu et inutile, car cet amendement n'est que la reproduction d'une disposition existante et dont chaque citoyen a le droit de demander l'application en vertu du code d'instruction criminelle.

Dans toutes ces circonstances, il n'y a pas lieu de tenir compte de l'amendement, puisqu'il ne fait que consacrer un principe déjà inscrit dans nos lois.

MpVµ. - Le bureau a reçu l'amendement suivant de M. Thonissen :

« Je propose de rédiger l'article 28 de la manière suivante : Toute personne qui le jour de l'élection ou à l'occasion de l'élection aura causé du désordre ou provoqué des rassemblements tumultueux, soit en acceptant, portant ou arborant un signe de ralliement, soit de toute autre manière, sera punie d'une amende de 50 à 500 fr. »

- L'amendement est appuyé.

M. Thonissenµ. - Dans l'observation faite par l'honorable M. Muller, il y a quelque chose de fondé. Ordinairement c'est le jour même des élections que des désordres se manifestent et que se produisent les manœuvres que l'article 28 a pour but de réprimer. Mais l'expérience a prouvé que ces mêmes faits peuvent se manifester également la veille des élections et même le lendemain. (Interruption.)

L'article 28 se réfère à un cas qui, jusqu'à présent, n'a pas été littéralement prévu par nos lois pénales ; cela est incontestable. Que porte l'article ? « Toute personne qui, le jour de l'élection, aura causé du désordre ou provoqué des rassemblements tumultueux, soit en acceptant, portant ou arborant un signe de ralliement, soit de toute autre manière, sera punie d'une amende de 50 à 500 fr. »

Voilà donc un fait qui n'est pas prévu par la législation actuelle, du moins dans les termes où il est défini à l'article 28. Qu'est-ce que je demande ? Je ne modifie pas la qualification du délit ; j'accepte la proposition du gouvernement et je me contente de l'étendre à quelques cas nouveaux.

Le fait, selon vous, est punissable le jour de l'élection. Eh bien, je vous demande de le punir de même la veille, lorsqu'il se présente avec les mêmes caractères et qu'il a été commis à l'occasion d'une élection.

Je suppose que le jour de l'élection on réunisse la lie de la population d'une grande ville ; cette populace parcourir les rues en criant : « Vive un tel ! A bas un tel ! »

M. Allard. - Les catholiques ont fait cela l'année dernière à Tournai, ils ont crié : « Vive Delannoy ! »

M. Orts. - On n'en meurt pas.

M. Thonissenµ. - Je ne me préoccupe pas de Tournai, je me préoccupe des principes : si des catholiques commettent un délit, on n'a qu'à les punir comme les autres.

Je suppose donc la populace réunie, parcourant les rues avec un drapeau et poussant des cris ayant un caractère politique. Ce cas est prévu par l'article 28 pour le jour des élections. Mais on ne réunit pas seulement la populace le jour de l'élection ; on la réunit aussi la veille ou quelques jours auparavant, afin d'inquiéter la population et d'intimider les électeurs.

A mon avis, ces faits méritent une peine spéciale, et il ne suffit pas, qu'on nous renvoie au code pénal qui punit d'une peine de simple police le tapage injurieux et le tapage nocturne. Il y a ici un abus qui présente une gravité particulière, et il me paraît évident que le fait puni le jour même de l'élection doit l'être également s'il est commis un autre jour, mais à l'occasion de l'élection.

(page 1573) M. Orts. - Si la disposition pouvait donner lieu à une discussion sérieuse dans cette Chambre à l'époque où nous nous trouvons, je proposerais, moi, à la Chambre de supprimer complément l'article. S'il y a des désordres sérieux dans une rue d'une grande ville, comme le suppose M. Thonissen, la police locale et la police judiciaire ont en mains les moyens de les faire cesser. Je ne trouve pas que, pour une nation virile qui aime à jouir de ses droits politiques dans toute leur étendue, ce soit un grand danger, un danger qui doive effrayer un candidat ou un électeur, que de laisser se promener par les rues une troupe accompagnée d'un drapeau et criant : « Vive un tel ! A bas un tel ! » Ce fait s'est produit contre moi à Bruxelles ; je n'en suis pas mort, et personne n'en meurt. Cela ne m'a pas empêché même d'être élu, et si j'avais quelque chose à proposer, je le répète, ce serait de supprimer cet article qui n'a été introduit dans la loi électorale que malgré l'opinion libérale et par les efforts de la droite.

MjTµ. - L'amendement de l'honorable M. Thonissen me semblé méconnaître complètement l'esprit de l'article 28. Quel est le but de cet article ? C'est d'assurer la liberté des électeurs le jour des élections. Tous les désordres qui peuvent avoir lieu le jour des élections sont une atteinte à la liberté des électeurs ; mais M. Thonissen, par l'extension qu'il donne à l'article, va bien au delà. Ce sont moins les rassemblements tumultueux qu'il punit que l'intention dans laquelle ils peuvent avoir lieu.

Et remarquez bien qu'il ne punit pas seulement les rassemblements qui auront lieu la veille, mais il punit encore ceux qui auront lieu le lendemain. Or, je demande en quoi des rassemblements qui ont lieu après les élections peuvent porter atteinte à la liberté électorale. Mais, messieurs, les élections occasionnent souvent des rixes dans les villages ; même après qu'elles sont terminées ; irez-vous punir ces faits en tant que se rattachant aux élections, alors qu'ils n'ont pu exercer aucune influence sur ces élections ? Cela n'est pas admissible.

Ce n'est évidemment pas là ce que la loi veut atteindre : la loi se propose uniquement de garantir la liberté pleine et entière de l'électeur. On ne doit pas supposer que l'électeur soit assez pusillanime pour rester chez lui de peur de rassemblements qui auraient lieu au siège de l'élection. Il faudrait alors punir toute espèce de faits qui seraient de nature à inspirer une crainte quelconque. Or, cela n'est évidemment pas admissible. Je crois donc qu'il convient de maintenir l'article tel qu'il est et de ne pas lui donner l'extension qu'on propose.

L'honorable M. Thonissen dit : Pourquoi ne pas punir, la veille, un fait qui, accompli le jour même de l'élection, tombe sous l'application de la loi ? Pourquoi ? Mais, messieurs, parce qu'il n'a pas la même gravité, parce que les rassemblements qui auraient lieu la veille des élections' n'exercent aucune influence sur les électeurs qui viennent le lendemain, exercer leur droit.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Thonissen est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 28 de la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article 29

MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il à la nouvelle rédaction de l'article 29 proposée par la section centrale ?

MjTµ. - Non, M. le président.

MpVµ. - La discussion s'ouvre donc sur l'article 29 du gouvernement, ainsi conçu :

« Art. 29. Quiconque, n'étant ni membre d'un bureau, ni électeur, entrera, pendant les opérations électorales, dans le local de l'une des sections, sera expulsé par l'ordre du président et puni d'une amende de 50 à 500 francs. »

M. de Borchgraveµ. - Je voudrais avoir de l'honorable rapporteur de la section centrale du gouvernement une explication sur la portée du mot « électeur » dans l'article que nous discutons.

Ce mot doit-il être pris dans son acception la plus générale, ou bien la prohibition de pénétrer dans le local oh se fait l'élection s'applique-t-elle à tout électeur qui ne fait pas partie de la circonscription de la commune, du canton ou de l'arrondissement, selon qu'il s'agit d'élections communales, provinciales ou générales ?

Si la disposition doit être entendue dans ce dernier sens, je me permettrai, quoique sans espoir de le voir adopter, de proposer un amendement tendant à consacrer une exception en faveur de tout candidat, notoirement connu comme tel dans la circonscription électorale oh ont lieu ces élections.

- Voix à gauche. - Cela n'a jamais été contesté.

M. de Borchgraveµ. - Je vous demande pardon, et je puis vous attester que j'ai été moi-même averti, lors des dernières élections, que si j'entrais dans le bureau où avait lieu l'élection qui me concernait, on m'en refuserait l'entrée.

MjTµ. - Je tiens à signalera la Chambre, afin de permettre à chacun de se prononcer en parfaite connaissance de cause, la différence qu'il y a entre la disposition du gouvernement et celle de la section centrale.

L'article 29 du projet du gouvernement est la reproduction de l'article 22 de la loi électorale et de l'article 162 du code pénal révisé.

D'après la proposition du gouvernement, tout individu qui, n'étant ni membre du bureau, ni électeur dans la circonscription électorale, entrera dans le local de l'une des sections, sera expulsé par l'ordre du président et puni d'une amende de 50 à 500 francs. C'est-à-dire que le fait seul de s'introduire dans le local des élections est puni d'une amende.

La section centrale, au contraire, ne commine pas de peine contre la simple introduction ; la peine n'est comminée que s'il y a eu résistance à l'ordre d'expulsion donné par le président.

Ainsi, quand un individu s'est introduit dans le local, le président doit commencer par ordonner son expulsion ; s'il résiste ou s'il rentre dans la salle, alors seulement il est puni. Telle est, messieurs, la différence entre les deux dispositions.

Je crois préférable la disposition du gouvernement, parce qu'elle aura pour effet de prévenir les abus bien mieux que celle de la section centrale. D'après cette dernière, tout individu qui entre dans un bureau électoral sans en avoir le droit, n'est exposé qu'à devoir quitter la salle, sur l'ordre du président.

Il est évident qu'un grand nombre d'individus pourront s'introduire clandestinement dans la salle et s'y livrer, peut-être pendant assez longtemps, à des manœuvres que la loi veut réprimer, avant que le président s'aperçoive de leur présence. Il vaut donc mieux, je pense, punir le fait de s'être introduit dans la salle.

On n'atteint que la moitié du but qu'on se propose s'il faut d'abord que le président ordonne l'expulsion et si la peine n'est encourue qu'en cas d'infraction à cet ordre ; car il est évident que ceux qui voudront entrer dans la salle ou se fait l'élection pour s'y livrer à des manœuvres coupables, ne seront pas arrêtés par la seule crainte de recevoir l'ordre de se retirer, et en attendant que cet ordre soit donné ils auront pu commettre tous les délits que nous cherchons précisément à réprimer.

Je pense donc que la Chambre fera bien d'adopter la proposition du gouvernement.

MpVµ. - M. de Borchgrave propose de dire : « Quiconque n'étant ni membre du bureau, ni électeur ou candidat notoirement connu comme tel (le reste comme à l'article) »

- Cet amendement est appuyé.

M. Crombez, rapporteur. - L'honorable M. de Borchgrave a demandé l'opinion de la section centrale sur la question de savoir si un électeur peut pénétrer dans un bureau électoral d'une circonscription dont il ne fait pas partie. Voici ce que dit, sur ce point, le rapport de la section centrale.

« Pendant la discussion de l'article 145 (article 162 de la commission du Sénat) à la Chambre des représentants, il est résulté des explications échangées que les électeurs ont le droit d'entrer dans toutes les sections et par conséquent dans celles où ils ne sont pas appelés à voter. La commission du Sénat a exprimé la même opinion. « Il doit être bien entendu, dit-elle, qu'il suffit d'être électeur dans un des bureaux pour avoir accès dans tous. Les élections forment un ensemble que chaque électeur a le droit de surveiller dans son arrondissement électoral, »

Ainsi, messieurs, l'électeur de Bruxelles ne peut pas entrer dans les bureaux électoraux de Tournai, par exemple ; il ne peut pénétrer que dans les bureaux du collège électoral où il est inscrit comme électeur.

Maintenant, je réponds à l'observation de M. le ministre de la justice.

Voici ce qui s'est passé en section centrale : toujours préoccupée de chercher les documents qui avaient déjà traité les questions qui lui étaient soumises, la section centrale a examiné les discussions qui ont eu lieu dans le sein de la commission du Sénat, sur l'article dont nous nous occupons, emprunté au projet de révision du code pénal. Voici ce que la commission du Sénat dit dans son rapport :

« L'article 162 punit d'une amende celui qui, n'étant pas électeur, entre dans un bureau électoral. Cette défense trouverait une sanction suffisante dans le droit d'expulsion, qui devrait être formellement accordé au président, et la loi ne devrait punir que la résistance, ou la rentrée (page 1574) après l'expulsion, sauf les peines plus sévères à prononcer d'après le caractère de la résistance. »

La section centrale, trouvant cette modification dans le travail de la commission du Sénat, l'a adoptée. Elle nous paraît juste. Qu'arrive-t-il dans la pratique ? Un non-électeur entre dans un bureau électoral, sans aucune mauvaise intention. Il suffit de l'inviter à se retirer. Maintenant si cet individu rentre, après avoir été prévenu, il commet un délit. Mais c'est aller trop loin que de punir d'une amende une simple infraction de ce genre, quand il est commis pour la première fois. L'avertissement est très suffisant.

M. de Borchgraveµ. - Messieurs, l'honorable M. Crombez n'a pas répondu à la question que je me suis permis de lui adresser. Je ne demande pas que l'on consacre un principe général dans la loi, je me suis borné à réclamer une exception pour une personne qui est candidat dans un autre arrondissement que celui où elle est électeur.

Pour la Chambre nous sommes éligibles dans toute la Belgique, tandis que nous ne sommes électeurs que dans un seul arrondissement. Or, qu'arrive-t-il ? C'est qu'on interdit l'accès du bureau électoral précisément à la personne la plus intéressée a ce que les élections se fassent régulièrement et avec le plus de loyauté possible.

Je demande donc une exception pour celui qui est candidat.

Quel inconvénient peut-il y avoir à cela ?

L'honorable M. Orts disait qu'on n'excluait jamais d'un bureau électoral un citoyen qui n'avait pas le droit d'y voter, lorsqu'il se portait candidat dans cet arrondissement.

M. Orts. - J'ai parlé seulement de Bruxelles.

M. de Borchgraveµ. - Je croyais que vous aviez parlé d'une manière générale.

Mais enfin, puisque nous en sommes à conter nos doléances personnelles, je dirai qu'à Waremme j'avais été averti officieusement par un adversaire politique, mais qui cependant me portait de l'intérêt, que, si je me montrais dans le bureau électoral, où je désirais entrer pour surveiller les opérations et déjouer certaines manœuvres, je serais invité à sortir ou, pour le dire crûment, je serais mis à la porte.

Je voudrais qu'on épargnât à un homme qui, comme le disait l'honorable M. Bouvier, peut être élu par l'assemblée électorale quelques instants après ; je voudrais, dis-je, qu'on lui épargnât le désagrément d'être mis ignominieusement à la porte du bureau électoral.

Maintenant j'en viens à l'observation de l'honorable M. Muller qui demande comment on pourra apprécier que telle personne qui se trouve dans la salle est candidat...

M. Mullerµ. - Pardon, cette interruption n'est pas de moi ; elle est d'un de mes voisins.

M. de Borchgraveµ. - Je n'attache pas une grande importance à l'objection. Je crois que c'est, soit au président, soit au bureau, qu'il appartient d'apprécier.

Si telle personne qui se trouve dans la salle électorale, sans y avoir droit de vote, est un candidat notoirement connu comme tel, je ne vois pas pourquoi on n'abandonnerait pas au président l'appréciation de ce fait, alors qu'on lui laisse l'appréciation de tant d'autres.

M. Pirmez. - Rien ne me paraît s'opposer à l'adoption de l'amendement de M. de Borchgrave.

La loi parle, dans l'article 7 déjà, des candidats notoirement connus comme tels, on ne peut donc objecter que la candidature est un fait extra officiel. Il sera aussi facile de reconnaître le candidat dans la salle pour ne pas l'en expulser que sur les bulletins pour lui attribuer un suffrage.

J'ai moi même été dans la position de l'honorable membre ; je n'étais pas électeur lorsque je suis arrivé à la Chambre, et j'ai pu apprécier ce qu'a d'anomal la position à laquelle il s'agit de remédier. Nous avons encore plusieurs membres de la Chambre qui représentent des arrondissements où ils ne sont pas électeurs. Est-il raisonnable de défendre à M. Dolez ou à M. Rogier d'entrer dans un bureau électoral à Mons ou à Tournai ?

Je pense que la Chambre fera bien d'adopter l'amendement.

M. de Theuxµ. - Je voterai pour la proposition du gouvernement. Je conviens que jusqu'ici, quand une personne est entrée dans une assemblée électorale où elle n'avait pas le droit de voter, on s'est borné à un simple avertissement pour la faire sortir. Je crois qu'il y aurait danger à adopter l'amendement de la section centrale ; cette disposition pourrait donner lieu à une grande perturbation. On pourrait entrer en grand nombre dans le bureau électoral, et troubler l'élection, et on aurait un simple avertissement du président.

Je ne dirai rien de l'amendement de l'honorable M. de Borchgrave ; je ne pense pas que quelqu'un veuille le combattre.

- La discussion est close.

L'amendement de M. de Borchgrave est mis aux voix et adopté.

L'amendement de la section centrale est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article du gouvernement est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 30

MpVµ. - La Chambre passe à l'article 30.

MpVµ. - M. le ministre de la justice se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

MjTµ. - Non, M. le président.

MpVµ. - La discussion s'établit donc sur la rédaction du gouvernement ; cette rédaction est ainsi conçue :

« Art. 30. Lorsque, dans le local où se fait l'élection, l'un ou plusieurs des assistants donneront des signes publics, soit d'approbation, soit d'improbation, ou exciteront au tumulte, de quelque manière que ce soit, le président les rappellera à l'ordre. S'ils continuent, il ordonnera leur expulsion. Cet ordre sera consigné dans le procès-verbal, sur le vu duquel les délinquants seront punis d'une amende de 50 à 500 francs. »

MjTµ. - Messieurs, l'amendement de la section centrale consiste à refuser au président le droit d'ordonner l'expulsion des électeurs qui excitent au tumulte ou qui causent des désordres.

Je crois que ce droit doit être maintenu. Lorsque des individus donneront des signes publics d'approbation ou d'improbation, ou exciteront du tumulte de quelque manière que ce soit, on ne doit pas se borner à permettre au président de les rappeler à l'ordre, et, s'ils continuent, de consigner le fait au procès-verbal ; je crois qu'il faut autre chose. Je crois qu'il faut, pour que les opérations puissent être continuées avec la tranquillité nécessaire, que le président ait le droit d'ordonner l'expulsion.

La section centrale n'a pas admis ce droit, de crainte de voir un électeur privé de son droit de voter.

Messieurs, il me semble que lorsqu'un électeur qui, par sa conduite, occasionne du désordre, est expulsé, il n'encourt qu'une peine fort légitime. Il n'a qu'à s'en prendre à lui-même s'il ne peut pas participer au scrutin.

Je crois qu'il faut, dans l'intérêt des opérations électorales, maintenir au président le droit d'expulsion.

M. Crombez, rapporteur. - La section centrale, quoique les votes ne soient pas indiqués, n'a pas été unanime sur cette rédaction. Quelques membres, notamment l'honorable M. Muller, ont été d'avis qu'il fallait admettre la rédaction du gouvernement. J'ai été, au contraire, d'avis qu'il ne fallait pas donner au président le droit d'expulser un électeur du bureau. J'ai eu des scrupules, scrupules qui sont mentionnés dans le rapport, et la majorité de la section centrale a été de mon avis à cet égard.

Voici ce que contient le rapport de la section centrale :

« Mais la commission du Sénat a amendé l'article, en donnant au président le droit d'expulser un électeur, dans le cas où il troublerait l'ordre, et le projet du gouvernement (article 30) a admis cet amendement. La section centrale n'a pas consenti à étendre aussi loin les pouvoirs du président. Les assistants sont des électeurs qui ont le droit de voter et d'être présents aux opérations ; laisser au président le pouvoir d'expulser les assistants, sous prétexte qu'ils troublent l'ordre, c'est lui donner la faculté de priver arbitrairement certains électeurs de leur droit électoral. »

J'appelle l'attention de la Chambre sur cette question.

M. Mullerµ. - Je me suis prononcé, dans la section centrale, contre la modification qui était proposée à l'article du gouvernement, par une raison toute simple, c'est qu'il pourrait se trouver tel cas où le président serait dans l'impossibilité absolue de maintenir l'ordre et de continuer les opérations électorales. Je suppose qu'il y ait dans la salle d'élection une dizaine d'ivrognes ayant le droit de voter, on ne pourra les expulser. On dressera procès-verbal ; mais dans l'intervalle les opérations ne pourront se continuer.

Je crois donc qu'il y a lieu de maintenir l'article du gouvernement.

Je fais observer au surplus que la commission du Sénat a jugé qu'il y avait lieu de le maintenir.

M. J. Jouret. - Permettez-moi une simple observation.

J'ai présidé pendant environ vingt ans, comme magistrat, le bureau principal du collège électoral qui envoie l'honorable M. de Naeyer dans cette enceinte, et j'ai eu l'occasion, dans plusieurs circonstances, de (page 1575) reconnaître que si le président n'avait pas eu la faculté d'expulser un électeur ou quelques électeurs qui troublaient l'ordre, il aurait été absolument impossible de présider à l'élection.

Je tenais à faire cette déclaration. Dans mon appréciation, c'est une chose absolument indispensable de laisser cette faculté au président.

Quant à ce qui a été dit que c'était priver l'électeur de la faculté, d'exercer son droit électoral, c'est une erreur. L'électeur a toujours le droit de voter, soit avant qu'on fait expulsé par mesure d'ordre, soit plus tard lorsqu'il se présentera dans un état plus paisible pour déposer son vote.

M. de Theuxµ. - Dans tous les cas, l'électeur expulsé doit avoir le droit de se présenter au réappel.

MjTµ. - S'il rentre paisiblement, certainement.

M. de Theuxµ. - S'il ne trouble plus l'ordre. Au réappel, il doit avoir le droit de voter ; il doit être aussi entendu qu'un président ne peut, pour un fait léger, expulser un électeur.

MpVµ. - La section centrale maintient-elle sa rédaction ?

M. Crombez, rapporteur. - Non, monsieur le président.

- L'article, rédigé comme le propose le gouvernement, est adopté.

Article 31

MpVµ. - M. le ministre de la justice se rallie-t-il à la rédaction de l'article 31 proposée par la section centrale ?

MjTµ. - Oui, monsieur le président.

MpVµ. - Cet article est ainsi conçu :

« Art. 31. Sera aussi punie d'une amende de 50 à 500 francs, toute distribution ou exhibition d'écrits, d'imprimés ou de dessins injurieux, dans le local ou aux abords du local où se fait l'élection. »

M. Orts. - Messieurs, je demande le rejet de l’article 31.

Cet article est le fruit d'une loi que j'ai toujours considérée comme très réactionnaire, la loi électorale de 1843. Il prête à un arbitraire extrêmement dangereux, parce que c'est un arbitraire qui peut servir plus tard à satisfaire des mécontentements électoraux.

On punit d'une amende toute distribution ou exhibition d'écrits et d'imprimés ou de dessins injurieux dans le local ou aux abords du local où se fait l'élection.

Dans les termes de la politique électorale, telle qu'elle existe dans notre pays, les écrits qui sont distribués Je jour ou la veille de l'élection sont toujours injurieux ou du moins ils prêtent toujours à cette qualification chez ceux qui, les envisagent avec le désir d'y trouver quelque chose de répréhensible ou de punissable. Ce désir est la tendance de tous les vaincus après un échec électoral.

Je ne vois pas quel grand mal peut faire la distribution d'un écrit, plus ou moins injurieux ou d'une caricature plus ou moins désobligeante dans le local de l'élection et le jour de l'élection.

Sans avoir grande confiance dans l'efficacité de la loi actuelle, j'ai voté toutes les dispositions qui tendaient à protéger l'électeur contre la violence, contre la surprise, contre la corruption même.

Mais ce que je ne puis me déterminer à voter, ce sont des mesures qui protègent la personne des candidats. Or, la mesure actuelle n'est utile qu'aux candidats.

Le candidat, comme tout homme qui entre dans la vie publique, soumet sa personne et ses actes à des critiques très larges. Si l'on a la fibre trop sensible, qu'on reste chez soi, qu'on demeure à l'ombre du foyer domestique, et qu'on ne se livre pas à la vie publique.

M. Bouvierµ. - Il faut être robuste ! (Interruption.)

M. Orts. - Comme le dit l'honorable M. Bouvier, dans une de ces interruptions qu'il fait si bien et si souvent, il faut être robuste, quand on veut être homme politique, sinon au physique, du moins au moral.

D'ailleurs, la législation générale sur la presse suffit ; les mesures exceptionnelles ne se justifient pas.

Quant à moi, messieurs, j'ai été candidat bien souvent. J'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte depuis seize ans. J'ai été en maintes circonstances vivement discuté, j'ai été caricaturé, j'ai été critiqué dans tous les pamphlets imaginables, j'ai été hué comme j'ai été applaudi et quasi porté en triomphe. Cela n'a jamais porté à ma personne ni à ma considération le moindre préjudice sérieux. Ne mettons pas dans la loi, faite pour protéger les électeurs, des dispositions qui protègent les candidats et qui ne protègent que les candidats.

M. Mullerµ. - Messieurs, j'ai soutenu, dans la section centrale, l'avis que vient d'exprimer l'honorable M. Orts, mais je crois qu'il ne suffit pas de voter la suppression de l'article de la section centrale ; il faudrait alors abroger le septième paragraphe de l'article 22 de la loi électorale.

M. Pirmez. - On pourrait examiner cela d'ici au second vote.

M. Orts. - Eh bien, je propose l'abrogation.

- L'article de la section centrale est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

MpVµ. - Nous passons à l’article 32.

- Un membre. - Ne faut-il pas mettre aux voix l'article 31 du gouvernement ?

MpVµ. - Le gouvernement s'était rallié à la proposition de la section centrale.

Articles 32 à 34

« Art. 32. La poursuite des crimes et délits prévus par la présente loi et l'action civile seront prescrites après six mois révolus a partir du jour où les crimes et délits ont été commis. »

- Adopté.


« Art. 33. En cas de concours de plusieurs des délits prévus par la présente loi, les peines seront cumulées, sans qu'elles puissent néanmoins excéder le double du maximum de la peine la plus forte.

« En cas de concours de l'un ou de plusieurs de ces délits avec un des crimes prévus également par la présente loi, la peine du crime sera seule prononcée. »

- Adopté.


« Art. 34. Les peines seront appliquées sans préjudice de peines plus fortes lorsque les faits constitueront des crimes ou délits prévus par d'autres lois.

« L'action publique et l’action civile seront, quant à ces derniers, prescrites conformément aux règles ordinaires. »

- Adopté.

Article 35

« Art. 35. S'il existe des circonstances atténuantes, les tribunaux sont autorisés à remplacer la peine de la réclusion par un emprisonnement de trois mois au moins et à réduire l’emprisonnement au-dessous de huit jours et l'amende au-dessous de 26 francs.

« Ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, sans qu'elles puissent être en dessous des peines de simple police. »

MpVµ. - M. le ministre de la justice a proposé à cet article l'amendement suivant, à placer entre le premier et le deuxième paragraphe :

« Si l'interdiction du droit de vote et d'éligibilité est ordonnée, ils pourront prononcer cette peine pour un terme de 1 à 5 ans, ou la remettre entièrement. »,

MjTµ. - C'est l'amendement de M. Lelièvre que j'ai rédigé dans les termes de la disposition qui est inscrite dans le nouveau code pénal.

- L'amendement de M, le ministre delà justice est adopté.

L'article 35 ainsi amendé est mis aux voix et adopté.

Article 36

« Art. 36. La présente loi sera affichée en gros caractères dans les salles où se réuniront les collèges électoraux.

MpVµ. - M. le ministre de la justice propose d'ajouter le paragraphe suivant :

« Un arrêté royal énoncera les dispositions législatives dont la lecture ou l'affiche devra être substituée ou ajoutée à celles que mentionnent l'article 22 de la loi électorale, l'article 16 de la loi provinciale et l'article 27 de la loi communale. »

- Cette disposition est mise aux voix et adoptée.

- L'article 36, avec cette addition, est mis aux voix et adopté.

Article 37

« Art. 37. Les lois antérieures sont abrogées en ce qu'elles ont de contraire aux dispositions de la présente. »

Article additionnel

MpVµ. - C'est ici que vient la disposition additionnelle de l'honorable M. Delcour.

« Les délits prévus par la présente loi seront jugés par la cour d'assises. »

M. Delcourµ. - Messieurs, je demande la permission de dire à la Chambre en quelques mots quel est l'objet de mon amendement.

J'ai eu la satisfaction de le voir appuyé sur les bancs de la gauche.

L'honorable M. Orts a bien voulu déclarer qu'il était disposé-à le voter, l'honorable M. Giroul en a appuyé le principe. Seulement il a pensé que des distinctions sont nécessaires, parce que, dans la série des délits prévus par la loi que nous discutons, il en est qui se rattachent au droit commun. C'est bien là, je pense, le fond de sa pensée.

L'honorable M. Thonissen a appuyé également mon amendement Les développements dans lesquels il est entré ont singulièrement abrégé ma tâche.

(page 1576) Je me bornerai à quelques considérations générales, à répondre aux principales objections qui m'ont été faites par l'honorable ministre de la justice. Mais avant d'entrer dans le débat, je tiens à déclarer que mon amendement ne peut être considéré, sous aucun rapport, comme un acte de défiance envers les tribunaux correctionnels. Je ne me défie ni de leur impartialité, ni de leur indépendance. Je n'ai eu qu'un seul but, reproduire dans la loi une de nos principales dispositions constitutionnelles.

Oui, messieurs, je tiens à le dire bien haut, j'ai pour la magistrature de mon pays la plus grande vénération ; dans aucun pays constitutionnel on ne rencontre une magistrature plus loyale, plus indépendante et plus juste.

Trois ordres de considérations générales m'ont déterminé à présenter mon amendement. Le premier de mes motifs est puisé dans, l'article 98 de la Constitution : cet article établit le jury en matière politique et pour les délits de la presse.

J'ai cru qu'en présence de ce texte constitutionnel, il était de notre devoir, en décrétant une loi qui a un caractère manifestement politique, de ne pas reculer devant l'application du principe et de le sanctionner en termes formels.

Je l'ai fait avec d'autant plus de conviction que vous savez qu'au Congrès national il n'y a jamais eu de doute sur le point de savoir si les délits politiques seraient déférés au jury, tandis que le Congrès n'a admis qu'après une longue discussion, l'institution du jury en matière criminelle.

Mon amendement est donc conforme à la fois au texte de la Constitution et aux traditions du Congrès national.

Je passe maintenant à une seconde considération. J'ai suivi, messieurs, avec la plus grande attention, l'ensemble des lois françaises qui ont été portées depuis les événements de février.

C'est sous l'impression que m'a laissée l'étude de ces lois que je me suis décidé à déposer mon amendement.

En 1849, l'assemblée constituante a fait une première loi sur les élections. La plupart des délits prévus par le projet que nous discutons sont empruntés à cette loi française.

Or, l'article 117 de la loi du 15 mars 1849 portait : « que les crimes et délits prévus par la présente loi seraient jugés par la cour d’assises.3

Voilà ce que l'on a décrété en France en 1849, à une époque où la France était libérale, à une époque où la liberté était appréciée par tout le monde.

Le coup d'Etat arrive, un des premiers actes du gouvernement français fut de modifier la loi de 1849. Le décret du 2 février 1852 renvoie aux tribunaux correctionnels la connaissance des délits dont on vient de parler.

Tels sont, messieurs, les faits qui ont éveillé toute mon attention.

Je me suis dit que si le principe a pu être compromis par le gouvernement français au moment oh il renversait les traditions du régime représentatif, il était de notre devoir de le rappeler par un texte formel dans la loi que nous discutons.

Je vous livre, messieurs, cette considération ; je vous la livre tout entière, parce qu'elle a produit sur moi la plus vive impression.

Il est vrai que l'article 98 de la Constitution établit le jury en matière politique ; mais vous savez aussi bien que moi, messieurs, qu'on n'est pas d'accord sur ce qu'il faut entendre par délit politique.

Le doute qui existe sur la définition qu'il convient de donner du délit politique, me rappelle une parole prononcée à la tribune française, que la Chambre voudra bien me permettre de lui citer.

Mais avant, laissez-moi vous faire, en peu de mots, l'histoire du droit public français sur la question qui nous occupe.

La charte française de 1814 n'avait pas établi le jury pour les matières politiques ; les crimes et délits politiques étaient déférés aux cours d'assises et aux tribunaux correctionnels selon le droit commun.

Mais, en 1830, une des premières réformes fut d'établir, par une disposition additionnelle à la charte de 1814, le principe qu'une loi établirait le jury en matière politique. La loi du 8 octobre 1830 a accompli cette réforme.

Elle commence par établir la règle générale, c'est-à-dire l'institution du jury en matière de délits politiques ; puis, entrant dans les détails, la loi fait une énumération des infractions qu'il faut considérer comme délits politiques.

La loi française n'a pas donné la définition du délit politique ; elle a compris qu'une définition générale n'était pas possible. Eh bien, à l'occasion de cette loi, un homme, dont le nom n'est point suspect pour mes adversaires, M. de Martignac s'est exprimé de.la manière suivante :

« Dans une loi qui modifie les juridictions, qui crée un ordre exceptionnel de délits, pour en attribuer la connaissance à un autre que les juges des délits en général, sa première condition est la clarté et la précision. Il faut nécessairement que la limite soit tracée de telle manière que l'accusé sache quel est le juge que la loi lui a donné, et que rien sur cette grave matière ne soit livré à l'arbitraire. Sans doute cette limite est difficile à tracer, mais il vaut mieux qu'elle le suit imparfaitement par la loi que si elle l'était arbitrairement par le juge. »

Ces paroles sont claires. Voulez-vous une garantie sérieuse, vous devez éviter l'arbitraire et dire dans une disposition formelle quel sera le juge compétent.

Il ne faut, en une telle matière, ni doute, ni incertitude. Le citoyen doit connaître ses juges, la juridiction doit être la même dans tous les arrondissements judiciaires ; il ne faut pas qu'on dise ici, c'est un délit politique jugé par le jury ; là, c'est un délit ordinaire jugé par les tribunaux correctionnels. Cependant, messieurs, cette divergence d'opinions pourra se présenter. Vous savez tous que la cour de cassation ne prononce l'annulation d'un jugement que pour violation de la loi ou pour violation des formes. Or, lorsqu'il s'agira d'apprécier si le délit est politique, le juge, en l'absence d'un texte de loi formel, tiendra compte d'une foule de circonstances de fait, circonstances qui échappent à l'appréciation de la cour suprême. La cour de cassation a consacré ce principe dans plusieurs arrêts. Il a été développé avec une grande science dans un réquisitoire de M. le procureur général.

Oui, messieurs, si nous voulons arriver à un résultat certain, ne reculons pas, acceptons la Constitution telle qu'elle est, faisons-en l'application franche et sincère.

J'arrive aux deux principales objections qui ont été présentées par M. le ministre de la justice. Je reconnais que ces objections sont très sérieuses.

Nous faisons une loi, dit M. le ministre, qui a pour objet de créer certains délits ; ce n'est pas dans une loi de cette nature qu'il convient de régler la juridiction ou la procédure ; ces points doivent être réglés par le code d'instruction criminelle, par la loi relative à la compétence.

Sans doute il en sera ainsi en thèse générale ; l'honorable M. Thonissen a déjà répondu à cette observation. Je dis avec lui que s'il est à désirer, en règle générale, que les juridictions soient déterminées par une loi spéciale, la législation cependant présente plus d'un exemple où la loi, après avoir défini l'infraction, a déterminé le juge qui en connaîtra. Franchement, quelle objection peut-on faire à ce que la loi établisse, dans une matière purement politique, la compétence du jury ?

Quant à moi, je ne vois là rien qui rompe l'harmonie de nos institutions, rien qui soit contraire à l'esprit de la Constitution. L'honorable ministre de la justice a fait une seconde objection. La Constitution, dit-il, établit le jury en matière politique : donc votre amendement n'est ni utile, ni nécessaire. Je réponds que la nécessité de mon amendement ne peut être contestée en présence des observations de M. de Martignac. Evitez l'arbitraire du juge, dit M. de Martignac : là est toute la portée de mon amendement.

Si tout le monde était d'accord sur ce qu'il faut entendre par délit politique, il n'y aurait pas la moindre difficulté. Mais en présence des opinions diverses qui ont été émises, en présence des controverses qui divisent les jurisconsultes et les criminalistes, je vois une garantie de plus dans l'article nouveau que j'ai proposé, et je dis qu'en l'adoptant, vous aurez rendu un grand service aux justiciables.

Enfin, messieurs, je me suis demandé à quels faits nous pourrions appliquer le principe que j'ai invoqué. Je reconnais volontiers que ma proposition est trop absolue ; le projet de loi punit des actes qui n'ont point le caractère de délits politiques.

Je tiendrai compte des observations qui ont été faites par l'honorable M. Giroul et il ne sera pas difficile de nous mettre d'accord sur les délits qui devront être déférés au jury.

Il me semble que toutes les fois qu'un fait réprimé par la loi est de nature à porter atteinte à un droit politique, il y a délit politique. Qu'est-ce qu'un droit politique ? Le droit politique, tout le monde le sait, c'est le droit par lequel chacun de nous est appelé à prendre une part quelconque à l'exercice de la souveraineté nationale. Tous les délits donc qui se rapportent à l'usurpation du droit électoral, à la corruption électorale, ou aux entraves apportées à la liberté du vote, sont des délits politiques. Tels sont, à mon avis, les éléments de la solution.

(page 1577) Je m'arrête, messieurs ; j'en ai dit assez pour motiver mon amendement ; je ne veux pas abuser plus longtemps de l'attention de la Chambre.

MpVµ. - L'amendement de M. Delcour a été développé ; est-il appuyé ?

- Voix nombreuses. - Oui ! oui !

MpVµ. - Il fait partie de la discussion.

M. Pirmez. - L'honorable préopinant a présenté beaucoup d'observations très exactes et très judicieuses, mais auxquelles il sera fait droit aussi bien en rejetant qu'en admettent son amendement.

Il faut certainement accumuler les garanties de juridiction quand il s'agit de délits politiques qui soulèvent facilement des préventions diverses chez les hommes appelés à les juger, et l'honorable préopinant a fort bien donné les raisons qui militent pour que le jury les connaisse.

Mais nous n'en sommes plus à conquérir l'institution du jury en matière politique. La Constitution a tranché ce point, et le jury est un droit constitutionnellement acquis.

Le silence de la loi actuelle sur la juridiction n'aura pas pour effet,de déférer les délits politiques aux tribunaux correctionnels, mais de laisser ce point sous l'empire du principe constitutionnel, qui les soumet au jury, tout en maintenant la juridiction des tribunaux ordinaires pour connaître des faits prévus par la loi qui n'ont absolument rien de politique.

Ce silence de la loi ne constitue donc pas une lacune. Le résultat que veut M. Delcour et que nous voulons tous : la différence des juridictions pour les délits politiques et pour les faits non-politiques sera consacrée.

L'honorable membre éprouve une crainte qui, selon moi, manque de fondement, lorsqu'il signale les dangers d'une divergence de jurisprudence entre les tribunaux du pays.

Le réquisitoire de M. le procureur général Leclercq qu'il a cité ne dit pas que la cour de cassation ne peut pas apprécier ce qui est un délit politique ; il décide, je crois, que lorsqu'un délit qui n'a rien de politique dans ses éléments constitutifs, comme le délit de calomnie ou d'outrage, a été jugé par les tribunaux correctionnels, qui n'ont pas constaté qu'il fût politique à raison des circonstances, la cour de cassation ne peut casser cette décision, qui ne viole pas la loi, et se borne à constater un fait.

Mais il en serait autrement si les tribunaux décidaient qu'un délit politique en soi n'a pas ce caractère. Il est évident, par exemple, que si des tribunaux déclaraient non politiques des attentats contre la sûreté de l'Etat, leur décision serait cassée.

Les faits que prévient la loi actuelle et qui ont, par eux-mêmes, un caractère politique, seront donc déférés au jury, et si les tribunaux correctionnels voulaient en connaître, la cour suprême userait de son pouvoir pour les ramener aux principes constitutionnels.

MjTµ. - J'ai peu de chose à ajouter aux observations que vient de faire l'honorable M. Pirmez.

Il est évident, pour moi, que l'article proposé par l'honorable M. Delcour est inutile ou dépasse le but. L'honorable membre le propose comme une application de la Constitution ; mais il est incontestable que, dans sa généralité, il viole la Constitution ; car il comprend des délits qui, évidemment, n'ont aucun caractère politique, et vous réduiriez les cours d'assises à être de véritables tribunaux correctionnels dans bien des cas. (Interruption.)

D'abord, votre amendement ne spécifie pas les délits que vous considérez comme politiques ; votre amendement, dans sa généralité, embrasse tous les délits prévus par la loi. Eh bien, je prétends qu'il serait inconstitutionnel de soumettre au jury des délits qui ne sont pas des délits politiques. (Interruption.)

Si vous voulez entrer dans une discussion approfondie sur ce point, je vous prouverai qu'il résulte des délibérations du Congrès que la Chambre n'a pas le droit d'étendre la compétence du jury. Si donc un délit prévu par la loi est politique, il n'est pas nécessaire d'ajouter une disposition pour dire qu'il sera jugé par les cours d'assises, car il tombe sous l'application de l'article 98 de la Constitution. Que si, au contraire, votre disposition peut avoir pour effet, et il en est ainsi, de faire déférer au jury des délits qui ne sont pas de sa compétence, vous étendez la juridiction du jury au delà des limites constitutionnelles.

Les considérations qu'a fait valoir l’honorable M. Delcour n'ont réellement pas une grande importance eu cette matière. Il nous a parlé des lois françaises de 1849, 1851 et 1852. Mais, messieurs, y a-t-il la moindre analogie de position ? Est-ce que le gouvernement belge peut abroger l'article 98 de la Constitution, comme le gouvernement français a pu, en 1851 et 1852, faire disparaître la législation de 1849 ?

Maintenant qui dira si chacun des délits prévus par la loi est un délit politique ou un délit ordinaire ? Mais ce sera évidemment la cour suprême qui jugera en dernier ressort après que les autres corps judiciaires auront statué.

Et, messieurs, il ne peut pas en être autrement ; si vous votiez l'amendement de l'honorable M. Delcour, vous auriez à reprendre toute la loi pour décider quels délits sont politiques, quels délits ne le sont pas. Et cela ne suffirait pas encore, car d'après l'une des autorités citées par l'honorable M. Thonissen lorsqu'il a pris une première fois la parole sur ce sujet, la nature du délit peut même varier d'après le but que s'est proposé celui qui l'a commis.

Ainsi, par exemple, un délit peut être commis sans aucune espèce d'intention ou d'idée politique, par un individu complètement étranger à la politique ; ce délit ne devra pas être jugé comme délit politique ; tandis que le même fait commis par d'autres personnes, dans d'autres circonstances, peut constituer un délit politique.

De sorte que, dans la réalité, il est presque impossible de déclarer dans la loi ce qui est ou n'est pas un délit politique.

Savez-vous ce qui arriverait si l'amendement était adopté ? C'est que vous soumettriez au jury des faits qui ne sont nullement en rapport avec la solennité des cours d'assises, indépendamment de ce qu'ils ne sont pas de leur compétence. Ainsi le fait d'avoir tenu une liste serait soumis au jury ! Quiconque se sera indûment introduit dans un bureau électoral, sera traduit devant le jury ! L'individu qui aura fait du tapage, qui aura applaudi ou hué devra rendre compte de sa conduite devant une cour d'assises ! Cela est-il possible, messieurs ; cela est-il en rapport, je la répète, avec la solennité des cours d'assises ; et est-ce à titre de délits politiques que ces faits devraient être déférés à cette juridiction ?

Je crois inutile, messieurs, d'insister plus longtemps sur ce point.

J'ai maintenant un mot à répondre à des accusations que les honorables MM. Thonissen et de Theux ont produites dans une de nos dernières séances. Des magistrats du tribunal de Hasselt ont cru trouver, dans les paroles de ces honorables membres, une allusion à des actes qu'ils auraient posés. Ils ont protesté très vivement entre mes mains et déclaré qu'ils désiraient que des explications fussent données à cet égard. Je crois donc qu'il est de mon devoir, comme défenseur de la magistrature, de demander si les faits dont on a parlé, en les rattachant en quelque sorte à une élection récente, étaient ou n'étaient pas attribués à ces magistrats.

M. Thonissenµ. - Du tout ; j'ai fait allusion à un magistrat décédé.

MjTµ. - Alors je n'ai pbs rien à ajouter.

M. Bouvierµ. - Encore une affaire enterrée !

MjTµ. - Mais pour rentrer dans la discussion, je dois protester contre les raisons qui engagent l'honorable M. Thonissen à prêter son appui à l'honorable M. Delcour, et je crois qu'il n'y aurait peut-être rien de plus péremptoire pour faire rejeter l'amendement de l'honorable M. Delcour.

Je dois dire que j'ai été heureux d'entendre aujourd'hui une protestation indirecte de la part de l'honorable M. Delcour contre les raisons qu'a données dernièrement l'honorable M. Thonissen à l'appui de son amendement.

M. Delcourµ. - Ce n'a pas été mon intention.

MjTµ. - C'est possible, mais ce n'est pas moins une protestation indirecte. Il est évident que l'appui donné par l'honorable M. Thonissen à l'amendement de M. Delcour prenait principalement sa source dans la méfiance que lui inspire la magistrature. Ce sentiment n'était nullement déguisé.

Eh bien, moins que jamais, des motifs semblables auraient dû trouver place dans cette discussion ; car à aucune époque la magistrature n’a été moins mêlée aux élections qu'aujourd'hui. Quand on a discuté la loi de 1843 dans laquelle on prévoit également des délits, le sixième de la Chambre se composait de magistrats ; la magistrature était engagée dans les luttes politiques comme elle ne l'a été à aucune autre époque et cependant on ne lui témoignait pas alors cette défiance qu'on exprime aujourd'hui. Vous aviez un procureur général, un premier président de cour d'appel, je ne sais combien de présidents, de procureurs du roi, etc. Bref le sixième de la Chambre se composait de membres de la magistrature.

Il est vrai qu'à cette époque ils appartenaient pour la plupart à la (page 1578) droite qui gouvernait, et on ne trouvait rien à redire. Aujourd'hui la magistrature est exclue des Chambres ; ce n'est que très exceptionnellement qu'elle prend part aux luttes électorales ; et cependant on vient la mettre aujourd'hui en état de suspicion. A l'époque dont je parle, nos honorables adversaires s'effrayaient si peu des luttes dans lesquelles s'engageait la magistrature, qu'un magistrat ayant échoué dans un collège électoral, on eut bien soin de le remettre le lendemain sur les rangs dans un autre collège électoral, où même il exerçait ses fonctions.

Mais aujourd'hui tout est changé ; il faut se méfier des magistrats, alors qu'ils ne sont plus engagés dans lés luttes politiques. Cela n'est pas sérieux. Parce que l'honorable M. Thonissen à trouvé sur son chemin un procureur du roi qui a été son concurrent, ce n'est pas une raison pour que nous mettions toute la magistrature en suspicion et que nous exprimions cette défiance dans la loi même.

M. Delcourµ. - Messieurs, je ne veux pas prolonger le débat ; la Chambre est impatiente d'en finir. Du reste, le sort de mon amendement est connu.

Je rie ferai qu'une seule observation. Je proteste contre le reproche d'inconstitutionnalité que M. le ministre de la justice a adressé à mon amendement.

MjTµ. - Dans sa généralité.

M. Delcourµ. - J'ai dit que mon amendement, devait subir des modifications ; j'ai même arrêté ces modifications ; si je ne les présente pas, c'est parce que je tiens compte du vœu de la Chambre de clore le débat.

Mais je ne puis rester sous le coup du reproche que j'aurais fait une proposition inconstitutionnelle ; je n'ai déposé mon amendement que pour développer, pour populariser un principe' constitutionnel.

M. de Theuxµ. - Messieurs, l'honorable ministre de la justice vient de faire allusion à un fait que j'avais cité dans une séance antérieure, fait qui était à ma connaissance et qui établissait la partialité d'un membre du parquet.

Il paraît qu'on s'est ému à Hasselt de ce que nous avons dit.

Je dois déclarer que dans ma pensée, comme dans celle de l'honorable M. Thonissen, il n'a été fait aucune allusion aux membres actuels du tribunal de Hasselt.

Quant à ce qu'a dit M. le ministre de la justice de la défiance que nous avons manifestée dans une séance précédente, relativement aux poursuites qui s'exercent par la magistrature, je puis me borner à rappeler que la Constitution a établi le jury pour les matières politiques et de presse ; preuve que la Constitution a montré à cet égard une certaine défiance à la magistrature.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Delcour est mis aux voix et n'est pas adopté.

Article 36bis (nouveau)

MpVµ. - Vient maintenant l'article 36bis proposé par M. Hymans.

Cet article est ainsi conçu :

« Les condamnations prononcées depuis la dernière élection seront affichées dans tous les bureaux de la commune, du canton et de l'arrondissement. »

M. de Theuxµ. - S'agit-il de toutes les condamnations, quel qu'il soit le degré d'importance ? Cela pourrait nous mener fort loin.

- L'amendement proposé par M. Hymans est mis aux voix et n'est pas adopté.

Article 37

MpVµ. - Nous passons à l'article 37, qui est le dernier article du projet de loi.

« Art. 37. Les lois antérieures sont abrogées en ce qu'elles ont de contraire aux dispositions de la présente. »

- Cet article est mis au voix et adopté.

Ordre des travaux de la chambre

MpVµ. - La loi a été amendée ; il y a lieu à un second vote. A quel jour la Chambre veut-elle le fixer ?

MjTµ. - Messieurs, je pense qu'il serait bon de fixer le second vote à mercredi, en tête de l'ordre de jour. Je le demande afin d'avoir un jour de plus pour examiner le projet de loi.

Il est entendu, sans doute, que la Chambre s'occupera mardi des autres objets à l'ordre du jour.

- La Chambre, consultée, décide que le second vote du projet de loi sur les fraudes électorales figurera, en première ligne, à l’ordre du jour de mercredi.

MpVµ. - On fait la proposition de continuer l'ordre du jour à mardi prochain.

M. de Naeyer . - On pourrait mettre à l'ordre du jour de mardi le projet de loi concernant le payement effectif du cens électoral.

MfFOµ. - Je voulais faire précisément cette proposition à la Chambre. On pourrait fixer l'ordre du jour de mardi de la manière suivante :

Payement effectif du cens électoral ;

Crédit supplémentaire de 500,000 francs au département de la justice ;

Application générale des tarifs conventionnels et extension de la réforme douanière ;

Crédit de 45,436 fr. 72 c. au département de la guerre ;

Crédit supplémentaire au budget du ministère des finances de l'exercice 1865.

- La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.

L'ordre du jour de mardi sera ainsi fixé.

La séance est levée à 4 1/2 heures.