(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864*1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 1467) M. Bricoultµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre/
« Le sieur Biemans, gendarme à pied à Termonde, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir son congé définitif. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur De Vloo prie la Chambre d'abolir l'arbitrage forcé en matière de société commerciale et d'attribuer aux tribunaux civïls dans tous les arrondissements les fonctions du tribunal de commerce. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de révision du Code de commerce.
« Le sieur De Wouters demande que la garde civique soit organisée en deux bans et que le service du premier ban ne soit obligatoire que jusqu'à l'âge de 30 ans. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. le gouverneur du Luxembourg transmet à la Chambre un exemplaire de l'Exposé de la situation administrative du Luxembourg. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Delcour, obligé de siéger au jury d'examen universitaire et M. de Terbecq, retenu chez lui par une indisposition, demandent des congés de quelques jours. »
-- Accordé.
MpVµ. - La Chambre ayant décidé qu'elle examinerait successivement les amendements qui se rattachent à l'article 2, je lui propose de délibérer maintenant sur l'amendement de M. de Theux relatif à la composition des bureaux électoraux.
M. Pirmez. - Cet amendement n'a plus de raison d'être, selon moi, en présence du sous-amendement que l'honorable M. Hymans et moi avons proposé.
MpVµ. - C'est à la Chambre d'en décider.
Voici l'amendement de M. de Theux :
« (Amendement présente par M. de Theux) :
« Le président du tribunal de première instance, ou, à son défaut, celui qui le remplacera dans ses fonctions, préside le bureau principal.
« S'il y a plusieurs sections, la seconde et les suivantes sont présidées par l'un des juges ou juges suppléants, suivant le rang d'ancienneté, et, au besoin, par les personnes que le président du bureau principal déléguera parmi les électeurs qui ne sont pas fonctionnaires amovibles.
« Sont appelés aux fonctions de scrutateurs, dans les diverses sections, les bourgmestres et les membres des conseils communaux des communes formant chaque district électoral.
« Quinze jours au moins avant l'élection, le gouverneur transmettra au président du tribunal de première instance une liste indiquant le nom, le domicile et l'âge des bourgmestres et des membres des conseils communaux composant le district ; l'inscription sera faite, d'après l'âge, en commençant par les plus jeunes.
« Le président désignera pour chaque bureau quatre scrutateurs. La désignation sera faite de la manière suivante : Le plus jeune de la liste fera partie du premier bureau, et ainsi de suite, d'après l'ordre numérique des bureaux ; il sera procédé de même pour chacun des autres scrutateurs. La désignation des suppléants sera faite ensuite de la même manière et dans le même ordre.
« Le président du tribunal, dix jours au moins avant l'élection, convoquera les présidents des sections. Chaque président invitera sans délai les scrutateurs désignés pour sa section à venir au jour de l'élection remplir ces fonctions ; il invitera également les suppléants à se rendre dans la section, à l'effet de remplacer au besoin les titulaires.
« Le scrutateur, ainsi désigné comme titulaire ou comme suppléant, sera tenu, en cas d'empêchement, d'en informer, dans les quarante-huit heures, le président de la section.
« La composition des bureaux sera rendue publique trois jours au moins avant l'élection.
« Si, à l'heure fixée pour les élections, tous les scrutateurs ne sont pas présents, le président de la section complétera le bureau, d'office, parmi les présents, en se conformant aux dispositions qui précèdent.
« Nul ne peut remplir les fonctions de scrutateur s'il n'est électeur.
« Le secrétaire sera nommé par chaque bureau parmi les électeurs présents. »
M. Dumortier. - J'ai proposé aussi un amendement à l'article 2.
- Plusieurs membres. - On pourrait les discuter en même temps.
MpVµ. - Voici l'amendement de M. Dumortier :
« Les scrutateurs seront nommés par le président sur des listes triples d'électeurs proposés par les candidats et en faisant en sorte que les divers partis soient représentés au bureau électoral. »
Comment la Chambre entend-elle procéder ?
Je propose de commencer par l'amendement de M. de Theux.
M. Pirmez. - Messieurs, quand j'ai demandé la parole je ne me doutais pas que l'amendement de M. de Theux se rattachât à l'article 2, car il n'y a rien dans le texte qui l'indique.
Je désire demander une explication à M. le rapporteur de la section centrale et à M. le ministre de la justice sur les conséquences du vote d'hier. Si la Chambre le permet, je poserai immédiatement ma question.
Messieurs, d'après le système actuellement en vigueur, on sait parfaitement à quoi s'en tenir sur la validité des bulletins. Les bulletins manuscrits sont seuls admis. La section centrale ajoute les bulletins autographes, mais elle rejette les bulletins imprimés ; je voudrais savoir ce que la section centrale pense des bulletins lithographiés ; seront-ils admis parce qu'ils ressemblent aux bulletins autographiés, ou bien seront-ils rejetés parce qu'ils ont des points communs avec les bulletins imprimés ? J'avoue que je n'en sais rien.
Si la section centrale admet les bulletins lithographies, elle condamne la décision d'hier. Si, au contraire, elle les rejette, je défie l'électeur de distinguer l'autographie de la lithographie ; il faudrait dans certains cas un expert, qui emploierait un agent chimique ou un microscope. Je sais que généralement la lithographie est faite avec plus de soin, mais si quelqu'un veut induire une groupe d'électeurs en erreur, il fera lithographier des bulletins, de telle manière qu'il sera impossible de reconnaître s'ils sont lithographies ou autographiés. Il me semble qu'il y a là un danger. Je désirerais avoir une explication à cet égard.
M. Crombez, rapporteur. - Messieurs, quand nous en serons à l'article 2, nous examinerons cette question.
M. Pirmez. - Je consens bien volontiers à ce que l'honorable rapporteur de la section centrale diffère sa réponse ; j'espère qu'il examinera mûrement la question que j'ai posée.
M. de Theuxµ. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Messieurs, un grand nombre de membres de cette Chambre trouvent qu'il est dur de continuer la discussion de ce projet de loi jusqu'à extinction, je dirai jusqu'à extinction de forces.
Pour moi, messieurs, je suis convaincu qu'il sera impossible d'aboutir ; il y a une multitude d'amendements proposés ; d'autres questions très nombreuses et très importantes seront soulevées. C'est inévitable. Ainsi, par exemple, comment pourra-t-on garantir la liberté de l'électeur qu'on veut contraindre à rester chez lui, ou bien de l'électeur qui veut faire un choix selon sa conviction et à qui l'on impose un bulletin nul, de nature à le faire reconnaître par celui qui le lui a imposé.
(page 1468) Il n'y a dans le projet aucune garantie pour la liberté de l’électeur. Cette question est une des plus importantes. La section centrale a fait de son mieux pour garantir la liberté de l'électeur en ce sens qu'on ne puisse pas le contraindre à voter pour un candidat déterminé, mais elle n'a rien fait pour empêcher d'exercer une violence relativement à l'électeur qui voudrait suivre les inspirations de sa conscience, eu lui imposant un bulletin qui serait reconnaissable. La moitié de la question seulement a été traitée. D'autres questions seront encore soulevées ; je crois donc que si nous voulons discuter la loi qui nous est soumise d'une manière loyale et consciencieuse, nous ferons bien de remettre cette discussion, après la séance d'aujourd'hui, à la rentrée des Chambres.
- Des voix. - Oh ! oh !
M. de Borchgraveµ. - C'est une motion d'ordre.
M. de Theuxµ. - On pourrait se borner à voter d'ici là les dispositions que le gouvernement considère comme les plus urgentes.
M. Bara. - Je ne puis nullement admettre la proposition qui vient d'être formulée par M. de Theux, et je dis qu'il ne serait pas de la dignité de la Chambre de voter la motion qui vient de lui être faite.
Il se présente un phénomène très remarquable, c'est la manière dont le projet dont nous nous occupons est discuté (interruption), et comme je ne veux pas prendre la responsabilité de cette façon d'agir, j'entends m'expliquer catégoriquement et nettement sur le procédé qu'on emploie pour nous empêcher d'arriver à un résultat.
Qu'est-il arrivé ?
La loi qui nous occupe eu ce moment est une loi comme toutes les autres ; il n'y a pas beaucoup de lois qui demandent 5 ou 6 semaines de discussion ; or, si nous continuons à discuter comme on l'a fait jusqu'ici, au lieu de 4 ou 5 semaines, il nous faudra 6 mois.
Si on veut à propos des propositions faites par le gouvernement discuter toutes les questions qui peuvent se rattacher de près ou de loin au système électoral, il est évident qu'il n'y a pas moyen d'aboutir et je ne sache pas que dans aucun parlement on ait discuté les questions relatives aux fraudes électorales d'une manière aussi étendue. Le système qu'on suit dans cette Chambre est évidemment contraire à toutes les idées parlementaires, il conduirait à la destruction du système représentatif.
Que doit faire une Chambre ? Elle doit discuter les grandes questions, les grands principes.
Je comprends que l'honorable M. Orts ait soulevé une discussion assez longue sur le point de savoir si l'électeur devrait a l'avenir savoir lire et écrire, parce que c'était là une modification à notre système électoral, une condition nouvelle qu'on exigerait de l'électeur, mais ce que je ne puis comprendre, c'est qu'on fasse de longs discours sur le point de savoir si l'on mettra les bulletins dans une enveloppe, comment seront pliés ces bulletins et qu'on nous tienne des séances entières pour discuter des amendements dont la valeur est plus ou moins contestable.
Chaque membre peut avoir son petit système eu matière de fraudes électorales, chaque membre peut apporter des. moyens plus ou moins bons de les réprimer, mais il ne peut entrer dans les convenances du régime représentatif de discuter une à une très longuement toutes les propositions qui nous sont faites.
Qu'on discute les propositions du gouvernement et de la section centrale et qu'on soit sobre de discours, eu égard à l'étendue de notre tâche.
En définitive, nous ne sommes pas des niais, et la manière dont on discute ferait croire qu'on nous prend pour tels. Voilà la question.
- Des voix. - Oh !
M. Bara. - Laissez-moi achever. On a présenté un grand nombre d'amendements.
A la rigueur, dans une loi comme celle-ci, c'est en section que tous ces amendements auraient dû être présentés et discutés. La discussion à la Chambre eût été plus rapide.
Quoi qu'il en soit, nous avons pu très bien les apprécier, et il n'est pas besoin pour cela de bien longs débats, de discussions bien approfondies. (Interruption.)
M. Hymans. - Pourquoi ne répond-on pas à la demande de M. Pirmez ?
M. Bara. - L'observation de l'honorable M. Hymans n'eu nullement fondée, attendu que mon honorable ami, M. Crombez, a demandé de renvoyer sa réponse à la question de l'honorable M. Pirmez au moment où l'on discutera l'article 2, dans le seul but de simplifier la discussion et d'y mettre de l'ordre.
Si la Chambre entre dans la voie où on veut l'entraîner, si elle entame de longs débats sur les moindres questions, il est évident que nous n'en finirons pas. Soyons de bonne foi, messieurs, et convenons qu'une foule de propositions pourraient être votées sans nécessiter des discussions aussi prolongées.
Voilà trois semaines que nous examinons le projet, et il n'y a qu'un article de voté.
Est-ce sérieux ? Le pays n'a-t-il pas le droit de se plaindre ?
Je dis que c'est porter atteinte à la dignité du régime représentatif que de prolonger indéfiniment les débats sur des questions d'une importance extrêmement secondaire. Je défie qu'on me cite un seul parlement où l'on entre dans des détails aussi minutieux, c'est déserter le rôle que la Constitution nous donne.
Il faut, messieurs, se reposer un peu sur le gouvernement et sur la section centrale qui, l'un et l'autre, ont fait une étude approfondie de cette question.
Eh bien, comprend-on qu'après un examen consciencieux en sections et en section centrale, on vienne encore nous proposer à chaque instant des amendements d'une valeur très contestable et qu'on passe des séances entières à les discuter.
Je n'accepte pas, pour ma part, la responsabilité de pareils débats ; je demande que la discussion continue, et si nous nous retirons de cette Chambre sans avoir voté cette loi, la responsabilité en retombera tout entière sur ceux qui auront été la cause de cette impuissance. Déjà, messieurs, vous l'avez vu, un grand nombre de systèmes ont été repousses et l'intention de la grande majorité de la Chambre de voter cette loi s'est manifestée à diverses reprises d'une manière évidente.
Et cependant, à chaque instant, nous voyons surgir des demandes d'appel nominaux alors même que le résultat du vote n'est douteux pour personne.
Pour moi, je ne puis voir dans cette manière d'agir qu'un parti pris de retarder autant que possible le vote de la loi. (Interruption.) ;Ou nous parle des chaleurs qu'il fait, mais on oublie que la loi de 1842 sur l'instruction primaire, la droite l'a fait voter pendant le mois d'août.
La loi électorale dont nous nous occupons doit recevoir une application l'année prochaine et nous ne parviendrons à ce résultat que si nous nous montrons fermement résolus à repousser énergiquement une foule de propositions qui ont pour effet, sinon pour but, d'empêcher le vote, de la loi en nous obligeant à passer un temps infini à discuter des propositions qui, la plupart du temps, n'en valent pas la peine.
Il est impossible de faire une loi électorale parfaite ; mais il me suffit d'être convaincu que les propositions du gouvernement et de la section centrale sont relativement bonnes pour que j'y donne mon assentiment. Elles n'empêcheront pas tous les abus, mais elles en empêcheront un certain nombre et cela est un progrès.
Vouloir faire une loi parfaite sur cette matière, c'est vouloir l'impossible.
MpVµ. - La parole est à M. de Theux.
MfFOµ. - Continuons.
- Plusieurs membres. - La clôture !
MpVµ. - Il est trop tard. J'ai accordé la parole à M. de Theux.
M. de Theuxµ. - Je comprends que M. Bara soit désireux d'en finir ; mais il me semble qu'il y a ici une certaine contradiction que je dois signaler. On avait proposé la question préalable sur l'amendement de M. Orts ; M. Bara et plusieurs de ses amis ont voté contre la question préalable et qu'en est-il résulté ? Une discussion de trois jours sur l'amendement de M. Orts, Qu'en résultera-t-il encore ? C'est qu'après le rejet de cette question préalable sur la proposition de M. Orts, il sera fort difficile de la faire admettre encore sur d'autres propositions.
Eh bien, dans cet état de choses, je ne vois pas quel terme on peut assignera la discussion.
L'honorable membre nous dit : Nous ne sommes pas des niais et il ne faut pas tant de discussion pour apprécier les amendements proposés.
Nous répondrons à cela : Nous prendrons pour des niais ceux qui nous proposent de voter sans discussion une loi de cette importance, la plus importante, sans contredit, après la Constitution, car la Constitution (page 1468) n'est rien sans de bonnes lois électorales,. Je crois que cela n'a pas besoin d'être démontré.
Messieurs, l'honorable membre a critiqué les appels nominaux qui ont été demandés ; les appels nominaux ont uniquement pour objet de constater le vote des membres de la Chambre ; c'est un droit qui lui est accordé pour que le pays sache de quelle manière ses mandataires votent dans les questions importantes. Voilà le seul but des appels nominaux qui ont été provoqués.
Messieurs, on a parlé de la loi de 1842 qui a été votée au mois d'août ; mais si mes souvenirs sont exacts, il y avait eu une assez longue interruption ; et maintenant nous siégeons pour ainsi dire sans interruption depuis le mois de septembre 1864 ; car il y a eu une session extraordinaire au mois de septembre, et nous avons repris nos travaux au mois de novembre. Il est sans exemple que la Chambre ait siégé aussi longtemps d'une manière si continue.
Maintenant, ne croyez pas, messieurs, que je propose l'ajournement dans un intérêt de parti ; pas le moins du monde ; la loi sera votée au mois d'octobre ou au mois de novembre, comme elle le serait aujourd'hui. Mais je pense que si l'on veut une discussion loyale, si l'on ne veut pas abuser du ressort législatif, en imposant aux membres de la Chambre ce que j'appellerai des travaux forcés, il serait sage d'adopter ma motion.
- La clôture est demandée.
M. Dumortier (sur la clôture). - Messieurs, j'avais demandé la parole pendant le discours de l'honorable M. Bara ; je désire pouvoir lui répondre. Aux yeux de l'honorable membre, le summum de la beauté du régime parlementaire, c'est de passer au vote. Le discours de l'honorable M. Bara est un reproche continu à la droite, et la droite ne peut pas le laisser sans réponse.
- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.
MpVµ. - Nous revenons au projet de loi sur les fraudes électorales. Je mets en discussion l'amendement de M. de Theux.
M. de Brouckere. - L'honorable If. de Theux fait uns proposition d'ajournement ; je pense que c'est sur cette proposition d'ajournement que la clôture a été prononcée.
MpVµ. - C'est sur la discussion relative à cette proposition d'ajournement.
M. de Brouckere. - Nous ne l'avons pas entendu ainsi. Il y a une proposition d'ajournement.
MpVµ. - Elle n'est point parvenue au bureau.
M. de Brouckere. - Je fais remarquer, M. le président, que quand vous avez mis la clôture aux voix, nous avons voté en ce sens qu'il s'agissait de prononcer la clôture sur la demande d'ajournement de M. de Theux ; nous vous demandons maintenant de vouloir bien mettre aux voix cette demande d'ajournement.
MpVµ. - C'est ce que j'allais faire ; mais j'attends que la proposition soit parvenue au bureau.
On me remet la proposition. Elle est ainsi conçue :
« Je propose d'ajourner la discussion de la loi, à la session prochaine. »
- Plusieurs membres : L'appel nominal !
La proposition est mise aux voix par appel nominal,
77 membres sont présents.
30 adoptent.
47 rejettent.
En conséquence la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption :
MM. Jacobs, Julliot, Magherman, Notelteirs, Nothomb, Reynaert, Rodenbach, Royer de Behr, Schollaert, Tack, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Beeckman, De Borchgrave, de Conninck, de Haerne, Delaet, de Liedekerke, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, du Bois d'Aische et Dumortier.
Ont voté le rejet ;
MM. Grosfils, Hymans, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Sabatier, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Nieuwenhuyse, Warocqué, Allard, Bara, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Florisone, de Macar, de Moor, de Rongé, de Vrière, Devroede, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Giroul et E. Vandenpeereboom.
MpVµ. - Il vient d'être déposé une proposition ainsi conçue :
« Je propose à la Chambre de commencer dorénavant les séances à midi.
« (Signé) Jacobs. »
M. Jacobsµ. - Messieurs, deux mois seulement pour développer cette proposition. Il y a contradiction manifeste à faire parade de zèle et à tenir des séances de deux heures. Je demande que nous ayons des séances un peu plus longues et que nous commencions à midi.
M. Pirmez. - Messieurs, je crois que si la Chambre commençait à 1 heure, ce serait préférable ; si l'on commence à midi, on n'ira pas jusqu'à 5 heures. En commençant à 1 heure nous pouvons avoir des séances de 4 heures.
M. de Haerne. - Je crois aussi qu'il vaut mieux prendre un moyen tenue et de commencer à 1 heure.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. Orts. - Demain il y a Te Deum.
MpVµ. - On se réunira demain à 2 heures.
M. de Theuxµ. - Je pense qu'il est entendu que la séance du mardi reste également fixée à 2 heures.
MpVµ. - Les séances du mardi commenceront à 2 heures ; les autres s'ouvriront à 1 heure.
MpVµ. - Je propose d'en venir enfin à l'amendement de M. de Theux. Est-ce que M. de Theux rattache son amendement à l'article 2 ?
M. de Theuxµ. - Oui, M. le président.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
M. de Theuxµ. - On crie « aux voix ! » ; autant vaudrait demander l'abolition du règlement et de la Constitution.
MpVµ. - M. de Theux, on n'a rien aboli puisque je vous donne la parole.
M. de Theuxµ. - Mais les dispositions de la Chambre me paraissent très extraordinaires.
Messieurs, l'amendement que j'ai proposé à son principe dans le vote de la section centrale qui a été chargée d'examiner le même projet en 1862. J'avais fait remarquer à la section centrale qu'il y avait injustice, privilège, à composer le bureau principal de membres appartenant exclusivement au conseil communal du chef-lieu d'arrondissement. Ceci, messieurs, avait attiré la sérieuse attention de la section centrale ; aussi a-t-elle discuté ce principe d'une manière approfondie et, après plusieurs séances, après avoir examiné tous les articles de la loi électorale, elle a admis la rédaction que je propose aujourd'hui comme un amendement et qui me semble sauvegarder tous les intérêts.
Si l'on veut éviter les fraudes électorales, si l'on veut inspirer de la confiance au corps électoral, au pays, il me paraît de toute évidence qu'il faut organiser les bureaux des diverses sections d'après les mêmes principes, d'une manière impartiale, d'une manière telle que les intérêts de tous les arrondissements puissent être représentés dans le bureau principal comme dans les autres bureaux.
Je ne m'occuperai pas de la rédaction, car c'est une œuvre qui appartient à la section centrale de 1862 qui l'a mûrement élaborée et à laquelle il serait difficile d'ajouter des renseignements. On veut par la loi empêcher la reconnaissance des bulletins. Eh bien, quand un bureau principal est composé de membres d'une même opinion.et c'est un fait qui existe dans presque tous les arrondissements, les membres ont tout le temps de s'assurer de l'identité des bulletins ; je veux opposer un remède à ce mal en demandant le mélange dans la composition du bureau principal. Cette mesure est de toute justice et je ne comprendrais pas, si l'on veut l'égalité devant la loi, l'égalité dans les élections, qu'on ne fasse pas droit à ma demande. Il ne suffirait pas de permettre le stationnement derrière le bureau principal, les abus peuvent être commis dans le sein même du bureau, par les membres mêmes du bureau.
Il n'y a réellement aucune garantie d'indépendance de l'électeur ; on veut assurer l'indépendance de l'électeur des communes et on la refuse aux habitants de la commune chef-lieu. Nous aurions ainsi établi deux poids et deux mesures, ce qu'en bonne justice il est impossible de consacrer dans une loi.
(page 1470) Je demande donc que la Chambre fasse droit à ma demande et qu'elle veuille bien admettre l'amendement si mûrement élaboré dans la section centrale de 1862 composée en majeure partie de membres de la gauche. C'est une garantie de plus, et il n'y a d'ailleurs dans l'amendement rien d'effrayant pour personne. Il ne porte préjudice à personne et offre des garanties à tous.
MjTµ. - Je n'ai que quelques observations à faire en ce qui concerne cet amendement ; je ferai remarquer d'abord qu'il ne se rattache pas à la loi : je ne veux plus opposer la question préalable, mais l'amendement de M. de Theux tend à consacrer un nouveau mode de composition des bureaux. Le système que propose l'honorable membre mérite évidemment un examen plus approfondi que celui auquel nous pouvons nous livrer en ce moment. Si je le comprends bien, l'amendement de M. de Theux n'atteint pas le moins du monde le but qu'il veut atteindre. Cet amendement a pour but d'empêcher que les membres du bureau ne puissent vérifier les bulletins déposés par les électeurs des sections auxquelles ils appartiennent.
Je veux bien admettre qu'il puisse avoir pour effet de pallier jusqu'à un certain point les inconvénients qui ont été signalés, mais il ne les empêchera pas d'une manière absolue. Et dès lors, je dis qu'il faut entrer dans une autre voie et déclarer que l'on ne pourra plus faire partie du bureau dans la section à laquelle on appartient. Ce système est peut-être bien, mais il doit être étudié, car rien ne prouve qu'il ne donnera pas lieu à des inconvénients nouveaux, tels, par exemple, que la difficulté de constater l'identité des électeurs.
Je ne puis donner mon assentiment à une proposition qui n'est pas suffisamment mûrie. Il peut, je le répète, y avoir du bon dans cette proposition, mais je ne suis pas sûr qu'elle n'aurait pas pour résultat de faire naître des abus.
L'inconvénient du genre de discussion auquel nous nous livrons, je l'ai signalé dès le commencement et je voulais l'éviter par la question préalable, c'est de nous faire examiner une série de systèmes nouveaux à propos de la loi qui nous est soumise.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Dumortier. - M. Bara a parlé tout à l'heure de parti pris. Je crois que s'il y a un parti pris, c'est celui d'empêcher la discussion. (Interruption.) Voilà le véritable parti pris ! (Interruption.) Et c'est de ces bancs d'où, en 1857, sortaient ces paroles : Nous discuterons jusqu'à extinction de chaleur, que partent aujourd'hui les exclamations pour étouffer la discussion, pour empêcher de discuter, non de belles théories, mais les articles mêmes de la loi. (Interruption.) Vous voulez nous forcer à devenir un parlement sans vacances. Eh bien, nous nous soumettons à votre arrêt, mais du moins soumettez-vous au règlement et n'étouffez pas nos voix lorsque nous venons défendre les intérêts qui nous sont confiés, les intérêts de la justice et...
M. Bouvierµ. - Nous étouffons vos voix ! mais il y a trois semaines que nous discutons et nous ne sommes qu'à l'article 2.
MpVµ. - Vous avez la parole sur l'article, M. Dumortier.
M. Dumortier. - Quand vous m'avez fait l'honneur de m'accorder la parole, M. le président, des voix à gauche ont crié : « Aux voix ! » Le système est clair : c'est le système de M. Bara ; on votera et tout sera fait, c'est-à-dire que nous perdons notre raison d'être.
C'est là un système que je ne veux pas qualifier, parce que les expressions seraient trop fortes : si ce système parlementaire était adopté, le gouvernement deviendrait une simple machine à voter. Ce système, je le repousse, parce que je suis un vieux parlementaire.
Si vous voulez nous empêcher de parler, c'est que vous avez peur de la discussion.
M. Bara. - Nous avons peur des discours inutiles, mais vous, vous avez peur de la loi.
M. Dumortier. - Qui est-ce qui dît que nous avons peur de la loi ? (Interruption.) Vous avouez ainsi que vous avez fait une loi de parti contre nous.
M. J. Jouret. - Vous l'appréciez mal.
M. Thonissenµ. - Chacun a son appréciation.
MpVµ. - Vous avez la parole sur l'amendement de M. de Theux.
M. Dumortier. - C'est ce que je vais faire.
L'amendement de l'honorable M. de Theux a un caractère d'extrême importance ; et j'en dirai autant de celui que j'ai présenté et qui reste tout à fait dans le même ordre d'idées.
Depuis le commencement de ces débats et dans tout le rapport de la section centrale, j'ai vu dominer une pensée constante : C'est d'assurer la sincérité du vote de l'électeur, c'est de prémunir l'électeur contre toute tentative de pression.
En d'autres termes, on veut de la part de l'électeur un vote consciencieux et pour y arriver on a été jusqu'à imaginer une espèce de mécanique, un couloir. On veut surtout empêcher toute espèce de contrôle ; et toutes les mesures qui sont proposées, et dans ce nombre il en est vraiment de puériles, tendent à ce résultat. Mais en est-il de même de celle dont il est ici question ? Il est évident que de la part des membres du bureau le contrôle pourra toujours s'exercer facilement, puisque tous les bulletins lui passent par les mains ; tandis qu'on ne pourra pas même s'assurer si les membres du bureau ne commettent aucune fraude.
Et on vient, après cela, nous parler de la sincérité des élections !
En Angleterre, messieurs, le bureau ne se compose, de par la loi, que d'une seule personne, le sheriff ; le reste du bureau est fourni par les candidats ; ce sont les candidats qui envoient des avocats, des personnes de leur choix, pour seconder le sheriff dans ses opérations. Et cela est, messieurs, de toute justice. Il est de toute justice, en effet, que les droits des candidats aient leur légitime représentation. Il ne faut pas que les droits soient livrés à la merci, au bon ou au mauvais vouloir d'un bureau électoral quelconque.
Or, messieurs, comme je l'ai dit hier, comme l'a fait remarquer également l'honorable M. Pirmez, la loi accumule tellement les difficultés qu'il va en résulter un nombre considérable de cas de nullités ; et qui est-ce qui sera juge des cas d'annulation ? Peut-être des hommes appartenant à un parti contraire à l'un ou à l'autre des candidats. Cela est-il juste, messieurs ? est-ce là ce que vous voulez !
Je pense, pour mon compte, que le mode actuel de formation des bureaux était très bon en 1830, alors que la Belgique vivait sous le règne de l'union et qu'il n'y avait pas de partis dans le pays ; mais je suis d'avis aussi que ce système est devenu détestable en présence des partis qui existent aujourd'hui dans le pays. Il est incontestable que ce système doit être modifié, attendu que les membres du bureau électoral conservent seuls la faculté de contrôler les écritures du votant, et qu'il faut pourtant bien que, dans le bureau, la voix des candidats puisse se faire entendre, comme en Angleterre.
J'appuie donc l'amendement de l'honorable M. de Theux, et au besoin je développe le mien.
L'amendement que j'ai l'honneur de vous présenter n'est rien autre chose que la loi anglaise. D'après la loi anglaise, comme j'ai l'honneur de vous le dire, ce sont les candidats qui présentent les membres du bureau. Eh bien, qu'arrivera-t-il ? C'est qu'en Belgique les candidats présenteront des scrutateurs au président de chaque bureau, qui, sous sa responsabilité, formera le bureau de membres pris parmi ceux qui lui auront été désignés.
On dira peut-être : mais ces membres ne voteront pas dans leur bureau. Il en est de même pour les membres de tribunal qui siègent dans les bureaux. Il y a plus, beaucoup de scrutateurs ne votent pas aujourd'hui dans leur bureau. Ils votent dans le bureau dans lequel ils siègent. Cela n'offre pas d'inconvénient.
Dès lors l'objection que l'on fait de ce chef tombe dans les faits qui se produisent tous les jours.
Mais il est certain qu'il faut donner des garanties pour assurer la sécurité des élections. Eh bien, il n'en est pas peut-être de plus grande que celle qui réside dans la composition impartiale du bureau.
Avec le projet tel qu'il est conçu, les opérations du bureau ne sont pas contrôlées. Or, il est impossible d'admettre que ces opérations ne soient pas contrôlées ; sinon, si elles sont empreintes de mauvaise foi, la voix publique ne se fera pas jour. Je suppose qu'un président du bureau, que des membres du bureau lisent des bulletins de travers, ce qui peut arriver involontairement, je le veux bien, par fatigue ou autrement, mais aussi par mauvaise foi. Où sera la garantie pour les candidats et pour les électeurs ? Si au contraire votre bureau est composé en manière telle que les candidats eux-mêmes soient représentés dans le bureau, ou si vous votez l'amendement de l'honorable M. de Theux, vous aurez alors une garantie de la sincérité des opérations électorales.
Je voudrais que ceux qui repoussent ces amendements me disent comment l'on saura, dans le système du projet, que le bureau ne commettra pas de faute, soit volontaire, soit involontaire. Tant que l'on ne me donnera pas l'assurance que le bureau ne commettra pas de fraude ou que si des fraudes même involontaires sont commises, elles pourront être rectifiées par un moyen qu'on m'indiquera, je dois insister pour que (page 1471) la formation du bureau offre des garanties aux partis qui sont en lutte dans l'élection.
Ceci est pour la droite comme pour la gauche, pour la gauche comme pour la droite. Il est indispensable qu'il y ait ici des garanties ; elles n'existent pas dans la loi.
L'amendement de l'honorable M. de Theux et celui que j'ai eu l'honneur de présenter n'ont qu'un but : offrir des garanties.
MpVµ. - La parole est à M. de Brouckere.
M. de Brouckere. - Si la Chambre veut clore, je n'insiste pas.
M. de Theuxµ. - Je demande cependant à dire un mot.
M. le ministre de la justice a bien voulu se donner la peine de combattre mon amendement. Il m'a objecté que cet amendement n'obvie pas aux inconvénients existant dans le système actuel.
Je maintiens qu'il y obvie presque complètement et que, sauf de rares exceptions, la sécurité sera complète pour le collège électoral ; et j'attache tant de prix à cette composition du bureau principal que j'avais émis l'opinion, dans la section centrale de 1862, que je consentais à renoncer au stationnement derrière le bureau, si l'on admettait une composition complètement impartiale des bureaux électoraux, tellement ma conviction est profonde que ceci est ou peut devenir une source de très grands abus ; tellement j'ai la conviction profonde que ceci détruit la loi qu'on vous propose et qui a pour objet de garantir le secret du vote dans la commune principale de l'arrondissement électoral.
C'est là, messieurs, une objection tellement grave, que je ne comprends pas qu'elle ne soit pas saisie d'emblée.
- La discussion est close.
L'amendement de M. de Theux est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
MpVµ. - L'amendement de M. Dumortier est ainsi conçu :
« Les scrutateurs seront nommés par le président sur des listes triples d'électeurs proposées par les candidats, et en faisant en sorte que les divers partis soient représentés au bureau électoral. »
M. Vermeireµ. - Je demanderai à l'honorable M. Dumortier quelles sont les conditions qui sont exigées pour être candidat ?
M. Dumortier. - Il n'y en a pas.
M. Vermeireµ. - Comment voulez-vous alors que ce soient les candidats qui nomment les scrutateurs ?
Je suppose une élection dans laquelle il ne se présente qu'un parti ou dans laquelle il se présente plus de partis que de scrutateurs à nommer. Quels seront les candidats qui auront la préférence et qui pourront les nommer ?
M. Dumortier. - Si dans l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer, j'avais dit que le président devait choisir les scrutateurs par partie égale dans chaque parti, je comprendrais l'objection faite par l'honorable M. Vermeire. Je demande que tous les partis puissent présenter leur liste et qu'alors le président du bureau, sous sa responsabilité, forme le bureau.
Sans doute il peut y avoir plusieurs partis, mais, remarquez-le, en Belgique, il n'y a guère que deux partis, trois peut-être. Mais supposez qu'il y en ait plusieurs ; ce sera le bureau qui décidera sous sa responsabilité. Je conçois que s'il y a cinq, six partis en présence, le président ne pourra nommer un scrutateur par parti. Mais au moins plusieurs partis seront représentés au bureau, tandis que dans le système du projet, le bureau sera souvent composé de membres d'un seul parti.
Le système que je propose existe en Angleterre. C'est ainsi que si deux, trois, quatre candidats se présentent, chacun d'eux a le droit d'envoyer sur les listings des personnes pour être scrutateurs. Car on est scrutateur, lors même qu'on ne déplie pas les bulletins. Mais on examine ce qui se fait et l'on discute les questions qui peuvent surgir.
Vous allez avoir une quantité de bulletins frappés de nullité. On a pris tant de dispositions pour empêcher qu'une fraude soit commise qu'on en arrivera à annuler une infinité de bulletins. Il convient qu'il y ait au bureau quelqu'un qui puisse défendre l'opinion de ceux qui voudraient maintenir ces bulletins.
Je ne comprends pas quelle objection l’on peut faire à ce système qui n'est qu'une imitation de ce qui se fait en Angleterre.
M. Orts. - Il n'y a qu'une seule objection à faire à l'amendement de l'honorable M. Dumortier, c'est qu'à Bruxelles il est impraticable.
L'honorable membre propose de décider que chaque candidat présentera une liste triple d'électeurs propres à être nommés scrutateurs.
Il y a à Bruxelles 11 représentants, je laisse de côté les élections où il y aura des électeurs à nommer ; supposons deux listes ; voilà 22 candidats. Chacun présente trois candidats scrutateurs. Il y a 4 scrutateurs par bureau et je crois 24 bureaux. Dont 24 x 66 x 4, soit 6,336 candidats scrutateurs à désigner. (Interruption.)
M. Dumortier. - Ce que vient de dire l'honorable membre n'est pas sérieux. Tout le monde sait bien que dans une ville comme Bruxelles, il n'y a que deux, et au maximum trois listes. Les personnes qui se trouvent sur ces listes s'entendront pour présenter 3 candidats par liste.
M. Orts. - Je vous remercie bien.
M. Hymans. - Je n'accepte pas cela.
M. Dumortier. - Il est évident que chaque candidat ne va pas présenter une liste.
Nous savons ce qui se passe. Vous avez à Bruxelles une association libérale qui forme une liste de candidats. Vous avez une association d'une autre couleur qui forme aussi une liste de candidats. Eh bien, les candidats portés sur chacune de ces listes présenteront trois noms pour les places de scrutateurs.
L'argument n'est donc pas sérieux, mais il y a dans cette question quelque chose de sérieux : c'est de garantir le secret du vote et le droit des candidats vis-à-vis du bureau central. Or, je le répète, cela se fera très simplement. Dans les villes où il y aura trois listes, on aura neuf candidats scrutateurs par bureau ; dans les villes où il y aura deux partis en présence, vous aurez six candidats scrutateurs par bureau.
Quel mal y a-t-il à cela ? Vous voyez que cela n'offre aucune difficulté et que, comme en Angleterre, ce sera une garantie donnée aux électeurs et aux candidats.
Il est contraire à tout sentiment de justice que le bureau électoral soit composé d'un seul des deux partis. C'est cependant ce système qu'on semble vouloir admettre en représentant comme ridicule un amendement sérieux, très facile d'exécution et qui obvierait à une foule d'inconvénients.
Je demande à l'honorable M. Orts quelles sont les garanties qu'il trouve contre la fraude dans le bureau tel que le projet propose de le composer. D'après le rapport de la section centrale, on ne pourra pas même stationner derrière le bureau. Où sera alors la garantie de la loyauté du bureau, où sera le contrôle ? Il n'y en aura plus.
Si vous voulez empêcher de stationner, donnez au moins aux partis le droit de voir par eux-mêmes si l'on ne commet pas de fraude.
Chaque parti sera en présence de candidats. Il y aura parité pour tout le monde.
Vous parlez du secret du vote. Les cinq membres qui sont au bureau eu profiteront pour avoir connaissance de tous les votes. Ils n'auront pas besoin de prendre des notes. Ils sauront quels sont les bulletins passés et vous aurez multiplié les moyens de violer le secret du vote, tandis qu'au contraire, quand tous les partis seront représentés au bureau il y aura plus de garantie pour le secret du vote et plus de garantie contre la fraude. Il ne suffît pas d'entourer les électeurs d'une foule de précautions. Si un bureau prévaricateur vient dénaturer le vote, où est votre garantie ?
M. le ministre nous dit : On ne pourra pas se promener ni stationner.
Faudra- t-il aller au pas accéléré ou au pas de charge ?
Je demande à quoi bon la circulation si ce n'est pour contrôler les opérations des bureaux.
D'après le rapport de la section centrale, je crois qu'on ne peut laisser stationner.
M. de Naeyer. - Cela n'est pas dans le rapport.
M. Dumortier. - Il y a oui et il y a non. Je dis qu'il faut absolument introduire dans la loi une garantie contre la fraude du bureau, et je supplie les membres qui veulent repousser mon amendement, de vouloir bien me dire quelle sera la garantie des opérations des scrutateurs et des bureaux.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Dumortier est mis aux voix. Il n'est pas adopté.
MpVµ. - Nous arrivons à l'article 2.
Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
MjTµ. - Oui, M. le président ; je ferai cependant une observation.
Dans l'article 2 du projet de loi, il était dit qu'il en sera déposé dans chaque section pendant les opérations du collège.
Cette disposition a été supprimée par la section centrale ; elle a cependant un caractère d'utilité. L'électeur dont le bulletin est refusé a le droit d'en faire-immédiatement un autre sans interrompre les opérations.
(page 1472) Pour que l'exercice dé ce droit ne puisse être empêché, je pense qu'il est bon d'ordonner qu'il y ait des bulletins dans chaque section, et je demande que l'on maintienne la disposition du projet du gouvernement.
M. Crombez, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a expliqué pour quel motif elle n'avait pas cru devoir accepter les derniers mots de l'article 2 « et il en sera déposé dans chaque section pendant les opérations du collège. »
Elle a craint qu'il n'y eût des détournements, qu'on ne fît commerce du papier électoral.
Il sera bien entendu alors qu'il sera pris des mesures pour empêcher de pareils faits.
MjTµ. - Mon idée est celle-ci : Il faut que l'électeur dont le bulletin a été refusé ait le moyen de le remplacer. Il se peut qu'il n'ait pas de papier électoral à sa disposition. Il est utile qu'il y en ait dans la section : on peut le mettre sur le bureau.
M. Crombez, rapporteur. - Messieurs, je dois répondre à l'observation que m’a faite l'honorable M. Pirmez. Il m'a demandé quelle différence il y a entre le bulletin autographié et le bulletin lithographie.
Il peut y avoir une différence.
Le bulletin autographié est toujours la représentation de l'écriture à la main. Mais, si vous voulez bien lire le projet de loi avec attention, vous verrez qu'à l'article 8 nous disons que lorsque l'autographie ne représente pas l'écriture usuelle, lorsqu'elle représente des caractères imprimés, le billet est nul.
M. Hymans. - Qu'est-ce que l'écriture usuelle ?
M. Crombez, rapporteur. - Je n'ai pas besoin, je pense, de répondre à cette demande. Chacun sait ce que c'est que l'écriture usuelle.
Il en résulte que si la lithographie représente l'écriture ordinaire, il faudra l'admettre. Cela n'est pas douteux : s'il y avait quelque incertitude dans le texte, je proposerais d'ajouter l'autographie et la lithographie.
M. Orts. - Et la photographie ?
M. Crombez, rapporteur. - Je pense que la discussion doit être sérieuse, et quand on parle de photographie à propos de bulletins, on n'est pas sérieux.
M. Hymans. - C'est très sérieux.
M. Crombez, rapporteur. - Je dis donc que si l'article ne semble pas suffisamment clair, on pourrait ajouter la lithographie, sauf à insérer également à l'article 8, le mot « lithographie ».
Voilà la réponse que j'ai à faire à l'honorable M. Pirmez.
M. Dumortier. - Messieurs, je crois que la proposition de l'honorable M. Crombez est parfaitement juste et je m'y rallie complètement. Mais il est un point qui me paraît demander une explication et peut-être une modification.
C'est le second paragraphe.
« Ces bulletins pourront, en conservant la même forme, avoir des dimensions plus petites ou plus grandes dans les divers arrondissements, cantons ou communes, d'après le nombre des membres à élire. »
Je conçois fort bien les motifs pour lesquels on a pris cette disposition. Mais supposons une élection générale. Vous avez deux districts voisins. Dans l'un on vote pour deux députés ; dans l'autre, on vote pour six, pour huit. Mais l'électeur habitant à l'extrémité d'un district ne pourra pas se procurer ce papier au dernier moment et il sera dans l'impossibilité de se servir du papier voisin. Ne serait-il pas mieux d'admettre une dimension uniforme pour tout le pays. Je crois que cela serait beaucoup plus sage.
MjTµ. - Je ne pense pas que la disposition présente les inconvénients que vient de signaler l'honorable M. Dumortier.
D'après la loi, les électeurs seront suffisamment pourvus de papier électoral. On remet d'abord à l'électeur cinq bulletins dans la localité où il se trouve. S'il perd ces cinq bulletins ou s'il les distribue, il peut s'en procurer d'autres, car on en débite partout et, le jour des élections, on en trouve de tous côtés. Il n'y a donc pas à craindre qu'il manque de bulletins.
Je suppose qu'il se trompe et qu'il apporte au bureau un bulletin dont le formti n'est pas celui de l'arrondissement : le président lui en fera l'observation et l'électeur aura le droit de présenter un autre bulletin.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de prescrire un format uniforme : Il serait ridicule d'exiger dans un arrondissement où il n'y a qu'un membre à élire le même format que dans un arrondissement oh il y en a onze, d'exiger à Arlon, où le bulletin ne doit comprendre qu'un nom, le même format qu'à Bruxelles, où II faut en inscrire onze,
L'emploi de formats différents ne peut donner lieu, je pense, à aucun inconvénient,
M. Tack. - Messieurs, je me lève pour faire une question au sujet du troisième paragraphe ; j'ai toujours vu qu'en tête des bulletins ou devant le nom du premier candidat qui figure sur le bulletin on inscrit la mention : « Messieurs » ; cette mention deviendra-telle une cause de nullité ? Autre question : Sera-t-il permis de faire précéder le nom de famille du titre nobiliaire ? Enfin qu'entend-on par profession ? La qualité de propriétaire, rentier, est-elle assimilée à une profession ? On me dit : C'est une question d'appréciation. Vous arriverez à cette conséquence, que certains bureaux valideront et d'autres annuleront systématiquement ces bulletins. Il serait par conséquent bon qu'on fût fixé à cet égard.
M. de Naeyer. - J'ai à présenter une observation appartenant à un autre ordre d'idées. Je crois qu'il y aurait lieu de retrancher quelque chose du paragraphe 3. Il est dit dans ce paragraphe que le texte des articles 7 et 8 de la présente loi sera imprimé sur chaque bulletin. Or, si vous jetez les yeux sur ces articles 7 et 8, vous remarquerez qu'ils sont très longs et que s'ils doivent être imprimés sur chaque bulletin, celui-ci devra avoir une dimension démesurée.
Je crois qu'il suffirait de mettre à la suite de l'article 8 une disposition portant que le texte des articles 7 et 8 sera imprimé sur les lettres de convocation qui doivent être envoyées aux électeurs.
De cette manière vous atteindriez absolument le même but, tandis qu'en imprimant le tout sur le bulletin de vote, vous arriverez à avoir une énorme pancarte, car veuillez remarquer que tout devra être imprimé d'un seul côté, et qu'il faudra laisser en outre du même côté un espace suffisant pour écrire les noms des candidats.
M. Crombez, rapporteur. - Je ne m'oppose pas d'une manière absolue à la proposition de l'honorable M. de Naeyer. Cependant je crois qu'il y a intérêt à inscrire sur le bulletin même les conditions attachées à sa validité.
Nous demandons tous que l'électeur soit instruit. Quand il saura lire il aura sous les yeux les prescriptions de la loi qui lui enseigneront comment les bulletins devront être faits pour être valables. Si la Chambre préfère que ce soit imprimé sur le bulletin de convocation, je n'y vois pas d'inconvénient.
M. Dumortier. - Messieurs, je dois revenir sur l'observation qu'a présentée l'honorable M. Tack.
D'après le paragraphe 3 de l'article 2, les bulletins seront divisés à l'intérieur en trois colonnes : la première destinée au nom de famille des candidats ; la deuxième à leurs prénoms et la troisième à leur profession.
Dans cet ordre d'idées, en renverse la manière habituelle du langage. Ainsi, l'honorable rapporteur de la section centrale, je le connais depuis un grand nombre d'années sous le nom de Louis Crombez et non sous le nom de Crombez, Louis. (Interruption.)
Cela n'est pas peu important ; n'y aura-t-il pas une cause de nullité quand on dira Louis Crombez au lieu de Crombez, Louis ?
Je pense qu'à force de vouloir prendre des précautions contre les bulletins marqués, on finira par arriver, non pas à une foule de bulletins marqués, mais à une foule de bulletins annulés.. Il faut employer sans doute tous les moyens possibles d'éviter les bulletins marqués, mais il ne faut pas aller jusqu'à provoquer inévitablement une masse de bulletins qui seront annulés.
Je prie la Chambre de tenir compte de l'observation que je vais présenter : les partis sont fort tendus en Belgique, et ce n'est pas d'aujourd'hui qu'ils se font des niches.
Qu'arrivera-il ? C'est qu'un parti qui voudra faire annuler des bulletins, enverra aux électeurs des bulletins, avec les noms des candidats, en mettant d'abord les prénoms et ensuite les noms ; et ces bulletins devront être annulés. La disposition est plus dangereuse qu'utile. Je pense qu'il y aurait lieu de supprimer le paragraphe 3 de l'article 2.
M. Pirmez. - Je n'ajouterai que quelques mots aux observations présentées par l'honorable M. Dumortier ; c'est qu'à l'article 7 de la loi, on détermine qu'il faut inscrire sur les billets les nom, prénoms et profession du candidat, en sorte qu'il est inutile de s'en occuper ici.
Je cherche à comprendre pourquoi on veut faire mettre les prénoms après le nom. Cela est contraire à l'usage que prouvent bien les mots de prénom et de nom ; car le prénom est bien ce qui doit précéder le nom. Ainsi, pour ce qui me concerne, personne ne s'imaginera, surtout dans mon arrondissement, d'inscrire Pirmez Eudore, mais Eudore Pirmez. La section centrale déroge donc inutilement à l'usage admis en cette matière.
M. Crombez, rapporteur. - Dans les actes de l'état civil, les prénoms sont mis après les noms.
(page 1473) M. Pirmez. - Dans les usages ordinaires de la vie, on appelle une personne d'abord par ses prénoms et puis par son nom.
Je demande qu'en supprimant le paragraphe on supprime une cause de nullité du bulletin.
M. Delaetµ. - Messieurs, je viens appuyer la proposition de l'honorable M. Dumortier, tendante à supprimer le paragraphe 3 de l'article 2.
Je ne considère pas la proposition de la section centrale comme exécutable et pratique.
Vous aurez à inscrire sur vos bulletins, non seulement les articles 7 et 8, qui sont déjà très longs, mais encore la traduction flamande de ces articles, ainsi que la traduction flamande des diverses désignations.
Ceci, vous le reconnaîtrez, est indispensable dans les provinces flamandes.
Par suite, votre bulletin deviendra une espèce de pancarte, assez grande pour faire l'effet d'un petit journal électoral qu'on aura à déposer dans l'urne.
Je dirai plus : les articles 7 et 8 donnent lieu à de telles difficultés dans l'exécution que l'honorable rapporteur de la section centrale s'est vu obligé de nous donner des exemples que nous-mêmes, messieurs, nous ne parvenons à saisir sans quelque difficulté.
Vous me permettrez de vous citer quelques passages du rapport de la section centrale.
« Art. 7. L'article 34 de la loi électorale prononce la nullité de tous les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante. Mais cette loi ne contient aucune explication sur le mode de désignation. Cette lacune a favorisé la fraude. On s'est servi des qualifications lès plus variées, non pas pour désigner les candidats, mais pour violer le secret du vote et comme signe de reconnaissance. Elle a donné ouverture aussi à des contestations sur la validité des suffrages.
« L'article 7, adopté pas la section centrale, est destiné à combler cette lacune. Il est limitatif, c'est-à-dire qu'il indique les désignations autorisées, et les bulletins qui en renfermeraient d'autres sont déclarés nuls par la disposition suivante. Si quelques-unes des désignations permises suffisent pour que le suffrage soit clairement exprimé, l'électeur peut se dispenser des autres. En un mot, le but des articles 7 et 8 est de prohiber les indications superflues ou exceptionnelles, trop souvent employées pour contraindre les volontés.
« Le paragraphes premier de l'article 7 ne reproduit qu'en partie la rédaction du gouvernement,
« D'accord avec les résolutions des 5ème et 6ème sections, la section centrale a supprimé les mots : « domicile ou résidence », qui sont inutiles pour désigner les candidats, et qui sont souvent un moyen de marquer des bulletins.
« En outre, nous admettons que les qualifications de Sénateur, Représentant ou Conseiller sortant puissent remplacer la profession ; mais, permettre de les ajouter à la suite de l'indication de la profession, ce serait, outre l'inutilité de cette mention, offrir une facilité de plus au système des billets marqués et reconnaissables.
« Pour mieux faire comprendre le sens de notre décision, posons un cas : M. Lenoir, Jules-Pierre, avocat, représentant sortant, est candidat.
« Seraient valables, les bulletins ainsi conçus :
« Lenoir, Jules-Pierre, avocat.
« Lenoir, Jules-Pierre, représentant sortant,
« Lenoir, représentant sortant. »
Ou Lenoir, avocat, si d'aventure un seul citoyen de ce nom avait son domicile dans l'arrondissement. Je suppose que cette formule a échappé à l'attention de M. le rapporteur de la section centrale.
« Mais, continue le rapport, serait annulé, un bulletin rédigé en ces termes :
« Lenoir, Jules-Pierre, avocat, représentant sortant, ou Lenoir, avocat, représentant sortant. »
Ce sont là des distinctions tellement subtiles que l'électeur ne pourra jamais les faire, quand il préparera son bulletin. Par votre disposition, vous allez mettre les élections en régie. La majorité a décidé il y a quelques jours que l'électeur ne doit pas savoir lire et écrire ; pourtant je suppose qu'il le sache, il n'en saura jamais assez pour sortir de ce dédale législatif.
Qu'a-t-on fait jusqu'ici ? L'on s'est toujours plaint des désignations insuffisantes. Aujourd'hui l'on est presque enclin à les admettre ; mais ce qu'on exclut, ce sont les désignations superflues. Or, est-ce une désignation superflue de dire : un tel, avocat, représentant sortant ? Il peut y avoir deux avocats, il peut y avoir un avocat très connu portant le même nom,
Il y a plus : je suppose qu'un médecin soit candidat, que ce médecin s'appelle Jules-Pierre Lenoir et qu'il soit établi à Anvers, mais un Jules-Pierre Lenoir, médecin aussi, est établi à Wyneghem, village des environs d'Anvers. Que ferez-vous, si vous n'avez pas d'indication de domicile ? Or, l'exemple que je vous cite n'est pas fictif. Je connais deux médecins ayant le même nom, les mêmes prénoms, qui habitent le même arrondissement, mais deux localités différentes.
Vous n'avez donc pas tout prévu ; mais vous avez voulu trop prévoir et par cela même, au lieu de faire une loi propre à prévenir les fraudes électorales, vous aurez fait une loi pour les favoriser.
Je ne vous parle que de ce paragraphe. Je ne vous parle pas de la juridiction absolue laissée à un bureau qui peut être composé d'hommes de parti. Toutefois, je crois qu'à force de prendre des précautions, vous arriverez à ce résultat, - qui vous a déjà été signalé par l'honorable M. Dumortier, - que vous aurez beaucoup de votes annulés et que si le bureau est composé d'hommes d'un seul parti, l'annulation ne portera que sur les votes du parti opposé. Ce serait là de la fraude électorale pratiquée sur la plus vaste échelle. Je demande donc formellement la suppression du paragraphe 3 de l'article 2.
M. Crombez, rapporteur. - Lorsque nous serons aux articles 7 et 8, nous examinerons les observations présentées par l'honorable M. Tack et par l'honorable M. Delaet. Nous n'en sommes pas à discuter la question de nullité des bulletins. Cette question a été réservée jusqu'au moment où nous aurons à nous prononcer sur l'amendement de l'honorable M. de Theux.
Je reviens à l'observation qui a été faite sur le troisième paragraphe de l'article 2. Si nous avons mis : les noms, prénoms et professions, c'est que, comme je l'ai dit en interrompant l'honorable M. Pirmez, dans les actes de l'état civil, on indique toujours le nom, puis les prénoms, mais il y a plus : les listes d'appel nominal pour les élections sont faites de la même manière. On inscrit d'abord le nom, puis les prénoms.
M. Pirmez. - Parce que les listes sont faites par ordre alphabétique.
M. Crombez. - Sans doute ; mais en attendant on commence toujours par le nom, et les prénoms viennent après.
Messieurs, pour quel motif avons-nous introduit ce paragraphe ? C'est qu'il paru utile à la section centrale d'empêcher qu'on ne pût écrire les noms des candidats dans un ordre irrégulier, par exemple, en rond, en carré ; et cela dans le but de rendre les billets reconnaissables. Au surplus, le moyen que nous proposons présentait sans doute des avantages réels, puisque les sections elles-mêmes l'ont proposé ; elles ont recommandé de diviser les bulletins à l'intérieur. Ce n'est donc pas la section centrale qui a inventé la division des bulletins. Elle est aussi réclamée par les pétitions qui sont déposées sur le bureau.
Voila pourquoi nous avons admis cette précaution.
Maintenant, la Chambre trouve que c'est une superfétation, que cela n'a pas d'utilité ; qu'elle le supprime. Quant à moi, je n'y attache qu'une importance relative.
Dans le cas cependant où ce paragraphe serait supprimé, il conviendrait d'insérer à l'article 8 le dernier membre de phrase ainsi conçu : « Le texte des articles 7 et 8 de la présente loi sera imprimé sur chaque lettre de convocation. »
M. de Smedt. - Je n'ajouterai qu'un mot. Je suis partisan du paragraphe 3 de l'article 2. Mais je voudrais le voir modifier dans le sens que je vais indiquer.
Je trouve l'observation de l'honorable M. Pirmez fort juste ; il est d'un usage général que le prénom précède le nom. L'honorable M. Crombez nous dit que dans les actes de l'état civil, le contraire a lieu. Je le reconnais, mais l'usage est consacré de mettre en général le prénom avant le nom.
Je voudrais, pour éviter le plus possible les bulletins marqués, que l'on ne pût inscrire sur le bulletin que le prénom d'abord, le nom ensuite et le domicile exclusivement, et que ce ne fût que dans le cas où il y aurait plusieurs personnes portant les mêmes nom et prénoms, et ayant le même domicile, que l'on pût ajouter une qualification supplémentaire.
D'ailleurs, je trouve qu'en fait d'annulations de bulletins, l'on doit toujours présumer la bonne foi. Quand un individu est généralement connu comme candidat, il est évident que le bulletin portant son nom ne doit pas être facilement annulé.
M. Delaetµ. - L'honorable rapporteur m'a dit que j'aurais dû présenter les observations que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, lors de la discussion des articles 7 et 8 ; je ne crois pas que cette observation soit fondée. Le paragraphe 3 de l'article 2 présuppose l'adoption des articles 7 et 8 dans leur teneur actuelle.
(page 1474) M. Crombez, rapporteur. - Cela a été réservé.
M. Delaetµ. - Maintenant, pour adopter le paragraphe 3, encore faut-il que la Chambre soit éclairée sur la portée véritable des articles 7 et 8.
- La discussion est close.
MpVµ. - Deux amendements sont proposés à l'article 2.
M. le ministre de la justice propose d'ajouter au paragraphe 4 : « Et il en sera déposé sur le bureau de chaque section pendant les opérations du collège. »
MjTµ. - Je pense que pour procéder logiquement, il faut voter par paragraphe et commencer par le paragraphe premier.
M. Crombez, rapporteur. - Si la section centrale se rallie à la suppression du paragraphe 3, il est inutile de mettre cette suppression aux voix.
MpVµ. - Laissez d'abord voter sur les amendements.
Le bureau est saisi d'un second amendement, celui de M. de Naeyer.
MjTµ. - Il se confond avec la proposition de l'honorable M. Dumortier qui demande la suppression du paragraphe 3.
MpVµ. - Je n'ai pas cet amendement.
M. Dumortier. - Il suffit de voter l'article par division. Lorsqu'on arrivera au paragraphe 3, on votera contre.
MpVµ. - Le paragraphe premier est ainsi conçu :
« Les votes seront donnés par écrit ou autographiés, à l'encre noire, sur des bulletins de forme carrée, qui seront spécialement timbrés à cet effet et fournis par le gouvernement. »
M. Hymans. - Je crois que M. le rapporteur de la section centrale s'est rallié à la proposition qui a été faite d'ajouter le mot « lithographies. »
- Plusieurs membres. - Oui ! oui !
M. Mullerµ. - Il est bien entendu que la lithographie devra être la représentation d'une écriture.
- Le paragraphe, avec l'addition du mot « lithographies », est adopté.
« Ces bulletins pourront, en conservant la même forme, avoir des dimensions plus petites ou plus grandes dans les divers arrondissements, cantons ou communes, d'après le nombre des membres à élire, sans toutefois qu'elles puissent être différentes pour le même collège électoral. »
- Adopté.
« Les bulletins seront divisés à l'intérieur en trois colonnes : la première destinée au nom de famille des candidats ; la deuxième à leurs prénoms, et la troisième à leur profession. Ils porteront en tête l'indication des désignations à inscrire dans chaque colonne. Le texte des articles 7 et 8 de la présente loi sera imprimé sur chaque bulletin. »
- Le paragraphe est retiré.
« Ces bulletins seront remis à chaque électeur en même temps que la lettre de convocation.
« Il en sera déposé sur le bureau de chaque section pendant les opérations du collège. »
- Adopté.
« Le prix du papier électoral sera fixé par arrêté royal. Il en sera débité par les agents de l'administration du timbre et par toutes les autres personnes qui en demanderaient pour le vendre. Il y aura au moins un dépôt par canton. »
- Adopté.
MpVµ. - Nous arrivons à l'article 3, ainsi conçu :
« Art. 3. Les bulletins devront être plies en quatre et de manière à former un carré : la marque du timbre sera à l'extérieur.
« Les bulletins plies d'une autre manière ou portant à l'extérieur des signes distinctifs quelconques seront refusés par le président du bureau électoral.
« Au deuxième tour de scrutin, un papier blanc et non colorié pourra être employé concurremment avec le papier officiel. Tous bulletins d'un autre papier ou portant à l'extérieur des signes distinctifs quelconques seront également refusés par le président du bureau électoral.
« L'électeur, dont le bulletin aura été refusé, pourra le remplacer par un autre, sans interrompre la suite des opérations.
« Tout bulletin, déposé dans l'urne, ne pourra plus être attaqué sous prétexte qu'il porte à l'extérieur un signe distinctif.
« En cas de contestation, le bureau décidera. »
A cet article se rattache l'amendement de M. de Theux ainsi conçu :
« Les élections se font par scrutin de liste et à la pluralité des voix. »
M. de Theuxµ. - Messieurs, il est constaté par l'expérience que le scrutin de ballottage est une véritable dérision, une véritable moquerie, et que le candidat qui a le plus de voix est toujours celui qui appartient au chef-lieu d'arrondissement ; autant vaudrait le proclamer par la loi.
Je propose de suivre l'exemple de ce qui se fait en Angleterre, de supprimer le scrutin de ballottage et de déclarer que le candidat qui a obtenu le plus de voix sera élu.
MfFOµ. - Ce n'est pas possible.
M. de Theuxµ. - Ce n'est pas possible parce que le ballottage donne toujours le succès à votre opinion !
Pour moi, qui désire que les élections soient sérieuses, je demande que le scrutin de ballottage soit aboli.
Comment ! messieurs, on se donne beaucoup de peine, on discute des semaines entières et chaque mesure que nous proposons pour abolir un abus évident, manifeste, incontestable, chacune de ces mesures est systématiquement repoussée. Je ne voudrais pas exprimer ici ce qu'il faut en conclure, mais je laisse au bon sens du pays le soin de tirer la conclusion.
MfFOµ. - Lorsque j'ai interrompu tout à l'heure l'honorable membre, il m'a répliqué par ces paroles : « Vous dites que c'est impossible, parce que le ballottage profite toujours à votre opinion. »
Messieurs, l'honorable M. de Theux aurait dû remarquer tout d'abord que le ballottage est un fait assez rare en Belgique. (Interruption.) Evidemment, nous n'avons eu qu'un petit nombre de ballottages en trente années.
M. Wasseige. - Pour ma part j'ai déjà été ballotté deux fois.
MfFOµ. - Je dis qu'il n'y a eu qu'un nombre assez restreint de ballottages, relativement au grand nombre d'élections qui se sont faites.
M. Wasseige. - J'ai été ballotté deux fois et j'ai échoué chaque fois.
MfFOµ. - Messieurs, si l'honorable M. Wasseige a échoué dans un scrutin de ballottage, la même chose est arrivée à l'honorable M. Rogier. Cela prouve tout au moins que cette opération ne profite pas toujours exclusivement à la même opinion.
Mais, messieurs, il y a d'ailleurs des raisons très sérieuses de maintenir le ballottage. Si on le supprimait, il pourrait se faire, par exemple, que des candidats fussent élus au moyen d'un petit nombre de voix. (Interruption.) Cela n'est pas niable ; on en a eu l'expérience. Nous avons vu arriver au scrutin de ballottage, dans des élections communales, un candidat qui n'avait réuni au premier tour de scrutin qu'un nombre de suffrages tout à fait insignifiant.
M. Mullerµ. - 9 voix.
- Un membre : Dans une petite commune !
MfFOµ. - En effet ! Dans la petite commune de Liège !
Or, si le système que conseille l'honorable M. de Theux était admis, on aurait cet étrange spectacle de candidats élus par un très petit nombre de suffrages, chaque fois qu'il y aurait plusieurs concurrents en présence, et que les votes se seraient éparpillés sur chacun d'eux. (Interruption.)
Ce cas s'est présenté assez souvent. Nous avons même vu un membre de cette assemblée arriver au ballottage avec 26 voix seulement.
On pourrait donc, je le répète, être élu avec un nombre excessivement restreint de suffrages, avec un nombre de voix tellement faible, qu'il serait impossible de considérer une élection faite dans de telles conditions comme étant l'expression réelle de la volonté du collège électoral.
Messieurs, les inconvénients qui peuvent résulter du ballottage sont bien peu de chose en présence de la possibilité de semblables résultats. On est d'ailleurs assez rarement dans la nécessité d'y avoir recours. Mais quand cette nécessité se présente, il faut pouvoir conserver le moyen de laisser se manifester clairement le vœu des électeurs. Il serait déplorable que l'on dût admettre comme l'élu du corps électoral celui qui n'en serait pas le représentant réel, et qui ne devrait son élection qu'aux suffrages d'une infime minorité.
(page 1475) M. de Theuxµ. - Je m'étonne qu'on fasse fi d'un usage consacré dans un pays bien plus ancien que nous dans la pratique du gouvernement représentatif ; je le répète, en Angleterre il n'y a pas de scrutin de ballottage.
Outre l'inconvénient que j'ai cité et qui est manifeste, il y en a un autre qui est très grave. Je prends pour exemple les élections communales d'une ville comme Bruxelles où il y a ordinairement 16 conseillers à élire.
Le dépouillement du scrutin, tant pour les conseillers communaux que pour les représentants, qui sont également très nombreux, ce dépouillement dure très tard dans la nuit ; vers la soirée il se forme des attroupements multipliés ; ils deviennent insolents, hostiles, dangereux même. C'est au milieu de tout cela que se fait le ballottage et on appelle cela de la sincérité ! Messieurs, c'est de la dérision.
Nous avons vu un ancien membre du Congrès national, respectable à tous égards et par son état et par tous ses antécédents, nous l'avons vu maltraité dans la ville de Gand. Nous avons vu en 1857, par de regrettables désordres dans la ville de Louvain, écarter un de nos ancien collègues, M. de Wauters, qui avait obtenu la pluralité au premier tour de scrutin. Les exemples sont tellement nombreux qu'il n'y aurait pas de fin si je voulais les citer tous.
Je dis, messieurs, que quand on veut faire une loi de sincérité, une loi forte, on doit prendre les moyens de rendre justice, et la loi telle qu'elle nous est présentée ne remplit pas ces conditions.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix !
M. Orts. - Messieurs, j'appuie la proposition présentée par l'honorable M. de Theux. Je suis partisan de la suppression du ballottage et je vais vous dire pourquoi : C'est d'abord parce que je crois que c'est de tous les remèdes le plus efficace pour empêcher le mal que nous voulons tous faire disparaître, je dirai plus, ce qui est une honte pour le corps électoral, je veux parler des dépenses électorales.
Quand vous n'aurez plus le ballottage, il n'y aura plus de raison pour donner un dîner aux électeurs. (Interruption.)
Vous donnerez un déjeuner, mais vous ne donnerez plus de dîner et vous aurez gagné 75 p. c. des dépenses.
Maintenant je crois que le scrutin de ballottage est parfaitement inutile. Je n'admets pas qu'il soit tout entier au profit du centre de population dans lequel se fait l'élection. Si cela était, ce serait une injustice que nous ne devrions pas tolérer, mais je crois que la suppression du ballottage aura cet excellent résultat d'introduire dans les partis une discipline plus solide que celle qui existe aujourd'hui.
Beaucoup de minorités se détachent de la majorité de leur opinion en disant : Nous allons produire un candidat et au ballottage nous nous mettrons du côté du candidat qui a seul des chances et qui se rapproche le plus de notre nuance. Quant aux inconvénients qu'a signalés l'honorable ministre des finances, ils ne peuvent se produire quand on saura qu'il n'y a plus de ballotage.
MfFOµ. - Messieurs, les derniers mots que vient de prononcer l'honorable membre font naître dans mon esprit une observation que je soumets à l'assemblée.
Il veut que l'on introduise la discipline dans les partis et il pense que la suppression du ballottage sera un moyen très efficace d'arriver à ce résultat.
Messieurs, parlons franchement.
La discipline existe parfaitement chez nos adversaires. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu une seule fois dans un collège électoral deux listes catholiques, mais dans beaucoup de collèges électoraux j'ai vu plusieurs listes libérales.
M. Orts. - Parce qu'il y a ballottage.
MfFOµ. - Ah ! parce qu'il y a ballottage ! Eh bien, si vous le faites disparaître, vous ouvrirez la porte à des manœuvres, dont l'habile tactique de vos adversaires saura parfaitement profiter. On vous suscitera dans votre propre parti des concurrents, afin de diviser les suffrages des électeurs de votre opinion, et à l'aide de cette division, vos adversaires se feront élire par la minorité du corps électoral, devenue ainsi majorité relative. Voilà le résultat auquel vous aboutirez par la suppression du ballottage.
M. Jacobsµ. - Messieurs, j'ai présenté comme article 35bis la proposition dont l'honorable M. de Theux a fait un amendement à l'article 3 ; pour épargner les moments de la Chambre, je renonce à cet article additionnel et je me borne à ajouter quelques mots à l'appui de l'amendement de l'honorable comte de Theux. Mais ici je suis fort embarrassé.
Quelque court que je sois, je serai trop long pour l'honorable M. Bara et il va supposer que je le prends pour un niais si je commente l'amendement ; et quelque long que je sois, M. le ministre de la justice me répondra que le débat que je soulève est trop grave pour être traité accessoirement à propos du projet sur les fraudes électorales.
Quoi qu'il en soit, je risquerai quelques explications.
Nous cherchons surtout à réprimer et à prévenir les fraudes électorales ; le couloir ou plutôt le labyrinthe comme l'appelle son auteur, n'a pour but que de garantir à l'électeur sa liberté.
Or, la première condition de liberté du vote, la première condition pour qu'il soit l'expression du corps électoral, c'est de donner l'égalité aux différentes fractions de ce corps.
L'inégalité actuelle choquante déjà au premier vote, devient intolérable au ballottage qui tarde parfois jusqu'à une heure indue. (Interruption.)
J'assistais à Bruxelles, lors des élections de 1859, à un ballottage qui a duré jusqu'à minuit ; les élus peuvent confirmer ce que j'avance.
L'inégalité des électeurs ruraux et des électeurs urbains, surtout au ballottage, est intolérable, je le répète ; elle établit la prépondérance absolue du chef-lieu. Elle augmentera encore à la suite du vote du projet.
Le couloir prolongera la durée du scrutin ; c'est une formalité de plus ; l'article 6 du projet de la section centrale prescrit aux scrutateurs d'indiquer au fur et à mesure du dépouillement le nombre de suffrages obtenus par chaque candidat ; nouvelle perte de temps. L'adoption du vote par ordre alphabétique ou de la proposition tendante à mélanger les bulletins au bureau principal et à les répartir ensuite entre les différents bureaux, constituera une nouvelle longueur.
Nous arriverons à des ballottages au milieu de la nuit, dans des conditions où jamais une élection ne devrait avoir lieu.
M. le ministre des finances objecte que l'on pourrait arriver à un résultat étrange, à l'élection par un nombre dérisoire de voix, si l'on se contente de la majorité relative. Cela peut se présenter au ballottage comme au premier tour, mais le système actuel donne des résultats étranges aussi et favorise de véritables surprises. Sans vouloir rien dire de désobligeant à un honorable collègue, je puis rappeler la première élection de M. de Florisone qui, au premier tour de scrutin, n'était pas même candidat et qui, par suite de quelques voies perdues, a été ballotté, et élu. La proposition que nous faisons, l'honorable M. de Theux et moi, rendrait de pareils résultats impossibles. Selon moi, la suppression du ballottage serait une mesure bonne et utile ; remarquez qu'il n'y a pas d'exemple d'un scrutin de ballottage réunissant autant d'électeurs que le premier tour de scrutin, en sorte que l'élu du premier tour est bien plus l'élu de l'arrondissement que l'élu du ballottage, bien que dans le premier cas il n'ait eu que la majorité relative, ce qui peut arriver aussi au ballottage.
La seule concession que je me résignerais à faire à mes adversaires, c'est d'exiger que l'élu du premier tour réunisse au moins le tiers des voix ; j'écarterais ainsi la seule objection sérieuse et, sans supprimer absolument le ballottage, je le rendrais si rare qu'il tomberait complètent en t en désuétude.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
- D'autres membres. - La clôture !
M. Dumortier. - Je demande la parole.
MpVµ. - Vous avez la parole sur la clôture.
M. Dumortier. - Ce n'est pas sar la clôture que je demande à parler.
M. Guillery. - Je demande la parole sur la clôture.
M. Dumortier. - Est-il possible de clore sans discussion sur un des points les plus importants ? C'est véritablement déclarer qu'on ne discute plus mais qu'on vote.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier) - Il est temps !
M. Dumortier. - Vous ne remplissez par votre mandat, vous êtes ici pour discuter.
- Des voix. - A l'ordre !
M. Bouvierµ. - M. Dumortier prétend que nous ne remplissons pas notre mandat.
M. Dumortier. - Je dis qu'il n'est pas possible de clore d'une manière aussi brusque une pareille discussion sur l'article le plus important peut-être de la loi. C'est le régime de la violence que l'on veut inaugurer. (Interruption.) Qu'on ait du moins le courage de nous entendre. Quant à moi, je crois pouvoir démontrer que par suite des modifications qu'on introduit à la loi électorale, le ballottage devient impossible et que la force des choses vous obligera à adopter l'amendement. Je (page 1476) veux donner les raisons pour lesquelles le ballottage est impossible ; je demande que la Chambre laisse parler !
M. Guillery. - La proposition de M. de Theux touche à l'essence de notre régime électoral ; il s'agit de la question de savoir s'il faut être l'élu de la majorité du collège électoral. Je ne crois pas que nous puissions voter sur cette question sans une discussion approfondie.
- Des voix. - La clôture !
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
MpVµ. - Je mets aux voix l'amendement de M. de Theux.
- Des membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à cette opération.
74 membres y prennent part.
30 membres adoptent l'amendement.
44 membres le rejettent.
En conséquence l'amendement n'est pas adopté.
On voté l'adoption :
MM. Jacobs, Julliot, Laubry, Magherman, Nélis, Notelteirs, Orts, Pirmez, Reynaert, Schollaert, Tack, T'Serstevens, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, de Borchgrave, de Coninck, de Haerne, Delaet, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Theux, Dubois d'Aische et Dumortier.
Ont voté le rejet :
MM. Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Rogier, Tesch, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Nieuwenhuyse, Warocqué, Allard, Bara, Bouvier, Bricoult, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, De Fré, de Macar, de Moor, de Rongé, Devroede, Dewandre, Dolez, Elias, Frère-Orban, Funck, Giroul et Ernest Vandenpeereboom.
MpVµ. - Reste l'article 3 de la section centrale ; le gouvernement se rallie-t-il à cet article ?
MjTµ. - Oui, M. le président, sauf une transposition de paragraphes. Je demanderai que le dernier paragraphe soit placé après le troisième.
MpVµ. - La discussion est ouverte sur la rédaction de la section centrale avec la modification proposée par M. le ministre de la justice.
MjTµ. - Je remarque que cet article contient encore une disposition relative au papier. Je ne vois pas quelle utilité il y a à admettre un autre papier pour le scrutin de ballottage. Il y aura toujours du papier électoral en quantité suffisante dans les bureaux, et je ne vois pas, dès lors, la nécessité de conserver pour ce scrutin le papier ordinaire que nous proscrivons précisément parce qu'il peut donner lieu à des fraudes.
On pourrait, je pense, employer le même papier pour tous les scrutins.
MpVµ. - Votre observation tend donc à supprimer le paragraphe 3.
M. Dumortier. - J'ai demandé là parole pour obtenir une explication sur la portée du dernier paragraphe.
L'avant-dernier paragraphe porte : « Tout bulletin déposé dans l'urne ne pourra plus être attaqué sous prétexte qu'il porte à l'extérieur un signe distinctif. » Puis on ajoute : « En cas de contestation, le bureau décidera. » Mais du moment qu'on déclare que le bulletin déposé dans l'urne ne peut plus être attaqué, je ne vois pas trop quelle décision le bureau pourra avoir à prendre encore.
MjTµ. - C'est précisément pour cela que j'ai demandé la transposition du dernier paragraphe. Ce dernier paragraphe se rapporte au second paragraphe de l'article 3 qui est ainsi conçu : « Les bulletins plies d'une autre manière (c'est-à-dire qui ne sont pas plies en quatre) ou portant à l'extérieur des signes distinctifs quelconques, seront refusés par le président du bureau électoral. » C'est après cette disposition qu'il faut dire : « en cas de contestation le bureau décidera. »
M. Dumortier. - Nous sommes donc d'accord sur ce point.
Maintenant par le troisième paragraphe, la section centrale propose de permettre l'emploi de papier blanc et non colorié dans les scrutins de ballottage.
M. le ministre de la justice demande pourquoi on n'emploierait pas le même papier pour tous les scrutins.
La raison en est simple, c'est que le scrutin de ballottage ayant lieu immédiatement après le premier, on ne trouverait plus assez de papier officiel. J'appuie, pour ma part, la proposition de la section centrale.
M. Tack. - Je désirerais savoir ce qu'on entend par « partie extérieure du bulletin. » Les bulletins doivent être pliés en quatre et dans cet état ils sont déposés dans l'urne. Or, rien n'empêchera d'y mettre une marque au verso intérieur du bulletin.
M. Crombez, rapporteur. - Veuillez lire le rapport de la section centrale ; cela est expliqué tout au long.
M. Tack. - Le bulletin étant plié en quatre, il y aura nécessairement une face intérieure invisible au moment du dépôt du bulletin dans l'urne ; et sur cette face on pourra parfaitement apposer une marque quelconque. Or, voilà un bulletin qui ne pourra plus être attaqué, bien que marqué, parce qu'il aura été déposé dans l'urne.
M. de Naeyer. - J'ai à présenter une simple observation de détail. Au paragraphe premier il est dit : « Les bulletins devront être plies en quatre et de manière à former un carré : la marque du timbre sera à l'extérieur. » Je crois que les bulletins qui ne rempliront pas l'une et l'autre de ces conditions devront être refusés.
MjTµ. - Oui.
M. de Naeyer. - Cependant cela ne résulte pas du paragraphe suivant qui dit seulement qu'on pourra refuser les bulletins pliés d'une autre manière. Il serait préférable, je pense, de dire au commencement du paragraphe 2 : « Les bulletins ne remplissant pas ces conditions...», c'est-à-dire la double condition d'être pliés en quatre et de porter la marque du timbre à l'extérieur.
MjTµ. - Je ne fais aucune objection à cet amendement.
M. Delaetµ. - Je viens m'opposer à l'article 3 tel qu'il est rédigé.
La loi que nous discutons en ce moment est une loi qui met tout le monde en suspicion, sauf une seule personne.
MjTµ. - C'est comme le code pénal.
M. Delaetµ. - Il n'y a de non suspect que le président du bureau ; il n'y a que lui qui soit déclaré impeccable et infaillible.
Le président du bureau refuse ou accepte les bulletins ; eh bien, je ne comprends pas pourquoi le président du bureau est seul investi d'un droit que je n'hésite pas à qualifier d'exorbitant.
MjTµ. - Pas du tout.
M. Delaetµ. - Le président du bureau peut être un homme de parti.
MjTµ. - En cas de contestation, le bureau décide.
M. Delaetµ. - Mais le président laissera passer les bulletins des électeurs de son parti, tandis qu'il pourra refuser des bulletins d'électeurs du parti contraire ; car, notez-le bien, c'est le président et non le bureau qui accepte ou refuse les bulletins ; et si des scrutateurs s'avisaient de faire une observation, le président pourrait fort bien leur répondre : C'est mon affaire ; je suis seul juge ici et ce n'est que lorsque j'aurai prononcé qu'il vous appartiendra de protester ; vous n'avez d'observation à faire qu'en cas de refus de bulletins, parce que c'est alors seulement qu'une contestation pourra s'élever.
Donc si votre président n'est pas l'homme pur que vous supposez, celui qui seul mérite d'être soustrait à la suspicion que la loi fait peser sur tous, si c'est un homme de parti, un agent électoral, il pourra accepter les bulletins de son parti et refuser ceux du parti contraire. Il le pourra sous le plus futile prétexte et non pas seulement parce que les billets seraient marqués : la moindre tache d'encre, la moindre trace d'un liquide quelconque suffira pour faire considérer comme marqué le bulletin présenté par un électeur opposé au parti du président.
Je dis que cet article n'est pas sérieux ; c'est encore là une de ces dispositions qui, comme toutes celles du projet, du reste, vont ouvrir toute grande et toute large la porte aux fraudes électorales. Seulement il y faudra désormais un peu plus d'habileté et de certaines connivences officielles.
Je voterai contre l'article, à moins qu'il ne soit modifié de manière à offrir plus de garanties d'impartialité.
MpVµ. - Il est parvenu au bureau un amendement à l'article 3 ; il est ainsi conçu ;
« Au paragraphe 2 dire : « Les bulletins ne remplissant pas ces conditions », au lieu de : « Les billets marqués d'une autre manière ». Cet amendement est proposé par M. de Naeyer.
- L'amendement est appuyé.
MjTµ. - Je ne puis pas accepter les observations de l'honorable préopinant ; le projet de loi ne (page 1477) met pas plus en suspicion tout le monde que le code pénal ne met en suspicion toute la nation, que bien des lois ne mettent en suspicion la catégorie de citoyens auxquels elles s'appliquent.
Il n'est pas plus exact de dire que le président est omnipotent et que seul il peut recevoir tous les bulletins, même marqués, qu'il n'y a pas d'opposition possible. Je ne donne pas à la loi l'interprétation que lui donne l'honorable membre. Dans mon opinion, l'intervention du bureau est indispensable et elle est prescrite aussi souvent qu'il y aura contestation, soit pour l'acceptation, soit pour le refus d'un bulletin.
Je suppose, par exemple, qu'un électeur se présente au bureau avec un billet marqué ; si le président voulait l'accepter, un scrutateur pourrait dire : ce billet est marqué, je demande qu'il ne soit pas déposé dans l'urne.
M. de Naeyer. - Tout électeur a le droit de faire observer que le billet est marqué.
MjTµ. - Sans doute, je prends ici l'exemple d'un scrutateur, comme j'aurais pu prendre celui d'un électeur quelconque.
En résumé, dès qu'il y a contestation, l'intervention du bureau est nécessaire ; je crois que cela ne peut pas souffrir de difficulté.
M. Dumortier. - Messieurs, je dois revenir à l'observation de l'honorable M. Tack, parce qu'elle me paraît très sérieuse.
Un bulletin sera plié en quatre ; l'extérieur du bulletin présentera donc deux faces ; l'une qui sera à l'extérieur du pli, l'autre qui se trouvera à l'intérieur du pli. Mais si sur la seconde face on inscrit des marques quelconques, des taches d'encre, par exemple, pour le faire reconnaître, et si le président qui reçoit le bulletin ou les membres du bureau reconnaissent l'électeur votant à cette marque, que ferez-vous ? quelle sera la situation ?
Il y aura des billets marqués pour les membres du bureau.
Il est évident qu'il y avait un système beaucoup plus sage à adopter, c'était celui des enveloppes, mais on l'a rejeté.
Eh bien, je demande ce qu'on fera quand un bulletin sera marqué sur sa seconde face extérieure, mais dans le verso intérieur.
- Un membre. - Le bulletin sera annulé.
M. Dumortier. - Mais s'il a été déposé dans l'urne, il ne pourra plus, pendant le dépouillement, être attaqué, en vertu de la loi.
M. Crombez, rapporteur. - Je crois que les honorables membres ont perdu de vue les observations faites par la section centrale, non seulement à propos de l'article 3, mais encore à propos de l'article 8.
Voici ce que nous disons dans le rapport ;
« Malgré l'observation de la cinquième section, les mots : « à l'intérieur » ont été conservés. Il est entendu qu'il s'agit des marques faites sur les faces du bulletin qui ne sont pas visibles pour le président. Quand un électeur remet son billet plié, deux faces seulement peuvent être vérifiées et les marques qu'elles révéleraient tombent sous l'application de l'article 3. Les autres signes, qui n'apparaissent que lorsqu'on a déplié le bulletin, sont considérés comme étant à l'intérieur et soumis aux dispositions du n°5 de l'article 8. Par leur généralité, ces dispositions atteindront les divers moyens à l'aide desquels on cherche à violer le secret du vote. »
Le commentaire donnée par la section centrale prévoit donc toutes les hypothèses, et démontre que, dans l'application, il ne peut y avoir de doute sur les mots : « extérieur » ou « intérieur » d'un bulletin.
M. Bara. - Messieurs, si l'on mettait : « à l'extérieur du pli », il n'y aurait plus de difficulté.
MpVµ. - M. Delaet a fait parvenir au bureau un amendement qui est ainsi conçu :
« Dire au paragraphe 2 de l'article 3 : seront refusés « par le bureau électoral », au lieu de : « par le président du bureau électoral ».
« Même changement au paragraphe 5.
« Supprimer le paragraphe 6. »
M. Delaetµ. - Messieurs, je développerai en très peu de mots cet amendement.
J'ai déjà eu l'honneur de vous dire que la loi est essentiellement fautive en ce sens qu'elle donne l'omnipotence au président du bureau ; et notez-le bien, cette omnipotence est d'autant plus à craindre que, par la même loi, vous empêchez toute surveillance permanente et constant autour du bureau. (Interruption.)
Vous permettez de circuler après le scrutin, lors du dépouillement, mais vous ne permettez pas même de stationner pendant un temps suffisant pour surveiller les procédés du président de bureau. Puisque après tout, il faut un juge, ne vaut-il pas mieux que ce soit le bureau entier, et non pas le président tout seul, qui juge de l'admissibilité d'un bulletin ?
Ce sera là du moins une garantie ; elle ne sera pas suffisante sans doute, mais en tout cas elle est hautement préférable à la disposition que je combats.
M. Crombez, rapporteur. - Messieurs, je crois que la Chambre ne peut pas accepter l'amendement de l'honorable M. Delaet.
Le paragraphe 2 de l'article 25 de la loi électorale est ainsi conçu :
« Chaque électeur, après avoir été appelé, remet son bulletin écrit et fermé au président, qui le dépose dans une boîte à deux serrures, dont les clefs seront remises, l'une au président et l'autre au plus âgé des scrutateurs. »
Ce n'est donc pas au bureau mais au président que l'électeur remet son bulletin ; le président reçoit le bulletin des mains de l'électeur, il examine s'il n'a pas de marque extérieure ; et s'il n'y trouve pas de marque, il le dépose dans la boîte.
Maintenant, si le président trouve que le billet a une marque extérieure, et s'il dit à l'électeur : « Votre bulletin ne peut être déposé dans l'urne, parce qu'il n'est pas régulier, » l'électeur pourra réclamer et le bureau décidera. Il n'y a donc pas ici pouvoir absolu donné au président.
Mais, je le répète, vous ne pouvez pas dire que tout le bureau recevra et examinera les bulletins des électeurs, puisqu'il n'y a que le président seul qui les reçoive, et qui soit chargé par la loi électorale de les déposer dans la boîte.
M. Tesch, ministre de la justiceµ. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Delaet tend à faire passer les bulletins par les mains du président et des quatre scrutateurs : les opérations électorales ne finiraient pas.
L'honorable M. Delaet dit que son amendement est d'autant plus nécessaire qu'il n'y aura plus de circulation ni de stationnement derrière le bureau ; mais, messieurs, jamais il n'y a eu circulation ou stationnement derrière le bureau pendant la remise des bulletins au président ; la circulation ne commence derrière le bureau que lorsqu'on fait le dépouillement.
M. Tack. - Messieurs, je n'ai à présenter qu'une seule observation. Il est de toute impossibilité à un électeur quelconque de réclamer contre les marques extérieures du bulletin, parce qu'il est tenu à distance du bureau par une balustrade ; comment peut-il dès lors constater s'il y a, oui ou non, des marques ?
Je crois qu'il vaudrait mieux supprimer le paragraphe de la section centrale et s'en tenir à la proposition du gouvernement.
- La discussion est close.
- L'amendement de M. Delaet est mis aux voix, il n'est pas adopté.
MpVµ. - Vient l'amendement de M. de Naeyer consistant à remplacer les mots : « Les bulletins pliés d'une autre manière » par ceux-ci : « Les bulletins ne remplissant pas ces conditions. »
M. Crombez, rapporteur. - Je crois qu'on peut parfaitement se rallier à cet amendement. La rédaction de l'honorable M. de Naeyer me paraît préférable à celle du projet.
- L'amendement de M. de Naeyer est mis aux voix et adopté.
MpVµ. - Vient l'article 3 avec la suppression du paragraphe 3 proposé par M. le ministre de la justice et le déplacement du dernier paragraphe.
MjTµ. - Je retire ma proposition de supprimer le troisième paragraphe. On semble y tenir.
MpVµ. - Il ne reste donc plus que le déplacement du dernier paragraphe.
M. Crombez, rapporteur. - Nous sommes d'accord sur ce déplacement.
- L'article, ainsi modifié, est adopté.
La séance est levée à cinq heures et un quart.