(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 1455) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le marquis d'Auxy demande que tout électeur soit obligé d'écrire lui-même son vote, séance tenante, sur un bulletin qui lui serait délivré au premier appel de son nom par un officier ministériel désigné. »
M. Bricoultµ. - Je demanderai le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.
- Adopté.
« Le sieur Paquay présente des observations tendantes à démontrer que les bourgmestres sont à même de découvrir et d'empêcher les fraudes électorales. »
- Même décision.
« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre un exemplaire des Exposés de la situation administrative des provinces pour 1865. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Moncheur se trouvant empêché de se rendre à Bruxelles, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
MpVµ. - La discussion est ouverte sur l'amendement de M. de Smedt, à l'article 2.
M. de Smedt. - Messieurs, j'ai déjà développé dans une séance précédente les amendements que j'ai déposés sur le bureau de la Chambre et qui ont été imprimés. Ces amendements sont l'application d'un système que j'estime, pour ma part, de nature à faire atteindre complètement le but que se propose la loi, savoir : assurer la sincérité des élections.
Or, messieurs, on ne peut assurer cette sincérité qu'en garantissant complètement l'indépendance des électeurs, et cette indépendance ne peut être garantie qu'autant que le secret du vote soit inviolable.
En déposant ces amendements, je n'ai fait que répondre à l'invitation qu'adressait il y a quelques jours à la Chambre M. le ministre des finances. Il s'exprimait le 4 juillet en ces termes :
« Certes, à droite pas plus qu'à gauche, personne ici ne veut tolérer des fraudes électorales.
« Les moyens proposes par le gouvernement pour les réprimer sont bons ou mauvais ; qu'on les adopte ou qu'on les rejette ; qu'on les améliore ou qu'on les complète ; nous ne demandons pas mieux ; il n'y a aucun parti pris de la part du gouvernement ni d'aucun membre de cette Chambre.
« Examinez donc les propositions du gouvernement, présentez vos objections ; si nous les reconnaissons fondées, nous nous y rallierons volontiers ; nous sommes tout disposés à accueillir vos propositions dans ce sens, si elles nous paraissent de nature à nous faire atteindre plus sûrement le but que nous poursuivons tous. »
Eh bien, messieurs, cet appel de l'honorable ministre des finances, je l'ai cru sincère et je le crois sincère encore. Si telle n'était pas ma conviction, je ne serais pas entré dans cette voie et je n'aurais pas prié la Chambre d'examiner sérieusement les propositions que j'ai eu l'honneur de lui soumettre.
En étudiant sérieusement le projet de loi, j'ai rencontré des lacunes que je considère comme fort regrettables. En effet, quels sont aujourd'hui les grands vices de notre régime électoral, ceux que tout le monde aperçoit ?
Ils sont au nombre de trois ; c'est d'abord l'inégalité des conditions de l'exercice du droit électoral pour les deux tiers des électeurs ; ce sont, en deuxième lieu, les dépenses excessives qu'entraîne cette inégalité, cette injustice de la loi ; c'est, en troisième lieu, la dépendance regrettable et invincible dans laquelle se trouve l'électeur peu favorisé de la fortune, vis-à-vis de l'électeur influent et riche.
Quant aux deux premiers points, je les ai déjà traités dans mon discours précédent. Pour rester dans la question qui nous occupe aujourd'hui, je me contenterai pour le moment de signaler de nouveau à l'attention de la Chambre que le but essentiel d'une bonne loi électorale ne sera pas atteint par le projet de loi en discussion. Ce but essentiel, d'après moi, est de garantir d'une manière absolue l'indépendance de l'électeur. Le jour où vous pourrez par le secret du vote assurer cette indépendance, vous n'aurez plus ni ces achats de vote, ni ces dépenses excessives que dans les temps d'élection exercent toujours une certaine influence sur le choix des candidats. Vous n'aurez plus toutes ces pressions illégitimes, tous ces moyens si blâmables qui sont employés aujourd'hui pour arracher des voix, contrairement à l'intention des électeurs.
Le jour où il n'y aura plus de bulletins marqués possibles, vous n'aurez plus tous ces abus ; car, comme l'a fort bien fait remarquer mon honorable ami M. de Naeyer, vous aurez enlevé ainsi toute sanction à ces honteux marchés.
Je crois qu'aussi longtemps qu'on maintiendra l'écriture, le secret du vote ne sera pas complet, parce qu'il y a autant d'écritures que d'individus, et non seulement autant d'écritures que d’individus, mais chaque individu peut varier considérablement son écriture.
Il peut employer la ronde, l'anglaise, la bâtarde, la coulée, l'expédiée ; il peut écrire en zigzags, il peut, écrire haut et bas, employer enfin les mille moyens que les ingénieux du métier n'hésiteront pas de mettre en œuvre quand il s'agira de faire reconnaître le votant.
Aussi, messieurs, si le projet de loi, quant à ce point, est maintenu, je pense que le succès sera aux plus ingénieux.
Le projet de loi se contente de réprimer les fraudes les plus grossières, et cela s'explique fort bien.
Ces fraudes, par le motif qu'elles étaient grossières, ont été facilement découvertes, et on a pu ainsi fréquemment les signaler à la Chambre, soit dans les enquêtes parlementaires, soit à l'occasion des vérifications de pouvoirs ; mais quant aux moyens multiples qu'on a employé et qu'on emploiera encore pour violer le secret du vote, ces raffinements, vous ne pourrez pas les saisir aussi longtemps du moins que l'on ne rendra pas obligatoire l'emploi des bulletins imprimés.
Les électeurs resteront classés comme aujourd'hui ; on aura des boulangers catholiques et des boulangers libéraux ; vous aurez des cabaretiers catholiques et des cabaretiers libéraux, etc., etc. ; enfin grand nombre de ceux qui vivent un peu de tout le monde, seront classés non pas en raison de leurs opinions personnelles, mais en raison de la clientèle qu'ils auront gagnée le plus souvent à l'occasion d'un billet marqué accepté, ou qu'ils auront perdue à l'occasion d'un billet marqué refusé. Voyez ensuite ce qui se passe pour bon nombre de fermiers. En voici un qui a des terres de M. Paul, qui est catholique et de M. Pierre, qui est libéral ; vient le jour d'élection ; cet honnête homme est tiraillé en sens inverse et se trouve dans une cruelle perplexité. Et ne pouvant contenter les deux, il en est parfois victime.
C'est une véritable torture à laquelle sont soumis bon nombre d'électeurs dans beaucoup d'arrondissements ; or, cette menace perpétuelle, je veux à tout prix l'écarter. L'entrave que l'on met au libre exercice du droit électoral, je désire la faire disparaître.
D'ailleurs, par le système du billet marqué vous avez un régime électoral entièrement vicié. Le suffrage est des plus restreints et en voici le motif. Dans un collège électoral composé, je suppose, de 1,000 électeurs, 200 électeurs influents ont souvent dans leurs mains les votes des 800 autres.
Notre système électoral est complètement tronqué et vicié dans sa base.
Eh bien, avant de vouloir l'extension du suffrage et j’en suis partisan, je voudrais que le système actuel fût appliqué dans toute sa réalité.
De deux choses l'une : ou bien que l'on dise que le suffrage électoral aujourd'hui s'étend trop loin et que la capacité électorale atteint des catégories d'électeurs peu dignes de s'occuper des affaires générales du pays et alors qu'on élève le cens électoral ; ou bien si on ne croit pas être descendu trop bas, je demande qu'on laisse fonctionner notre régime électoral dans toute sa vérité, dans toute sa sincérité.
(page 1456) Je désire donc que le droit de voter, pour qui bon lui semble, soit une réalité pour l'électeur peu fortuné, tout aussi bien que pour l'électeur riche et indépendant.
Ou ne doit pas du reste se faire illusion. Les luttes politiques deviendront de plus en plus vives et les questions que l'on soulève dans le pays sont de nature à amener ce résultat. Par conséquent, les moyens que l'on emploiera pour faire triompher le candidat privilégié seront aussi peu recommandables que par le passé.
Il est donc plus nécessaire que jamais de mettre l'électeur à l'abri de toute pression légitime.
Messieurs, l'honorable M. Devroede, dans une séance précédente, a présenté un système qu'il croyait de nature à garantir d'une manière efficace le secret du vote.
ÏI propose de faire faire au bureau principal le mélange des bulletins recueillis dans les diverses sections et de répartir ensuite les bulletins entre les sections qui en feraient le dépouillement. Cette mesure pourrait être efficace jusqu'à un certain point dans certains arrondissements, dans les arrondissements qui compteraient un grand nombre de bureaux ; mais ce moyen sera sans effet dans les petites circonscriptions ; car le plus souvent, dans ces arrondissements, le système admis pour les billets marqués est uniforme pour tout un arrondissement électoral, et s'applique par conséquent aux électeurs de tous les bureaux. Il suffirait donc de mettre dans chaque bureau un ou plusieurs contrôleurs, pour arriver à reconnaître les billets marqués aussi facilement qu'aujourd'hui. Rien ne serait changé.
On a proposé encore différents autres moyens pour obtenir, dans la mesure du possible, le secret du vote. Je n'examinerai pas tous ces systèmes. Qu'il me suffise de vous dire, messieurs, que je n'attache aucune importance, ni aucune question d'amour-propre à ce qu'on adopte le système que j'ai l'honneur de vous proposer, soit tout autre, pourvu que l'on atteigne le but que l'on veut atteindre.
Toutefois, je crois que les bulletins imprimés constituent le moyen le plus efficace de réprimer les fraudes dont nous nous occupons.
Lors de la discussion, dans les sections de la Chambre, sur la question des bulletins imprimés, quatre sections sur six ne se sont pas prononcées d'une manière radicalement hostile à ce mode de vote.
Un grand nombre de pétitions, émanant d'associations libérales importantes ont également préconisé l'adoption de ce système.
Les objections qu'on a présentées contre le bulletin imprimé ne me paraissent pas fondées. On a dit que le bulletin imprimé pouvait être marqué comme tous les autres ; cela pourrait être vrai si l'on n'adoptait pas pour les bulletins imprimés un type uniforme. Mais avec le type officiel cela n'est pas possible.
Quant à la seconde objection, elle consiste à dire que le système des bulletins imprimes restreint la liberté de l'électeur.
Je ne puis admettre cette objection.
La liberté de l'électeur consiste surtout à choisir librement son candidat, et pour moi, le choix de l'électeur n'est libre que pour autant qu'il soit à même de se prononcer sur la valeur, le mérite et les opinions des candidats.
Or, quand un candidat se produit à la dernière heure, comment voulez-vous que l’électeur puisse choisir en connaissance de cause, comment voulez-vous qu'il se détermine sérieusement alors qu'il n'aura pas eu le temps de se renseigner sur le mérite et les opinions d'un candidat ainsi improvisé et dont il entendra peut-être prononcer le nom| pour la première fois ?
Il faut un certain temps pour imprimer des bulletins, quelques heures au moins ; mais j'estime que le temps matériellement nécessaire pour faire ce travail correspond tout au plus au temps moralement nécessaire pour que les électeurs puissent efficacement se renseigner sur le compte du candidat qui surgit ainsi inopinément à la dernière heure.
Il faut un temps moral pour faire un bon choix, et, à cet égard, je crois pouvoir dire que l'opposition qu'on fait à la condition que les candidatures doivent êtres connues quelque temps d'avance n'est par sérieuse.
D'ailleurs, en fait, cela se passe ainsi, les candidatures, à de bien rares exceptions près, sont toujours connues d'avance.
Lorsqu'une candidature se produit au dernier moment, il y a là une espèce de surprise qui n'est pas digne du parti, quel qu'il soit, qui emploie cette manœuvre, puisqu'on empêche l'électeur de faire un choix sérieux et éclairé. La Chambre a discuté longuement la proposition de M. Orts. Je n'ai pas voté cette proposition, non à cause des moyens d'exécution, mais parce que j'étais hostile au principe, et j'étais hostile au principe, je le dis nettement, parce qu'il a pour conséquence logique d'arriver à substituer un jour, pour l'exercice du droit électoral, la capacité établie et prouvée par un examen quelconque, à la capacité présumée au moyen du cens électoral.
Je ne veux pas de la suppression complète du cens électoral, et je crois que l'amendement de M. Orts pouvait y conduire. On a dit que le système de M. Orts était un moyen de prévenir la fraude, qu'avec ce système l'électeur peu lettré ne serait plus à la merci des meneurs d'élections qui voudraient faire voter un électeur par surprise, contrairement à ses intentions.
J'admets que cela est possible, mais dans tous les cas cela ne s'exerçait que dans des limites restreintes, puisqu'il n'y a qu'un très petit nombre d'électeurs qui ne savent ni lire ni écrire. Mais le jour où l'on aura assuré l'inviolabilité absolue du secret du vote, je ne m'adresserai pas seulement à une catégorie restreinte d'électeurs dont le vote serait forcé ou surpris, mais je m'adresserai à la très grande majorité des électeurs ; car sur 100,000 électeurs que l'on compte en Belgique, il y en a au moins 60,000 qui émettent un vote plus ou moins forcé. (Interruption.) Je ne dis pas que les billets marqués ou supposés marqués par celui à qui il est remis déterminent toujours nécessairement un vote contraire aux convictions ou aux sympathies de l'électeur auquel on remet un pareil bulletin, mais je ne crains pas de dire que son vote n'est pas absolument libre, et il suffit que cela soit possible et que cette liberté individuelle de l'électeur puisse être annihilée pour qu'il soit de notre devoir de rechercher quels sont les moyens efficaces pour empêcher que la sincérité des élections ne soit compromise par une pression quelconque.
Je vais entrer maintenant dans quelques explications sur les moyens d'application de mon système. (Interruption.)
Rassurez-vous, messieurs, je me renfermerai strictement dans les amendements qui sont en discussion et j'indiquerai en même temps quelques modifications que j'ai apportées à mes premières propositions.
La première simplification que je propose consiste dans la suppression du bulletin type et dans le remplacement de ce bulletin par un caractère d'impression officiel. Ce système se rapproche de l'amendement de M. Hymans, seulement, quant à moi, je repousse l'emploi facultatif des bulletins imprimés et des bulletins écrits. Dans mon système, le bulletin imprimé est obligatoire et je n'accepte comme valables les bulletins écrits à la main que pour le cas de ballottage exclusivement. En outre, je maintiens le vote par bulletins séparés d'après le nombre des membres à élire pour une même circonscription électorale et j'exige que ces divers bulletins soient renfermés dans une même enveloppe, fournie par le gouvernement, comme le papier électoral lui-même.
On pourra me demander : pourquoi faut-il une enveloppe ? La raison en est toute simple ; elle est la conséquence même de mon amendement.
Puisque, dans mon système, il faut voter par bulletins séparés, il est assez naturel que les bulletins soient réunis dans une même enveloppe pour qu'ils ne se confondent pas dans l'urne avec les votes des autres électeurs.
Quant au vote par bulletins séparés pour chaque candidat, je crois que c'est le seul moyen de réprimer la fraude des bulletins marqués. En effet, si vous permettez de voter par bulletins renfermant une série de noms, autant par exemple qu'il y a de membres à élire, vous devez par là même autoriser les ratures ou le barrage des noms des candidats pour lesquels il ne me convient pas de voter, et dès le moment que je pourrai changer quelque chose au bulletin, que je pourrai y apposer une barre. Vous obtiendrez infailliblement toute une série de billets marqués, car on pourra rayer de différentes manières et on arrivera ainsi à tous les inconvénients des billets écrits.
Quant aux désignations du candidat, elles ne sont plus indiquées par le bulletin type. Pour arriver à l'uniformité des désignations pour le même candidat, je suis disposé à adopter les désignations renseignées dans l'article 7 du projet de la section centrale ; et, de cette manière, je ne pense pas qu'il y ait moyen de constater encore les bulletins marqués.
En effet, vous avez un caractère d'impression uniforme pour tout le pays ; ce caractère est le type indiqué par le gouvernement ; les enveloppes sont également officielles ; vous avez de plus une désignation uniforme pour le même candidat, puisque pour cette désignation on devra se conformer aux indications de l'article 7 de la section centrale. Vous avez un bulletin isolé pour chaque candidat. Maintenant, avec ce système, comment les choses se passeront-elles ? Il y a, je suppose, deux listes de candidats, l'une catholique, l'autre (page 1457) libérale, ou même trois ou quatre listes, cas qui se présente rarement.
L'électeur qui sera abondamment fourni de bulletins portant les noms de tous ces candidats fera librement son triage et mettra dans l'enveloppe électorale un ou plusieurs bulletins d'après le nombre de membres à élire dans une même circonscription électorale. Si aucun des candidats ne lui convient, il fera imprimer sur le papier timbré, et avec le caractère officiel, le nom du citoyen qui mérite selon lui sa préférence. Quoi de plus simple que cela.
S'il y a dans une enveloppe plus de bulletins qu'il n'y a de membres à élire, évidemment le vote est nul, puisque ces bulletins supplémentaires ont été ajoutés probablement dans le but de faire connaître le votant.
Messieurs, ce sont là, quant à ce point, les mêmes principes qui sont déjà adoptés par la section centrale ; car la section centrale est partie de ce principe-ci, savoir : que le trop nuit et que le trop peu ne nuit pas. Donc si dans une enveloppe il y a plus de bulletins que de membres à élire, le vote est nul ; s'il y en a moins, le vote compte. (Interruption.)
M. David. - Comment le bulletin sera-t-il plié ?
M. de Smedt. - Dans le projet du gouvernement, le billet doit être plié en quatre ; dans mon système, il ne peut pas l'être du tout ; il est glissé sans être plié dans l'enveloppe par l'électeur. Ce bulletin d'ailleurs ne doit pas être grand, puisqu'il ne contient qu'un nom.
Messieurs, on a critiqué non seulement mon projet, mais encore celui du gouvernement ou celui de la section centrale. On a dit que tous les moyens qu'on proposait étaient mesquins et portaient atteinte à la dignité du corps électoral ; que c'était déconsidérer nos institutions à l'étranger et dans le pays même que de prendre tant de précautions minutieuses pour garantir la sincérité des élections.
Je trouve que ces accusations sont très mal fondées, et je suis tout à fait contraire à l'opinion de ceux qui ridiculisent le couloir. Je crois que le couloir est fort utile ; qu'il sera, dans bien des élections, d'une efficacité réelle pour réprimer certaines pressions qui s'exercent sur l'électeur au dernier moment.
II est d'abord à observer qu'aussi longtemps qu'il y aura des partis, il y aura des passions politiques, et aussi longtemps qu'il y aura des passions politiques, il y aura l'emploi de moyens peu avouables, peu honnêtes, pour atteindre le but que l'on se propose.
On ne doit donc pas reculer devant l'emploi de moyens, quelque mesquins qu'ils puissent paraître, s'ils doivent avoir pour résultat de garantir la sincérité des élections et l'indépendance des électeurs.
Je suis d'avis, au contraire, que ces précautions minutieuses que nous prenons pour assurer à tout électeur, quel qu'il soit, l'indépendance de son vote, font honneur à notre caractère. Elles prouvent aux yeux du pays et de l'étranger que nous avons souci de maintenir intègres nos institutions représentatives et démocratiques, et que nous voulons que l'article 25 de notre pacte fondamental soit une vérité : Tout pouvoir émane de la nation ; si le corps électoral, pris dans son ensemble, n'est pas libre d'envoyer à la Chambre les mandataires qu'il lui plaît, comment tout pouvoir pourrait-il émaner de la nation ?
Maintenant, quant aux conséquences de cette sincérité des élections et de cette indépendance absolue des électeurs, que j'espère obtenir par mon système, je vais les résumer en fort peu de mots.
Vous n'aurez plus de pression gouvernementale possible ; plus de menaces de propriétaires ; plus d'abus d'autorité et d'influence, de quelque nature qu'elle soit. Quoi qu'on fasse, l'électeur pourra voter librement, d'après sa conscience et ses sympathies. La seule arme possible alors, dans cette lutte, sera la persuasion par le raisonnement, l'action de la presse et des associations. Cette action incessante sur l'esprit de l'électeur le rendra apte à juger lui-même la valeur de tel ou tel candidat, ou les avantages pour son pays du triomphe de telle ou telle opinion.
Ce travail se faisant sur tous les électeurs, parce qu'il est la condition du succès, aura pour conséquence inévitable d'élever le niveau intellectuel du corps électoral tout entier. Vous lui rendrez sa dignité en lui rendant son indépendance.
Et quant aux conséquences, pour nos institutions elles-mêmes, de cette sincérité, ainsi introduite dans nos élections, elles doivent vous sauter aux yeux comme à moi.
La majorité quelle qu'elle soit qui sortira de ces votes libres et spontanés jouira d'une force morale plus grande et plus respectable.
Notre régime représentatif tout entier, au lieu d'être dégradé par la fraude et la corruption, pourra reconquérir ainsi la place qu'il mérite d'occuper dans l'estime et la considération de tous ceux qui veulent, pour nos institutions nationales : la liberté à la base et une responsabilité efficace au sommet.
Sans une vraie liberté à la base notre régime représentatif est tronqué et essentiellement vicié, car qui peut me garantir que le jour où la corruption et les pressions illégitimes auront complètement gangrené notre corps électoral, cette corruption et cette pression illégitime n'envahiront pas un jour aussi les élus eux-mêmes et alors que deviendra le palladium de toutes nos libertés.
Pour détourner de pareils maux, messieurs, à mon avis il n'y a pas de mesures qui puissent être légitimement taxées de vétilles, de combinaisons mesquines, de petits moyens.
J'attendrai maintenant, messieurs, les objections que quelques honorables membres voudraient bien faire à l'adoption de mou système. J'ai dit en commençant et je maintiens encore maintenant, que je n'attache aucun amour-propre à l'adoption de me$ propositions, les miennes ou d'autres, peu m'importe, pourvu que l'on arrive à garantir l'indépendance complète de l'électeur.
Or, ce qu'il y a d'incontestable, c'est que cette indépendance ne sera pas garantie par le projet de loi aussi longtemps qu'on maintiendra le bulletin écrit, car il y a autant d'écritures que d'individus, et si la vérification des bulletins marqués ne peut plus se faire par les électeurs, elle se fera par les membres du bureau. L'électeur se trouvera donc toujours sous l'influence de la crainte que sou vote ne soit connu. Et vous aurez organisé l'inégalité dans les moyens de fraude.
MjTµ. - Messieurs, l'appel de mon honorable collègue des finances était parfaitement sincère, mais il n'en résulte pas, cependant, que nous devions accueillir tous les systèmes, toutes les propositions qui se font jour et je ne puis aucunement adopter celle qui a été faite par l'honorable M. de Smedt.
Vous remarquerez d'abord, qu'en développant sa proposition, l'honorable M. de Smedt a déclaré qu'elle ne s'appliquait qu'aux élections pour les Chambres, qu'elle ne s'appliquait ni aux élections provinciales, ni aux élections communales.
Je n'aperçois pas le motif de cette distinction : il me semble que si le système est bon, s'il doit assurer la libellé de l'électeur et la sincérité du vote, il est tout aussi important que cette liberté, que cette sincérité soient assurée pour les élections aux conseils provinciaux et aux conseils communaux ; il faudrait par conséquent appliquer ce système à toutes les élections sans distinction.
Le système du l'honorable M. de Smedt tend à consacrer la principe des bulletins imprimés obligatoires.
Je ne puis l'admettre parce qu'il me paraît tout à fait incompatible avec la liberté qui doit exister pour l'électeur, comme elle existe pour le candidat.
Le candidat est libre jusqu'à la dernière minute de maintenir ou de retirer sa candidature ; il est libre de faire telle profession de foi qu'il juge convenable, il a le droit de se prononcer comme il veut.
Je prétends que la liberté corrélative de l'électeur consiste à pouvoir jusqu'au dernier moment voter comme il l'entend, inscrire sur sou bulletin qui bon lui semble. Si l'électeur n'a pas cette liberté, il pourra être obligé de voter pour un candidat qui, quelques instants avant les opérations électorales, aura manifesté des opinions qui ne seraient pas les siennes. Supposez qu'une question soit posée à un candidat le jour même de l'élection et que la réponse qu'il donne ne convienne pas à la majorité du corps électoral, il est évident que si vous rendez le bulletin imprimé obligatoire vous placez les électeurs dans l'impossibilité de voter.
Il est impossible de prescrire une manière de voter qui exige des préparatifs : que l'on admette comme facultatif le bulletin imprimé, c'est une autre question, mais le bulletin imprimé obligatoire ne peut être adopté parce qu'il est incompatible avec la liberté de l'électeur.
Il peut encore arriver qu'un candidat se retire au moment du vote, pour un motif quelconque, par exemple, parce qu'il ne veut pas accepter une condition qui lui a été posée.
Voilà donc le corps électoral condamné en quelque sorte à ne pas pouvoir voter. Je demande si cette situation est admissible. Vous ne pouvez pas mettre le corps électoral dans la dépendance d'un candidat ; il n'est pas possible que la volonté d'un candidat puisse paralyser le corps électoral. Supposez qu'il y ait deux candidats et que l'un se retire au moment du vote ; voilà le corps électoral obligé de voter pour le seul candidat qui reste, ou de s'abstenir il ne peut susciter un concurrent. Cela ne peut pas être. Ce serait contraire à la liberté du corps électoral.
Maintenant, messieurs, avec le système qu'on nous propose évitera-t-on les fraudes ? je ne le pense pas : je crois, au contraire, que ce système favoriserait les fraudes électorales. On avait d'abord parlé d'un (page 1458) bulletin type qui devait être déposé au moment même de l'élection ; c'était placer les électeurs tout à fait dans la dépendance du candidat, qui fournissait ce bulletin type. Aujourd'hui il ne s'agit plus d'un bulletin type mais d'un caractère type et ce caractère type serait déterminé par le gouvernement. Je dis, messieurs, que l'emploi de ce caractère type donnerait lieu à plus de fraudes, à beaucoup plus de fraudes que les bulletins écrits à la main.
Un caractère type ? Croit-on qu'il n'y aura pas de caractères qui s'en rapprochent, au point même de ne pouvoir être reconnus que par un expert ? Prenez, par exemple, le caractère cicéro. Il y a 11 ou 12 variantes au moins du caractère cicéro.
Le caractère type n'aura aucune efficacité : on fera imprimer, quand on le voudra, des bulletins avec des caractères qui ressembleront à peu près au caractère type, on les lancera parmi les électeurs, ce seront autant de bulletins à annuler et pour chaque bulletin il pourra y avoir lieu à une expertise.
C'est de toute évidence, car si vous prescrivez un caractère type, c'est que vous voulez empêcher que l'on ne dépose des bulletins imprimés avec d'autres caractères ; vous ne pouvez, par conséquent, admettre des variantes ; il faut que le même caractère soit employé pour tous les bulletins et comme je viens de le dire, chaque caractère comporte plusieurs variantes et si vous les interlignez vous en doublerez le nombre et il n'y a qu'un homme expert qui puisse en faire la distinction. (Interruption.)
Il est bien certain qu'avec ce système on ne peut éviter les fraudes parce que chaque électeur ne pourra distinguer si son bulletin est imprimé avec le caractère type prescrit par le gouvernement. Par conséquent, celui qui voudra frauder fera imprimer des bulletins à peu près semblables.
M. de Naeyer. - On ne les acceptera pas.
M. Hymans. - Si l'on ne peut distinguer, quel inconvénient y a-t-il ?
MjTµ. - Un homme exercé pourra les distinguer, mais vous ne pouvez admettre que chaque électeur pourra faire la distinction. Le système de l'honorable membre présente encore un autre inconvénient. L'honorable membre fait voter par billets séparés mis dans une enveloppe, c'est-à-dire qu'il y a autant de billets qu'il y a de membres à élire.
L'honorable membre n'annule, d'après son projet, que les billets qui sont marqués ; il n'annule pas la totalité des billets qui se trouvent dans l'enveloppe.
M. de Smedt. - Quand il y a un nombre plus considérable de noms.
MjTµ - Je vais montrer que votre précaution ne sert à rien.
Je suppose un arrondissement électoral où il y a sept membres à élire. Eh bien, de ces sept bulletins, j'en marque un. Cela me suffit pour savoir qui a remis l'enveloppe.
Voici ce que porte l'article 8 :
« Sont nuls :
« 1° Les bulletins qui ne seraient pas conformes au bulletin-type.
« 2° Les bulletins portant des marques d'écriture ou signes distinctifs de nature à violer le secret du vote.
« 3° Les bulletins qui ne seraient pas timbrés ou dont les formes ou dimensions auraient été altérées.
« En cas de contestation, le bureau décidera, sauf réclamation.
« C'est-à-dire qu'il y aura un bulletin sur sept qui sera déclaré non valable, de sorte qu'aussi souvent que je voudrai sacrifier un des noms, j'aurai parfaitement marqué mon vote.
Vous voyez que, sous ce rapport encore, on n'évite rien du tout.
M. de Smedt. - C'est à modifier.
MjTµ. - Sous ce rapport encore on ne pare pas aux difficultés qui ont été signalées.
Le bulletin-type avait certains inconvénients, mais il présentait cet avantage que tous les bulletins devaient être semblables quant à la désignation. La contrefaçon par des caractères imprimés à peu près semblables était possible, mais quant aux désignations, elles devaient être uniformes et de cette manière il n'y a plus moyen de marquer. Aujourd'hui l'on renonce au bulletin type, on reprend l'article de la section centrale et l'on dit que les désignations pourront varier. Dès lors j'y vois beaucoup d’inconvénients et pas d'avantages.
Quant aux opérations, il est évident que vous les prolongez à l'infini.
Il faudra constater dans chaque enveloppe le nombre des bulletins, ce qui exigera à peu près deux fois autant de temps qu'aujourd'hui.
On se plaint déjà que les opérations ne marchent pas avec assez de rapidité, que les électeurs doivent passer la nuit en cas de ballottage et que très souvent même pour les élections ordinaires ils doivent rester à la ville. Le mode de procéder que l'on propose rend le système complètement impraticable. Je voudrais avoir une explication de l'honorable membre, je voudrais savoir comment l'électeur saura si les bulletins qu'il a sont ou ne sont pas conformes au caractère type.
M. de Smedt. - Je ferais déposer ces caractères dans tous les conseils communaux de l'arrondissement. Tout le monde pourrait en prendre connaissance.
MfFOµ. - Et sur la table pour vérifier.
M. de Smedt. - Je les dépose également sur la table. J'y donne enfin le plus de publicité possible.
MjTµ. - Ainsi donc, dans votre système, vous aurez sur la table, au moment où l'on viendra voter, le caractère type prescrit par le gouvernement. Chaque électeur aura donc le droit d'aller confronter son bulletin avec le caractère type déposé sur la table. Combien de temps cela prendra-t-il ? Combien de temps faudra-t-il à Bruxelles pour confronter 17 ou 18 bulletins lorsqu'il y aura à procéder en même temps à la nomination de sénateurs et de représentants ? Vous passerez des jours entiers avant de terminer les opérations.
Il y aura plus. Vous voulez le secret du vote, mais vous ouvrez précisément la porte à la publicité du vote ; il suffira pour cela de dire à l'électeur, au moment du vote, qu'il est tenu de contrôler sur le bulletin type, placé sur le bureau, le bulletin qu'il veut déposer dans l'urne. Bien loin donc d'arriver au secret du vote, vous arrivez en réalité par ce moyen à la publicité du vote ; car celui qui voudra connaître le nom d'un individu y parviendra facilement.
En résumé, le système n'est admissible à aucun point de vue. Loin de prévenir les abus, il en engendre, et il supprime en même temps la liberté de l'électeur que doit rester complète jusqu'à la fin.
M. Hymans. - Je désire épargner le plus possible les instants de la Chambre. Je demande donc à pouvoir développer dès maintenant l'amendement que j'ai proposé à l'art.icle2 et qui a pour but d'admettre les bulletins imprimés à titre facultatif.
MjTµ. - C'est autre chose.
M. Hymans. - De cette façon il n'y aura qu'une seule discussion et nous gagnerons peut-être une heure, ce qui serait déjà quelque chose.
Je partage complètement l'opinion de l'honorable ministre de la justice au sujet de l'amendement de l'honorable M. de Smedt en ce qui concerne la liberté qu'il faut laisser à l'électeur jusqu'au dernier moment.
Dès l'instant où l'on n'oblige pas l'électeur à écrire lui-même son bulletin en présence du bureau, il faut lui donner loues les facilités possibles, lui laisser la liberté la plus absolue, lui permettre de voter comme il l'entend, soit par écrit, soit par bulletin autographié, comme le propose la section centrale, soit par bulletin imprimé, comme le porte mon amendement.
Le bulletin imprimé, à titre facultatif, présente de sérieux avantages. D'abord l'impression est plus facile et plus rapide que l'écriture lorsqu'il s'agit d'un grand nombre de bulletins ; en second lieu, il y a beaucoup d'électeurs qui ne savent pas écrire, qui ne savent pas même très bien lire l'écriture et qui lisent parfaitement l'imprimé. Par les bulletins imprimés vous permettrez donc aux électeurs illettrés de distinguer plus aisément le bulletin qu'on leur soumet.
La section centrale a présenté deux objections contre les bulletins imprimés ; d'après elle, le bulletin imprimé devenant la règle, le bulletin écrit deviendrait l'exception et deviendrait par cela même un bulletin marqué.
Il me semble, à moi, extrêmement difficile d'empêcher d'une manière absolue le bulletin marqué, et je crois que toutes les précautions que prend la section centrale pour empêcher la reconnaissance du vote n'aboutiront à rien.
M. Coomans. - Voilà la vérité.
M. Hymans. - La section centrale oblige l'électeur à écrire le nom, le prénom, la qualité du candidat dans un certain ordre, mais elle ne défend pas de donner aux candidats plusieurs prénoms quand il en a (page 1459) plusieurs, plusieurs qualités quand il en a plusieurs et pour ne pas aller bien loin, je trouverais dans cette Chambre bon nombre des députés qui ont, que sais-je ? dix ou douze qualités qui les distinguent ; il y en a qui seront candidat sortant, bourgmestre, avocat, conseiller communal, administrateur du Crédit communal, administrateur de la cause d'épargne, etc., et vous ne pourrez pas empêcher l'électeur de donner à chaque candidat la désignation sous laquelle il le connaît le mieux. D'un autre côté, puisqu'on propose d'introduire l'ordre alphabétique pour les électeurs, il faudrait aussi, dans le système de la section centrale et pour empêcher les billets marqués, introduire l'ordre alphabétique pour les candidats. On peut écrire six noms d'une foule de manières différentes.
M. Coomans. - Il y a 600 manières de les écrire.
M. Hymans. - L'algèbre vous indique toutes les combinaisons d'une manière exacte ; on peut faire des anagrammes avec les premières et les dernières lettres du nom. Aussi le gouvernement ne prend pas toutes les précautions que l'on trouve dans le système de la section centrale parce qu'il les croit inutiles.
M. Coomans. - Il n'est pas défendu de faire des bulletins autographiés.
M. Hymans. - Il n'est pas défendu non plus de faire des ratures. (Interruption.)
M. Crombez. - Pardon, c'est interdit.
M. Hymans. - Je n'ai trouvé cette interdiction nulle part, ni dans le projet du gouvernement ni dans le projet de la section centrale. La section centrale permet le bulletin autographié, mais l'autographie présente tous les inconvénients des bulletins imprimés sans en avoir les avantages ; par cela même que l'autographie est la reproduction exacte de l'écriture, on peut soutenir que le bulletin autographié est écrit à la main. C'est ce que j'aurais soutenu si l'on était venu contester la validité des billets autographiés dans les élections de Louvain.
Les bulletins autographiés varient comme l'écriture. Il y a des presses économiques qui permettent à tout le monde d'autographier. Je ne vois donc pas l'avantage du bulletin autographié sur l'écriture ordinaire.
Voici donc la première objection de la section centrale qui disparaît.
J'en viens maintenant à la seconde objection de la section centrale, à laquelle l'honorable ministre de la justice s'est rallié. Moi aussi, je suis l'adversaire du bulletin-type, tel que M. de Smedt le propose. Il est dit dans l'amendement que ces bulletins seront déposés sur le bureau ; mais quand l'électeur sera à même de les connaître il sera trop tard pour les imiter. Seulement l'honorable ministre se trompe, quand il soutient qu'il est impossible de déterminer un type officiel.
Rien n'est plus facile, et d'abord il faudra que le gouvernement adopte un type lui-même s'il se rallie à la proposition de la section centrale.
En effet, à l'article 2 du projet de la section centrale, je lis ceci :
« Le texte des articles 7 et 8 de la présente loi sera imprimé sur chaque bulletin. »
Donc le gouvernement, à moins de faire lui-même les bulletins marqués, sera obligé d'avoir un caractère type, un caractère officiel, pour imprimer sur son papier officiel les articles 7 et 8 de la loi.
Pourquoi ne pas adopter le même caractère pour les noms des candidats ?
M. Goblet. - Et les noms des candidats de l'opposition, comment seront-ils imprimés ?
M. Hymans. - Je ne comprends pas l'interruption. Je dis que le gouvernement va faire imprimer des articles de loi sur un papier à lui, dans un caractère donné. Il n'aura qu'à prescrire le même caractère pour tous les candidats.
M. Bara. - Les imprimeurs en auront-ils ?
M. Hymans. - S'ils n'en ont pas ils s'en procureront. Rien n'est plus facile. Allez consulter le premier typographe venu ; allez consulter le directeur du Moniteur ; il vous le dira.
Voici quelle était mon idée à moi. Pour les élections générales, le gouvernement ferait publier au Moniteur le type officiel dans lequel devraient être imprimés les bulletins.
Si maintenant l'on veut simplifier, si l'on ne veut pas que tous les imprimeurs du pays aient le même caractère, que chaque commissaire d'arrondissement, consultant les imprimeurs du district, demande quels types ils ont chez eux, qu'il choisisse et prescrive celui qu'il trouve le meilleur ; que pour les élections communales, le collège des bourgmestre et échevins choisisse un type chez les principaux imprimeurs de la localité et prescrive le meilleur.
Messieurs, il n'y a en Belgique qu'un petit nombre de fonderies de caractères. J'ai en mains un catalogue et si M. le ministre de la justice veut bien y jeter un coup d'œil, il verra que chaque caractère a son type parfaitement déterminé, avec ses majuscules, ses italiques et ses chiffres, que rien n'est plus facile à distinguer. Et d'ailleurs, j'obvie à toutes les observations en demandant qu'on prescrive pour les noms des candidats le caractère que le gouvernement lui-même emploiera pour ce que la loi va exiger qu'il imprime sur ses bulletins.
Si M. le ministre de li justice combat mon amendement, s'il conteste la possibilité d'adopter un type officiel pour imprimer les noms des candidats, comment adoptera-t-il l'amendement de la section centrale, qui veut imprimer deux articles de la loi sur les bulletins ?
Cette impression sera donc le principe de toute espèce de fraudes ! Car il sera aussi difficile d'établir un type pour ce caractère-là que pour le reste. Rien au contraire ne sera plus facile que de prescrire pour l'impression des noms des candidats le type dont on se servira pour l'impression des deux articles de la loi. Cela me paraît incontestable.
MjTµ. - Cela me paraît très contestable.
M. Coomans. - Y aura-t-il aussi des imprimés flamands ?
- Un membre. - Evidemment.
M. Hymans. - S'il est vrai, messieurs, comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre de la justice, que dans certains cas il deviendra impossible de distinguer tel caractère d'un autre, qu'il y aura une imperceptible différence entre les types des caractères qu'on emploiera, qu'il faudra des experts pour la constaterai enfin les caractères se ressemblent tellement qu'il ne soit pas possible de les distinguer à l'œil, qu'il faille se servir d'un microscope, dès lors pour la masse les caractères seront les mêmes.
En résumé, messieurs, je crois qu'en adoptant mon amendement qui consiste à permettre l'emploi facultatif de bulletins imprimés, on rend service à tout le monde, on permet à l'électeur illettré de distinguer plus facilement les bulletins qu'on lui remet. Ce mode n'offre aucun inconvénient sérieux ; il donne une facilité réelle à tous et prévient les bulletins marqués beaucoup mieux que le système de la section centrale, attendu qu'il sera toujours plus difficile de distinguer les caractères d'imprimerie dont l'avantage sera de se ressembler beaucoup, que de distinguer des caractères à la main ou autographiés, dont l'inconvénient sera de différer beaucoup entre eux.
M. de Smedt. - Après les discussions qui ont eu lieu déjà dans cette Chambre, personne ne se fait plus illusion, je pense, sur les effets de la loi que nous discutons ; tout le monde est d'accord que les bulletins marqués ne seront pas moins possibles dans l'avenir qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent.
Mais, dit-on, il y a impossibilité d'y remédier. Le système d'un caractère type officiel, système préconisé également par l'honorable M. Hymans, aura, dans l'opinion de l'honorable ministre de la justice qui a présenté une série d'objections contre l'adoption de mon système, l'inconvénient de porter atteinte à la liberté du candidat et de l'électeur. Je ne dis pas que mon système ne limite pas, dans une certaine mesure, la liberté du candidat ou de l'électeur. Cela ne fait de doute pour personne ; mais, pour moi, toute la question se réduit à ceci :
Vaut-il mieux, par amour de la théorie pure, conserver un système, celui d'aujourd'hui, qui en principe il est vrai ne porte atteinte ni à la liberté absolue du candidat, ni à la liberté absolue de l'électeur, mais qui la détruit toujours en fait, personne ne peut le nier, vaut-il mieux, dis-je, conserver ce système, quelque mauvais qu'il soit dans la pratique, plutôt qu'adopter un système qui, dans quelques cas fort rares, serait de nature à entraver pour ces cas seulement la liberté absolue de l'électeur, mais qui dans son application habituelle garantirait cette liberté absolue à tout électeur ? Pour ma part, je n'hésite pas à donner le dernier de ces systèmes. L'honorable ministre de la justice veut la liberté absolue dans l'exception ; moi je la veux pour la règle.
L'honorable ministre veut la liberté idéale, et pour des cas qui re se présenteront presque jamais ; moi, il est vrai, je ne veux qu'une liberté relative et subordonnée à certaines conditions, à certaines formalités, que j'estime de nature à mieux garantir la liberté de la grande majorité des électeurs.
N'est-il pas évident qu'il vaut mieux assurer l'indépendance et la liberté au plus grand nombre plutôt que de chercher un idéal de liberté impossible à trouver qui consisterait à vouloir garantir la liberté absolue de l'électeur et du candidat dans tous les cas imaginables.
L'honorable ministre m'a dit encore : Qu'arriverait-il si un candidat se retire au dernier moment, l'opinion qui l'aura présenté se trouvera (page 1460) prise au dépourvu et dans la nécessité on de s'abstenir ou de voter pour un candidat qui ne lui convient pas absolument.
Je réponds à cette objection que le parti qui serait ainsi pris au dépourvu, une fois mon système adopté, le serait par sa propre faute. Ainsi un candidat peut venir à faire défaut à son parti non seulement parce qu'il se retire, mais encore parce qu'il vient a mourir subitement ou parce que.au dernier moment, il change d'opinion et ne mérite plus la confiance du parti qui le patronnait.
Eh bien, messieurs, il existe un moyen bien simple pour parer à ces éventualités ; c'est d'avoir en réserve un ou plusieurs candidats supplémentaires. (Interruption.) Mais, messieurs, c'est ainsi qu'on a procédé pour la composition du Congrès ; c'est ainsi encore que l'on procède pour la composition des jurys des cours d'assises. Il n'y a donc pas une impossibilité absolue de parer à ces éventualités et de conserver aux électeurs la liberté complète de leur vote, même avec les bulletins imprimés.
Du reste, quels que soient les inconvénients de mon système et de celui de l'honorable M. Hymans, je trouve qu'ils sont bien minimes et bien peu dignes de l'attention de la Chambre en comparaison d'un mal, que tout le monde a pu constater, surtout dans les petites circonscriptions électorales.
Aujourd'hui, c'est un fait incontestable, la liberté de l'électeur n'est nullement respectée ; on ne discute pas avec l'électeur le mérite de tel ou tel candidat ; on se borne à dire, monsieur un tel connaît tel électeur, il dispose de telle influence sur lui, il se chargera de lui remettre son bulletin, et l'électeur, le bulletin ainsi remis, fût-il ou non marqué, sera bien souvent contraint de le déposer dans l'urne, parce qu'il n'aura pas osé contrarier la volonté du personnage qui le lui aura remis.
Voilà quelle est aujourd'hui la position de l'électeur dépendant de Pierre, Paul ou Jacques.
Or, je ne veux pas du maintien d'un système qui permet ce genre de fraude, et quels que soient les inconvénients de mon système, ils sont infiniment moindres que ceux qui résultent aujourd'hui de la possibilité de marquer les bulletins.
Quant à l'objection tirée par M. le ministre de la justice du cas où un des bulletins contenus dans une même enveloppe serait marqué, je n'hésite pas à déclarer que c'est une lacune de mon projet et que dans ce cas il ne suffira pas d'annuler ce seul bulletin marqué, mais en même temps tous les bulletins renfermés dans l'enveloppe.
La section centrale annule également tout le bulletin et non pas seulement le vote donné au candidat qui porterait des désignations surabondantes ou un signe quelconque. Sous ce rapport donc, je me range complètement à l'avis de la section centrale.
M. le ministre de la justice a fait à mon système une autre objection tirée de ce que j'ai adhéré à l'article 7 du projet de la section centrale relatif aux désignations attachées aux noms des candidats. Sans doute, messieurs, je trouve l'article 7 du projet de la section centrale défectueux sous certains rapports ; mais je crois qu'il sera très facile de démontrer, lorsqu'on discutera cet article, qu'on pourra indiquer très clairement les candidats en se bornant à très peu de désignations, en supprimant par exemple la qualité des candidats. Le nom, le prénom et le domicile constituent une désignation parfaitement suffisante, et en se bornant à ces désignalions on rend beaucoup plus difficiles les bulletins marqués au moyen de désignations surabondantes.
Quant aux difficultés qui résulteraient de l'adoption d'un caractère officiel déterminé par le gouvernement, l'honorable M, Hymans y a victorieusement répondu.
Le caractère imprimé officiel, a dit l'honorable ministre de la justice, ouvre une mine féconde en fraudes. Il y a des types qui se rapprochent tellement que le vulgaire ne pourra pas les distinguer. Mais si on ne peut plus les distinguer, ce ne sera donc plus une marque. Et en outre pourquoi, dans ce cas de ressemblance tellement grande que tout le monde s'y tromperait, pourquoi dans ce cas ne pas admettre la bonne foi ? Si on ne découvre pas de système arrêté et habilement combiné de billets marqués par des caractères se rapprochant du type, pourquoi ces bulletins ne seraient-ils pas valables ? De plus, il faudrait sévèrement punir ces faussaires de caractères types, ainsi que ceux qui distribueraient ces bulletins, alors que la bonne foi ne pourrait pas être admise.
Messieurs, j'attendrai que de nouvelles objections soient faites à mon système pour reprendre la parole. Je ne désire qu'une chose aboutir à la sincérité des élections, à l'indépendance de l'électeur, et je souhaite que l'on ne cherche pas des objections quand même à tout moyen qui serait de nature à amener ce résultat.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix ! la clôture I
M. Coomans (sur la clôture) - Je n'ai pas parler pendant plus de trois minutes et j'ai à présenter quelques considérations intéressantes sur un sujet important. Je ne saurais consentir à la clôture dans l'état où se trouve la discussion.
M. Pirmez. - Je demande à la Chambre la permission de présenter un sous-amendement à celui de l'honorable M. Hymans.
Il consiste tout simplement à autoriser les bulletins imprimés sans s'astreindre à un type officiel.
Je ne demande que deux minutes pour développer ce sous-amendement.
MpVµ. - Insiste-t-on sur la demande de clôture ?
- Plusieurs membres. - Oui ! oui !
M. Crombez, rapporteur. - Je demande la parole.
MpVµ. - Vous avez la parole sur la clôture.
M. Crombez, rapporteur (sur la clôture). - Messieurs, je dois vous signaler l'inconvénient de faire voter sur des propositions qui ne sont pas en discussion ; la proposition de l'honorable M. Hymans n'est pas en discussion...
M. Hymans. - Je vous demande pardon.
M. Crombez, rapporteur. - Nous sommes seulement en présence de la proposition de l'honorable M. de Smedt.
- Des membres. - Parlez sur la clôture !
M. Crombez, rapporteur. - Je ne puis pas répondre maintenant aux objections de l'honorable M. Hymans.
- Des membres. - Aux voix !
M. Mullerµ (sur la clôture). - Messieurs, on parle de clôture ; mais il est évident qu'il ne peut s'agir que de la clôture de la discussion sur l'amendement de l'honorable M. de Smedt. Il ne s'agit pas de clore le débat sur l'amendement de l'honorable M. Hymans.
- La clôture de la discussion sur l'amendement de M. de Smedt est mise aux voix et prononcée.
MpVµ. - Je mets aux voix l'amendement de M. de Smedt ; son amendement à l'article 2 du projet de loi contient le principe ; dès lors le vote de l'amendement à l'article 2 va décider de tout le système.
L'article 2 du projet de M. de Smedt est ainsi conçu :
« Art. 2. Les votes seront donnés par bulletins imprimés et seront renfermés dans une enveloppe. Ces enveloppes et ces bulletins servant à l'impression des suffrages seront fournis par le gouvernement qui en fixera le prix.
« Ils seront uniformes pour tout le pays et revêtus d'un même timbre.
« Ils seront débités par les agents de l'administration du timbre et par toutes les autres personnes qui en demanderaient pour les vendre. Il y aura au moins un dépôt par canton.
« Deux (ou cinq) enveloppes seront remises à chaque électeur en même temps que la lettre de convocation. »
M. de Smedt (sur la position de la question). - J'avais annoncé dans mon discours que dans le premier paragraphe de l'article je proposerais d'ajouter ces mots : « conformément à un type officiel. »
- L'article 2 du projet de M. de Smedt, ainsi modifié, est mis aux voix et n'est pas adopté.
MpVµ. - Je mets maintenant en discussion l'amendement de M. Hymans.
La parole est à M. Pirmez pour présenter un sous-amendement à cet amendement.
M. Pirmez. - Messieurs, l'honorable M. Hymans propose d'admettre les bulletins imprimés conformément à un type officiel.
Je propose de retrancher cette obligation du type officiel et de rédiger en conséquence la disposition ainsi qu'il suit :
« Les votes seront donnés par écrit, autographiés ou imprimés, à l'encre noire, sur des bulletins. »
J'avoue que je n'ai jamais pu comprendre pourquoi les bulletins imprimés étaient exclus. Il est évident qu'il n'y a dans l'exigence de l'emploi exclusif du bulletin écrit qu'un embarras tout à fait inutile.
Nous savons tous parfaitement comment se font les élections. Les associations ou des électeurs influents et actifs font écrire un nombre considérable de bulletins, et on reconnaît toujours parfaitement quels sont les bulletins qui ont été préparés par telle ou telle association, dans telle ou telle commune.
On arrive ainsi au même résultat que si les bulletins étaient imprimés ; si l'uniformité des bulletins était en défaut, on l'aurait avec les bulletins écrits comme avec les autres.
Quelle objection peut-on faire à notre amendement ?
(page 1461) C'est qu'on pourra employer des caractères différents d'imprimerie, de manière que les bulletins soient reconnaissables. Je dis que l'objection ne souffre pas le moindre examen.
En effet, je puis faire faire à la main des bulletins qui auront les mêmes caractères que les caractères d'imprimerie.
Si le bulletin imprimé est, par exemple, composé exclusivement de majuscules, ne puis-pas pas faire écrire à la main le bulletin en majuscules tout à fait semblables à l'impression ?
Je pose donc en fait que vous pourrez toujours faire à la main un bulletin exactement semblable au bulletin imprimé, personne ne le contestera.
Un membre. - On annulera le billet manuscrit ainsi composé.
M. Pirmez. - Si dans cette circonstance vous annulez le bulletin à la main, dans la même circonstance vous annulerez le bulletin imprimé.
Maintenant, quand je voudrai faire un bulletin à caractères reconnaissables, est-ce que je ferai imprimer ce bulletin ?
J'aimerai mieux écrire chez moi ce bulletin, de la manière qui me conviendra, et en employant une marque dont personne n'aura le secret, que d'aller faire tirer à un seul exemplaire un billet exceptionnel, en confiant le secret de ma fraude à un imprimeur.
Comment ! on redoute que le délit se commette plus facilement quand il faudra un complice pour le commettre ; on craint plus ce qui est plus difficile à faire ! Singulières appréhensions.
Si je veux connaître l'écriture d'un bulletin, je n'ai qu'à l'écrire moi-même,-et lorsque le bulletin écrit par moi passera sous mes yeux, je le reconnaîtrai.
El quand un moyen si simple existe, on s'ingénie à se forger des appréhensions sur l'abus de l'imprimerie !
Mais l'imprimerie a un avantage immense pour atteindre le but qu'on se propose : la prohibition de billets marqués.
C'est que la presse donne des billets conformes, non reconnaissables. Et par une incroyable contradiction, c'est précisément ce billet imprimé que l'on repousse !
Je rejette le type officiel parce qu'il sera une source fréquente de difficultés sur la conformité des bulletins avec le type officiel.
C'est une complication qui amènera des annulations de bulletins. Or, je veux le moins de nullités possible.
Tout notre amendement se résume donc en ceci :
Les bulletins imprimés sont plus faciles à faire que les bulletins manuscrits.
Ils n'offrent pas un seul inconvénient que n'aient les bulletins manuscrits ; je demande qu'on ne les proscrive pas.
Vous voulez empêcher les bulletins reconnaissables, c'est-à-dire que vous voulez tendre à ce que les bulletins soient les plus simples possibles, et par la plus étrange et la plus monstrueuse des contradictions, selon moi, vous excluez la presse, qui a pour unique motif de produire une quantité innombrable de types semblables.
Voilà votre principe ; voilà ce que la section centrale consacre dans son rapport et ce que, pour ma part, je ne puis admettre.
M. Hymans. - Je me rallie au sous-amendement de M. Pirmez.
M. Coomans. - Je me rallie aussi à ses justes observations et j'ajoute celles-ci :
On prétend que l'on veut sauvegarder la liberté des électeurs. Mais, en réalité, on la vincule, on l'annule, on la supprime. Nous nous engageons dans un dédale de formalités et de vexations complètement inefficaces, et si Beaumarchais vivait encore, et nous écoutait, il appellerait tout ceci les précautions inutiles.
La vérité est qu'on ne peut pas empêcher des bulletins marqués. Nous cherchons la pierre philosophale et nous la cherchons beaucoup trop longtemps.
J'ai perdu un peu de temps, ce matin, à rechercher de combien de façons légales on pourrait marquer les bulletins pour une élection de Bruxelles, et j'ai trouvé que ce nombre de façons légales dépassait de beaucoup le nombre des Belges. (Interruption.)
M. Orts. - Cela est évident.
M. Coomans. - Je dis « façons légales » ; car, quant aux autres manières, il faudrait compter par milliards.
Eh quoi !l messieurs, non seulement, comme on vient de le dire, vous ne pourrez pas empêcher l'inscription dans un certain ordre de 11 ou de 18 candidats ; mais vous ne pourrez pas empêcher non plus l'indication des qualités réelles, des qualités légales des candidats.
Vous ne pourrez pas empêcher non plus, comme je l'ai dit par voie d'interruption à l’honorable M. Hymans, les fautes d'orthographe.
Quand vous permettez à l'électeur de ne pas savoir l'orthographe, vous devez lui permettre aussi d'employer parfois un « a » par un « c » et vice versa.
Il y aura donc un nombre infini de manières de marquer les bulletins. Renonçons à cet objectif ; nous ne l'atteindrons jamais.
II n'y a qu'un seul moyen d'empêcher les billets marqués, c'est de supprimer les bulletins eux-mêmes ; c'est de voter à haute voix, et sans insister sur cette théorie qui serait peut-être qualifiée d'inconstitutionnelle, je regrette pour ma part que le bulletin secret existe, et je voudrais, si j'étais le maître, provoquer le scrutin public.
M. Thonissenµ. - Un tiers des électeurs ne viendrait plus voter.
M. Coomans. - Je me passerais de ce tiers de lâches et d'imbéciles, et je gouvernerais la Belgique avec les deux tiers d'honnêtes et loyaux citoyens.
Il n'y a pas, on vient de vous le démontrer, une seule raison de ne pas admettre les bulletins imprimés ; il y en a beaucoup pour les admettre.
Respectons, messieurs, un peu plus l'électeur que nous ne le faisons. Car ce qui me frappe dans ces longs débats, c'est leur caractère injurieux pour tout le corps électoral de la Belgique.
Messieurs, si vous cherchez par des formalités vexatoires, ridicules, absurdes et en tous cas inefficaces, à sauvegarder la liberté des électeurs, et si vous sanctionnez ces formalités de toute nature, je dis que vous arriverez à la suppression du premier des droits du citoyen : c'est le droit d'émettre son vote. Beaucoup de bulletins pourront vous paraître illégaux, qui seront parfaitement loyaux.
Et puis, ce qui me frappe aussi, c'est la tendance de presque tous les amendements à soumettre l'électeur à la domination d'un parti. Vous supprimez en réalité la liberté des électeurs. Tous ces bulletins imprimés, tous ces bulletins types, cela revient à cette idée de parquer les électeurs en deux partis, en trois tout au plus. (Interruption.) Je crois qu'on craindrait fort qu'il y en eût un quatrième, qui serait peut-être le meilleur.
Je le répète, vous cherchez à parquer les électeurs, et vous supprimez ainsi leur liberté. Vous en faites des hommes de parti au lieu de citoyens libres.
Tout votre projet de loi est, selon moi, complètement inutile ; c'est une injure au corps électoral et, quant aux fruits que vous en récolterez, ils seront amers et malsains.
La fraude a mille portes et fenêtres ; elle pénétrera et sortira par une foule d'endroits que vous ne parviendrez pas à fermer.
Je vous demande encore comment vous empêcherez les électeurs d'écrire leur bulletin en flamand ou partiellement en flamand, comment vous empêcherez des électeurs d'intervertir au besoin l'ordre des prénoms et de faire dans les prénoms une faute d'orthographe, etc. ? Vous ne le pourrez jamais. C'est un but impossible à atteindre. II y a quelque chose de très fâcheux pour une grande et respectable assemblée à s'obstiner contre le bon sens à vouloir atteindre l'impossible.
Entrons, messieurs, dans une voie plus libérale, plus constitutionnelle, plus logique, et soyons très larges pour l'admission des bulletins. Craignons toujours que par l'annulation odieuse de certains bulletins, nous ne faussions au fond une élection et que la forme n'emporte le fond, ce qui serait à coup sûr très fâcheux.
En résumé je voterai non seulement contre cet article, mais contre presque tous les autres articles du projet. Je voterai même contre l'article tendant à interdire les marques et j'abandonnerai à la bonne foi et à l'appréciation plus ou moins impartiale du bureau l'examen des caractères frauduleux des bulletins.
S'il y avait des marques visiblement faites dans le but de se faire connaître et par contrainte morale, je permettrais l'annulation de ces bulletins marqués, mais avec beaucoup de réserve et pour ainsi dire à l'unanimité du bureau.
Pour le reste, je vote contre toutes ces prétendues formalités libérales qui ne sont que des nuances du despotisme.
M. Crombez, rapporteur. - Messieurs, l'honorable préopinant vous a dit qu'on ne pouvait pas empêcher les bulletins marqués. Le gouvernement vous avait déjà déclaré dans son exposé des motifs qu'on ne pouvait les empêcher d'une manière absolue. La section centrale n'a pas eu non plus la prétention de trouver un moyen radical de supprimer les billets marqués.
Voici ce qu'elle dit dans le rapport...
(page 1462) M. Coomans. - Nous avons lu cela.
M. Crombez, rapporteur. - Il me semble que vous ne l'avez pas lu, puisque vous me metatez dans la nécessité de le répéter. Je cite donc le passage du rapport qui concerne les billets cachetés :
« Ce sont donc les bulletins reconnaissables par leurs énonciations intérieures, c'est ce contrôle illégitime qu'il faut surtout combattre. si l'on veut assurer l'indépendance de l'électeur et garantir la liberté du vote.
« Toutefois, les combinaisons au moyen desquelles on reconnaît les votants variant à l'infini et passant souvent inaperçues, il sera toujours très difficile de s'opposer à ces abus. La, comme ailleurs, la loi contiendra des lacunes, il faut s'y résigner et renoncer à tout prévoir.
« On ne saurait atteindre, par exemple, le moyen consistant à disposer entre eux les noms des candidats dans un certain ordre, ou bien à faire figurer dans le bulletin, parmi les candidats, le nom du votant lui-même ou celui d'une personne désignée et tout à fait désintéressée dans les chances du scrutin. L'électeur aura, il est vrai, voté en réalité pour un candidat sérieux de moins que le nombre de membres à élire, ce sera un vote perdu, mais la supercherie n'en existera pas moins ; ce nom équivaudra à la signature du votant.
« Cependant cette fraude ne s'exercera que dans les limites très restreintes. Car si le bureau constatait qu'elle s'est répétée dans une série de bulletins et qu'elle se présente avec un ensemble qui ne laisse aucun doute sur l'intention coupable et sur la mauvaise foi de leurs auteurs, il aurait le devoir d'en prononcer la nullité, comme rentrant dans les cas prévus par l'article 8 du projet de loi. »
Vous le voyez, messieurs, la section centrale a constaté qu'il était impossible d'empêcher, d'une manière absolue, l'emploi des billets marqués. Mais si ce résultat ne peut être atteint, on peut, au moins, diminuer les facilités qui existent aujourd'hui, et apporter des obstacles sérieux à cette manœuvre frauduleuse. C'est ce que fait le projet de loi qui contient un ensemble démesures utiles et efficaces.
Maintenant, messieurs, on nous a demandé pour quelle raison nom. avons adopté le bulletin autographié, alors que nous repoussons le bulletin imprimé.
Nous avons adopté le bulletin autographié, parce qu'il a été démontré, dans une circonstance récente, à propos des élections de Louvain, qu'il est presque impossible de distinguer le bulletin autographié du bulletin écrit.
M. de Borchgraveµ. - On l'a constaté par une opération chimique.
M. Crombez, rapporteur. - Ce n'est donc pas par amour pour le bulletin autographié que nous l'avons admis, c'est parce qu'il était impossible de ne pas l'admettre. Mais, messieurs, il n'en est pas de même du bulletin imprimé. Du reste, si la Chambre veut l'admettre, je n'y verrais pas un très grand mal, cependant ce serait un moyen de fraude de plus.
M. Hymans. - Messieurs, j'ai déclaré tout à l'heure que je me ralliais à l'amendement de M. Pirmez. J'avais proposé un type officiel parce que la section centrale elle-même semblait en indiquer la nécessité ; aujourd'hui qu'on trouve qu'il ne faut pas de type officiel, j'aime infiniment mieux l'amendement de M. Pirmez qui admet le bulletin imprimé sans réserve.
Un mot à l'honorable M. Coomans.
Voilà la quatrième fois qu'il nous dit qu'on met le corps électoral en suspicion. Il sait que je ne suis pas enthousiaste de la loi ; je ne puis cependant pas admettre la justesse de ce reproche.
Dans d'autres pays, nous avons vu et nous voyons encore dans des occasions solennelles mettre en suspicion des hommes beaucoup plus haut placés que des électeurs ordinaires. Il y a des collèges électoraux dont les membres sont enfermés pendant des semaines, sans avoir le droit de prendre aucune nourriture autre que celle qu'on leur passe à travers un guichet, sans avoir même le droit de se retirer derrière un couloir, à moins d'être surveillés. C'est là un outrage autrement humiliant que celui qu'on inflige, selon l'honorable M. Coomans, aux électeurs belges. Or, ce collège électoral se compose des princes de l'Eglise, il s'appelle le conclave et il procède, à l'élection du pape, il nomme le chef de la chrétienté. (Interruption.)
MjTµ. - Messieurs, on ne cesse de répéter que la loi est parfaitement inutile, et que, quoi que nous fassions, nous ne parviendrons pas à empêcher la fraude. L'empêcher d'une manière complète et absolue, réaliser par la loi le beau idéal, je ne l'espère pas, je ne me fais pas illusion à cet égard ; mais quand je vois ce qui se pratique aujourd'hui, je n’hésite pas à dire que nous obtiendrons un grand résultat, et ceux qui le nient, nient l'évidence ou bien ils ne se rendent pas compte des différentes dispositions que le gouvernement vous a soumises.
Entrons dans quelques détails et voyons comment les fraudes se pratiquent aujourd'hui.
La fraude s'exerce d'abord au moyen du papier marqué ; ensuite par la manière de plier les bulletins, en troisième lieu par les désignations de toute nature, et enfin par l'emploi d'écritures différentes. Voilà les quatre moyens de fraude qui s'emploient le plus généralement. Il faut y ajouter le contrôle qui rend précisément ces moyens efficaces.
Eh bien, messieurs, voyez ce que le gouvernement propose et dites si ces fraudes seront encore possibles. Le papier devra être uniforme ; les bulletins devront être les mêmes ; ils devront tous être plies de la même manière.
Quant à la variété des désignations, il est porté remède à cet abus dans les limites du possible.
Nous ne nous bornons pas à ces moyens ; je sais parfaitement bien qu'on pourra combiner de diverses manières les désignations relatives à chaque candidat, qu'on pourra disposer différemment les prénoms lorsque le candidat en a plusieurs. Mais ce que nous empêchons surtout, c'est le contrôle. On avait des listes indiquant en regard du nom de chaque électeur, la marque du bulletin qui lui avait été remis.
On allait avec ces listes derrière le bureau ; on s'y implantait, on y restait pendant toutes les opérations et au fur et à mesure que les bulletins étaient lus on les pointait et l'on pouvait ainsi s'assurer si les électeurs avaient déposé dans l'urne les bulletins qu'ils avaient reçus.
Cela ne sera plus possible aujourd’hui.
M. Coomans. - Supprimez le contrôle et il y aura bien d'antres fraudes.
MjTµ. - Le contrôle des bulletins marqués sera complètement supprimé. On ne pourra plus avoir de liste et quand on aura remis un certain nombre de bulletins marqués qui n'auront d'autre signe de reconnaissance que la transposition des noms, il sera impossible, à l'aide de la mémoire seule, de s'assurer que tel ou tel bulletin est sorti de l'urne.
Si vous tenez compte des mesures que le projet de loi contient, vous devez reconnaître que la fraude sera diminuée dans une proportion énorme. Je le répète, il faut tenir compte de l'ensemble des moyens. Il est facile d'accumuler des épithètes au sujet du couloir, de dire qu'il est injurieux, qu'il est odieux, etc., ce qui me ferait croire qu'on en a peur. Mais que se passe-t-il aujourd'hui ? Le bulletin est marqué ; on le remet à l'électeur dans la salle même et on le force à le tenir à la main jusqu'au moment où il le dépose dans l'urne. Voilà ce qui se pratique aujourd'hui dans beaucoup d'arrondissements.
M. de Borchgraveµ. - Ce n'est pas nous seuls qui faisons cela.
MjTµ. - Je n'accuse personne. Je dis que le couloir n'a pas d'autre but que d'empêcher qu'on ne suive l'électeur depuis le moment où on lui a mis son bulletin dans la main jusqu'au moment où il le dépose dans l'urne, et si vous voulez véritablement rendre à l'électeur sa liberté, le soustraire aux violences de toute nature dont il est aujourd'hui l'objet, cette mesure doit être adoptée.
C'est, peut-être, parce que la loi ne sera pas aussi inopérante, qu'on veut bien le dire, que beaucoup de personnes n'en veulent pas.
Pouvez-vous nier qu'aujourd'hui le contrôle ne s'exerce d'une manière scandaleuse ? Avec les dispositions quo le gouvernement propose, ces manœuvres seront-elles encore possibles ? S'il faut s'en rapporter exclusivement à la mémoire pour savoir à qui on aura remis tel bulletin, je dis qu'on aura diminué les fraudes dans une proportion énorme.
Maintenant, messieurs, quant aux bulletins écrits, je suis de l'avis de la section centrale. Je dis que plus vous multiplierez les moyens de faire des bulletins et plus vous serez exposés aux fraudes. Voilà ce que je crains. Je ne dis pas que cela servira plutôt à un parti qu'à un autre, mais je crois que vous aurez introduit un moyen de fraude de plus.
Il est encore une explication que je voudrais avoir des honorables auteurs de l'amendement : Pourra-t-on, sur le bulletin imprimé, faire un changement, effacer un nom, en ajouter un ?
M. Hymans. - Comme sur les autres.
MjTµ. - Alors on en fera à l'infini et vous aurez introduit un moyen de plus de marquer les bulletins, vous aurez été à l’encontre du but que nous nous proposons.
M. Dumortier. - Messieurs, je suis tout à fait de l'avis de l'honorable ministre de la justice sur les améliorations que la loi présente. (page 1463) Je l'ai déjà dit depuis longtemps, elle en renferme de sérieuses, mais je regrette qu'elle n'en contienne pas davantage.
II y a un fait cependant sur lequel je ne puis pas être d'accord avec l'honorable ministre de la justice. Je désire, comme lui, voir supprimer le contrôle. Sous ce rapport, il a mille fois raison.
Le contrôle est la pire de toutes les choses, car avec le contrôle qui existe, j'aimerais mille fois mieux la loi anglaise ou la loi ancienne, où chacun vote à haute voix. Là, du moins, il y avait de la franchise, et chacun devait avoir le courage de son opinion.
Le contrôle n'est autre chose que la fraude aggravée de toutes les mauvaises passions, conditions dans lesquelles peut se trouver l'électeur.
Il faut donc faire cesser le contrôle, mais ne perdons pas de vue une chose : c'est que si vous ne permettez pas le contrôle à tout le corps électoral, vous le permettez au bureau. (Interruption.)
MpVµ. - M. Dumortier, nous sommes ; dans le sous-amendement de M. Pirmez.
M. Dumortier. - Et moi je réponds à M. le ministre de la justice.
J'approuve en grande partie ce qu'il dit et je trouve cependant une observation à présenter à la Chambre.
M. Crombez, rapporteur. - M. Dumortier, permettez-moi de vous faire remarquer que vos observations viendraient très bien à propos à l'article 6.
M. Dumortier. - Je dis donc qu'il est nécessaire d'empêcher le contrôle, et j'ai besoin de cet argument pour arriver à justifier les bulletins imprimés. Mais je dis que si l'on empêche le contrôle, et l'on a raison de l'empêcher par tous les moyens possibles, on ne l'empêche pas par les membres du bureau.
Or, quel est le meilleur moyen de contrôler et de reconnaître le bulletin ? C'est évidemment l'écriture. Quiconque dans un village, dans une petite ville, même dans une ville importante, quiconque connaît les écritures d'une grande partie des habitants reconnaîtra toujours qui a mis le bulletin écrit.
Or, veuillez-le remarquer, il n'est pas possible de reconnaître le bulletin imprimé aussi facilement que le bulletin écrit.
MjTµ. - Vous aurez l'un et l'autre.
M. Dumortier. - Les caractères d'imprimerie ne se prêtent pas du tout à la modification. La main humaine au contraire modifie tellement les formes que chaque personne écrit d'une manière spéciale.
Quand un de nous reçoit une lettre d'un de ses amis, il n'a pas besoin de la décacheter pour savoir de qui elle vient. Il ne peut en être ainsi de l'impression et comme l'a parfaitement dit l'honorable M. Pirmez, toutes les objections qu'on pourrait faire au bulletin imprimé, on peut les faire au bulletin écrit sans exception. (Interruption.)
Mais tontes les objections qu'on peut faire au bulletin écrit ne s'appliquent pas au bulletin imprimé. Dans un bulletin écrit, si je remplace un nom par un autre, direz-vous que c'est un bulletin marqué ?
M. Hymans. - Prenez-y garde ; prenez garde qu'en voulant éviter les fraudes vous n'arriviez à les favoriser.
Quant à moi, je le déclare, je n'ai jamais compris pourquoi le bulletin imprimé n'était pas permis dans la loi électorale ; ce sont ceux qui sont les moins reconnaissables. M. le ministre vous le disait tout à l'heure, dans tout caractère donné il y a des analogies. Mais il ajoutait qu'il fallait une habileté excessive pour les reconnaître. Il n'y a que des typographes qui puissent les distinguer et le corps électoral n'est pas composé de typographes. Je crois, quant à moi, que la manière la plus certaine d'éviter le bulletin marqué, c'est d'admettre le bulletin imprimé, et, si c'était possible même, je voudrais qu'il n'y eût que des bulletins imprimés.
On nous dit : Plus vous multiplierez les moyens, plus vous multiplierez les fraudes ; c'est le contraire qui est vrai, et, à mon avis, l'introduction du bulletin imprimé, loin d'être un moyen de multiplier les fraudes, est un moyen de les restreindre.
M. de Theuxµ. - Je ne m'oppose pas absolument à l'adoption du bulletin imprimé, maïs je dois faire remarquer que si l'on admettait les ratures sur ces bulletins, toutes les fraudes résultant des billets marqués se reproduiraient avec plus d'intensité. Je demande donc que si l'on autorise la validité des bulletins imprimés, on ajoute qu'aucune écriture ne pourra être ajoutée a côté de l'imprimé. Il ne faut pas qu'on puisse confondre l'écriture et l'imprimé.
M. Pirmez. - Je ne fais nulle résistance à me rallier à la proposition de M. de Theux, mais je tiens à constater que les objections qui se produisent à l'égard de l'imprimé tiennent à un préjugé, et qu'elles s'appliquent avec la même force à' l'écriture et à l'autographie.
Vous pouvez, d'après le projet du gouvernement et d'après celui de la section centrale, combiner l'autographie et l'écriture. (Interruption).
Pourquoi pas ? Je prends un bulletin autographié par moitié en caractères très fins, j'écris en caractères très gros le complément.
- Plusieurs membres. - On annulera le bulletin.
M. Pirmez. - Annulez aussi dans ce cas le bulletin imprimé complété par de l'écriture.
Admettez, si vous le voulez, l'amendement de M. de Theux.
Maintenant permettez-moi une observation générale.
On nous convie à entrer dans une voie extrêmement formaliste, et prenons-y garde, nous pouvons arriver à ce résultat que beaucoup plus de votes sincères seront annulés par ce luxe de précautions, que de votes contraints ne seront empêchés.
Quand on a la pratique des affaires judiciaires, on sait que les actes qui donnent lieu au plus de déclarations de nullité, et partant aux conséquences les plus injustes, sont ceux qu'en droit on appelle les actes solennels, c'est-à-dire ceux qui sont renfermés dans certaines formes déterminées : il y a cent fois, mille fois peut-être, plus de procès en nullité pour des testaments que pour tous les autres actes, relativement au nombre de ces actes.
Plus vous aurez de formalités, plus vous aurez de nullités, et plus il y aura de nullités, plus, il y aura de volontés d'électeurs méconnues et plus l'élection sera faussée.
On a toujours reconnu que c'était un grand vice dans nos législations que le grand nombre des formalités.
Les législatures les plus civilisées sont celles où l'on fait une part à la liberté de la forme, et qui sont aussi des législatures de bonne foi. Je crains fort qu'avec la loi actuelle nous n'entrions dans un système tellement formaliste qu'il faudra une certaine habileté pour donner un suffrage valable, et qu'il ne suffira plus qu'un vote soit sincère pour qu'il soit valable.
M. Bara. - Je commencerai par faire remarquer que la discussion soulevée par M. Dumortier ne se rapporte nullement à l'article 2.
M. Dumortier. - Pourquoi me mettez-vous en cause ? dites cela à M. le ministre de la justice à qui je répondais.
M. Bara. - M. le ministre de la justice a fait valoir des considérations à l'appui des observations qu'il a présentées, tandis que vous avez discuté un autre article que celui qui nous occupe. (Interruption.)
Je combats le bulletin imprimé ; je dis, avec M. le ministre de la justice et avec la section, centrale que c'est un nouveau moyen de fraude. ; M. Pirmez nous dit : A force de vouloir empêcher les fraudes vous allez nous jeter dans un dédale de difficultés. C'est une erreur. Je ne suis peut-être pas aussi habitué que M. Pirmez à faire des élections, mais je sais que la plupart du temps les bulletins envoyés par les associations sont écrits par la même main.
Dans notre pays on vote presque toujours par liste, et si vous acceptez les bulletins tels qu'ils sont distribués par les associations électorales, vous verrez que le nombre des bulletins sur lesquels des noms sont substitués à d'autres est extrêmement insignifiant.
Mais voici ce qui arrive, on change les bulletins écrits pour les marquer ; on fait des bulletins spéciaux pour pouvoir les reconnaître. Eh bien, on fera la même chose des bulletins imprimés et par conséquent, vous aurez un genre de fraude de plus. (Interruption.)
Je dis avec l'honorable M. de Theux qu'il est bien plus facile de reconnaître une marque sur un bulletin imprimé que sur un bulletin écrit, cela est incontestable et par conséquent vous multipliez ici encore les cas de fraudes.
M. Pirmez. - Nous nous rallions à la proposition de l'honorable M. de Theux.
M. Bara. - Alors je m'y oppose par un autre motif. (Interruption.)
Vous êtes déjà obligé de reculer.
M. Hymans. - Pas du tout !
M. Bara. - C'est évident, Je n'admets pas, moi, qu'un bulletin soit (page 1464) invariable ; jusqu'au dernier moment l'électeur doit avoir le droit de modifier son bulletin.
Voici un électeur qui part de sa localité arec un bulletin imprimé ; il arrive en ville, il voit une proclamation quelconque qui l'engage à modifier son bulletin et vous voulez l'en empêcher ?
M. Pirmez. - Vous déclarez vous-même que vous ne voulez pas de rature.
M. Bara. - Je ne vous dis pas cela d'une manière absolue. Vous pouvez parfaitement interdire les ratures, mais il est évident pour moi que le bureau devra rester juge souverain de la question de savoir si la rature a été faite dans le but de marquer son bulletin.
Je crois donc, messieurs, que la Chambre ne peut pas admettre les bulletins imprimés.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
MpVµ. - M. de Theux vient de faire parvenir le sous-amendement suivant qui s'ajouterait à celui de M. Pirmez :
« Aucune écriture ne pourra être ajoutée à un bulletin imprimé. »
M. Mullerµ. - Je tiens, messieurs, à expliquer dans quel sens j'ai compris le paragraphe 5 de l'article 8 du projet de la section centrale. Ce paragraphe est ainsi conçu :
« Le bulletin dans lequel le votant se ferait connaître ou portant à l'intérieur des marques, signes et énonciations de nature à violer le secret du vote. »
Or, selon moi, toute surcharge ou rature, le remplacement d'un nom par un autre, constituent un moyen de faire reconnaître l'électeur. (Interruption.) Permettez, messieurs, je crois que nous sommes ici pour expliquer notre manière de penser.
Je répète donc que tel est le sens, selon moi, du paragraphe 5 de l'article 8 du projet de la section centrale, et je dis que ce sera un moyen de fraude de plus.
Quant à moi, je pense que l'électeur qui ne veut pas voter pour tous les candidats portés sur un bulletin qu'on lui a remis, peut très bien se donner la peine de prendre un autre bulletin sur lequel il ne doit faire aucune rature ou surcharge. Dans ce cas-là, le bulletin imprimé ou le bulletin écrit étaient, selon moi, placés sur la même ligne ; ni l'un ni l'autre ne pouvaient offrir de rature ou de surcharge.
Je ne sais pas si telle est l'opinion des autres membres de la section centrale, mais c'est ainsi que j'ai compris le paragraphe 5 de l'article 8 de son projet et je tenais à en faire la déclaration.
M. Goblet. - Je ne crois pas qu'un bulletin puisse être annulé à cause d'une rature qu'il aurait subie, alors que cette rature peut être le résultat d'un changement d'opinion sur la moralité ou la capacité d'un candidat. Comment voudrait-on d'ailleurs que la veille d'une élection on réimprime instantanément 20,000 ou 30,000 bulletins (il en faut bien autant dans certains arrondissements), parce qu'un des candidats proposés n'aurait pas pu être maintenu définitivement. Du reste, les bulletins écrits ou autographiés ne sont pas interdits et je ne trouve nulle part que la substitution d'un nom à un autre sur un bulletin écrit doive faire considérer ce bulletin comme étant marqué.
De quel droit, messieurs, limiterions-nous ainsi la liberté des électeurs ? Je veux bien qu'on lui impose certaines formalités ; mais il faut qu'ils conservent une entière liberté, quant au choix de ses candidats et qu'ils ne soient plus l'objet d'aucune pression, d'aucune surveillance jusqu'au moment où ils déposent leur bulletin dans l'urne.
Quoi que l'on fasse, nous ne parviendrons pas à extirper toutes espèces de fraudes.
Oui, messieurs, vous êtes tous convaincus, comme moi, j'en suis certain, que ce n'est pas par des formalités d'une application aussi difficile et aussi peu convenable qu'il faut rendre la position de l'électeur plus pénible encore et qu'il faut chercher à empêcher les fraudes.
Savez-vous ce que produiront toutes ces mesures de précaution ? Elles écarteront de l'urne électorale un grand nombre d'électeurs et les élections seront bientôt abandonnées, malgré les efforts des hommes politiques qui les dirigent. Les formalités qu'on propose sont tellement nombreuses et compliquées, qu'il sera de toute nécessité que tous les électeurs soient parfaitement instruits des termes de la loi ; il faudra encore qu'ils sachent écrire et lire eux-mêmes leurs bulletins pour ne contrevenir à aucune des prescriptions de la loi.
Les mesures, messieurs, que la majorité accepte et que le projet de loi qui traite de la répression des fraudes électorales propose ne peuvent produire rien de bon. Cherchons à moraliser l'élection non par des peines trop sévères et par un espionnage odieux. Elevons la mission de l'électeur en lui montrant de l'estime et de la confiance, au lieu de s'occuper de mesures préventives aussi nombreuses et aussi attentatoires à son honneur et à ses intérêts.
Repoussons cette surveillance toujours en permanence et qui tend à humilier continuellement le citoyen qui, au nom et dans l'intérêt du pays, vient s'acquitter honnêtement et fidèlement de ses droits constitutionnels les plus honorables. Pour défendre par des moyens légitimes notre parti et des principes loyaux et consciencieux, pour faire prévaloir nos opinions respectives, qui donc dans notre pays de liberté, où l'égalité est proclamée par toutes les lois, pourrait approuver une pareille situation ?
Ne voyons-nous pas des ministres soutenir leurs opinions par la presse, par leur talent, par l'influence de leur haute position ?
Ne voyons-nous pas les membres du corps législatif défendre leurs idées et les intérêts de leurs concitoyens en employant leur influence politique sur les électeurs ? C'est là évidemment un de nos plus beaux droits ; et n'allons pas jusqu'à entraver l'exercice de ce droit par une infinité de petits moyens d'une efficacité d'ailleurs fort contestable.
La presse n'a-t-elle pas la voix haute et libre pour défendre ses opinions, proclamer les abus et défendre les candidats qu'elle proclame meilleurs que des adversaires dont elle blâme la conduite et les actes politiques ?
Les associations, les meetings libres, ne sont-ils pas dans le droit d'influencer par leur travail, leurs efforts, les élections qui importent aux intérêts de tous les citoyens, les aspirations de tout ce qui vit par le progrès et qui fait grandir notre patrie ?
Je crois qu'il est urgent de marcher dans une voie plus digne et de ne pas chercher à corriger des abus, abus que l'on a toujours rencontrés dans les systèmes électifs des pays les plus constitutionnels.
Les moyens de répression et de police ne sont jamais parvenus à déraciner la plus petite partie des abus qui soulevaient presque partout une indignation sans fondement et sans sincérité.
On a défendu et puni par des lois la corruption électorale en Angleterre. Et bien, le rapport de la section centrale prouve lui-même que les dépenses officielles pour les élections, rien que pour un candidat, montaient ordinairement à 500,000 francs (Interruption) et même plus, comme on le dit à mets côtés.
M. Bouvierµ. - C'est un scandale.
M. Goblet. - Oui, c'est un scandale, allez-le dire aux Anglais.
M. Bouvierµ. - C'est au moins inutile.
M. Goblet. - Ils vous répondront que cela ne vous regarde pas. Mais, messieurs, il n'y a pas que des Rothschild, dans la chambre des communes.
Quoi qu'en dise M. Bouvier, les élections qui viennent d'avoir lieu ont placé au parlement de la libre et puissante Angleterre des hommes politiques d'une grande capacité, qui n'ont pas de fortune et qui, avant l'élection, avaient déclaré qu'ils étaient dans l'impossibilité de faire par eux seuls la dépense que nécessitait leur élection.
MpVµ. - M. Goblet, nous discutons la question de savoir s'il y aura des bulletins imprimés ou non.
M. Goblet. - M. le président, je ne dis pas le contraire, mais on finit par descendre tellement dans les détails du projet de loi, que j'en suis venu à partager l'opinion émise par beaucoup de mes collègues, qu'on ne pourra plus sortir avec fruit du projet de loi que nous discutons et cependant on ne peut rester ici jusqu'à la fin de l'année pour le voter.
Selon moi, on ferait beaucoup mieux de ne pas admettre de nouveaux amendements, nous en avons déjà bien assez et nous finirions bientôt par être ridicules aux yeux du pays.
M. Hymans. - Messieurs, c'est à n'y plus rien comprendre. L'honorable ministre de la justice a soutenu tantôt avec beaucoup de raison qu'il fallait avoir le droit de modifier son bulletin jusqu'au dernier moment ; et l'honorable M. Bara soutient de la façon la plus énergique qu'il doit être absolument interdit de faire des ratures sur les bulletins imprimés...
M. Bara. - Si vous faites autrement, vous tombez dans le système de M. de Theux.
M. Hymans. - Je demande, moi, au gouvernement et à la section centrale, s'ils adoptent ou défendent les ratures. S'ils admettent les ratures pour les bulletins écrits, je demande qu'ils les admettent pour les bulletins imprimés.
Si j'ai le droit de voter jusqu'à la fin pour le candidat de mon choix, je dois avoir le droit d'écrire le nom de ce candidat sur le bulletin imprimé comme sur le bulletin écrit ou autographié.
(page 1465) Du reste, avec l'extension qu'on donne en ce moment aux cas de nullité et avec la peur qu'on a d'en voir se produire, on peut déclarer à l'avance que la grande majorité des suffrages seront nuls.
Il arrivera ceci qu'un brave homme d'électeur qui fera son bulletin de la façon la plus sincère, la plus loyale, qui votera selon sa conscience, verra annuler son suffrage, parce qu'il ne remplira pas exactement les conditions déterminées par la loi, tandis qu'un habile faiseur, qui côtoiera la lisière de l'article 8, trouvera toujours le moyen de faire son bulletin de manière à le mettre à l'abri de l'annulation ; le bulletin sera reconnaissable, et il sera admis, tandis qu'un bulletin fait de bonne foi sera annulé.
Mais, puisque la Chambre a repoussé l'obligation, pour l'électeur, de savoir lire et écrire, il faut se montrer le plus large, le plus tolérant possible. Plus vous aurez de modes de faire le bulletin, plus vous aurez de bulletins, et plus vous aurez de bulletins, plus le bulletin marqué sera impossible.
Avec votre système, vous éloignez tout simplement l'électeur du scrutin. Si le projet de la section centrale était adopté, vous verriez aux prochaines élections le nombre des votants diminuer des deux tiers et vous aurez atteint un beau résultat.
- La clôture est demandée.
M. de Theuxµ (sur la clôture). - La Chambre ne peut pas clore la discussion ; voici pourquoi : l'honorable M. Muller a émis une opinion sur la portée de l'article ; il faut que la Chambre se prononce sur cette opinion ; il est donc impossible que la Chambre émette un vote utile en ce moment.
M. Coomans (sur la clôture). - Messieurs, je demande aussi que la clôture ne soit pas prononcée, parce que, entre autres observations que je voulais soumettre à la Chambre, j'aurais développé cet argument-ci en faveur des bulletins imprimés : c'est qu'ils constituent une économie réelle et très considérable.
M. Dumortier (sur la clôture). - C'est un des articles les plus importants de la loi ; nous ne sommes d'accord sur aucun point ; il serait donc sage de remettre la suite de la discussion à demain.
MfFOµ (sur la clôture). - Messieurs, il me semble que la discussion sur la question de savoir s'il y aura, oui ou non, des bulletins imprimés est épuisée et que la Chambre est suffisamment éclairée à cet égard pour passer au vote.
L'honorable M. de Theux a signalé à l'attention de l'assemblée la question qui a été soulevée par l'honorable M. Muller, et qui se rattache à l'article 8 du projet de loi.
Je suis d'avis de réserver complètement cette question et de la discuter lorsque nous en arriverons à cet article. On ne prononcerait donc maintenant la clôture que sur la question de savoir si l'on sera, oui ou non, autorisé à faire usage de bulletins imprimés concurremment avec les bulletins autographiés.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
MpVµ. - Je vais continuer par mettre aux voix le sous-amendement de M. Pirmez.
M. Pirmez (sur la position de la question). - Il faut mettre simplement aux voix l'addition de mot « imprimé », au premier paragraphe de l'article 2 ; on votera ensuite sur l'amendement de M. de Theux, si on ne le réserve pas pour l'article 8.
MpVµ. - S'il n'y a pas d'opposition, je mets aux voix l'addition à l'article 2 du mot « imprimés ».
- L'appel nominal est demandé.
Il est procédé au vote par appel nominal sur cette addition ; en voici le résultat :
78 membres répondent à l'appel nominal.
29 votent pour.
47 votent contre.
2 s'abstiennent.
En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption ;
MM. Dumortier, Funck, Hymans, Jacobs, Jamar, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Nothomb, Orts, Pirmez, Reynaert, Schollaert, Thonissen, T'Serstevens, Vander Donckt, Van Hoorde, Verwilghen, Warocqué, Wasseige, Coomans, Couvreur, de Borchgrave, de Conninck, Delaet, de Liedekerke, de Muelenaere, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren et Dewandre.
Ont voté le rejet :
MM. Elias, Frère-Orban, Giroul, Goblet, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Tack, Tesch, Valckenaere, Vanden Branden de Reeth, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Nieuwenhuyse, Allard, Bara, Bouvier, Bricoult, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Florisone, De Fré, de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Terbecq, de Vrière, Devroede et E. Vandenpeereboom.
Se sont abstenus :
MM. de Smedt et de Theux.
Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Smedt. - Je n'ai pas voté pour l'amendement parce qu'il me semble que les bulletins imprimés, quand ils peuvent être employés concurremment avec les bulletins écrits et autographiés, ne résolvent pas Is difficulté des bulletins marqués.
Je n'ai pas voté contre l'amendement parce que je suis partisan des bulletins marqués à l'exclusion de tous autres.
M. de Theuxµ. - Je ne vois aucun inconvénient à permettre les bulletins imprimés sous certaines réserves. Mais incertain si le sous-amendement que j'ai proposé sera adopté, j'ai dû m'abstenir.
MpVµ. - Il vient de parvenir au bureau un amendement ainsi conçu :
« Je propose d'ajouter à l'article 35 la disposition suivante :
« Dans le cas du présent article, il sera facultatif aux tribunaux de ne pas prononcer l'interdiction des droits de vote et d'éligibilité.
« (Signé) Lelièvre. »
- Cet amendement sera imprimé et distribué.
La séance est levée à cinq heures et un quart.