(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 1201) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Des greffiers de tribunaux de commerce demandent que le projet de loi sur l'organisation judiciaire fixe leur traitement au moins au taux de celui des .greffiers des tribunaux civils, et qu'il accorde à leurs commis assermentés un traitement égal à celui des commis greffiers des tribunaux de première instance. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Henri Merzbach, directeur de librairie à Bruxelles, né à Varsovie, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Soupart, secrétaire communal à Arquennes, demande une loi qui fixe le minimum de traitement des secrétaires communaux. »
« Même demande de secrétaires communaux dans le canton de Nassogne et à Grandmetz. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.
« Des membres de la société centrale d'agriculture, des propriétaires et cultivateurs à Tourinnes-Saint-Lambert, prient la Chambre d'augmenter le crédit demandé pour travaux de voirie vicinale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi des travaux publics.
« Le Sénat, par divers messages du 15 juin, informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à vingt-cinq projets de loi conférant la naturalisation ordinaire. »
- Pris pour notification.
« Le sieur Derive fait hommage à la Chambre de 5 exemplaires d'un recueil de poésies, intitulé : Brises du pays belge. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Royer de Behr, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé. »
- Accordé.
M. T Serstevensµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi accordait une extension de concession en faveur du chemin de fer du Haut et du Bas Flénu et une extension en faveur du chemin de fer du Centre.
- Ce rapport sera imprimé et distribué ; son objet sera mis à la suite de l'ordre du jour.
« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à concéder un chemin de fer direct de Châtelineau à Bruxelles, par Luttre. Ce chemin de fer sera exploité par l'Etat.
« La concession en sera accordée en vertu d'une adjudication publique portant sur la quotité du produit brut à attribuer à l'Etat et sur la durée de la concession.
« Si les soumissions ne sont pas jugées acceptables, le chemin de fer sera construit aux frais du trésor. Dans cette éventualité, un premier crédit de cinq millions de francs est ouvert au ministère des travaux publics. »
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Au sujet de l'article 2, qui a pour objet d'autoriser le gouvernement à mettre en adjudication un chemin de fer direct de Bruxelles à Châtelineau par Luttre, la députation de Charleroi, par l'organe de l'honorable M. Dewandre, a déjà insisté pour que le gouvernement fût autorisé en même temps à comprendre dans l'entreprise certains embranchements.
Une question a été soulevée à propos de cet article, celle de savoir si le gouvernement était suffisamment investi, par le texte de la loi, du droit de décréter ces embranchements. J'ai déclaré en section centrale que, dans ma pensée, le gouvernement était suffisamment investi par la raison que, quand on est admis à faire le principal, on est admis à faire également l'accessoire.
J'ai fait, à cet égard, une déclaration qui a été actée au procès-verbal de la section centrale. L'honorable M. Dewandre, dans une de nos précédentes séances, est revenu sur ce sujet et, sans contester mon interprétation quant au droit du gouvernement, il a cependant prétendu qu'un doute subsistait ; et, en conséquence, il m'a engagé à formuler ma déclaration dans une clause additionnelle au texte de la loi.
Messieurs, je n'ai pas d'objection à déférer au vœu émis par l'honorable membre. Je propose donc de rédiger le paragraphe premier de l'article 2 de la manière suivante :
Au lieu de : « Le gouvernement est autorisé à concéder un chemin de fer direct de Châtelineau à Bruxelles par Luttre, » je propose de dire : « Le gouvernement est autorisé à concéder un chemin de fer direct, avec embranchements éventuels, de Châtelineau à Bruxelles pas Luttre. »
M. Mullerµ. - Quels embranchements ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Il est entendu qu'en disant : « embranchements éventuels, » non seulement il ne s'agit d'aucun embranchement déterminé, mais que le (page 1202) gouvernement reste libre dans sa décision ultérieure. C'est une simple faculté accordée au gouvernement de construire ou de ne pas construire d'embranchements.
Maintenant, le gouvernement construira ou ne construira pas d'embranchements suivant qu'il se trouvera ou ne se trouvera pas dans le cas prévu par la déclaration que j'ai faite à la section centrale, c'est-à-dire selon ce que lui commanderont les intérêts des industriels et ceux du trésor.
Messieurs, puisque je m'occupe de l'aricle. 2, je dirai un mot de l'amendement qui a été présenté par les honorables députés de Nivelles.
Les honorables membres demandent que le chemin de fer direct de Châtelineau à Bruxelles, qui doit, d'après le projet de loi, passer par Luttre, passe également, à titre obligatoire, par Nivelles.
Messieurs, je ne puis pas accepter à priori un tracé que je ne connais pas, qui pourrait ne répondre à aucune des exigences principales auxquelles nous cherchons à satisfaire, et qui pourrait aussi entraîner le trésor dans des sacrifices considérables. Mais j'ajoute qu'il est toujours entré dans les intentions du gouvernement de passer aussi près que possible de Nivelles.
Quelle sera la distance à laquelle on devra se tenir ? Pourra-t-on passer à Nivelles ou à proximité de cette localité ? Je n'en sais rien ; je le désire ; si la chose est possible, il en sera ainsi.
Je pense qu'en présence de cette déclaration, les honorables membres n'insisteront pas sur leur amendement, qui devient sans objet.
M. Snoy. - Passerez-vous par Nivelles, si c'est possible ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je vais m'expliquer sur les mots « si c'est possible. »
Nous devons obtenir entre Bruxelles et Charleroi un raccourcissement de 15 kilomètres au minimum.
Donc, le premier point à examiner est celui-ci : en passant par Nivelles, la configuration du terrain permettra-t-elle d'opérer le raccourcissement ? En cas d'affirmative, quelle sera la dépense nécessaire pour l'exécution de ce projet ?
Si le raccourcissement minimum indiqué peut être matériellement obtenu sans que l'Etat doive s'imposer des sacrifices trop considérables, on passera à proximité de Nivelles, au cœur de Nivelles si c'est possible.
M. Mascart. - Messieurs, après la déclaration que vient de faire M. le ministre des travaux publics, je n'insiste pas, pour nia part, sur l'amendement, et je renonce à la parole.
M. Snoy. - Je fais la même déclaration que l'honorable M. Mascart.
M. Nélis. - Je remercie l'honorable ministre des paroles encourageantes qu'il vient de prononcer et je me borne à faire remarquer à l'honorable ministre que, suivant les plans qui lui ont été remis, il est possible de passer par Nivelles en se renfermant dans les conditions de pentes et de rampes imposées par le département des travaux, en allongeant la voie de 1,500 à 1,700 mètres.
Quant à l'augmentation de la dépense que le passage par Nivelles pourrait exiger, je ferai remarquer à l’honorable ministre et à la Chambra que l'arrondissement de Nivelles n'a jamais eu de part dans les grands travaux publics exécutés par l'Etat, et qu'il serait injuste de s'arrêter, dans l'exécution d'un travail utile à cet arrondissement, parce que la dépense serait augmentée dans une certaine mesure. Cette augmentation, du reste, ne peul être considérable pour un parcours en plus de 1,500 mètres environ.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je pense qu'après les déclarations que vient de faire M. le ministre des travaux publics, le chemin de fer doit nécessairement passer par Nivelles ou à proximité. Du moment que le raccourcissement exigé pour le chemin de fer de Charleroi à Bruxelles par Luttre est de 15 kilomètres au minimum, il est évident qu'il devra passer par la ville de Nivelles, puisqu'on peut obtenir un raccourcissement de 18 à 19 kilomètres en ligne directe ; or ; à ce raccourcissement qui est le plus grand possible, il suffit d'ajouter 1,460 à 1,500 mètres pour arriver à proximité de la ville de Nivelles ; d'où il résulte que l'économie totale du parcours sera de plus de quinze kilomètres.
Maintenant, je me joins complètement à la remarque de mon honorable collègue et ami, M. Nélis, à savoir que depuis soixante ans il ne s'est pas fait dans l'arrondissement de Nivelles pour un seul centime de travaux publics aux frais de l'Etat. Non seulement on n'a pas fait de travaux aux frais de l'Etat, mais les routes que nous avions faites de nos deniers, l'Etat les a prises, il s'en est emparé et nous avons encore à servir aujourd'hui les intérêts de la dette que nous avons contractée pour les construire ; de sorte que nous réclamons le tracé par Nivelles. Nous ne demandons rien que de juste et de logique, de faire passer le tracé du chemin de fer, non pas à trois kilomètres de la ville de Nivelles, où il passerait au milieu des champs et ce servirait à personne, mais à Nivelles mène.
Messieurs, depuis soixante ans, nous contribuons aux charges de l'Etat comme toutes les parties du pays. Notre arrondissement seul paye autant de contributions que les deux provinces réunies du Limbourg et du Luxembourg.
Je crois donc qu'on peut fort bien, si cela était nécessaire, dépenser même une somme considérable pour faire passer aussi près que possible de notre chef-lieu le chemin de fer qui est destiné à desservir Bruxelles et Charleroi.
M. Snoy. - Je pense que la réponse de M. le ministre des travaux publics est en tout point satisfaisante pour nous.
M. le ministre veut arriver à un raccourcissement de 15 kilomètres au minimum et je suis convaincu qu'en passant par Nivelles il restera dans ces limites. D'autre part, il a parlé de dépenses exorbitantes, et là encore nous trouverons, je l'espère, une latitude suffisante pour arriver au résultat que nous désirons.
- La discussion est close.
MpVµ. - L'article, modifié comme le propose M. le ministre, est ainsi conçu :
« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à concéder un chemin de fer direct, avec embranchement éventuel, de Châtelineau à Bruxelles, par Luttre.
« Ce chemin de fer sera exploité par l'Etat.
« La concession en sera accordée en vertu d'une adjudication publique portant sur la quotité du produit brut à attribuer à l'Etat et sur la durée de la concession.
« Si les soumissions ne sont pas jugées acceptables, le chemin de fer sera construit aux frais du trésor. Dans cette éventualité, un premier crédit de cinq millions de francs est ouvert au ministère des travaux publics. »
- L'article, ainsi rédigé, est adopté.
« Art. 3. Le gouvernement est autorisé à concéder à la société du chemin de fer de Bruges à Blankenberghe, à titre d'extension, une ligne de Blankenberghe à Heyst, sous les clauses que cette ligne pourra être établie sur la digue du comte Jean, et que la société précitée sera chargée, à forfait, pour le montant du devis à dresser par l'administration, dans les limites du crédit porté à l'article premier, paragraphe 8, des travaux d'exhaussement et de renforcement de ladite digue.
- Adopté.
MpVµ. - L'article 4 a fait l'objet d'une loi spéciale. Mais la section centrale propose un article 4 nouveau ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à accorder la concession d'une jonction intérieure entre les lignes du Nord et du Midi, à Bruxelles, en la combinant, autant que possible, avec l'assainissement de la Senne. »
Trente-trois membres ont proposé de modifier cet article comme suit :
« Le gouvernement est autorisé à concéder la construction d'un chemin de fer direct, reliant les lignes du Nord et du Midi à travers Bruxelles. »
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, l'amendement proposé par la section centrale est sous-amendé par un grand nombre de membres de la Chambre, ainsi que vient de l'indiquer M. le président.
Voici la position que prend le gouvernement quant à l'amendement et quant au sous-amendement : le gouvernement se rallie à l'amendement de la section centrale, j'expliquerai dans quelles circonstances ; le gouvernement ne se rallie pas au sous-amendement présenté par un grand nombre de membres de la Chambre je dirai aussi pour quels motifs.
Mais avant que je prenne la parole, un des signataires trouvera peut-être convenable de développer le sous-amendement.
M. Orts. - Messieurs, l'amendement de la section centrale et le sous-amendement diffèrent en très peu de chose l'un de l'autre.
(page 1203) L'amendement de la section centrale autorise le gouvernement à concéder un chemin de fer direct destiné à raccorder la ligne du Midi à la ligne du Nord, ainsi que les lignes qui s'y rattachent. Dans le système du sous-amendement, nous demandons pour le gouvernement l'autorisation de concéder la construction du même chemin de fer, mais nous ne parlons pas de l'exploitation.
Nous sommes d'accord avec la section centrale qu'il est désirable non seulement au point de vue de Bruxelles, mais au point de vue du pays tout entier, que le raccordement de la ligne du Midi et de la ligne du Nord se fasse par l'intérieur de Bruxelles, par l'excellente raison que cette direction est la plus courte et qu'il est toujours intéressant que les voyageurs passant d'une ligne à l'autre puissent le faire par la voie la plus directe et la plus courte. C'est ce qui explique comment notre sous-amendement a trouvé l'appui d'un très grand nombre de nos collègues qui n'appartiennent pas à l’arrondissement de Bruxelles, mais qui ont compris qu'il est de l'intérêt de tout le monde d'arriver d'une ligne à l'autre.
Maintenant pourquoi, à la différence de la section centrale, proposons-nous d'autoriser le gouvernement à concéder simplement la construction ce qui indique l'idée que le gouvernement se réservera l'exploitation ? C'est parce que nous avons voulu laisser au gouvernement toute espèce de liberté d'action. Nous ne voulons pas nous enchaîner, nous voulons seulement nous conserver le droit de prendre la voie de raccordement la plus directe aux conditions que vous croirez les plus utiles au point de vue de l'intérêt général et au point de vue gouvernemental.
Je crois, messieurs, que l'Etat a toujours un intérêt considérable à maintenir l'unité d'exploitation entre ces différentes lignes, je crois que c'est quelque chose de très mauvais au point de vue administratif et gouvernemental de voir une entreprise privée se placer entre les deux lignes de l'Etat et imposer ses conditions aux voyageurs qui arrivent d'une voie exploitée par l'Etat et qui veulent se transporter sur une voie également exploitée par l'Etat. C'est pourquoi je considère comme une chose très regrettable que l'exploitation du chemin de fer qui se trouve placé le long de la Meuse soit aujourd'hui entre les mains de la Compagnie du Nord au lieu d'être entre les mains de l'Etat belge et je suis persuadé que M. le ministre des travaux publics ne méconnaîtra pas que cette situation qui vient se placer entre deux parties du réseau de l'Etat en y logeant une compagnie privée dont les intérêts ne sont pas toujours ceux de tous les citoyens belges, que cette situation dis-je, entraîne de grands inconvénients. (Interruption.)
Nous ne discutons pis les détails. Je vous les abandonne. Je dis qu'il est désirable que l'unité d'exploitation entre deux chemins de fer de l'Etat ne soit pas interrompue par l'interposition d'un intérêt privé et cela au beau milieu de la capitale.
Je dis que d'un autre côté l'Etat est placé dans des conditions à exploiter plus facilement et plus favorablement la ligne de raccordement entre les deux stations de Bruxelles qu'un concessionnaire privé, par l'excellente raison que le concessionnaire privé, pour exploiter ce petit chemin de fer allant d'un bout de Bruxelles à l'autre, sera obligé de se monter tout un service d'exploitation, tout un matériel, de créer un gare, de faire en un mot les mêmes frais qu'il devrait faire pour exploiter un chemin de fer de 60 kilomètres.
Or, dans de pareilles conditions, lorsqu'il faudra faire autant de dépenses d'installation et de frais généraux pour un petit chemin de fer allant d'un bout de Bruxelles à l'autre que pour un chemin de fer allant de Bruxelles à Ostende, vous ne trouverez pas de concessionnaires sérieux.
Je comprends que si le gouvernement a l'arrière-pensée de rendre la création du chemin de fer direct entre les stations du Midi et du Nord de Bruxelles, il doit combattre mon amendement. Mais, comme je crois que ce serait là une pensée, pour le dire franchement, peu loyale et en même temps peu conforme aux véritables intérêts de l'Etat, que je sais, comme nous le savons tous, que M. le ministre des travaux publics est loyal et franc avant tout, qu'il est également soigneux des intérêts de l'Etat, je ne puis admettre qu'il veuille se réserver sous main le moyen de rendre impossible par des moyens détournés ce qui serait arrêté officiellement par le projet de loi, je persiste dans l'amendement.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, les explications que vient de vous donner l’honorable M. Orts, dessinent en effet parfaitement la situation.
Il y a, entre l'amendement des 33 membres de la Chambre qui vient d'être développé et l'amendement présenté par la section centrale, une différence énorme.
Cette différence, messieurs, est telle, qu'il est de toute nécessité de discuter en fer en ce moment-ci même le principe sur lequel se fonde l'amendement des membres de la Chambre.
L'honorable M. Orts a parfaitement déterminé le terrain des débats. Il faut que le gouvernement intervienne. Ne pas intervenir, selon l'honorable membre, ce serait rendre virtuellement toute jonction directe impossible. Le dernier amendement que nous discutons tend donc implicitement et même ouvertement à faire décréter par la Chambre qu'il y a lieu pour le trésor public d'intervenir, dans des proportions non déterminées, dans la construction d'une jonction directe.
Voilà le principe que l'on veut faire décréter.
Quant aux conditions de cette intervention, on vous convie à abdiquer votre contrôle et l'on s'en remet d'une manière absolue au gouvernement. On veut que vous donniez, sous ce rapport, un blanc-seing au gouvernement.
Messieurs, je vais vous faire apprécier immédiatement à quoi ce blanc-seing peut conduire et quels sont les sacrifices auxquels le trésor pourrait être entraîné.
Nous sommes en ce moment, messieurs, en présence d'une demande de concession dont le public s'est beaucoup occupé dans ces derniers temps, du projet Keller.
Les auteurs de ce projet ont assumé la concession pure et simple à leurs risques et périls, ils ont donc à construire et à exploiter. Postérieurement et sans que j'aie aucune raison de croire qu'ils aient renoncé à la concession pure et simple, ils ont offert l'exploitation à l'Etat aux conditions que voici : qu'on prélèverait à leur profit 25 centimes, non seulement sur tout voyageur qui ferait usage de la jonction, mais sur tout voyageur arrivant à Bruxelles ou partant de Bruxelles.
M. Hymans. - C'est une erreur.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Comment ! c'est une erreur ? Mais j'ai les pièces sous la main !
M. Orts. - Qu'importe, d'ailleurs ? Nous ne patronnons pas le projet Keller, et il n'est pas dans l'amendement.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Ce projet n'est pas dans l'amendement, mais il est parmi les projets auxquels le gouvernement pourrait adhérer. Or je vais vous montrer, non par des hypothèses mais par des faits, à quoi le trésor pourrait être exposé.
Voilà donc, messieurs, la proposition dont le gouvernement est saisi : 25 centimes à prélever non seulement sur tous les voyageurs transitant par la jonction directe, mais sur tout voyageur arrivant à Bruxelles ou partant de Bruxelles.
M. Hymans. - Nous ne voulons pas cela.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - En acceptait votre amendement je compromettrais le trésor. (Interruption.) Y a-t-il une contestation sur ce point ?
M. Hymans. - Je m'expliquerai.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Pourquoi laisser la question en suspens ? Expliquons-nous tout de suite.
M. Hymans. - Vous permettez ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Certainement.
M. Hymans. - Les auteurs du projet ne demandent pas qu'on impose une surtaxe de 25 centimes aux voyageurs qui traverseraient Bruxelles ; je crois qu'ils demandent au gouvernement de leur payer 25 centimes par voyageur, persuadés qu'ils ramèneraient un trafic considérable à travers Bruxelles et que le gouvernement regagnerait largement la rente qu'il payerait à la Compagnie.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - J'admets la rectification de l'honorable préopinant qui n'en est en définitive pas une au point de vue qui nous occupe. Nous sommes d'accord. Or voici un calcul que je soumets à la Chambre.
Il arrive aujourd'hui à Bruxelles par la ligne du Nord 900,000 voyageurs, par la station du Midi 400,000. Soit en tout 1,300,000 voyageurs. Comme tout voyageur qui arrive part, il y a donc aujourd'hui pour les deux stations un mouvement total de 2,600,000 voyageurs.
Le mouvement des voyageurs s'accroît annuellement de 6, 7 et 8 cens mille, ainsi en portant seulement le mouvement de voyageur de 2,600,000 à 2,800,000, pour faciliter l'opération arithmétique ; je reste dans des proportions extrêmement modérées, eh bien dans cette hypothèse, on payerait aux concessionnaires une somme annuelle de 700,000 fr. représentait, à 5 p. c. millions. La question se trouve ainsi extrêmement bien précisée.
Peut-on grever le trésor de 14 millions de francs pour la construction d'un chemin de fer direct !
(page 1204) Cette question, il importe qu'elle soit élucidée et je saisis cette occasion pour m’en expliquer très nettement.
Contrairement aux auteurs de l'amendement, je suis fermement d'avis que le gouvernement ne doit intervenir dans la construction d'une jonction directe, ni pour cette somme ni pour une somme quelconque, à moins qu'elle ne soit insignifiante. Mais il ne peut évidemment pas s'agir d'une somme insignifiante pour réaliser la jonction intérieure entre les deux stations. Il faudra toujours pour cela une somme très importante. Eh bien, je dis que l'utilité que le pays et la ville de Bruxelles pourraient recueillir de l'établissement d'une jonction directe, ne compenserait pas un pareil sacrifice ; voilà ma thèse.
Il faut d'abord bien poser la question.
La question n'est pas de savoir si les installations que nous rencontrons à Bruxelles au Nord et au Midi sont convenables ; si l'on n'aurait pas pu mieux faire. J'estime, moi, qu'on aurait pu faire beaucoup mieux et que, s'il y avait table rase, si, avec l'expérience acquise aujourd'hui, il y avait à créer des installations au lieu de nous prononcer sur le point de savoir si et comment il faut les compléter ; j'estime, dis-je, que la première chose à faire, ce serait d'établir à Bruxelles une station unique pour toutes les branches du réseau, et de l'établir, non pas au centre de Bruxelles, mais dans une situation aussi centrale que possible.
Mais la question ne se présente pas ainsi : il n'y a pas de table rase ; il y a, au nord et au midi, deux stations qui ont coûté ou qui coûteront beaucoup de millions au trésor. La question véritable, la seule question qui se présente est donc de savoir si l'utilité que le public peut retirer d'une jonction intérieure entre les deux stations, qu'il faut maintenir, comporte le sacrifice qu'on vous demande que vous pouvez facilement apprécier.
A cette question, les uns répondent oui, les autres répondent non ; quant à moi, messieurs, je n'hésite pas à me ranger catégoriquement parmi les seconds.
D'honorables membres ont voulu tout d'abord établir une comparaison avec l'étranger ; cette comparaison n'a aucune valeur et cependant quand je m'exprime, ainsi j'y mets beaucoup d'abnégation attendu que la comparaison avec l'étranger nous serait de tous points favorable. Excepté à Londres, où y a-t-il des jonctions intérieures ?
M. Guillery. - A Cologne d'abord, où il y a trois stations.
M. Orts. - A Francfort.
M. Hymans. - A Liverpool, à Birmingham, à Newcastle, etc.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Eh bien, il y a une ville que nous connaissons tous et où il n'y a pas de jonction directe, c'est Paris.
- Voix diverses. - Ah ! ah !
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Mais, messieurs, est-ce que Bruxelles a le droit de se montrer plus exigeant que Paris ?
M. Orts. - Est-ce l'Etat qui exploite la ligne de Lyon et le chemin de fer du Nord ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Mais si l'opération peut être lucrative ou si elle peut seulement couvrir ses frais, qu'importe que l'Etat exploite ou non ? Il est évident que quand une opération donne seulement l'espoir de couvrir ses dépenses, des compagnies sont aussi disposées que l'Etat à l'entreprendre. Est-ce que l'exploitation à Londres se fait par l'Etat ? Ensuite, pourquoi y a-t-il une jonction directe à Londres et pas à Berlin, à Hambourg, dans la plupart des villes enfin avec lesquelles une comparaison serait admissible en cette circonstance ?
On parle toujours de Londres. Eh bien, voici un renseignement fort intéressant i le Métropolitain, qui est le chemin de fer de jonction directe qui frappe le plus les regards, celui sur lequel l'attention se porte le plus vivement, - savez-vous quelle est la recette kilométrique moyenne qu'il donne ? - Cette recette est dix-huit fois plus forte que celle du réseau exploité par le gouvernement belge, et cette recette, messieurs, provient du seul transport des voyageurs (et je ne sais pas même si le Métropolitain admet le transport des bagages), tandis que la recette kilométrique moyenne de l'Etat belge se compose en même temps du mouvement des voyageurs, des bagages et des marchandises.
Le mouvement des voyageurs entre à peu près pour moitié dans les recettes du réseau de l'Etat dans notre pays ; par conséquent, quant aux voyageurs, le mouvement du Métropolitain est au mouvement sur le réseau belge comme 1 est à 30.
Je vous le demande, messieurs, quelle comparaison peut-on établir entre ces deux situations ? Il faut donc évidemment examiner la question eu égard à la seule situation locale ; et eu égard à la situation locale, la question se présente sous deux aspects : il faut se demander ce qu'une jonction directe peut offrir d'utilité aux voyageurs arrivant à Bruxelles ou partant de Bruxelles, d'une part ; et, d'autre part, aux voyageurs en transit.
Eh bien, examinons successivement ces deux faces de la question.
Quant aux voyageurs de l'intérieur ou vers l'intérieur de Bruxelles, il y a un point de départ indiscutable ; c'est qu'il faut maintenir les deux stations existantes, et non seulement les maintenir, mais les maintenir dans de bonnes conditions d'exploitation, c'est-à-dire de manière à ne pas nuire à une partie notable du public, sous prétexte d'avantager une autre partie de ce public.
Ce dernier résultat, dont nous ne voulons pas, serait précisément la conséquence de l'établissement d'une station centrale, établie en sacrifiant la station du Nord, établie au faubourg de Cologne, ou la station en construction du Midi.
Si l'on veut ériger une station centrale, ce doit être à la condition expresse que les deux stations actuelles seront maintenues dans toutes leurs conditions de confort.
Eh bien, messieurs, nous avons à nous demander, au point de vue des voyageurs de ou vers l'intérieur de Bruxelles, quelle serait la clientèle qui demeurerait réservée dans ce cas aux stations extrêmes. L'importance de cette clientèle bien établie, nous verrons, par cela même, quelle serait la clientèle de la station centrale. Nous parviendrons ainsi à déterminer l'utilité qu'il y aurait à créer cette dernière station.
Nous avons, messieurs, comme clientèle acquise d'une manière certaine aux stations extrêmes, diverses catégories de voyageurs qu'il est très facile de classer.
Nous avons en premier lieu les voyageurs qui habitent dans un rayon plus rapproché de ces stations extrêmes que de la station centrale ; ceci me paraît de toute évidence.
Nous avons une seconde catégorie, qui se compose des voyageurs qui se rendent au chemin de fer en voiture ; il est clair que les voyageurs qui peuvent se servir de voitures préféreront toujours aller directement à la station d'embarquement que de se rendre à une station intermédiaire.
Nous avons une troisième catégorie composée des voyageurs qui ne voudront pas se soumettre à la surtaxe.
Un des arguments les plus complaisamment développées par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu à l'appui de l'établissement d'une station centrale, c'est qu'il faut économiser le temps et l'argent.
Or les voyageurs qui suivront la ligne de jonction, ayant à payer une surtaxe, tous ceux qui tiennent à leur bourse, si je puis m'exprimer ainsi, se rendront directement à la station de départ.
Je dis, ceux qui tiennent à leur bourse ; quelle est la quantité la plus considérable de voyageurs, en égard à la classe de voitures qu'ils prennent ? Ce sont les voyageurs de la dernière classe, les moins riches ; ils entrent dans le mouvement général pour plus des trois quarts ; s'ils ont à payer une surtaxe de 15 ou de 20 centimes, ils vont s'embarquer à une des stations extrêmes plutôt qu'à la station centrale.
Je demande quelle est dans cette situation, l'économie d'argent à réaliser,
Voyons maintenant l'économie de temps.
Le service devrait être organisé de la manière suivante : un convoi de Bruxelles sur Anvers, par exemple, devrait partir de la station du Midi, passer par la station centrale, s'arrêter à la station du Nord et aller de là à Anvers. Dans cette organisation, qui est la seule possible, le voyageur qui s'embarquera à la station du Midi aurait deux arrêts de plus que s'il s'embarquait directement à la station de départ.
Il s'arrêtera d'abord à la station centrale, puis à cette station de départ.
Faites le compte du nombre de minutes qu'il passera inutilement à la station centrale et à la station du Nord ; et dites-moi quelle est l'économie de temps.
Je viens d'affirmer qu'il y avait perte d'argent ; j'affirme qu'il y aurait aussi perte de temps, ou que tout au plus il y aurait équivalent.
Est-ce que le voyageur, dans le cas que je suppose, ne préférera pas s'embarquer à la station du Nord ?
(page 1205) Voilà donc une quatrième catégorie de voyageurs qui est acquise aux stations extrêmes.
Maintenant reste le mode de jonction. Le seul projet dont on poursuive la réalisation jusqu'ici, c'est celui de M. Keller ; si cette conception, que je n'hésite pas à qualifier d'éminemment malheureuse, aboutit, nous aurons une cinquième catégorie de voyageurs qui prendront les stations extrêmes : ce sont ceux qui éprouvent une certaine répugnance à voyager dans un souterrain. (Interruption.)
On me dit que c'est une chimère ; qui est-ce qui craint de voyager en tunnel ?
Pour ma part, je ne crains pas les tunnels ; j'irais en tunnel jusqu'au bout du monde ; mais si à côté du tunnel il y avait une voie parallèle en tranchée ouverte, je ne donnerais certes pas la préférence au tunnel ; il eh serait ainsi de l'immense majorité du public.
Est-ce qu'on a jamais renoncé à aller de Bruxelles à Mons et à Charleroi, parce qu'il y a un tunnel à Braine-le-Comte ? Non.
Mais si, à côté du tunnel, nous avions une ligne à ciel ouvert, combien de voyageurs iraient par le tunnel ? Pas un.
Maintenant quand indépendamment des inconvénients du tunnel que personne ne voudra affronter sans nécessité, vous soumettez à une surtaxe ceux qui iront par le tunnel, les voyageurs choisiront certainement les stations extrêmes.
Voilà donc une cinquième catégorie de voyageurs qui est acquise aux stations extrêmes.
Cela étant, et je crois qu'on ne peut le contester ; cela étant dis-je, vous voyez qu'en ce qui concerne les voyageurs de ou vers l'intérieur de la capitale, ce qui restera à la station centrale est tout à fait insignifiant.
Je comprends parfaitement, que les choses se présentant ainsi, on vienne offrir au gouvernement de lui céder l'exploitation de la ligne de jonction, moyennant 25 centimes qui seraient prélevés sur la taxe acquittée par les voyageurs touchant à Bruxelles. La spéculation se mettrait ainsi prudemment à l'abri de toutes chances de perte.
Voyons maintenant ce qu'il en est des voyageurs en transit.
D'abord, que les voyageurs en transit passent plus ou moins commodément, qu'ils passent ou qu'ils ne passent pas, cela est indifférent pour la ville de Bruxelles. Je me trompe : la ville de Bruxelles aurait un intérêt matériel à contrarier le transit des voyageurs... (Interruption.)
Je ne comprends pas les protestations sur ce point ; je dis que l'intérêt mesquin, étroit de la ville de Bruxelles, est de contrarier le transit des voyageurs. (Nouvelle interruption.) Vous vous mettez au-dessus d'un semblable intérêt, je le sais bien, et je vous en rends très volontiers témoignage.
Rappelons quelle est l'origine de la mauvaise situation qui est faite aujourd'hui et que l'on veut améliorer. En 1834, le gouvernement avait projeté une station unique à Bruxelles ; c'était la station de l'Allée Verte. Or, c'est la ville de Bruxelles qui a exigé qu'il y eût deux stations, afin que les voyageurs en transit fussent obligés de débarquer et de faite des dépenses dans la capitale. (Interruption.)
C'est sous l'empire des mêmes considérations qu'on a fait de Bruxelles à Charleroi un canal à petite section.
Ces observations faites, voyons si l'énorme dépense qu'occasionnerait la construction de la jonction intérieure sans souterrain ou avec souterrain, offre une utilité réelle pour les voyageurs en transit. J'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer hier sur la possibilité d'organiser un très bon service de transit sans une jonction intérieure, avec un détour de 3,700 mètres en chemin de fer ; c'est une augmentation de trajet de trois minutes et demi, et si vous voulez que je fasse une large concession, c'est une augmentation de cinq minutes.
Mais, messieurs, ceci suppose qu'il y ait des voyageurs en transit ; je ne dis pas d'une manière absolue, mais en quantité respectable. Car ce n'est pas pour quelques individus par jour qu'on dépensera un capital répondant à une rente de 700,000 fr. par exemple.
Eh bien, où sont les voyageurs en transit ? Je ne les aperçois pas.
M. de Naeyer. - Il n'y a pas de transit connu.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je ne vous demande pas s'il y en a, je demande s'il peut y en avoir dans une situation quelconque.
M. de Naeyer. - Il y en a un, mais il n'est pas indiqué dans la statistique.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Il n'y en a pas et il ne peut y en avoir, excepté dans la proportion que j'ai indiquée. Je vais vous dire pourquoi.
Pour toutes les relations du nord du pays vers le midi du pays, ou du nord de l'Europe vers le midi de l'Europe, il y a, en Belgique, des voies plus courtes que les voies de l'Etat, la jonction directe étant supposée exécutée.
Ainsi par la ligne de Louvain à Charleroi, par la ligne de Liége à Namur et de Charleroi à Erquelinnes, par la ligne de Gand à Saint-Ghislain, tout le nord du pays et tout le nord de l'Europe se dirige soit vers le midi du pays, soit vers le midi de l'Europe, en passant à côté de Bruxelles, si le voyageur veut payer moins et faire plus rapidement le trajet.
Voilà la situation vraie.
Il y a une seule exception et cette exception va s'atténuer encore immédiatement dans une proportion considérable. Il n'y a plus que les voyageurs venant de Rotterdam et d'Anvers qui ont intérêt à passer par Bruxelles, et encore cette exception va être notablement amoindrie par la construction du chemin de fer d'Anvers à Tournai.
Dites-moi donc ce que ces relations peuvent vous donner et dites-moi si raisonnablement on peut, dans l'intérêt de quelques voyageurs en transit, réclamer, aux frais du trésor, une ligne qui coûtera aussi énormément cher.
Cela n'est pas juste et quand on se rend un compte exact de la situation, il faut reconnaître que pas plus pour le transit que dans l'intérêt des voyageurs de ou pour l'intérieur de Bruxelles, il n'y a lieu de dépenser des sommes aussi considérables.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Dans dix ans vous ne pourrez plus dire que Bruxelles n'a pas intérêt à dépenser une somme aussi considérable pour avoir une jonction directe.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Eh bien, j'affirme que, non dans dix ans niais dans cinq ans, il n'y aura plus un seul voyageur passant par Bruxelles. Car je vous tracerai sur la carte diverses lignes dont la concession est demandée et dont la concession sera nécessairement accordée dans un délai plus ou moins prochain, qui enlèveront à Bruxelles le peu de voyageurs qui lui restent encore pour le transit.
Je vous citerai une de ces lignes : c'est celle de Hal à Landen, qui est demandée par cinq ou six concessionnaires différents et que le gouvernement n'a pas de raison pour refuser.
Voilà encore un élément considérable qui viendra à vous manquer.
Messieurs, la situation est donc ainsi établie. La jonction directe doit coûter une somme tellement considérable, que jamais on n'en a demandé la concession, si ce n'est avec l'intervention du gouvernement, soit directe, soit, si je puis m'exprimer ainsi, en termes d'insinuation.
Car je viens de vous parler de la concession Keller, demandée soi-disant purement et simplement, mais aboutissant cependant à la demande d'une rente de 700,000 fr. par an.
Les choses étant ainsi, l'on comprend parfaitement que l'on ait toujours eu recours à la caisse du gouvernement et qu'on ait cherché à puiser dans cette caisse. Mais ce qu'on comprend aussi parfaitement, et beaucoup mieux que par le passé, c'est que chaque fois le gouvernement ait serré les cordons de sa bourse.
Et la question est de savoir si la situation étant telle et se modifiant de jour en jour dans le sens d'une moindre utilité que l'on pourrait retirer d'une jonction directe, la Chambre serait mieux disposée que le gouvernement à dilapider ainsi, pour employer le mot propre, les fonds du trésor et l'argent des contribuables.
Quant à moi, c'est aussi à ce point de vue que je me suis mis lorsque, au sujet de la dernière concession dont il se soit agi, au sujet du projet Keller, j'ai refusé toutes les conditions impliquant le concours du gouvernement. Après avoir exposé aux concessionnaires la manière de voir du gouvernement, quant au résultat financier probable de l'entreprise, je les ai informés que s'ils voulaient prendre l'affaire à leurs risques et périls, le gouvernement n'y mettrait pas obstacle ; et le gouvernement a été conduit à faire cette déclaration parce que cette concession s'annonçait comme devant faciliter la question de l'assainissement de Bruxelles.
J'ai saisi cette occasion, puisque la ville insistait, de venir en aide à Bruxelles par l'adoption d'une combinaison d'ensemble pour la question si grave, si délicate de l'assainissement.
Voilà dans quelles circonstances j'ai fait la déclaration que le gouvernement accorderait la concession demandée et voilà aussi dans quelles circonstances je suis arrivé à cette conclusion de déclarer à la Chambre que je me ralliais à l'amendement de la section centrale.
Vient maintenant l'amendement de plusieurs membres, et après les explications que je viens de donner, la Chambre comprendra parfaitement qu'il n'y a pour le gouvernement qu'un parti à prendre vis-à-vis de cet amendement, c'est de le repousser arec énergie.
(page 1206) On demande que gouvernement soit autorisé, et évidemment c'est dans la prévision que le gouvernement userait de cette autorisation, à concéder la construction d'un chemin de fer direct, c'est-à-dire à concéder la construction, retenant par devers lui l'exploitation à des conditions à déterminer, et à déterminer discrétionnairement par le gouvernement.
Messieurs, je ferai cette première observation. Nous avons pris l’habitude, dans ces dernières années, de ne plus accorder ce que j'appelle des concessions en principe. C'était un peu l'usage dans d'autres temps, et c'est ainsi qu'il se trouve que dans plusieurs lois, nous voyons un certain nombre de concessions octroyées auxquelles jamais la main n'a été mise pour l'exécution.
Nous avons soutenu que des concessions reposant à l'état de lettre morte dans ces lois sont chose détestable et la Chambre a partagé l'opinion du gouvernement.
Voi'à une première objection que je fais à cet amendement. En voici une plus importante.
Je dis aux signataires de cet amendement : vous voulez autoriser le gouvernement à concéder avant qu'il n'y ait de demande en concession. Il n'y en a pas, excepté une au sujet de laquelle je me suis déjà déclaré, et vous voulez encore ure fois ressusciter cette mauvaise pratique, consistant à décréter des concessions en principe.
Il n'y a pas lieu évidemment d'admettre cette manière de faire. Mais en second lieu, vous voulez que le gouvernement concède la simple exécution de ce chemin de fer et qu'il retienne l'exploitation à des conditions qu'il déterminera. Mais voulez-vous lui donner un blanc-seing ? Je déclare que si au lieu d'être membre du gouvernement, j'étais simple membre de la Chambre, à aucun prix, je ne délivrerais un pareil blanc-seing au gouvernement. Comment ! je viens de vous montrer qu'aux termes de la demande dont le gouvernement est saisi, il pourrait prendre l'engagement de servir un capital de 14 à 15 millions à des spéculateurs en maçonnerie ! Messieurs, est-ce que cela est raisonnable ?
M. Coomans. - Ce serait trop fort !
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Ce serait trop fort, en effet.
M. Orts. - Le ministre n'est pas en état d'interdiction.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Mais si je partageais, à l'endroit du raccordement direct, l'enthousiasme de certaines personnes, je me croirais autorisé à aller très loin dans la voie des concessions financières. Interrogez tel partisan fanatique d'une jonction directe et demandez-lui si ce serait payer la jonction directe trop cher que de la payer 20 millions, et il vous répondra négativement.
Messieurs, s'il y a autre chose à faire qu'à concéder purement et simplement, il fau' que cette autre chose fasse l'objet d'un contrat spécial et il faut que ce contrat spécial soit soumis à la ratification de la Chambre.
Il n'y a donc pas lieu d'adopter l'amendement présenté par plusieurs membres de la Chambre et j'espère qu'il sera re tré par ses auteurs après les explications que je viens de donner.
M. Couvreurµ. - L'honorable ministre des travaux publics a combattu l'amendement à trois points de vue : il a fait valoir les charges considérables qui pourraient en résulter pour le trésor ; il a fait le procès à un mode particulier d'exécution, au projet Keller ; enfin, il a essayé de démontrer que la ville de Bruxelles n'a aucun intérêt ou tout au moins qu'elle n'a qu'un intérêt très secondaire à être traversée par une ligne directe.
J'espère que je pourrai démontrer brièvement que l'intérêt de Bruxelles, au contraire, est très directement engagé dans l'exécution d'une voie ferrée à travers son enceinte.
Ce que nous demandons à la Chambre, c'est qu'elle se prononce sur la question dc principe, c'est qu'elle reconnaisse que l'intérêt de Bruxelles se rattache à la jonction directe des deux stations.
Toute autre question demeure réservée. Le chemin de fer sera-t-il en souterrain ? Passera-t-il au-dessus de la voie publique ? Que nous importe ? Aucun de nous ne se fait ici l'avocat d'une entreprise particulière.
La question de l'intervention du gouvernement dans la dépense doit également rester réservée. Si cette intervention est demandée, elle devra se justifier exclusivement à ce point de vue que le gouvernement est exploitant des chemins de fer qui aboutissent à Bruxelles, et qu'à ce titre il a un intérêt à la jonction.
C'est ainsi que partout les compagnies, lorsqu'elles se trouvaient dans des circonstances analogues, sont intervenues dans les frais de la jonction ou qu'elles ont opéré la jonction à leurs frais.
La résistance que l'administration des chemins de fer oppose aujourd’hui aux intérêts de Bruxelles n'est pas nouvelle ; il y a fort longtemps déjà que nous luttons contre elle, sans avoir pu l'amener à se joindre à nous pour réparer une faute commise à l'origine de l'établissement des voies ferrées.
M. le ministre nous dit que cette faute incombe à nos devanciers. Sous l'empire de fausses idées économiques, ils ont exigé un arrêt et deux stations à Bruxelles.
Est-ce là une raison pour laisser exister un état de chose vicieux sous tous les rapports, pour maintenir, quant au chemin de fer, ce qu'on n'eût jamais osé faire du temps des voies pavées ? Comprendriez-vous que la chaussée de France, au lieu de traverser Bruxelles, s'arrêtât à la porte de Hal pour reprendre à la porte de Flandre, ou bien encore qu'elle fît tout le tour de la ville, d'une porte à l'autre ? Cela eût été considéré comme absurde.
Ce que vous voulez maintenir ne l'est pas moins. Vous substituez un raccordement extérieur au chemin le plus court et vous refusez de relier la ligne du Nord à la ligne du Midi par une voie directe.
Toute chose doit répondre à sa destination. Le raccordement extérieur doit être avant tout un chemin favorisant, le long de sa ligne, la création d'établissements industriels. Il doit servir encore à approvisionner la circonférence de l'agglomération bruxelloise. Il est bon d'appeler le mouvement et la vie à la circonférence ; mais il ne faut pas entraver, contrarier le développement du centre.
Lorsque vous établissez une station sur un point déterminé, vous attirez vers ce point le mouvement de la cité. Cela n'a pas besoin d'être démontré. Où trouvait autrefois le centre d'activité de Bruxelles ? C'est là où aboutissaient les canaux et les grandes voies pavées.
Là se trouvaient les hôtels, les maisons de roulage, le commerce de gros et de détail. Depuis que les chemins de fer ont été créés, où s'est porté le mouvement ? A la station du Nord et à la station du Midi. Les propriétés situées au Vieux-Marché-aux-Grains, rue Saint-Christophe, rue des Chartreux, etc., ces quartiers autrefois si vivants perdent chaque jour de leur valeur, et si vous ne créez une station centrale, ce déplacement de l'activité se fera sentir de plus en plus et le Centre finira par être complètement déprécié.
Mais tandis que la prospérité se porte ainsi vers les extrémités, au détriment de ce qu'on peut appeler la cuve de Bruxelles, les charges de cette partie de la capitale s'aggravent. Déjà, maintenant, la ville, comme capitale, doit pourvoir à une infinité de dépenses dont ne se grèvent pas les communes suburbaines, parce qu'elles en profitent directement ou indirectement. Plus la partie extérieure se développe, plus le centre doit payer pour sa police, sa salubrité, ses promenades, ses écoles, ses théâtres. L'agglomération bruxelloise compte 380 mille âmes ; 180 mille habitent le centre ; ces 180 mille payent proportionnellement plus, et vous les appauvrissez ; vous les appauvrissez en portant la vie aux extrémités, au lieu de la concentrer à l'intérieur, pour que de là elle reflue vers la circonférence.
Est-ce à dire que je n'approuve pas ce que vous faites pour les parties suburbaines ? Nullement ; mais il ne faut pas que vous sacrifiiez des intérêts acquis, il ne faut pas que vous rompiez les équilibres naturels. Les villes sont comme le corps humain : il faut que le mouvement parte du cœur et porte la vie aux extrémités. Les extrémités ne peuvent se développer au détriment de l'organe principal ; et c'est ce qui ne manquera pas d'arriver si vous placez autour de Bruxelles une ceinture de stations, sans créer en même temps une gare centrale.
Mais, dit M. le ministre à ceux qui lui opposent ce qui se fait à Londres, vous ne pouvez pas comparer Londres à Bruxelles ; et encore, à Londres, le chemin de fer Métropolitain ne transporte que des voyageurs.
C'est une erreur. Le Métropolitain transporta aussi des petites marchandises et des bagages, tout ce qui alimente le commerce de détail. Mais il n'y a pas que Londres, en Angleterre, qui ait établi à grands frais des stations centrales et des jonctions à travers la cité. Et par qui ces travaux sont-ils exécutés ? Par les compagnies. Pourquoi ? Evidemment, parce que, à raison des principes que je viens de développer, ces compagnies ont trouvé un grand intérêt à opérer la jonction de leurs lignes. Est-ce que même intérêt n'existe pas à Bruxelles pour le gouvernement, exploitant les lignes de l'Etat ?
A Liverpool, où le chemin de fer aboutissait d'abord à une espèce de plateau dominant la Mersey, on a commencé par construire deux raccordements descendant, l'un à droite, vers les docks du Roi, l'autre à gauche, vers les Victoria docks ; plus tard, une troisième branche est venue (page 1207) déboucher au centre de la Cité devant St-George's Hall, par un plan incliné en souterrain, de 2,000 mètres de longueur.
A Birmingham des difficultés inouïes ont été vaincues. La ville est traversée par deux tunnels qui se croisent et dont l'un a des courbes à très petit rayon,
A Newcastle, il a fallu traverser une rivière qui coule entre les deux parties de la ville.
A Glascow, un spectacle plus curieux encore que celui de Birmingham, deux chemins de fer passent en souterrain sous un canal.
Le chemin établi en dernier lieu a trouvé tous juste l'espace nécessaire pour se glisser entre le lit du canal et le plafond du tunnel de la voie ferrée établie antérieurement.
Croyez-vous que les compagnies concessionnaires se soient imposé ces sacrifices pour le simple plaisir de dépenser de l'argent ? Non, c’est que leurs intérêts, se conciliant avec les intérêts des villes traversées, conseillaient cette dépense. C'était une bonne opération à faire. Aussi n'ont-ils pas eu à se plaindre de ses résultats, même dans les localités dont la population n'est pas plus considérable que ne l'est celle de Bruxelles.
Reste, maintenant, la question des moyens d'exécution. C'est là une question que nous entendons réserver complètement.
Tout ce que nous demandons, c'est que la question de principe soit résolue ; c'est que des voyageurs en destination de Bruxelles, des objets nécessaires à l'alimentation et au commerce de détail de la capitale, n'aient pas à faire le tour de la ville et à s'arrêter soit à la station de Molenbeek, qui est à deux kilomètres de l'hôtel de ville, soit à la station du Midi que vous allez éloigner encore d'un demi-kilomètre au moins de son emplacement actuel.
Ce que nous voulons, c'est que l'habitant de Bruxelles qui veut se rendre à un point déterminé de la Belgique ou de l'étranger ne soit pas obligé de faire une demi-lieue ou une lieue en voiture pour atteindre le point du chemin de fer le plus rapproché de son habitation, alors qu'il serait si facile de lui offrir les moyens de s'arrêter soit au Midi, soit au Centre, soit au Nord. Quant à la démonstration de M. le ministre que des divers points de l'agglomération il n'y a pas plus loin jusqu'aux Etangs noirs ou à la station du Midi, il n'y a pas plus loin, dis-je, qu'à une station centrale, je crois que cela n'a pas besoin de réfutation.
Soutenir le contraire, c'est se brouiller avec la géométrie.
Nous demandons que vous conserviez les stations, nous vous approuvons d'en créer de nouvelles à la circonférence, mais nous voulons aussi que vous ne meniez pas d'obstacle à la jonction intérieure, peu importe que cette jonction se fasse par un souterrain, en tranchée ouverte ou sur arcades.
Le mode d'exécution sera examiné ultérieurement.
Maintenant pourquoi donnons-nous au second amendement la préférence sur celui de la section centrale ? Parce qu'il ne complique pas la question principale. Il se borne à établir qu'il y aura une jonction directe et que le gouvernement est autorisé à concéder la construction de cette jonction en la combinant avec l'assainissement.
Là est pour moi la solution du problème. Différents projets d'assainissement ont été présentés. Je ne suis pas compétent pour juger lequel mérite le plus le concours des capitalistes, lequel sera le plus pratique. Mais à première vue il semble que celui qui consiste à détourner la Senne, à la mettre hors de Bruxelles rencontre le plus de partisans.
Des offres ont été faites d'exécuter dans ces conditions l'assainissement de la rivière et de construire ensuite des collecteurs à côté de son lit rectifié. Est-ce que le subside voté pour l'assainissement ne pourra pas trouver ici son application ?
En jetant la Senne hors de Bruxelles l'on dote Molenbeek-Saint-Jean d'une voie navigable supplémentaire ; la Senne remplacera alors la Sennette qui est aujourd'hui un véritable foyer d'infection.
Elle reçoit toutes les immondices d'une agglomération de 30 mille âmes. En approfondissant et en élargissant le lit de la Sennette, on pourra y construire des quais. Vous aurez ainsi augmenté considérablement la prospérité de Molenbeek-Saint-Jean.
Cette commune aura alors un chemin de fer et deux voies navigables. En revanche Bruxelles possédera au centre de la ville des terrains disponibles ; ceux qui sont occupés actuellement par la Senne. Pourquoi ne pas placer dans ces terrains le chemin de fer de raccordement direct, soit en tranchée ouverte, soit sous une voûte formant boulevard ? La question financière qui effraye tant l'honorable ministre des travaux publics et au sujet de laquelle il a essayé d'effrayer si fortement la Chambre trouverait là une solution très facile.
En conséquence, messieurs, pour ce qui me concerne je persiste à demander à la Chambre qu'elle veuille bien voter le principe tout en réservent pleinement le mode d'exécution et d'exploitation.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Quel principe ?
M. Couvreurµ. - Celui de la construction d'un raccordement direct par voie de concession ; le principe de l'amendement des trente-trois : le raccordement intérieur n'importe par qui il sera exploité et comment il sera exécuté, fût-ce par la ville de Bruxelles elle-même si elle le demandait un jour comme une annexe de ses travaux d’assainissement.
(page 1211) M. Orts. - Je me bornerai à répondre directement et exclusivement aux considérations qu'a présentées tout à l’heure l’honorable ministre des travaux publies, désireux que je suis de ne pas compliquer et allonger le débat.
Nous insistons, messieurs, pour obtenir une déclaration de la Chambre qu'elle croit que le meilleur procédé de réunir les stations du Nord et du Midi est la traverse directe par Bruxelles. Nous croyons que cela est dans l'intérêt général et dans l'intérêt de l'arrondissement de Bruxelles à la fois.
L'honorable ministre des travaux publics ne veut pas de notre système. Il préfère l'amendement de la section centrale, formule vague qui ne l'engage à rien et qui lui permet, il en est presque convenu tout à l'heure, de faire de l'article de la loi que vous voteriez un véritable billet à la Châtre. Nous aurons l'air d avoir une promesse et nous n'aurons rien que l'air.
Nous voulons quelque chose de plus sérieux. Et pourquoi le voulons-nous ? Précisément pour réparer, autant qu'il est en notre pouvoir de le faire aujourd'hui, cette énorme faute commise avant nous et que rappelait l'honorable ministre des travaux publics, faute qui consiste à couper le railway national à Bruxelles en deux tronçons. En commettant cette faute, on a cédé jadis à des préjugés qui aujourd'hui nous semblent incroyables, ridicules et inadmissibles, mais qui ont cependant pesé sur la détermination de nos pères.
Mais je m'étonne de voir l'honorable ministre des travaux publics s'associer d'un côté à nous pour déplorer ces abus d'un autre âge et ne pas s'associer d'un autre côté à nous lorsque nous engageons ta Chambre à redresser l'abus. Je m'étonne d'autant plus qu'en définitive l’honorable ministre des travaux publics a déjà tenu entre les mains le moyen de corriger partialement cet abus et qu'il ne l'a pas voulu. Je veux parler de l'établissement de la nouvelle station du Midi. Si au lieu de conduire cette station il avait à cette époque tout bonnement fondu les deux stations de Bruxelles en une seule, il aurait pu réparer dès lors la faute qu'il déplore si fort en se croisant les bras.
Nous lui offrons un moyen nouveau d'atténuer cet inconvénient en reliant les deux stations par une ligne parfaitement directe. Nous demandons que cette ligne soit exploitée au meilleur marché possible, c'est-à-dire par l'Etat, qui a son matériel, son personnel sous la main et qui, nul ne le contestera dans cette Chambre, exploiterait ce tronçon dans des conditions de revient inférieures à toutes celles qu'on pourrait espérer accomplir avec les compagnies concessionnaires. Maintenant l'honorable ministre nous dit : Pourquoi donc insistez-vous tant ? Fait-on de ces choses-là dans d'autres pays ? Voyez Paris ; on a presque dit : voyez Londres.
Ou aurait eu tort de le dire nettement, car pour voir à Londres, il eût fallu fermer les yeux.
Mais on nous dit : Voyez Paris ; Paris se donne-t il la peine de créer des chemins de fer intérieurs ? Ce que les Parisiens supportent, ne pouvons-nous le supporter à Bruxelles ? Messieurs, il est bien des choses en plus d'un genre que les Parisiens supportent facilement et que l'on supporterait très difficilement à Bruxelles, comme dans le reste du pays, fort heureusement.
Mais, sans sortir du sujet, je ferai observer immédiatement à M. le ministre des travaux publics que l'on ne peut pas comparer l'intérêt des chemins de fer parisiens avec l'intérêt de l'Etat en Belgique.
L'Etat, chez nous, exploite tout à la fois le chemin de fer qui aboutit à la station du Nord et celui qui aboutit à la station du Midi ; il est propriétaire de deux extrémités de la ligne interrompue dans le trajet de Bruxelles ; il a un grand intérêt à réunir ses deux propriétés. En est-il de même des compagnies de chemin de fer en France ?
La compagnie du Nord qui exploite à Paris le chemin de fer venant de Belgique pour s'arrêter à la gare du Nord, et la compagnie qui exploite le chemin de fer de Lyon, la voie de Paris à la Méditerranée, partant du boulevard Mazas, ont-elles des intérêts communs ou solidaires ? Ces compagnies n'ont qu'un seul intérêt, celui de transporter exclusivement sur leurs ligne, le plus de voyageurs possible ; je me trompe, le moins de voyageurs possible, mais au prix le plus élevé possible.
L'Etat, qui exploite les chemins de fer en Belgique, a un intérêt diamétralement opposé. Maintenant, de ce que ce sont des compagnies qui devraient, en France, rattacher les lignes séparées par la traverse de Paris, résulte cette autre différence que l'exploitation, sur une échelle aussi réduite, devient coûteuse, impossible pour une compagnie intermédiaire, comme le sera la traverse de Bruxelles, si l'Etat n'exploite pas.
Laissons-là Paris et voyons ailleurs. Messieurs, la réunion directe des chemins de fer est appréciée comme un bienfait immense que l'on doit chercher à se procurer au prix des plus grands sacrifices partout où l’on comprend mieux qu’à Paris l’intérêt commercial des communications rapides. Voyez l’Allemagne ; il n’y a pas en Allemagne une grande ville qui ait reculé devant ces sacrifices pour souder l’un à l’autre ses chemins interrompus.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je vous ai cité Berlin.
M. Orts. Je ne parle pas des capitales, oh l'intérêt industriel est secondaire, comme à Berlin ; je parle de villes commerciales industrielles.
Là, on comprend la nécessité de relier les stations, et, pour le faire, on ne recule pus devant les plus grandes dépenses, ou ne recule pas même devant la nécessité de construire des ponts sur un fleuve comme le Rhin ; on a fait des ponts à Mayence et à Cologne, pour rattacher la rive gauche à la rive droite ; ou en a fait un à Francfort-sur-le-Mein, pour relier le chemin du Taunus en chemin venant d’Hedelberg ; on en a fait, on en fait, on en fera partout où il est possible de les faire, et, Dieu merci, ces ouvrages d’art sont d'une autre importance que le misérable trait d'union qu'il s'agit de construire à travers Bruxelles d'après notre projet. Voilà ce qu'on fait en Allemagne, M. le ministre ! Ne dites plus qu à Berlin ou ne le fait pas. Je ne sais ce qu'on fera à Berlin, quand l'avenir commercial de cette ville préoccupera ceux qui se trouvent à la tête des affaires en Prusse ; mais à coup sûr, si à Berlin comme à Bruxelles on ne fait rien, on le regrettera amèrement plus tard. (Interruption.) Hambourg ? Si à Hambourg les deux stations de l'est et de l'ouest ne sont pas rattachées, c'est parce que les deux tronçons, qui se trouvent aux limites de son territoire, appartiennent à des pays différents, et non pas à la ville dè Hambourg ; Altona est au Holstein, le chemin de l'Est est à la Prusse, qui s'inquiètent peu de voir prospérer Hambourg. Je ne parle pas du chemin de fer menant au sud de Hambourg et partant de la rive gauche de l'Elbe, de Harbourg en Hanovre.
La continuation de cette voie jusque sur la rive droite est tout simplement impossible.
Voilà la situation (interruption), qu'il y ait des exceptions ailleurs encore, je le veux bien, mais pour l'intelligence dans l'exploitation des chemins de fer, les deux premiers pays du monde avec la Belgique, ce sont l'Angleterre et l'Allemagne ; or, en Angleterre et en Allemagne, partout où le raccordement est possible, on le fait, coûte que coûte. L’honorable ministre se place ensuite, au point de vue des inconvénients d'exécution, sur ce terrain, il suppose en question une chose que personne ne demande pour démontrer que Bruxelles est plutôt intéressé à ne pas voir relier les stations.
Ou veut, dit-il, supprimer les stations extrêmes. Qui le demande ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - On demande de faire de l'une une bourse, et de l'autre un palais des beaux-arts.
M. Orts. - L'honorable ministre nous fait ici une singulière et inacceptable situation. Pas un des signataires de l'amendement que je défends ne veut patronner un projet quelconque. Je fais cette déclaration au nom des trente-trois signataires, et je ne serai pas démenti.
Pas un de nous ne demande à la Chambre de se prononcer sur un plan ; nous ne nous faisons pas les patrons d'un auteur de projet, ni d'un spéculateur en briques comme les appelait l'honorable ministre des travaux publics.
Nous défendons ici un intérêt national autant qu'un intérêt local.
Nous ne défendons ni spéculations, ni spéculateurs : qu'on se le tienne une bonne fois pour dit. Je le répète, personne dans cette Chambre ne réclame la suppression des stations existantes.
M. le ministre insiste à un autre point de vue.
Il y aura, selon lui, surtaxe et perte du temps pour les Bruxellois qui voudront traverser Bruxelles ! Voyez la situation faite aux malheureux habitants de cette capitale par leurs maladroits députés ! Ceux qui se trouveront à la situation du Midi et voudront aller vers la station du Nord et vice versa perdront du temps aux stations intermédiaires, et devront payer une surtaxe pour le transport. Ils préféreront sans nul doute aller à la station d'embarquement comme ils y vont aujourd'hui h pied, sans arrêt et sans surtaxe ! Qui ne voit, M. le ministre, qu'en refusant d'user du chemin de raccordement intérieur, les personnes feraient un mauvais calcul ? Elles éprouveront une perte de temps ; car le chemin de fer les mènera toujours d'une station à l'autre avec plus de rapidité que ne pourraient les mener nue vigilante ou leurs jambes. Da plus, comme les omnibus et les vigilantes ne mènent pas les gens gratis ; (page 1212) qu’il est difficile de s’en passer lorsque l’on voyage avec bagages, il est probable que la surtaxe n’existera que dans l’imagination de M. le ministre. La surtaxe, si surtaxe il y a, ne sera jamais l’équivalent d’une course en vigilante, en omnibus ou d’une course de porteur de malle.
Mais, dit-on, il est une autre catégorie encore de voyageurs qui ne profitera jamais de la jonction ; elle doit se faire par un tunnel et tant de gens ont peur des tunnels ! D’abord, il n'est pas définitivement arrêté que la jonction directe se fera par un tunnel ; il existe un projet de jonction par un tunnel, mais un autre projet établit le chemin de fer en tranchée dans le lit de la Senne rectifié, avec des quais. Je ne patronne pas plus l'un que l'autre, ne l'oubliez pas, et dès lors, je soutiens que le tunnel n'est pas décidé. J'accepte néanmoins l'objection, soit. Il est des gens qui répugnent aux tunnels. Mais l'honorable ministre est convenu lui-même que les craintes étaient puériles ; qu'elles ne pouvaient troubler que ceux qui ne voyagent jamais en chemin de fer. Sans, doute, il y a des gens qui craignent les tunnels, et c'est pour ces esprits timorés que dans les petits manuels que possèdent tous les Anglais en voyage, dans le Bradshaw et dans le Guide Murray, je vois inscrits en tête des indicateurs des chemins de fer les mots no tunnels. Mais il y a tout autant de gens peureux qui redoutent les chemins de fer eux-mêmes, qui préfèrent les diligences, les pataches et les voitures de poste. Faut-il cesser de construire des railways pour les rassure ! ?
A part ces exceptions, médiocrement intéressantes, je croîs que les populations, en général, s'accoutument très facilement aux tunnels et je vais en fournir une preuve bien concluante à M. le ministre des travaux publics.
L'honorable ministre prétend qu'alors que l'on peut éviter un tunnel et passer par une voie à ciel ouvert, on n'y manque jamais, dût-on aller à pied. M. le ministre doit connaître cependant Paris au moins aussi bien que moi. Il doit avoir vu, les dimanches et les jours de fêtes, la population de Paris se rendre en foule au bois de Boulogne et par chemin de fer.
Eh bien, le chemin de fer qui conduit de Paris au bois de Boulogne n'est-il pas en quelque sorte une suite de tunnels, enfilés les uns aux autres comme des grains de chapelet et séparés de temps en temps par de courts passages en tranchée ? Et cependant la population parisienne afflue au bois de Boulogne, sans la moindre crainte, sans qu'aucune inquiétude altère le plaisir qu'elle éprouve d’aller respirer l'air pur de la campagne.
Pourtant la concurrence parallèle d’une foule d'omnibus, des véhicules de toute sorte qui circulent dans Paris, voire même de chemin de fer américain est là, au service des esprits craintifs. Elle est délaissée ; les tunnels n'effrayent plus.
Enfin, on oublie toujours, en traitant cette question, un autre intérêt grave, et je crois qu'on le fait un peu par habileté, - je ne veux pas dire par calcul, - on ne s'occupe que de la population de Bruxelles. On se préoccupe très peu du surplus des voyageurs. Or, pour moi, l'intérêt engagé le plus important est celui des voyageurs belges et internationaux venant du midi de la Belgique pour se diriger vers la Hollande le plus rapidement et le plus économiquement possible, sans rompre charge à Bruxelles.
Tel n'est pas, paraît-il, l'avis de nos contradicteurs. Au point de vue bruxellois, d'après M. le ministre, il faudrait s'arranger de manière à contraindre les voyageurs à séjourner à Bruxelles bon gré, mal gré, sans leur permettre de traverser.
Messieurs, si cette politique en matière de chemin de fer est la bonne, pourquoi ne le mettre en usage qu'à Bruxelles ; pourquoi ne pas arrêter à Mons, par exemple, au premier pas sur notre sol, les voyageurs qui viennent de la Fiance ? Pourquoi ne pas les condamner à y passer vingt-quatre heures avant de repartir; de même à Liège, qui vient de Prusse ? De cette manière, du moins, le système serait pratiqué avec une apparence d'équité sur toute la surface du pays, et au profit égal de toutes nos villes !
Je ne m'arrête pas à cette considération peu sérieuse.
On ajoute : « Vous n'aurez plus, vous n'avez plus de voyageurs internationaux ; je les cherche en vain, je ne les vois pas ; ils sont insaisissables. »
M. Le Hardy de Beaulieu interrompait ici en s'écriant : Vous ne direz plus cela dans dix ans. Et cet honorable membre avait raison.
Messieurs, quoi qu'il advienne de l'avenir de nos chemins de fer, il est tout au mous incontestable, dans l'état actuel des choses que le transit par Bruxelles restera la ligne la plus courte pour se rendre de Pars à Amsterdam ; elle restera également la ligne la plus courte pour les voyageurs venant de Calais et se dirigeant vers le nord de l'Allemagne.
Voilà tout au moins deux transits que nous conserverons et ils ne sont pas à dédaigner. Quant à Paris, M. le ministre des travaux publics, je vois dans l’avenir une petite ligne de chemin de fer qui pourrait bien donner au transit par Bruxelles pour les voyageurs se rendant de Paris vers la Hollande, une supériorité définitivement incontestable ; je veux parler de la ligne dont la concession est demandée, se rattachant vers Maubeuge à la ligne française du Nord et se dirigeant directement par Binche et Bruxelles.
Que cette ligne se fasse et vous aurez de Bruxelles par Maubeuge la ligne la plus courte qu'il soit possible d'imaginer vers Paris.
Du reste, je demanderai à M. le ministre des travaux publics, si tous ces raccordements sont si médiocrement utiles aux voyageurs du pays et aux voyageurs en transit, quel intérêt légitime a pu déterminer ses prédécesseurs à concéder une jonction directe entre Bruxelles et Gand par Alost et pourquoi M. le ministre actuel, et je l'en remercie loin de l'en blâmer, nous a dotés d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ?
Enfin, si le système que nous préconisons aujourd'hui ne méritait pas les sacrifices du trésor, pourquoi aurait-on décrété le chemin de fer de Hal à Ath ?
Maintenant, on prétend qu'en règle ce que nous proposons ne peut pas se faire. Les concessions, en principe, dans le genre de celle que demandent les trente-trois signataires de l'amendement sont, dit-on, une vieillerie que la Chambre a pratiquée quelquefois, mais qu'elle a abandonnée depuis ; c'est vouloir restaurer là quelque chose qui a fait son temps, que l'expérience a condamné.
J'admets, messieurs, que des concessions en principe ne doivent pas être admises comme telle ; je suis, sous ce rapport, de l'avis de M. le ministre des travaux publics. Mais quand une concession comme celle dont il s'agit ne peut se réaliser qu'à la condition de combiner cette entrepiise avec d'autres, avec l'assainissement de la Senne cette fois ; quand surtout elle réclame le concours d'autres autorisés que l'Etat et qui ne peuvent parler qu'après lui ; quand elle exige des négociations dans lesquelles la Chambre n'a pas à intervenir, je comprends parfaitement et j’admets l'utilité exceptionnelle d'une concession en principe.
Or, messieurs, telle est bien notre situation. L'œuvre dont nous entretenons la Chambre ne peut s'exécuter qu'avec le concours de l’Etat, de la province, de la capitale et d'autres communes encore. Il importe, par conséquent, que le principe soit adopté pour qu'on puisse utilement entamer les négociations qui jusque-là manqueront de base.
On nous dit : A quoi servira une telle concession accordée en principe ? Il n'y a aujourd'hui qu'un seul demandeur en concession et celui-ci ne nous convient pas.
Messieurs, je suis très étonné qu'un demandeur en concession se soit même aventuré à faire une proposition quelconque au gouvernement, en présence de l'accueil que M. le ministre des travaux publics a toujours fait à l'idée d'une jonction directe à travers Bruxelles.
Tous les hommes qui se connaissent en matière de travaux publics et la spéculation ont dû se dire : A quoi bon perdre notre temps, notre peine et notre argent a étudier, à proposer des projets qui sont repoussés à priori ?
Mais que le principe soit décidé par la Chambre, malgré les bureaux, et vous verrez immédiatement affluer les demandeurs sérieux.
Il y a de plus à considérer ceci au point de vue financier. Si le chemin de fer de raccordement ne se fait point par l’intérieur de Bruxelles, il est inconciliable avec les projets de travaux publics d'intérêt communal que la ville de Bruxelles entend exécuter dans l’hypothèse de la jonction intérieure, travaux pour lesquels Bruxelles offrira des avantages qui se combineront avec ceux attachés à la concession par le gouvernement, travaux auxquels elle devra nécessairement renoncer si le gouvernement n'adopte pas le principe de la jonction intérieure.
Enfin M. le ministre nous a dit en terminant : Prenez garde à l’immense pouvoir qu'on veut remettre entre mes mains ! On veut me donner un blanc-seing qui me permettrait d’accorder la concession à telles conditions que je jugerais convenables, qu'il en résulte pour le trésor un sacrifice de 20, 30, 100 millions peu importe ! les pouvoirs qu'on veut m'accorder vont jusque-là.
Evidemment, messieurs, la Chambre ne songe jamais à donner un blanc-seing à quelqu'un qui n'aurait aucune espèce de responsabilité morale ou politique. Si la Chambre donnait un blanc-seing qui permettrait d’accorder une concession sans avoir aucun compte à rendre, ce serait évidemment une mesure dangereuse. En supposant que la Chambre remette un blanc-seing entre les mains d’un homme qui n’aurait ni sagesse, ni intelligence pour en faire usage, sans doute, le blanc-seing offrirait un grave danger ; mais quand nous nous trouvons en présence (page 1213) d’un ministre qui, après la concession, viendra nous rendre compte de ce qu'il a fait ; d'un ministre qui est moralement responsable envers l’opinion publique, et légalement, politiquement, responsable envers la Chambre, lorsque nous avons surtout affaire à un homme honnête et intelligent, nous ne devons pas craindre de lui remettre un blanc-seing qui, du reste, est beaucoup plus déterminé que M. le ministre des travaux pulpes ne le croit, puisque, s'il voulait en abuser ou faire des folies, il lui faudrait la complicité de la ville de Bruxelles, de la province de Brabant et d'autres autorités encore, acceptant de se ruiner avec l’Etat.
Au surplus, je n'insiste pas, et je veux rassurer tout le monde.
Si M. le ministre des travaux publics, pour le motif que je viens de discuter, voit de l'inconvénient à adopter l'amendement des 33, je lui propose une transaction, la voici. Je me déclarerai satisfait, et je crois que les honorables cosignataires de l'amendement le sont aussi, si M. le ministre des travaux publics accepte tout simplement l'autorisation d'accorder une concession en principe, sous la condition que quand il aura trouvé à traiter avec des concessionnaires, la province, la ville de Bruxelles, et le reste, il n'exécutera la convention qu'après avoir demandé et obtenu la sanction de la législature.
(page 1207) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, il est bien entendu, d'après les discours des honorables MM. Couvreur et Orts, qu'il s'agit de décréter un principe. Seulement l'honorable M. Couvreur a été moins explicite que l'honorable M. Orts.
Je dois déclarer que je ne suis pas du tout d'accord avec l'honorable M. Orts.
L'honorable M. Couvreur a parlé constamment d'une jonction directe (interruption), si l'on vent, du principe d'une jonction directe ; mais la jonction directe est accordée par l'amendement de la section centrale ; s'il ne s'agissait que de la jonction directe, sans le concours du trésor, nous serions d'accord ; j'avais commencé par déclarer que je ne m'opposais pas à l'amendement de la section centrale, que je m'y ralliais.
Il ne s'agit donc pas dans le sous-amendement à l'amendement de la section centrale de décréter purement et simplement le principe de la jonction directe ; car, dans cette hypothèse, tous les arguments qu'on fait valoir, qu'on regarde comme décisifs et qui le sont si peu à mon sens, tous ers arguments n'ont pas de valeur ; ils sont à côté de la question ; ils sont inutiles. Mais le principe qu'on veut faire prévaloir par le sous-amendement, c'est que le trésor intervienne dans la dépenses.
Or, messieurs, encore une fois, c'est là un principe éminemment dangereux ; et avant d'adopter ce sous-amendement, vous avez à voir si vous voulez abdiquer votre contrôle, sur l'emploi des fonds du trésor public.
L'honorable M. Orts nous dit qu'on aura toute garantie dans la responsabilité du ministre (et pour autant qu'il parle de mon successeur), dans son intelligence et sa sollicitude pour les intérêts publics.
Messieurs, nous avons eu l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre, il y a quelques jours, un projet de loi ayant pour objet de ratifier la convention passée avec le Grand-Central au sujet du mode de liquider la garantie d'intérêt accordée à la ligne de l'Entre-Sambre-et-Meuse absorbée par le Grand-Central ; par l'article 2 de ce projet de loi, nous avons demandé l'autorisation de passer des conventions analogues, dans des circonstances analogues. L'autorisation que sollicitait le gouvernement était donc circonscrite dans des limites extrêmement restreintes et bien déterminées.
Eh bien, quel accueil a été fait provisoirement à l'article 2 ?
La section centrale qui a examiné le projet de loi a rejeté cet article, émettant l'avis que l’autorisation demandée à priori par le gouvernement de conclure des convenions analogues dans des cas identiques était un acte exorbitant.
Notre intention est de nous rallier à la proposition de rejet de la section centrale, proposition que la section centrale a adoptée à l'unanimité moins une voix.
Voici comment l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu justifia le rejet de l'article 2 du projet de loi. Ce que dit l'honorable rapporteur à ce sujet est tellement remarquable, trouve si heureusement son application daus le cas actuel, que je demande à la Chambre la permission de lui lire une partie du rapport :
« La Chambre des Représentants a, d'après le texte formel, comme d'après l'esprit de la Constitution, la garde et la responsabilité de tout ce qui concerne les engagements financiers de l'Etat. C'est elle qui a seule l'initiative du vote de l'impôt et des dépenses publiques ; sans son concours aucun engagement, pouvant entraîner une charge pour les contribuables même par traité avec une puissance étrangère, ne peut être valide. Dans le cas qui nous occupe, c'est la Chambre des représentants qui, dans un intérêt public, a voté, en faveur de certaines sociétés concessionnaires de travaux publics, les garanties du minimum d'intérêt.
« Ce que propose le gouvernement dans l'article 2 du projet de loi, c'est que la Chambre se dessaisisse de son pouvoir pour donner une espèce de blanc-seing à l'administration (c'est absolument ce que demandait tout à l'heure pour l'administration l'honorable M. Orts), avec pleins pouvoirs de modifier, changer, aggraver, peut-être, des charges que la Chambre seule peut concéder et que par conséquent seule aussi elle peut modifier.
« La section ne met nullement en doute le ferme désir de l'administration d'obtenir en faveur du public et des contribuables les conditions (page 1208) les plus favorables, encore moins l'habileté, dont elle a donné maintes preuves, d'obtenir ces conditions ; mais la Chambre a une prérogative précieuse à sauvegarder, celle de conserver intacts les pouvoirs qu'elle tient de son mandat et de la Constitution. Elle a aussi des devoirs à remplir tant envers la nation qu'elle représente qu'envers les particuliers qui ont traité sous sa garantie et avec la conviction qu'on ne pouvait jamais modifier les clauses de leurs conventions sans l'intervention ni le contrôle de la représentation nationale.
« Il est d'ailleurs utile et de bonne règle que l'administration aussi bien que les particuliers aient dans ces matières, comme dans les contestations civiles, une sorte de degré d'appel où l'on puisse aplanir les différends, tempérer les prétentions trop exclussivs, détruire au besoin des engagements pris d'une façon trop absolue ou sous une pression illégitime. Les concessionnaires, comme les contribuables, ont droit de pouvoir compter sur la haute et impartiale protection de la législature et celle-ci ne peut déserter ce devoir en abdiquant entre les mains du pouvoir exécutif. »
Et tout cela, messieurs, à l'occasion d'un simple mode de liquidation, d'une affaire que le gouvernement, dnns son opinion, pouvait demander à prendre sons sa responsabilité, puisque c'était en réalité une matière purement administrative.
Et voudriez-vous aujourd'hui, en suivant l'honorable M. Orts, abdiquer votre prérogative et abandonner au gouvernement le droit d’engager le trésor public d'une manière illimitée ? Cela n'est pas possible.
L'honorable M. Orts me dit : « Je vous offre une transaction ; engagez-vous, lorsque vous aurez mis à exécution le principe que nous aurons décrété, engagez-vous à soumettre à la sanction de la législature les conditions auxquelles vous aurez traité. »
Mais, messieurs, dans ce cas, quel est l'objet de l'amendement ? Il me semble que les lois ne décrètent pas des principes abstraits, théoriques, que les lois sont faites pour réaliser des principes, pour conclure des affaires. Si vous vous décidiez à décréter des principes, les lois prendraient une singulière tournure...
M. Coomans. - Il faut que nous y voyions clair avant tout.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Eh bien, pour que vous y voyiez clair, je vous engage à y regarder à deux fois.
M. Coomans. - Et même à trois fois.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Et même à trois fois.
Messieurs, il est une objection à laquelle j'ai négligé de répondre et à laquelle je tiens à répondre ; parce que cette objection qui, à mes yeux, n'en est pas une, s'est produite sous toutes les formes depuis qu'elle a surgi.
On dit : Vous refusez de faire à Bruxelles ce que vous faites à Liège.
Eh bien, voyons ce que nous faisons à Liège, et voyons si ce que nous faisons à Liège a la moindre ressemblance avec ce que vous voulez faire à Bruxelles.
A Liège, nous avons obligatoirement, aux termes d'une convention qui est tellement formelle dans ses expressions, dans sa portée, que si nous étions attaqués en justice, nous serions condamnés sur les bancs, nous avons, dis-je, à construire une station centrale, une station intérieure.
Nous avons fait cette convention ; la ville de Liège en a payé d'avance l'exécution, car elle a acquis son droit au prix d'une intervention pécuniaire considérable. Depuis 15 ans, depuis 1851, cette convention reste inexécutée.
Nous avons donc, à Liège, à remplir une obligation que nous n'avons pas à Bruxelles, mais c'est là le côté très accessoire.
Nous voulons relier, à Liège, le chemin de fer de l'Etat au chemin de fer Limbourgeois ; nous faisons, à la même occasion, la station intérieure.
On ne peut relier ainsi la station des Guillemins qui est la station du chemin de fer de l'Etat, avec la station de Vivegnis qui est la station du chemin de fer limbourgeois, qu'en s'établissant d'un côté ou de l'autre de la Meuse. Or, d'un côté ou de l'autre, on a à faire la même dépense. On a six millions à dépenser qu'on se mette à droite ou à gauche.
Nous nous établissons à gauche, parce que nous satisfaisons ainsi à cette obligation, à cette nécessité conventuelle d'avoir une station intérieure à Liège.
Mais quel rapport cela a-t-il avec ce qu'on demande pour Bruxelles.
Il ne s'agit pas à Bruxelles de dépenser 6 millions pour remplir une obligation formelle. Il s'agit de dépenser au minimum 15 à 20 millions, et si un jour la chose se fait, vous verrez que j'ai raison dans mon évaluation de la dépense. De l'avis de tout la monde, d'ailleurs, le raccordement intérieur ne dispense pas de la nécessité de faire le raccordement extérieur, c'est-à-dire que nous aurions à dépenser, pour le tout, au moins 20 à 25 millions.
Et quand je dis 20 à 25 millions, nous avons calculé de la manière la plus précise que la subvention que nous demandait la société Keller pour la réalisation de son projet, emportait pour le trésor une dépense de 23 millions.
Cela ferait donc bien près de 30 millions ensemble.
M. Coomans. - Sans la queue.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Sans la queue. Est-ce que nous proposons de dépenser 30 millions à Liège ?
Vous voyez donc bien qu'il n'y a pas la moindre analogie.
L'honorable M. Couvreur est revenu sur les exemples qu'on peut prendre à l'étranger. Il a cité Birmingham et Glascow. On y a construit des chemins de fer souterrains et même on les a placés sous des canaux.
Mais, messieurs, que demande le gouvernement ? C'est que, si l'on veut à Bruxelles une jonction directe, on y fasse ce qu'on a fait à Birmingham et à Glascow ; c'est que des compagnies se chargent de la construction.
M. le Hardy de Beaulieuµ. - Abandonnez alors les chemins de fer de l'Etat à des compagnies. (Interruption.)
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Voilà donc quelque chose qui commence à s'éclaircir. Nous sommes tous d'accord que si l'on veut faire à Bruxelles comme à Birmingham et à Glasgow, le gouvernement accède.
M. le Hardy de Beaulieuµ. - Ce sont les compagnies exploitant les chemins de fer qui ont construit les jonctions.
M. Couvreurµ. - Je tiens à constater que ce sont les compagnies exploitant les aboutissants qui ont trouvé un intérêt à faire les jonctions à travers les villes, malgré la dépense considérable qui en résultait. C'est un argument qui s'applique à Bruxelles. Le gouvernement, exploitant les aboutissants, trouvera aussi son intérêt à faire la traversée à travers Bruxelles.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - La plupart des chemins de fer de la nature de celui dont il s'agit ici sont faits par des compagnies indépendantes. Cela ruine votre argumentation, et la question est de savoir si les compagnies anglaises auraient établi des raccordements spéciaux là où, comme à Bruxelles, on aurait eu un raccordement extérieur.
Par conséquent dans aucun sens l'argument n'a de valeur.
M. de Brouckere. - Ce sont des raccordements en partie double.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - L'honorable M. Orts est revenu sur la question du transit, et il a cité le transit d'Amsterdam à Paris et le transit de Calais vers l'Allemagne.
Quant au transit de Calais vers l'Allemagne, j'avais répondu d'avance, en citant, parmi diverses demandes en concession, une demande qui ne rencontre pas d'opposition sérieuse, le raccourcissement de Hal à Landen.
Quant au transit d'Amsterdam à Paris, il est inexact de prétendre que la ligne de Bruxelles présenterait le trajet le plus court. La ligne la plus courte sera celle d'Anvers à Douai, dont la concession a été accordée et dont l'exécution va être commencée.
M. Orts. - Et combien y aura-t-il de changements de convoi ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Pas un, si l'on veut.
L'honorable membre me demande : N'y atl-il pas les mêmes raisons en faveur non pas de la concession, mais de la construction de la jonction directe, qu'en faveur de la ligne directe de Bruxelles à Gand, ou sur Louvain, ou de raccourcissement entre Hal et Ath ?
Non, messieurs, il n'y a pas les mêmes raisons. Ainsi, par la ligne directe de Bruxelles à Gand, on reliait aux chemins de fer un centraetrès important, la ville d'Alost. Mais il y a plus, le raccourcissement sur Gand est de 5 à 6 lieues, tandis que le raccourcissement de la jonction directe sur la jonction indirecte, sur la jonction extérieure, est de 3,500 mètres seulement.
La question qui se présente est donc celle-ci, faut-il faire pour 3,500 mètres, pour une forte demi-lieue, ce qu'on a fait pour cinq à six lieues ? Cette question n'en est pas une.
Messieurs, la discussion a donné au second amendement une portée qui, je crois, n'était pas dans l'intention même de ses auteurs lorsqu'il a été proposé. Si j'ai été bien renseigné par des signataires de cet amendement, il a été présenté dans la supposition erronée que le gouvernement ne se ralliait pas à l'amendement de la section centrale, qu'il a eu pour but de faciliter une solution et une entente entre le gouvernement et les partisans d'une jonction directe.
(page 1209) Je viens de déclarer, au contraire, que le gouvernement se ralliait à l'amendement de la section centrale et cette circonstance, me semble-t-il, est de nature à éloigner du second amendement beaucoup de signataires.
D'après des informations qui m'ont été données, si la plupart des signataires avaient su que le gouvernement se ralliait à l'amendement de la section centrale, le second amendement n'aurait pas surgi.
M. Hymans. - Cela dépend de la manière dont vous vous y ralliez.
M. Orts. - Si vous vous y ralliez pour rire et en déclarant que l'opération est détestable...
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - ans mon opinion, oui ; mais si les concessionnaires ont une autre opinion, ils ne sont pas obligés d'adopter ma manière de voir. Nous avons concédé beaucoup de chemins de fer qui, à mon sens, ne constituaient pas une bonne opération financière. J'ai eu la loyauté d'en prévenir les demandeurs en concession. Je pourrais citer des faits. J'ai agi de même dans la circonstance présente. Mais les demandeurs en concession apprécieront. C'est en définitive à eux et aux bailleurs de fonds qui se joindront à eux à apprécier l'opération qu'ils veulent entreprendre.
Par conséquent ma manière de voir n'est absolument pour rien dans la réussite de cette affaire.
MpVµ. - M. Orts a proposé un sous-amendement qui consiste à ajouter le paragraphe suivant à la proposition des 33 membres :
« La convention sera soumise à la ratification des Chambres. »
M. Funckµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer la disposition additionnelle proposée par la section centrale et amendée par 33 membres de la Chambre. La plupart des raisons qui militent en faveur de cet amendement ont été parfaitement développées dans le rapport de la section centrale ; celles qui militent en faveur de la modification proposée l'ont été suffisamment par les orateurs qui m'ont précédé, pour que je puisse m'abstenir d'y revenir ; je ne parlerai donc pas, messieurs, de l'intérêt qu'a la ville de Bruxelles à voir adopter cet amendement ; je rappellerai seulement qu'au point de vue de l'intérêt national, de l'intérêt du pays tout entier, il est indispensable que la solution de continuité qui existe entre les deux tronçons de notre réseau national disparaisse.
Mais, messieurs, je dois répondre à une objection de M. le ministre des travaux publics, objection qui m'a paru faire quelque impression sur vos esprits. M. le ministre des travaux publies nous a dit : Le projet de jonction directe est impossible ; il ne s'est présenté jusqu'à présent aucun concessionnaire sérieux et ceux qui se sont présentés ont posé des conditions impossibles ; la preuve, c'est qu'on en est arrivé, moyennant le prélèvement de 25 centimes par voyageur, à demander une somme d'environ 700,000 fr. par année qu représente un capital de 14 milllions, ou bien si le gouvernement faisait lui-même la jonction directe, à dépenser 23 millions. Eh bien, messieurs, je ne puis admettre ces chiffres. Il est constant pour moi que si le gouvernement veut faire par lui-même la jonction la dépense ne serait pas de 23 millions.
Il est incontestable aussi que si des conditions inacceptables ont été posées à M. le ministre des travaux publics par certains demandeurs en concession, c'est parce que M. le ministre avait imposé d'avance des conditions inacceptables.
Voici ce qu'il a toujours déclaré : « Nous sommes prêts à donner la concession, mais c'est à la condition expresse que votre chemin de fer de jonction ne viendra pas rejoindre nos stations, car pour sortir directement de nos stations, il faudra les creuser. »
Or, messieurs, dans ces conditions la jonction perd tout le fruit qu'on pourrait en attendra. Pour que la jonction directe soit utile et réalisable, il faudrait que les convois se dirigeant vers le Midi pussent se former à la station du Nord, prendre ensuite les voyageurs à la station centrale, puis gagner la station du Midi, et continuer leur route sur la ligne ; il faudrait aussi que les convois se dirigeant vers le Nord pussent se former à la station du Midi, puis prendre les voyageurs à la station centrale, et enfin se rendre à la station du Nord pour continuer leur route. Voilà dans quelles conditions le chemin de fer de jonction serait réellement utile ;, niais vous voulez en faire un espèce de ligne d'omnibus, vous voulez concéder une ligne courbe ou une ligne de rebrousseraient ; ce qui est rendre la jonction directe absolument impossible, parce que dans ces conditions, les voyageurs devraient changer deux fois de convois.
C'est pour cala que yous n'avez pas trouvé de concessionnaire avec lequel vous puissiez vous mettre d'accord.
On nous reproche, messieurs, d'avoir beaucoup de souci des voyageurs qui passent en transit, mais il s'agit aussi de l'intérêt des voyageurs qui arrivent à Bruxelles, soit de la province, soit de l'étranger. Il est incontestable que quelle que soit la façon dont on cherche à colorer l'opinion défendue par M. le ministre des travaux publics, si vous n'avez que la seule jonction extra-muros, vous aurez un état de choses qui sera aussi contraire aux intérêts de la ville de Bruxelles qu'à l'intérêt des voyageurs.
Je crois donc, messieurs, que la pensée qui domine M. le ministre àos travaux est désastreuse pour Bruxelles et désastreuse pour l'intérêt national. Le système défendu par M. le ministre des travaux publics a pour conséquence inévitable de porter, dans un avenir peu éloigné, la station centrale à Molenbeek-Saint-Jean, aux Etangs noirs, et c'est là une conséquence contre laquelle je protesterai toujours énergiquement.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je vais fournir en deux mots, messieurs, un renseignement. L'honorable M. Funck, se rendant encore l'écho d'une accusation qui a été dirigée contre moi, vous dit que j'ai posé des conditions inacceptables ; eh bien, messieurs, voici les conditions, ou plutôt la seule condition que j'ai posée pour la concession pure et simple : c'est qu'oa maintiendrait les stations actuelles du Nord et du Midi, l'exploitation continuant de s'y faire à niveau.
J'ai réclamé cela parce que, à mon sens et par les raisons que j'ai données dans mon premier discours, l'importance du nombre des voyageurs qui continueront à fréquenter les stations extérieures, exige le maintien de ces stations dans de bonnes conditions d'exploitation.
Mais la prétention des demandeurs en concession, c'est de supprimer indirectement ou même directement les stations du Nord et du Midi. (Interruption.)
Messieurs, ne protestons pas et prenons les choses telles qu'elles sont. D'après une première indication des demandeurs en concession, il s'agissait de construire un simple chemin de fer de transbordement.
C'est-à dire, comme le qualifie avec beaucoup de justesse l'honorable M. Funck, d'organiser une sorte de service d'omnibus par voie ferrée intérieure et souterraine ; mais, comme on le disait hier, l'appétit vient en mangeant, et comme l'examen plus attentif de l'affaire a fait sans doute reconnaître aux demandeurs qu'il pourrait bien y avoir des omnibus et pas de voyagcurs, attendu que la population de Bruxelles n'est pas assez dense, on a changé de système et l'on a demandé à l'Etat (c'est la seule prétention contre laquelle j'aie réagi), d'abaisser le niveau intérieur des stations actuelles du Nord et du Midi de 4 à 5 mètres.
On a soutenu plus tard, à tort, je le démontrerai s'il le faut, que cet abaissement de niveau pouvait être réduit à 3 m 60. C'est une erreur, il faut en réalité l'abaisser de 4 m 50.
J'ai trouvé que c'était là un acte déplorable.
M. Orts. - Vous allez le faire à Molenbeek. La station est en contrebas de 5 mètres.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - J'ai trouvé que modifier de la sorte un état de choses existant, et cela sans nécessité, était un véritable acte de vandalisme, en constatant d'ailleurs, avec l'honorable M. Orts et avec l'honorable M. Funck, que Bruxelles n'avait pas le droit de décider seule cette question qui intéresse le pays tout entier, par la raison que le pays envoie beaucoup plus de voyageurs à Bruxelles que Bruxelles n'en envoie dans le pays.
Les Gantois, les Brugeois, les Liégeois sont beaucoup plus intéressés dans la question du raccordement des stations à Bruxelles que les habitants de Bruxelles même.
Eh bien, messieurs, je pense qu'il n'y aurait qu'un cri de blâme dans tout le pays si l'on commettait un pareil acte.
Je le répète, c'est la seule condition pour laquelle je résiste aux concessionnaires.
Quand je leur offre la concession pure et simple et qu'on répond que c'est là une condition impossible, je réponds que cela prouverait une seule chose, c'est que ce qui est impossible, c'est précisément ce que l'on demande.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! la clôture !
MpVµ. - La clôture est demandée.
M. Coomans (sur la clôture). - Messieurs, nous avons eu à nous occuper de très peu de problèmes aussi délicats, aussi difficiles, aussi graves que celui qui nous est soumis aujourd'hui.
M. de Naeyer. - C'est positif.
(page 1210) M. Coomans. - Et puisque les honorables signataires de l'amendement insistent, il est, je crois, impossible qu'on élève la prétention de nous faire voter sans examen suffisant. Je démontrerai en deux mots que l'amendement est inacceptable et je demande la parole pendant cinq minutes.
(page 1213) M. Hymans. - Messieurs, si le problème qui nous occupe est grave, s'il est un des plus importants qui puissent être soulevés dans cette Chambre, à coup sûr on ne s'en douterait guère à la dernière déclaration de M. le ministre de« travaux publics. Tout le problème se réduit au maintien du niveau ds deux stations ; l'impossibilité d'abaisser le niveau des stations est l'objection irrévocable que l'administration oppose aux projets qu'on lui soumit.
Ce serait commettre un acte de vandalisme que de supprimer les stations du Nord et du Midi. Mais il n'en est pas question aujourd'hui. On en a parlé peut-être il y a quelques années, dans un projet quia été complètement transformé depuis. Ou a voulu un instant faire de la station da Nord une bourse et de la station du Midi un palais des beaux-arts, mais cette proposition n'était pas sérieuse, elle n'a pas été maintenue, elle n'a jamais été soumise au gouvernement.
Ce que l'on demande aujourd'hui, c'est l'abaissement du niveau des stations et pas autre chose, et, dans la dernière brochure qui nous a été distribuée, on démontre comment cet abaissement peut s'opérer de la manière la plus simple, et comment, au lieu de compliquer le service, il le faciliterait.
Je ne comprends pas, du reste, quelle objection formidable il peut y avoir à ce que les voyageurs montent ou descendent dans une station. Les stations de ce penre sont-elles donc introuvables ? Mais il en existe dans la plupart des villes de l'Europe ; à Bruxelles, la station du Luxembourg...
M. Allard. - Cela n'est pas agréable.
M. Hymans. - Il n'est pas agréable non plus de monter un escalier pour arriver à la Chambre et cependant on y vient. Je trouve singulier que l'on ait une si vive répugnance à monter ou descendre quelques marches pour se mettre en voyage ; on dirait vraiment qu'on ne descend jamais d'escalier chez soi.
Ce n’est pas là un argument sérieux. Il l'est d'autant moins que l'inconvénient que l'on redoute existera tout d'abord dans la station que le gouvernement se propose de construire à Molenbeek-Saint-Jean. Le raccordement extérieur sera à certains endroits à plus de 8 mètres au-dessus du niveau des chaussées qu'il traverse, à certains autres, à 5 mètres au-dessus, et les voyageurs devront monter pour entrer dans la nouvelle station centrale. Dès lors, pourquoi ne pourraient-ils descendre dans la stations du Nord et du Midi ?
D'ailleurs, j'allais l'oublier, le dernier projet soumis au gouvernement ne renferme plus d'escaliers ; les marches ont été remplacées pas des rampes qui n'ont qu'une inclinaison insignifiante de 48 millimètres par mètre.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - D après les concessionnaires.
M. Hymans. - Admettons qu'au lieu de 48 millimètres il y en ait 50, je ne crois pas que cela change beaucoup la situation ; pour moi, du reste, un escalier même ne serait pas un obstacle.
Je ne m’effraye pas non plus des tunnels dans lesquels on dit que la population devra s'engloutir. En réalité, ce ne sont pas des tunnels qu'il est question de construire à Bruxelles. Il s’agit d'ouvrir une tranchée, d'y construire uu chemin de fer, ce que M. le ministre ne considère pas comme impossible, et de la recouvrir d'un plafond, de manière à doter la ville d'un boulevard central. (Interruption) Vous aurez un chemin de fer voûté comme Paris possède un canal voûté, dont l'aérage et l'éclairage n'ont jamais présenté la moindre diflficulté.
M. le ministre nous dit qu'on ne se résigne à traverser les chemins de fer souterrains que lorsqu’il y a nécessité absolue. N'est-il pas permis de lui répondre que pour traverser una capitale en chemin de fer, il est nécessaire de prendre la voie souterraine ?
MfFOµ. - Ce n'est pas un souterrain.
M. Hymans. - Ce n'est pas un souterrain, dit l’honorable ministre des finances ; M. le ministre des travaux publics trouve que c'en est un, si redoutable qu'on ne voudra pas y entrer.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - C'est un égout.
M. Coomans. - C'est un tuyau, c'est une buse.
M. Hymans. - Ce sera tout ce que vous voudrez, égout, tunnel ou tuyau, mais ce sera moins coûteux à établir, moins long à traverser, moins obscur et mieux aéré que les trois tunnels qui vont passer dans la ville de Liége, et que nous avons votés sans une observation ; et puisque vous avez posé la question sur ce terrain, permettez-moi de faire une petite comparaison entre ce qu'on fait à Liége et ce qu'on ne veut pas faire à Bruxelles. D'abord vous ne contesterez pas qu'à Liège la difficulté ne soit plus grande, puisqu'il y faut percer des tunnels, tandis qu'à Bruxelles on travaillera dans une tranchée ouverte.
Vous admettrez encore que les terrains sont, en général, plus consi tants à Liège qu'à Bruxelles.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Heureusement.
M. Hymans. - ... Et puis vous risquez, en traversant souterrainement, à Liège, le faubourg Saint-Gilles et le Mont-Saint-Martin, de rencontrer d'anciens travaux de mines aujourd'hui abandonnés et ignorés. (Interruption.) C'est une opinion fort accréditée à Liège...
M. Mullerµ. - Je le nie ; il n'y a personne à Liège qui ait cette opinion.
M. Hymans. - Il n'y a personne à Liège non plus qui professe un grand enthousiasme pour ce travail.
M. Mullerµ. - Parlez pour Bruxelles, mais abstenez-vous de traduire l'opinion de Liége.
M. Hymans. - Je signale des faits ; l'avenir prouvera si j'ai tort ou raison.
Nous avons voté le chemin de fer de Liège sans faire une seule observation, mais puisque le gouvernement lui-même met aujourd'hui la question sur ce terrain, j'ai bien le droit de l'y suivre. Vous ne pouvez nier que l'on établit à Liège un chemin de fer souterrain qui sera plus long que celui que l'on demande à construire à Bruxelles. Vous ne prétendrez pas, d'autre part, que ce chemin de fer présente le caractère d'intérêt général qu'a celui de Bruxelles.
L'intérêt général n'est pas en jeu à Liège.
M. Mullerµ. - Et le chemin de fer de Hollande vers la France.
M. Hymans. - Il n'y a pas à Liège de lacune à combler pour faciliter les relations internationales. (Interruption.)
La prospérité du railway national n'a rien à gagner à ce que la ligne de l'Etat soit reliés par un tunnel passant sous la ville de Liège, au chemin de fer concédé de Tongres, sur lequel, il n'y a pas huit jours, on nous disait qu'on ne rencontrait pas de voyageurs. Cependant je ne combats point les travaux à exécuter à Liége ; aucun de nous n'y a fait d'opposition. S'ils ont une importance moins grande que ceux que nous désirons pour Bruxelles, nous les considérons cependant comme utiles ; mais il doit bien m'être permis de tirer argument de la difficulté de cette entreprise pour justifier celle que je défends et qui intéresse à un bien plus haut point le commerce et l'industrie.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots encore. Les chemins de fer souterrains passant sous les villes ne sont certainement pas une innovation.
L'honorable M. Couvreur vous a cité des faits précis d'où il résulte qu'en Angleterre, et ailleurs qu'à Londres, des compagnies ont dépensé des sommes colossales pour établir des stations centrales auxquelles le chemin de fer aboutit en souterrain ; ce système est admis et appliqué à grands frais, depuis longtemps, dans la plupart des grandes villes d'Angleterre et d'Ecosse. Je vous citerai Liverpool, Birmingham, Edimbourg, Glasgow.
A Manchester et à Newcastle le chemin de fer traverse la ville sur un viaduc. Ces avantages de la pénétration des chemins de fer dans les villes sont du reste démontrés depuis longtemps, et j'en ai sous les yeux la preuve (page 1214) dans un travail remarquable de M. de Busompierre, ingénieur en chef des ponts et chaussées de France et ingénieur principal des chemins de fer de l'Est.
Ce travail répond de la façon la plus péremptoire à tout ce que l'honorable ministre des travaux publics a pu dire de la différence qui existe entre les intérêts anglais et les intérêts belges au point de vue de la jonction des chemins de fer.
Le gouvernement soutient une thèse que je ne comprends pas, que le pays entier regrettera de le voir défendre : il prend son parti avec la plus philosophique résignation d'un mal que nous voulons guérir. Nous demandons que le gouvernement s'efforce de ramener sur les lignes de l'Etat et sur Bruxelles le mouvement international. Il nous adresse cette réponse désespérante : C'est impossible, même avec une jonction directe. Je ne comprends pas une pareille résignation. N'est-il pas évident que lorsque la communication de Louvain à Bruxelles sera directe, lorsque le chemin de fer de Hai à Ath sera terminé, la ligne la plus courte de Louvain à Lille sera celle qui passera par Bruxelles, Hal, Ath et Tournai, et que les voyageurs ne consentiront à aller par Malines, Gand et Mouscron que pour éviter le transbordement à Bruxelles ?
J'en conclus que tous les arrondissements que traverse la grande ligne internationale de l'ouest à l'est sont directement intéressés à la jonction des chemins de fer à travers Bruxelles, et puisque M. Bara sourit, je lui ferai observer que le succès de ma thèse augmenterait considérablement l'importance de la station de Tournai, dont il désire le déplacement. Nous pouvons reconquérir aussi bien le transit entre le nord et le midi, entre la Hollande et Paris.
Ainsi le trajet d'Anvers à Paris par le Grand Central est de 390 kilomètres ; par Bruxelles, Mons et Hautmont, il n'est que de 360 kilomètres ; cependant aujourd'hui on préfère le premier au second à cause du transbordement à Bruxelles. Qu'on exécute la jonction directe et ce mouvement reviendra sur la ligne de l'Etat passant par Bruxelles. (Interruption.) Vous me répondez que la jonction indirectement directe ou directement indirecte résout en partie cette question. Mais si elle la résout pour les relations internationales, c'est au détriment des relations intérieures, au détriment de la capitale, l'honorable M. Funck vous l'a parfaitement démontré.
L'honorable ministre des travaux publics nous a dit, avant hier, à propos du raccordement extérieur, que les convois venant d'Anvers se dirigeraient directement sur la station du Midi, où débarqueraient les voyageurs en destination de Bruxelles. Ces voyageurs feront inutilement un détour de 3,700 mètres, et les voyageurs de troisième classe, à qui M. le ministre porte un si vif intérêt, seront obligés de regagner à pied, de Saint-Gilles, le centre de Bruxelles ; à moins qu'il ne leur permette de débarquer à Molenbeek-Saint-Jean.
En deux mots, on débarquera à la station du Midi les voyageurs venant de la ligne du Nord, à la station du Nord les voyageurs venant de la ligne du Midi, les uns perdront quatre kilomètres, les autres cinq, à moins qu'ils ne débarquent à Molenbeek.
Et on prétendra sérieusement après cela que les intérêts de la ville de Bruxelles ne sont pas sacrifiés ! Mais, messieurs, s'il n'y avait pas un intérêt sérieux pour Bruxelles à l’établissement d'une station centrale, pourquoi donc, il y a 10 ans déjà, alors que les inconvénients étaient moins grands, la station du Midi moins éloignée, la concurrence des chemins de fer concédés moins redoutable, pourquoi alors s'est-il produit ce grand mouvement dans la capitale en faveur de la thèse que nous défendons ? Une association s'est formée à cette époque, à la tête de laquelle se trouvaient les hommes les plus considérables de la capitale, les chefs de nos plus grands établissements financiers, sans compter la plupart des députés de Bruxelles, des conseillers communaux, des membres du collège échevinal. Cette association ne parvint pas à son but parce qu'à cette époque il n'existait aucun projet communal, parce que la question de la suppression des octrois n'était point résolue.
Relisez les discussions qui ont eu lieu en 1856 au conseil communal de Bruxelles et vous verrez qu'un argument qu'on opposait à la jonction intérieure c'était l'existence de l'octroi, les vexations qu'il ferait subir aux voyageurs traversant Bruxelles. Aujourd'hui, cette objection a disparu, grâce à l'administration actuelle. Mais elle était puissante à cette époque. Après avoir en vain lutté contre des obstacles de tout genre, l'association doit se dissoudre, non sans avoir obtenu du conseil communal un vœu en faveur du principe qu'elle avait voulu faire prévaloir ; car elle ne défendait qu'un principe ; elle ne patronnait spécialement aucun projet, et le jour de sa dissolution elle consignait dans un acte que j'ai sous les yeux « son adhésion énergique à tout projet de raccordement des deux stations à travers la ville, par n'importe quel système, pourvu qu'il y eut une station, un point d'arrêt au centre de la capitale. »
La pièce dont j'extrais ce passage est signée de M. Guillery, notre collègue, qui partageait les fonctions de secrétaire du comité avec le bourgmestre actuel de la capitale, M. Anspach. Parmi les membres protecteurs de cette association, figuraient nos collègues actuels, MM. Funck, Vleminckx, Le Hardy de Beau lieu, de Rongé, Fortamps, Hanssens-Hap et Pirson, notre ancien collègue. En un mot tout ce qu'il y avait à Bruxelles d'hommes influents et s'intéressant à la prospérité de la capitale s'associait à ce mouvement. Et l'on aurait fait tant d'efforts à Bruxelles pendant plusieurs années pour agir contre un intérêt bruxellois ! Messieurs, cela n'est pas admissible.
Aujourd'hui comme alors, on a répandu dans la population des erreurs et des hérésies que je ne relèverais pas dans cette enceinte. Si l'on venait nous dire, dans des pétitions, que la jonction directe ferait de Bruxelles une simple ville de transit, qu'on passerait sous la ville et que, par conséquent, on ne la verrait pas, qu'elle serait perdue, abandonnée, ruinée !
Mais si Bruxelles est laissé de côté, n'est-ce pas plutôt par le projet du gouvernement et n'est-il pas admis aujourd’hui sans contestation que plus on donne de facilités aux voyageurs, plus on les attire. Qu'on amène les voyageurs au centre de Bruxelles, qu'on leur donne toutes les facilités possibles pour leurs affaires, et on en augmentera nécessairement le nombre.
Dans l'intérêt de la ville comme dans l'intérêt de l'Etat, nous devons donc insister, messieurs, pour que l'un des deux amendements soit adopté et de préférence celui des 33 membres de cette Chambre, car nous ne pouvons pas considérer comme sérieuse l'adhésion que M, le ministre des travaux publics donne à l'amendement de la section centrale, après les commentaires dont il l'a accompagnée.
(page 1210) - Voix diverses. - La clôture !
- D'autres voix. - A mardi !
M. de Naeyer (contre la clôture). - Je crois, messieurs, que je n'ai pas abusé de la parole dans cette longue discussion qui dure depuis trois semaines sur le projet de travaux publics, mais, comme étant un des signataires de l'amendement et me proposant de traiter la question à un autre point de vue que celui où se sont placés les orateurs qui ont été entendus jusqu'ici, je crois que la Chambre voudra bien me permettre de développer les motifs qui ont déterminé ma conduite en cette circonstance.
- Voix nombreuses. - A mardi !
- D'autres voix. - Non ! non ! Continuons.
- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.
La Chambre remet ensuite à mardi, à deux heures, la suite de la discussion.
MpVµ. - M. Crombez, obligé de s'absenter, demande un congé.
- Accordé.
La séance est levée à 4 heures et un quart.