(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 1177) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Henri Willems, boulanger à Bruxelles, né à Haamsdonck (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le conseil communal de Péruwelz présente des observations contre le projet de loi qui accorde à la société du Haut et Bas-Flénu la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Frameries. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion.
« L'administration communale de Braine-l'Alleud demande l'érection d'une justice de paix dans cette commune. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Godin, Burnonville, Grégoire et autres membres du comité de l'association libérale constitutionnelle de Huy présentent des observations sur les projets de loi relatifs aux fraudes en matière électorale et aux étrangers. »
M. Giroulµ. - Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.
- Cette proposition est adoptée.
« Par messages en date du 14 juin 1865, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné sonn adhésion aux projets de loi :
1° Relatif aux délits commis par les ministres hors de l'exercice de leurs fonctions.
2° Portant érection de la commune de Hoevenen.
3° Contenant le budget de la dette publique pour l'exercice 1866.
4° Concernant les réclamations en matière d'application des lois sur es contributions directes. »
« Par 19 messages en date du 13 juin 1865, le Sénat informe la Chambre qu'il a pris en considération autant de demandes de naturalisation ordinaire. »
« Par message du 15 juin, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi conférant la grande naturalisation au sieur J.-Hubert Van Aken, docteur en droit, à Liège. »
- Pris pour notification.
M. de Kerchoveµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné la demande de crédits supplémentaires au budget de l’intérieur pour l'exercice 1865. »
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et le met à la suite de l'ordre du jour.
MpVµ. - La discussion est ouverte sur le paragraphe 18 de l'article premier.
(page 1178) « § 18. Travaux nouveaux, savoir :
« 1° Raccordement entre les stations du Nord et du Midi à Bruxelles : fr. 5,000,000.
« 2° Raccordement entre les stations des Guillemins et Vivegnis, à Liège : fr. 5,000,000.
« 3° Installation pour le service des établissements maritimes, à Anvers : fr. 4,000,000.
« 4° Chemin de fer de ceinture à Gand : fr. 4,000,000.
« 5° Raccordement de la station d'Ostende au nouveau quai des bateaux à vapeur : fr. 600,000.
« 6° Jonction des voies en dehors de la station de Verviers : fr. 300,000.
« Total : fr. 18,900,000. »
(page 1185) M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour présenter quelques observations sur le projet de raccordement des stations du Nord et du Midi, ou plutôt sur la nécessité d'établir sans délai une jonction entre les réseaux du Nord et du Midi de la Belgique.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Il s'agit de la jonction extérieure.
M. le Hardy de Beaulieuµ. - De la jonction extérieure et de la jonction intérieure.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - La question de la jonction extérieure se présentera plus convenablement à propos de l'amendement de la section centrale.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Les deux choses se lient d'assez près pour que je puisse parler incidemment du raccordement intérieur en parlant du raccordement extérieur.
MpVµ. - Si vos observations peuvent se rattacher à l'amendement présenté, vous pourriez prendre la parole lorsque nous arriverons à cet amendement.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Mes observations se rattachent directement à l'article en discussion.
Je ne pourrai éviter de parler de la jonction directe et de la station centrale ; mais je n'en ferai pas l'objet principal de mon discours.
Messieurs, je dois d'abord faire remarquer le sans-façon et la légèreté avec lesquels les commissions irresponsables traitent les objets de la plus haute importance pour des populations aussi nombreuses, aussi riches et qui ont tant besoin d'une bonne administration, que celle de la capitale de la Belgique.
Voici, messieurs, un extrait du rapport qui a fait ajourner jusqu'aujourd'hui, c'est-à-dire jusqu'en 1865, le raccordement entre les lignes du Nord et du Midi de la Belgique :
« Une station centrale qui relierait les lignes de l'Etat serait sans grande utilité, et les sacrifices que son établissement imposerait dépasseraient de beaucoup les avantages qu'on en retirerait. Une semblable station devrait, en effet, s'étendre sur une très grande superficie. La station du Nord, qui, dit-on, est déjà insuffisante, comprend trois hectares cinquante ares ; supposons que, pour réunir le service des deux stations, il ne faille ajouter qu'un hectare et demi, la station centrale devrait comprendre cinq hectares, et l'acquisition de cinq hectares dans le centre de la ville, la démolition des bâtiments qui s'y trouvent, sans compter l'acquisition des terrains et la démolition des bâtiments qui se trouvent sur toute la ligne, depuis la station du Midi jusqu'à la porte de Cologne, entraîneraient une dépense à laquelle aucune autorité en Belgique ne consentira à se soumettre. D'un autre côté, les inconvénients qui peuvent résulter de la solution de continuité existante entre les lignes de l'Etat peuvent être évités par un raccordement extérieur qui relierait la ligne du Midi avec celle de l'Etat à celle du Nord, comme nous le verrons plus loin. »
Si donc je parle de la jonction directe, c'est que l'exposé des motifs m'y convie dès la première phrase. Je ne saurais donc faire autrement puisque cet exposé appelle la discussion sur ce point.
Je continue la citation :
« Quant à l’intérêt de la capitale, nous n’avons pas pensé qu’il fût engagé dans le débat, si ce n’est ce qui touche le raccordement qui passe sur une partie de ses boulevards et qu’elle doit désirer voir disparaître ; hors de là, il est impossible de dire ce que Bruxelles peut gagner à l’établissement d'une station centrale. »
Je passe quelques paragraphes :
« Le gouvernement adopta entièrement cette manière de voir et fit étudier, avec beaucoup de soin, les plans d’un raccordement extérieur.3
D’où il résulte que le gouvernement a été encore d’avis qu’il n'était pas utile pour la ville de Bruxelles d'avoir une jonction directe et une station centre ; qu'il est plus utile pour la capitale que les deux stations soient raccordées par une voie extérieure, c’est-à-dire que Bruxelles, d'après les idées du gouvernement, est comme une sirène qui veut attirer les étrangers sur ses rivages et si, comme Ulysse, ils s’y refusent et se font lier aux mâts des waggons, on leur dit : Vous ne verrez pas la belle sirène, vous passerez au loin dans les champs ou bien, mieux encore on veut les faire passer sous la ville afin qu'en aucun cas ils ne puissent l’apercevoir. Voilà, dans sa simplicité, la belle combinaison à laquelle le gouvernement s'est arrêté.
Messieurs, je dis qu'une jonction de chemin de fer extérieure est utile et nécessaire, et voici pourquoi : c'est qu'une ville de l'importance de Bruxelles ne peut pas vivre uniquement des ressources que lui procurent les rentiers qui viennent s'y établir et qu'elle doit forcément devenir industrielle, sous peine de dépérir.
Or, la jonction extérieure des chemins de fer doit avoir pour objet principal de rapprocher les établissements industriels qui se forment naturellement sur le pourtour des grandes villes, des moyens de transport pour leur approvisionnement et pour l'écoulement économique de leurs produits.
Ces lignes de ceinture ne peuvent jamais être des voies de transit rapide pour les voyageurs parce qu'elles sont toujours encombrées et dangereuses. Elles doivent en effet être sans cesse couvertes de waggons de marchandises venant des usines ou s'y rendant ; les jonctions extérieures qui existent en Angleterre, en France et ailleurs sont partout des voies industrielles qui servent à faciliter les transports des usines qui s'établissent autour des grandes villes. Nulle part elles n'ont une autre destination.
Les jonctions intérieures, au contraire, sont faites pour les relations commerciales des populations des grands centres de l'intérieur avec l'extérieur. Il est donc nécessaire de les mettre au centre, afin d'y concentrer le mouvement et d'épargner ainsi aux hommes d'affaire et de travail, le temps, qui est aussi de l'argent, comme nous le savons tous.
Une station centrale à Bruxelles doit faire l'office, à peu près, du cœur dans la circulation du sang.
Il faut que les trains venant de toutes les parties de la Belgique puissent y arriver à certaines heures et, s'y arrêtant quelques instants, permettre aux voyageurs de choisir leur direction s'ils doivent traverser Bruxelles ou de s'y rencontrer sans difficulté s'ils doivent y traiter des affaires, tandis que, si le système excentrique du gouvernement l'emportait, ils ne pourraient se rencontrer qu'après une perte de temps considérable pour aller d'une extrémité de la ville à l'autre et qu'ils préféreront naturellement se rencontrer chez l'un d'eux plutôt que de se donner rendez-vous au centre.
Depuis 20 ans, les compagnies en Angleterre ont établi, dans les villes un peu importantes, des stations au centre même de l'agglomération. Or, les compagnies sont, je pense, les meilleurs juges de leurs intérêts ; elles ne sont pas, comme l'Etat, les représentants des intérêts généraux.
Elles ne disent cependant pas comme le gouvernement, ou plutôt comme la commission, que ces travaux sont hors de proportion avec les profils que l'on doit en tirer. Car la plupart des jonctions intérieures, à Londres particulièrement, produisent des dividendes tellement élevés qu'une foule des projets se sont produits et se produisent encore chaque jour pour profiter de ces avantages.
Or, il est bien évident que si ces travaux à l'intérieur des villes n'avaient pas été assez productifs pour les actionnaires et pour ceux qui les ont exécutés, on ne les aurait pas multipliés comme on le fait encore tous les jours.
Mais à Bruxelles, la position est toute différent ! ; à Bruxelles, c'est l'Etat seul qui exploite les chemins de fer ; à Bruxelles, une station est commandée non seulement par les intérêts spéciaux de la ville, mais aussi par les intérêts généraux du pays, qui sont représentés par l'Etat comme exploitant des chemins de fer. Aussi, messieurs, je suis très étonné de voir la solution à laquelle est arrivé le gouvernement.
Si je suis bien informé, le gouvernement est prêt à concéder un chemin de fer de jonction directe à travers la ville.
Il me semble que, comme propriétaire et exploitant du réseau national, ce serait à l’Etat de faire la jonction directe et intérieure et qu'il devrait plutôt concéder le raccordement extérieur, qui est d'un intérêt purement industriel et local, qui ne fournira que des services semblables à ceux qui se font sur le chemin qui relie la station du Luxembourg et celle du Nord. Le service y est si rapide que si l'on part de la station du Luxembourg à pied, on peut arriver à la station du Nord en même temps que le train qui unit ces deux stations.
Il en sera forcément de même pour les autres raccordements extérieure, Sous le rapport de l'économie de temps qui est l'un des grands, pour ne pas dire le principal objet de la création des chemins, tes raccordements extérieurs ne donneront donc aucune satisfaction, tandis que le raccordement direct par la voie la plus courte donnera tous tes résultats que l'on est en droit d'attendre d'une communication rapide et concentrique.
Le rapport que j'ai cité plus haut a prétendu, messieurs, qu'il faudrait, pour établir une station centrale, un immense terrain qu'on évalue à 5 hectares.
(page 1186) J'ai vu bien des stations centrales desservant des lignes plus importantes que celle de l'Etat, beaucoup plus importantes même que toute les lignes qui y aboutissent ; ces stations suffisaient amplement au service avec une étendue de moins d'un hectare : par la raison que ce n'est pas dans les stations centrales que se font le mouvement de marchandises et la manœuvre des trains ; ces stations constituent de véritables haltes où l'on ne reçoit que des voyageurs, des petites marchandises et où les mouvements ne sont jamais compliqués.
Le complément du réseau national exige donc impérieusement, dans son propre intérêt d'abord, dans l'intérêt de la ville ensuite et dans celui du pays entier, la jonction la plus directe et la construction d'une station la plus centrale possible ; non dans les proportions indiquées dans l'extrait que viens de lire, mais dans les proportions utiles pour le service qu'elle doit rendre ; il faut de plus une jonction extérieure placée de façon à rendre les services industriels que la population de Bruxelles et des faubourgs est en droit de réclamer. Voilà les principes sur lesquels ces grands travaux doivent être faits. La jonction extérieure ne doit pas être établie de manière à faire le service des voyageurs transitant à travers la ville, mais simplement le service particulier des voyageurs qui peuvent avoir besoin de venir de la circonférence vers le centre ou d'y retourner.
(page 1178) M. Hymans. - Je crois qu'il est très utile et très possible de ne pas confondre dans la même discussion l'article sur lequel l'honorable préopinant vient de prendre la parole et l'amendement de la section centrale sous-amendé par 32 membres de cette Chambre et relatif à une jonction directe des lignes du Nord et du Midi à travers Bruxelles.
Je suis partisan, avec l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, d'une jonction directe à travers Bruxelles, mais cela ne m'empêche pas de considérer comme un très grand bienfait pour l'agglomération bruxelloise, pour toutes les communes suburbaines de l'ouest de Bruxelles, le raccordement extérieur qui nous est proposé et que le gouvernement nous propose surtout comme un chemin de fer de ceinture, comme un chemin de fer industriel, comme un chemin de fer de banlieue, bien plus que comme un chemin de fer de jonction direct et internationale ; et le gouvernement en raisonnant ainsi est parfaitement logique.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'ai lu les explications données.
M. Hymans. - Vous avez lu une partie des explications données ; mais vous n'avez pas tout lu, et si vous aviez tout lu, vous auriez rencontré plusieurs passages dans lesquels le gouvernement représente le raccordement extérieur comme un chemin de fer industriel et de banlieue ; et j'allais dire, au moment où vous m'avez interrompu, qu'en cela le gouvernement était parfaitement logique, car il n'admet pas l'utilité absolue de la jonction directe comme nous l'entendons. Si le gouvernement se rallie à l'amendement de la section centrale ou à celui que nous avons déposé, et j'espère qu'il s'y ralliera, ce sera dans l'intérêt de la capitale, afin de parvenir à combiner la jonction directe des deux stations avec l'assainissement de la Senne. C'est sur ce point que nous avons l'intention de porter le débat, et nous croyons en cela rendre un immense service à la capitale et à toute l'agglomération bruxelloise, tandis que nous croirions rendre un détestable service à l'arrondissement que nous avons l'honneur de représenter dans cette enceinte, si, pour faire prévaloir le principe d'une jonction directe, nous allions repousser un chemin de fer de ceinture, un chemin de fer de banlieue qui deviendra une source de richesse et de prospérité pour la capitale.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Vous ai-je dit le contraire ?
M. Hymans. - Mais il me semble que vous avez combattu la jonction extérieure.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je n'en ai pas dit un seul mot.
M. Hymans. - Pourquoi avez-vous parlé alors ?
Vous avez dit qu'il fallait une jonction directe à travers Bruxelles.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Et qu'il fallait une voie industrielle autour de Bruxelles.
M. Hymans. - Le seul point sur lequel nous différons alors en celui-ci : d'après vous, le gouvernement aurait dû faire la jonction directe à ses frais et concéder le chemin de fer de banlieue à une compagnie.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Cela eût été plus naturel.
M. Hymans. - Eh bien, si le gouvernement veut faire le chemin de fer direct à ses frais et concéder le chemin de fer de banlieue à une compagnie, je me déclarerai parfaitement satisfait. Cela coupe court a toute discussion.
Le gouvernement est libre de consacrer la somme que nous lui accordons au raccordement le meilleur. Mais encore une fois je ne veux pas qu'on puisse supposer un seul instant que ceux qui ont proposé un amendement tendant à établir une jonction directe à travers Bruxelles, ont voulu enlever à la capitale l'immense avantage du chemin de fer de ceinture et de banlieue. Et puisque je considère ce chemin de fer comme ayant surtout un caractère industriel, je reproduirai ici les observations que j'ai eu l'honneur de faire, avec très peu de succès, je l'avoue, dans la section centrale.
J'ai émis l'opinion qu'il y aurait un grand avantage, pour les communes suburbaines de l'ouest de Bruxelles, à éloigner le tracé du chemin de fer qui nous est proposé ; et si le gouvernement n'a pas arrêté jusqu'à présent d'une manière irrévocable sa résolution, je lui serais très reconnaissant, et je pense que les populations au nom desquelles je parle, le seront également s'il veut éloigner quelque peu le tracé qu'il propose.
On nous propose de placer une station de voyageurs et de marchandises à Molenbeek-Saint-Jean.
Le conseil communal de cette localité a adressé des remerciements au gouvernement pour le cadeau qu'il fait à la commune. Je ne veux pas enlever à la commune de Molenbeek-Saint-Jean les avantages que cette station doit lui procurer.
Mais si tout en maintenant la station à l'endroit oh on veut la placer, on pouvait reculer la ligne, de manière à contourner, d'un côté, la commune de Koekelberg, de l'autre, celle d’Anderlecht, on rendrait un immense service à ces deux communes... (Interruption.)
« C'est allonger la route, » me dit l'honorable ministre des travaux publics. Qu'importe ! du moment qu'il ne s'agit que d'un chemin de fer de banlieue, d'un chemin de fer industriel, plus nous allongerons la route, plus nous rendrons service aux populations que nous voulons desservir.
Il est vrai qu'il faudra faire des dépenses un peu plus considérables de construction ; mais la dépense sera moins grande du chef du prix des terrains qu'il y aura lieu d'acheter et qui seront beaucoup moins chers, à une plus grande distance de Bruxelles.
Il est évident que des établissements industriels trouveront plus de facilité à venir se placer dans le voisinage d'un chemin de fer traversant des terrains encore vagues, que dans le voisinage d'un chemin de fer qui s'établirait en quelque sorte parallèlement à la capitale et au sein même de l'agglomération qu'il empêcherait en même temps de se développer.
Si les frais d'exploitation, d'un autre côté, sont un peu plus considérables, il est évident que le gouvernement se remboursera largement de ce surcroît de dépenses par la recette que lui procurera le mouvement des voyageurs et des marchandises entre les établissements industriels et la capitale.
J'appuie donc de toutes mes forces l'article sur lequel l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu vient de présenter ses observations ; cela ne m'empêche pas de réserver complètement mon opinion en ce qui concerne le principe de la jonction directe, parce que je considère ce raccordement extérieur comme un chemin de fer industriel.
M. Couvreurµ. - Messieurs, je crois qu'il y a un malentendu entre l'honorable M. Hymans et l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. L'honorable M. Le Hardy n'a nullement combattu la jonction extérieure ; il a précisé les caractères des deux jonctions ; il a dit que la jonction extérieure était destinée à un service industriel, tandis que la jonction intérieure devait avoir pour objet d'assurer à la ville de Bruxelles le transit des voyageurs et du trafic local.
Je suis grand partisan du raccordement extérieur, et il est loin de ma pensée de vouloir priver la commune de Molenbeek-Saint-Jean du bénéfice qu'elle attend du chemin de fer et de la station projetée sur son territoire extérieur ; mais nous aurons à discuter à la fin du projet de loi un amendement qui tend à autoriser le gouvernement à concéder la construction d'un chemin de fer direct à travers la ville de Bruxelles. Or, je ne voudrais pas que lorsque nous aborderons la discussion de cet amendement, M. le ministre pût s'armer du vote que nous allons émettre en faveur du raccordement extérieur, pour déclarer le raccordement intérieur complètement inutile.
Si je fais cette observation, c'est que dans l'exposé des motifs le raccordement extérieur par Molenbeek-Saint-Jean est présenté comme un raccordement destiné à assurer le service entre les deux stations du Nord et du Midi, à l'exclusion de tout autre moyen de jonction. Ce raccordement extérieur est à la fois pour l'administration qui le propose un chemin de fer industriel et un chemin de fer de grand transit international.
Cela résulte de l'exposé des motifs. Il combat la jonction intérieure ; il la déclare inutile. D'où l'on peut tirer la conclusion que lorsque l'administration aura établi le raccordement extérieur, tel qu'il est indiqué sur les plans, elle ne fera entrer dans les stations intérieures du Nord et du Midi que les voyageurs qui seront spécialement à destination de Bruxelles ; mais que tous les grands trains internationaux s'arrêteront à la station des Etangs noirs. Cette station deviendra la véritable station centrale de Bruxelles, si toutefois l'on peut appeler station centrale une station qui sera située tout à fait à l'extrémité de l'agglomération bruxelloise.
Voilà ce qui ressort de l'exposé des motifs. Or, je dis que si nous (page 1179) devions aboutir à ce résultat de transporter à Molenbeek-Saint-Jean le grand Mouvement international et toute la circulation qui se fait aujourd'hui i la station du Nord et à la station du Midi, nous nuirions d'une façon considérable aux intérêts de toutes les communes qui composent la capitale.
Le chemin de fer extérieur doit rester un chemin de fer industriel. La jonction directe, qu'elle se construise par les soins du gouvernement ou par une compagnie particulière, doit devenir la grande voie internationale pour tous les voyageurs qui ont à s'arrêter à Bruxelles, ou qui doivent traverser cette ville ; elle doit se combiner et elle peut se combiner avec l'assainissement de la Senne. Nous discuterons ce point lorsque nous arriverons à l'amendement. Pour le moment, ce que je demande, c'est que l'on ne nous oppose pas notre vote sur le paragraphe en discussion, lorsque nous aborderons l'examen de l'amendement déposé en faveur de la jonction directe.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - On semble d'accord pour reculer jusqu'au moment où l'on s'occupera de l'amendement de la section centrale et de l'amendement proposé par un grand nombre de membres de cette Chambre, la discussion relative a la jonction directe, à la jonction intérieure. J'attendrai donc jusque-là pour répondre aux observations qui ont été présentées sur ce point par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
Au sujet du raccordement extérieur qui est seul en cause ici, j'ai à donner quelques renseignements aux honorables membres qui viennent de prendre la parole.
Le principe de cette jonction n'étant pas contesté, je n'ai pas à le défendre. Mais le mode d'exécution est contesté pour autant qu'il s'agirait d'admettre définitivement le tracé qui est à l'état d'avant-projet.
L'honorable M. Hymans se prononce en faveur d'un raccordement plus éloigné. Je ne pense pas qu'il y ait des motifs de quelque valeur en faveur de cet éloignement.
Je trouve même une étrange contradiction à venir plaider en même temps l'éloignement du raccordement extérieur et la construction d'un raccordement intérieur. On veut un raccordement intérieur pour avantager une partie de la population de Bruxelles. L'on peut, sans inconvénient, au contraire de ce qui se présente pour le raccordement intérieur, mettre le raccordement extérieur à la portée immédiate des populations de communes suburbaines qui constituent de véritables villes, et l'on insiste pour éloigner ce raccordement. Je trouve cela, je le répète, une étrange contradiction.
M. Hymans. - C'est tout le contraire.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Comment ! c'est tout le contraire ? Précisons les choses. On veut en réalité rapprocher le raccordement extérieur d'une commune moins importante qu'on appelle Koekelberg en l'éloignant d'une autre commune, qui est une grande ville et qu'on appelle Molenbeek-Saint-Jean. Je trouve que cela n'est ni raisonnable ni logique.
On dit que le raccordement extérieur sera une ligne purement industrielle. Mais si vous allongez de 3, 4 ou 5 kilomètres cette ligne industrielle, vous surtaxez dans des proportions assez notables toutes les marchandises qui circulent entre le midi d'un côté, l'ouest, le nord et l'est de l'autre. N'est-ce pas là un inconvénient des plus graves qui résulterait de l'idée préconisée par l'honorable M. Hymans ?
Mais il y a plus.
De quel droit dit-on que le raccordement extérieur est un simple raccordement industriel ?
Aux yeux des honorables membres qui argumentent en faveur du raccordement intérieur, qui croient que c'est une idée pratique, qui sont persuadés que le raccordement intérieur se fera pour autant que le gouvernement n'y mette pas obstacle (et le gouvernement n'y met pas obstacle, comme je l'expliquerai plus tard), cette opinion peut être défendable. Mais si d'aventure, comme je le pense, et je dirai plus tard pourquoi, le raccordement intérieur ne se fait pas, le raccordement extérieur ne sera pas simplement une ligne industrielle, ce sera définitivement la seule voie de jonction entre le Midi d'une part et le Nord et l'Est d'autre part.
Messieurs, cela peut arriver ; nous discuterons ce point lorsque nous arriverons à la question du raccordement intérieur ; et si cela arrivait, en effet, il est bien certain que l'on se repentirait d'avoir éloigné le raccordement extérieur.
J'ai entendu faire une autre objection, j'ai entendu que l'on craignait que le raccordement extérieur ne formât barrage comme le chemin de fer du Luxembourg et même le chemin de fer de l'Etat, dans quelques-unes de nos grandes voies de communication.
Messieurs, c'est là une crainte chimérique, la ligne du Luxembourg, par exemple, dans la rue Montoyer, étant établie à niveau, forme en effet barrage, comme la ligne du Nord forme barrage dans plusieurs rues qui la traversent au faubourg de Cologne. Mais on a établi cet état de choses dans un temps primitif. Depuis lors, on a fait école et personne ne s’imagine aujourd'hui qu'on laisserait construire des chemins de fer dans les mêmes conditions.
Il s'agit de construire le raccordement extérieur dans des conditions toutes différentes, et d'après l’avant-projet qui a été dressé, toutes les rues passent au-dessus ou au-dessous du chemin de fer.
Il n'y a donc plus de barrage à craindre ; si l'avant-projet qui m'est soumis n'est pas adopté, c'est qu'on voudra encore l'améliorer à ce point de vue.
II ne s'agit donc pas d'établir la ligne extérieure de raccordement dans les conditions où se trouve établie la ligne du Luxembourg. Je le répète, les rues passeront au-dessus ou au-dessous du chemin de fer.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Ce ne sera plus un chemin de fer industriel alors.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Ce sera un chemin de fer parfaitement industriel, répondant à toutes les exigences d'une bonne exploitation.
Cette objection n'existe donc pas et je suis heureux d'avoir l'occasion, de le déclarer.
L'honorable M. Couvreur a élevé une autre objection, dont je tiens à dire également un mot.
Se plaçant dans cette hypothèse, qui est pour moi une probabilité, où, le raccordement intérieur ne se ferait pas, il admet que le transit devrait se faire par le raccordement extérieur. Il dit que dans ce cas les grands trains, les trains de vitesse, les trains en transit, n'entreront, dans aucune des stations de Bruxelles, s'arrêteront un instant à Molenbeek-Saint-Jean, et que la station de Molenbeek-Saint-Jean deviendra ainsi, par le fait, la véritable station centrale de Bruxelles.
Messieurs, j'avoue, au risque de froisser un peu les honorables membres, que je ne trouverais pas cela une énormité, si la station de Molenbeek-Saint-Jean n'est pas plus éloignée, par exemple, du centre de la ville que la station du Nord, que la station du Midi. Eh bien, je le répète, je ne vois pas ce qu'il y aurait d'extrêmement fâcheux à ce que les habitants de Bruxelles débarquassent à la station de Molenbeek-Saint-Jean comme ils débarquent aujourd'hui à la station du Midi ou à la station du Nord.
Mais à quoi répond cette crainte de l'honorable membre ? A une indication donnée par le gouvernement à la section centrale. Voici comment on s'est imaginé que le service de transit pourrait se faire en l'absence d'une jonction centrale : on a pensé qu'un convoi d'Anvers portant des voyageurs pour le Midi, se rendrait d'abord à la station du Nord, qu'il ferait un détour par le raccordement extérieur et se rendrait ensuite à la station du Midi, et on a dit :
Vous faites faire aux voyageurs un détour de deux lieues. Eh bien, messieurs, les choses ne se passeront pas ainsi ; on peut faire passer ce convoi d'Anvers directement sur la voie de raccordement, sur Molenbeek-Saint-Jean et sur la ligne du Midi ; dans cette hypothèse, au lieu de faire faire aux voyageurs un détour de deux lieues on ne leur ferait faire qu'un détour de 1,600 mètres ; de cette manière le raccordement extérieur répondrait parfaitement aux divers besoins qu'il doit desservir.
En fait, messieurs, voici comment les choses se passeront : le convoi venant d'Anvers prendrait des voyageurs à la station de Laeken et se dirigerait sur la station du Midi, où débarqueraient les voyageurs en destination de Bruxelles, L'inconvénient qu'il y aurait, selon M. Couvreur, à voir Molenbeek-Saint-Jean doté d'une station centrale, cet inconvénient serait donc évité.
Dans cette dernière combinaison, il y aurait un détour de 3,700 mètres, ce qui est infiniment plus supportable qu'un détour de 2 lieues.
M. Hymans. - Je ne puis pas admettre, messieurs, qu'il y ait une étrange contradiction à demander qu'on éloigne le raccordement extérieur alors qu'on demande la jonction directe ; c'est précisément parce que je suis partisan de la jonction directe, que je demande l'éloignement du raccordement extra-muros.
J'espère voir le raccordement extérieur rendre tous les services d'un chemin de fer de banlieue, d'un chemin de fer industriel, et je désire qu'il rapporte la plus grande somme de bénéfices possible aux populations qu'il est appelé à desservir.
M. le ministre des travaux publics se récrie contre cet argument qu'il faudrait rapprocher le chemin de fer de petites communes qui s'appellent Anderlecht et Koekelberg, en l'éloignant d'une commune importante et très industrielle qui s'appelle Molenbeek-St-Jean.
(page 1180) J'ai déclaré, messieurs, que je ne voulais pas priver Molenbeek-Saint-Jean de la station qu'on se propose d’y établir ; je désire beaucoup qu’elle soit maintenue, mais je crois qu'il est facile, tout en laissant la station où elle est et en laissant à la commune de Molenbeek-Saint-Jean les avantages qu'on veut lui accorder, d'éloigner la ligne des deux côtés de la station et de la rapprocher des communes d'Anderlecht et de Koekelberg.
Le gouvernement aurait tort de se priver des recettes qui peuvent en résulter. M. le ministre des travaux publics dit que ce serait allonger le parcours et surtaxer l'industrie : je répondrai : Avant de prétendre que c'est surtaxer l'industrie, commencez par lui permettre de s'établir. Or, les établissements industriels se créeront beaucoup plus facilement là où les terrains sont à bon marché que là où les terrains sont chers. D'un autre côté, M. le ministre des travaux publics sait très bien que le tracé proposé coûtera plus cher que celui que je propose. Le prix du terrain sera beaucoup plus élevé et comme on ne passe pas à niveau, comme on passe tantôt au-dessous, tantôt au-dessus des rues, il faudra faire un grand nombre de travaux d'art pour le raccordement des communications dans l'avenir.
Je tiens encore une fois, messieurs, comme l'honorable M. Couvreur, à faire mes réserves en faveur de la jonction directe, et je n'admets pas qu'on puisse venir me reprocher une inconséquence parce que, tout en la préconisant, je demande l'éloignement du raccordement extérieur. Je crois qu'il serait difficile d'être plus logique.
M. Funckµ. - Je ne vous cache pas, messieurs, que les paroles que vient de prononcer M. le ministre des travaux publics me font une impression pénible ; il en résulte, en effet, pour moi que, dans sa pensée, la jonction à travers Bruxelles ne serait plus que d'un intérêt secondaire ; il en résulte, pour moi que non seulement dans l'intérêt de Bruxelles mais aussi dans l'intérêt de tous les voyageurs de la province et de l'étranger, la jonction directe peut être, selon M. le ministre, abandonnée sans inconvénient.
Il dit, en effet, qu'il ne voit pas grand inconvénient à éloigner la station de Bruxelles et à la placer à Molenbeek-Saint-Jean. Quant à moi je déclare que j'y vois un très grand inconvénient, mais je ne pense pas que ce soit le moment de discuter cette question de la jonction centrale. Je dois cependant faire mes réserves et je déclare que je ne puis en aucune façon admettre l'opinion que M. le ministre vient d'exprimer.
Nous examinerons plus tard la question de la jonction centrale.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - A propos de la surtaxe dont on frapperait les marchandises par le raccordement extérieur, l'honorable M. Hymans ne m'a pas compris.
J'ai parlé de la surtaxe qui grèverait les marchandises en transit, lesquelles sont considérables.
« § 18 Travaux nouveaux, savoir :
« 1° Raccordement entre les stations du Nord et du Midi à Bruxelles : fr. 5,000,000. »
- Adopté.
« 2° Raccordement entre les stations des Guillemins et Vivegnis, à Liège : fr. 5,000,000. »
- Adopté.
« 3° Installations pour le service des établissements maritimes à Anvers : fr. 4,000,000. »
M. Delaetµ. - Si je prends la parole au n°3 du paragraphe 18, ce n'est pas qu'Anvers entende réclamer pour le moment quoi que ce soit de plus dans le gâteau de 60 millions que l'on va distribuer. Cependant le chiffre de 4 millions indiqué pour travaux à faire par le gouvernement au chemin de fer à Anvers est évidemment insuffisant. Nulle part le chemin de fer n'a un plus mauvais outillage qu'à la station d'Anvers où certainement le trafic est des plus actifs et des plus étendus. Il existe à Anvers une station de petites marchandises, mais il n'y a pas de station commerciale ni de gare de manœuvre proprement dites. La gare de manœuvre fait à ce point défaut qu'il faut, pour composer et décomposer les convois, emprunter une des voies publiques les plus fréquentées, la grande route d'Anvers à Turnhout.
Une population d'environ 30,000 âmes dans le voisinage de la ville est immédiatement desservie par cette voie, et cependant il est des jours où pendant douze heures elle est obstruée.
Cet état de choses ne peut durer. Le gouvernement l'a compris, et il s'est décidé à faire une station nouvelle. Si je suis bien renseigné, il entre dans les projets du gouvernement de faire du port d'Anvers un grand port d'expédition pour les houilles. Dans ce cas, non seulement les établissements deviendront insuffisants, mais le chemin de fer actuel, qui passe au beau milieu de la ville nouvelle, devra être forcément détourné ; déjà aujourd'hui le passage du chemin de fer à travers la ville, serait intolérable et, l'on ne peut le nier, lorsque pour détourner le chemin de fer de Gand, de boulevards où les passages à niveau ne sont guère dangereux, on demande cinq millions. (Je ne critique pas le chiffre.) Il faut nécessairement demander ce qui est indispensable pour supprimer les passages à niveau là où ils sont les plus dangereux.
Si Anvers doit devenir un grand port d'expédition pour les houilles, nous aurons des convois à tout instant et le détournement du chemin de fer devient inévitable. Il faudra dans ce cas détourner aussi le canal de la Campine qui doit servir de port houiller.
La station actuelle d'Anvers est une station provisoire. Anvers seule parmi toutes les grandes villes du royaume a encore une station provisoire et insuffisante. On a eu, jusqu'il y a quelques années, une bonne raison de ne pas lui donner une station définitive, c'est que la station devait en tout cas se trouver sous le feu de la place.
Cette raison a cessé d'exister : et il n'y a plus de motifs pour que le gouvernement, lorsqu'il déplacera le chemin de fer, ne donne pas à Anvers ce qu'il a donné à toutes les grandes villes du pays, une station convenable et définitive.
Je me prolongerai pas, messieurs, l'exposé de ce qu'il faut à Anvers. Je crois avoir réussi à faire comprendre à la Chambre que le chiffre de 4 millions ne peut être qu'une indication et non un chiffre définitif. C'est un premier crédit qui devra être suivi de plusieurs autres. Si, à cet égard, nous sommes d'accord avec le gouvernement, je n'ai plus d'autres réserves à faire et je n'insisterai pas.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je ne suis pas du tout d'accord avec l'honorable M. Delaet sur ce qu'il y a à faire à Anvers et sur la nature du crédit que nous demandons à la Chambre pour cette ville.
L'honorable membre nous dit : C'est un premier crédit qui devra être suivi de beaucoup d'autres, et il s'exprime ainsi devant la Chambre après avoir indiqué qu'il faut déplacer la station, et qu'il faut détourner le chemin de fer dans son parcours à l'intérieur de la ville.
Messieurs, le gouvernement n'est pas du tout d'intention - il faut que la situation soit nettement définie - de déplacer à ses frais la station à Anvers ni par conséquent la section extérieure du chemin de fer qui y donne accès.
Dans ce cas, en effet, le crédit demandé aujourd'hui ne serait que le prélude à une série d'autres crédits plus ou moins considérables et qui entraîneraient le gouvernement dans une dépense des plus importantes.
Il ne s'agit pas de cela. Le gouvernement n'a aucun projet de cette nature et le crédit qu'il pétitionne pour l'installation des établissements maritimes à Anvers est suffisant pour les besoins actuels. C'est le strict nécessaire pour le présent.
Dans l'avenir, si les besoins le commandaient, il faudrait donner également à cette installation des extensions ; mais, pour le moment, ce crédit suffit pour ce que nous avons en vue, et nous n'avons en vue autre chose que ce que la Chambre connaît et par le texte de la loi et par les développements donnés à l'article de la loi dans l'exposé des motifs.
Il s'agit, messieurs, de créer une nouvelle gare de marchandises à proximité des bassins et de mieux outiller les bassins pour l'embarquement et le débarquement des marchandises. Voilà de quoi il s'agit et pas d'autre chose.
Le gouvernement n'entend pas toucher à la station, à ses frais, ni par conséquent détourner le chemin de fer à ses frais.
L'honorable M. Delaet dit : Mais il y a divers passages à niveau.
Les passages à niveau à Anvers ne sont pas plus dangereux que ceux qui existent, par exemple, sur la voie de raccordement du Luxembourg ou sur le chemin de fer de l'Etat au faubourg de Cologne, dont nous parlions il n'y a qu'un instant.
J'ajouterai que, pour le raccordement projeté en dehors de Bruxelles, il s'agit d'un établissement à créer, tandis qu'à Anvers le chemin de fer existe.
Si nous touchions à ce qui existe à Anvers, nous devrions au même titre et pour des raisons de même nature et qui se présentent sur quelques points aves plus de gravité encore, reconstruire complètement le chemin de fer de l'Etat à l'entrée Nord de Bruxelles, et en bien d'autres localités.
Personne n'a pensé qu'on puisse aujourd'hui redresser ce qui est fait. Si nous devions entrer dans cette voie de réformer tout ce qui a été fail anciennement, il faudrait commencer par voter 100 millions.
(page 1181) M. Delaet. — Si vous pouviez le faire, ce ne serait pas mal.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je ne dis pas non, mais le moment n'est pas venu, et avant de refaire ce qui existe, il faut pourvoir aux besoins les plus urgents. Avant d'en venir là, la Chambre aura à voter encore bien des millions.
Je tenais, messieurs, à fournir ces explications parce qu'il importe qu'il n'y ait pas de malentendu entre le gouvernement et la ville d'Anvers à cet égard.
Pour mieux déterminer la situation, je donnerai encore un renseignement au sujet de certains projets d'embellissements intérieurs qui existent a Anvers. Si la ville peut les mener à bonne fin, je l'en féliciterai de bien grand cœur.
Mais parmi ces projets, il en est un qui consiste précisément dans le déplacement de la station et dans le détournement du chemin de fer. La ville d'Anvers m'a demandé si le gouvernement accéderait à ce projet. J'ai répondu affirmativement, mais à la condition très catégorique qu'il n'en coûtât rien au trésor ; je n'ai pas laissé à cet égard l'ombre d'un doute à l'administration communale d'Anvers. J'ai dit que j'accéderais à ce projet encore qu'il contrarie l'exploitation, parce que d'un chemin de fer à passage droit on ferait un chemin à rebroussement. Voilà quelle est la position sur ce point entre le gouvernement et la ville d'Anvers.
M. Delaetµ. - Je regrette d'avoir reçu de l'honorable ministre une réponse qui n'est pas celle qu'Anvers pouvait se croire en droit d'attendre de lui. (Interruption.) Nous discutons en ce moment et probablement nous voterons demain ou après-demain un projet de loi dans lequel, non seulement il est satisfait aux besoins réels immédiats de certaines localités, nais qui fait des cadeaux considérables à certaines autres localités.
Ainsi, consacrant un principe auquel on a renoncé depuis, sur l'observation de M. Pirmez, celui que l'Etat doit indemniser ceux auxquels il a occasionné un préjudice en agissant comme propriétaire alors qu'il refuse d'indemniser ceux qui sont atteints dans leurs intérêts par des travaux d'utilité publique (c'est le seul motif allégué dans l'exposé des motifs pour doter l'industrie de Verviers d'un moteur gratuit, de turbines dont elle devrait faire seule les frais,) le gouvernement n'en maintient pas moins le cadeau de 3,250,000 fr. fait à l'arrondissement de Verviers, à titre de faveur et pas même à titre de compensation.
Or, au moment où l'on vient nous dire qu'Anvers se transforme, qu'on lui donne de l'air, qu'elle est appelée à devenir une ville nouvelle, grande, belle, digne d'être la métropole commerciale du pays, nous y avons une station faite à une époque où le terrain qu'elle couvre était hors ville et dans la zone de servitudes, et lorsque nous en demandons le changement, on nous oppose le fait accompli et l'on nous répond que le chemin de fer ne sera détourné qu'à nos frais.
Anvers cependant a fait plus de dépenses que les autres villes du royaume dans un but d'utilité publique ; ses nouveaux établissements maritimes, par exemple, le sont au moins au même degré que l'assainissement de la Senne, que le Palais de Justice de Bruxelles, qui nous coûtera au moins 10 millions.
Il n'y a qu'une seule ville qui soit au ban du pays, et cette ville c'est Anvers. Cependant l'attitude que nous avions prisa dans ce débat était bien modérée, nous avions tout voté, même le cadeau fait à Verviers, nous n'avions rien réclamé, et pour avoir voulu réserver l'avenir et ne considérer que comme premier crédit les 4 millions qu'on nous donne...
- Une voix. - Acceptez-les toujours.
M. Delaetµ. - Nous ne les refusons pas, mais nous faisons nos réserves, et il nous semble que lorsque nous votons 12 ou 14 millions à employer à Bruxelles pour des dépenses de luxe, on pourrait bien ne pas nous refuser cette faible satisfaction.
Anvers est déjà assez au ban du gouvernement pour qu'on ne la mette pas entièrement au ban du budget.
Nous comptions voter le projet, mais si l'honorable ministre des travaux publics, dont je ne conteste pas la bienveillance personnelle pour Anvers, maintient dans toute leur rigueur les explications qu'il nous a fournies, je devrai protester contre l'espèce de proscription dont Anvers est victime, en votant contre le projet de loi.
M. Jacobsµ. - Je désire ajouter quelques mots à la demande d'explication de mon honorable ami M. Delaet.
Dernièrement M. le ministre s'est prêté à la nomination d'une commission mixte chargée d'aller étudier en Angleterre des établissements similaires à ceux qu'on projette à Anvers.
En nommant cette commission, M. le ministre a supposé naturellement qu'elle aurait pu proposer de modifier les projets provisoirement arrêtés, de façon à entraîner un surcroît de dépenses.
Je demanderai donc à M. le ministre s'il ne subordonne pas l'exécution des projets momentanément arrêtés à la décision qu'il prendra lors du retour des commissaires, en suite du rapport qui lui sera fait par eux et si les plans ne pourront être modifiés de façon à nécessiter la majoration du crédit actuel ou tout au moins de façon à le faire suivre d'un autre supplémentaire de sorte que les quatre millions demandés ne seraient qu'un premier crédit.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - L'honorable M. Delaet s'est élevé contre le cadeau énorme fait à plusieurs localités du pays et contre la proscription dont serait victime la ville d'Anvers, d'une manière générale et spécialement dans la loi que nous discutons.
Qu'est-ce que l'honorable membre demande de plus que ce que nous offrons spontanément à Anvers ?
Il demande qu'on fasse pour Anvers ce que le gouvernement n'â fait pour aucune ville et ce qu'il devrait faire immédiatement dans la plupart des villes, si son vœu pour Anvers pouvait être exaucé. L'honorable membre veut faire disparaître les passages à niveau à Anvers, mais n'y a-t-il pas de passages à niveau ailleurs ?
M. Delaetµ. - Pas de cette importance.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Si je voulais chercher, j'en trouverais de plus importants. Le gouvernement a t-il jamais pensé à intervenir dans le raccordement intérieur dont il est question pour Bruxelles ? Jamais ; et si le raccordement intérieur dépend de l'intervention du trésor, ce raccordement, je le prévois, ne se fera pas. Nous plaçons toutes nos villes sur la même ligne. Nous réclamons, pour Anvers, les crédits que nous avons supposés nécessaires pour réaliser les travaux qui sont indiqués ; cela suffit-il ? Pour le moment, oui ; pour l'avenir, je n'en sais rien.
Les dépenses d'installation qui sont évaluées à quatre millions aujourd’hui devront peut-être s'élever au double dans quelques années ; mais le gouvernement agira suivant les besoins, pour Anvers comme pour les autres villes du pays. La plupart des stations vont se trouver agrandies ; elles s'agrandiront encore dans l'avenir et à mesure que les besoins se produiront, il y sera satisfait à Anvers comme ailleurs.
L'honorable M. Jacobs me pose cette question. Le département des travaux publics a institué une commission mixte chargée d'aller examiner en Angleterre comment sont installés certains ports.
Les projets qui lui sont soumis pour Anvers et auxquels il destine une partie des quatre millions demandés pour cette ville, ne sont-ils pas de nature à devoir, sur les conclusions du rapport de la susdite commission, être éventuellement modifiés ?
Messieurs, je ne le pense pas, parce que la mission de cette commission porte sur un point spécial, sur un point très important quant aux opérations qui s'accomplissent dans un port, mais très insignifiant au point de vue de la dépense. Il s'agit de savoir uniquement suivant quelle méthode, avec quels engins on peut le plus rapidement et le plus économiquement embarquer les marchandises en général et spécialement le charbon.
Il ne s'agit évidemment là que de quelques milliers de francs de plus ou de moins, ce n'est donc pas une question d'argent sur laquelle on va faire une enquête ; c'est une question d'art, rien de plus, rien de moins.
La somme que nous voulons affecter aux engins d'embarquement ne peut pas être sensiblement modifiée par le rapport de la commission qui va procéder à cette investigation, et cette somme ne forme qu'une minime partie des quatre millions que nous demandons.
Par conséquent, je crois que le chiffre du projet doit être maintenu.
M. Delaetµ. - Il entre bien dans les projets du gouvernement de faire un port d'embarquement pour les houilles.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Si le commerce s'y prête.
M. Delaetµ. - Dans ce cas, vous allez avoir sur le chemin de fer actuel un convoi de quinze en quinze minutes sur un parcours dans lequel vous compterez au moins dix passages à niveau, où vous interromprez parfaitement, comme par une barrière quasi infranchissable, les communications entre la ville ancienne et la ville nouvelle.
Si ce n'est pas là une situation nouvelle, je n'en connais pas.
Je crois que dès aujourd'hui M. le ministre pourrait prendre l'engagement que, si le port d'embarquement des houilles se crée, le gouvernement interviendra pour sa large part dans le détournement d'un chemin de fer qui sera devenu un obstacle complet à l'accroissement de la ville d'Anvers.
(page 1182) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Il y a aujourd'hui à la station du Nord, telles heures de la journée où il part quatre convois de voyageurs en 20 minutes. Je ne compte pas les convois arrivant aux mêmes heures.
Tous ces convois traversent des passages à niveau.
Quant aux marchandises, l'honorable membre sait que les convois de marchandises et spécialement les convois de charbons ne voyagent plus que la nuit.
M. Delaetµ. - Ils voyageront le jour.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Pardon, ils ne voyagent pas le jour ; ils voyagent exclusivement la nuit. Ainsi la situation que l'honorable membre prévoit ne peut se produire.
(page 1187) M. Coomans. - Messieurs, les inconvénients signalés par l'honorable M. Delaet sont évidents, et force sera d'en tenir compte. J'ai un mot à dire des traversées à niveau ; je voudrais qu'on ne s'exagérât pas les dangers de celles-ci et qu'on ne se lançât pas, pour les éviter, dans des dépenses plus considérables que les avantages qu'il s'agit de recueillir.
J'ai été souvent frappé, dans mes voyages, de ce fait de rues très fréquentées par cinq ou six files de voitures et dans lesquelles cependant il survient très peu d'accidents.
Qui de nous n'a pu constater ce fait dans de grandes villes, comme Paris, Londres et d'autres ?
Je me demande s'il est bien vrai que trois ou quatre convois par quart d'heure créent plus de dangers que cinq ou six cents voitures par quart d'heure. Je crois que non, je crois qu'il est plus facile aux personnes de tout âge et de tout sexe de se garer de cinq ou six convois passant en 15 minutes que d'éviter le choc de 500 à 600 voilures passant dans le même temps.
Messieurs, nous sommes encore peu habitués aux remorqueurs ; nous le sommes aux chevaux et aux voitures. Mais je suis bien sûr que le temps viendra où nous serons familiarisés avec le passage des remorqueurs dans nos rues. (Interruption.)
Ma remarque a une portée sérieuse. Elle a pour but d'empêcher qu'on ne décrète trop à la légère de grandes dépenses pour éviter les passages à niveau.
Messieurs, mon observation a pu être faite par beaucoup d'autres ; j'habite bien près du passage à niveau le plus dangereux de Bruxelles ; c'est celui de la rue Allard. En effet, il ne se passe guère trois minutes sans que la barrière soit fermée par le garde. Pourtant, je dois le dire, depuis plusieurs années, je n'y ai pas constaté un seul accident. Il est bien vrai qu'un ou deux gardes ont été blessés ; mais le public n'a guère eu à se plaindre.
Je crois donc que chaque fois qu'il y a trop d'inconvénients ou trop de dépenses pour éviter les passages à niveau, il vaut mieux en courir le risque.
(page 1182) M. Delaetµ. - La situation n'est pas la même à Anvers et à Bruxelles.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
« 4° Chemin de fer de ceinture à Gand : fr. 4,000,000. »
(page 1201) M. Debaets. - Je veux faire une simple observation qui complétera celles que j'ai eu l'honneur de présenter dans la discussion générale.
Le crédit demandé est destiné à la construction d'un chemin de fer de ceinture à Gand. M. le ministre ne pourrait-il pas établir un raccordement provisoire des stations des chemins de fer d'Eecloo, du pays de Waes, avec le chemin de fer de raccordement qui existe actuellement ? Il s'agirait simplement de construire un railway de 200 mètres de longueur sur un terrain où il n'y a pas de bâtiments, sur la partie nord de la plaine d'exercice.
Il y a un autre point sur lequel je désire appeler l'attention du gouvernement. Je vois dans le même paragraphe 300,000 fr. pour une jonction des voies en dehors de la station de Verviers. Si mes renseignements sont exacts, le gouvernement a l'intention de réaliser également une jonction des différentes lignes de chemins de fer en dehors de la station de Gand.
Ce serait, à mon avis, une excellente mesure, parce que la station de Gand, quelles que soient les améliorations qu'on y a apportées, peut se trouver encore encombrée par les marchandises.
Ainsi, tous les convois de marchandises venant d'Ostende, de Courtrai, d'Audenarde et de Saint-Ghislain, et qui ne sont pas en destination directe pour Gand, mais doivent aller à Bruxelles, Liège, Anvers, etc., entrent dans notre station, qui est une station de rebroussement. Vous comprenez que cela doit gêner et compliquer les manœuvres qui doivent se faire. Il y aurait un moyen extrêmement simple de parer à cet inconvénient, ce serait d'établir une ligne de raccordement entre les quatre chemins de fer qui viennent aboutir à la station de l'Etat. Je crois que le gouvernement l'a décrétée en principe.
Je prie donc, M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner suite à ce projet dans le plus bref délai possible.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, il a été fait droit par anticipation au vœu exprimé par l'honorable M. Delaet.
En ce qui concerne la ligne d'Eecloo, à raccorder à la ligne de Saint-Ghislain, il y a eu jusque dans les derniers temps opposition de la part du département de la guerre.
Mais aujourd’hui que nous nous trouvons en présence d'un chemin de fer de ceinture qui se rapproche du champ de manœuvres, le département de la guerre ne fait plus d'opposition.
En ce qui concerne le raccordement, en dehors de la station de Gand, des lignes de Bruxelles, de Dendre-et-Waes et d'Ostende, il va y être pourvu également. Nous sommes propriétaires du terrain où il sera possible d'établir ce raccordement.
La station de Gand se trouvera ainsi notablement dégagée.
- Personne ne demandant plus la parole, les chiffres sont mis aux voix et adoptés.
« 5° Raccordement de la station d'Ostende au nouveau quai des bateaux à vapeur : fr. 600,000. »
- Adopté.
« 6°. Jonction des voies en dehors de la station de Verviers : fr. 300,000. »
- Adopté.
L'ensemble du paragraphe 18, s'élevant à 18,900,000 fr. est ensuite mis aux voix et adopté.
« § 19. Eclairage de l'Escaut : fr. 500,000 fr. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, le crédit de 500,000 fr. est destiné à une mesure qui a été vivement réclamée par le commerce d'Anvers ; il s'agit d'éclairer l'Escaut, de manière à faciliter surtout les voyages de nuit des bateaux à vapeur. Une première étude et un premier devis avaient porté la dépense à 500,000 fr., de nouvelles études ont été faites, d'où il résulte que le crédit devra être porté à 650,000 fr. ; il y aurait donc 150,000 fr. à ajouter au crédit proposé ; je ne demande pas à présent cette somme supplémentaire, mais j'ai cru qu'il était de ma loyauté de prévenir la Chambre qu'un crédit supplémentaire de 150,000 fr. sera sollicité ultérieurement de ce chef.
- Personne ne demande plus la parole ; le chiffre de 500,000 fr. es mis aux voix et adopté.
« § 20. Au ministère de la justice. Construction d'un palais de justice à Bruxelles : fr. 3,000,000. »
(page 1186) M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, mon opinion sur la construction du nouveau palais de justice de Bruxelles est connue ; je n'ai donc pas besoin de la répéter aujourd'hui ; je la maintiens dans toute sa force, telle que l'ai exprimée l'année dernière.
Cependant je crois qu'il est nécessaire, pour éclairer le vote de cette Chambre, d'entrer dans quelques détails plus circonstanciés que je n'ai eu l'occasion de le faire précédemment.
J'ai dit, l'année dernière, que je ne comprenais pas comment le gouvernement, la ville de Bruxelles et la province pouvaient s'engager dans une dépense dont on ne connaissait pas le chiffre, et dont le montant indiqué et accepté a suffi pour mettre en complet désarroi les finances de la province de Brabant ; et il est très probable que les finances de la ville de Bruxelles s'en ressentiront pendant de longues années encore si jamais elles s'en relèvent. Je ne parle pas des finances de l'Etat.
Il s'agissait d'abord d'une dépense de 12 millions. Quand le palais de justice a été proposé au conseil provincial du Brabant, et quand je l'ai combattu, on nous répondait que le chiffre de 12 millions était le maximum possible. Aujourd'hui nous avons lu dans les pièces qui nous ont été remises une lettre de M. le ministre de la justice qui fixe à 15 millions ce même maximum. C'est déjà un quart en plus. Or je vais vous démontrer que ce n'est pas la moitié du chiffre auquel vous arriverez en fin de compte.
Pour savoir ce que coûtera le palais de justice tel qu'il a été décrété, il suffit de connaître ce qu'ont coûté les constructions de même nature qui se sont faites ou qui se font ailleurs.
Les travaux de restauration et d'achèvement du Louvre à Paris, qui n'a pas même les dimensions du bâtiment qu'on veut construire à Bruxelles, ont coûté 56 millions.
Le devis du grand Opéra de Paris s'élève à plus de 50 millions. Le gouvernement français, qui ne recule cependant pas facilement devant la dépense, a été obligé d'ajourner ces travaux, afin ne pas éprouver de plus grands embarras dans ses finances.
A Londres, ou s'occupe en ce moment, comme à Bruxelles, du projet d'un palais de justice, avec cette différence qu'à Londres on ne demande pas un centime à l'Etat.
Ce sont les avocats qui se chargent de la dépense...
M. Funckµ. - Ce sont, en définitive, les plaideurs qui la payeront...
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Tant mieux !...
Londres est la capitale d'un pays qui commande à plus de 200 millions d'hommes ; or le palais où viendront se concentrer les affaires judiciaires de cet immense empire n'est pas aussi vaste que celui qu'on se propose de construire à Bruxelles. Le devis qui a été présenté à la chambre des communes s'élève à 37 millions ; la chambre des communes, qui contrôle sévèrement toutes les affaires d'intérêt public, a fait vérifier ce devis par sa commission spéciale, et elle a trouvé que le devis devait être porté à 50 millions.
Cependant, messieurs, le palais de justice projeté en Angleterre n'est séparé de la Tamise que par un quai. Donc les transports de matériaux peuvent se faire à bien moins de frais qu'à l'endroit qui est proposé à Bruxelles et qui est inabordable pour toute espèce de transports. D'où il résulte que si le palais de justice proposé pour Londres doit coûter 50 millions, il est évident que nous ns ferons pas le nôtre pour une somme moindre.
Messieurs, je connais un édifice situé exactement dans la même situation que le palais projeté ; il est sur un sol dérive, sur la pente d'une colline ; il est de la même dimension à peu près, c'est-à-dire qu'il a 404 pieds de longueur sur 404 pieds de largeur ; c'est le palais royal de Madrid. Pour construire ce palais, on a dû créer des fondations sur un terrain identique à celui du palais de justice projeté. Il a fallu faire des fondations de la même dimension à peu près. Il a fallu faire des rampes pour s'élever jusqu'au niveau du terre-plein, comme on sera obligé de le faire ici.
La hauteur est peut-être un peu plus grande, car le palais de Madrid à 80 pieds de hauteur ; mais, en somme, je crois que le cube des maçonneries n'est pas plus fort qu'il le sera à Bruxelles.
Or, savez-vous ce qu'a coûté le palais de Madrid ? il a coûté 406 millions de réaux, c'est-à-dire plus de 100 millions de francs.
Messieurs, il me suffit de vous soumettre ces quelques points de comparaison, que je pourrais multiplier, pour vous démontrer que le devis de 15 millions sera largement dépassé pour la construction que vous proposez, et que ce ne sera pas dans vingt ans que cette construction sera achevée.
Messieurs, vient maintenant la question de responsabilité.
M. le ministre des travaux publics, me répondant il y a deux jours, a dit : Je ne connais pas toujours les travaux qui me sont soumis, je ne m'en inquiète pas ; j'ai derrière moi un corps responsable.
Je demande qui sera responsable si, pour le palais de justice, il faut 30 millions au lieu de 15 millions, s'il faut 50 millions au lieu de 15 millions ?
Nous nous engageons donc, en votant ces trois millions, à suivre, je dirai aveuglément, ceux qui construiront le palais de justice. Sur qui retombera toute la responsabilité ? Evidemment sur nous. C'est nous qui serons responsables du vote que nous allons émettre. Nous n'aurons de recours contre personne.
Or je demande si, ayant cette responsabilité devant nous, il ne serait pas juste, il ne serait pas nécessaire que les éléments d'appréciation nous fussent soumis d'une façon plus précise que sur la lettre qu'a écrite M. le ministre de la justice à la section centrale. C'est sur une simple assertion que nous allons nous lancer dans une dépense qui, il y a trois ans, nous était présentée comme ne devant pas dépasser 12 millions, qui aujourd'hui est déjà portée à 15 millions et qui bientôt, comme je vous l'ai dit, montera à 30 ou 50 millions.
Messieurs, est-il nécessaire de dépenser cette somme ? La question est là.
Il a été soumis au conseil communal de Bruxelles, à la province et au gouvernement des plans accompagnés de devis très détaillés, qui indiquaient qu'il était possible de construire un palais de justice suffisant pour tous les besoins de la ville de Bruxelles, de la province et de la Belgique, pour la somme de 3 à 4 millions.
Je vous demande si, vis-à-vis de ce fait, il est possible que nous allions voter 15 millions pour cet édifice, alors même que h dépense pourrait s'arrêter à ce chiffre ?
Messieurs, réfléchissons un peu à ce que nous sommes pour voter des sommes aussi considérables. Demandons-nous à qui nous les prenons. Nous représentons ici la généralité des citoyens il est vrai ; mais nous ne représentons réellement qu'une fraction de la population et nous sommes les tuteurs légaux de la grande majorité du pays.
Or, sommes-nous autorisés par notre mandat à imposer à la grande majorité des citoyens, à ceux qui n'ont que leur travail pour vivre, des dépenses somptuaires pour construire des palais, pour construire des monuments ? Je ne le crois pas ; je crois que nous devons sérieusement réfléchir avant de nous lancer dans cette voie. Nous sommes ici pour faire l'utile ct le nécessaire.
Quand nous avons devant nous des personnes qui de leur plein gré veulent faire des travaux, il est évident que nous n'avons pas à nous inquiéter de la dépense. Ainsi je ne m'inquiète nullement du projet de jonction des chemins de fer à travers Bruxelles. Quelle que soit l'élévation de la dépense, ceux qui y contribueront le feront volontairement.
Mais lorsqu'il s'agit de puiser dans la caisse publique, lorsqu'il s'agit d'appeler l'impôt à contribuer pour des dépenses qui ne sont pas justifiées par une utilité absolue, je crois que nous devons réfléchir très sérieusement avant d'émettre notre vote.
Aussi je tiens à déclarer que je vote contre le chiffre qui est actuellement en discussion.
(page 1187) M. Coomans. - Messieurs, je n'ai jamais été partisan de ce projet de palais de justice, et je le suis moins que jamais. Les observations de l'honorable député très compétent qui vient de se rasseoir confirment encore mes répugnances.
Ce palais de justice est mal situé, il est conçu dans les conditions d'un luxe inutile et très exagéré et il imposera au pays des charges vraiment superflues.
Certes, j'espère qu'on ne m'accusera pas de vouloir ramener la justice au temps de saint Louis, où les jugements se rendaient modestement sous un chêne ; je conçois, surtout sous le 51ème de latitude, qu'on abrite convenablement la magistrature et les plaideurs. Mais là encore il y a une juste mesure à observer.
On nous demande trop de millions pour un tribunal belge. En supposant que la dépense ne dût être que de 15 millions, elle me paraîtrait encore trop forte, mais il est certain qu'elle sera beaucoup plus considérable ; quand M. Le Hardy de Beaulieu ne m'en donnerait pas l'assurance, j'en serais convaincu par une longue expérience. Nos votes financiers sont vraiment illusoires ; nous votons en aveugles et je fais même l'honneur à ceux qui nous font voter les dépenses, de croire qu'ils sont aussi aveugles que nous ; sinon ils seraient bien coupables. Que de fois les dépenses réelles n'ont-elles pas été doubles, triples, quadruples, quintuples de celles qu'on nous a fait voter comme suffisantes ! Aussi, me suis-je demandé souvent pourquoi nous n'appliquerions pas aux monuments, qui sont la partie la plus véreuse du génie, le principe de l'adjudication. L'adjudication ou l'entreprise est un principe vraiment libéral et salutaire ; et si nous l'appliquions aux monuments, nous serions bien sûrs de n'être ni trompés, ni joués, ni ruinés, car les sociétés financières qui se présenteraient pour exécuter le palais de justice au prix de 15 millions y retarderaient à deux fois avant de l'entreprendre à ce taux et quand il y aurait eu certaines soumissions, certains concours, nous serions bien plus éclairés que nous ne le sommes aujourd'hui.
J'insiste sur cette idée pour le palais de justice, parce qu'il n'est pas encore trop tard ; il n'y a pas péril en la demeure, Dieu merci ! quoi qu'en aient dit les avocats, le palais actuel ne menace pas encore de leur tomber sur la tête.
- Des membres. - Si ! si !
M. Coomans. - Alors, je m'étonne qu'il soit si fréquenté et que MM. les avocats y déploient tant de tranquille éloquence, ce qui me rassure beaucoup sur le caractère de leurs craintes et sur la portée du danger.
Je me demande pourquoi nous n'adjugerions pas les monuments, pourquoi l'Etat ne ferait pas ce que nous faisons, tout au moins les bien avisés : lorsqu'ils ont une maison à construire, ils s'adressent à un architecte, à un entrepreneur.
- Un membre. - Ce n'est pas l'adjudication, c'est tout le contraire.
M. Coomans. - Je ne demanderais pas mieux que d'adjuger le peu de constructions que je pourrais avoir à faire ; je m'en trouverais très bien.
Je veux dire, messieurs, qu'il serait prudent de bien déterminer la dépense et d'appliquer le principe de l'adjudication ou de l'entreprise. Pourquoi le gouvernement n'adjugerait-il pas les monuments comme il adjuge d'autres choses qui sont moins faciles à apprécier que les monuments ?. Car on m'a assuré qu'on peut déterminer à un vingtième près ce que doit coûter une construction.
L'honorable M. Le Hardy affirme en pleine connaissance de cause que la dépense sera beaucoup plus considérable que ne le dit le gouvernement quand elle ne devrait être dépassée que d'une douzaine de millions (Interruption), nous en serions peut-être quittes à bon marché.
- Un membre. - L'église de Laeken.
M. Coomans. - Oui, l'église de Laeken et bien d'autres monuments.
Je me rappelle que le gouvernement a demandé l'assurance et j'espère la loyale assurance que l'église de Laeken ne coûterait que 800,000 fr. et nous sommes bien près de 5 millions. (Interruption.) Si vous n'atteignez pas les 4 à 5 millions, vous n'en êtes pas loin.
Je reviens, messieurs, à ma première observation, c'est que l'emplacement du palais de justice est mauvais ; il est excentrique, le monument se trouve sur un terrain déclive et il ne répondra vraiment pas aux besoins de la population. Il a des proportions très exagérées et je suis convaincu qu'on aurait pu soit reconstruire le palais actuel, soit construire ailleurs un monument à Thémis suffisant pour la modeste Belgique.
Messieurs, nous sommes trop riches, notre budget est trop gros. Chaque année 5 ou 6 millions de boni, c'est très fâcheux. Jamais gouvernement particulier ne fait autant de palais que lorsque la caisse est trop pleine. C'est un grand malheur pour un particulier prodigue et pour un peuple quand le budget n'est pas en déficit. Un budget en déficit est une puissante garantie contre les folles dépenses. L'impôt devrait être réduit dès que la recette excède la dépense.
C'est depuis une douzaine d'années que nous nous livrons à toutes sortes de constructions luxueuses.
Avec un budget en déficit nous n'aurions jamais construit ni les fortifications d'Anvers, ni le monument de Laeken, ni le palais de justice, et on ne serait pas venu nous demander 5 millions pour les écuries du Duc de Brabant et le palais du Roi. Je suis bien sûr que les écuries dites du Duc de Brabant...
MpVµ. - Rentrez dans la question.
M. Coomans. - Vous allez voir, M. le président, qu'il y a dans ma pensée un rapport direct entre le palais du Roi et le paragraphe en discussion.
Je prévois que le palais du Roi sera bientôt démoli. Il n'est guère bon à autre chose et les millions que nous allons y mettre seront perdus.
J'avais eu naguère l'idée, sachant que la famille royale ne tenait guère à ce palais, d'y transporter le palais de justice et de proposer à S. M. de lui construire un palais nouveau au Parc, dans un coin du Parc.
M. Guillery. — Je vous en remercie bien.
MfFOµ. - En supprimant le Parc ?
M. Coomans. - Jamais, j'ai dit... (Interruption.) Dans un coin du Parc et, bien entendu, en réservant au public, comme le faisaient nos souverains au XVIIIème siècle, la libre jouissance du Parc.
M. Orts. - Pour lui faire entendre la musique de M. Marchal.
M. Coomans. - Comme le public a, à Paris, la libre jouissance des Tuileries. Dans tous les cas, cette situation m'eût paru préférable pour les avocats, à celle du quartier des Marolles. (Interruption.)
Enfin, messieurs, l'essentiel c'est ceci :
Vous allez voter une dépense de 15 millions et je le crains fort, en les votant, vous en voterez 25. Vous ne satisferez presque personne et vous aurez encore une fois abandonné le plus précieux de vos droits, qui est le vote exact des dépenses publiques. La principale, presque l'unique prérogative des Chambres, c'est le vote de l'impôt et l'application de ses produits. Le reste en dépend.
(page 1188) Avouons-le, messieurs, nous n’émettons pas ordinairement de vote sérieux en matière de finances. Ne me sommez pas de vous citer des faits, j'en aurais trop, mais ceci sera une preuve de plus de cette triste assertion.
(page 1182) MjTµ. - Je me trouve jusqu'à présent exclusivement en présence de simples affirmations et d'assertions très erronées : aucun des orateurs qui les ont produites ne s'est donné la peine d'établir la preuve de ce qu'il a avancé.
Cela est ou cela sera. Cela n'est pas ou cela ne sera pas. Là s'est bornée toute leur argumentation.
L'honorable M. Coomans a dit : Vous allez voter 15 millions. Cela est inexact, attendu que le palais de justice ne doit pas coûter 15 millions à l'Etat. La province et la commune doivent intervenir ensemble pour un tiers ce qui réduit la dépense pour l'Etat à 10 millions.
M. Coomans. - L'Etat, c'est la province et la commune ; vous l'avez dit cent fois.
MjTµ. - On a dit que ce chiffre ne suffirait pas et sur quoi repose cette assertion ?
Je crois, moi, que ce chiffre ne sera pas dépassé, parce que j'ai fait tout ce qui dépendait de moi pour que l'architecte présentât non pas un chiffre fictif mais le chiffre réel de la dépense. C'est parce qu'on a voulu réellement éclairer les pouvoirs, les appeler à statuer sur cette affaire en connaissance de cause que l'on est arrivé à leur soumettre le chiffre élevé de 15 millions.
J'ai fait ensuite vérifier ces chiffres. Je les ai soumis entre autres à M. Wellens, homme aussi compétent et je me permettrai de dire plus compétent que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, parce qu'il a beaucoup plus construit, ingénieur en chef de la province de Brabant, sous la surveillance duquel vient d'être achevée la construction des bâtiments destinés aux départements de la justice, des finances et des travaux publics.
Il a déclaré, dans une lettre dont je vais vous donner lecture, que le chiffre de 15 millions suffira amplement et il en donne les raisons,
« Bruxelles, le 30 mai 1865,
« Monsieur le Ministre,
« En réponse à votre dépêche du 16 de ce mois, 4e division, 1er bureau, n°7454, j'ai l'honneur de vous informer qu'il est, en effet, de toute impossibilité de vérifier sérieusement le détail estimatif des travaux de construction du Palais de justice, dressé par M. l'architecte Poelaert. J'ai donc dû me borner à comparer certains éléments de ce travail à ceux que possède l'administration des ponts et chaussées et dont l'exactitude a été constatée par l'expérience : ces éléments sont les prix d'unité et la dépense par mètre carré de terrain bâti, en tenant compte, autant que possible, de l'importance relative des travaux.
« Parmi les prix d'unité adoptés par M. Poalaert, il en est qui sont moins élevés que ceux admis pour des travaux de même nature, que l'administration des ponts et chaussées fait exécuter à Bruxelles et d'autres qui sont supérieurs ; néanmoins, j'ai tout lieu de croire, qu'en moyenne les prix réels seront de 10 p. c. supérieurs aux prix prévus.
« Comme l'ensemble des travaux est évalué à 9,172,598 fr. 99
« Une majoration de 10 p. c. donne 917,259 fr. 90
« Ce qui porterait la dépense à 10,089,858 fr. 89
« Le département des travaux publics a fait construire récemment les nouveaux ministères de la justice, des finances et des travaux publics ; ils occupent ensemble une surface bâtie de 3,121 mètres carrés et comprennent généralement une cave, un rez-de-chaussée, trois étages et un grenier ; la dépense, par mètre carré, s'est élevée à 356 francs. Le Palais de justice projetée aura une superficie bâtie de 18,224 mètres carrés : la dépense totale prévue est de 11,800,000 francs, ce qui donne par mètre carré (11,800,000/18,224) une somme de 647 francs.
« La comparaison des deux sommes précitées de 356 fr. et de 647 fr. me fait penser, M. le Ministre, que tout en tenant compte de la richesse architecturale du monument qu'il s'agit d'élever, il est possible de limiter la dépense de construction à la somme que vous avez indiquée.
« L'inspecteur général ad intérim, Wellens . »
Tel est, messieurs, l'avis d'un homme qui a construit plus que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Ce n'est qu'une simple comparaison exactement comme celle que j'ai faite avec le palais de Madrid.
MjTµ. - Ce n'est pas du tout la même chose. Il y a ici une comparaison par prix d'unité, tandis que votre comparaison porte sur des monuments qui n'ont aucune espèce d'analogie.
Vous avez parlé du Louvre. Mais qu'y a-t-il de commun entre les réparations du Louvre et le palais de justice de Bruxelles ?
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Les fondements étaient faits au Louvre.
MjTµ. - Vous avez cité aussi le palais de Madrid. Peut-on comparer les travaux qui s'exécutent ici avec ceux du palais de Madrid ? Quelles sont les dimensions du palais de Madrid ? On ne l'a pas dit.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je l'ai dit ; elle est moindre que celle du palais de justice projeté.
MjTµ. - Il est impossible de faire de pareilles comparaisons entre des monuments appartenant à des pays différents, alors que les prix de la construction, de la main-d'œuvre et des matériaux n'ont pas le moindre rapport.
Et puis, quelle est l'ornementation du palais de Madrid et quelle sera celle du Palais de justice ?
(page 1183) Une telle comparaison, je le répète, n'est pas sérieuse, et je ne puis l'admettre.
Que l'on compare deux bâtiments situés dans le même pays, dans des positions analogues, construits avec les mêmes matériaux, cela se comprend. C'est ce qui a été fait par les ingénieurs qui ont eu à apprécier la dépense dont il s'agit, unis on ne peut pas chercher les comparaisons dans des pays où la main-d'œuvre et les matériaux coûtent plus cher.
En Angleterre, nous a-t-on dit, on ne demande rien à l'Etat. C'est possible, mais avons-nous en Belgique les corporations anglaises et la législation anglaise ? Que M. Le Hardy commence donc par faire modifier notre législation s'il...
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je n'ai fait que citer un fait.
MjTµ. - Vous citez un fait, mais je ne sais à propos de quoi ; vous avez sans doute voulu dire que l'Etat en Angleterre n'intervenait pas ; eh bien, en Belgique l'Etat doit intervenir parce que l'établissement des locaux pour la cour de cassation et la cour d'appel est à la charge de l'Etat, comme les bâtiments des cours d'assises et des tribunaux de première instance sont à la charge des provinces. Voilà pourquoi l'Etat a dû prendre l'initiative pour le palais de justice.
M. Hymans. - En Angleterre l'Etat intervient.
MjTµ. - Il est probable que l'Etat intervient également en Angleterre. Je ne puis suivre M. Le Hardy dans tous ces détails ; je constate seulement qu'en Belgique c'est une charge de l'Etat.
Ayant d'être soumis à la discussion dans cette Chambre, le projet du palais de justice a subi toutes sortes d'épreuves, et pour le choix de l'emplacement et pour les plans qui devaient être soumis. L'emplacement a été soumis à l'examen d'une commission, à l'examen de la commune, et à celui de la province.
M. Le Hardy a défendu au Conseil provincial les idées qu'il soutient ici ; il est resté isolé, car le Conseil provincial a adopté l'emplacement à l'unanimité. Les plans ont été également soumis à des commissions, au Conseil provincial, au Conseil communal. Et pour les plans encore, M. Le Hardy est resté seul de son avis et personne ne l'a cru sur parole jusqu'à présent.
ML Le Hardy de Beaulieuµ. - Je n'ai pas été seul de mon avis.
MjTµ. - Il y a eu six voix de votre opinion ; je puis donc bien dire que vous avez été à peu près seul, puisque vous n'avez eu que six voix, votant avec vous, et encore au point de vue des finances.
M. Le Hardy nous dit encore : Mais vous allez ruiner les finances de la province. Est-ce ma faute ? Demandez que les provinces ne soient plus tenues à l'avenir à fournir des locaux pour les cours d'assises, pour les tribunaux de première instance et pour les tribunaux de commerce.
Mais aussi longtemps que cette obligation existera dans la loi je devrai bien faire en sorte que les provinces s'exécutent.
M. Coomans. - Les sommes ne sont pas fixées par la loi.
MjTµ. - Peut-on faire moins qu'on ne fait ? Pour répondre aux besoins et en écartant tout travail de luxe, le Palais de justice doit comprendre des constructions qui occupent 2 hectares ; il est impossible de faire ces constructions pour une somme moindre que celle que nous demandons, il est impossible aussi que la province, qui doit fournir 104 salles, les fournisse à un prix inférieur à la somme qui lui est demandée.
On nous dit qu'il faut réfléchir. Mais il y a 30 ans qu'on réfléchit et on a beaucoup trop réfléchi. Si l'on avait construit le Palais de justice a l'époque où il y avait de l'emplacement au boulevard on aurait fait une belle chose, mais il est dérisoire de nous demander de réfléchir encore, après que toutes les autorités ont été consultées et se sont prononcées à l'unanimité, sauf M. Le Hardy.
On a fait une dernière objection ; on nous a dit : Les constructions coûtent toujours plus que les devis. En général, cela est vrai ; mais cela n'est pas seulement vrai pour l'Etat, c'est vrai aussi pour tous les particuliers sans exception, et vous ne pouvez pas exiger que les affaires de l'Etat soient, à cet égard, gérées avec plus de soins que celles des particuliers.
Dès lors il serait bon de ne pas se lancer dans toutes sortes d'exagérations. M. Coomans nous dit : Regardez l'église de Laeken, on est venu nous affirmer qu'on la ferait pour 800,000 fr.
M. Coomans. - Oui, oui.
MjTµ. - Non, on ne vous l'a jamais dit. Voici ce qui en est : On a d'abord fixé le prix pour le concours à 800,000 francs, mais alors l'église de Laeken devait être construite exclusivement en briques et ne devait pas avoir l'importance qu'elle a aujourd'hui. Tout le monde a su que les crédits devaient être excédés.
M. Coomans. - Plus tard.
MjTµ. - Avant que l'on commençât, j'en appelle à M. de Haerne, qui était rapporteur du projet.
L’affirmation de M. Coomans est donc complètement erronée. On n'en est pas aujourd'hui, comme il le dit, à une dépense de 5 millions et on n'y arrivera jamais, même avec le mobilier. Nous ne sommes pas à 3 millions.
M. Coomans. - L'église n'est pas faite.
MjTµ. - Vous prétendez que nous avons déjà dépensé cinq millions : je réponds que nous n'en avons pas encore dépensé trois et que nous n'en aurons peut-être pas dépensé cinq quand l'église sera achevée. J'ajoute que si l'on arrive à ce chiffre, c'est parce que les plans ont été complètement modifiés. Quant au devis, il n'y en a jamais eu. Dans l'intervalle de la discussion et de l'examen en sections, on a demandé à l'architecte à combien s'élèverait la dépense si l'on prenait des pierres de taille et si l'on faisait encore quelques modifications. L'architecte a déclaré à quelle somme elle pourrait s'élever.
Quant au palais de justice, pour ne pas engager le pays dans des dépenses extraordinaires et pour ne pas engager ma propre responsabilité, j'ai prié l'architecte de faire un devis qui ne soit pas dépassé, et la dépense de 15 millions qui vous est demandée est probablement supérieure à ce qu'exigera la construction de ce palais.
- Le paragraphe 20 est adopté.
« § 21. Au ministère de l'intérieur. Continuation des travaux au palais du Roi, et achèvement des écuries du palais Ducal : fr. 1,200,000. »
MpVµ. - La section centrale propose de diviser ce chiffre et de porter 1 million pour les travaux à faire au palais du Roi, et 200,000 fr. pour l'achèvement des écuries du palais Ducal.
M. de Brouckere vient de déposer l'amendement suivant :
« Continuation des travaux au palais du Roi, y compris une allocation de 100,000 fr. pour dépenses urgentes d'ameublement.3
La parole est à M. de Brouckere pour développer son amendement.
M. de Brouckere. - Messieurs, à la demande de M. le ministre de l'intérieur, j'ai accepté, il y a une couple d'années, je crois, la présidence d'une commission qui est chargée de surveiller, de régulariser, d'accélérer les travaux de construction qui se font au palais du Roi. C'est à ce titre que j'ai présenté à la Chambre l'amendement dont il vient de vous être donné lecture et qui avait été préalablement communiqué à M. le ministre de l'intérieur, qui s'y est rallié.
Voici en deux mots, messieurs, l'explication fort simple de cet amendement.
Une partie des constructions qui se font au palais est achevée. C'est la partie qui doit servir à l'habitation personnelle du prince royal et de sa jeune famille.
Tous ceux qui connaissent le palais seront incontestablement d'accord avec moi qu'il y a urgence à mettre cette construction dans un état tel, qu'elle puisse être habitée. Or, elle ne peut pas être occupée si l'on n'y fait pas l'ameublement indispensable.
C'est pour pourvoir aux frais de cet ameublement que je demande que 100,000 fr. soient distraits du million qui figure au paragraphe en ce moment en discussion, pour être employés en dépenses urgentes d'ameublement.
Il est bien entendu que ces 100,000 fr. seront défalqués de l'allocation qui devra être demandée plus tard à la Chambre pour l'ameublement du palais.
(page 1188) M. Coomans. - Messieurs, mon observation de tout à l'heure revient ici à propos.
Voilà encore un vote financier qui nous est arraché presque à notre insu et pour ainsi dire de force majeure.
En effet, lorsqu'on nous a parlé la première fois de dépenses à faire au palais de Sa Majesté, il s'agissait d'un million, au maximum. On nous disait que ce million suffirait amplement.
Nous touchons ici au cinquième million, en y comprenant les écuries du Duc de Brabant.
M. de Brouckere. - Non ! non !
M. Coomans. - Si vous voulez que je vous fasse le compte par sous et deniers, je le veux bien, mais cela allongerait le débat. Messieurs, je ne voterai pas ce crédit.
Je l'ai déjà dit, les écuries de l'ancien palais du prince d'Orange sont mal situées. Je voudrais les voir disparaître et elles disparaîtront.
Le palais du Roi n'est guère digne de raccommodage ; il est et restera une grande baraque. (Interruption.)
Si vous saviez par qui ce mot a été prononcé, il ne vous ferait pas rire.
J'aime les monuments, même les monuments de luxe, mais lorsqu'ils sont construits avec art et dans un but d'utilité réelle, surtout en vue de l'avenir.
Mais il me peine de voir les deniers des contribuables gaspillés de la sorte. Si vous veniez me demander de l'argent pour construire un nouveau palais digne de la Belgique et du Roi, j'examinerais à fond la question.
II y avait, selon moi, moyen de concilier les intérêts de la justice avec la dignité de la Couronne. J'en ai déjà dit un mot. Mais comme je suis convaincu que l'argent que nous allons encore verser dans ce prétendu palais est de l'argent jeté, que ce palais sera démoli dans le cours du dernier tiers de siècle, je ne puis voter ce crédit.
Pour moi, ainsi que pour l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, c'est une grave question de savoir jusqu'où va notre droit de disposer de l'impôt. Je me suis posé cette règle : c'est que l'impôt étant prélevé en grande partie sur le nécessaire des citoyens, ne peut être appliqué qu'à des dépenses nécessaires.
Eh bien, il ne m'est pas démontré que la dépense que vous me demandez aujourd'hui, soit nécessaire, et vous-mêmes vous n'avez pas pu la considérer comme nécessaire, puisque vous ne nous l'avez pas demandée lorsque vous deviez nous la demander. Si cette dépense était nécessaire, elle l'était le jour où vous êtes venu nous dire que nous avions à voter des fonds pour le palais du Roi Ce jour-là, vous êtes venu dire qu'un million suffirait Ce million, nous l'avons voté. Vous nous demandez aujourd'hui trois et quatre fois plus. Eh bien, il m'est impossible de ne pas croire que ces regrettables changements de chiffre ne sont pas dictés en grande partie par la crainte de venir nous proposer dès l'abord un chiffre sérieux et véridique.
(page 1183) M. de Brouckere. - Messieurs, les critiques que l'honorable M. Coomans vient de diriger contre le bâtiment occupé par le Roi et par la famille royale sont exagérées. Ce bâtiment, je le reconnais, n'est pas d'une grande élégance. Mais lorsque les constructions que l'on y fait aujourd'hui seront achevées, je crois pouvoir dire qu'il sera parfaitement convenable.
Mais, dit l'honorable M. Coomans, pour réparations à un bâtiment aussi mesquin, voilà que nous en sommes au cinquième million.
Je ne sais pas où l'honorable M. Coomans a été prendre ses renseignements, mais il lui était très facile d'en trouver de certains, de parfaitement exacts dans le rapport de la section centrale.
M. Coomans. - C'est là que je les ai pris.
M. de Brouckere. - Eh bien, que vous dit le rapport de la section centrale ?
Il vous dit qu'on a accordé un premier crédit de 1,775,000 fr. ; que sur ce premier crédit, l'on a dépensé approximativement un million et demi. Il reste donc disponible une somme ronde et approximative (page 1184) d'environ 300,000 fr., qui, ajoutée aux 900,000 fr. dont nous demandons l'allocation, en défalquant les 100,000 fr. qui sont destinés à l'ameublement, fera une somme de 1,200,000 fr. disponible.
Ces 1,200,000 fr. ne seront pas absorbés avant une période de deux ans au moins, et alors le gouvernement aura encore à vous demander une somme que j'évalue à 1,500,000 fr. ; ce qui fait moins de quatre millions.
M. Coomans. - Non, c'est plus de 4 1/2 millions ; le rapport le dit.
M. de Brouckere. - J'entends dire derrière moi, qu'il faudra encore 500,000 francs pour les travaux à exécuter à la façade ; rien n'est décidé à cet égard ; c'est une dépense qui n'est pas arrêtée. (Interruption.)
On me dit que cette dépense doit avoir lieu, qu'elle est indispensable ; dès lors elle est à l'abri de toute critique.
Messieurs, l'honorable M. Coomans se demande si la Chambre a bien le droit de voter de semblables dépenses de luxe. Comment peut-on regarder comme dépenses de luxe des dépenses qui ont pour objet, d'après l'honorable M. Coomans lui-même, de transformer une baraque en un palais convenable ? Car c'est l'honorable M. Coomans lui-même qui a dit que le palais, dans son état actuel, est une véritable baraque. Eh bien, quel est celui d'entre vous qui voulût que la famille royale continuât d'habiter une baraque ? Il n'y en a pas un, pas même l'honorable M. Coomans.
En effet, l'honorable membre nous a dit qu'il regrettait qu'on n'eût pas demandé les fonds nécessaires pour bâtir un palais neuf, et pour le bâtir dans le Parc, au grand détriment de cette magnifique promenade, projet auquel, j'en suis très convaincu, la famille royale n'eût pas consenti.
Messieurs, permettez-moi de le dire : les travaux qui s'exécutent au Palais se font avec une grande économie. La commission dont je vous ai parlé et que je préside, est composé de trois membres.
Mes honorables collègues sont deux hommes de l'art, deux hommes spéciaux jouissant d'une considération générale et d'une notoriété scientifique incontestable. C'est l'honorable directeur-général des travaux publics, c'est ensuite M. Wellens, inspecteur général. Ces messieurs contrôlent toutes les dépenses avec un soin extrême.
Les travaux ne marchent pas vite, je le reconnais ; mais tout se fait régulièrement et avec la plus grande honnêteté.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, l'honorable M. Coomans tombe dans une contradiction vraiment étonnante ; il y a un instant, il faisait la guerre à mon honorable collègue, M. le ministre de la justice, parce qu'il proposait de construire un palais de justice neuf et beau ; et lorsqu'il s'agit du palais du Roi, l'honorable membre retourne la question : il nous reproche de restaurer le mieux possible le palais qui existe, et il est tenté, dit-il, de proposer de bâtir pour la famille royale un palais nouveau et splendide.
Il y a là, je le répète, une contradiction d'autant plus flagrante que l'honorable membre motive de la manière suivante sa double opposition. « Pourquoi, nous dit il, faire un si grand palais de justice ? » et quand il s'agit du palais royal, l'honorable membre nous dit : « Pourquoi ne pas faire un palais plus grand ? »
Je crois qu'en fait de palais, l'honorable M. Coomans devrait mettre au moins d'accord le palais royal et le palais de justice.
Les autres critiques que nous fait l'honorable membre ne sont pas fondés ; « qui bâtit, pâtit », c'est un proverbe malheureusement connu de tous ceux qui se sont occupés de constructions ; or, que peut faire le gouvernement ? Tâcher d'avoir les meilleurs plans et les devis les p'us exacts possibles ; et s'il y a entre les dépenses présumées et la dépense réelle une légère différence, peut-on en faire un grief au ministre qui ne peut pas connaître tous les détails de pareilles constructions ?
L'honorable M. Coomans affirme « que nous touchons au cinquième million. » Cela n'est pas exact. Voici la vérité.
Mon honorable prédécesseur, M. Rogier, a demandé à la Chambre un crédit de 1,775,000 fr., et il a déclaré que c'était un premier crédit, et que notamment pour ce qui concerne la façade, les expropriations et certaines autres dépenses, il faudrait demander de nouveaux crédits à la législature.
Le premier crédit de 1,775,000 francs sera utilement employé ; il permettra d'achever les grosses constructions du palais, et on ne s'est jamais engagé qu'à cela. Le gouvernement a même fait plus, car, sans dépasser le crédit de 1,775,000 fr., j'ai pu acheter, pour 304,000 fr., trois maisons qui coûteraient aujourd'hui déjà un prix beaucoup plus élevé. Ces maisons seront démolies pour dégager les abords du palais.
L'honorable M. Coomans examinera, nous dit-il, avec complaisance la question de savoir s'il ne faut pas construire un palais nouveau. C'est un peu tard ! en vérité.
Si on avait à commencer les travaux, je comprendrais qu'on examine cette question ; mais aujourd'hui qu'on a dépensé plus de 1,300,000 fr., cette question ne peut être utilement discutée.
M. Coomans est-il d'avis de faire stater les travaux, et de faire démolir ce qui a été construit ? Telle ne peut être son intention, je pense.
Je crois donc que les reproches que nous fait l'honorable M. Coomans ne sont pas fondés, et je prie la Chambre de vouloir bien accorder au gouvernement le nouvel à-compte qu'il sollicite. (Interruption.) Je dis à-compte, car de nouveaux crédits seront encore nécessaires.
Quant à la question du manège, je ne m'en occuperai pas ; M. le ministre des travaux publics répondra aux observations qui ont été présentées sur ce point.
Je crois inutile d'ajouter que je me rallie à l'amendement présenté par M. de Brouckere, amendement présenté, d'accord avec le gouvernement.
La somme de 100,000 francs pour ameublement pourra être déduite plus tard des crédits à demander pour meubler les nouveaux appartements du palais.
M. Vleminckxµ. - M. le ministre des travaux publics se rallie-t-il à la proposition faite au paragraphe 21 par la section centrale ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je me rallie à la division du crédit en deux paragraphes, relatifs, l'un au palais du Roi, l'autre aux écuries du palais Ducal ; mais je ne puis me rallier à la condition proposée pour le second objet, savoir que les constructions nouvelles seront établies sur un autre emplacement que celui du palais Ducal.
(page 1188) M. Coomans. - Messieurs, à en croire M. le ministre de l'intérieur, je suis tombé dans une contradiction flagrante, parce que, blâmant la construction d'un palais de justice tout neuf, je préférais un palais royal neuf à la restauration du vieux palais. A en croire l'honorable ministre, quand on veut une fois du neuf, il faut en vouloir constamment sous peine de n'être pas logique.
Mais si je manque de logique, le gouvernement n'en manque-t-il pas ?
Comment ? il construit un nouveau palais de justice, et il restaure, il raccommode le palais du Roi ! où la logique, je vous le demande ?
Si vous aimez les vieux palais royaux, pourquoi ne pourrais-je pas aimer les vieux palais de justice ?
Le reproche de M. le ministre ne porte donc pas, celui que m'a lancé l'honorable M. De Brouckere porte encore moins. J'ai dit que nous en étions au cinquième million pour le palais du Roi et les écuries du Duc de Brabant.
Or, il se trouve que l'honorable M. de Brouckere, qui me renvoie au rapport de la section centrale pour m'éclairer, n'a pas lu ce rapport. En effet, les chiffres que j'ai rappelés à la Chambre se trouvent dans le rapport de la section centrale.
Les voici, pour l'édification de l'honorable M. de Brouckere. J'espère que les autres membres de la Chambre ont lu la page 47 du rapport.
Voici ce que dit la section centrale :
« Au lieu qu'il en soit ainsi, l'on a dépensé jusqu'à ce jour 1,395,493 fr. 03
« Il reste à effectuer des travaux pour la somme de 2,660,204 fr. 05
« Pour la façade 525,000 fr.
« Total : 4,581,297 fr. 08 c. »
Quand les centimes y sont, vous ne pouvez plus douter de l'exactitude des comptes.
Voilà donc, messieurs, le cinquième million bien établi sans les écuries du Duc de Brabant et sans les inévitables queues que nous connaissons si bien.
Je n'ai pas dit que je sollicitais la construction d'un palais neuf. J'ai dit que je préférais un palais neuf à la restauration d'un vieux palais, et que si le gouvernement venait nous présenter un projet raisonnable, je l'examinerais avec le vif désir d'aboutir.
Les chiffres que j'ai avancés sont exacts.
La contradiction dont on m'a accusé n'existe pas ou a été commise à plus forte dose par le gouvernement. Ce qui me consolera. C'est tout ce que j'avais à dire pour le moment.
(page 1183) M. de Brouckere. - Messieurs, il y a un malentendu entre l'honorable M. Coomans et moi.
Il a dit : Nous en sommes au cinquième million. Or, nous ne sommes pas au cinquième million, puisque nous n'avons voté jusqu'à présent que 1,775,000 fr. et que l'on nous demande aujourd'hui un million.
J'ai cru que l'honorable M. Coomans voulait dire que le million que l'on demandait aujourd'hui était le cinquième.
M. Coomans. - Non ! non !
M. de Brouckere. - Je l'ai compris comme cela.
Je veux bien croire que c'est moi qui ai mal compris. Mais vous disiez nous sommes au cinquième million. Or, nous ne sommes qu'au troisième million. Mais il est vrai que M. le ministre de l'intérieur nous annonce que les travaux complets, y compris la façade qui n'est pas encore décrétée, exigeront 4,500,000 fr.
Voilà le malentendu.
(page 1188) M. Coomans. - Je demande la parole.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Coomans. - Messieurs chaque fois qu'on attribue à un de nous une inexactitude grave, qui pourrait impliquer une sorte de manque de déloyauté, il doit lui être permis de répondre.
Eh bien, j'ai dit, il y a dix minutes, que lorsque le gouvernement nous a, pour la première fois, parlé de la dépense à faire au Palais du Roi, il avait dit qu'un million serait suffisant. A quoi l'on m'a répondu que non seulement le gouvernement n'avait pas parlé d'un million, mais que, venant plus tard nous demander 1,775,000 francs, il avait dit qu'il ne nous demandait cette somme qu'à titre de première dépense.
Or, voici ce que dit la section centrale. Ce n'est plus moi qui parle ; c'est la section centrale : « Dans l'exposé des motifs du projet de loi de 1858, le gouvernement déclarait que la dépense de l'agrandissement du Palais du Roi ne dépasserait pas un million. Ce projet fut retiré, puis représenté l'année suivante. A cette époque le gouvernement produisit un devis aux termes duquel les travaux d'agrandissement, sans y comprendre les modifications à faire à la façade du côté du parc, devaient couler 1,773,540 francs, « le crédit de 1,975,000 fr. voté en 1859, devait donc suffire pour l'achèvement des travaux. »
Messieurs, défalquez les 500,000 francs pour la façade, il restera 4 millions de dépenses. Nous sommes bien loin de 1,775,500 francs. Par conséquent j'avais bien lu le rapport de la section centrale.
(page 1184) - La discussion est close.
La première partie du paragraphe rédigée comme l'a proposé M. de Brouckere, est mise aux voix et adoptée.
MpVµ. - L'amendement suivant a été déposé sur le bureau.
« Les soussignés proposent à la Chambre d'ajouter à l'article 2, après les mots par Luttre et Nivelles.
« Nélis, Snoy, Le Hardy. »
- Cet amendement sera imprimé et distribué.
La séance est levée à cinq heures.