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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 10 juin 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1139) M. Van Humbeeck secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente ensuite l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Vande Casteele demande qu'il soit pris une mesure pour autoriser tous les brasseurs à expérimenter le nouveau système de brasser dont il est l'inventeur. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des membres de la Société centrale d'agriculture de Belgique, des propriétaires et cultivateurs à Ittre et Haut Ittre prient la Chambre d'augmenter le crédit demandé pour travaux de la voirie vicinale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« M. de Borchgrave, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé de huit jours. »

- Accordé.

Projet de loi relatif aux bases de la liquidation du minimum d’intérêt accordé à la compagnie ferroviaire de l’Entre-Sambre-et-Meuse

Rapport de la section centrale

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur le projet de loi portant modification des bases de la liquidation d'un minimum d'intérêt accordé à la Compagnie du chemin de fer da l'Entre-Sambre-et Mense, par la loi du 20 décembre 1851.

- Impression et distribution.

Projet de loi relatif à l’exécution de divers travaux d’utilité publique

Discussion des articles

Article premier

M. Van Hoordeµ. - Messieurs, tous les documents officiels de la province de Luxembourg constatent que c'est dans l'arrondissement de Bastogne que la situation générale laisse le plus à désirer, que son commerce languit, que son industrie s'éteint, et que la propriété territoriale y diminue de valeur dans des proportions très grandes.

La cause principale de cet état de choses se trouve dans le manque de voies de communication.

Comme j'ai eu l'honneur de vous le dire plusieurs fois, quoiqu'il ne possède ni canaux, ni rivières navigables ou flottables, ni même un kilomètre de chemin de fer, il est resté, et de beaucoup, en dessous de la moyenne en ce qui concerne les voies de communication ordinaires. Il n'atteint pas le tiers de la moyenne.

Il résulte des statistiques que tout le monde possède que sur 2,762 kilomètres de routes et de chemins de grande communication exécutés dans la province avec le concours de l'Etat, l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter en a seulement obtenu 155. Et la moyenne est de 552 !

Personne ne pourra donc trouver mauvais que je demande instamment à M. le ministre des travaux publics de rétablir l'équilibre au moyen du crédit affecté au Luxembourg, et que j'exprime l'espoir de le voir donner la préférence à la réalisation des vœux du conseil provincial qui intéressent spécialement l'arrondissement de Bastogne.

Je les lui ai déjà rappelés et j'insisterai seulement, mais tout particulièrement, sur les résolutions relatives au prolongement vers Houffalize de la route de Libramont à Herbaimont, et à l'établissement d'une route reliant Bastogne à la frontière dans la direction de Gouvy. Je le prie également de ne pas perdre de vue les projets de reprise des chemins de grande communication de Houffalize à Vielsalm, et de Bastogne à Laroche, ou plutôt de Bastogne à Hotton. C'est par une véritable anomalie que ce chemin n'a obtenu le bénéfice des routes royales que pour la section comprise entre Laroche et Hotton.

M. le ministre des travaux publics a toujours fait un accueil favorable à toutes mes recommandations, mais pour quelques-unes d'entre elles, notamment celles qui concernent le prolongement de la route de Libramont, tout en reconnaissant que ces demandes méritent d'être prises en sérieuse considération, l'honorable ministre est d'avis que les solutions doivent être tenues en suspens jusqu'à ce qu'on ait déterminé exactement les tracés des chemins de fer à établir dans ces localités.

Puisqu'il en est ainsi, il est véritablement urgent de hâter la présentation et l'approbation des plans définitifs. Si les choses continuaient à traîner en longueur, les projets de route dont il s'agit risqueraient fort de rester dormir dans les cartons ministériels, et au moment de leur réveil, le million qui nous est alloué pourrait bien se trouver dépensé sur d'autres points de la province. C'est pour éviter cette éventualité désastreuse que j'engage M. le ministre à veiller à l'exécution de la convention du 10 janvier 1863, aux termes de laquelle les tracés auraient dû être arrêtés déjà depuis longtemps.

Je dois remercier ici l'honorable chef du département des travaux publics (et peut-être aurais-je dû commencer par là) de la déclaration nette et catégorique qu'il a faite à la fin de la discussion générale (page 1140) relativement à la part qui nous sera alloués dans les deux millions portés au paragraphe 14.

Le texte de la loi était vague, le rapport de la section centrale ne nous apportait aucune lumière, il semblait même résulter d'une réponse du gouvernement consignée dans ce rapport, que la somme serait répartie au marc le franc entre toutes les provinces, sans excepter celles qui participent le plus largement aux autres crédits.

Aujourd’hui, nous savons positivement que l'intention du gouvernement est de nous donner la moitié du crédit pour construction de routes : nous aurons donc un million sur les 48 millions dont disposera le département des travaux publics. Ce n'est pas beaucoup encore, mais, je l'avoue, c'est plus que je ne pensais ; non que je ne sois bien convaincu du droit qu'a le Luxembourg d'obtenir de grandes compensations, droit qui resta établi à toute évidence, malgré les dénégations de l'honorable ministre, mais parce que nous avons à lutter contre une espèce de parti pris. Nous sommes victimes d'un préjugé qui est encore tellement enraciné que nous ne parvenons pas à le détruire, dans les sphères gouvernementales, même en exposant les faits dans toute leur simplicité, et les chiffres dans lesquels ils se résument.

Les faits, on passe à côté, les chiffres, irréfutables dans leur ensemble, on les combat par des proportions isolées, par des catégories de chiffres choisies entre toutes pour les besoins de la cause. M. le ministre a de nouveau eu recours mercredi à cet artifice, qui, cependant, ne trompe personne.

Répondant à ceux qui avaient rapetissé la question en marchandant les dépenses à faire dans le Luxembourg, j'avais demandé à M. le ministre, pour le cas eu il partagerait leur manière de voir, fausse et mesquine, je lui avais demandé, d'accord avec la chambre de commerce et la presse de la province, de mettre dans la balance, d'un côté, tout ce que nous avons reçu depuis 1830 et, de l'autre, tout ce que nous avons payé depuis cette époque.

Et il s'est arrêté à un seul chiffre : celui de l'année 1862 ! Or, chacun le sait, à un chiffre isolé on fait prouver tout ce que l'on veut. En outre, je lui avais rappelé que le Luxembourg a donné plus de la moitié de ses ressources pour payer l'établissement de cette nationalité dont nous sommes tous si fiers, et M. le ministre n'a pas tenu compte de cet clément de calcul tout à fait capital !

Je pourrais donc refuser la discussion sur le terrain étroit où il a plu, ou pour parler plus exactement, où il a convenu à M. le ministre des travaux publics de la porter. Mais je n'en ferai rien, et quelques mots me suffiront, je pense, pour prouver à la Chambre que ses calculs ne supportent pas l'examen, et que ses chiffres sont des chiffres de fantaisie.

L'honorable ministre nous donne, d'abord, sans entrer dans aucun détail, la somme de 6,031,422 fr. comme représentant, tout juste, les recettes de la province. Je le crois sur parole. Mon intention n'est pas, du reste, de contester ce premier chiffre : je n'ai pas besoin de le faire. Je dois cependant lui faire remarquer qu'il renferme peut-être une erreur, à notre détriment, si M. le ministre a fait entrer, dans son calcul, les données dont il a argumenté l'anuée dernière.

Les renseignements qu'il a produits alors relativement au foncier, au personnel et au droit de patente, ne concordent pas avec ceux que je trouve dans l'Exposé de la situation de la province de Luxembourg. J'y lis, sous la rubrique : « Autres impôts de l'Etat » pour cette même année 1862 que M. le ministre a choisie l'an passé, et qu'il choisit de nouveau aujourd'hui (c'est son année de prédilection), que le foncier s'élève à 954,439 fr. 14 c., au lieu de 661,691 fr., chiffre cité par lui ; que le personnel s'élève à 252,298 fr. 93 c, au lieu de 166,151 fr. et que le droit de patente se monte à 97,322 fr., 8 c., au lieu de 70,277 fr. Au total, pour ces trois branches, je trouve 1,304,000 fr, et non 901,000 fr. Il y a donc erreur de part ou d'autre.

Cette réserve faite, j'admets le chiffre global qui nous est donné comme représentant nos recettes, et je m'attache à la somme étonnante de 7,219,698 qui est mise en avant comme correspondant aux dépenses faites pour le Luxembourg.

Ce chiffre-ci, je le conteste formellement. Il m'est impossible d'en examiner tous les détails, car M. le ministre ne me les a pas fournis. Mais il a indiqué, en quelques mots, sa manière de procéder, et cette manière n'est pas admissible. «J 'ai ajouté, dit-il, aux dépenses effectuées dans la province, une part des dépenses générales, en la calculant proportionnellement à sa population. » Ce calcul est absolument faux.

Il augmente, d’abord, notre passif d’une foule d'éléments qui lui sont totalement étrangers. M. le ministre nous fait supporter une part dans toutes les dépenses qui sont inscrites aux budgets ordinaires de 1862. Mais nous votons, tous les ans. un grand nombre de crédits dont il ne revient pas un centime au Luxembourg : crédits pour le régime des eaux, crédits pour les écoles manufacturières, crédits pour les beaux-arts, etc., etc.

Et les frais si considérables de l'administration du chemin de fer de l'Etat, en quoi nous concernent-ils, nous qui n'en profitons pas ? (Interruption.)

Mais il y a plus. Son calcul est encore faux même relativement aux dépenses dont nous retirons un profit, car pour arriver à une répartition rationnelle de ces dépenses, il faut évidemment tenir compte de tous les avantages qu'elles sont appelées à procurer, et qu'elles procurent réellement.

Or, nulle part, ces avantages ne sont moindres que dans le Luxembourg : ils y sont toujours réduits à leur plus simple expression.

Ainsi, bien certainement, le trésor ne paye pas à l'habitant du Luxembourg, du chef du budget de la guerre ou du chef du budget de la justice, ce qu'il paye à l’habitant de Bruxelles, de Gand ou de Liège.

Donc, la base que vous avez prise n'est pas sérieuse, et j'avais raison de dire que vos chiffres sont des chiffres de fantaisie. (Interruption.)

Je me suis sans doute mal exprimé, car il me semble que l'honorable ministre des finances ne me comprend pas. Qu'il me soit donc permis d'expliquer ma pensée.

Je regrette vraiment de devoir m'engager plus avant dans cette dissertation purement théorique, mais je tiens à être clair.

Je suppose, pour éviter les fractions, un budget de la guerre de 35 millions et une population de 5 millions. La dépense proportionnelle à la population serait de 7 francs par tête.

Je suppose encore que la population du Luxembourg ne soit que de 200,000 âmes et que Bruxelles ail une population égale. Le calcul de M. le ministre aboutira à ce résultat que le Luxembourg aura à son passif 1,400,000 francs pour les dépenses générales de la guerre et que Bruxelles n’y figurera que pour la même somme. Cela n'est pas juste ! Voici pourquoi :

Les 1,400,000 fr. que vous portez au compte du Luxembourg sont perdus pour lui, ou à peu près, car il n'a jamais de garnison équivalente à son contingent de milice, mais les 1,400,000 fr. de la ville de Bruxelles lui rapportent bien au delà.

L'administration centrale de la guerre, les nombreux officiers supérieurs qui y sont attachés, l’importante garnison donnée à la capitale, toutes les dépenses budgétaires qui y sont faites, tout cela vaut à Bruxelles plus d'un million et demi ! Et, cependant, vous raisonnez comme si les deux situations étaient identiques.

Je donne sept francs à l'habitant de Bruxelles, dites-vous, et sept francs à l'habitant du Luxembourg. Du tout, vous donnez beaucoup plus de sept francs à l'habitant de Bruxelles ; vous donnez cette somme augmentée de la somme de tout ce qui est dépensé chez lui, au nom ou à l'occasion du budget da la guerre.

Et l'habitant du Luxembourg que reçoit-il ? Rien qu'une protection éventuelle et commune à tous.

Ce raisonnement s'applique à tous les budgets. Le budget de la justice se dépense-t-il dans le Luxembourg proportionnellement à sa population ? Mettez en regard, d'un côté, l'administration centrale, la cour de cassation, une cour d'appel et un grand nombre de tribunaux inférieurs ; de l'autre, les trois tribunaux de première instance et les quelques justices de paix que possède la province de Luxembourg, et dites si le budget de la justice rapporte autant à l'habitant du Luxembourg qu'à l'habitant de Bruxelles ? Evidemment non ; votre proportion est impossible et tout votre échafaudage tombe de lui-même !

Je pourrais répondre très longuement aux fins de non-recevoir que l'honorable ministre des travaux publics m’a opposées relativement à la compagnie Forcade, et à l'emploi des 400 millions qui ont été dépensés pour travaux extraordinaires et dont le Luxembourg n'a pas même reçu la cinquantième partie.

Toutefois je ne veux pas abuser de l'attention de la Chambre ni prolonger inutilement une discussion qui ne peut pas aboutir.

Je ferai seulement remarquer que si la construction d'un chemin de fer n'est autre chose qu' un placement de fonds très avantageux, le gouvernement a eu grand tort de n'en construire aucun dans le Luxembourg ; d'autant plus grand, que ce que M. le ministre appelle l’argent de l'Etat n'est, en définitive, que l'argent des contribuables.

Si le gouvernement 'a fait que placer dans l'intérêt du trésor les deniers du Luxembourg en Flandre et dans toutes les provinces, il aurait bien dû placer également les deniers des Flamands dans le Luxembourg !

Mais ce qui prouve bien que l'honorable ministre n'a eu recours à cette thèse qu'en désespoir de cause, c'est que la veille même du jour où il (page 1141) tenait ce langage, il avait évoqué en réponse à un honorable député du Limbourg comme sacrifice réel, la construction d’une ligne de chemin de fer dans cette province.

Je ne dois donc pas m'y arrêter plus longtemps, et je termine en faisant encore observer que M. le ministre est dans l'erreur s'il pense qu'aucune demande de subvention ne lui sst adressée au nom de la compagnie Forcade. Une subvention lui est formellement demandée, « comme réparation tardive mais juste », par la chambre de commerce d'Arlon. Je fais observer, enfin, que l'honorable ministre des travaux publics a, sans doute, voulu rire quand il a dit que la compagnie concessionnaire ne se soucie pas d'une somme de deux millions et demi. Le bon sens et ce qui se passe, en ce moment même, dans les provinces rhénanes, proclament hautement le contraire.

M. Thonissenµ. - Messieurs, je ne dirai que peu de mots. De même que la chambre tout entière, j'ai hâte d'en finir aussi promptement que possible.

Vous le savez, les membres de la députation du Limbourg avaient déposé un amendement ayant pour but de faire porter le crédit du paragraphe 14 de deux à trois millions et d'y faire inscrire le nom du Limbourg à côté de celui du Luxembourg.

M. le ministre des travaux publics, discutant cet amendement, nous fit une triple déclaration :

La première, que le Limbourg obtiendrait une part équitable et même assez large dans le crédit de deux millions du paragraphe 14 ;

La seconde, que le gouvernement, autant qu'il dépendrait de lui, faciliterait la conclusion d'un arrangement ayant pour objet la construction d'un chemin de fer de Hasselt à Maeseyck.

La troisième, que le gouvernement se montrerait généreux vis-à-vis du Limbourg dans la répartition du crédit ordinaire, porté annuellement au budget pour l'extension de nos voies de communication.

Aussitôt, l'un de nous se leva, et, au nom de tous, déclara que, plein de confiance dans les paroles de M. le ministre des travaux publics, nous retirions l'amendement que nous avions précédemment déposé.

Vous en conviendrez, messieurs, il n'était pas possible de se montrer plus conciliant et plus modéré. Je ne sais donc vraiment pas, encore une fois, pourquoi l'honorable M. Hymans a cru devoir représenter les Limbourgeois et leurs députés comme des gens avides, insatiables, gorges des faveurs du gouvernement et ne payant pas même la part qui leur incombe dans les charges publiques du royaume.

Je ne prolongerai pas ce débat qui, bien malgré moi, a menacé de prendre un caractère personnel entre l’honorable M. Hymans et moi. Je me bornerai à rectifier quelques chiffres, parce que, en les laissant passer sans protestation, ils jetteraient, dans l'esprit de la plupart des membres de cette Chambre, des préjugés dont le Limbourg pourrait plus tard se ressentir.

L'honorable rapporteur a affirmé que le Limbourg n'intervient que pour une part insignifiante dans les travaux exécutés sur son propre territoire. Il y a là une erreur complète, que je dois nécessairement redresser.

De toutes le provinces du royaume, la province de Limbourg est peut-être celle qui s'impose les sacrifices les plus considérables pour l'amélioration et l'extension de ses voies de communication. Vous allez, messieurs, en avoir la preuve irrécusable, à l'aide de chiffres empruntés à des documents officiels.

A la page 325 de l'exposé décennal de la situation du royaume de 1850 à 1860, le gouvernement indique la part contributive des provinces, des communes et des particuliers dans les frais de construction des routes. Pour tout le royaume, les provinces ont fourni 1,269,750 fr., et le Limbourg seul, 255,430 fr., c'est-à-dire près du quart ; les communes ont fourni 849,931 fr., et les communes limbourgeoises seules 120,762 fr., c'est-à-dire près du septième ; les particuliers de toutes les provinces ont fourni 295,910 fr., et les particuliers habitant le Limbourg seuls 50,246 fr., c'est-à-dire près du cinquième. Certes, pour une province aussi peu peuplée, ces chiffres sont énormes ! Savez-vous ce qui, pendant la même période, a été dépensé par quelques-unes des provinces les plus riches du royaume ? Le voici :

Dans la province d'Anvers : 12,000 fr. par la province, 53,000 fr. par les communes, 15,000 fr. par les particuliers ; dans la province de Brabant, 36,000 francs par la province, 20,793 fr. par les communes, 10,000 fr. par les particuliers ; dans la Flandre orientale, 27,158 fr. par la province, 145,712 fr. par les communes, 23,621 fr. par les particuliers.

M. de Naeyer. - La Flandre orientale a dépense deux à trois millions pour les routes provinciales sans aucun subside du gouvernement.

M. Thonissenµ. - Je cite les chiffres fournis par le gouvernement ; je les cite avec une parfaite loyauté ; j’indique le document et la page où je les ai puisés ; chacun peut les vérifier.

De 1850 à 1860, le Limbourg a contribué pour une part plus importante que les riches provinces d'Anvers, de Brabant et de la Flandre orientale ! Et vous avez le courage de vous moquer de la prétendue petitesse des sacrifices que nous nous sommes imposés pour la construction de nos grandes voies de communication !

La vérité est que le Limbourg consacre annuellement à l'amélioration de sa voirie la somme de 70.000 francs, c'est-à-dire, la moitié des ressources ordinaires de son budget.

Qu'on ne vienne donc pas nous reprocher la prétendue petitesse de la part contributive du Limbourg dans les travaux qui ont été exécutés sur son territoire !

Je terminerai, messieurs, par une réflexion que je recommande tout particulièrement à votre attention. On a eu tort de nous dire et de nous répéter que le Limbourg n'est pas riche. Cet argument tourne à l'encontre de la thèse de ceux qui sont venus l'invoquer.

Les économistes, les administrateurs, les ingénieurs, tous ceux qui s'occupent de la direction des intérêts généraux, savent très bien qu'il faut venir au secours de ceux qui manquent de ressources. Répondre à une province : Vous avez peu de ressources et vous contribuez faiblement à la formation des revenus généraux du pays, ce n'est pas produire une argumentation sérieuse.

Avec bien plus de raison, je puis dire que, puisque le Limbourg manque de ressources suffisantes, il est du devoir du gouvernement de lui tendre une main secourable. Toute la question consis'e à savoir si le Limbourg s'impose suffisamment et si, de son côté, il fait des sacrifices en rapport avec ceux que le pays s'impose en sa faveur.

Or, à cet égard, voici l'état réel des choses. Le Limbourg dépense annuellement pour la voirie en général une somme de 70,000 fr., c'est-à-dire la moitié des ressources ordinaires de son budget. Il n'est pas possible d'aller plus loin, et personne assurément ne viendra me contredire à ce sujet.

J'aurais encore une foule d'erreurs à redresser, mais la Chambre est fatiguée de ces longs débats et je mécontente, pour le moment, de faire des réserves.

Si à l'avenir ces allégations étaient reproduites, je prouverais que les trois quarts au moins des calculs de l'honorable M. Hymans sont plus ou moins a côté de la vérité.

M. Nélis. - Messieurs, l’honorable ministre des travaux publics et d'autres honorables membres de cette Chambre m'ont fait l’honneur de répondre au discours que j’ai prononcé dans une séance précédente ; ils l'ont fait avec bienveillance, je les en remercie. Mais au lieu de répondre aux arguments sur lesquels je me suis appuyé, ces honorables membres ont donné à ma pensée une portée qu'elle n'a pas. D'après leurs paroles, on pourrait croire que je regarde tous les canaux comme inutiles, que je voudrais les supprimer immédiatement.

Te le n'est pas la thèse que je soutiens. Je ne veux rien supprimer, je laisse cette tâche au progrès industriel aidé par le temps.

J'ai voulu démontrer à la Chambre la supériorité de la voie ferrés sur la voie navigable. Je croyais m'être appuyé sur des arguments et des chiffres qui ne devaient laisser de doute dans l'esprit de personne. Si je n'ai pas réussi à convaincre mes honorables auditeurs, c'est que je me suis mal exprimé, c'est à l'insuffisance de ma parole que je dois l'attribuer.

Les voies navigables sont défendues dans cette enceinte par d'honorables membres au savoir et à l'expérience desquels je rends hommage, et si j'ai demandé la parole pour leur répondre, c'est que j'ai l'intime conviction d’être dans le vrai, et que la raison et les faits sont avec moi. Je m'étonne même que l'on puisse encore placer la voie navigable, je ne dirai pas au-dessus, mais sur la même ligne que la voie ferrée.

Une seule considération devrait décider cette question. En effet le chemin de fer peut transporter les grosses marchandises comme le canal, personne ne peut le contester, et en même temps il transporte les petites marchandises, les finances, les équipages, les animaux, les personnes ; en un mot, il suffit à tous les besoins de la société. Le canal, au contraire, est limité dans son action, il faut nécessairement lui associer un chemin de fer pour organiser le service des transports d'une manière convenable. Il ne faut pas être bien fort en économie politique pour comprendre que, lorsqu'on peut organiser, avec un seul capital, le service des transports de manière qu'il ne laisse rien à désirer, il ne faut pas, à côté de celui-ci, établir un second service qui ne peut avoir d'autre but que, de faire concurrence au premier. On perd ainsi l'intérêt d un capital considérable, Il n y a que l'Etat qui puisse se donner ce luxe de communication, mais c’est au détriment de ses finances.

(page 1142) On a dit : Les canaux ont transporté 17 millions de tonnes, tandis que les chemins de fer n'en ont transporté que 10 millions ; de là on tire la conclusion que les canaux rendent plus de services à la société que le chemin de fer, conclusion qui n'est pas exacte. La première observation à faire, c’est de demander comment ces 17 millions de tonnes de marchandises sont arrivées sur les bateaux ; personne ne contestera qua la plus grande partie a été transportée par chemins de fer, et on a négligé d'inscrire ces quantités au compte du railway.

Tous les charbonnages importants sont reliés aux canaux par des voies ferrée s, les carrières de Quenast le sont également. Vous voyez que l'industrie introduit le chemin de fer partout, il est entré depuis longtemps dans les usines et fabriques, bientôt il viendra dans les rues de nos villes pour permettre de déposer pendant la nuit le waggon de marchandises dans le magasin du négociant. C'est le progrès qui exploite l'idée nouvelle et qui ne s'arrêtera que lorsqu'il en aura tiré tous le avantages qu'elle peut offrir à la société. La navigation au contraire reste stationnaire, comme vous allez le voir.

Voici le compte exact des quantités transportées en 1860 et 1863 suivant l'annexe n°2 du projet de loi. J'ai pris 1863 parce que les chiffres de 1864 ne sont qu'approximatifs. Je n'y ai pas compris le canal de dérivation de la Lys dont le tonnage n\st pas indiqué pour 1860, et qui n'a été en 1863 que de 11,342 tonnes.

Les voies navigables exploitées par l'Etat ont transporté :

En 1860, 17,645,235 tonnes et en 1863, 12,174,583 tonnes ; différence au préjudice de 1863 de 5,470,672 tonnes.

Les quatre voies navigables de la province de Hainaut et l'Escaut ont transité

En 1860 12,894,965 tonnes et en 1863, 8,406,439 tonnes ; différence au préjudice de 1S65 de 4,488,526 tonnes

Je dois faire remarquer que l'Escaut figure dans ce chiffre pour 1,797,646 tonnes.

Les seize autres voies navigables exploitées par l'Etat ont transporté :

En 1860, 4,750,290 tonnes et en 1863, 3,768,144 tonnes ; différence au préjudice de 1863 de 982,146 tonnes.

En présence de ces chiffres, prétendra-t-on que les voies navigables sont en progrès, qu'elles n'ont rien à craindre de la concurrence des voies ferrées î

Cette diminution de plus de cinq millions de tonnes en 1863 sur 1860, n'est-elle pas le véritable motif des instances que l'on fait pour obtenir la réduction des péages ?

Les voies navigables sont d'anciennes connaissances qui ont rendu de grands services et qui en rendent encore, je ne l'ai pas contesté. On veut les soutenir quand même les intérêts de l'Etat devraient en souffrir, on réclame au nom du commerce, de l'industrie et surtout des bateliers, l'abaissement des droits de navigation. On dit au gouvernement : Vous ne devez pas faire de bénéfice sur un service public, les résultats avantageux que la société en retire vous indemnisent suffisamment ; le développement de la fortune publique et des affaires fait rentrer dans vos caisses bien plus que la perte que les voies navigables vous font éprouver. Ce raisonnement conduit à un nouvel abaissement de péages, un projet de loi est déposé, et la perte de plus d'un demi-million qu'éprouvera le trésor n'empêchera aucun membre de l'accueillir favorablement.

Le chemin de fer au contraire n'a trouvé dans cette Chambre que ma faible voix pour le soutenir, aucun membre ne s'est levé pour demander la réduction des tarifs. M. le ministre a dernièrement fait un pas dans cette voie sans y être sollicité ; des journaux ont été jusqu'à lui reprocher d'avoir pris cette sage mesure. La chemin de fer est-il moins utile au commerce, à l'industrie, à la généralité des habitants du pays ? Ne mérite-t-il ps3 autant de sollicitude que les canaux ? Si l'on adressait au gouvernement le raisonnement que l'on tient lorsqu'il s'agit de la réduction des péages, n'obtiendrait-on pas l'abaissement progressif des tarifs ? On aurait des raisons beaucoup plus fortes à faire valoir ; les réductions sur le tarif des marchandises ont été suivies d'augmentation dans les recettes, l'Etat retire un intérêt très élevé des capitaux employés à construire les chemins de fer qu'il exploite.

Si, comme on le prétend, l'Etat ne doit pas faire de bénéfice sur un service public, il doit donc abaisser les tarifs, il doit les abaisser jusqu'à ce que les recettes ne surpassent plus les dépenses d'entretien et d'exploitation.

Prétendre, comme l'a fait M. le ministre des travaux publics, que les canaux font une concurrence victorieuse aux voies ferrées, lorsque l'on est obligé d’abaisser les péages pour les soutenir, en imposant au trésor une perte considérable qui va chaque année en grandissant, ce n’est pas mettre les deux grandes artères de transports sur la même ligne, ce n’est pas ainsi qu’on peut les comparer et les juger avec impartialité. Que deviendraient le plus grand nombre des voies navigables si l’on abaissait les tarifs sur les chemins de fer jusqu’à la dernière limite ? C'est alors que les partisans de la navigation se plaindraient avec raison de ce que les chemins de fer font les transports à plus bas prix sur les divers marchés belges.

Loin de moi la pensée de conseiller au gouvernement de sacrifier le bénéfice qu'il retire de l'exploitation du railway. Je n'ai fait cette supposition que pour vous prouver qu'à conditions égales, la ligne ferrée l'emporte sur le canal.

Quand on réfléchit à l'abaissement progressif des péages sur les canaux à l'augmentation par conséquent de la perte que le trésor éprouve chaque année sur le plus grand nombre de voies navigables, on ne peut s'empêcher de reconnaître que c'est ainsi qu'on portera les plus rudes coups à la navigation.

Un service public qui ne peut couvrir les dépenses qu'il occasionne n'est pas dans une bonne position, surtout lorsque à côté de lui existe un autre service public perfectionné, qui est récompensé des services plus grands qu'il rend à la société, par des bénéfices considérables.

D'un autre côté, l'abaissement des péages sur les canaux exploités par le gouvernement aura pour conséquence la reprise par l'Etat de toutes les voies navigables du pays. Plusieurs demandes se sont produites dans cette discussion, d'autres ne tarderont pas à se faire jour, car l'industrie privée ne peut suivre le gouvernement dans la voie de réduction des droits de navigation. Une propriété qui ne rapporte plus un intérêt suffisant diminue de valeur dans ses mains et elle doit se hâter de s'en débarrasser. C'est une preuve que l'industrie privée pressent que les canaux ne pourront se soutenir dans l'avenir.

L'honorable M. Schollaert a eu la franchise de reconnaître que l'opinion développée dans mon premier discours était irréfutable, et il a employé les ressources de son éloquence pour mettre en lumière les avantages des voies navigables à côté des voies ferrées.

Je partage l'opinion de l'honorable membre, lorsqu'il dit : « L'utilité, l'importance d'un service public ne sauraient être déterminées par le profit direct qu'en retire le trésor » Je vais même plus loin que l'honorable membre et que l'honorable M. Braconier ; en parlant des routes dans mon premier discours, je me suis exprimé ainsi : S'il est un service public qui devrait se faire gratuitement, c'est certes celui des routes. Les routes sont les dernières ramifications du système des voies de communication qui couvrent le pays, elles sont les affluents des grandes artères qui relient les campagnes au mouvement commercial et industriel ; si elles ne produisent pas de recettes suffisantes à leur entretien, elles réagissent d'une manière avantageuse sur les différentes sources de revenu dont s'alimente le trésor public, et comme aujourd'hui il n'existe pas de moyen, plus économique de tirer les campagnes de leur isolement, ou doit engager le gouvernement à les multiplier.

D'ailleurs, la situation financière des routes n'est pas dans une situation aussi déplorable que l'a prétendu l'honorable M. Braconier. La période de 1831 à 1860 donne un excédant de recettes sur les dépenses de 17,352,904-01.

Je viens de dire qu'il n'y avait qu'un seul système pour relier les campagnes aux grandes voies de communication.

Il n'eu est pas de même lorsqu'il s'agit des transports sur une grande échelle. Là, deux systèmes sont en présence, la voie navigable et la voie ferrée ; on peut choisir, et certes toutes les ressources de la parole ne pourront parvenir à prouver qu'il faut donner la préférence à celle qui rend le moins de services à la société, et qui ne peut s'exploiter qu'avec perte. Prenons un exemple pour faire mieux comprendre ma pensée.

Un système de voies navigables existe en Campine, il a été décidé lorsque les chemins de fer n'avaient pas encore donné des preuves qu'ils pouvaient suffire au transport des marchandises pondéreuses ; peut-on soutenir aujourd'hui que ces canaux n'auraient pas été remplacés avantageusement par des chemins de fer ? Si les populations avaient été consultées, leur réponse n'aurait pas un instant été douteuse. Les canaux construits en Camping n'empêcheront pas les habitants de cette partie du pays d'avoir des chemins de fer.

L'industrie privée se charge de ces grands travaux, elle ne craint pas la concurrence des canaux, elle est certaine que cette concurrence n'aura pas grande influence sur les résultats de son entreprise. Vous voyez donc que les canaux n'empêchent pas le railway d'étendre ses lignes dans toutes les directions.

L'honorable M. Schollaert termine en demandant la construction par l’Etat de nouveaux canaux pour réunir le Démer au canal de la Campine et au canal de Louvain ; il nous rappelle que ce projet date de quarante (page 1143) ans, et que M. Van Hoorebeke, ministre des travaux publics en 1851, fit la promesse formelle que ce canal serait construit dans un avenir rapproché.

Je me borne à faire remarquer à l'honorable membre que nous avons fait beaucoup de progrès dans l'industrie des transports depuis quarante ans, et surtout depuis 1851 ; les opinions des ingénieurs se sont modifiées et ceux qui étaient favorables alors à ce projet n'hésiteraient pas aujourd'hui à se prononcer dans un sens contraire. Les habitants de Diest n'ont rien perdu à attendre, on leur a donné beaucoup plus qu'ils ne demandaient, ils trouveront dans les chemins de fer déjà en exploitation et dans ceux qui se construiront encore, tous les éléments de prospérité que l'on peut attendre d'un bon système de voies de communication.

Encore un mot, et je termine.

L'honorable M. Braconier a répondu à mes chiffres et à mon argumentation relativement à la Meuse, en me disant : Mais le travail n'est pas achevé, attendez que la Meuse soit canalisée dans tout son parcours en Belgique pour la juger.

Je n'ai qu'un mot à répondre à l'honorable député de Liège, c'est que lorsque les travaux seront achevés en Belgique, les bateaux qui naviguent sur la Meuse avec l'enfoncement que permettra la Meuse belge, ne pourront remonter en France parce que là l'enfoncement est moindre. Ce n'est donc pas pour favoriser spécialement les relations avec la France que ce travail a été fait en Belgique et la Meuse canalisée en Belgique ne pourra faire concurrence à la Sambre, comme l'a prétendu l'honorable M. Thibaut.

A la fin de mon premier discours, je me suis borné à demander à M. le ministre des travaux publics de soumettre la question des canaux à un examen approfondi avant de faire de nouvelles dépenses aux voies navigables. Depuis, j'ai fait de nouvelles réflexions et je trouve qu'il importe que la Chambre se prononce sur cette grave question.

Les crédits proposés pour la canalisation de la Meuse de Namur à Givet, pour la canalisation de la Mandel et pour continuer le canal de Turnhout vers Anvers, peuvent m'en donner l'occasion. Ces crédits, je ne crains pas de le dire, devraient être ajournés jusqu'à ce que de nouvelles études établissent d'une manière évidente l'utilité de ces divers travaux. Mais je reconnais toute la difficulté d'entraîner la Chambre à ajourner l'exécution de travaux commencés.

Cependant lorsque l'on tient compte qu'il existe déjà une communication par eau de Turnhout à Anvers, dont je vous ai fait connaître les résultats négatifs dans mon premier discours, on doit reconnaître que les fonds du trésor ne peuvent être plus mal employés qu'au prolongement du canal de Saint-Job in 't Goor vers Anvers.

Je demande donc à la Chambre de reporter le crédit d'un million du paragraphe 3 de l'article premier au paragraphe 22 du même article pour augmenter le fonds destiné aux travaux de voirie vicinale et d'hygiène publique.

M. Landeloos. - Il faut que lors de la discussion générale mes collègues de Louvain et moi nous nous soyons mal exprimés ou bien que l'honorable ministre ait mal suivi la portée de nos réclamations, pour qu'il ait cru devoir se déclarer l'adversaire de notre proposition. J'aurais compris l'opposition du gouvernement, si notre proposition avait eu pour objet de faire construire par l'Etat un canal latéral au Démer parce qu'il aurait été entraîné dans une dépense de plusieurs millions ; mais notre demande n'avait pas des proportions aussi vastes, elle était beaucoup plus modeste, elle tendait purement et simplement à ce qu'on reliât le Démer, à Werchter, au canal de Louvain au moyen d'un embranchement et d'autre part qu'on reliât le Démer au canal de Hasselt par un autre embranchement. La dépense à résulter de ce premier chef ne devait être que de 400,000 à 500,000 fr. Le gouvernement aurait donc parfaitement pu s'engager, me semble-t-il, à faire ce léger sacrifice et ne pas s'opposer à ce que la législature votât un crédit pour exécuter ce travail, qui est des plus utiles ; mais comme il a déclaré qu'il n'admettrait aucun amendement qui aurait pour effet d'augmenter le chiffre des crédits proposés, je me permettrai de demander à l'honorable ministre des travaux publics s'il trouverait quelque inconvénient à prendre l'engagement de faire compléter les études qui ont été faites en 1851, à l’égard du premier objet de notre réclamation et dont les travaux, je le répète, ne doivent entraîner qu'une dépense de 400,000 à 500,000 fr. ; et pour le cas où le rapport qui lui en serait fait, lui en démontrerait la haute utilité, si comme acheminement à l'exécution complète des embranchements que nous avons réclamés, il ne croit pas pouvoir, dès à présent, faire la promesse de comprendre ce travail dans un des prochains projets de travaux publics dont il saisira la législature.

Afin de ne pas être obligé de prendre de nouveau la parole lorsqu'il s'agira de l'examen du paragraphe 16 de l'article premier relatif au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain par Cortenberg, je me permettrai d'adresser maintenant deux interpellations à M. le ministre des travaux publics.

Différentes pétitions ont été adressées à la Chambre par les conseils des communes, qui doivent être desservies par ce chemin de fer. On se plaint dans ces requêtes de la lenteur apportée à l'exécution des travaux ; je demanderai à l'honorable ministre s'il ne pourrait pas dès maintenant, indiquer l'époque à laquelle ce chemin pourra être ouvert.

Je me permettrai aussi de recommander à M. le ministre une autre demande qui a été adressée à la Chambre par le conseil communal de Herent. Ce conseil réclame l'établissement d'une station qui desservirait principalement cette commune et les communes limitrophes. Il résulte des renseignements que j'ai obtenus, que cette commune se trouverait à une distance de 4,600 mètres de la station de Louvain, et de 4,500 mètres de la station de Wychmael qui vient d'être établie par le gouvernement ; comme elle se trouverait ainsi dans les mêmes conditions où sont placées les différentes stations qui viennent d'être établies sur le chemin de fer de Bruxelles à Malines et de Malines à Louvain, l'honorable ministre ne trouvera sans doute aucun inconvénient à y établir une station qui non seulement permettrait à l'industrie de s'alimenter, mais qui aurait encore pour résultat d'augmenter les ressources du Trésor.

Enfin, en terminant, j'appellerai derechef l'attention du gouvernement sur les autres objets que j'ai recommandés à sa bienveillance lors de mon premier discours, et qui sont dignes à tous égards de sa vive sollicitude.

(page 1149) M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je ne me propose pas de faire un discours ; Je veux simplement poser une question à l'honorable ministre des travaux publics ; je la fais à cet article, bien qu'elle se rattache moins peut-être qu'à tout autre, afin de n'avoir pas à la répéter à tous les articles.

L'honorable ministre, répondant à mon discours du 6 juin, a contesté, en quelque sorte, à la Chambre la compétence nécessaire pour s'occuper des détails techniques de la loi que nous discutons.

Je crois qu'il ne contestera certainement pas à la Chambre la compétence financière, ni le droit de s'assurer de la somme totale des engagements qu'elle prendra en votant le projet de loi qui lui est soumis. Je demanderai donc à M. le ministre de vouloir bien nous indiquer, pour cet article comme pour tous les suivants, le chiffre exact ou aussi exact que possible des dépensas qu'occasionnera l'exécution complète des travaux compris dans la loi en discussion.

Pour certains des travaux nous savons à quoi nous nous engageons, mais il y en a d'autres, tels que l'amélioration de la Lys, le canal de Turnhout à Anvers, la canalisation de la Mandel, pour lesquels les crédits pétitionnes aujourd'hui ne sont en quelque sorte que des à-compte.

Je désirerais donc, et je crois que la Chambre doit désirer comme moi, que nous soyons bien fixés sur l'importance des dépenses à faire. Je me réserve d'apporter des éclaircissements sur quelques-unes de ces dépenses, parce que je les connais ; sur d'autres, ne connaissant pas les travaux à faire, je ne puis qu'accepter les chiffres qui nous seront donnés par l'honorable ministre.

(page 1143) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, j'ai deux mots à répondre au discours qu'a fait hier l'honorable M. Thibaut au sujet de la canalisation de la Meuse.

L'honorable M. Thibaut, à l'exemple de ses honorables collègues de la province de Namur, est venu plaider à son tour la cause de la Meuse, ou plutôt de l'allocation immédiate et définitive de tout le crédit nécessaire à l'achèvement de la canalisation jusqu'à la frontière de France.

L'honorable membre, comme ses devanciers, s'est appuyé uniquement sur l'urgence que présentait ce travail, non seulement l'urgence absolue, mais l’urgence relative, c'est-à-dire sur les raisons qui existeraient pour faire passer ce travail avant beaucoup d'autres travaux inscrits au projet de loi.

L'honorable membre a senti en effet qu'il était difficile d'augmenter l'import global du projet de loi, et que si l'on voulait modifier ce crédit aux fins de le majorer, il fallait en diminuer ou en supprimer d'autres.

L'honorable membre est allé jusqu'à proposer de supprimer ou de réduire le crédit demandé pour la construction d'un barrage dans le bassin de la Vesdre, le crédit pour l'assainissement de la Senne, le crédit pour le palais de justice, et même le crédit pour construction de maisons d'école.

Je ne m'occuperai pas de chacune de ces indications en particulier. Je ne chercherai pas à démontrer que les travaux de la Vesdre sont aussi urgents et plus urgents que les travaux à la Meuse ; qu'il en est de même de la Senne, du palais de justice et surtout de la construction d'écoles. Je me bornerai à répondre que non seulement l'achèvement de la canalisation de la Meuse n'offre pas un degré d'urgence plus grand que les autres travaux, mais qu'il en offre beaucoup moins.

Ce travail de canalisation de la Meuse, au lieu d'être un travail urgent au point où il est parvenu, n'est plus qu'un travail simplement utile et je vais le démontrer en deux mots.

La canalisation de la Meuse entre Liège et Namur présente un travail complet. En effet, à Namur, la Meuse se trouve en jonction avec la Sambre. La Sambre est entièrement canalisée aussi jusqu'en France. On comprend donc à la rigueur qu'on s'arrête à Namur. Il y a là une ligne continue de navigation entre la Hollande et la France par le bassin de Liège et celui de la Sambre.

En amont de Namur, la canalisation de la Meuse continuée d'après le système qui a été mis en pratique en aval de cette ville, n'est plus urgente, ni même simplement utile que comme voie de navigation internationale. En effet, ni en deçà ni immédiatement au delà de la frontière, nous ne trouvons plus de grand centre de consommation.

M. Thibaut. - Vous avez Givet.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - C'est un marché d'une importance extrêmement secondaire.

La vérité est que la Meuse, comme ligne de navigation internationale, n'a d'importance que dans ses relations avec Charleville, avec Maizières, avec Sedan et les autres localités desservies par les canaux qui, en France, se trouvent en relation avec la Meuse supérieure.

(page 1144) Messieurs, de quoi s’agit-il d’abord en Belgique ? Il s’agit de donner à la Meuse un mouillage permanente de 2 m. 10, afin de permettre d’y naviguer avec un enfoncement de 1 m. Eh bien, arrivés à la frontière, qu’allons-nous trouver. Je vais vous l’indiquer.

M. Moncheur. - On nous attend.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je crois que c’est nous qui attendons, et je crains fort que nous n'attendions encore longtemps.

De Sedan à Charleville, la profondeur de la Meuse est suffisante ; mais de Charleville à la frontière, c'est-à-dire sur la partie intermédiaire, l’amélioration n’est que partielle, sur plusieurs points le tirant d'eau à l’étiage atteint à peine 60 centimètres.

M. Thibaut. - Je l'ai dit.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Si l'honorable M. Thibaut l'a dit, il s'est chargé de se réfuter lui-même. Car, puisque tel est l’état des choses, il est bien certain que jusqu'au jour où cet état de choses sera profondément modifié, et ce jour non seulement nous ne pouvons l'assigner, mais même l'entrevoir, toute la dépense qu'on fera en Belgique pour donner à la Meuse, vers la frontière, un mouillage supérieur à 60 centimètres, sera provisoirement une dépense stérile. J'avais donc parfaitement raison de dire que jusqu'à ce moment, que nous ne pouvons entrevoir, je le répète, nous faisons à la Meuse une dépense qui ne profitera à personne, bien entendu dans la partie au delà de Namur et spécialement au delà de Dinant.

M. Moncheur. - Les ingénieurs français nous attendent, pour faire leur travail.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen/- L’honorable M. Moncheur est mal renseigné. Les ingénieurs français ne nous attendent pas. On espère que le gouvernement français suivra le gouvernement belge dans la voie oh celui-ci est entré, mais il n'est fourni à cet égard aucune espèce d'assurance, ni quant au fond ni quant à l’époque où le gouvernement français exécuterait les travaux dans les proportions adoptées par le gouvernement belge, et il est possible, à l'heure qu'il est, que la somme proposée dans le projet restera définitivement stérile pour la plus grande partie.

Mais, messieurs, il y a plus. Le régime des canaux français est très différent du régime des canaux belges.

En Belgique, nous avons cherché à avoir partout un mouillage de 2 m 10, avec un tirant d'eau de 1 m 90. En France, le tirant d'eau n'est généralement que de 1 m 60.

J'avais donc raison de dire qu'il y a même des motifs spéciaux pour ne pas augmenter le crédit affecté à la canalisation de la Meuse.

Du reste, les honorables députés de Namur, moins exigeants que l'honorable député de Dinant, ont déclaré retirer l'amendement qu'ils avaient présenté, ayant pour objet d'augmenter le crédit proposé pour la Meuse.

Il y a encore un point à régler vis-à-vis d'eux : c'est l'intitulé définitif de la loi en ce qui concerne la Meuse.

Le paragraphe 10 de l'article premier alloue une somme de 2 millions pour construction de deux barrages, dans la Meuse, en amont de Namur. On propose de dire simplement : pour construction de barrages, et de supprimer le mot « deux ». Je me rallie à cette rédaction. Le mot « deux » a été inséré dans la loi uniquement à titre de garantie pour les intéressés en amont de Namur. Comme on propose un crédit global pour faire des travaux à la Meuse en amont et en aval de Namur, j'ai voulu donner aux riverains de l'amont la garantie que la majeure partie de la somme ne serait pas absorbée par les travaux de l'aval.

C'est dans ce but que j'ai introduit le mot « deux ». Mais puisque les honorables membres ont assez de confiance dans le gouvernement pour croire que les indications qu'il a données à cet égard dans l'exposé des motifs seront suivies dans l'exécution des travaux, je n'ai pas de motifs pour m'opposer à la suppression du mot « deux » dans le texte de la loi.

L’honorable M. Van Hoorde a jugé à propos de revenir sur la réponse que j'ai faite au discours qu'il a prononcé dans une précédente séance. Je ne le suivrai pas dans l'examen des routes dont il vous a fait l’énumération et qu'il désire voir construire dans l'arrondissement de Bastogne en particulier.

L'honorable membre comprend que je ne puis lui donner une réponse précise avant l'achèvement de l'instruction que j’ai ordonnée sur ce point.

Mais il sait aussi que pour certaines de ces routes nous sommes d'accord, les intéressés et le département des travaux publics, qu'il y a lieu de les construire, et il reconnaît ce qu'il y a de juste dans l'objection que j'ai élevée que le tracé de plusieurs de ces routes ne pouvait être déterminé avant que l'on connût d'une minière définitive celui des chemins de fer qui doivent traverser cette province.

L'honorable membre s'est occupé d'une manière spéciale des chiffres que j'ai donnés quant à la proportion des recettes et des dépenses effectuées dans le Luxembourg.

Ainsi, d'abord l'honorable membre trouve mauvais que je prenne pour base le budget de 1862. Mais j'en ai donné le motif. C'est le dernier budget dont les comptes sont clos. Je ne pouvais prendre une situation plus proche de la situation actuelle.

Voilà un motif bien suffisant.

« Pourquoi, dit l’honorable membre, n'avez-vous pas pris la situation depuis 1830 ? »

Je réponds que c'est parce que j'aurais été entraîné dans des calculs extrêmement longs. Mais l'honorable membre suppose-t-il que cette situation générale conduirait à des résultats différents, des résultats partiels que j'ai fait connaître à la Chambre ? C'est plutôt le contraire qui aura eu lieu.

L'honorable membre a dit que ses calculs s'écartaient des miens. C’est vrai ; mais l'honorable membre aurait pu facilement indiquer la raison de ce défaut de concordance.

Ainsi, dans une autre occasion, j'ai donné comme montant de la contribution foncière, de la contribution personnelle et de l'impôt des patentes perçu dans le Luxembourg, un chiffre que l'honorable membre conteste. Ce chiffre s'élevait à 903,000 fr. ; il trouve une différence de 300.000 à 400,000 fr., il arrive à un chiffre de 1,249,000 fr.

J ai dit que l'honorable membre aurait pu parfaitement donner à la Chambre la raison de cette différence. Oh a-t-il pris ses chiffres ? Dans l'exposé de la situation administrative du royaume.

Or, cet exposé indique clairement quelle est la part afférente et au principal des contributions et aux centimes additionnels au profit de l'Etat, des provinces et des communes.

Raisonnant sur les dépenses et les recettes de l'Etat, je ne pouvais pas porter en compte d autres centimes additionnels que ceux qui sont perçus au profit de l'Etat.

Que fait l'honorable membre ? Il y ajoute des éléments tout à fait étrangers à la question sachant que c'étaient des éléments étrangers à la question ; évidemment je ne devais pas tenir compte des centimes additionnels perçus au profit des provinces et des communes. Mes calculs sont donc exacts, de l'avis même de l'honorable membre.

L'honorable membre continuant prétend que nous ne portons pas assez à l'actif du Luxembourg du chef des recettes faites par l'Etat ; c'est le corsaire qui est vrai.

Encore une fois, n'est-il pas exact qu'en portant au profit du Luxembourg une part proportionnelle à la population dans les impôts de consommation, par exemple, nous avantageons le Luxembourg ?

Est il contestable qu'un consommateur du Luxembourg ou du Limbourg ne consomme pas en réalité autant, et par conséquent, ne paye pas autant au trésor, qu'un habitant d'une province plus riche ?

Nous avons même admis au profit des habitants du Luxembourg les recettes du chemin de fer. (Interruption.) Nous vous comptons une série de recettes que nous avons faites ailleurs ; nous vous gratifions avec une prodigalité extrême. Voilà la vérité.

« Mais, dit l'honorable membre, vous nous portez en dépenses ce que vous n'auriez pas pu y porter ; par exemple, vous nous portez une part proportionnelle dans les dépenses de l'armée. Qu'est-ce que l'armée pour le Luxembourg ? Avons-nous des garnisons ? Vient-on dépenser chez-nous une partie du budget de la guerre ? »

L'honorable membre a une singulière manière d'entendre les choses. Qu'est-ce qu'une armée ? Est-ce que, par hasard, l'armée consiste dans un groupement d'hommes à distribuer dans les différentes parties du pays, munis d'une dotation qu'ils sont chargés de dépenser dans les localités où ils se trouvent en garnison ?

Mais non, messieurs, l'armée est une institution destinée à donner au pays la sécurité intérieure et extérieure.

Mais s'il est vrai, comme le soutient l'honorable membre, qu'on ne peut faire entrer en compte les dépenses du budget de la guerre qu'à ceux qui sont appelés à en profiter directement, par les dépenses locales à faire par les soldats et les officiers ; si cet argument a de la valeur pour le Luxembourg, il en a pour les dix-neuf vingtièmes du pays.

M. Van Hoordeµ. - Mais non !

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Comme m non ! Mais il y a une foule de communes qui se plaignent de n'avoir pas de garnison. Si vous poursuivez ce raisonnement, vous arrivez à une situation complètement inextricable. N'y a-t-il pas une multitude de dépenses qui se font à Bruxelles, par exemple, et qui ne se font pas, qui ne peuvent pas se faire ailleurs ? Est-ce que les dépenses afférentes, entre autres, à ce qui constitue (page 1145) l’administration centrale, ne sont pas nécessairement concentrées dans la capitale ? Est-ce que les villes de Gand, de Liége, d’Anvers ont une part dans ces dépenses.

Donc votre argument vaut pour tout le monde, s'il vaut pour vous ; mais il ne vaut pas pour vous, parce qu'il ne vaut pas pour les autres.

Messieurs, je répondrai maintenant à deux questions que l'honorable M. Landeloos m'a adressées ; il m'a demandé, d’abord, quand serait ouvert le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain. Je réponds que ce chemin de fer sera ouvert dans les premiers mois de l'année prochaine.

L'honorable membre m'a également demandé si je consentais à faire poursuivre les études pour la rectification du Demer. Je ne vois pas le moindre inconvénient à satisfaire à cette demande. L'affaire mérite qu'on l'étudie de plus près.

L’honorable M. Le Hardy désire connaître les chiffres de la dépense que les divers travaux inscrits dans le projet de loi doivent occasionner. Messieurs, l'exposé des motifs contient à cet égard toutes les indications que je suis en mesure de fournir à la Chambre. S'il y a une lacune, j'estime qu’elle doit être de nature à ne pas mériter grande attention aux yeux de la Chambre, par le motif que ce que la Chambre a principalement à juge, c'est l'utilité des travaux proposés, son devoir de contrôle restant intact, pour le cas où elle jugerait que le gouvernement n'a pas fait un bon emploi des fonds mis à sa disposition.

D'après les renseignements qui se trouvent dans l'exposé des motifs, les travaux au sujet desquels on n'a guère, à craindre de voir surgir des demandes de nouveaux crédits sont les suivants :

Amélioration du régime de la Dendre ;

Amélioration de la Lys ;

Canalisation de la Mandel ;

Travaux de défense des ouvrages du port d'Ostende ;

Achèvement du port de refuge de Blankenberghe.

Exhaussement et renforcement de la digue du compte Jean.

Réservoirs d'eau destinés à obvier aux conséquences qu'ont eues, pour les usines situées sur la Vesdre, les modifications apportées au régime de ce cours d'eau par les travaux effectuées aux forêts de l'Etat.

Agrandissement du bassin d'échouage des bateaux pêcheurs à Ostende.

M. Landeloos. - M. le ministre a oublié de répondre à ma demande relativement à la station de Herent.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - C'est une affaire qui est en instruction. Je crois que c'est une de" mande qui pourra être accueille.

M. Jacobsµ. - J'avais l'intention de présenter quelques observations sur deux des paragraphes de l'article premier. Mais puisque la Chambre a décidé qu'il n'y aurait pas de discussion sur les paragraphes...

- Plusieurs membres. - Si ! si !

M. Jacobsµ. - Alors c'est un malentendu et je renonce pour le moment à la parole.

MpVµ. - Il a été entendu qu'il y aurait une discussion sur l'ensemble de l'article premier et une discussion sur chaque paragraphe.

M. de Brouckere. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

A l'occasion de l'article 1er, nous venons d'avoir une discussion qui, en réalité, a été une seconde discussion générale. Je n'y trouve rien à redire. Mais il me semble que maintenant nous pourrions passer à l'examen des paragraphes. Il est bien entendu qu'une discussion sera ouverte sur chacun des paragraphes, de telle manière que ceux d'entre nous qui auraient des observations à présenter sur une partie spéciale de la loi, les présenteront sur le paragraphe qui concerne cette partie spéciale.

Je demande donc que nous procédions à l'examen de l'article paragraphe par paragraphe.

- La discussion sur l'ensemble de l'article est close.

MpVµ. - Il est parvenu au bureau un amendement ainsi conçu :

« Reporter le crédit d'un million du paragraphe 3 de l'article premier au paragraphe 22 du même article.

« (Signé) Nélis. »

Article premier, paragraphe premier

« § 1err. Amélioration du régime de la Dendre : fr. 250,000 fr. »

M. J. Jouret. - Par cela même que j'ai été très récemment en dissentiment avec l'honorable ministre des travaux publias, je considère comme un devoir de le remercier de la vive impulsion qui a été imprimée depuis quelque temps aux travaux de la Dendre.

En lui adressant ces remercîments, je lui fais une nouvelle prière, c'est de continuer à faire que cette impulsion continue de manière que le canal puisse être livré à l’exploitation avant le 1er janvier 1866 comme la loi lui en fait un devoir.

- Le paragraphe premier est adopté.

Article premier, paragraphe 2

« § 2. Amélioration de la Lys : fr. 250,000. »

- Adopté.

Article premier, paragraphe 3

« § 3. Canal de Turnhout à Anvers, par Saint-Job in 't Goor : fr. 1,000,000. »

MpVµ. - C'est ici que sa présente l'amendement de M. Nélis qui propose de reporter ce million au paragraphe 22, subsides pour travaux de voirie vicinale et d’hygiène publique.

M. Jacobsµ. - Messieurs, la députation d'Anvers n'a pris part ni à la discussion générale, ni la discussion de l’article premier. Il semble que l'honorable M. Nélis veuille l'en faire repentir. Il cherche à ravir à notre province la part du crédit qui lui est allouée.

Je n'entrerai pas dans des détails étrangers au paragraphe 3. Je signalerai cependant à M. le ministre des travaux publics que, d'après son discours du 29 juin 1854, la province d'Anvers n'a que 54 lieues de routes construites par l'Etat, tandis que dans les autres provinces la longueur de ces routes varie de 81 à 141 lieues ; qu'il y a donc des raisons très sérieuses pour accorder à cette province une compensation en ce qui concerne les voies navigables.

Le gouvernement l'a compris et c'est ce qui l'a déterminé à nous proposer un troisième crédit d'un million pour la continuation du canal de Turnhout à Anvers par Saint-Job in 't Goor.

Le premier crédit a été voie en 1861, le second en 1862.

Une première section allant de Turnhout a Ryckevorsel a été adjugée. Le crédit actuel permettra d'exécuter une seconde section qui s'étendra jusque sur le territoire de la commune de Brecht.

Il faudra encore 3 millions, en tout 6, pour parfaire le canal et le faire aboutir sous la commune de Schooten, à la branche principale du canal de la Campine.

Tant que cette jonction n'est pas opérée, les millions dépensés ne produiront qu'assez peu d'effets utiles, parce que ce sont surtout des matières devant venir d'Anvers, telles que les engrais destinés à la fertilisation de la Campine, qui formeront l'objet principal du mouvement de ce canal.

Je m'étonne, messieurs, de voir contester le crédit proposé, d'autant plus que jamais, jusqu'à présent, ni le premier, ni le second crédit n'avait soulevé la moindre objection dans cette enceinte, et que, notamment, dans la séance du 12 décembre 1860, M. le ministre des travaux publics, répondant à l'honorable M. Nothomb, déclarait que le gouvernement pourrait difficilement employer à son argent d'une manière plus utile qu'à terminer le canal de Turnhout à Anvers.

L'honorable M. Nélis est d'un autre avis, il est l'adversaire de tous les canaux. Voulant donner une sanction pratique à sa doctrine qui consiste à ne plus affecter aucun crédit aux voies navigables, et ayant à choisir entre le canal de la Campine et la canalisation de la Meuse, il s'est dit sans doute, que la Campine aurait moins de défenseurs dans cette enceinte, et que c'était aux plus faibles qu'il fallait s'en prendre pour tâcher d'obtenir un premier succès.

MfFOµ. - Ils auront exactement les mêmes défenseurs.

M. Jacobsµ. - Tant mieux. Non seulement, messieurs, je désire que le crédit soit voté, mais je demanderai au gouvernement, et notamment à l'honorable ministre des travaux publics, s'il verrait quelque inconvénient à prendre l'engagement de concéder en une fois le restant du canal depuis Ryckevorsel jusqu'à Anvers.

Les propriétaires sur le territoire desquels ce canal peut s'étendre se trouvent dans l'incertitude au sujet de son tracé exact, bien que les études soient cependant terminées ; et (erratum, page 1162) les fermiers ne veulent plus louer de terres sur lesquelles il est probable que le canal passera.

Cette incertitude crée une situation très défavorable pour une partie intéressante du pays.

Une adjudication globale procurerait certainement un rabais de 10 p. c. environ sur les adjudications partielles, système qui a été suivi jusqu'ici.

D'autre part, lors même qu'on ferait dès aujourd'hui une adjudication globale, il faudrait au moins un laps de temps de trois années pour achever le canal.

Si le gouvernement trouvait moyen de prendre sur les excédants du budget une somme d'un million par année dans les trois exercices qui vont suivre, le travail pourrait être achevé dans le délai que j'indique et il n'y aurait que des résultats avantageux à obtenir de l'adjudication globale.

En différentes circonstances, l'on a émis, dans cette Chambre, l'avis (page 1146) qu’il valait mieux continuer les projets entamés que d'en commencer de nouveaux.

Or le canal de la Campine est un de ceux qui se trouvent dans ce cas et c'est, d’après les paroles de M. le ministre des travaux publics que j'ai citées, un des travaux les plus intéressants. Dès lors, je suppose que la Chambre ne voudra pas refuser le crédit et que M. le ministre des travaux publics voudra bien poser un bon acte d'administration en concédait, dès aujourd'hui, la totalité du canal, sauf à payer la dépense de la manière que j'ai indiquée.

Je ferai d'ailleurs remarquer que déjà en 1859, lors de la discussion du projet de travaux publics, la section centrale avait proposé d'allouer immédiatement deux millions et demi pour le canal de la Campine, c'est-à-dire un crédit d'un demi-million de plus que tout ce qui a été accordé jusqu'à présent. Sur les observations faites par le gouvernement relativement à l'intérêt du trésor, la proposition fut retirée, mais aucune objection n'avait été faite contre le principe du canal.

J'espère donc que le gouvernement insistera pour que l'amendement de l'honorable M. Nélis soit écarté et qu'il ne refusera pas da prendre l'engagement de concéder, en une fois, tout le reste du canal de Turnhout a Anvers var Saint-Job in 't Goor.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, je ne puis ni me rallier à la proposition de l'honorable M. Jacobs ni à l'amendement de l honorable M. Nelis. L'amendement de l'honorable M. Nélis a, en réalité, pour objet de faire revenir la Chambre de la décision qu'elle a prise. Il a été annoncé à diverses reprises que le gouvernement estimait que le canal de Turnhout à Saint-Job in 't Goor serait utilement prolongé jusqu'à Anvers ; c'est dans cet ordre d'idées que la Chambre a déjà voté deux crédits. Je n'ai pas besoin de dire qu'il importe d'achever ce qui a été commencé.

Je ne me rallie pas non plus à la proposition formulée par l'honorable M. Jacobs, parce que le gouvernement n'a pas plus de raisons de s'engager pour l'avenir quant au canal de Saint-Job que quant à d'autres travaux également en cours d'exécution et qui ont une importance tout aussi grande. D'un autre côté, messieurs, il ne faut pas oublier que dans le principe le canal devait s'arrêter à Saint-Job ; le prolongement jusqu'à Anvers constitue un travail nouveau et il n'y a aucun motif pour qu’il se fasse avant beaucoup d'autres travaux.

M. Jacobsµ. - Je rappellerai à la Chambre que s'il est vrai que d'abord le canal ne devait aller que jusqu'à Saint-Job, c'était dans l'hypothèse que le chemin de fer d'Anvers à Rotterdam passerait par Saint-Job.

La direction de ce chemin de fer ayant été changée, la Chambre a admis la nécessité de prolonger le canal jusqu'à Anvers, pour faire cette jonction qu'on avait espéré pouvoir opérer autrement.

M. le ministre des travaux publics trouve que d'autres travaux méritent l'attention du gouvernement au même degré que le prolongement du canal de Saint-Job ; je pense qu'il en est peu qui présentent autant d'intérêt, et dont le principe décrété depuis aussi longtemps soit aussi peu avancé.

Je demande à M. le ministre de vouloir bien examiner s'il n'y aurait pas économie pour le trésor à concéder en une fois tous les travaux nécessaires pour l'achèvement du canal et je l'engage à consulter son collègue des finances sur le point de savoir si la situation du trésor met un obstacle insurmontable à satisfaire aux réclamations de la Campine en prélevant un million pendant chacune des années 1866, 1867 et 1868 pour compléter cette canalisation.

- L'amendement de M. Nélis est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le paragraphe 3 est adopté.

Article premier, paragraphe 3bis

MpVµ. - Ici vient se placer un amendement de MM. de Mérode et consorts qui formerait un paragraphe 3bis et qui est ainsi conçu :

« § 3bis. Pour exécution des travaux complémentaires, jugés nécessaires, d'après des études antérieures, pour assurer une bonne navigation intermittente sur la Grande-Nèthe : fr. 1,300,000, à répartir sur plusieurs exercices. »

M. de Mérode. - Messieurs, dans la séance du 1er juin, M. le ministre des travaux publics, répondant aux réclamations fondées dont je m'étais fait l'organe dans cette enceinte avec d'honorables collègues, ajournait à un an l'expérience à faire des travaux exécutés à la Grande-Nèthe. Tout en maintenant mon opinion sur leur fâcheux résultat, au point de vue de la navigabilité de la rivière, j'accepte loyalement l'expérience d'un an, persuadé que si alors l'état actuel subsiste toujours, le gouvernement prendra en sérieuse considération la situation qui est faite à la vallée en question, coupée par deux chemins de fer, mais dépourvue, dans le sens de sa longueur, de tout moyen de transport économique autre que la rivière dont la nature l'avait dotée. Je prie donc l'honorable ministre de faire continuer les études et, confiant dans sa parole je retire, au nom des cosignataires, l'amendement que nous avions déposé.

Article premier, paragraphes 4 à 7

« § 4. Canalisation de la Mandel : fr. 1,000,000. »

- Adopté.


§ 5. Exécution des travaux stipulés dans le traité du 12 mai 1863, avec les Pays-Bas : fr. 600,000. »

- Adopté.


« § 6. Travaux de défense des ouvrages du port d'Ostende et de ses abords et de la côte contre l'action de la mer : fr. 300,000. »

- Adopté.


« § 7. Achèvement du port de refuge de Blankenberghe : fr. 300,000. »

- Adopté.

Article premier, paragraphe 8

« § 8. Exhaussement et renforcement de la digue du comte Jean : fr. 450,000. »

(page 1149) M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, c'est à propos de ce paragraphe-ci que j'annonçais dans mon discours du 6 que j'appellerais l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité qu'il y aurait probablement, non pas de diminuer le crédit, mais de l'augmenter. J'ai été appelé comme ingénieur à examiner la question de la digue du Comte Jean, et j'ai trouvé là, je dois le dire, une situation excessivement grave, excessivement dangereuse pour une partie de notre territoire, par suite des travaux exécutés dans ces dernières années. On a fait dans cette digue deux ouvertures qui, dans certaines circonstances données, pourraient permettre à la mer d'envahir une partie très notable de notre territoire. On pourrait croire peut-être que j'exagère à plaisir le danger, mais quelques explications feront comprendre que le danger est réel, et il n'a tenu qu'à peu de chose qu'il ne se réalisât il y a deux ou trois ans, justement quelques jours aptes que j'avais fait la visite des lieux.

Vous avez souvent entendu parler, messieurs, des écluses de Heyst ; le pays tout entier a été, on pourrait presque dire, émerveillé de la beauté de ces travaux ; on les a exaltés sous tous les rapports, et certainement on n'a rien exagéré quant à la perfection avec laquelle ces maçonneries ont été faites. Mais ces travaux, si bien exécutés, cachaient un très grave défaut ; ils étaient conçus dans des conditions telles que, par des tempêtes soufflant de certains côtés et persistant pendant quelques heures, elles seraient exposées à être emportées par la violence des flots et à ouvrir ainsi le pays à une vaste inondation.

Voici pourquoi ces digues ont été construites. Il existe le long de la côte de Belgique, venant des bouches de l'Escaut probablement, l'ancien lit de ce fleuve qui se prolongeant en mer, le long de la côte, offre en face et jusqu'au point où ces écluses ont été construites, une profondeur beaucoup plus grande que dans le reste de la mer du Nord, à une certaine distance des côtes ; cette profondeur se maintient en quelque sorte jusqu'au pied des dunes.

Or, vous savez tous, messieurs, que les vagues ne peuvent, lorsqu'il n'y a pas une grande profondeur, prendre une grande force d'impulsion, elles viennent mourir en quelque sorte sur la plage malgré l'action du vent ; mais lorsque la profondeur augmente, le flot acquiert sous l'influence du vent une force d'impulsion à laquelle rien ne peut résister. Or, c'est précisément en face de l'endroit où se trouve cette sorte de rivière sous-marine que l'on a construit, non pas en les séparant par une distance de 2 ou 3 kilomètres par exemple pour diminuer le danger, mais en les plaçant à 100 ou 130 mètres l'une de l'autre, deux portes que l'on a percées dans une digue artificielle créée probablement sous le comte Jean dont elle porte le nom, pour protéger cette partie du pays contre les invasions de la mer.

Partout où de semblables travaux doivent s'exécuter, on les construit à une assez grande distance dans les terres pour les mettre à l'abri de l'action directe des tempêtes accompagnées souvent de très hautes marées. Ici ils sont tellement avancés sur la plage qu'à la moindre bourrasque, à marée haute, il n'y a pas même moyen de circuler sur les écluses tant les vagues sont encore fortes lorsqu'elles viennent battre les œuvres des écluses et y déferler au-dessus de leur couronnement.

Par les vents trop forts comme ceux qui sont signalés dans l'exposé des motifs, le danger est toujours imminent et c'est une faveur du sort lorsque la contrée voisine échappe à un désastre.

Je proposerai donc à l'honorable ministre des travaux publics de faire étudier la question de protéger ces travaux au moyen d'estacades ou par tout autre moyen afin de mettre cette partie du pays à l'abri de tout danger. Cette contrée est très riche et si elle était inondée, pendant un temps si court qu'il puisse être, il en résulterait des dommages incalculables. Il est donc urgent que cette question soit mûrement étudiée et si après ces études une somme considérable est nécessaire pour exécuter les travaux, je prie la Chambre de la voter sans hésiter.

(page 1146) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, si je ne relevais pas les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, il est certain que des alarmes pourraient naître et je suis convaincu qu'elles naîtraient, bien qu'elles n'auraient aucune espèce de fondement.

Les écluses dont il s'agit et qui s'avancent en effet très avant sur la plage ont depuis leur achèvement, c'est-à-dire depuis plusieurs années résisté aux plus effroyables tempêtes, car il faut remonter très haut pour retrouver des tempêtes aussi violentes que celles qui se sont déchaînées sur nos côtes il y a 2 ou 3 ans. Pas une pierre n'a été déplacée, pas le moindre dégât n'est survenu aux écluses proprement dites.

Voici ce qui s'est passé :

En avant des écluses il y a un chenal ; ce chenal est revêtu de ce qu'on appelle un perré, c'est-à-dire que les berges sont pourvues d'un parement en grosses pierres placées les unes contre les autres. Il est arrivé que les joints n'étant pas assez serrés, l'eau s'est introduite par les fissures et qu'au bout de deux ou trois jours de tempête, une partie des perrés s'est effondrée, mais les écluses n'ont point subi le moindre dégât. Les perrés se seraient effondrés tout entiers que les écluses seraient restées debout.

Ce dommage a été réparé au prix de quelques mille francs.

Les écluses sont donc d'une solidité à toute épreuve et le pays peut être rassuré. S'il doit périr par là, il a encore longtemps à vivre.

Quant à l'idée émise par l'honorable membre de construire des estacades en avant des chenaux je conçois que ces travaux pourraient être utiles, mais seulement pour les perrés et non pour les écluses, car les écluses n'ont pas besoin d'être garanties.

J'ai fait ces observations, messieurs, pour que nul ne conçoive d'alarmes chimériques.

- Le paragraphe 8 est adopté.

Article premier, paragraphe 9

« § 9. Part d'intervention de l'Etat dans les travaux d'assainissement de la Senne : fr. 3,000,000. »

M. Dumortier. - Messieurs, je ne veux pas faire d'opposition à l'amélioration de la Senne ; mais je désirerais que l'on nous donnât des explications sur les travaux que l’on va entreprendre dans ce but et pour lesquels on va se lancer dans d'énormes dépenses. On nous a distribué des documents d'où il semble résulter qu'on pourrait effectuer les travaux nécessaires avec uns somme infiniment moins considérable, et je dois le dire, ces documents m'ont fortement frappé.

Je désirerais que l'on me démontrât que l’intervention de l'Etat est bien justifiée, d'autant plus que la Senne est une rivière non navigable ni flottable et qu'elle n'appartient pas à l’Etat.

Nous devons faire quelque chose pour la capitale, je suis prêt à le reconnaître, mais ne pouvons-nous pas le faire eu dépensant beaucoup moins. Je désirerais avoir des explications sur ce point.

(page 1147) M. Hymans. - L'honorable membre parle des dépenses énormes dans lesquelles on va se lancer pour l'assainissement de la Senne. Je crois qu'il ne sait pas plus que moi quel sera le chiffre de cette dépense. Il parle de certains projets préférables à celui que l'on a adopté. Jusqu'à présent, je ne sache pas que l'on ait adopté un projet. La question de la Senne est posée depuis de longues années. Le gouvernement est d'avis, comme la ville de Bruxelles et comme la province de Brabant, qu'il est indispensable de la résoudre.

Des études se font au ministère, aussi bien qu'à l'administration communale, pour rechercher le projet à la fois le plus efficace et le plus économique ; mais jusqu'ici l'on ne s'est arrêté à rien de définitif, et l'honorable M. Dumortier n'est pas encore autorisé à parler des dépenses énormes dans lesquelles on va se lancer.

Si c'est le crédit proposé par le gouvernement qui paraît énorme à l'honorable membre, je dois lui répondre dès aujourd'hui que nous, au contraire, nous considérons ce crédit comme ne pouvant constituer qu'une faible partie de la dépense totale.

Les 3 millions pour lesquels le gouvernement veut intervenir ne constituent pas un brillant cadeau pour la capitale, qui se trouvera obligée à une dépense bien autrement considérable.

L'honorable M. Dumortier n'a pas contesté l'intérêt général que présente le travail dans lequel le gouvernement se propose d'intervenir. Je l'en remercie.

A ce propos, je me permettrai de dire que la plupart des travaux qui sont proposés pour la ville de Bruxelles, soit dans le projet de loi actuel, soit dans d'autres circonstances, sont, en principe, d'intérêt général, par cela même que Bruxelles est la capitale de la Belgique d'après la Constitution.

La commune de Bruxelles, avec ses ressources ordinaires, ne peut suffire à tous les devoirs que lui imposent son rang et son rôle. (Interruption.)

Cela n'est pas contesté : Si c'était contesté, je développerais davantage l'opinion que je viens d'émettre. (Interruption.)

On me dit que Bruxelles n'a pas le droit de se plaindre ; je me hâte d'ajouter que Bruxelles ne se plaint pas, que Bruxelles est reconnaissante au gouvernement de ce qu'il fait pour elle, mais il ne faut pas prétendre que les crédits proposés pour la capitale constituent un cadeau exorbitant, car ils auront pour premier résultat d'ajouter des charges énormes à toutes celles qui lui incombent dès à présent.

(page 1149) M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je suis fâché, messieurs, de prendre aussi souvent la parole, mais je ne puis laisser passer la discussion sur la question de l'intervention de l'Etat dans les travaux d'assainissement de la Senne sans y prendre part. MM. les députés de Bruxelles et l'honorable ministre des travaux publics savent la part que j'ai eu l'occasion de prendre sur cette important question dans le conseil provincial de Brabant, et cette part a été assez large pour que tout le monde connaisse parfaitement mes opinions sur ce sujet.

L'assainissement de la Senne est, à mon avis, une des questions les plus graves, les plus importantes et les plus difficiles que les Chambres et les autorités locales auront probablement à résoudre d'ici à longtemps.

C'est une affaire grave pour la ville de Bruxelles, grave aussi pour le pays tout entier, par la nature des difficultés qu'elle soulève. Elle se complique, d'une part, de la question d'assainissement ; de l'autre, de celle d'embellissement et enfin d'une importante question agricole. En. Angleterre, la ville de Londres, ainsi que toutes les autres villes du pays et même des localités de très peu d'importance, telles que Croydon, Rugby, Leicester, etc., ont depuis longtemps fait tous les travaux nécessaires pour assainir les quartiers populeux et en même temps pour recueillir les matières sujettes à corruption et les employer utilement à l'agriculture.

Nulle part on n'a songé dans ce pays à faire concourir ces travaux spéciaux à l'embellissement des villes. On se contentait de les assainir.

Il n'y a donc rien d'étonnant que dans notre pays et pour une population aussi importante que Bruxelles, cette question soit enfin arrivée à maturité et qu'après tant et de si longues discussions les populations intéressées désirent enfin y voir donner une solution. Cette solution, à mon avis, s'est fait attendre beaucoup trop longtemps, car il y a 10 ans la question de la Senne était aussi avancée qu'elle l'est aujourd'hui et elle serait résolue si l'on n'avait attendu l'intervention de l'Etat.

Vous connaissez, messieurs, mon opinion sur cette intervention. En Angleterre, aucune ville n'a demandé à la généralité des contribuables d'intervenir dans les travaux qui concernaient son assainissement et je crois qu'on aurait pu agir de même dans le cas qui nous occupe, si une circonstance que j'ai indiquée dans mon premier discours ne justifiait complètement la part d'intervention qui est demandée à l'Etat.

La question maintenant est de savoir ce qu'il faut faire pour assainir la Senne, à quelles dépenses ces travaux vont nous conduire, et quels seront les résultats économiques qu'on pourra en retirer dans l'intérêt de l'agriculture. Si les derniers résultats permettaient, comme on peut avec raison l'espérer, de couvrir les intérêts et l'amortissement des capitaux qu'il s'agirait d'employer, il n'y aurait certes aucune raison de demander l'intervention de 1 Etat.

Mais si, contre toute prévision, il n'y a pas moyen de tirer parti des engrais que la ville produit et qui se perdent aujourd'hui, il est juste que la généralité intervienne dans les travaux qui seront faits dans l'intérêt de la salubrité et qui par conséquent profitent à tous sans exception. Les travaux d'assainissement proprement dits sont infiniment coûteux et moins difficiles à exécuter qu'on ne se le figure généralement, ils consistent simplement à empêcher les déjections de la popuhtion et de l'industrie de se déverser dans les eaux de la rirvère.

Lei eaux pures sont une des nécessités que j'appellerai primordiales de l'existence et de la conservation d’une population ; sans eau pure il est impossible qu'une ville puisse s'accroître et mène se maintenir longtemps.

Cela est si vrai qu'en ce moment la législature en Angleterre est saisie d'un projet destiné à empêcher non seulement les villes, mais les villages, (page 1150) les établissements industriels et jusqu'aux simples particuliers de déverser quoique ce soit qui puisse nuire à la pureté des eaux d'une source, d'un ruisseau ou d'une rivière Après une longue enquête qui a duré plus de 20 ans, l'Angleterre a donc jugé indispensable d'empêcher la corruption des eaux, et désormais lorsque la loi sera votée, chaque ville, chaque village et même chaque établissement industriel situé le long d'un cours d'eau devra prendre les mesures nécessaires pour en prévenir la corruption.

On a jugé en Angleterre que la population serait exposée à de grands dangers si la corruption des eaux venait à s'étendre encore. Déjà elle est arrivée à un tel point dans certains districts populeux que les ruisseaux n'y sont plus que de véritables mares d'encre qui, loin de porter avec elles la fertilité et la vie, apportent aux populations la maladie et la mort.

Il en sera bientôt de même dans notre pays si vous n'y prenez garde. Il faut dès maintenant, tandis que la plupart de nos ruisseaux sont encore presque à l'état de pureté naturelle, que nous prenions les précautions nécessaires afin de ne pas être obligés plus tard à des travaux immenses pour les purifier. Les travaux à exécuter à la Seine seront le commencement de la restauration de la pureté des eaux ; une grande ville comme Bruxelles alimentée artificiellement par des travaux qui peuvent être interrompus, ne peut s'exposer à manquer d'eaux pures. Il faut donc nécessairement qu'elle maintienne à l'état de pureté toutes les eaux qui coulent sur son territoire, et c'est pour cela qu'il faut qu'elle empêche et que le gouvernement l'aide à empêcher que les industriels aussi bien que la population en masse ne déversent des matières qui peuvent altérer la pureté de ses eaux.

Pour cela il y a des moyens d'art très simples. C'est au moyen d'égouts latéraux que l'on empêche les déjections d'arriver jusqu'aux rivières. Heureusement pour la ville de Bruxelles, la vallée de la Senne se prête d'une façon très naturelle et très facile à l'exécution de ces travaux. La pente y est suffisante, tandis qu'à Londres la difficulté la plus grande qu'on ait eu à vaincre a été le défaut de pente. Londres étant située le long d'une rivière à marées, il n'y a pour ainsi dire aucune pente d'un bout à l'autre de la Tamise. Il a fallu employer des moyens artificiels et entre autres l'établissement de machines d'une puissance extraordinaire pour vider les produits des égouts du bas niveau (low level sewer).

Heureusement, ici nous sommes à 14 mètres au-dessus du niveau de la marée. La pente n'est pas très forte ; mais elle est amplement suffisante pour l'écoulement, sans moyens artificiels, de toutes les déjections urbaines, et même pour les faire arriver dans les bassins où ils pourraient, au besoin, être décantés.

L'assainissement de la Senne, si on ne le complique pas de questions d'embellissement ou d'élargissement de voies publiques, si on la considère uniquement en elle-même, peut se réduire à une opération très simple, et, je crois, très peu coûteuse.

Le rapport de MM. les ingénieurs qui ont été chargés par M. le ministre des travaux publics d'examiner cette question, estime la dépense à 10 millions et demi de francs.

Je n'ai pas vu les détails sur lesquels ils s'appuient, mais je connais assez la question pour croire que cette évaluation est fort exagérée.

Ce rapport, je dois le dire, a rendu à la ville de Bruxelles deux grands services.

Une opinion s'était formée en ville parmi les personnes qui n'ont aucune idée des nécessités techniques des travaux publics, qu'il était possible de détourner la Senne et de se servir du lit actuel pour le transformer en voie publique ou pour y bâtir, voire même pour y établir un chemin de fer comme dans une tranchée.

Le rapport des ingénieurs a démontré que cela est impossible, qu'une rivière comme la Senne ne peut être impunément détournée, qu'elle doit suivre son cours naturel, parce qu'il suit toujours par le point le plus bas de la vallée et qu'on exposerait les quartiers inférieurs de la ville à de graves dangers, si on prétendait la forcer à dévier les eaux des grandes crues par un nouveau lit plus élevé et plus long, d'autant plus qu'il faudrait dans ce système faire passer toute la rivière en dessous du canal de Bruxelles par des siphons.

Or, je vous le demande, messieurs, lorsqu'il s'agit de masses d'eaux qui sont évaluées à 125 mètres cubes par seconde, comment il est possible de supposer qu'elles puissent passer en dessous d'un canal, et si l'on peut élever le niveau du lit alors qu'il faudrait plutôt songer à l'abaisser ?

Sous ce rapport, la ville de Bruxelles doit rendre grâces au rapport des ingénieurs. Il est venu détruire une idée fausse, l'idée qu'il est possible de détourner la Senne de son cours naturel.

Les ingénieurs ont également protestent avec beaucoup de raison contre l'opinion répandue dans le public, qu'il est possible de voûter la Senne.

Je ne sais si vous avez lu leur rapport avec attention ; mais ils ont démontré d'une façon qui me paraît irréfutable que cela est matériellement impossible, à moins de vouloir créer au centre de la ville une espèce de digue qui serait formée par la voûte que l'on élèverait sur la Senne.

A cet égard encore, le rapport des ingénieurs a rendu à Bruxelles un véritable service et j'en remercie ses auteurs.

Sous d'autres rapports, je pense que ces messieurs n'ont pas approfondi la question autant qu'elle devait l'être. Il me semble qu'ils s'exagèrent un peu les devoirs de la ville de Bruxelles et que c'est par suite de cette exagération qu'ils ont porté la dépense aussi haut qu'ils l'ont fait.

La ville de Bruxelles, à mon avis, doit assainir la rivière, c'est-à-dire ne pas la corrompre. Pour cela, elle doit faire les travaux indispensables ; mais elle peut faire davantage avec profit pour elle et pour tous ; elle doit tâcher, par les travaux qu'elle exécutera, de rendre utiles à l'agriculture les produits qui se perdent actuellement dans la rivière, au grand détriment de la santé publique.

Cette utilisation, si je puis employer ce mot anglais pour exprimer l'idée, a été contester jusque dans ces derniers temps, en Angleterre même, mais la dernière enquête qu'ont faite la chambre des communes et la Cité de Londres, lorsqu'il s'est agi d'employer les produits des égouts de cette dernière ville, a démontré d'une façon qui me paraît maintenant acceptée par tout le monde, que cette utilisation sera non seulement profitable à l'agriculture, mais qu'elle sera même profitable au point de vue des sommes qui ont été dépensées dans les travaux d'assainissement. Ainsi dans ce moment plusieurs compagnies proposent au board of works de Londres, qui est l'administration à laquelle les égouts sont soumis, de lui payer des redevances considérables pour l'emploi des eaux provenant des égouts.

Je crois que le rapport des ingénieurs, qui fait bon marché de cette utilisation, n'est pas complet et que cette question doit être soumise à une étude sérieuse tant sous le rapport technique qu'agricole.

Je voudrais que les travaux d'assainissement de la Senne fussent combinés de telle façon que, quelle que soit la solution qui sera donnée au problème de l'emploi des matières dans un temps prochain, je l'espère, on puisse toujours utiliser pour l'agriculture les produits des égouts. La chose en vaut la peine ; je vais vous le démontrer en quelques mots.

Le baron Liebig, dont la compétence en matière agricole est connue du monde entier, a été consulté sur cette question par la ville de Londres et par la chambre des communes.

Voici, messieurs, la traduction de sa réponse :

« L'agitation à laquelle donne présentement lieu l'emploi à l'agriculture des résidus des villes charriés dans les égouts, m'engage à vous adresser quelques observations qui pourront peut-être jeter quelque lumière sur diverses questions qui se rattachent à cette importante question.

« Il me paraît qu'en général le public n'a pas une idée très nette de cette matière. Dans les dernières vingt années, il s'est créé une nouvelle branche d'industrie qui n'existait pas auparavant et qui s'est développée sur une grande échelle en même temps que l'importation du guano et que la vente de différentes sortes d'engrais a pris un accroissement considérable.

« Les fabricants et les marchands d'engrais artificiels sont par principe opposés à l'emploi des résidus d'égouts, et dans la lutte qui se prépare ils forment la principale et la plus forte partie de l'armée qui sera opposée à cette invasion d'un nouveau genre.

« La lutte que cette question va faire naître est une ancienne querelle, c'est le combat entre les intérêts commerciaux et industriels d'une part et ceux de l'agriculture de l'autre. Les fabricants d'engrais artificiels s'imaginent que leur industrie serait arrêtée s'il arrivait un jour que les villes pussent livrer à l'agriculture les matières fertilisantes qu'elles produisent. Leurs craintes ressemblent fort à celles qui agitaient les voituriers lors de l'introduction du chemin de fer. Eux aussi croyaient que le chemin de fer mettrait fin à leur industrie, et cependant nous savons que, grâce à l'extension des transports et du trafic, le nombre des chevaux employés aux transports a partout augmenté. La question des égouts a donc des rapports très directs avec la fabrication des engrais artificiels ; ces rapports sont si grands, que celle-ci peut en retirer les plus grands avantages. On peut donc dire que c'est en réalité la fabrication des engrais artificiels qui donne à la question des égouts et de leurs résidus l'importance qu'elle a prise ; c'est ce que je vais essayer d'expliquer.

« Il est bien connu que la fabrication des engrais artificiels repose en entier sur cette doctrine que l'alimentation de toutes les plantes est basée (page 1151) sur des substances organiques ou minérales, les engrais, composés des matières organiques, ne peuvent être produits que par l'agriculteur lui-même ; il les fabrique dans les écuries ou étables et dans sa fosse aux engrais ; le fabricant, de son côté, produit les engrais minéraux dans lesquels se trouvent les substances qui manquent aux engrais de ferme. La plus importante de ces substances est le superphosphate de chaux.

« La question qu'il importe donc le plus immédiatement aux cultivateurs de connaître, est la valeur intrinsèque de l'eau d'égout qu'il emploiera comparée au guano du Pérou dont les effets et le prix sont connus de tous.

« Le problème est donc de savoir quelle quantité d'éléments constitutifs du guano le cultivateur trouvera dans chaque tonne d'eau d'égout, ou bien encore combien de litres de cette eau sont équivalents à un quintal de guano... »

Suivent des analyses chimiques très développées des eaux des égouts de Londres et d'autres villes par lesquelles le savant professeur prouve que ces eaux contiennent tous les éléments enlevés au sol par la végétation des plantes alimentaires et dont la restitution est indispensable pour éviter l'appauvrissement graduel de la terre.

Analysant ensuite divers engrais artificiels, il démontre qu'ils ne contiennent pas ou en très petite proportion ces mêmes éléments. Il cite l'exemple de plus de soixante villes, bourgs et même villages dont les engrais sont recueillis par des travaux et utilisés avec grand avantage pour l'agriculture.

Dans une lettre datée de Munich, S5février 1865, à lord Montagu, le baron Liebig insiste de nouveau sur l'opinion qu'il a exprimée antérieurement, et il combat le projet de MM. Napier et Hope, qui proposent de détourner les égouts de Londres vers les boues de Maplin, à l'embouchure de la Tamise, afin de les rendre à l'agriculture. Il démontre que ces sables lavés par la mer, ne contenant aucune matière propre à s'emparer chimiquement et mécaniquement des matières azotées et des gaz fertilisants contenus en abondance dans les eaux d'égout, ne sont nullement propres à recevoir ces liquides qu'ils se borneraient à filtrer. Il préfère que cet engrais énergique soit employé dans des terrains meilleurs et déjà cultivés.

Messieurs-, dans la discussion que nous avons eue dernièrement sur la loi des sucres, cette question a été soulevée incidemment, et il a été démontré que la culture de la betterave appauvrit le sol, partout où l'on ne restitue pas au sol les éléments que cette plante lui enlève.

M. Dumortier. - Restons dans la Senne, si c'est possible.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Cette question a un rapport très direct avec celle qui nous est soumise maintenant, parce que si vous ne cherchez pas à employer les engrais provenant des villes, vous allez augmenter la dépense, que j'appelle improductive, des travaux que vous êtes sur le point d'effectuer.

Si, au contraire, vous parvenez à tirer de ces engrais un parti utile à l'agriculture, vous rentrerez successivement, par l'intérêt et même par l'amortissement, dans les capitaux que vous aurez employés, et la dépense, quelque considérable qu'elle puisse être, ne sera plus en réalité qu'une simple avance de fonds, au lieu d'être une dépense à fonds perdu.

Voilà pourquoi j'ai soulevé la question ; voilà pourquoi je prie les ingénieurs et les administrateurs qui seront appelés à la résoudre à l'examiner à ce point de vue.

J'ai attiré aussi généralement que possible l'attention de cette Chambre sur les questions que soulève l'assainissement de la Senne, l'ai démontré, j'espère, que cette dépense ne sera pas une dépense stérile ; qu'elle peut devenir utile et profitable, même au point de vue très positif de la reconstitution d u capital.

Quant au point de vue hygiénique dont nous devons encore et surtout nous préoccuper, je ne pense pas qu'il puisse y avoir la moindre discussion et la moindre contestation possible.

Il est évident aussi que nous avons à examiner la dépense sous le rapport de l'intervention de l'Etat. C'est la seule qui nous soit soumise. Or, nous sommes dépourvus de tous les éléments qui pourraient nous éclairer sur ce point. Il n'y a ni plans, ni devis, on ne nous a soumis que de simples aperçus.

Il me semble que dans cette question, comme dans d'autres encore qui nous sont soumises, le gouvernement nous demande un blanc seing pour pouvoir faire à peu près ce qu'il voudra.

Je ne suis pas disposé à lui donner ce blanc-seing, cependant je suis prêt à voter la somme pétitionnée, Je crois même que dans les calculs que j'ai faits à une autre époque, j'ai porté à une somme plus considérable la part d'intervention de l'Etat dans les travaux de la Senne. Voici sur quoi je basais mes calculs.

L'Etat s'est approprié une grande partie des eaux de la Senne pour alimenter le canal de Charleroi. L'Etat retire de ce canal un revenu considérable qui n'est plus le même aujourd'hui, qui a baissé, mais qui s'est élevé dans le temps, si j'ai bon souvenir, jusqu'à 1,500,000 ou 1,600,000 francs par an.

Il est évident que la ville de Bruxelles a profité des facilités de transport que le canal de Charleroi lui a procurées pour l'approvisionnement de son charbon, que sous ce rapport elle a retiré de ces travaux certains avantages, mais la généralité en a retiré un revenu considérable, car depuis longtemps le prix d'acquisition est remboursé d'une manière complète.

Je pense donc qu'il est équitable que l'Etat dédommage la ville de Bruxelles du préjudice qu'il lui a causé, sous le rapport de la salubrité des eaux de la Senne,

Voilà la raison qui me fera dévier, dans ce cas spécial, du principe que je soutiens dans toutes les circonstances, de la non intervention de l'Etat, au grand bénéfice des communes et des particuliers.

(page 1147) M. Goblet. - Messieurs, je ne serai pas long et je consens volontiers à renoncer à la parole quoique je tienne à protester contre certaines idées de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. Je ne puis admettre son principe, que l'Etat ne doit jamais intervenir dans un travail, qui a pour but un assainissement important dont une forte agglomération de citoyens est appelée à recueillir le bienfait et dont le résultat ne peut qu'être utile au pays.

L'Etat, comme l'a dit l'honorable M. Le Hardy, a profité des eaux de la Senne, et il en profite encore aujourd'hui.

N'est-il pas dès lors juste que l'Etat intervienne dans la dépense, comme ayant disposé des eaux de cette rivière qui nous sont tous les jours plus nécessaires ?

Ainsi, sans nous occuper des moyens d'assainir la Senne, objet dont nous ne sommes pas saisis aujourd'hui, nous pouvons san .inconvénient et sans hésitation voter dès à présent le subside qui nous est demandé par le gouvernement.

Mais, messieurs, il est un fait constant que personne ne peut nier, c'est que non seulement une grande partie de la province de Brabant est intéressée à participer à l'amélioration du cours de la Senne, mais encore que le Hainaut, profitant depuis tant d'années, pour le transport de ses produits pondéreux, du canal de Charleroi, prouve que la dépense pour laquelle on nous propose le crédit de trois millions, est une dépense nationale.

Si donc l'Etat et bien des intérêts divers sont engagés dans cette question, nous avons parfaitement le droit de déclarer cette mesure juste et équitable. Personne n'aurait, me semble-t-il, le droit de faire supporter à la capitale les frais que l'amélioration de cetle fâcheuse situation nécessite.

Un mot encore.

Messieurs, je crois qu'on devrait tenir la main à l'exécution plus rigoureuse des lois existantes au sujet de la salubrité des eaux des ruisseaux et des rivières. J'affirme qu'il y a en Belgique un nombre considérable de cours d'eau qui sont dans un état de malpropreté vraiment dégoûtant ; on empoisonne aujourd'hui des rivières et des ruisseaux, et il est impossible d'obtenir justice de pareils faits, qui blessent les intérêts publics au profit d'intérêts personnels. Je pourrais citer, aux environs de Bruxelles, des rivières et des ruisseaux auprès desquels il n'y a pas moyen de respirer.

Ainsi les rivières la Senne, la Dyle, l'Orneau sont empoisonnées par les papeteries. Les eaux de ces rivières sont noires. Elles ne contiennent plus de poissons. Les animaux qui s'y abreuvent meurent, et jamais on n'a écouté les réclamations qui s'élevaient contre ceux qui jetaient le poison dans les rivières.

Il ne s'agit donc pas ici de l'intérêt spécial de Bruxelles ; il s'agit de l'intérêt de tout le pays ; il faut arriver à une loi qui protège l'eau et que l'on applique sérieusement. Nous avons une loi, mais on ne l'exécute pas. On ne peut pas déverser des poisons dans les rivières ; on doit les tenir dans des réservoirs. Mais qu'arrive-t-il ? On a des réservoirs, et, lorsqu'ils sont pleins, on en déverse le contenu dans la rivière.

Je le répète donc, il ne faut pas que l'on croie que le crédit que nous allons voter est un cadeau fait à Bruxelles seul. C'est un subside alloué dans l'intérêt général du pays.

(page 1146) - La discussion est close.

Le paragraphe 9 est mis aux voix et adopté.

- La séance est levée à 4 heures.