(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 913) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Molenbeek-Saint-Jean demande que la station du chemin de fer dans cette commune soit établie à l'endroit nommé les Etangs-Noirs. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.
« Des habitants de Lillois-Witterzee demandent que le chemin de fer projeté de Charleroi a Bruxelles passe par Nivelles et Lillois-Witterzee. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lillois, ancien tirailleur franc, demande un secours. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La chambre de commerce d'Arlon fait hommage à la Chambre de deux exemplaires de son rapport général pour l'année 1864. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. de Borchgrave, forcé de s'absenter, demande un congé de quelques jours. »
- Ce congé est accordé.
M. Vleminckxµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de la dette publique pour l'exercice 1866.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et mis à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. Hymans. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique.
MpVµ. - Comme, pour la discussion des projets de loi présentant une certaine importance, la Chambre fixe ordinairement un jour, je propose de mettre cet objet à l'ordre du jour de mardi prochain. Le rapport sera distribué ce soir ou demain matin.
- Cette proposition est adoptée.
M. Delcourµ. - Je viens, au nom de la commission qui a été chargée d'examiner les questions de droit constitutionnel soulevées au sujet du duel entre M. le lieutenant général Chaza let M. Delaet, déposer son rapport.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
MpVµ. - Cet objet présentant un certain caractère d'urgence, je propose de le mettre comme premier objet à l'ordre du jour de mardi prochain.
Viendrait ensuite le projet de loi de travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
MpVµ. - La discussion est ouverte.
M. Lelièvre. - Le projet, dans sa rédaction, me paraît présenter plusieurs défectuosités que je dois signaler à la Chambre.
Lorsqu'on énonce que l'individu inscrit sur la liste électorale doit être rayé, s'il n'a pas payé le cens pour la pénultième année, antérieure à la révision, je présume que cette pénalité est seulement encourue dans l'hypothèse où l'on a également négligé d'acquitter le cens pour l'année antérieure à la révision.
En effet, je pense que, dans l'esprit du projet, le citoyen inscrit sur la liste électorale doit être resté deux années sans payer le cens.
Or, s'il en est ainsi, la rédaction est vicieuse et n'exprime pas la véritable pensée de l'auteur de la disposition.
D'un autre côté, le projet n'indique ni dans quelle forme devra se faire la notification relative au payement, ni à quelle époque cette notification sera faite.
Le projet laisse d'autres lacunes. L'individu qui aura été mis en demeure de payer sera tenu d'acquitter le cens non payé ; mais il devra aussi, sans doute, dénoncer le payement à la caisse communale et en justifier.
Or le projet n'énonce ni cette obligation ni le terme fixé pour cette justification.
Ce n'est pas tout. Pour échapper à la radiation, le contribuable devra-t-il acnuitter toutes les années échues, ou bien suffira-t-il qu'il paye la contribution pour une aunée seulement ? Je pense qu'il ne devra acquitter que la contribution d'une année, mais la loi devrait s'exprimer formellement à cet égard.
D'autres questions se présentent. Si le contribuable n'a pas payé effectivement le cens dans le délai fixé, ne pourra-t-il pas appeler de la décision et se faire relever de la déchéance jusqu'à l'expiration des délais prescrits par la loi pour la rectification des listes ?
Ne pourra-t-il pas, sur appel, en payant effectivement le cens, se faire réintégrer sur la liste par la députation permanente du conseil provincial ?
L'équité exige qu'il en soit ainsi.
Je dois aussi faire observer que la section centrale a signalé diverses questions dans le rapport, mais dont la solution ne résulte pas du texte de la loi.
D'un autre côté, le projet n'indique pas comment l'individu rayé de la liste pourra à l'avenir récupérer sa capacité électorale et quelles formalités ou prescriptions il sera tenu de remplir.
Il est évident que la proposition adoptée par le Sénat n'a pas été suffisamment étudiée.
Aussi suis-je convaincu que le projet présente des vices de rédaction qui donneront lieu, dans l'exécution, à des difficultés sérieuses et je devrai lui refuser mon assentiment.
A l'occasion du projet, je dois aussi appeler l'attention de la Chambre sur la nécessité de discuter le plus tôt possible le projet de loi relatif au cens d'éligibilité pour le Sénat, Le projet tend à augmenter le nombre (page 914) des éligibles et sous ce rapport, il s'agit de réaliser un véritable progrès.
J'engage donc la commission spéciale à activer ses travaux. Je désirerais même savoir si le rapport sur le projet de loi adopté par le Sénat sera bientôt déposé afin qu'on puisse le discuter pendant la session actuelle.
(page 937) M. Vander Donckt. - Le projet de loi soumis en ce moment à nos discussions est un de ces rares projets dont l'initiative est due à d'honorables membres de l'autre Chambre. Il nous arrive très rarement d'avoir à examiner de ces projets.
Le projet en question a été longuement discuté au sein du Sénat. Il y a subi des modifications profondes. Une autre rédaction a été présentée. L'honorable ministre de l'intérieur a pris une large part à la discussion et il a fait modifier la proposition primitive dans celles de ses dispositions qui lui semblaient ne pouvoir être admises par la Chambre.
Maintenant, messieurs, l'honorable préopinant vient de vous dire qu'il y a plusieurs lacunes dans le projet. La première concerne le payement de l’année antérieure à celle de la révision. Mais l'honorable membre oublie que les listes des cotes irrecouvrables ne sont arrêtées qu'au mois d'octobre de la deuxième année, donc le projet de loi exige de ceux qui veulent être inscrits sur la liste électorale qu'ils aient payé le cens en contribution personnelle ou patente pendant l'avant-dernière année antérieure à celle dans laquelle la révision a lieu. Il ne s'agit pas de savoir si l'année antérieure est payée, puisque les éléments de preuve manquent ; la liste des cotes irrecouvrables n'est pas arrêtée, et celui qui n'a pas payé peut encore le faire, et c'est seulement quand la liste est définitivement arrêtée qu'on peut statuer sur l'admissibilité de l'électeur.
Le projet de loi n'a trait qu'à cette pénultième année. On a critiqué ce terme pènultième. Je ne sais pas quel est le terme qui serait préférable. On a dit : C'est un terme qui n'est pas usité dans nos codes. Soit. Mais je ne crois pas que MM. les jurisconsultes sont des rétrogrades, qu'ils ne veulent pas le progrès ; si un bon terme est trouvé, si un bon terme est employé dans une loi, c'est un progrès ; si ce terme exprime clairement l'idée du législateur, c'est tout ce qu'on doit désirer. Or la pénultième année c'est l'année antérieure à l'avant-dernière année.
Il n'est pas dérogé aux dispositions de l'article 3 ni d'aucun autre article de la loi électorale qui restent entières. Il ne peut s'agir non plus du foncier, puisque l'article 3 n'exige pas le payement en contribution foncière de la pénultième année ; pour être inscrit, il suffit d'avoir payé l'année antérieure à celle de la révision. Le projet de loi a voulu seulement constater le payement effectif du sens en contribution personnelle et patente, par l'état des cotes irrécouvrables de la pénultième année.
Quant aux formalités à remplir, les dispositions de la loi électorale sont très explicites, elles se feront dans les formes usitées jusqu'ici ; mais, messieurs, rien de si simple : le collège des bourgmestre et échevins fait notifier, par exemple, à tel électeur qu'il ne se trouve plus dans les conditions exigées pour être porté sur la liste électorale ; eh bien, il fera la même chose pour celui qui n'a pas payé. Je ne vois pas là de difficulté.
Il me semble, messieurs, que l'honorable membre est un peu puriste. Il cherche des difficultés là oh il n'y en a pas.
Je crois, messieurs, que nous pouvons adopter le projet après la longue discussion à laquelle il a donné lieu au Sénat et dont probablement tous les membres de la Chambre ont pris connaissance.
(page 914) M. Mullerµ. - Messieurs, j'ai quelques observations à présenter à la Chambre sur l'article du projet de loi. Cet article dit :
Le citoyen inscrit sur la liste électorale pour les Chambres sera rayé de cette liste s'il est prouvé, par le rôle dts cotes irrécouvrables de la pénultième année antérieure à la révision, qu'il n'a pas payé effectivement le cens, à moins qu'il n'effectue le payement dans la huitaine de la notification qui lui sera faite.
Les article 7, 9 et 16 des lois électorales (Bull. off., n°196, de 1843) sont applicables aux rôles des cotes irrécouvrables de la pénultième année antérieure à la révision.
Je vais, messieurs, traluire par des chiffres précis d'années, ce que j'entends par la pénultième année antérieure à la révision.
Ainsi la révision a lieu en 1865. La pénultième année antérieure est celle de 1863.
- Plusieurs voix. - Oui.
M. Mullerµ. - Nous sommes bien d'accord sur ce point.
Eh bien, messieurs, je dois vous faire remarquer qu'il y aurait lieu de modifier l'article soumis à votre sanction par le Sénat.
On n'a pas fait attention que lorsque le cens est payé exclusivement en impôt foncier, il n'est besoin d'avoir payé l'impôt que pour l'aunée antérieure et l'année courante.
Ainsi pour être électeur aux Chambres en 1865, il suffit d'avoir payé le cens complet en impôt foncier en 1864 e1 1865 et d'être inscrit.
Eh bien, messieurs, d'après l'article tel qu'il est rédigé, le citoyen qui n'aurait pas en 1863 payé l'impôt foncier jusqu'à concurrence du cens et qui aurait eu cette année-là une cote irrécouvrable quelconque, serait rayé des listes électorales.
Voilà le vice de la rédaction actuelle que je signale à l'attention de la Chambre.
Si j'ai bien compris l'honorable M Lelièvre - je n'en suis pas certain, attendu que de nos bac s il faut non seulement une attention soutenue mais une oreille excessivement subtile pour le comprendre, lui qui se trouvé à une autre extrémité de la salle - si je l'ai bien compris, il faudrait que l'individu justifiât de ne pas avoir été inscrit sur les cotes irrécouvrables. Or, le Sénat a voulu tout le contraire.
Il y a une présomption en faveur de l'individu, et c'est à celui qui réclame sa radiation du chef de cote irrécouvrable à justifier qu'en réalité il n'â pas payé le cens et cela est tellement vrai que le second paragraphe de l'article unique du projet de loi met dans ce but à la disposition des électeurs qui veulent contrôler les listes électorales, les rôles non seulement de l'année courante, mais des années antérieures.
M. Lelièvre. - Je n'ai pas été compris. J'ai parlé de l'individu qui, frappé de notification, a payé le cens postérieurement à cette sommation. Cet individu doit nécessairement justifier du payement postérieur à la notification. Or, le projet n'énonce ni cette obligation ni le terme endéans lequel il doit faire cette justification.
M. Mullerµ. - Sous ce rapport, je ne trouve aucune lacune dans la loi. Si l'on a justifié devant la députation permanente qu'un individu est rangé parmi les cotes irrécouvrables, ce dernier devra alors fournir la preuve que postérieurement il a effectué le payement du cens pour ne pas être rayé.
Nous sommes parfaitement d'accord. J'avais compris que vous attribuiez une autre portée au paragraphe premier de cette disposition. Je n'en dirai pas davantage, mais il ne me sera guère possible de voter le projet tel qu'il nous a été soumis par le Sénat, parce qu'il pourrait tendre, contrairement à ses intentions, à faire rayer des listes électorales des personnes qui ont le droit d'y figurer.
M. Jacobsµ. - L'observation capitale faite par M. Muller n'a pas échappé au Sénat et je crois qu'elle n'est pas fondée.
Je lis dans le rapport de la commission du Sénat :
« La commission mixte a pris le parti de s'arrêter à ce qui concerne les élections législatives et provinciales. Il suffit alors de rayer ceux qui n'auraient pas payé le cens la pénultième année. L'abus ne peut résulter des non-valeurs de la contribution foncière, et la loi exige que le cens soit tiré des contributions personnelles ou des patentes. »
Qu'est-ce en effet qu'une non-valeur sur la contribution foncière ? C'est la dispense d'impôts accordée à certains immeubles, par exemple aux maisons nouvellement bâties, aux terrains nouvellement défrichés.
Dans ce cas, il y a des non-valeurs, des cotes irrécouvrables, mais ces cotes ne constituent pas l'insolvabilité ; la preuve n'en résulte qu'en l'absence de payement, soit des patentes, soit du personne.l »
L'observation de M. Muller n'est donc pas fondée, mais il en est une autre que je soumettrai à la Chambre et qui me paraît être de nature à exiger au moins une explication.
Le projet de loi dispose, dans son paragraphe2, que « les articles 7, 9 et 16 des lois électorales sont applicables aux rôles des cotes irrécouvrables de la pénultième année antérieure à la révision.
L'article 9 ne permettra d'examiner l'état des cotes irrécouvrables qu'après l'expiration du délai fixé pour les réclamations. Je ne demande pas qu'on étende l'article 8 de la loi électorale à cet état et qu'on le fasse afficher, mais n'y aurait-il pas moyen d'en laisser prendre inspection avant l'expiration du délai utile pour réclamer ?
Je me pose l'hypothèse où un collège de bourgmestre et échevins, en révisant les listes électorales, n'en biffe pas les cotes irrécouvrables, ce qui peut arriver par négligence ou par esprit de parti. Comment le particulier fera-t il redresser cet abus, comment se procurera-t-il en temps utile les renseignements nécessaires ?
Je sais que l'article 16 permet d'exiger, moyennant une minime rétribution, un extrait des rôles, mais il faudra deviner parmi toutes les cotes celles qui pourraient être irrécouvrables. Ne pourrait-on déposer l'état en temps utile au secrétariat de la commune ?
L'article 9 déclare que chacun pourra y prendre inspection du double des rôles. Mais M. Delebecque interprète cet article comme il doit l'être, ce me semble, en ce sens que ce n'est qu'après l'expiration du délai fixé pour les réclamations ; je sais que M. Bivort est d'un avis opposé, mais les termes de l'article sont si formels, qu'il est impossible de se rallier à cette dernière opinion.
Je demanderai donc à M, le ministre comment les particuliers doivent s'y prendre pour réclamer la radiation des cotes irrécouvrables ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, le projet de loi soumis en ce moment à la Chambre n'est pas dû à l'initiative du gouvernement ; il émane de celle de deux honorables sénateurs et vous connaissez les circonstances dans lesquelles et en vue desquelles ce projet a été présenté.
La députation permanente du conseil provincial de la Flandre orientale avait rayé de la liste électorale de la ville de Gand uu certain nombre d'électeurs, parce qu'ils n'avaient pas payé leurs contributions durant les deux années antérieures ; la cour de cassation a annulé cette résolution.
Je ne veux pas discuter ici la question de principe, puisqu'elle n'est pas soulevée ; je déclare seulement que, dans mon opinion, la cour de cassation a sainement appliqué la législation en vigueur jusqu'à présent et qu'il est difficile de faire autre chose et de faire bien.
Du moment qu'on a voulu modifier la législation actuelle, du moment que l'on ne s'est plus borné à prendre comme base de la capacité électorale, l'imposition du cens, l'inscription au rôle, et que l'on a exigé le payement effectif, on s'est heurté à une foule de difficultés.
Un premier projet avait été présenté par 1es honorables auteurs de la proposition de loi. Après quelques observations que j'ai cru devoir soumettre au Sénat, il a été reconnu que ce projet donnerait tout au moins lieu aux plus grandes difficultés. C'est alors, messieurs, que la commission du Sénat a proposé de modifier le premier projet ; elle a présenté àl’rassemblée la nouvelle proposition soumise à votre examen, et qui a été adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Comme je viens de le dire, messieurs, la portée du projet de loi actuel est restreinte ; un électeur pouir les Chambres et pour le conseil provincial n'ayant pas versé effectivement au trésor le montant du cens légal tendant la pénultième année antérieure à celle da l'inscription, ne pourra plus être porté sur la liste électorale. Il va de soi que cette disposition s'applique à la contribution personnelle et à la patente et non à la contribution foncière, par la raison bien simple que, quant à celle-ci, la loi n'en exige le payement que pendant l'année antérieure à celle de l'inscription. Ainsi, un électeur aurait payé, en 1865, la quotité voulue de contribution foncière, mais n'aurait pas acquitté sa contribution personnelle en 1864, ou même il n'aurait pas été imposé de ce chef en 1864, cet électeur aurait le droit d'être inscrit en 1866, à condition, bien entendu, qu'il soit imposé également jusqu'à concurrence du cens pour cette année.
Il n'y a donc aucune difficulté sous ce rapport. Le texte de l'article n'est pas, dit-on, très clair ; mais sa portée résulte à l'évidente de toute la discussion et du rapport de l'honorable baron Dellafaille au Sénat.
(page 915) Plusieurs membres, messieurs, ont soulevé diverses questions ; je vais tâcher d'y répondre.
Ce que je viens de dire répond déjà à l'observation faite, si je ne me trompe, par l'honorable M. Lelièvre qui a demandé s'il aura fallu payer effectivement pendant deux années. Il est évident que l'électeur inscrit sur l'état des cotes irrécouvrables de la pénultième année antérieure à celle de l'inscription sera seul rayé.
L'honorable membre m'a demandé à la requête de qui l'électeur rayé devra payer dans la huitaine ; cet électeur sera informé de sa radiation par le collège des bourgmestre et échevins ; et en même temps on pourra lui faire connaître qu'il peut payer dans la huitaine chez le receveur des contributions. S'il paye et s'il envoie sa quittance, il sera réintégré sur les listes.
Messieurs, l'honorable M. Jacobs nous a cité des cas qui ne rentrent pas dans les termes de la loi, parce que ce ne sont pas des cas de cotes irrécouvrables.
Un particulier dont la maison est reconstruite ne paye pas pendant quelques années du chef de cette maison ; mais il n'est pas porté sur l'état des cotes irrécouvrables. C'est là une exemption d'impôts accordée par la loi. Ce particulier n'est pas un mauvais débiteur, car il est exempté de payer cet impôt. C'est la une restitution, c'est-à-dire tout autre chose qu'une cote irrécouvrable.
Quant au premier point dont a parlé l'honorable M. Jacobs, je crois que dans l'opinion des honorables auteurs du projet de loi, il suffit de faire, pour les cotes irrécouvrables, ce qu'on fait en général pour tous les autres documents destinés à éclairer les personnes qui peuvent avoir intérêt à réclamer. Mais, l'état des cotes irrécouvrables sera déposé dans les bureaux de l'administration communale, et les personnes qui peuvent avoir intérêt à réclamer, pourront s'adresser au receveur des contributions qui leur donnera un extrait de cet état.
Cela suffit, je pense. Il ne faut pas publier l'état des cotes irrécouvrables.
Cette publicité peut donner lieu à de graves inconvénients.
A quoi sert de publier que tel ou tel malheureux n'a pu payer sa contribution ? Il suffit que celui qui a intérêt à le savoir puisse, en se donnant un peu de peine, s'en assurer ; la loi pourra donc facilement recevoir son exécution.
M. Mullerµ. - Messieurs, je comprends très bien que le Sénat n'ait pas eu l'intention de faire rayer des électeurs qui, aux termes de nos lois électorales, ont acquitté le cens dans le temps voulu ; mais je ferai remarquer de nouveau à la Chambre que la rédaction du Sénat va au delà de sa pensée.
Ainsi, d'après le texte, si j'ai eu une cote irrécouvrable en 1863, soit en matière de patente, soit en matière de contribution personnelle, alors même que j'ai payé en 1864 et en 1865 tout le cens en impôt foncier, je pourrai être rayé.
Or, je crois que nous sommes fondés à faire des observations lorsque nous reconnaissons qu'une rédaction va beaucoup plus loin que la pensée de ses auteurs.
Je propose donc, pour écarter tout doute, un amendement sur ce point.
Je ne demande pas que la Chambre statue, dès à présent, sur cet amendement ; mais il me semble de nature à être renvoyé à l'examen de la section centrale.
Vous mettriez ainsi une partie des membres de la Chambre qui critiquent la rédaction trop élastique votée par le Sénat dans la possibilité de voter le projet de loi.
MpVµ. - Voici l'amendement présenté par M. Muller :
« Le citoyen inscrit sur la liste électorale pour les Chambres sera rayé de cette liste s'il est prouvé par le rôle des cotes irrécouvrables qu'il n'a pas payé effectivement le cens, conformément à l'article 3 de la loi électorale, à moins qu'il n'effectue le payement dans la huitaine de la notification qui lui sera faite. »
M. Muller a proposé lui-même de renvoyer cet amendement à la section centrale.
M. Jacobsµ. - Je me demande, et MM. les ministres pourront nous donner une explication décisive à cet égard, jusqu'à quel point il peut y avoir des cotes irrécouvrables en matière de contribution foncière, si tant est que les cas que j'ai cités ne constituent pas des cotes irrécouvrables. Car remarquez que pour qu'il y ait cote irrécouvrable, il faut qu'il soit dressé procès-verbal de carence. Cela se comprend pour la contribution personnelle et pour les patentes, mais pour l'impôt foncier qui suppose l'existence d'un immeuble sous le soleil, je ne sais comment il peut y avoir matière à procès-verbal de carence.
Le gouvernement tient un gage sous la main, il peut provoquer l'expropriation forcée et se payer sur le produit.
M. Mullerµ. - Je dis que, d'après l'article tel qu'il est rédigé, il suffirait qu'il y eût une cote irrécouvrable en matière de contribution personnelle pour qu'on pût rayer des listes électorales uns personne qui cependant a payé le cens. Je comprends que le Sénat ait eu une autre pensée ; mais il faut que les termes soient d'accord avec cette pensée.
M. de Naeyer. - Je ne m'oppose pas au renvoi de l’amendement à la section centrale. Je crois cependant que l'honorable M. Muller donne à la rédaction du Sénat une portée qu'elle n'a pas.
Veuillez remarquer que, suivant les termes très formels de la proposition adoptée par le Sénat, pour opérer la radiation d'un électeur, il ne suffit pas qu'il résulte des cotes irrécouvrables qu'il n'a pas payé telle ou telle quotité de contributions, mais il doit en résulter qu'il n'a pas payé le cens requis au moment oh l'inscription a eu lieu. Le texte du projet du Sénat parle uniquement de cens électoral ; or, par cela même que, pour la formation du cens électoral, la loi ne prend en considération la contribution foncière qu'en ce qui concerne l'année courante et l'année antérieure, il est évident que, pour le payement de ce genre d'impôts, on ne peut tirer aucune preuve ni induction pertinente des cotes irrécouvrables de la pénultième année, en d'autres termes, de l'année qui a précédé immédiatement l'année antérieure à l'année courante.
Car le défaut de payement de la contribution foncière pendant l'année pénultième ne prouve aucunement que l'individu inscrit n'a pas payé le cens électoral pour la formation duquel la contribution foncière ne doit pas remonter à deux années antérieures, d'où il suit que quand il s'agit d'un cens électoral basé sur l'impôt foncier, les cotes irrécouvrables de la pénultième année sont, par la nature même des choses, dénuées de toute valeur probante, puisqu'elles ne pourraient servir qu'à établir un fait qui est sans influence aucune sur l'existence du droit en question.
Je pense donc que la proposition adoptée par le Sénat, sainement entendue, ne peut nullement donner lieu aux inconvénients qui ont été signalés par l'honrorable M. Muller.
Du reste, il importe que la question soit parfaitement éclaircie et je ne m'oppose pas à ce que le renvoi à la section centrale soit prononcé.
MfFOµ. - Il y a d'autres imperfections à signaler à la section centrale.
M. de Naeyer. - Il faut les indiquer.
MfFOµ. - Je n'en aurais pas fait l'observation, si le projet avait été adopté sans opposition. Mais on ne peut pas dire, par exemple : le rôle des cotes irrécouvrables, parce qu'il n'y a pas de pareils rôles.
Si l'on modifie la rédaction, on pourra tenir compte de cette observation.
- Le renvoi de l'amendement de M. Muller à la section centrale est ordonné.
MpVµ. - Nous sommes arrivés à l'article 5 ancien, auquel se rattachent les amendements de MM. Funck et Orts.
M. Funckµ. - Messieurs, j'ai écoulé avec l'attention la plus soutenue les arguments que M. le ministre de la justice et M. le rapporteur de la section centrale ont fait valoir contre l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, et je dois le déclarer, ces arguments ne m'ont pas du tout convaincu.
Vous connaissez les motifs de mon amendement. Je pense qu'en matière de droit et surtout en matière de droit pénal, les textes doivent être précis ; les pénalités doivent surtout être bien déterminées ; je pense en outre qu'il faut laisser le moins possible à l'arbitraire du juge et qu'il ne faut rien laisser à l'arbitraire de l'administration.
Je sais bien qu'on me répond à cela que dans le texte de l'article 4 il ne s'agit pas de peine. Mais c'est là une erreur grave, à mon avis.
Il est vrai que dans l'article 4 on ne se sert pas du terme « emprisonnement. » Mais il n'en est pas moins vrai que les mendiants âgés de moins de quatorze ans, traduits devant le tribunal de simple police, seront, en cas de conviction, renvoyés à la disposition du gouvernement pendant un terme qui n'excédera pas six mois pour la première infraction et deux ans en cas de récidive.
Cela ne s'appelle pas de la prison, mais il y a là évidemment une privation de liberté ; il y a là un acte de répression, et s'il y a répression, s'il y a pénalité, il faut, comme je viens d'avoir l'honneur de le dire, que cette pénalité soit déterminée.
(page 916) Dans une précédente séance, M. le ministre de la justice nous disait : Il y a dans la loi de 1848 une disposition analogue, contre laquelle on n'a jamais réclamé, et il ne faut pas toucher légèrement à une semblable disposition. M. le ministre de la justice n'a jamais entendu réclamer contre cette disposition, je le veux bien, mais moi, j'ai entendu des réclamations très vives contre les abus qui résultaient quelquefois de l'application de cette loi, et c'est précisément parce que j'ai entendu ces réclamations que j'ai eu l'idée de vous proposer l'amendement à l'article 4 que j'ai soumis à la Chambre ; c'est parce que cette disposition de loi est mauvaise, et qu'elle peut être améliorée, que je soumets ma proposition à ceux qui ont la mission de réviser la loi. Or, comme j'ai eu l'honneur de le dire, ce qu'il y avait de mauvais dans la loi de 1848 comme ce qu'il y a de mauvais dans l'article 5 qui vous est soumis, c'est cette détention arbitraire, cette appréciation laissée à l'administration.
Remarquez-le bien, messieurs, vous frappez d'une double peine le mendiant âgé de moins de quatorze ans. Vous lui infligez d'abord une détention qui peut varier d'un jour à six mois pour la première fois, et de six mois à deux ans, en cas de récidive. C'est une pénalité que le juge applique et que l'enfant subit en vertu d'une condamnation. Puis vous lui en infligez une autre en ce sens que vous permettez à l'administration de le priver de sa liberté jusqu'à l'âge de vingt ans. Voilà donc deux pénalités différentes pour un même délit et pour un délit que l'on est habitué à considérer et à traiter avec une certaine indulgence.
Il y a dans le projet de loi une anomalie, messieurs, qui a dû vous frapper ; un individu âgé de plus de quatorze ans, de quinze ans, par exemple, qui mendie, est puni la première fois d'un à 7 jours et, ensuite, par la même condamnation, est mis à la disposition du gouvernement pour un terme qui varie d'un à six mois.
Cet individu a cependant agi avec plus de discernement que celui qui est âgé de moins de quatorze ans..
Quand ces six mois sont expirés, l'individu, âgé de plus de 14 ans, est libre ; il a subi sa peine, il n'est plus permis de le retenir. L'individu âgé de moins de 14 ans, au contraire, qui, lui aussi, a subi sa peine, peut encore, après cela, être retenu jusqu'à l’âge de 20 ans.
MjTµ. - Cette anomalie n'existe pas ; veuillez lire la loi.
M. Funckµ. - Je vois dans l'article premier de la loi que le mendiant âgé de plus de 14 ans est condamné la première fois à un emprisonnement de 1 à 7 jours, et pour la deuxième contravention, à un emprisonnement de 8 à 15 jours, que de plus il peut, par le même jugement, être mis à la disposition du gouvernement pendant 15 jours au moins et 3 mois au plus.
Après cela nous n'avez plus rien à lui demander, vous devez le mettre en liberté. L'individu, au contraire, qui est âgé de moins de 14 ans, vous pouvez, en vertu de l'article 4, le mettre à la disposition du gouvernement pour un terme qui n'excédera pas six mois pour la première contravention et 2 ans en cas de récidive.
Puis vous ajoutez qu'il peut être détenu dans une école de réforme jusqu'à l'âge de 20 ans.
On a répondu : Mais qu'est-ce que cela fait ? Le gouvernement n'a aucun intérêt à détenir un enfant. Je comprendrais parfaitement cet argument si toutes ces choses ne devaient pas passer par la filière administrative, si M. le ministre de la justice devait présider en personne à ce qui se passe à l'école de reforme et si la question de savoir si tel enfant s'est amendé devait être soumise directement à son appréciation ; mais le ministre doit se décider d'après les rapports administratifs et ces rapports émanent des bureaux, des inspecteurs, des directeurs, des instituteurs, des surveillants, et même quelquefois de gardiens.
Vous comprenez fort bien qu'il ne faut pas que la liberté individuelle puisse dépendre de semblables rapports.
Quant à l'argument que fait valoir la section centrale dans son nouveau rapport, il ne m'a pas convaincu davantage. On y dit :
Si cette proposition est adoptée, le gouvernement ne pourra plus placer, et conserver dans une école de réforme un jeune indigent convaincu de mendicité ou de vagabondage, qu'avec l'assentiment, d'abord de tous les membres de sa famille, puis de la commune de son domicile de secours.
Eh bien, messieurs, c'est précisément là ce que je demande. Je demande à la Chambre que le mendiant qui a été puni soit rendu à sa famille, si sa famille le réclame.
Je demande qu'il soit mis sur la même ligne que tout autre délinquant, que celui qui a été condamné, soit pour vol, soit pour un autre délit quelconque.
On ajoute :
Et, en effet, quelles seraient les familles et les communes qui exigeraient le plus souvent la mise en liberté des jeunes mendiants ? Précisément les familles qui comprendraient le moins l'utilité de l'instruction et de l'apprentissage ; les communes les plus pauvres, les plus négligentes, les moins disposées à soigner cette instruction ou cet apprentissage, ou les moins capables de le faire.
Messieurs, quant à l'argument tiré des communes qui seraient moins bien disposées que les autres à tenir compte de l'état de l'enfant et de son intérêt, l'amendement de M. Orts, s'il est adopté, me semble donner toute garantie, et pour ma part je m'y rallie complètement.
Quant à la famille, si vous craignez que l'enfant ne se livre de nouveau à la mendicité, ajoutez que la disposition ne sera pas applicable en cas de récidive. De telle sorte que si l'enfant se fait condamner une deuxième fois, la faveur que je propose d'inscrire dans la loi lui sera complètement retirée. De cette façon vous allez au-devant de tous les inconvénients et vous ne consacrez pas dans la loi ce que j'appelle une disposition arbitraire.
Voilà, messieurs, les considérations qui me déterminent à persister dans l'amendement que j'ai l'honneur de vous présenter et que je modifie de la manière suivante :
« Ajouter à l'article 5 du projet du gouvernement la disposition suivante :
« A moins, toutefois, qu'ils ne soient réclamés par un membre de leur leou par l'administration communale de leur domicile de secours, après l'expiration de la détention comminée par l'article précédent, et pourvu qu'ils sachent lire et écrire. Il ne sera pas donné suite à cette réclamation en cas de récidive. »
MjTµ. - Messieurs, l'amendement déposé par l'honorable M. Funck n'a pas été admis par la section centrale à laquelle il a été renvoyé. J'approuve la décision de la section centrale, car cet amendement ne tend à rien moins qu'à détruire, en quelque sorte, les écoles de réforme. C'est le seul résultat qu'on en puisse attendre.
Quelles raisons l'honorable M. Funck nous a-t-il données pour nous engager à modifier une loi qui existe depuis 1848, et qui a produit les meilleurs résultats ?
L'honorable M. Funck a dit qu'en matière pénale il ne doit pas y avoir d'arbitraire, que tout doit être précis, qu'il ne faut rien laisser au juge.
D'abord, messieurs, il ne s'agit pas de matière pénale, il ne s'agit pas de peine, il s'agit d'éducation, d'écoles de réforme.
Ensuite il n'est pas exact de prétendre qu'en matière pénale il ne faut rien laisser au juge ; on laisse beaucoup au juge en matière pénale, on lui accorde un droit d'appréciation très large et vous avez entre le minimum et le maximum un écart au moins aussi considérable que dans la loi actuelle, dans l'article 66 du Gode pénal.
Cet article donne au juge, lorsque le délinquant a agi sans discernement, un pouvoir au moins égal à celui que nous proposons de maintenir ; cette disposition a subi l'épreuve de l'expérience et elle n'a produit que de bons résultats.
J'ai dit, dans la dernière séance, que je n'avais jamais entendu de réclamation contre l'état de choses actuel. L'honorable M. Funck me dit : « J'en ai entendu, moi. »
D'où provenaient les réclamations que vous avez entendues ? Elles provenaient de communes qui trouvaient très désagréable de devoir payer pour des individus envoyés dans les dépôts de mendicité et les écoles de réforme. Mais ces réclamations n'ont jamais été élevées à raison de l'atteinte portée à la liberté. Les communes, trouvant beaucoup plus commode de ne plus payer, voudraient qu'on laissât rentrer dans la société et continuer à vagabonder des individus que leur conduite a fait placer à l'école de réforme.
Voilà le mobile des réclamations que l'on a entendues, mais jamais personne n'a critiqué la législation existante en l'appréciant au point de vue où se place l'honorable M. Funck.
L'honorable M. Funck a dit qu'il y a dans la loi une anomalie choquante, que les mendiants et vagabonds âgés de plus de quatorze ans, qui ont été condamnés à l'emprisonnement et mis à la disposition du gouvernement, sont parfaitement libres à l'expiration de leur peine, et rentrent dans la société, tandis que ceux, tout aussi coupables, qui ont moins de quatorze ans, peuvent, en vertu de l'article 4 combiné avec l'article 5, être retenus jusqu'à leur vingtième année.
L'anomalie n'existe pas dans la loi, et en effet, il suffit de lire (page 917) l'article 5 pour en être convaincu. C'est ce que l'honorable M. Funck n'a pas fait.
« Par dérogation aux articles 1 et 4 ci-dessus, les mendiants et vagabonds, placés dans les écoles de réforme, pourront y être retenus jusqu'à l'époque où ils auront accompli leur vingtième année. »
Ainsi les individus âgés de plus de 14 ans comme ceux qui sont âgés de moins de 14 ans, pourront être placés dans les écoles de réforme et y être retenus jusqu'à leur 20ème année.
Si l'honorable M. Funck veut lire cet article, il reconnaîtra sans doute que l'anomalie qu'il signalait n'existe nullement.
Il appartient à l'administration de l'école et à l'administration supérieure d'apprécier si l'instruction que ces jeunes gens ont reçue, l'amendement qui s'est produit en eux, permettent de les laisser rentrer sans danger dans la société.
L'honorable M. Funck nous dit aussi qu'il faut que les parents puissent réclamer les enfants et qu'on puisse les leur rendre.
La loi donne au gouvernement la faculté, elle ne lui impose pas l'obligation de les retenir jusqu'à l'âge de vingt ans. Lorsque des parents ou des communes réclameront, l'administration appréciera. Elle fera ce qu'elle a fait jusqu'à présent, et jamais, dans aucune circonstance, l'administration n'a refusé d'accueillir ces demandes lorsque les parents présentaient toutes les garanties désirables ou lorsque les communes donnaient à l'administration tous ses apaisements et lui laissaient espérer que l'enfant serait, à l'avenir, surveillé et dirigé de manière à prévenir le retour des fautes qui l'avaient amené une première fois à l'école de réforme.
Elle n'a, en effet, aucun intérêt à exercer elle-même une surveillance, quand le père ou la mère ou même des collatéraux, prennent l'engagement de veiller ou l'éducation des enfants et elle s'empresse de rendre les enfants quand toutes les garanties nécessaires lui sont données. Elle est très heureuse quand elle peut diminuer le nombre des colons qui sont dans les écoles de réforme, avec la certitude qu'ils seront aussi bien surveillés qu'ils l'étaient dans ces établissements.
Je pense donc qu'il faut maintenir cet article et qu'il ne faut pas détruire ce que l'on a si laborieusement édifié, ce qui a produit de si bons résultats.
M. Orts. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour déclarer à la Chambre que malgré les objections faites par la section centrale j'aurais maintenu mon amendement, si aujourd'hui il ne devenait parfaitement inutile par cela même qu'il est compris dans la nouvelle rédaction de l'amendement de l'honorable M. Funck.
C'est vous dire que je ne maintiens pas mon amendement et que je me rallie à celui de l'honorable M. Funck.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Funck est mis aux voix. Il n'est pas adopté.
MpVµ. - Voici la rédaction du projet du gouvernement :
« Par dérogation aux articles premier et 4 ci-dessus, les mendiants et vagabonds, placés dans les écoles de réforme, pourront y être retenus jusqu'à l'époque où ils auront accompli leur vingtième année. »
- Cette rédaction est adoptée.
MpVµ. - Nous arrivons maintenant à l'article 6 nouveau auquel se rattache l'amendement de l'honorable M. Delaet, sur lequel la section centrale fait son rapport.
La section centrale adopte l'amendement, en rédigeant l'article 6 de la manière suivante :
« Art. 6. Seront punis, par le tribunal correctionnel, d'un emprisonnement de huit jours à deux mois :
« 1° Celui qui fera mendier un enfant n'ayant pas quatorze ans accomplis ;
« 2° Quiconque, en vue d'exciter la commisération publique, se sera fait accompagner, pour mendier, d un enfant ou d'un infirme, qu'il se sera procuré pour cet usage ; le coupable sera, en outre, mis à la disposition du gouvernement pendant le terme que le juge fixera, dans les limites et suivant les distinctions établies aux articles 1 et 9 de la présente loi ;
« 3° Toute personne qui aura procuré, pour l'usage mentionné ci-avant, un enfant ou un infirme.
« En cas de récidive, la peine pourra être portée au double. »
M. Delaetµ. - Je remercie la section centrale de l'appui donné par elle à l'amendement que j'ai eu l’honneur de vous proposer ; cet appui me donne l'espoir d'y voir réserver un favorable accueil dans la Chambre. Cependant je ne puis me rallier sans réserve aux modifications proposées par l'honorable rapporteur. La rédaction qu'il substitue à la mienne a, sous le point de vue juridique, l'avantage de remplacer par un terme général et applicable aux personnes, des expressions moins générales et plus spécialement applicables aux choses. Ca n'est donc pas sur ce point qu'il peut y avoir un dissentiment entre l'honorable M. Dewandre et moi, quoique ce soit précisément le fait révoltant de la transformation d'une personne en une chose qui m'a porté à vous soumettre mon amendement.
Si je trouve à redire à la rédaction de la section centrale, c'est qu'elle a une portée trop limitée dans un sens, trop étendue dans un autre. L'honorable M. Dewandre lui-même fait remarquer, dans ses explications, que le juge n'aura pas à s'occuper, en vertu de la loi actuelle, des mauvais traitements infligés aux enfants, ces faits de torture tombant sous l'application des articles du Code pénal relatifs aux coups et blessures. Autant dire, messieurs, qu'il ne seront jamais punis, qu'ils le seront du moins très rarement. Ils ne le seront jamais là surtout où il importerait le plus de les atteindre, c'est-à-dire, lorsque les pauvres petits êtres tortillés seront des enfants en bas âge ; ils le seront rarement lorsque les maltraités seront des enfants de 5 à 10 ans que leurs parents envoient mendier en les condamnant à rapporter au logis telle somme fixée d'avance.
Le but de mon amendement serait, dans ce sens, très incomplètement atteint par la rédaction de la section centrale.
D'autre part ce but serait dépassé, s'il n'était bien entendu, au moyen des explications échangées dans le cours de cette discussion, que les mots du paragraphe 2 : « en vue d'exciter la commisération publique, » caractérisent impérieusement le délit, en d'autres termes, que l'aveugle ou l'impotent qui pour mendier se fait accompagner par un enfant, même étranger ou par sa fille ou sa femme, même valides, n'expose pas ces personnes aux pénalités édictées par l'article 6, pénalités qui, au moyen d'une interprétation quelque peu judaïque de la loi, pourraient même atteindre la femme de l'aveugle, si le mariage était postérieur à l'infirmité dont se trouverait atteint le mari.
Nous devons tenir surfont, messieurs, à mettre un terme à l'usage barbare que je vous ai signalé dans la séance du 6 du courant et que tous vous êtes unanimes à flétrir. Nous n'y réussirons pas si nous n'élevons quelque peu la pénalité et surtout si nous laissons au juge l'appréciation de la circonstance aggravante de tortures infligées à des enfants en bas âge, tortures secrètes, coups d'épingles, torsions de membres, privation de nourriture, nudité complète ou partielle, par le froid le plus vif, etc. Tout cela laisse peu de traces et pourra dans la règle être difficilement atteint au moyen du code pénal.
J'ai donc l'honneur de vous proposer la rédaction que voici :
« Art. 8 (nouveau). Quiconque sera convaincu d'avoir donné ou pris en location ou en prêt des enfants en bas âge pour les faire servir à la mendicité, comme appât à la commisération publique, sera puni d'un emprisonnement de six mois à un an, et d'un à deux ans en cas de récidive. »
Messieurs, la pénalité maximum pourra vous sembler rigoureuse et elle le serait en réalité si ceux qu'elle atteint n'avaient dû pour s'y exposer violer les lois les plus sacrées de la nature, celles-là même qu'on serait porté à croire inviolables, si l'expérience ne venait trop souvent nous prouver le contraire.
La mère qui donne son enfant en location, le considère comme une chose ; elle connaît les tortures qu'il aura à subir et s'en rend d'avance la complice.
Le père ou la mère qui maltraitent leurs enfants pour les contraindre à la mendicité, vivent presque toujours dans l'oisiveté, comme le fait si bien remarquer l'honorable rapporteur de la section centrale ; mais l'honorable M. Dewandre ne vous a parlé que de menaces et de contrainte morale. Il est rare que les mauvais traitements physiques ne viennent pas donner en quelque sorte une sanction pénale à l'ordre paternel.
Depuis que j'ai eu l'honneur de vous proposer mon amendement, j'ai pris des renseignements près de la police d'Anvers. Elle connaît les faits les plus graves, mais elle se déclare impuissante à les prévenir ou à les réprimer, puisque les auteurs en échappent presque toujours aux dispositions du code pénal et qu'aucune loi spéciale ne fournit jusqu'ici le moyen de sévir assez sérieusement pour obtenir un résultat réel et durable.
Je crois donc, messieurs, qu'en élevant la pénalité, en laissant au juge la faculté d'appliquer seulement quelques jours de prison dans les cas ordinaires, mais en l'astreignant à atteindre sévèrement le coupable là où la loi naturelle aura été violée, vous donnerez utilement à cette loi la sanction de la loi positive et vous aurez fait acte d'humanité, acte de charité chrétienne en couvrant les p'us faibles, ceux qui ont le plus besoin de votre appui, de la puissante protection da la loi.
Voici donc comment mon amendement est rédigé :
« Ajouter après le troisième paragraphe de la rédaction proposée par la section centrale :
(page 918) « Le maximum de la peine sera toujours appliqué sans préjudice des peines édictées par le code pénal :
« 1° Si l'enfant dont il s'agit au paragraphe premier a été contraint de mendier au moyen de mauvais traitements.
« 3° Si l'enfant dont il s'agit au paragraphe 2 est âgé de moins de 3 ans accomplis.
« En cas de récidive, etc. »
M. Dewandre, rapporteurµ. - L honorable M. Delaet voudrait voir appliquer le maximum de la peine lorsque l'enfant qui aura servi aux mendiants à exciter la commisération publique aura subi de mauvais traitements, ou lorsqu'il sera âgé de moins de 3 ans accomplis.
Je crois que cette proposition ne peut être admise.
En effet pourquoi l'honorable M. Delaet veut-il que le maximum de la peine soit appliqué dans le premier cas ? C'est, dit-il, parce qu'il est fort difficile de prouver l'existence de ces mauvais traitements et qu'il serait par conséquent presque impossible de les frapper des peines du code pénal.
Mais s'il est difficile de le prouver, pourquoi pourrions-nous plus le punir par un article de la loi sur la mendicité ? Ou les faits seront prouvés et alors le juge pourra les punir conformément aux prescriptions du code pénal, ou les faits ne seront pas prouvés et alors il n'y a pas de motifs de les punir en vertu d'une disposition spéciale.
L'honorable M. Delaet voudrait aussi voir appliquer le maximum de la peine lorsque l'enfant sera âgé de moins de trois ans accomplis ; je ne puis partager cette opinion, car le danger de corruption pour l'enfant est plus grand et par conséquent la culpabilité est plus grande pour celui qui le fait mendier, lorsqu'il s'agira d'un enfant de plus de trois ans.
L'enfant de moins de trois ans, qui n'a pas encore la conscience de ses actes, mendiera sans danger pour sa moralité ; l'enfant de six, huit ou dix ans, au contraire, se corrompra par la mendicité.
Je ne crois donc pas qu'il y ait lieu d'adopter la modification demandée par M. Delaet à la rédaction proposée par la section centrale pour l'amendement qu'il avait présenté à la dernière séance.
M. Orts. - J'appuie l'amendement nouveau de M. Delaet et je crois que si l'honorable rapporteur l'a combattu, c'est parce qu'il ne s'est pas rendu exactement compte de tous les motifs qui ont déterminé M. Delaet à le présenter. M. Delaet demande d'insérer dans la loi une peine plus sévère contre le mendiant qui se sera procuré un enfant en vue d'exciter la commisération publique lorsqu'il aura usé envers cet enfant de mauvais traitements. L'honorable rapporteur croit que cet amendement nouveau est déterminé uniquement par cette considération chez son auteur, qu'il est très difficile de prouver l'existence d'une violence qui tomber sous l'application des lois pénales ordinaires.
Je ne le pense pas ; je crois que M. Delaet a cru qu'on pouvait parfaitement user de mauvais traitements à l'égard de jeunes enfants sans que ces mauvais traitements constituent les coups et blessures qui sont seuls réprimés par le Code pénal ; et en pensant ainsi, M. Delaet a prouvé qu'il connaissait profondément l'abus auquel il veut porter remède et qui se produit surtout dans les grandes villes. Il est, en effet, une foule de mauvais traitements qu'on n'a pas honte d'infliger dans le but d'exciter la commisération publique.
Ainsi, par exemple, on peut faire subir à des enfants, en vue de les faire pleurer devant le public, toutes les tortures de la faim, sans pour cela tomber sous l'application d'aucune espèce d'article du code pénal. Car laisser avoir faim à quelqu'un, ce n'est ni lui porter un coup, ni lui faire une blessure, On peut occasionner aux enfants une douleur qui les oblige à pleurer et à crier en public par d'autres moyens que par la faim, je n'ai pas besoin d'insister sur ce point. Cependant je dirai et ceci est un fait à ma connaissance personnelle, qu'il est un moyen de contrainte dont on use envers les jeunes enfants et principalement envers les petites filles en vue d'obtenir d'elles qu'elles sollicitent la commisération publique au profit de celui qui les a louées.
Ce moyen de contrainte consiste dans la menace de leur couper les cheveux et de les vendre ; les enfants qui ont pour cette peine une horreur considérable se prêtent, pour y échapper, à toutes espèces de mauvaises pratiques du genre de celles que nous voulons atteindre.
L'amendement de M. Delaet est nécessaire pour punir les mauvais traitements qu'il a signalés et qui ne tombent pas sous l'application du Code pénal commun. Je votetai donc la modification proposée par l'honorable membre.
M. Dewandre, rapporteurµ. - La modification proposée par M. Delaet n'a pas pour but d'aggraver la peine que nous prononçons pour le cas qu'il indique, il veut seulement que nous obligions le juge à appliquer pour ce cas le maximum de la peine. Mais il est évident qu'en cas de mauvais traitements qui ne seraient pas assez graves pour tomber sous l'application du Code pénal le juge appliquerait de lui-même le maximum. Le juge sera appréciateur des circonstances et lorsqu'il reconnaîtra qu'on a usé de mauvais traitements et notamment de la menace de couper les cheveux, si on peut considérer cette menace comme un mauvais traitement, il appliquera le maximum. Je crois donc qu'on peut laisser au juge l'appréciation des circonstances dans les limites que nous fixons.
M. Delaetµ. - Après les explications si claires, si concluantes de M. Orts, je comptais ne plus prendre la parole, mais les derniers mots que vient de prononcer l'honorable rapporteur me font croire qu'il y a un malentendu entre nous et m'obligent à présenter encore quelques observations. Ceux des membres de cette Chambre qui habitent de grandes villes savent à quelles tortures permanentes sont soumis les enfants donnés en location pour la mendicité.
Jusqu'ici la police se déclare impuissante à mettre un terme à ces tortures parce qu'aucun des mauvais traitements infligés aux enfants ne tombe sous l'application du Code pénal et ne peut même être prouvé.
Ainsi, les piqûres d'épingles peuvent passer pour des piqûres d'insectes : les torsions de membres, les tiraillements de cheveux ne peuvent se prouver ; pourtant ce sont là des actes de barbarie tellement criants, que je n'ai pas cru devoir insister ici pour en faire saisir toute l'horreur. Ces pauvres êtres ne dépassent guère l'âge de trois ou quatre ans ; ils sont émaciés, ruinés de santé avant d'atteindre l'âge de la seconde enfance. Ce sont des crimes qui se commettent sous nos yeux, et ces crimes-là, parce qu'ils sont insaisissables, nous devrions les tolérer !
MjTµ. - Mais sans doute : comment voulez vous faire autrement ?
M. Delaetµ. - Elevons jusqu'à la hauteur d'un délit le fait même qui donne lieu au délit.
MjTµ. - Nous le faisons par notre projet.
M. Delaetµ. - Par mon amendement modifié par la section centrale. Mais ce n'est pas la crainte de huit jours de prison qui préviendra ces faits. (Interruption.)
Dès lors il faut toujours appliquer le maximum de la peine.
MjTµ. - Quand les faits seront prouvés.
M. Delaetµ. - Elevons le fait dont nous nous occupons à la hauteur d'un délit et nous n'aurons plus rien à prouver. C'est à l'origine qu'il faut frapper le mal.
M. Pirmez. - Le sentiment qui a guidé l'amendement de M. Delaet est un sentiment que nous partageons tous ; il n'y a personne qui n'ait une profonde répulsion pour les individus qui infligent de mauvais traitements à des enfants qui n'ont pas les moyens de se défendre. Mais il ne faut pas se laisser égarer par ses sentiments, il ne faut pas surtout rendre de mauvais services à ceux qu'on veut protéger. Or, la proposition de M. Delaet me semble devoir conduire bien plutôt à une atténuation de la peine.
M. Delaetµ. - Pas du tout.
M. Pirmez. - Je tiens d'abord à constater que M. Delaet n'augmente pas la peine, qu'il propose simplement de faire prononcer le maximum. Cette disposition aura pour effet d'obliger le juge à infliger une peine fixe, sans égard aux circonstances. Il est certain qu'il peut y avoir une grande différence entre les mauvais traitements.
Aussi, lors de la discussion du Code pénal, on a supprimé partout les dispositions qui obligent le juge à appliquer une peine fixe sans pouvoir tenir compte du degré relatif de la culpabilité de l'agent.
Et, messieurs, voici un autre inconvénient que je crains : Si vous combinez les mauvais traitements et la disposition de l'article 5, vous aurez puni par ce maximum les mauvais traitements ; en sorte qui vous aurez un délit qui se combinera de deux éléments, du fait de la prise en location et, en outre, des mauvais traitements. Tandis que, si vous ne faites pas cela, vous aurez une peine beaucoup plus grave. En effet, vous aurez deux délits : la prise en location et ensuite le délit des mauvais traitements ; or, par suite de ces mauvais traitements le juge pourra non seulement prononcer la peine la plus sévère, soit celle de la loi, soit celle du Code pénal, mais il pourra, de plus, en vertu des principes du nouveau code sur le concours de délits, aggraver la peine la plus forte.
Il faut donc en partant du sentiment qui a dicté l'amendement rejeter cet amendement, puisqu'il ne présente aucun avantage et qu'il peut, au contraire, entraîner de très grands inconvénients.
MjTµ. - Messieurs, rendons-nous bien compte de l'économie de l'article tel qu'il serait rédigé avec l'amendement de l'honorable M. Debaet, et nous verrons que cet amendement n'atteindrait nullement le but en vue duquel il est proposé.
(page 919) Quelle serait, en effet, l'économie de cet article ? On dirait d'abord : « Seront punis, par le tribunal correctionnel, d'un emprisonnement de huit jours à deux mois :
« 1° Celui qui fera mendier un enfant n'ayant pas quatorze ans accomplis ;
« 2° Quiconque, en vue d'exciter la commisération publique, se sera fait accompagner, pour mendier, d'un enfant ou d'un infirme, qu'il se sera procuré pour cet usage ; le coupable sera en outre mis à la disposition du gouvernement pendant le terme que le juge fixera dans les limites et suivant les distinctions établies aux articles 1 et 9 de la présente loi ;
« 3° Toute personne qui aura procuré, pour l'usage mentionné ci-avant, un enfant ou un infirme.
« En cas de récidive, la peine pourra être portée au double. »
Puis, on ajouterait l'amendement suivant :
« Le maximum de la peine sera toujours appliqué sans préjudice des peines édictées par le code pénal : 1* si l'enfant dont il s'agit au paragraphe premier a été contraint de mendier au moyen d'un mauvais traitement ; 2° si l'enfant dont il s'agit au paragraphe 2 est âgé de moins de trois ans accomplis. »
Nous voyons d'abord que le fait d'avoir pris en location un enfant pour exciter la commisération publique est puni d'un emprisonnement de 8 jours à deux mois. Maintenant, le maximum sera toujours appliqué, dit l'honorable M. Delaet, en cas de mauvais traitement.
Sans doute, il doit en être ainsi ; mais l’honorable M. Delaet lui-même a déclaré tantôt qu'il était impossible de prouver la réalité des mauvais traitements.
M. Delaetµ. - C'est pour les enfants âgés de moins de trois ans que j'ai dit cela.
MjTµ. - Mais à quoi sert le premier paragraphe, s'il est impossible de constater les mauvais traitements ?
M. Delaetµ. - L'enfant de moins de trois ans sait à peine exprimer sa pensée, mais il n'en est pas de même de l'enfant plus âgé.
MjTµ. - Je n'admets pas qu'un enfant de trois ans sache parler de manière à se faire comprendre.
Quoi qu'il en soit, il y a dans cet article une autre disposition que je ne puis accepter. C'est que le maximum de la peine sera toujours appliqué sans préjudice des peines édictées par le Code pénal ; c'est-à-dire qu'un seul et même fait pourrait être puni de deux peines. (Interruption.) C'est incontestable, vous punissez d'abord du maximum fixé à 2 mois en cas de mauvais traitements ; puis vous permettez l'application d'une seconde peine édictée par le Code pénal.
M. Bouvierµ. - C'est contraire au principe non bis in idem.
M. Nothomb. - L'amendement a précisément en vue les mauvais traitements, sévices, privations infligés à l'enfant dans un but odieux. Ces faits peuvent ne pas tomber sous l'application du Code pénal. L'amendement permettra de réprimer d'autant plus sévèrement cette honteuse spéculation.
MjTµ. - Ce n'est pas du tout dans l'amendement.
MfFOµ. - L'amendement dit le contraire.
MjRµ. - On dit que le maximum sera toujours appliqué sans préjudice des peines édictées par le Code pénal si l'enfant dont il s'agit est âgé de moins de 14 ans ; de sorte que, d'après l'amendement, on appliquerait à la fois la disposition de la loi et celle du Code pénal, ce qui est évidemment inadmissible.
Je crois, messieurs, qu'avec une peine qui peut aller jusqu'à 2 mois d'emprisonnement, on peut laisser au juge le soin de l'arbitrer selon les circonstances et la gravité des faits. Dans tous les cas, la rédaction de l'amendement devrait nécessairement être modifiée.
M. Thibaut. - On pourrait dire : dans les cas non prévus par le Code pénal.
MjTµ. - Cela ne suffirait pas encore ; car évidemment les mauvais traitements sont prévus par le Code pénal et il est des faits - on en a cité - qui ne tomberaient pas même sous l'application de l'amendement tel qu'il est rédigé, pas plus que sous l'application du Code pénal.
Quant à la rédaction, j'ai encore une observation à faire en ce qui concerne le paragraphe 2.
« Quiconque, en vue d'exciter la commisération publique, se sera fait accompagner pour mendier d'un enfant ou d'un infirme. »
La section centrale entend, par là, je suppose, un enfant âgé de moins de 14 ans.
M. Dewandre, rapporteurµ. - Oui, c'est ainsi.
MjTµ. - Il faudrait donc dire : « ... d'un enfant âgé de moins de 14 ans ou d'un infirme... »
Au paragraphe 3, je proposerai de dire : « Toute personne qui aura procuré, pour l'usage prévu par le paragraphe précédent, un enfant ou un infirme... » Je remplace les mots « mentionné ci-avant », par ceux-ci « prévu par le paragraphe précédent », parce qu'on pourrait croire que ce troisième paragraphe est applicable aux deux précédents, tandis qu'il n'a trait qu'au second.
Celui qui loue un enfant pour le faire mendier, quand il ne le fait pas pour exciter la commisération publique, doit être également considéré comme faisant mendier cet enfant.
M. Dewandre, rapporteurµ. - Je constate que la section centrale entend comme M. le ministre de la justice, que celui qui loue un enfant pour le faire mendier, fait par cela même mendier l'enfant et doit être puni selon le premier paragraphe de l'article.
M. Orts. - Il me paraît évident que la disposition proposée par la section centrale présentera une lacune si l'on n'y introduit pas l'amendement de l'honorable Delaet, et je crois que si cela est démontré tout le monde sera d'accord que cotte lacune doit être comblée.
Maintenant, que le moyen indiqué par l'honorable M. Delaet, et qui consiste à contraindre le juge à toujours prononcer le maximum de la peine, soit un moyen peu acceptable en théorie de droit criminel, peu conforme aux idées le plus généralement reçues sur l'exercée du droit de punir, je le veux bien, j'en fais très bon marché, mais j'indiquerai un moyen d'atteindre le même but par d'autres voies, et je crois que l'honorable M. Delaet l'acceptera.
L'honorable M. Pirmez fait au système proposé par l'honorable M. Delaet une première objection. On lui dit : mais d'après votre amendement qui consiste à exiger que le juge applique toujours le maximum de la peine en cas de mauvais traitements, vous allez contre votre désir, qui est d'être sévère ; vous allez même, dans certains cas, adoucir la peine.
L'honorable M. Pirmez s'est trompé ; l'honorable M. Delaet, par sa rédaction, avait répondu à cette objection ; il avait dit qu'il proposait une aggravation de peine, en cas de mauvais traitements, sans préjudice des peines portées par le Code pénal.
Ce qui signifiait clairement que l'honorable M. Delaet voulait frapper d'une peine spéciale tls mauvais traitements qui ne tombaient sous l'application de la loi commune ; l'honorable membre n'avait donc en vue que de combler une lacune ; il ne voulait pas porter la moindre atteinte au Code pénal. Il était donc bien entendu que l'honorable M. Delaet, en parlant des mauvais traitements infligés aux enfants, on veut les punir par une loi spéciale que quand ces mauvais traitements ne peuvent être punis par le Code pénal.
S'il s'agissait de coups et blessures faites à un enfant, on appliquerait la loi commune qui commine une peine plus sévère que celle qu'il s'agit d'établir en ce moment.
M. le ministre de la justice a fait à l'amendement un reproche inverse ; il conclut des mots : « sans préjudice du Code pénal », que l'honorable M. Delaet veut appliquer deux peines, la peine de 2 mois d'emprisonnement comminée par le projet de loi, et la peine prononcée par le Code pénal contre ceux qui infligent des coups et blessures.
Il n'en est rien ; dans la pensée de l'auteur de l'amendement, comme dans la pensée d'aucun membre de cette Chambre, il ne peut être question de punir deux fois le même fait.
L'honorable M. Delaet ne veut qu'une chose, que pour le cas où les mauvais traitements ne seront pas punis par le Code pénal, ils le soient en vertu d'une loi spéciale, non pas deux fois, mais une fois. (Interruption.)
S il y a lieu de changer le texte de l'amendement, s'il présente une lacune, tâchez de vous mettre d'accord avec nous pour la combler, au lieu de combattre la pensée de l'amendement.
Maintenant, on dit que l'amendement est mauvais au point de vue des idées théoriques du droit criminel qui repousse comme une contrainte infligée à la conscience des juges, ces textes de loi qui fixent d'une manière absolue la peine à appliquer et qui défendent aux juges de tenir compte de certaines circonstances.
Eh bien, je demande à l'honorable M. Delaet s'il verrait de l'inconvénient à modifier sa rédaction en ce sens qu'au lieu de dire : « En cas de mauvais traitement le juge devra toujours prononcer la maximum de la peine, » on dirait : « En cas de mauvais traitement, le juge pourra élever le maximum à quatre mois. »
Je pense que de cette manière nous serons tous d'accord.
M. Bara. - Messieurs, je dois me rallier à l'opinion de l'honorable (page 920) M. Dewandre et de M. le ministre de la justice, et combattre l'amendement de l’honorable M, Delaet, modifié par l'honorable M. Orts. Je ne comprends pas cet amendement, et voici pourquoi.
L'honorable M. Delaet. avec l'honorable M. Orts, reconnaît que l'amendement n'a pas pour but de punir les mauvais traitements infligés aux enfants et qui sont prévus par le Code pénal. Vous le reconnaissez.
M. Orts. - Oui.
M. Bara. - Il ne s'agit donc pas du Code pénal, il s'agit d'un nonveau délit que vous avez appelé mauvais traitement. Qu'est-ce qu'un mauvais traitement ?
M. Orts. - Une torture quelconque.
M. Bara. - Il ne peut pas s'agir ici d'une torture morale ; il ne peut s'agir que d'une torture physique ; or une torture physique quelconque rentre dans la catégorie des coups et blessures qui sont prévus par le code pénal.
Si vous infligez à quelqu'un une souffrance physique déterminée, vous tombez sous l'application de ce Code.
Quand l'honorable M. Delaet a proposé et développé son amendement, il a cité des cas de mauvais traitements infligés à un enfant, qui tombaient évidemment sous l'application du Code pénal.
Maintenant, l'honorable M. Orts arrive, avec de nouveaux cas que le Code pénal ne permet pas de prévoir.
On parle d'enfants que les parents menacent de leur faire souffrir la faim et le froid, s'ils ne vont mendier ; c'est tout autre chose. Mais si la mère doit mendier, laissera-t-elle l'enfant à son domicile, abandonné à lui-même ? Si alors l'enfant souffre du froid, en accuserez-vous la mère ? Comment prouver que le froid qu'a l'enfant provient de la volonté du mendiant qui s'en sert, c'est une souffrance qu'on inflige à l'enfant de propos délibéré ? Au surplus c'est un délit nouveau que vous créez.
Il faut ajouter au Code pénal un article, en dehors de toute question de mendicité, dans lequel vous punirez ces mauvais traitements non punis actuellement, beaucoup plus graves que la mendicité ; punissez alors le père et la mère qui, en dehors de la mendicité, laissent avoir froid à leurs enfants et ne leur donnent pas de pain ; vous n'avez pas puni ce délit plus grave. (Interruption.)
M. Delaetµ. - Il y a des individus qui font la traite des blancs ; il s'agit de ces individus-là.
- Un membre. - Il ne s'agit pas des père et mère, mais de ceux qui exploitent les enfants d'autrui.
M. Bara. - L'objection qu'on me fait n'est pas sérieuse ; qu'il s'agisse de pères, de mères, ou seulement de personnes qui ont pris un enfant en location, peu importe, le fait n'en est pas moins mauvais ; aussi, mon observation au point de vue pénal conserve toute sa portée.
Je dis donc que, dans le code pénal ordinaire, vous n'avez pas prévu le cas que vous voulez punir aujourd'hui.
An premier paragraphe du nouvel article, vous dites : Celui qui fait mendier un enfant doit être puni, et vous voudriez ajouter, que si l'on menace l'enfant pour le faire mendier, la peine sera le maximum. Mais il est évident qu'un enfant de 5, 6 ans, par exemple, n'ira pas mendier si on ne lui dit pas : « Vous serez puni si vous n'allez pas mendier, » si on ne le menace pas ?
Et vous viendrez par cette expression générale : mauvais traitements, qu'on ne comprend pas, qui n'existe pas dans la loi pénale, qui n'a reçu aucune définition, vous viendrez, dis-je, aggraver la peine ! Vous ne le pouvez pas !
Je le répète, vous n'avez pas défini ce que vous entendez par « mauvais traitements, » et quand je vois que la disposition peut s'étendre jusqu' à la menace de couper les cheveux à un enfant, je ne puis, comme législateur, accepter une semblable disposition.
Messieurs, tenons-nous à la proposition de la section centrale. Dans le cas dont nous nous occupons, le juge peut prononcer un emprisonnement de huit jours à deux mois ; si deux mois ne nous paraissent pas suffisants, mettons trois, moi je ne m'y oppose pas.
Avec cette latitude laissée au juge, il sera à même de tenir compte de toutes les circonstances, il verra si les parents ou les locataires d'un enfant se sont rendus coupables de mauvais traitements à l'égard de cet enfant, et il proportionnera la peine, il en fera lui-même l'application.
Mais si vous voulez tellement préciser dans 1a loi, y introduire des termes dont le sens juridique n'est pas fixé, vous ferez une loi mauvaise.
M. Delaetµ. - Je constate, messieus, que, comme l'honorable M. Bara commencé par l'affirmer, il n'a pas compris la pensée qui a dicté mon amendement. Il est certain que les parents qui mendient avec leurs propres enfants les torturent quelquefois ; mais le fait est assez rare. Ceux qui ont des enfants et qui sont pauvres sont souvent obligés d'aller implorer la commisération publique pour épargner à ces enfants les tortures de la faim et du froid. Mais il eu est tout autrement de ceux qui, comme je le disais tout à l'heure dans mon interruption à l'honorable M. Bara, font la traite des blancs.
Là l'enfant n'est plus une personne, c'est une chose ; pour eux cette chose, l'on en use et abuse ; et cependant les mauvais traitements ne sont pas en général assez évidents pour tomber sous la vindicte du Code pénal. Il s'agit de punir ces mauvais traitements et pour cela d'atteindre à la source même, de couper le mal dans sa racine. Je l'ai dit tout à l'heure et je le répète, il faut élever la location même de l'enfant à la hauteur d'un délit.
Je ne refuse pas de me rallier à la modification proposée par l'honorable M. Orts, mais je crois que nous rentrerions à tous, égards dans les traditions légales en élevant la location' à la hauteur d'un délit spécial, qui serait puni d'un emprisonnement de deux à quatre mois, deux mois comme minimum, quatre mois si les mauvais traitements étaient prouvés. Dans ce cas, le but serait à coup sûr atteint et nous n'aurions plus sous les yeux des scènes qui sont tout au plus dignes des anciennes cours des miracles.
M. Bara.µ. - Mettez à l'article 6 : « Seront punis par le tribunal correctionnel d'un emprisonnement de huit jours à trois mois. »
M. Bouvierµ. - C'est cela. Cela concilie tout.
Plusieurs membresµ. - Non ! non !
M. Bara. - Voici le but de mon amendement. L'honorable M. Delaet dit que dans le cas de mauvais traitement infligé aux enfants, la peine ne sera pas suffisante. Eh bien, le juge s'il constate ces mauvais traitements, pourra élever la peine et le fera en vertu de la disposition que vous allez voter. Seulement vous ne lui aurez pas donné l'obligation de prononcer une peine fixe.
M. Delaetµ. - J'ai dit que la location devait être elle-même un délit.
MjTµ. - L'honorable M. Delaet nous a répété plusieurs fois qu'il fallait élever la location des enfants à la hauteur d'un délit. Mais c'est l'objet de l'article 6 qui dit :
« Seront punis par le tribunal correctionnel d'un emprisonnement de huit jours à deux mois :
« 1° Celui qui fera mendier un enfant n'ayant pis quatorze ans accomplis ;
a 2° Quiconque, en vue d'exciter la commisération publique, se sera fait accompagner, pour mendier, d'un enfant ou d'un infirme, qu'il se sera procuré pour cet usage. »
On élève donc le fait à la hauteur d'un délit.
Reste simplement la question de savoir quel sera le minimum de la peine. La section centrale propose de fixer ce minimum à huit jours et le maximum à deux mois. N'y a-t-il pas là une latitude assez grande ? Il faut bien établir en matière de mendicité comme en toute autre la preuve qu'il y a eu mauvais traitement. Il faudra prouver non seulement la location, mais les mauvais traitements, si l'on veut de ce chef l'application de la peine. Trouve-t-on que la peine de huit jours dans ce cas n'est pas assez élevée, veut-on la fixer a un mois ? Je le veux bien. Mais je trouve que huit jours d'emprisonnement sont déjà une peine assez forte, d'autant plus que dans d'autres cas on a en général trouvé que les peines comminées étaient trop sévères.
Veut-on élever le maximum à trois mois ? Je n'y verrai pas de difficulté. Les juges, en appliquant la loi, tiendront compte des circonstances dans lesquelles les faits ont été commis,.
- La discussion est close.
MpVµ. - Je mets d'abord aux voix l'amendement de M. Delaet, qui s'écarte le plus du projet de la section centrale. Cet amendement, modifié par M. Orts, est ainsi conçu :
« Le juge pourra élever la peine jusqu'au double du maximum prononcé par le présent article :
« 1° Si l'enfant dont il s'agit au paragraphe premier a été contraint à la mendicité au moyen de mauvais traitements ;
« 2° Si l'enfant dont il s'agit au paragraphe 2a est âgé de moins de trois ans accomplis.
« En cas de récidive, la peine pourra être portée au double. »
- Cet amendement n'est pas adopté.
MpVµ. - Vient la rédaction proposée par la section centrale et modifiée par M. Bara, du consentement de M. le ministre de la justice. Elle est ainsi conçue :
« Art. 6. Seront punis par le tribunal correctionnel, d'un emprisonnement de huit jours à trois mois :
(page 921) « 1° Celui qui fera mendier un enfant n'ayant pas quatorze ant accomplis ;
« 2° Quiconque, en vue d'exciter la commisération publique, se sera fait accompagner, pour mendier, d'un enfant ou d'un infirme, qu'il se sera procuré pour cet usage ; le coupable sera en outre mis à la disposition du gouvernement pendant le terme que le juge fixera dans les limites et suivant les distinctions établies aux articles 1 et 9 de la présente loi.
« 3° Toute personne qui aura procuré, pour l'usage mentionné ci-avant, un enfant âgé de moins de quatorze ans ou un infirme.
« En cas de récidive, la peine pourra être portée au double. »
- L'article ainsi rédigé est adopté.
« Art. 6 ancien (11 nouveau). Les conditions de la sortie des reclus seront déterminées par arrêté royal. »
- Adopté.
« Art. 7 ancien (12 nouveau). Le gouvernement est autorisé à supprimer les dépôts de mendicité. Il déterminera l'organisation, le régime et la discipline des établissements qu'il sera nécessaire de conserver ou de créer, en exécution de la présente loi. »
MpVµ. - A cet article se rattache l'amendement présenté par MM. Vander Donckt et Rodenbach, et qui est ainsi conçu :
« Le dépôt de mendicité de la Cambre et celui de Bruges seront supprimés dans le délai d'un an, à dater de la mise en vigueur de la présente loi. »
La parole est à M. Rodenbach pour développer cet amendement.
M. Rodenbach. - Je demande à le développer demain.
- Plusieurs membres. - Non ! non ! aujourd'hui.
- D'autres membres. - A demain !
- La Chambre, consultée, renvoie la suite de la discussion à demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.