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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 4 mai 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 871) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Gand présentent des observations contre le règlement sur les inhumations qui a été adopté par le conseil communal de cette ville le 21 avril 1865 et prient la Chambre de prendre des mesures pour conserver leurs droits et sauvegarder le libre exercice du culte catholique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Bertogne demandent que le chemin de grande communication entre Laroche et Bastogne soit décrété route royale. »

M. Van Hoordeµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière d'en faire l'objet d'un prompt rapport.

M. de Moorµ. - La Chambre a décidé déjà qu'un grand nombre de pétitions qu'elle a reçues ayant pour objet la construction de travaux d'utilité publique seraient renvoyées à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi. Il me semble qu'il doit en être de même de celle dont il vient d'être fait analyse.

MpVµ. - Il a été décidé, en effet, que toutes les pétitions relatives à des travaux publics seraient renvoyées à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi. Mais je dois faire remarquer que la pétition dont il vient d’être question n'est pas de cette catégorie.

- La proposition de M. Van Hoorde est adoptée.


« Le conseil communal de Nivelles demande que le projet de loi de travaux publics contienne une disposition portant que le chemin de fer proposé de Charleroi à Bruxelles passera par Nivelles. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je prierai la section centrale de vouloir bien accorder une attention sérieuse aux faits consignés dans cette pétition.


« Le conseil communal de Saint-Léger demande la garantie d'un minimum d’intérêt pour la construction d'un chemin de fer d'Arlon à la ligne des Ardennes françaises vers Montmédy. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi de travaux publics.


M. Bouvierµ. - Voici encore une pétition d'un conseil communal de l'arrondissement de Virton qui réclame à cor et à cri un chemin de fer...

M. Sabatier. - Et avec raison.

M. Bouvierµ. - Et avec raison, me dit l'honorable M. Sabatier. Je suis très heureux d'entendre cette voix sympathique, et j'espère que quand il s'agira du projet de loi sur les travaux publics, que nous aurons bientôt à discuter, cette sympathie se traduira en quelques bonnes paroles et surtout en un vote favorable. L'honorable M. Sabatier méritera ainsi la reconnaissance de tout un arrondissement qui attend, non pas des chemins de fer, mais un premier chemin de fer. (Interruption.) Messieurs, j'ai entendu une interruption que je n'ai pas saisie, sinon j'y répondrais immédiatement.

Je demanderai donc que cette pétition aille rejoindre les 25 autres déjà parvenues à la Chambre, qui réclamaient avec une instance que j'appuie de toutes mes forces, un chemin de fer se rattachant au chemin de fer central du pays. Il viendra bien d'autres pétitions qui manifestent le sentiment unanime, général de tout un arrondissement qui veut sortir de l'isolement déplorable dans lequel le laisse le gouvernement.

M. Lelièvre. - J'appuie également la pétition, qui est fondée sur des motifs sérieux et je demande qu'elle soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif aux travaux publics, qui a été présenté par le gouvernement.

- Adopté.


« Des habitants de Nivelles demandent que des études soient fait pour que le chemin de fer projeté de Charleroi à Bruxelles passe à proximité de Nivelles et qu'on établisse une station près de cette ville. »

- Même renvoi.


« Le sieur Cornu demande de pouvoir prolonger son séjour en Belgique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi modifiant la loi du 30 mars 1836 sur l’organisation communale

Second vote des articles

Article 2

MpVµ. - Le premier amendement a été introduit à l'article 2 ; il porte sur le n°6. L'amendement est ainsi conçu :

« N° 6. Le changement du mode de jouissance des terrains incultes et des bois soumis ou régime forestier. »

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, tout le monde a été d'accord sur la portée de l'amendement qui a été introduit au n°6 de l'article 2, sur la proposition du gouvernement, d'accord avec la section centrale.

L'amendement a pour objet de prescrire que l'autorité royale devra toujours intervenir lorsqu'un conseil communal demandera l'autorisation soit d'aliéner soit de changer le mode de jouissance des terrains incultes et des bois soumis au régime forestier. L'honorable rapporteur l'a déclaré dans son rapport.

Mais le texte du projet n'exprime pas complètement cette idée, il n'est donc pas entièrement conforme aux intentions de la Chambre et du gouvernement.

Le n° 4 de l'art. 76 a été modifié ; nous avons laissé aux députations permanentes le droit d'autoriser les aliénations de terrains en général jusqu'à concurrence de 5,000 fr. ; dès lors ces députations seraient encore, dans cette limite, compétentes pour autoriser des aliénations de bois et de terrains incultes.

Or, c'est ce que la Chambre n'a pas voulu ; dans son intention, l'autorisation royale doit toujours intervenir, en ce cas, à cause de l'importance des actes dont il s'agit et des conditions d'intérêt général auxquelles l'autorisation doit être subordonnée.

A mon avis, on exprimerait clairement l'opinion de la Chambre et du gouvernement si l'on ajoutait un seul mot au texte, admis au premier vote, si l'on disait :

« La vente ou le changement du mode de jouissance des terrains incultes et des bois soumis au régime forestier. »

J'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'adopter le n°6° ainsi modifié.

- Le n°6° de l'article 2, tel qu'il vient d'être amendé, est adopté.

Article 3

L'amendement introduit dans l'article 3, lors du premier vote est définitivement adopté.

Article 6

« Art. 6. Les attributions des commissaires d'arrondissement s'étendent sur les communes dont la population est inférieure à 5,000 âmes à moins qu'elles ne soient chefs-lieux d'arrondissement. »

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, dans la séance de samedi dernier, j'ai fait connaître à la Chambre que le gouvernement, mû par un désir de conciliation, se ralliait à l'amendement présenté par la section centrale, mais qu'il ne pouvait pas aller plus loin, et j'ai combattu l'amendement présenté par les honorables MM. de Naeyer et Guillery.

Après examen nouveau, je déclare, au nom du gouvernement que je ne puis me rallier à cet amendement. '

Je ne rappellerai pas les arguments que j'ai fait valoir contre l'admission de cette proposition.

Je me contente de les résumer brièvement en disant que, dans mon opinion, on rendra un très mauvais service aux communes en les privant des conseils et du concours des fonctionnaires qui sont créés pour leur être utiles, qu'on augmentera considérablement le travail des gouvernements provinciaux, qu'on rendra l'administration difficile, compliquée et enfin que le gouvernement manquera des agents nécessaires pour assurer l'exécution régulière des lois et des mesures d'intérêt général dans le pays, si on le prive du concours de ces fonctionnaires.

L'amendement des honorables MM. Guillery et de Naeyer aura une portée plus grande qu'on ne le croit.

L'honorable M. de Naeyer vous a dit que la proposition s'appliquait à 74 communes du pays dont la population est de 5,000 âmes et plus ; c'est exact ; mais veuilles remarquer qu'outre ces 74 communes, il y en, a au moins 45, à l'heure actuelle, qui ont une population de 4,000 à 5,000 (page 872) âmes un délai très rapproché, probablement à l’époque du prochain recensement une partie de ces communes, comme on le dit, affranchies de la tyrannie des commissaires d’arrondissement... (Interruption) si vous le voulez, de la tutelle des commissaires d’arrondissement.

La population totale des communes qui seront ainsi en correspondance directe avec les gouverneurs sera égale à peu près à la moitié de la population totale du pays. Vous voyez donc, messieurs, que et amendement a une portée plus grande qu'on ne l'avait dit d'abord et je crois devoir en faire la remarque à la Chambre.

Messieurs, je ne recommencerai pas le discours que j'ai prononcé dans la séance de samedi. Je crois que ce serait parfaitement inutile ; je ne pourrais que répéter les mêmes arguments.

Mais j'ai une observation à faire, qui est d'une certaine importance ; cette observation s'applique et à l'amendement de la section centrale et à celui qui a été adopté au premier vote.

Il est hors de doute que l'article 6 du projet de loi n'a rien de commun avec la loi communale, que ce n'est pas une modification à la loi que nous avons présentée et qui a pour but exclusif d'apporter des modifications à l'organisation communale ; l'amendement de MM. Guillery et de Naeyer comme l'amendement de la section centrale est une modification de l'article 132 de la loi provinciale ; il serait, par conséquent, difficile lorsqu'on mettra le texte actuel de la loi communale en rapport avec la loi nouvelle, d'y faire entrer raisonnablement, logiquement l'article 6 de la loi en discussion qui, je le répète, consacre une modification à la loi provinciale.

Je crois donc, messieurs, qu'en tout cas il faut faire de la proposition relative aux commissaires d'arrondissement une loi spéciale que l'on pourrait introduire à l’article 132 de la loi provinciale. Tous les autres articles de la loi seraient naturellement rattachés à la loi communale.

Je ferai d'ailleurs, messieurs, remarquer à la Chambre, qu'en agissant autrement, on ne laisse pas entière la prérogative royale. Et, en effet, le concours de la couronne est nécessaire pour donner à la loi son caractère parfait ; il résulterait donc de l'introduction de cet amendement dans la loi actuelle que si la couronne croyait ne pas pouvoir sanctionner une disposition qui est entièrement étrangère au projet présenté par le gouvernement et qui est due à l'initiative parlementaire, elle devrait refuser sa sanction à la loi tout entière et, par conséquent, même aux dispositions reconnues utiles par tout le monde. Tout le projet de loi tomberait donc, et dans ce cas les attributions de la députation permanente ne seraient pas augmentées et la ville de Bruxelles, qui, par l'article 5, est mise dans le droit commun, resterait encore dans le droit exceptionnel. Je proposerai par amendement de dire :

« Le paragraphe 5 de l'article 132 de la loi du 30 avril 1836 est rédigé comme suit : »

Puis vient le texte de l'amendement qui sera adopté, soit celui de la section centrale, soit celui de MM. Guillery et de Naeyer.

Cet article formerait ainsi un projet de loi spécial sur lequel ou peut, du reste, voter aujourd'hui ; je ne demande pas d'ajournement.

Mais le gouvernement resterai parfaitement libre et, d'un autre côté, il serait plus facile d’encadrer ces lois, l'une dans la loi provinciale, l'autre dans la loi communale.

M. de Naeyer. - L'honorable ministre de l'intérieur persiste, en quelque sorte, dans le système qu'il avait adopté dans la première discussion, et qui consiste à exagérer la portée de notre proposition afin de la combattre plus facilement. Suivant lui, il s'agit bien en ce moment de 74 communes, mais sous peu il y aura lieu d'en ajouter 25 autres. Je voudrais bien que l'honorable ministre nous désignât ces 25 communes. Lorsque j'ai voulu me rentre compte de toutes les conséquences possibles de la proposition, j'ai fait aussi, moi, le relevé des communes qui ont aujourd’hui une population de 4,000 à 5,000 âmes, eh bien, il y en a environ 50, mais parmi ces 50 communes, la grande majorité n'arrivera pas dans dix ans ni même dans vingt, au chiffre de 5,000 âmes.

II y en a plusieurs où la population, au lieu de progresser, diminue, dans une très faible proportion, je le reconnais, mais diminue dans une proportion quelconque, et si l'honorable ministre veut entrer à cet égard dans des détails, j'accepte bien volontiers la discussion. Aussi depuis 10 ans, le nombre des communes qui ont atteint 5,000 âmes est augmenté dans de très faibles proportions.

Ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur ne peut guère s'appliquer qu'à quelques communes du Hainaut.

Eh bien, c'est dans cette province que la mesure offrirait encore moins d'inconvénients qu'ailleurs, et j'ai pour le prouver une autorité irrécusable, puisque le gouverneur de cette province veut descendre jusqu'à 3,000 âmes.

Je crois, messieurs avoir déjà antérieurement fait justice de toutes les autres exagérations que l'on a imaginées pour faire de notre proposition une espèce de fantôme plus ou moins effrayant.

Je le demande de nouveau, quelle différence y a-t-il entre une commune de 5,000 âmes que vous appelez commune rurale et une commune de 5,000 âmes que vous appelez ville ? Quelle différence y a-t-il au point de vue des ressources pour former une bonne administration communale ?

Au lieu de répondre à cela, on a toujours parlé des communes rurales en général et l'on a dit pour justifier l'intervention des commissaires d’arrondissement : Vous ne trouvez pas là autant d'hommes capables que dans les villes, et il faut un tuteur spécial pour guider, pour éclairer ces administrations laissant à désirer sous le rapport des capacités.

L'argument pourrait avoir quelque valeur si notre proposition devait faire disparaître complétement les commissaires d'arrondissement pour toutes les communes rurales en général ; mais telle n'est pas la question.

Notre proposition ne s'applique qu'à 74 communes et peut-être dans quelques années à 80 communes tout au plus, c'est-à-dire à 3 à 4 p. c. au maximum des communes rurales.

Ces communes ont une importance réelle qu'ii est impossible de nier. Elles ont en général un aggloméré et puis des hameaux détachés absolument comme les villes de 5,000 à 10,000 âmes.

J'ai sous les yeux les plans de deux villes de cette catégorie. Je les ai trouvés dans un ouvrage auquel je suis abonné, dans une publication patronnée par le gouvernement et intitulée « Géographie et Histoire des Communes belges. »

J'ai ici un plan très détaillé de la ville de Nivelles. Qu'y vois-je ? J'y vois comme dans les communes rurales de 5,000 à 10,000 ânes : une agglomération et puis des hameaux détachés. Il y a là un territoire très considérable de plus de 3.000 hectares et ce territoire, en dehors du centre principal, est également peuplé et peuplé généralement de cultivateurs.

J'ai encore ici le plan de la ville de Wavre. Je n'ai que ces deux plans, mais je suis convaincu que la même chose existe ailleurs, puisqu'il est prouvé d'après les chiffres que j'ai fournis que la densité des populations ne forme pas un caractère distinctif positivement tranché des communes ayant rang de villes.

A Wavre encore je vois un centre et des hameaux détachés et il en est absolument de même des communes rurales comprises dans notre proposition.

J'ai cité Vilvorde commune rurale en comparaison avec Hal qui a le rang de ville, et il me serait facile de multiplier des comparaisons du même genre.

En général les communes dont nous parlons sont des chefs-lieux de canton. Ce sont des résidences de notaires, de médecins, d’industriels, de commerçants ou de grands cultivateurs.

Si maintenant vous voulez absolument trouver une différence quelconque, la seule qu'il soit possible d'indiquer, c'est que dans vos villes proprement dites en général, vous aurez plus de cabaretiers, de petits commerçants, de boutiquiers, de détaillant et que dans les communes dites rurales il y aura relativement plus de cultivateurs et encore il y a à cette espèce de règle bien des exceptions.

Or, est-il raisonnable de dire que ces boutiquiers, ces détaillants, ces cabaretiers sout nécessairement supérieurs en intelligence, en connaissances administratives aux cultivateurs ?

Je crois que cela n'est pas soutenable. Mettez-les sur la même ligne, je le veux bien. Si vous soustrayez à l’autorité des commissaires d'arrondissement les uns, vous devez aussi y soustraire les autres, à moins de perpétuer ce que l'honorable M. Liedts appelait le dernier vestige de la distinction des citoyens d'un même pays en deux ordres : l'ordre des campagnes et l’ordre des villes, ou bien de vouloir maintenir, comme le disait l'honorable M. Rogier, dans notre législation une disposition qui nourrit ce préjugé antinational qu'un habitant d'une ville est quelque chose de plus qu'un habitant d'une commune rurale.

Voilà la conséquence nécessaire du maintien de cette disposition. On n'a pas répondu à cette question, on n'y répondra pas. L'honorable ministre, il est vrai, a dit qu'il y avait dans les villes des espèces de familles patriciennes dans lesquelles les fonctions municipales sont, en quelque sorte, héréditaires. Je crois que c'est une pure allégation, qu'il ne serait guère possible de justifier par des faits ; mais enfin, on pourrait dire tout au plus que cet argument avait une ombre de raison en (page 875) 1836, parce que, comme l’honorable M. Dumortier l’a fait remarquer, les communes rurales, proprement dites, entraient nouvellement en jouissance des franchises communales ; ce n'est, en effet, que par le décret du 8 octobre 1830 qu'elles ont obtenu le libre choix de leurs magistrats. Mais depuis cette époque, ces communes se sont initiées à la vie publique, elles se sont familiarisées avec la pratique de ces franchises communales.

Et aujourd'hui dans les communes rurales de 5,000 âmes vous trouveriez aussi des traditions de famille quant à l'exercice des fonctions municipales.

L'honorable ministre de l'intérieur nous a dit aussi qu'il y a plus de rentiers dans les villes que dans les communes rurales. Il est évident que ce dire n'est encore appuyée sur aucune donnée statistique et je crois que dans cette circonstance l'honorable ministre se laisse trop influencer par les souvenirs de sa ville natale. Ypres, en effet, est reconnue comme une ville de rentiers. Mais Ypres, qui a quinze à vingt mille âmes, ne peut en aucune manière être prise pour terme de comparaison avec les communes de 5,000 à 10,000 âmes et le fait qui se produit là est loin d'être général. Dans les communes rurales comprises dans notre proposition il y a des rentiers tout comme dans les villes ayant à peu près la même importance sous rapport de la population. Je dirai d'ailleurs qu'on n'aime pas trop de peupler les administrations communales de rentiers, on trouve qu'ils représentent très imparfaitement l'esprit et les idées de notre époque, qui est une époque d'activité et de travail.

Ainsi les raisons de différence qu'on met en avant ne sont réellement pas sérieuses, ce sont de pauvres raisons.

Quoiqu'il y ait bien des choses à dire encore, je ne veux pas prolonger la discussion. Mais l'honorable ministre de l'intérieur vient de soulever une question complètement nouvelle ; après avoir renoncé à toute objection quant à la recevabilité de notre amendement, aujourd'hui il veut le disjoindre de la loi parce que, suivant lui, il ne se rattache pas à la loi communale. Il est un peu tard ce me semble pour soutenir cela, puisque vous avez reconnu d'abord que notre amendement pouvait être discuté et mis aux voix comme un article additionnel de votre projet de loi, il y a là une contradiction qui a lieu de nous étonner.

En raisonnant d'une manière matérielle, si je puis m'exprimer ainsi, on peut dire que notre amendement ne tend pas à modifier la loi communale ; mais enfin n'est-il pas évident qu'il a pour objet l'organisation de nos communes, les attributions des autorités communales, et notamment leur droit de se mettre en rapport direct avec les députations permanentes ; or, les attributions des communes, n'est-ce pas là le fond même de votre projet de loi ? Vous dites que notre amendement déroge à la loi provinciale, dont il n'est pas question dans votre projet de loi ; mais cela provient évidemment de ce que cette disposition de la loi provinciale touche aux attributions des communes, c'est-à-dire à la matière qui nous occupe spécialement en ce moment, et après tout notre législation communale et notre législation provinciale forment les parties intégrantes d'une même législation.

Eh bien, nous faisons une loi qui dérogera à quelques égards à l'une et à l'autre de ces lois, parce que nous réglons une matière traitée par l'une et par l'autre.

La Chambre ne peut pas laisser enchaîner ses prérogatives et accepter cette position humiliante et en quelque sorte servile qui ne lui permettait de toucher absolument qu'à une seule loi quand elle fait une loi nouvelle. Quand la Chambre fait une loi nouvelle, elle se place en présence de l'ensemble de la législation et, eu égard aux questions dont elle s'occupe, elle adopte les dispositions qui lui semblent les plus favorables à l'intérêt général et dans ce cas les effets des résolutions votées se règlent d'après cette maxime déjà bien ancienne, car elle existait du temps des Romains : La loi nouvelle déroge à la loi ancienne.

Avant de terminer je dirai un mot encore.

L'honorable ministre s'est efforcé de nous prouver que à part l'article 132 de la loi provinciale, il y avait encore une foule de dispositions législatives qui établissent une distinction entre les villes et les campagnes ; il est allé même jusqu'à dire que la loi du 1er juillet 1858 relative à l'assainissement des quartiers insalubres n'est pas applicable aux communes rurales. C'est une grave erreur qui doit nous étonner de la part de l'honorable ministre de l’intérieur, car l’honorable ministre est chargé spécialement de l'exécution de cette loi, et dans ce moment même elle s'exécute d'une manière très large dans la commune de Saint-Josse-Ten-Noode qui n'a pas le rang de ville. Toutes les autres citations de lois qu'il a faites appartiennent à un seul ordre d'idées : la voirie, rien que la voirie, et il en résulte en définitive une seule chose, c'est que dans les parties agglomérées des villes et communes rurales, la voirie doit être réglée autrement qu'en rase campagne ; mais ces considérations n'affaiblissent en rien la thèse que nous soutenons et qui consiste à dire qu'au point de vue de la capacité administrative, il n'y a pas lieu d'admettre une distinction entre les bourgeois et les campagnards.

Pour répondre aux citations de l’honorable ministre, je ferai une seule remarque, c'est qu'il existe une différence essentielle entre les lois personnelles qui règlent la capacité des personnes et les lois réelles qui déterminent le régime des choses ; on nous a enseigné cela il y a 35 ou 40 ans, sur les bancs de l'école, et je ne sache pas qu'on ait changé tout cela depuis lors.

Eh bien, quand il s'agit de lois réelles, de lois qui règlent le régime des choses, ces lois peuvent et doivent être différentes pour les campagnes et pour les villes, parce que les choses des villes et les choses des campagnes diffèrent sous plusieurs rapports et cette considération s'applique spécialement à la voirie. La Constitution n'a pas proclamé l'égalité des choses, ce qui serait absurde au premier degré, mais elle a proclamé l'égalité des citoyens devant la loi et proscrit formellement toute distinction d'ordre, et voilà pourquoi les lois personnelles, réglant la capacité des personnes, réglant notamment la capacité des habitants constituant une commune, doivent être les mêmes partout et ne peuvent établir aucune distinction entre les habitants des villes et les habitants des campagnes.

Et voilà comment il est impossible d'attribuer à 5,000 bourgeois ou citadins une capacité administrative que vous refusez à 5,000 paysans ou campagnards, par cela seul qu'ils sont campagnards. Non, en fait de lois personnelles, il n'y a plus d'autre distinction entre les villes et les campagnes que celle établie par l'article 132 de la loi provinciale qui, comme le disait l’honorable M. Rogier, a été admis par inadvertance. Eh bien, je vous le demande, n'est-il pas temps de faire, disparaître cette inadvertance qui dure depuis près de 30 ans et qui est réellement injurieuse pour nos campagnes ? Sachons donc appliquer notre Constitution dans son véritable esprit, et cessons de traiter les campagnards autrement que les citadins.

M. Bouvierµ. - Messieurs, j'ai entendu d'honorables orateurs dire qu'il fallait gouverner de loin et administrer de près, centraliser au point de vue politique, décentraliser au point de vue administratif. Simplifier, c'est administrer, a-t-on ajouté.

Voilà, messieurs, des principes que, pour ma part, je partage complètement et dont beaucoup de publicistes ont parlé avant les honorables orateurs qui sont venus se faire les interprètes de ces doctrines.

Mais, messieurs, ce qui m'étonne, c'est que la conduite de ces honorables membres n'est pas en rapport avec leur langage.

Comment ! Il faut administrer de près ? Mais quels sont les fonctionnaires qui sont le plus près de leurs administrés ? Evidemment ce sont les commissaires d'arrondissement.

M. de Naeyer. - Non, ce sont les autorités communales.

M. Jacobsµ. - Les conseils communaux. (Interruption.)

M. Bouvierµ. - Evidemment les autorités communales. Je dis, messieurs, que la conduite de ces honorab'es membres n'est pas en rapport avec les principes qu'ils énoncent ; je dis que le commissaire d'arrondissement est le véritable administrateur...

M. Vermeireµ. - Pas du tout !

M. Bouvierµ. - Pas du tout, me dit l'honorable M. Vermeire. Mais sait-il seulement ce que je vais dire ? Pas du tout, c'est un mot ; ce n'est pas un argument.

MpVµ. - Pas d'interruption, messieurs ; vous pourrez répondre.

M. Bouvierµ. - Je dis que le commissaire d'arrondissement est un administrateur qui se trouve entre les mains, à la porte des administrés. Eh bien, voilà ce que j'appelle, moi, de la décentralisation. (Interruption.) Il est sous la main des administrés. (Nouvelle interruption.)

Oh ! je sais bien que vous n'aimez pas les commissaires d'arrondissement, parce que, dites-vous, ce sont des agents politiques. Voilà le dessous des cartes, nous y viendrons tout à l'heure.

Maintenant que voulons-nous ? Nous voulons avec le gouvernement une véritable décentralisation. Eh bien, le commissaire d'arrondissement, dans un temps plus ou moins éloigné, aura, je l'espère, des attributions autres que celles qu'il a aujourd'hui.

Il arrivera un jour où la jurisprudence administrative sera assez complète pour que le commissaire d arrondissement intelligent puisse résoudre en dernier ressort toutes les questions qui se présenteront sans qu'il faille encore recourir à la députation permanente ou au gouvernement. (Interruption.)

(page 874) J'entends parler évidemment de cette foule de questions secondaires qui se présentent tous les jours et qui sont de minime importance.

M. Dumortier. - C'est impossible.

M. Bouvierµ. - Vous ne voulez pas de paperasserie, M. Dumortier, vous en êtes l’ennemi et cependant vous ne voulez pas d'une mesure qui les réduirait considérablement. (Interruption.)

Le jour où le commissaire d'arrondissement aura dans ses attributions la solution, en dernier ressort de ces questions, les administrés se trouveront dans une position meilleure que celle où ils sont aujourd'hui, c'est ce que j'appelle de la véritable décentralisation.

Ils auront leur administrateur sous la main et obtiendront immédiatement la solution d'une foule de questions qui sont aujourd'hui déférés à la députation et ensuite au gouvernement central. Eh bien, c’est là ce que je veux voir arriver ; c'est là ce que j'appelle de la véritable décentralisation ; et cependant, vous qui voulez aussi de la décentralisation vous êtes favorables à un amendement qui va produire des résultats diamétralement opposés.

Mais, dit-on, les commissaires d'arrondissement sont des agents politiques ! C'est l'honorable M. Vermeire, je crois, qui a produit cet argument. Voilà le grand mot lâché ! Les commissaires d'arrondissement sont des agents politiques !

Messieurs, ce sont si peu des agents politiques qu'à Charleroi, par exemple, il y a un commissaire d'arrondissement qui n'est nullement sympathique aux principes de la gauche et du gouvernement.

Eh bien, si cet agent était véritablement un agent politique, mais le gouvernement aurait dû le déplacer par application du système destitutionnel qui ne se trouve pas dans notre programme mais qui figure dans le programme de la droite.

Or, qu'est-il arrivé ? C'est que ce fonctionnaire est resté à son poste. Malgré ce fonctionnaire, que l'on dit être un fonctionnaire politique, l'arrondissement de Charleroi nous a envoyé quatre excellents députés libéraux, tandis que l'honorable M. Dechamps, au talent duquel je rends le plus grand, le plus légitime hommage, a été décapité malgré l'agent politique purement clérical qui occupe les fonctions de commissaire d'arrondissement dans cette partie du pays.

Il n'y a plus d'agents politiques aujourd'hui et le gouvernement ne reste gouvernement que pour autant qu'il sympathise avec le sentiment public. Faites de la bonne politique et le pays vous suivra ; faites de la mauvaise politique, de la politique rétrograde et vous arriverez à cet état de minorité où vous êtes et où j'espère que vous resterez longtemps encore.

Maintenant l'honorable M. de Naeyer nous dit que les commissaires d'arrondissement ne sont plus nécessaires, que leur tutelle, qu'on a qualifiée du nom de tyrannie, est une gêne intolérable. Mais, messieurs, s'il en est ainsi, comment se fait-il que nous n'ayons vu arriver à la Chambre aucune pétition pour demander que cette tutelle si gênante disparût de notre législation ?

L'honorable M. de Naeyer a défendu son opinion avec cette éloquence et cette chaleur qu'il apporte ordinairement à la défense de ses opinions. Mais je lui demanderai pourquoi, si la tutelle des commissaires d'arrondissement est gênante pour les communes de 5,000 âmes et plus, elle ne l'est pas pour les communes de 4,000, de 3,000, de 2,000 âmes ? Si votre raisonnement est fondé, il faut supprimer partout les commissaires d'arrondissement. Votre amendement n'est pas franc ; il n'est pas sincère.

Je dis et je répète que votre amendement n'est pas franc, n'est pas sincère.

Vous voulez au fond que les commissaires d'arrondissement disparaissent ; car s'ils sont des tuteurs gênants pour les communes de 5,000 habitants, ils sont des tuteurs non moins gênants pour les communes dont la population est inférieure à ce chiffre.

Je le répète, vous voulez la suppression des commissaires d'arrondissement ; mais vous n'y mettez pas de franchise. Je désire, moi, que les commissaires d'arrondissement restent et que leurs attributions soient décentralisées ; je le désire, c'est le vœu des populations.

Nous sommes dans un siècle de progrès, de lumières, où l'on va très vite, trop vite peut-être...

M. de Borchgraveµ. - Excepté à Virton.

M. Bouvierµ. - Oui, excepté à Virton ; et pourquoi ? Parce que nous n'avons pas de chemin de fer ; c'est ce qui nous empêche d'aller aussi vite que vous, M. de Borchgrave, qui avez un chemin de fer et qui avez des sucreries, que ces chemins de fer vont alimenter d'une part et desservir de l'autre.

M. de Borchgraveµ. - Les sucreries n'ont rien à faire ici.

M. Bouvierµ. - Je vais vous prouver qu'elles ont quelque chose à faire ici.

- Un membre. - A la question !

M. Bouvierµ. - On m'interrompt ; je réponds à l'interruption.

MpVµ. - M. Bouvier, restez dans la question.

M. Bouvierµ. - Je reste dans la question.

Je dis que si nous avions un chemin de fer, des sucreries s'établiraient dans mon arrondissement ; nous avons des betteraves, mais nous n'avons pas de moyens rapides de communication.

Revenant aux commissaires d'arrondissement, je dis que les commissaires d'arrondissement, l’honorable M. de Brouckere l'a parfaitement établi, et aucune de ses objections n'a été rencontrée ; je dis que les commissaires d'arrondissement sont en général des fonctionnaires très capables, que les populations les entourent de leur affection et que personne n'a protesté, ni par des pétitions, ni par des articles de journaux, contre ces utiles fonctionnaires.

En terminant, je répéterai ce que j'ai dit en commençant je veux la décentralisation et pour y arriver plus vite, voir augmenter les attribuions des commissaires avec la faculté de décider personnellement une foule d'affaires de peu d'importance qui ne valent pas les honneurs d'un circuit administratif.

De cette façon nous marcherons administrativement beaucoup mieux et plus vite dans l'intérêt de l'expédition des affaires pour le grand bien-être des populations.

M. de Brouckere. - Messieurs, l'honorable M. de Naeyer, au lieu de se contenter de répondre à la motion faite par M. le ministre de l'intérieur, est rentré dans l'examen de l'amendement qu'il a présenté en commun avec l'honorable M. Guillery, et a pris de nouveau la défense de cet amendement. L'honorable orateur qui l'a suivi, a imité son exemple Je serai donc obligé d'en faire autant ; mais je serai très court, et j'en viendrai tout à l'heure à la motion de M. le ministre de l'intérieur.

Je commence par écarter de la discussion le caractère politique que l'on veut attribuer aux commissaires d'arrondissement, et j'ai le droit de le faire. Tout le monde, en effet, sait quelles instructions ont été données aux commissaires d'arrondissement, à l'occasion des élections, lorsque je faisais partie du gouvernement. Je ne m'occupe donc que des agents administratifs et en aucune manière d'agents électoraux.

Je comprends, messieurs, que ceux d'entre vous qui n'ont jamais habité que la ville ou qui n'ont occupé aucune fonction administrative, n'apprécient pas bien l'utilité des commissaires d'arrondissement. Mais que je trouve parmi ceux qui demandent la suppression partielle des commissaires d'arrondissement, en attendant qu'ils arrivent à leur suppression définitive ; que je trouve, dis-je, parmi ceux qui émettent une semblable opinion, des hommes qui ont habité la campagne ou qui ont occupé des fonctions administratives, je dois le déclarer, j’en suis étonné !

On demande toujours : « Quelle différence y a-t-il entre une ville et une commune rurale, entre un bourgeois et un campagnard ? » Je vais vous le dire.

Messieurs, dans les villes vous trouvez, pour occuper les fonctions de bourgmestre et celles d'échevin, des hommes qui peuvent donner tout leur temps à l'administration communale. Dans toutes les villes vous avez des bourgmestres et des échevins disposés à donner une grande partie de leur temps aux soins de la commune, qui, tous les jours, se rendent à la maison communale, qui expédient les affaires, qui tous les jours vont inspecter les travaux publics, qui tous les jours s'occupent des écoles.

Est-ce que dans la plupart des communes rurales vous trouvez des hommes qui aient le loisir d'en faire autant ? Evidemment non ; je n'hésite pas à le dire : la plupart des bourgmestres des communes rurales ne peuvent donner qu'un soin pour ainsi dire secondaire aux intérêts de la commune.

Ce sout des gens très occupés qui, après avoir travaillé toute la journée, sont fatigués le soir ; le plus grand nombre ne va à la maison communale qu'une fois ou deux par semaine, quand le temps le leur permet.

J'en viens aux secrétaires communaux. Vous savez très bien que ceux des communes rurales ne sont pas assez bien salariés pour que leurs appointements soient pour eux des moyens d'existence suffisants.

La plupart ont d'autres fonctions ou d'autres occupations ; presque tous cumulent, et cela est indispensable.

Ainsi, les secrétaires communaux sont également dans l'impossibilité de passer chaque jour un temps suffisant à soigner les intérêts communaux.

Voilà une différence très réelle entre les administrateurs des villes et les administrateurs des communes rurales. Et comment exigeriez-vous (page 878) d'un administrateur d'une commune rurale plus qu'il ne fait en général aujourd'hui ?

Avez-vous eu entre les mains beaucoup de budgets communaux ? et voulez-vous savoir à quel taux y figurent les appointements des bourgmestres et des échevins ? Un bourgmestre de commune a 50 francs d'appointements ; un échevin a 25 francs d'appointements.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Tant mieux !

M. de Naeyer. - Il s'agit des petites communes.

M. de Brouckere. - Oui, dans les petites communes, les appointements sont comme je viens de le dire. (Interruption.)

Dans les communes de 5,000 âmes, les bourgmestres n'ont pas d'appointement supérieur à 100 ou 150 fr.

M. de Moorµ. - A Uccle, le bourgmestre a 100 fr.

M. de Brouckere. - Il est donc évident qu'un bourgmestre ainsi traité ne peut donner tout son temps aux affaires communales. Eh bien, pour ce bourgmestre, pour ce secrétaire, c'est une chose utile qu’il y ait un fonctionnaire au dessus d'eux qui veille à ce que l'administration dont ils sont chargés ne soit pas trop négligée.

Et savez-vous quand et comment les commissaires d'arrondissement sont particulièrement utiles ? C'est par leurs tournées.

Les commissaires d'arrondissement sont obligés de visiter périodiquement toutes les communes de leur ressort. A l'approche de leur arrivée dans la commune, le bourgmestre, les échevins, le secrétaire ont bien soin de mettre toutes les parties du travail au courant ; et quand le commissaire d'arrondissement arrive dans la commune, il examine la situation des bâtiments d’école, la manière dont l'instituteur donne ses leçons, l'état des bâtiments servant au culte ; il visite quelques-uns des chemins vicinaux ; il examine la comptabilité, les registres de l'état civil, les registres de correspondance.

Si tout cela n'est pas dans la situation où l'exige une bonne administration, le commissaire d'arrondissement fait ses observations, adresse au besoin des réprimandes et prend les mesures nécessaires pour que l'administration soit régularisée.

Qu'on supprime les commissaires d'arrondissement même dans les communes de 5,000 âmes, qu'on supprime ces bienfaisantes inspections, qu'on supprime ces tournées et vous ne tarderez pas avoir un certain nombre d'administrations qui seront dans la position la plus regrettable. Faut-il vous dire par exemple, pour la partie la plus importante, pour la tenue des registres de l'état civil, que, dans beaucoup de communes, c'est le garde champêtre, ou le concierge, ou le propriétaire de la maison où se trouve la salle communale, qui reçoit les déclarations, et puis, qu'à certains jours on va les enregistrer dans les livres destinés à cet usage ? Cela n'est ignoré de personne.

Eh bien, s'il n'y avait pas un fonctionnaire spécialement chargé de veiller à la bonne tenue des registres de l'état civil, vous verriez ces registres, dans beaucoup de communes, tenus avec une déplorable négligence, au grand détriment des habitants.

Je maintiens, messieurs, ce que j'ai dit : supprimer les commissaires d'arrondissement, même dans les communes de 5,000 habitants, c'est faire une chose qui ne tardera pas à être fatale pour les communes, mêmes dont on semble aujourd'hui prendre la défense.

Messieurs, j'ai cru devoir répondre ces quelques mots à l'honorable M. de Naeyer. Au surplus, dans ce moment, ce n'est plus l'amendement qui est en discussion ; c'est la motion de M. le ministre de l'intérieur. Cette motion, qu'on semble avoir perdue de vue, la voici.

Scion lui, l'amendement des honorables MM. de Naeyer et Guillery ne se rattache pas à la loi communale, et cela est incontestable, si incontestable que, je l'avoue, j'ai été étonné que le gouvernement, à l'apparition de cet amendement, n'eût pas élevé la question préalable. L'amendement ne se rattache en aucune manière à la loi communale.

Que demande M. le ministre de l'intérieur ? Il demande que l'amendement soit distrait de la loi que nous discutons et qui a pour objet des modifications réelles à la loi communale, et que cet amendement fasse l'objet d'un projet de loi séparé.

Si, en faisant cette motion, M. le ministre de l'intérieur demandait le renvoi indéfini, le renvoi aux calendes grecques, si je puis m'exprimer ainsi, je concevrais qu'on s'y opposât. Mais M. le ministre de l'intérieur, si je l'ai bien compris, consent à ce que la proposition soit discutée immédiatement après que nous aurons voté le projet que le gouvernement nous a présenté.

Il n'y aura donc qu'un délai de quelques jours, peut-être de quelques heures, et la demande me paraît extrêmement rationnelle.

On vous a parlé très sensément des droits de la Couronne qui, je pense, méritent ici quelques respects. Mais je demande, messieurs, à dire quelques mots de nos propres droits.

Aujourd'hui, à l'ouverture de la séance, j'ai entendu autour de moi plusieurs de mes honorables collègues se faire cette question : Si l'amendement des honorables MM. de Naeyer et Guillery est adopté au vote définitif, faudra-t-il voter pour ou contre la loi ? Plusieurs de nos honorables collègues qui m'entourent se sont fait cette question et m'en ont parlé.

Eh bien, je vais vous dire ma réponse. Je leur ai dit : Voter contre la loi, quant à moi.je ne le voudrais pas, malgré toute mm opposition à l'amendement des honorables MM. de Naeyer et Guillery, parce qu'on ne s'expliquerait pas ce vote négatif, alors que j'approuve la plupart des dispositions du projet de loi. Ce que l'on pourra faire, ce sera s'abstenir et expliquer pourquoi l'on n'a pas pu voter un projet de loi qui est bon dans la plupart de ses dispositions et mauvais seulement dans une qui a été rattachée à ce projet sans motifs aucuns.

Messieurs, en vérité, vous nous ôtez la liberté du vote. J'approuve, quant à moi, toutes les modifications qui ont été présentées dans le projet de loi dont nous nous occupons et qui se rattachent à la loi communale.

Il y en a une qui ne se rattache pas à la loi communale, mais que l'on veut faire insérer dans le projet de loi en discussion. Je ne l'approuve pas et vous m'empêchez de donner un vote approbatif à un ensemble de dispositions que je trouve bonnes. Je vous le demande, n'est-ce pas gêner singulièrement la liberté du vote ?

L'amendement est bon, dit l'honorable M. de Naeyer ; qu'importe après cela qu'on le rattache à la loi communale ou à la loi provinciale ! Mais vous pourriez de la sorte, à l'occasion d'un projet de loi de travaux publics, proposer un amendement se rattachant à l'organisation judiciaire, et à propos d'une loi sur l'organisation judiciaire, proposer un amendement qui soit un dégrèvement d'impôts (Interruption.) On objecterait : Le dégrèvement d'impôts que vous présentez ne se rattache pas à la loi qui nous occupe ; et vous répondiez comme l'honorable M. de Naeyer : Qu'est-ce que cela fait, pourvu que mon amendement soit bon et que la majorité soit disposée à l'accepter. Peu importe à quelle loi nous l'attachons.

Vous verriez ainsi le désordre s'introduire dans nos discussions et dans nos votes.

J'insiste donc vivement pour que vous nous rendiez la liberté du vote.

J'insiste pour qu'on veuille bien distraire l'amendement des honorables MM. Guillery et de Naeyer de la loi que nous discutons en ce moment, et en vérité l'on n'a aucune espèce d'intérêt à s'opposer à cette disjonction.

Pour vous montrer que si j'appuie cette disjonction, ce n'est pas que je recule devant la discussion, je m'engage à aider les honorables auteurs de l'amendement et de ma parole et de mon vote pour faire rapprocher, autant qu'ils le voudront, le moment où l'on discutera le projet de loi.

- Plusieurs membres. - Séance tenante.

M. de Mérode. - Tout de suite, a dit le ministre.

M. de Brouckere. - J'entends dire autour de moi : séance tenante.

Eh bien, nous, qui n'approuvons pas l'amendement des honorables membres, nous nous engageons à demander que la Chambre vote séance tenante sur cet amendement, s'ils veulent consentir à en faire l'objet d'une loi spéciale.

(page 879) M. De Fré. - Messieurs, je demande la permission de dire quelques mots sur l'amendement qui a été adopté au premier vote. Je me suis séparé de quelques-uns de mes amis politiques, et je désire faire connaître à la Chambre les motifs du vote que j’ai émis.

Je crois, messieurs, que l’amendement qui a été voté sera nuisible aux communes qu'on veut favoriser en vertu du grand principe de l'indépendance communale.

Depuis que j'exerce une fonction administrative, j'ai pu apprécier l'utilité des commissaires d'arrondissement pour les communes rurales.

Je représente une commune qui doit profiter de bénéfice résultant de l'amendement adopté.

Eh bien, dans l'intérêt de cette administration, je peine que l'amendement ne doit pas être adopté. Mon vote n'est pas suspect. Si l'amendement devait avoir un bon résultat pratique, je le voterais. Deux mots d'explication.

Le commissaire d'arrondissement n'a aucune juridiction ; il ne décide rien ; il n'arrête en aucune façon la marche des affaires de la commune. Lisez les articles 132 et suivants de la loi provinciale.

Par les attributions qui lui sont conférées, il ne sait empêcher aucune commune d'exercer ses droits politiques, de voter ses impôts, de développer l’instruction, d'arranger ses chemins vicinaux comme elle l’entend ; il n'intervient que comme conseil, il intervient comme stimulant, et son intervention est utile, nécessaire.

M. Tielemans assigne à l'institution des commissaires d'arrondissement un but social très important. D'après lui, « le commissaire d'arrondissement est un agent qui veille à ce que l'intérêt social ne soit point sacrifié à l'intérêt ou aux passions de la localité. » Tous ceux qui connaissent la campagne, savent combien il arrive fréquemment que les gros bonnets de l'endroit absorbent à leur profit l'intérêt général : l’un incorpore un chemin ou un sentier, l'autre détourne un ruisseau, et souvent l'administration communale, trop faible, n'ose pas agir ouvertement Qu'arrive-t-il en pareille circonstance ? Le bourgmestre va trouver le commissaire d'arrondissement, qui arrive sur les lieux, et qui impose son autorité, beaucoup plus efficace vis-à-vis du seigneur de l'endroit que celle du bourgmestre, qui n'est point indépendant du seigneur.

M. Bouvierµ. - Et qui a peur des électeurs influents.

M. De Fré. - Je connais, messieurs, une commune où un grand propriétaire s'était mis d'accord avec le bourgmestre pour créer un chemin qui devait traverser sa propriété et donner à cette propriété une plus-value considérable. Ce chemin était très utile à ce haut personnage, mais il était très nuisible à la commune.

Eh bien, l'intervention du commissaire d'arrondissement l'a fait rejeter, et à ce chemin défectueux a été substitué un chemin utile à la commune et qui la reliait aux communes limitrophes.

On nous a parlé, messieurs, des villages composés de plusieurs hameaux. Il y a dans ces villages une tendance fâcheuse de la part des conseils communaux à sacrifier les hameaux au profit du centre de la commune ; tous les bienfaits sont réservés aux centres ; et les hameaux, composés la plupart du temps de pauvres diables, ont des ruisseaux embourbés et des chemins impraticables.

Qu'est-ce qui arrive alors ? Le commissaire d'arrondissement, qui est obligé d'aller sur les lieux et de voir par lui-même, rétablit l'équilibre et défend ces hameaux qui avaient été sacrifiés.

Je pourrais, messieurs, vous citer des communes où sans l'intervention du commissaire d'arrondissement, les biens communaux seraient restés entre les mains de particuliers qui les avaient absorbés et où cette intervention a empêché la prescription de s'établir ; mais je ne veux ici compromettre personne en citant des noms propres. (Interruption.)

M. Bouvierµ. - Laissez discuter. Nous avons le temps. Nous n'allons pas aux courses.

M. De Fré. - Je suis partisan de l'amendement de la section centrale qui supprime les commissaires d'arrondissement pour les communes de plus de 10,000 habitants, parce que de cette façon les communes qui constituent l'agglomération bruxelloise ne se trouvent plus sous le contrôle du commissaire d'arrondissement.

Et ici, messieurs, je dois faire la distinction entre ces communes agglomérées et les communes de 5,000 âmes qui font l’objet de l'amendement de l’honorable M. de Naeyer.

Les communes suburbaines de Bruxelles, comme l'a fort bien dit l'honorable M. de Brouckere, sont administrées par des hommes très capables qui donnent tout leur temps aux affaires de la commune. Et remarquez-le, ces administrations, surveillées sans cesse par les critiques de la presse, tout comme l'administration de la capitale, trouvent dans ces critiques le contrôle et le stimulant que les administrations rurales trouvent dans les observations et les encouragements des commissaires d'arrondissement.

Comparez ces communes suburbaines si actives, si intelligentes, à ces communes rurales qui sont parfois dirigées par des fonctionnaires ou qui manquent de connaissances administratives ou d’indépendance de caractère ou même du temps nécessaire pour bien gérer les affaires publiques.

L'amendement de M. de Naeyer manque de base. Le chiffre de 5,000 habitants n’est évidemment basé sur rien. A 5,001 habitants on serait capable ; à 4,999 on ne le serait pas. Cela n'est pas une base.

Remarquez du reste que pour changer une loi organique, il faudrait, pour justifier l'amendement proposé, invoquer des abus ; or aucun abus n'a été signalé pour justifier la suppression du commissaire d'arrondissement dans les communes rurales.

Je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. de Naeyer qu'il ne peut y avoir en Belgique de privilèges au profit des villes.

Toutes les communes sont sur la même ligne. Les communes de 5,000 habitants jouissent aussi pleinement de tous leurs droits politiques que les communes de 10,000 habitants, et si la surveillance des commissaires d'arrondissement constitue une commune à l'état d'infériorité, vous devez supprimer les commissaires d'arrondissement partout...

M. Bouvierµ. - C'est cela.

M. De Fré. - ... sinon vous n'êtes pas logiques et de votre propre aveu vous maintenez une masse de communes dans l'état de servitude, puisque c'est au nom de l'affranchissement que vous avez présenté votre amendement.

Puisque la Chambre désire en finir, je bornerai là mes observations.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

M. Coomans. - Messieurs, j'aurais beaucoup de choses à dire, mais je me bornerai à deux mots.

Je proteste contre l'argument in extremis que l'honorable ministre vient de nous administrer.

Il n'est pas vrai que nous ayons porte atteinte à la prérogative royale, mais je crois qu'il est bien plus vrai que l'on porte atteinte à la prérogative de la Chambre, à la plus précieuse de ses prérogatives, le droit d'amendement.

Je me suis aperçu, depuis un certain temps à plusieurs reprises, que l'on cherche à réduire ce droit d'amendement, autant que possible, eu usant et en abusant de la question préalable.

Je conviens que la couronne ou, pour parler net, MM. les ministres ne sont pas libres lorsqu'ils sont forcés d'accepter des amendements, mais n'en est-il pas de même de la Chambre ?

Sommes-nous toujours parfaitement libres dans le vote final que nous avons à émettre sur un projet de loi ? Toutes les parties de ce projet de loi nous conviennent-elles ? et l'embarras qu'exprimait tantôt l'honorable M. de Brouckere, ne l'avons-nous pas tous éprouvé ?

Eh quoi ! vous représentants de la Couronne, vous viendrez nous dire qu'il faut des projets de lois parfaitement homogènes, qu’il n'est pas permis d'y introduire la moindre dissonance, vous qui avez accouplé monstrueusement quelques travaux d'utilité publique avec les fortifications d'Anvers.

Il n'y a pas de rapport, dites-vous, entre l'amendement adopté et l'extension des immunités communales ; mais il y a un rapport étroit, nécessaire entre la construction d'un canal et le crime des fortifications d'Anvers. Cela n'est pas sérieux, cela n'est pas vrai.

MfFOµ. - Le crime !

M. Bouvierµ. - C’est une loi qui a été votée par la Chambre que l'on qualifie ainsi !

MpVµ. - M. Coomans, avez-vous dit le crime ?

M. Coomans. - Oui, M. le président.

MpVµ. - On ne peut appliquer une pareille expression à une toi du pays. Je vous invite donc à la retirer.

M. Coomans. - Permettez-moi d'expliquer ce que j'ai dit.

Il n'a jamais pu entrer dans ma pensée de dire que la Chambre ait commis un crime.

Quand j'ai prononcé ce mot, j'ai parlé au point de vue des idées que j'ai souvent soutenues dans cette Chambre. A mes yeux, les fortifications (page 880) d’Anvers sont un crime contre l'économie politique et contre la civilisation.

Mais il est impossible que j'aie eu l'intention de dire que la Chambre avait commis un crime en votant les fortifications d'Anvers.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Retirez le mot alors !

MpVµ. - M. Coomans, vous dites que vous n'avez pas voulu imputer comme un crime à la Chambre d'avoir vote les fortifications d'Anvers.

Veuillez donc retirer ce mot.

M. Coomans. - Je ne retire rien. Je maintiens tout.

MpVµ. - Il est impossible que vous mainteniez le mot « crime. »

M. Coomans. - Je ne puis retirer ce mot. il est impossible que je retire mes convictions. Il doit vous suffire que je déclare qu'il n'entre pas dans ma pensée de faire la moindre mauvaise imputation aux auteurs des fortifications d'Anvers, auteurs parmi lesquels je compte de mes meilleurs amis.

MpVµ. - M. Coomans, il faut absolument que vous retiriez ce mot.

M. Coomans. - Permettez, M. le président. C'est une appréciation qui m'est personnelle. Je crois qu'en votant les tarifications d'Anvers, la majorité a violé les lois éternelles de l'économie politique et de la civilisation.

MpVµ. - Le mot a été expliqué. S'il n'a pas la portée que la Chambre y attribuait, il n'a plus aucune signification. Il n'y a donc plus lieu d'insister.

M. Bouvierµ. - S'il ne signifie plus rien, nous sommes d'accord.

M. Coomans. - Il n'a pas la signification que vous y donniez, mais il a celle que j'y attache.

- Une voix. - A l'ordre !

MpVµ. - M. Coomans, vous ne pouvez à la fois retirer explicitement un mot en expliquant le sens que vous y attachez, et puis le maintenir de nouveau en entier. Je vous prie donc de retirer le mot crime.

M. Coomans. - M. le président, vous venez de dire que le mot dont je m'étais servi n'avait plus aucun sens. J'y attache, moi, un sens que je ne trouve pas insignifiant du tout.

Du reste, voulez-vous un mot qui vous choquera moins et qui dans ma pensée est le même ? C'est une hérésie ! C'est une criminelle hérésie !

- Plusieurs voix. - A l'ordre !

MpVµ. - M. Coomans, si vois retirez le mot « crime » et l'adjectif « criminelle » et que vous exprimiez votre pensée par le mot « hérésie » nous acceptons cette substitution.

M. Coomans. - Soit, si c'est dans le sens que je viens d'expliquer.

Je le dis volontiers, puisque je n'ai voulu faite aucune mauvaise application.

Messieurs, je disais donc que si l'on trouve un rapport étroit et nécessaire entre les fortifications d'Anvers et les nombreux articles insérés dans la loi de travaux publics, il est réellement incroyable qu'on cherche à nier le rapport étroit qui existe entre la proposition des honorables MM. Guillery et de Naeyer et le projet déposé par le gouvernement lui-même.

Il s'agit d'une extension des prérogatives communales, et ces honorables membres avec la majorité de la Chambre avaient évidemment le droit de sanctionner cette manière de voir.

Je fais remarquer derechef avec l'honorable M. de Naeyer qu'on s'est obstiné à ne pas s'expliquer sur le point de savoir quelle différence il y a entre une population de 5,000 âmes dite urbaine et une population de 5,000 âmes dite rurale ou villageoise.

Il n'y en a pas ; elle n'existe que dans la loi, et la loi à cet égard est un mensonge, elle est un crime vis-à-vis de la Constitution qui veut l'égalité de tous les Belges devant la loi.

Votre article 132 de la loi provinciale est plus qu'une inadvertance, mot assez juste de M. Rogier, il est une inconséquence. Cet article est déplacé, il aurait dû figurer dans la loi communale ; et nous voulons l'y mettre.

L'honorable M. de Brouckere croit qu'l existe des différences notables entre le bourgmestre d'une ville de 5,000 âmes et celui d'un village de 5,000 âmes. Le bourgmestre d'un village de 5,000 âmes ne travaille guère, dit-il, parce qu'il n'a que 50 ou 100 francs d'appointements, tandis que le bourgmestre d'une ville de 5,000 âmes travaille beaucoup, bien qu'il n'ait pas plus de traitement.

L'explication n'est pas fort honorable pour les bourgmestres, mais en fait elle n'est pas vraie. Les villes ne sont pas plus aptes à s'administrer que les villages d'une population égale. (Interruption.) Je vais en fournir un exemple, au risque de déplaire à quelques-uns de mes commettants.

Dans mon arrondissement il y a trois villes. Herenthals n'a pas 5,000 âmes et s'appelle ville ; mais Gheel, qui n'est qu'un village, en a plus de 10,000, et la vérité est que Gheel est au moins aussi civilisé, aussi riche que Herenthals.

Or, il va se faire que sous peu la ville d'Herenlhals, non chef-lieu d'arrondissement, quand elle aura 5,000 âmes, sera soustraite à la tutelle des commissaires d'arrondissement, tandis que Gheel y restera assujetti jusqu'à ce qu'il plaise à M. de. Brouckere et à ses amis d'en décider autrement. Je le demande, cela est-il raisonnable ? Pourquoi ce traitement différent appliqué à des localités en sens inverse ? Si vous attachez tant d'importance à la population et même à l'aggloméré, évidemment Gheel devrait être placé au-dessus d'Herenthals ; si vous vous attachez à l'histoire, c'est encore Gheel qui doit avoir la priorité. Herenthals est fort ancienne, elle était déjà commune libre au XIIIème siècle, mais Gheel date du VIIème. Gheel est plus aucun que Bruxelles.

Ainsi si ce n'est pas au point de vue de l'histoire, de l'ancienneté, ou de la population que vous vous placez, dites-moi, je vous prie, à quel point de vue vous vous placez pour créer des bourgeois et des villageois ? Vous vous placez au point de vue de l'intérêt des commissaires d'arrondissement, combiné avec votre intérêt politique ; vous subordonnez tous les principes et la loi communale elle-même à des intérêts personnels et à la crainte que vous avez que nous n'étendions un jour les prérogatives de la commune au point de supprimer le rouage reconnu inutile des commissaires d'arrondissement.

Si tout ce que vous avez dit des bienfaits de la tutelle des commissaires est vrai, vous n'avez qu'une chose à faire, c'est de replacer sous leur tutelle toutes les villes de moins de 20,000 à 25,000 habitants ; c'est ce que vous n'osez pas faire, c'est ce que nous ne voudrions pas faite, car nous n'entendons pas rétrograder. (Interruption.)

Permettez, j'ai encore un point très essentiel à traiter.

L’honorable ministre prétend qu'il y a lieu de poser indirectement la question préalable, parce que l'amendement modifie la loi provinciale ; mais l'honorable ministre perd de vue que lui-même propose de modifier la loi provinciale puisqu'il admet le chiffre de 10,000 ; au point de vue des principes, le chiffre importe peu.

M. le ministre de l'intérieur propose de disjoindre l'amendement du projet de loi pour en faire l'objet d'une disposition spéciale, sur laquelle on prendrait immédiatement des conclusions.

Cela est tout simplement impossible. M. le ministre en faisant cette proposition a sans doute perdu de vue l'article 45 du règlement de la Chambre qui porte qu'un amendement voté doit être accepté ou rejeté.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ou sous-amendé.

M. Coomans. - Votre proposition est contraire au règlement. Quand la Chambre a adopté un amendement, il ne lui reste plus ensuite qu'à voter pour ou contre ; elle ne peut donc, dans le cas présent, disjoindre l'amendement ; c'est là le sens formel de l'article 45.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Lisez le dernier paragraphe.

M. Coomans. - D'ailleurs où est le sous-amendement ? Il y aurait sous-amendement si, au lieu du chiffre de 5,000, on proposait celui de 6,000 ou de 3,000, et dans ce cas, je comprendrais la doctrine du gouvernement ; mais ce n’est pas un amendement qu'un rejet, et, en conséquence, je demande l'observation rigoureuse et loyale du règlement de la Chambre. (Aux voix ! aux voix !)

Un mot pour finir. On nous dit que les communes de 5,000 âmes ne sont pas en état d'être émancipées, mais je remarque que l'honorable ministre ne professe pas cette opinion au sujet de toutes les communes belges ; il y a un cas où il les croit toutes également instruites, éclairées, capables de prendre des résolutions et même d'interpréter les lois. Ainsi l'honorable ministre a permis à toutes les communes belges, même à celles de 200 à 300 âmes, d'interpréter la loi sur les cimetières. Eh bien, cette égalité de droits et d'intelligence que vous voulez bien reconnaître aux communes, lorsqu'il s'agit ne l'accomplissement du devoir le plus important qui puisse être dévolu à des citoyens, l'interprétation des lois, je demande que vous la reconnaissiez en tout. Trouvez-vous qu'il n'y a pas de raisons suffisantes pour nous fixerait chiffre de 5,000, faites un amendement, et pour ma part, je l'accueillerai volontiers. Nous descendrons ainsi bas que vous le voudrez.

(page 875) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je croyais que la Chambre ne rentrerait pas dans le fond du débat : c'est pour cette raison que je n'ai pas reproduit, même en partie, le discours que j'avais prononcé dans la séance de samedi. Il me semble que tout le monde doit avoir ses apaisements sur l'utilité des commissaires d'arrondissement et qu'une nouvelle discussion quant au fond ne pourrait pas aboutir ; d'ailleurs la Chambre est fatiguée. Je demanderai cependant la permission de faire une simple observation en réponse à ce qu'a dit M. de Naeyer.

Cet honorable membre m'accuse d'exagérer les arguments de mes adversaires, afin de pouvoir mieux les combattre.

Lorsque j'ai fait connaître que l'amendement aurait une portée plus grande qu'on ne le suppose, j'ai dit, pour le prouver, qu'il ne s'appliquerait pas seulement à 74 communes, mais que dans un bref délai le nombre des communes qui seraient soustraites à la tutelle des commissaires ; d'arrondissement approcherait de la centaine. L'honorable M. de Naeyer a contesté cette assertion. Je ne puis citer le nombre exact de ces communes. Je n'ai pas les derniers chiffres de la statistique sous les yeux, mais déjà en 1863, 45 communes avaient une population de 4 000 à 5,000 âmes. Depuis lors, la population s'est évidemment accrue partout. Alors (page 876) déjà 14 ou 15 de ces communes avaient une population qui dépassait 4,700 âmes et il est très probable qu'une grande partie de celles-là auront atteint bientôt le chiffre de 5,000 âmes. (Interruption

En résumé, les 45 communes dont je parle avaient ensemble une population de 190,000 âmes, soit une moyenne de plus de 4,400 âmes pour chacune d'elles. Or, messieurs, nous constations, dans certaines provinces surtout, un accroissement de population très rapide et dans celles-là bien certainement le chiffre de 5,000 âmes sera atteint dans peu d'années.

Messieurs, est-il nécessaire de revenir encore sur cette éternelle accusation que nous voulons mettre les communes sur des rangs différents de l'échelle sociale et administrative ? L'honorable M. de Brouckere y a répondu d'une manière victorieuse, selon moi ; l’honorable M. De Fré l'a fait également et il résulte suffisamment de tout ce qui a été répondu à cette accusation qu'elle n'est nullement fondée, que le nom ne fait absolument rien à la chose.

Les lois sont exactement les mêmes pour toutes les communes avec cette seule différence que eu égard aux besoins de certaines localités et que pour assurer l'influence légitime de l'administration centrale, nous croyons qu'il faut maintenir un intermédiaire autre que la province entre le gouvernement et certaines communes.

J'arrive maintenant à mon amendement. Comme je viens de le dire, cet amendement a pour objet de faire soit de la proposition de MM. de Naeyer et Guillery, soit, subsidiairement de cette de la section centrale, si elle est adoptée, un projet de loi particulier.

Je ne demande pas l'ajournement de ce projet, je consens même à un vote immédiat, séance tenante, mais je prie instamment la Chambre de ne pas introduire dans la loi communale une disposition qui a trait à la loi provinciale.

On nous dit, messieurs, que le cas qui se produit ici se présente chaque fois qu’un amendement est admis. Mais cela n'est pas exact : il s'agit ici d une proposition tout autre que celle du gouvernement, qui en diffère essentiellement.

On a rappelé la loi relative aux fortifications d'Anvers, laquelle comprenait divers autres travaux d'utilité publique et notamment des chemins de fer.

Il s'agissait là d'un ensemble de travaux pour lesquels des crédits étaient demandés et par conséquent il était parfaitement rationnel de les comprendre dans une même loi. Mais encore une fois, il s'agit ici d'une proposition tendante à modifier une loi qui n'est pas en discussion ; et dès lors je me crois parfaitement fondé à en demander la disjonction.

La Chambre, en prononçant cette disjonction, laissera parfaitement intacte la prérogative royale et la liberté des membres de la Chambre, ce qui n'aurait pas lieu dans le cas contraire ; car enfin, messieurs, si la proposition de MM. de Naeyer et Guillery était adoptée, un grand nombre de membres de cette chambre voteraient contre l'ensemble de la loi, parce que, ne pouvant obtenir |a division, on ne serait pas libre d'adopter ce qui convient et de rejeter ce dont on ne veut pas ; on s'exposerait peut-être ainsi à compromette le sort d'une loi sur l'utilité de laquelle tout le monde paraît d'accord.

Maintenant, messieurs, quant à, je ne dirai pas la légalité, mais la recevabilité de l'amendement, elle ne me paraît pas pouvoir faire l'objet du moindre doute. La proposition de MM. de Naeyer et Guillery n'a rien de commun avec le projet de loi ; cependant, ces honorables membres ont cru pouvoir l'y introduire, du consentement de la Chambre, sous forme d'amendement, et quand à notre tour nous voulons sous-amender cette proposition, on nous repousserait par une fin de non-recevoir.

M. de Naeyer. - Ce n'est pas un sous-amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Le règlement de la Chambre est, du reste, formel. Il est dit au dernier paragraphe de l'article 45 : « Il en sera de même (c'est-à-dire qu'on soumettra à une discussion et à un vote définitif) des nouveaux amendements. » (et ce que je propose est bien certainement un nouvel amendement). (Interruption.)

M. de Naeyer. - Une proposition de disjonction n'est pas un amendement.

MjTµ. - Certainement.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - « Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. » Or, la proposition de MM. de Naeyer et Guillery ayant été adoptée au premier vote, je m'autorise de cette adoption pour proposer un sous-amendement conformément à l'article 45 du règlement ; et je crois être parfaitement dans mon droit en agissant ainsi.

M. Guillery. - Mon intention n'était pas de prendre la parole, ne voulant pas reproduire ce que j'ai dit dans une précédente séance ; mais la question de disjonction me paraît toucher aux prérogatives les plus importantes et les plus précieuses de la Chambre.

Je ne partage point l'opinion de l'honorable M. Coomans ; je ne partage pas non plus celle de M. le ministre de l'intérieur. Je crois que la disjonction peut être prononcée par la Chambre, mais je ne crois pas que nous devions la prononcer.

Pour moi, le règlement ne fait aucun obstacle à ce qu'à un second vote aussi bien qu'au premier, la Chambre disjoigne un article d'un projet de loi quand ce projet a été introduit par amendement et est soumis à un second vote.

Je dis que je ne partage pas l'opinion de M. le ministre de l’intérieur parce qu'il m'est impossible de voir dans sa proposition les caractères d'un amendement. Ce n'est pas un amendement ; c'est une proposition de disjonction. Mais il n'est pas nécessaire ce l'appeler du nom de sous-amendement pour justifier le droit de la Chambre de prononcer la disjonction si elle le veut.

D'après moi donc, nous avons le droit de prononcer cette disjonction, nous avons le droit de faire de cet article un projet de loi spécial. Mais je me demande si nous devons user de ce droit.

Le droit d'amendement, messieurs, est un des droits les plus précieux de la Chambre ; le droit d'initiative, le droit d'amendement constituent dans une nation libre l'une des prérogatives les plus importantes, les plus précieuses, l'une de celles qu'on réclame vainement dans d'autres pays où les libertés parlementaires sont loin de ressembler aux nôtres.

Mais qu'est-ce que le droit d'amendement ? On nous a dit : Par votre amendement vous restreignez les prérogatives de la Couronne et même celles des membres de cette Chambre. Mais qu'est-ce, messieurs, que le droit d'amendement ? C'est le droit d'introduire dans une loi une disposition que le pouvoir exécutif n'y aurait pas introduite, de l'attacher à cette loi, d'en faire avec celle-ci un tout indivisible, et de dire au pouvoir exécutif : Ou vous n'aurez pas la loi, ou vous prendrez l'amendement.

Voilà ce que c'est que l'amendement.

Et, messieurs, quand nous avions l'honneur d'être régis par S. M. Impériale Napoléon Ier et d'envoyer des députés au corps législatif, ce corps avait le droit de rejeter les lois mais non de les amender ; il devait subir la loi telle qu'elle était ou la rejeter complètement. Aujourd'hui encore en France, bien que le corps législatif y ait beaucoup plus de droits que sous le premier empire, il a le droit de discussion, mais non le droit d'amendement, et c'est ce droit d'amendement que nous voyons revendiquer avec tant de chaleur par un grand nombre de membres de cette assemblée qui, à coup sûr, sont les plus chauds défenseurs des libertés parlementaires.

Mais si, chaque fois qu'un article est introduit dans une loi, contrairement à l'avis du gouvernement, il vient proposer la disjonction, en ce cas il nous demande en réalité de nous désarmer nous-mêmes.

Si nous avions adopté la proposition de la section centrale à laquelle le gouvernement s'est rallié, si nous nous étions prononcés pour le chiffre de 10,000 âmes, au lieu de nous prononcer pour le chiffre de 5,000 âmes, il y aurait eu un amendement adopté, tout comme aujourd'hui, et cependant il n'y aurait pas eu une demande de disjonction ; le gouvernement avait déclaré qu'il consentait à ce qu'on introduisît cette disposition dans son projet de loi.

Mais la Chambre n'a pas partagé l'opinion du gouvernement sur le chiffre ; elle a adhéré à la première opinion de la section centrale et non pas à la seconde, elle a sanctionné le vœu de la section centrale qui avait demandé que les communes d'une population de 5,000 âmes fussent distraites de la juridiction des commissaires d'arrondissement ; elle ne s'est pas pliée au changement d'opinion de la section centrale qui, après un mûr examen, avait cru devoir proposer le chiffre de 10,000 âmes ; elle a adopté le chiffre de 5,000 âmes, déclarant par là en principe que les communes rurales de 5,000 âmes devaient être aujourd'hui aussi intelligentes, aussi éclairées que les villes de 5,000 âmes, il y a 30 ans.

On manifeste une grande répugnance à adopter cet amendement si anodin cependant ; on a l'air de le regarder comme une manœuvre politique ; ce qui est assez singulier en présence des noms de certains membres de cette Chambre qui ont voté pour l'amendement. On a dit que c'était une manœuvre de la droite et d'honorables collègues qui siègent à mes côtés s'étonneront à coup sûr d'apprendre que c'est aux manœuvres de la droite...

- Un membre à droite. - L'initiative vient de la gauche.

M. Guillery. - On considère l'amendement comme étant de (page 877) nature à nuire grandement à l'administration des communes. L'honorable ministre de l'intérieur a même dit qu'on ne pouvait conserver l'amendement dans la loi, sans restreindre la prérogative royale ; il donnait par là assez clairement à entendre qu'il se pourrait très bien que la loi, telle qu'il l'avait présentée, fût sanctionnée par le Roi, et qu'il n'en fût pas de même de la modification à l'article 132 de la loi provinciale, modification qui serait devenue une loi spéciale, par suite de la disjonction.

Que résulterait-il de là ? C'est que nous aurions abandonné bénévolement un droit dont nous sommes armés aujourd’hui. Nous avons aujourd'hui le droit d'insérer cette disposition dans le projet de loi présenté par le gouvernement, aujourd'hui nous avons le droit de dire : « Ou vous ne sanctionnerez pas la loi que vous avez proposée, ou vous sanctionnerez la disposition que la Chambre y a introduite. » Nous avons incontestablement ce droit, et l'on vient nous demander que la Chambre s'en dépouille ; on vient nous dire : « Nous demandons par la disjonction la faculté de ne pas sanctionner ce qui ne nous convient pas, de sanctionner seulement ce qui nous convient. » Voilà en réalité la proposition qui nous est faite par M. le ministre de l'intérieur.

Je demande si la Chambre veut qu'il en soit ainsi.

Pour ma part, je n'attache pas à cette disposition de loi une importance aussi grande que beaucoup de membres de cette Chambre. Mais, enfin la Chambre a voté l'amendement. Est-il de sa dignité, après avoir voté l’amendement à une majorité de 6 voix, après avoir déclaré qu'elle entendait que les communes rurales fussent assimilées aux villes ; qu'elle entendait, comme l'a dit un ancien membre du Congrès national, ancien ministre, ancien gouverneur, que cette inconstitutionnalité disparût de notre législation ; qu'elle entendait, comme l'a dit un ministre actuel, que cette disposition de l'article 132 de la loi provinciale, introduite par inadvertance, fût rectifiée dans un sens logique ; serait-il, dis-je, de la dignité de la Chambre de renoncer à son droit et de l'abandonner à la merci du cabinet ? Je ne le saurais croire.

M. Mullerµ. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour donner une explication. Je ne m'occupe pas des différentes questions qui ont été traitées. Mais l'honorable M. Guillery a dit que la section centrale avait changé d'avis, avait viré de bord en quelque sorte, relativement à l'amendement de MM. de Naeyer et Guillery.

Or, je constate que si les mots : « population agglomérée de 5,000 âmes » n'ont pas été insérés dans le premier rapport de la section centrale, ils se trouvent dans son second rapport ; la majorité de la section centrale a voulu déclarer par là qu'il s'agissait bien, pour elle, d'une population agglomérée de 5,000 habitants.

C'est moi-même qui ai demandé que le mot « aggloméré » fût inséré dans le second rapport, parce que le premier rapport ne rendait pas proprement la pensée de la section centrale. Il n'y a donc pas la moindre contradiction, de la part de la section centrale, dans la proposition qu'elle est venue faire à la Chambre.

Maintenant un mot sur l'amendement des honorables MM. Guillery et de Naeyer.

Je ne m'occuperai ni de la prérogative royale, ni du point de savoir si nous avons le droit de faire des amendements, ce que je ne conteste pas ; mais je demande s'il n'est pas convenable d'accepter la disjonction proposée par M. le ministre de l'intérieur, alors qu'une grande partie de cette Chambre est hostile à l'amendement et que, d'un autre côté, l'unanimité semble être acquise au projet primitif du gouvernement.

- La discussion est close.


MpVµ. - Je mets aux voix la proposition de M. le ministre de l'intérieur, consistant en ceci :

« L'article 6 sera-t-il disjoint du projet de loi, pour faire l'objet d'une loi séparée ? »

- Des membres. - L'appel nominal.

Il est procédé au vote par appel nominal sur la proposition de disjonction.

En voici le résultat :

104 membres prennent part au vote.

53 votent pour.

51 votent contre.

En conséquence, la proposition de disjonction est adoptée.

Ont voté l'adoption :

MM. Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Carlier, Crombez, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Macar, de Moor, de Vrière, Devroede, Dewandre, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Giroul, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Large, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Rogier, Sabatier, Tesch, T'Serstevens, Valkenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen et Ernest Vandenpeereboom.

Ont voté le rejet :

MM. Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Beeckman, Coomans, Couvreur, Debaets, de Borchgrave, de Conninck, de Decker, de Haerne Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Smedt, de Terbecq, de Theux, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Dubois, Dumortier, d'Ursel, Goblet, Guillery, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Pirmez, Reynaert, Rodenbach, Schollaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen et Vander Donckt.

M. de Naeyer. - Je crois qu'il a été entendu qu'immédiatement après le vote de la loi, on procéderait au vote sur l'article 6, formant un projet de loi spécial ? (Oui ! oui !)

MpVµ. - Il a été entendu qu'immédiatement après le vote de la loi, l'on procéderait à la discussion et au vote de votre proposition.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

104 membres répondent à l'appel nominal.

95 votent pour le projet.

9 s'abstiennent.

Ont voté l'adoption :

MM. Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop. Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Carlier, Couvreur, Crombez, Debaets, de Baillet-Latour, de Bast, de Borchgrave, de Brouckere, de Conninck, de Decker, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Smedt, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Devroede, Dewandre, Dolez, Dubois, Dumortier, Dupont, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Giroul, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Janssens, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Tesch, Thienpont, Thonissen, TSerstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen et Ern. Vandenpeereboom.

Se sont abstenus :

MM. Coomans, Delaet, de Naeyer, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Moncheur et Reynaert.

En conséquence le projet de loi est adopté, il sera transmis au Sénat.

MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Coomans. - Messieurs, comme le projet de loi réalise une certaine amélioration, je n'ai pas voulu voter contre.

D'un autre côté, je n'ai pas voulu, par un vote affirmatif, sembler me déclarer satisfait d'une réforme très insignifiante.

M. Delaetµ. - Je n'ai pas voté pour le projet de loi, parce que la satisfaction qu'il donne à de légitimes aspirations est trop minime et que, dans ma conviction, la mesure doit avoir pour principal effet de retarder l'époque de l'introduction d'une décentralisation sérieuse et effective ; je n'ai pis voté contre, parce que, n'ayant point cru devoir prendre la parole dans la discussion, j'ai pensé qu'un vote négatif ne pouvait constituer une protestation assez énergique contre la doctrine professée par l’honorable ministre de l'intérieur en matière de décentralisation et d'autonomie communale.

M. de Naeyer. - Je n'ai pas voulu donner un vote approbatif à la loi, parce que, comme mesure de décentralisation, elle me paraît tout à fan insignifiante. Sous ce rapport, je la considère comme une fausse monnaie à laquelle je ne veux pas contribuer à donner cours légal.

D'un autre côté, comme elle atténue jusqu'à un certain point les défauts de la législation actuelle, notamment en plaçant la ville de Bruxelles dans le droit commun, je n'ai pas voulu donner un vote négatif.

M. de Woelmontµ. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l’honorable M. de Naeyer.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Je n'ai pas voté contre le projet de (page 878) loi, parce qu'il contient certaines dispositions auxquelles j'aurais pu donner mon entière approbation.

Je n'ai pas voté pour le projet à cause du vote précédent. J'ai cru, et c'est mon appréciation personnelle, que la disjonction qui a été prononcée était une atteinte grave portée aux prérogatives de la Chambre.

M. Jacobsµ. - Je n'ai pas voulu repousser les quelques améliorations que contient le projet de loi. Je n'ai pu lui accorder mon vote approbatif, parce que les améliorations plus séreuses qui émanaient de la prérogative parlementaire ont toutes été repoussées.

M. Moncheur. - Je n'ai pas donné un vote approbatif à la loi, parce que j'ai désiré que mon abstention servir de protestation contre l'insignifiance des améliorations qui sont introduites dans le régime actuel.

Je n'ai pas voté contre la loi, parce que je n'ai pas voulu repousser les quelques améliorations qu'il introduit, si légères qu'e les soient.

M. Reynaertµ. - Je suis un de ceux qui ont voté pour l'amendement des honorables MM. de Naeyer et Jacobs. Cette circonstance m'a empêché de voter pour le projet de loi.

Je n'ai pas voulu voter contre, parce que je l'approuve dans un grand nombre de ses dispositions.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je me suis abstenu par les motifs qui ont été donnés par l'honorable préopinant et que j'ai développés moi-même dans la discussion.

Proposition de loi

Dépôt

MpVµ. - Il est parvenu au bureau une proposition de loi. Elle est renvoyée aux sections pour examiner s'il y a lieu d'en autoriser la lecture.

Projet de loi modifiant l’article 132 de la loi provinciale

Vote sur l’article unique

MpVµ. - Il nous reste à nous occuper de la proposition de MM. de Naeyer et Guillery.

- Plusieurs membres. -Aux voix !

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article 6, formant un projet de loi spécial.

104 membres sont présents.

56 adoptent.

48 rejettent.

En conséquence, la proposition est adoptée.

Ont voté l'adoption :

MM. Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIIl, Beeckman, Coomans, Couvreur, Debaets, de Borchgrave, de Conninck, de Decker, de Haerne, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dewandre, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Dubois, Dumortier, d'Ursel, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jamar, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Orts, Reynaert, Rodenbach, Sabatier, Schollaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen et Vander Donckt.

Ont voté le rejet :

MM. Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Carlier, Crombez, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Florisone. De Fré, de Kerchove, de Macar, de Moor, de Vrière, Devroede, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Giroul, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, Lebeau. Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Rogier, Tesch, T'Serstevens, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, et Ernest Vandenpeereboom.

- La séance est levée à 4 heures et demie.