(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(page 851) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Smets propose de substituer au droit d'accise sur la bière un droit de 8 fr. par 100 kil. de farine employée dans la fabrication de la bière.
« Même demande des sieurs Schaeys, Memet et de brasseurs à Nederbrakel. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
« Des habitants de Thorembais-les-Béguines demandent la diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Santhoven demandent des modifications au chemin de fer direct d'Anvers à Turnhout, projeté par les sieurs Pavoux et Lambert. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Van Hoorebeke, secrétaire communal à Maldegem, demande une loi fixant le traitement des secrétaires communaux. »
« Même demande de secrétaires communaux de Mariakerke, Hulste, Argenteau, Houthem, Isenberghe, Velm, Barght, Baesrode, Oostwinckel, Haesdonek, Moerseke, Zarren, Segelsem, Ardoyo, Zomerghem, Saint-André, Wulverleghem, Cruybeke, Exaerde, Peissant, Lendelede, Dacknam. »
- Même renvoi.
« Des cultivateurs à Leerbeek demandent qu'on leur accorde un délai de vingt-quatre heures, depuis l'arrivée de l'avis chez le destinataire, pour enlever la marchandise expédiée à Hal, par le chemin de fer de l'Etat. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal d'Izel demandent que le chemin vicinal qui relie la station de Marbehan à Florenville soit déclaré à charge de l'Etat. »
« Même demande du conseil communal de Les Bulles, Termes. »
- Même renvoi.
« Le sieur Talion, ouvrier à Courtrai, demande le consentement du gouvernement pour se marier avec sa belle-sœur. »
- Même renvoi.
« Des bourgmestres, propriétaires, industriels et négociants dans le Hainaut demandent la construction simultanée du chemin de fer direct de Châtelineau à Bruxelles et des embranchements de Jumet à Charleroi, de Gilly à Montigny, de Ransart à Lambusart et de Fleurus à Rêves. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi des travaux publics.
« Le conseil communal de Mussy-la-Ville demande la construction d'un chemin de fer d'Arlon à la frontière de Montmédy. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Lamorteau prie la Chambre de décréter la garantie d'un minimum d'intérêt pour l'exécution d'un chemin de fer d'Arlon à la frontière française par Virton. »
- Même renvoi.
« Des directeurs de charbonnages proposent à la Chambre d'accorder aux sieurs Lemmens et Moucheron la concession d'un chemin de fer de Baume à Bruxelles. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Testelt demande que le projet de loi de travaux publics comprenne la jonction du Démer au canal de la Campine et au canal de Louvain à Malines. »
« Même demande de l'administration communale de Messelbroeck et du conseil communal de Louvain. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Cruyshautem recommandent à l’attention de la Chambre un projet de chemins de fer secondaires dû au sieur Neckmens et destiné à relier différents chefs-lieux des cantons de deux Flandres. »
- Même renvoi.
« M. Van Nieuwenhuyse, retenu chez lui pour affaires, demande un congé de quelques jours. »
- Ce congé est accordé.
Il est procédé au tirage au sort des sections du mois de mai.
MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?
MjTµ. - Il est des dispositions auxquelles je me rallie ; il en est d'autres auxquelles je ne me rallie pas.
Je. demande donc que la discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement. Je ferai connaître, au fur et à mesure des articles, les modifications auxquelles je me rallie.
MpVµ. - La discussion générale est ouverte sur le projet du gouvernement.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai déjà plusieurs fois exprimé dans cette enceinte l'opinion qu'on devrait supprimer tous les dépôts de mendicité. Le travail dans les dépôts a été improductif et inefficace pour corriger les mendiants et les vagabonds, puisque en quelques années le nombre des reclus est augmenté considérablement, ce qui fait un tort immense aux intérêts de nos communes et surtout de nos communes rurales qui doivent supporter les frais de leur entretien.
Ce régime est détestable ; il doit être changé, notre système pénitentiaire met à notre disposition l'emprisonnement cellulaire. Je pense que nous devons l'essayer et je. ne crois pas aux statistiques qui avancent que cela augmente le nombre des aliénés. Ce n'est pas dans les prisons que le nombre de fous augmente. C'est plutôt dans le monde par suite de l'indifférence religieuse, de l'ambition avec la faim canine de l'or, des souffrances morales et aussi par suite d'une fausse civilisation. Il y a trente ans, il n'y avait en France qu'un aliéné sur 3,000 habitants. Aujourd'hui il y en a un sur 1,800.
J'approuve le principe du projet de loi qui consacre la répression plus sévère de la mendicité et du vagabondage des individus valides et je réclame une grande tolérance pour les vieillards, les infirmes, les estropiés et autres malheureux incurables.
Le gouvernement jusqu'à présent ne pourrait avoir aucun projet pour créer de nouveaux établissements en remplacement des dépôts. Je persiste toujours dans l’opinion que j'ai émise dans cette Chambre, qu'il faut organiser des institutions agricoles communales comme il y en a dans la centre de la Flandre occidentale ; là avec quelques hectares de terre, les bureaux de bienfaisance ne payent pour l'entretien de leurs individus invalides que quelques centimes, 16 à 20 par jour.
J'approuve l'article du projet qui permet à la police d'arrêter le mendiant invalide, dans ce cas la poursuite ne pourra être continuée sans le visa du bourgmestre. Cette disposition aura pour effet que les mendiants invalides seront forcés de mendier dans la commune qu'ils habitent et sous les yeux de l'administration communale qui connaît leur position et leurs besoins.
Si dans la discussion des articles on propose des amendements qui amélioreraient la loi, je les voterai, mais je crois devoir déclarer que je ne m'opposerai point à la loi présentée par le gouvernement. Je suis convaincu que plusieurs des dispositions qu'elle renferme auront un bon résultat.
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, j'appartenais à la minorité de la section centrale ; j'ai demandé des modifications considérables au projet de loi soumis à vos délibérations ; je demande la permission d'exposer avec quelques détails les motifs qui m'ont guidé.
Je n'ai pas besoin, messieurs, de vous signaler tout l'intérêt de cette question ; la Chambre comprend combien toutes celles qui se rattachent au système pénitentiaire méritent d'être étudiées avec soin. Depuis plusieurs années, l'attention de la Chambre, celle des publicistes, celle du (page 852) pays tout entier, ne cesse de se porter sur toutes les questions qui tiennent à un système pénitentiaire.
Nous avons tous l’espoir que grâce à la pratique bien entendue, sérieusement étudiée du régime cellulaire, nous parviendrons à restreindre le nombre de délits et, pour ma part, je suis de ceux qui espèrent que, grâce à ces bienfaits, nous pourrons bientôt faire disparaître de nos codes la peine capitale, qui suppose un état de rébellion contre la société et qui cesse d'être légitime si elle n'est plus nécessaire.
J'aborde, messieurs, l'examen du projet de loi qui nous est soumis.
J'aurais voulu, messieurs, que le projet de loi définît le vagabondage et la mendicité. J'aurais désiré qu'il réprimât sévèrement au nom de l'Etat la mendicité et le vagabondage des individus valides en imposant exclusivement à l'Etat toutes les charges de cette répression à l'égard des mendiants et des vagabonds valides. Je désirerais, d'un autre côté, que l'on fît peser sur la commune la responsabilité de tout ce qui touche les individus non valides.
Sur le premier point j'ai à faire remarquer que si le vagabondage est défini par le Code pénal, il n'en est pas de même de la mendicité.
Y avait-il quelque utilité à le faire ? Cela me paraît incontestable, puisque l’honorable organe de la section centrale a émis sur la définition de la mendicité une opinion qui constate les doutes attachés à cette définition.
Dans la langue, que signifie le mot « mendicité » ! Si nous consultons le dictionnaire de l'Académie, nous remarquons que la mendicité est définie « un état, une profession, » et si nous recourons aux sources mêmes où s'est inspiré le législateur, nous voyons que dans la législation romaine, dans le code de Justinien, on ne considérait comme mendiants que ceux qui mendiaient d'habitude. J’ai ici sous les yeux l'édit de Louis XV de 1724, auquel se sont également inspirés les rédacteurs du Code pénal, et là encore on fait une distinction entre ceux qui mendient par habitude et ceux qui mendient par des circonstances exceptionnelles.
On y déclare en effet qu'il faut empêcher ceux qui sont en état de subsister par le travail, de mendier par pure fainéantise, qu'il ne faut pas confondre le véritable pauvre qui mérite secours et compassion avec celui qui se convie faussement de son nom pour lui voler sa subsistance.
Et lorsque plus tard, au moment de la Révolution française, on s'occupa de réglementer le vagabondage et la mendicité, voici ce qu'on lisait dans le rapport, présenté le 13 juin 1792, à l'assemblée constituante :
« Il ne s'agit pas ici d'interdire ces sympathies et ces secours que chacun s'empresse de prodiguer à l'homme auquel ils deviennent tout à coup indispensables et qui se trouve dans la nécessité de les réclamer ; mais qu'il s'agit dans une société qui ne vit que par le travail, de réprimer une classe d'hommes refusant le travail dont ils sont susceptibles, consommant sans rien produire et dévorant ainsi la substance de l'homme laborieux qui remplit la condition du pacte. »
Si nous consultons les jurisconsultes, nous voyons qu'ils ont à peu près tous exprimé la même opinion.
J'ai cité Dalloz qui dit que la mendicité, dans le langage de la loi, est l'habitude de demander l'aumône ; et que ce que l'on veut atteindre c'est le mendiant de profession.
J'ai cité également Carnot qui s'exprime en ces termes :
« C'est l'abus de la chose qu'a dû punir la loi, et non l'action en elle-même, qui peut être commandée par la plus impérieuse nécessité. »
Je lis dans un commentaire plus récent sur le code pénal, celui de M. Bonin :
« Les lois n'ont jamais puni la mendicité simple que lorsqu'il était bien certain que la mendicité n’était pas la suite de la nécessité, du défaut de travail ou de l'âge, mais de la fainéantise. »
Enfin dans un ouvrage qui jouit aujourd'hui d'une grande réputation, dans le travail de MM. Chauveau et Hélie, je trouve les mêmes principes.
« Le délit n'existe que dans le cas où l'habitude se réunit à la validité ; c'est cette double circonstance qui accuse en effet l'oisiveté et la fainéantise de l'agent. »
L'honorable rapporteur de la section centrale a été d'avis au contraire qu'il fallait punir le mendiant alors même qu'il n'était pas mendiant d'habitude, qu'il faillit frapper le fait isolé et exceptionnel de mendicité. Il y a à cela de grandes difficulté, même en admettant que cette opinion ne soit pas condamnée et par la jurisprudence et par la doctrine, il me paraît que dans une matière où vous avez à régler à la fois le vagabondage et la mendicité, vous ne pouvez pas introduire deux principes différents, et puisque le vagabondage est un délit d’habitude, il fait reconnaître le même caractère à la mendicité.
L'honorable rapporteur de la section centrale signale, dans un passage de son rapport, le grave inconvénient de mettre la loi en opposition avec le sentiment public.
Eh bien, messieurs, n'est-il pas évident que le sentiment public serait en opposition avec la loi, si vous frappiez la mendicité exceptionnelle ? En effet, ce ne serait plus le vice que vous atteindriez ; ce serait le malheur.
Je suppose qu'une crise semblable à celle qui s'est produite en Flandres, il y a quelques années, vienne à se reproduire et que de nouveau des troupes de vieillards, de femmes et d'enfants viennent aux portes de la capitale sous le poids d'une nécessité incontestable.
Appliqueriez-vous la loi qui frapperait cette mendicité et cette misère exceptionnelles ? Mais sans s'arrêter à cette situation générale, n'y a-t-il pas tous les jours des situations imprévues, des incendies, des inondations qui mettent des familles honorables, pendant quelques jours, pendant quelques heures, dans la nécessité de tendre la main ? Ce sout là des situations que le sentiment public autorise et que la loi ne peut condamner.
Je ne puis donc me rallier au système de la section centrale qui, contrairement à tous les antécédents législatifs et à l'opinion de la grande majorité des jurisconsultes, frappe la mendicité alors même qu'elle ne constitue pas un fait d'habitude.
J'ai cru devoir faire la part du malheur, part sympathique et compatissante, mais il en est une autre qu'il faut faire aussi : Celle du vice, celle de la fainéantise, de la coupable oisiveté.
Nous nous trouvons ici en présence d'une situation dangereuse, en présence de l'école du crime, de la pépinière de tous les vices, comme l'a dit un des criminalistes les plus distingués de notre époque.
Qu'y a t-il à faire pour combattre cette conspiration constante contre l'ordre public ? Il faut évidemment recourir aux mesures les plus efficaces. Depuis longtemps le législateur a cherché le remède à cette situation : y a-t-il réussi ? faut-il maintenir les dépôts de mendicité ? faut-il les réformer et les modifier ? faut-il les supprimer ? Votre section centrale a condamné avec beaucoup de raison et une grande autorité la situation actuelle des dépôts de mendicité. L'honorable rapporteur s'est exprimé avec une grande vigueur, avec une grande énergie sur le caractère que présentent aujourd'hui les dépôts de mendicité.
Je ne relirai pas le passage où il en demande en quelque sorte la suppression (car c'est ainsi que j'ai compris sa pensée), et je puis dire avec lui que le système qui produit de pareils résultats est évidemment vicieux. Je crois, pour ma part, que les dépôts de mendicité, après l'expérience qu'on en a faite pendant ces dernières années, sont jugés et que la Chambre et le gouvernement doivent s'associer pour les faire disparaître.
L'honorable rapporteur de la section centrale a mis sous vos yeux des chiffres qui constatent la position des récidivistes dans la plupart des dépôts de mendicité.
J'en ai, pour ma part, quelques autres qui sont en rapport avec ceux-là, qui les confirment et que je demande la permission, messieurs, de signaler à votre attention.
Je ne m'occuperai que d'un seul dépôt, celui de la Cambre ; - non pas que je le crois moins bien administré que les autres ; je rends, au contraire, hommage à l'ordre qui y règne, et je m'acquitte d'une dette en remerciant ici l'honorable directeur de ce dépôt pour les utiles renseignements qu'il m'a donnés. - Il résulte de ces renseignements, qu'au 15 décembre dernier, sur une population de 557 hommes, il y avait 460 récidivistes ; qu'à la même date, sur une population de 302 femmes, il y avait 224 récidivistes, et ce qui caractérise encore mieux la situation, c'est que, sur 25 garçons de 12 à 18 ans, il y avait 20 récidivistes, et que sur 38 jeunes filles du même âge, il y avait 34 récidivistes.
Il y a là, messieurs, des individus qui font dans le dépôt de mendicité, un séjour qui remonte à 25 ans.
Il y a là des infirmes qui y restent jusqu'à leur décès ; des individus qu'on expulse au printemps et qui y rentrent régulièrement pour passer l'hiver, à moins que, ne se trouvant pas assez bien dans le dépôt de mendicité, et croyant trouver une meilleure nourriture dans une prison, ils ne commettent des délits pour se faire condamner à l'emprisonnement. C'est ainsi que tout à côté vous rencontrez une vieillesse décrépite qui ne commande pas le respect, et une jeunesse qui renonce elle-même à un autre avenir, car, parmi les jeunes gens et les jeunes tilles dont je parlais tout à l’heure, la plupart vont même volontairement s'enfermer dans le dépôt de la Cambre.
(page 853) Voilà, messieurs, la situation que nous avons à apprécier, situation que, je l’espère, nous parviendrons à faire disparaître.
Quel serait le remède ? Là est la question la plus grave et la plus difficile.
Le remède le plus sérieux, messieurs, consiste à agir sur les enfants. Il ne faut pas que l'enfant prenne l’habitude du vagabondage, de la fainéantise ; l'oisiveté est la pire des écoles.
J'ai saisi la section centrale d'une proposition à laquelle elle a bien voulu donner son approbation. J'ai cru que lorsque les parents encouragent le vagabondage et la mendicité des enfants, il y avait là l’élément d'une responsabilité qui devait remonter jusqu'aux parents.
Je reconnais volontiers que la section centrale a amélioré les idées que j'ai émises : elle a pensé que l'amende prononcée contre les parents n'aurait été bien souvent qu'une peine illusoire dans son application. La section centrale a parfaitement bien fait de substituer à l'amende une peine répressive.
J'ai seulement à faire remarquer à ce sujet à l'honorable rapporteur de la section centrale que je ne sais pas s'il ne faudrait pas distinguer le cas où les parents font mendier et celui où ils tolèrent la mendicité. Je pense qu'au point de vue de la pénalité, il y a une distinction à faire entre ces deux cas. Cette distinction, je ne la trouve pas dans le rapport de la section centrale ; cependant elle me paraît utile et nécessaire.
Je souhaiterais donc qu'à l'égard des enfants, sauf le cas exceptionnel peut-être où les patents sont infirmes, la surveillance fût constante, que la répression fût immédiate, si elle ne doit pas être sévère ; c'est à cet âge-là qu'il faut surtout donner l'habitude du travail ; et comme tous les membres de la Chambre, je désire que les bienfaits de l'éducation viennent combattre les mauvaises tendances et les mauvais conseils.
Un criminaliste qu'on doit toujours citer avec reconnaissance et avec honneur, M. Bérenger, président de la cour de cassation de France, qui a soumis à l'Académie des sciences morales et politiques une longue suite d'études sur les nécessités de la société et sur les moyens de remédier aux dangers sociaux ; M. Bérenger, en signalant cette situation, n'a cessé d'insister sur le devoir de s'occuper sérieusement de l'enfance, aujourd'hui abandonnée à toutes les mauvaises passions et à tous les mauvais exemples.
Voici en quels termes M. Bérenger signalait cette situation : « Le désordre est d'autant plus déplorable qu'il est le prélude et la cause de faits plus graves qui, par une pente insensible, mais fatale, conduisent ces malheureux enfants au crime, à la honte, au châtiment. »
M. Bérenger ajoutait, et c'est une autorité que j'invoque volontiers : « Une telle dépravation atteste l'insuffisance de l'éducation morale et religieuse parmi les classes populaires, et surtout dans les campagnes. Nous insistons sur la nécessité de plus en plus démontrée de donner de plus larges développements à un enseignement fondé sur cette double base : car celui qui n'aurait d'autre objet que de faire progresser l'intelligence, serait, au point de vue qui nous occupe, complètement inefficace. »
Vis à-vis des jeunes gens, il y a un autre remède que nous apprécions tous : ce sont ces admirables maisons pénitentiaires auxquelles j'ai rendu hommage chaque fois que l'occasion s'en est présentée ; et j'émets le vœu qu'au lieu de laisser les jeunes gens de l'âge dont je parlais tout à l'heure, dans les dépôts de mendicité, on les envoie immédiatement dans une maison pénitentiaire.
Ici un nouveau dissentiment existe entre la section centrale et moi. La section centrale admet l'envoi dans une maison pénitentiaire pour un terme de quinze jours.
Ce terme me paraît complètement insuffisant et j'ai demandé, de mon côté, que le terme ne pût, en aucun cas, être inférieur à 6 mois. Ce minimum est déjà fort peu de chose, et si vous n'adoptez pas au moins le terme de six mois, vous n'arriverez à aucun résultat.
Enfin, en ce qui touche les individus âgés de plus de 21 ans, j'ai fait une proposition sur laquelle la section centrale s'est prononcée avec une très grande sévérité.
J'ai cru que dans certains cas, dans certaine hypothèse, il devait être permis au condamné récidiviste de s'affranchir de la pénalité en prenant l'engagement de se rendre en pays étranger. Lorsque cette émigration est possible, n'y a-t-il pas un immense avantage à ce qu'elle ait lieu ?
Bien souvent l’homme dépravé et corrompu ne trouve pas dans sa volonté les forces nécessaires pour se relever, lorsqu’il voit autour de lui les témoins ou les compagnons de ses vices et de sa dépravation. Mais il peut se faire que cet homme en pays étranger et placé dans des circonstances différentes, revienne au sentiment de sa dignité et de ses devoirs.
J'ai cru qu'il convenait de laisser cette dernière ressource à la société, cette dernière espérance au condamné. Selon moi, il ne fallait pas repousser trop sévèrement l'homme qui viendrait vous dire : « J'ai failli ; je désire me relever ; permettez-moi de me rendre à l'étranger, où je chercherai à me réhabiliter, afin de pouvoir reparaître un jour sans rougir au milieu de vous. »
Il est en autre point sur lequel je dois appeler toute l'attention de la Chambre. La question que j'aborde est très sérieuse et très grave ; elle a été soulevée depuis longtemps, et ici encore la proposition que j'ai faite a été repoussée par la section centrale.
J'ai cru, messieurs, qu'il y avait lieu de modifier le 16ème paragraphe de l'article 131 de la loi communale ; et que toutes les fois qu'il s'agissait de mendiants et de vagabonds valides, il ne pouvait pas y avoir de responsabilité pour les communes.
Je vous demande la permission de mettre sous vos yeux les considérations par lesquelles j'ai motivé cette opinion vis-à-vis de la section centrale.
« Est-il équitable, disais-je, de faire peser sur les communes les dépenses qui résultent du renvoi dans les dépôts de mendicité ou dans les établissements pénitentiaires d'individus valides condamnés pour mendicité ou vagabondage ? Cette question doit se résoudre négativement. La commune n'est pas tenue d'assurer du travail à l’homme valide, et il serait étrange que l'obligation de lui venir en aide commençât pour elle dès que cet individu valide, loin de mériter une faveur, se rend coupable d'un délit. Le droit au travail n'existe pas, et on constituerait un droit au secours au profit de la fainéantise et de l'oisiveté. S'il est vrai que le vagabondage et la mendicité de l'individu valide constituent un délit, c'est à la société tout entière, intéressée à la répression des délits, quels qu'ils soient, qu'incombe le devoir de supporter tous les frais que cette répression entraîne. Tels sont les véritables principes dans cette matière, et ils se justifient par les faits. En ce moment, les communes se montrent sévères jusqu'à l'exagération vis-à-vis des mendiants et vagabonds étrangers, et accumulent ainsi les dépenses sur la localité du domicile de secours, et en même temps leur intérêt pécuniaire les porte à fermer les yeux sur ces délits, quand ils sont accomplis par leurs habitants et sur leur propre territoire. »
Ces considérations, messieurs, avaient déjà été présentées, il y a un grand nombre d'années par un de nos honorables collègues que je regrette de ne pas voir ici aujourd'hui, par l'honorable M. Moncheur. Voici en quels termes l'honorable M. Moncheur s'exprimait dès 1847 :
« Pourquoi tolère-t-on une mendicité scandaleuse dans les communes rurales ou urbaines ?
« C'est à cause de la responsabilité immédiate et individuelle qui pèse sur les communes du chef des frais d'entretien, car chaque administrateur voit un rapport direct, immédiat, nécessaire entre le fait de l'arrestation d'un mendiant, et celui d'un article de dépense considérable de plus au budget de la commune, et il n'a garde de poser ce fait. »
M. Moncheur ajoutait avec beaucoup de raison : « Le paupérisme est une infirmité plutôt spéciale que communale. »
Il y a peu de jours encore, un honorable membre du Sénat exprimait la même opinion. Voici ce que disait l'honorable M. Dellafaille.
« Les frais qu'occasionne ce système, à cause de l'entretien dans les dépôts, sont écrasants pour les communes. Toutes les administrations réclament depuis plus de trente ans. Il est urgent de réformer un état de choses qui pressure les contribuables quand il ne nuit pas aux pauvres, en appliquant très mal une forte partie des ressources qui pourraient servir à les soulager. »
Eu effet, messieurs, nous voyons qu'en 1861 les frais résultant des dépôts de mendicité, y compris l'entretien des aveugles, aliénés et sourds-muets, se sont élevés pour les communes, à 1,872,000 fr. et qu'ils ont été de 614,000 fr. pour les villes.
J'ai ici le tableau de la répartition de ces frais entre les diverses provinces et je remarque qu’une seule province, celle de la Flandre occidentale, a payé en 1861, 533,000 fr. Celle de la Flandre orientale vient immédiatement après comme ayant payé 469,000 fr.
Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, que ce sont là des dépenses complètement stériles ; que si ces sommes considérables avaient été affectées à la création de nouveaux établissements pénitentiaires et de nouvelles écoles de réforme, il y aurait eu des résultats durables, tandis qu'elles ont été absorbées par ces frais d'entretien et n'ont rien produit, rien amendé, puisque les individus retenus dans les dépôts de mendicité n’en sont sortis que pour y rentrer et ne sont aujourd’hui que des récidivistes.
(page 854) Ainsi, messieurs, soit que nous considérions les dispositions actuelles de la loi au point de vue de la justice, soit que nous les envisagions au point de vue de l’utilité, il me paraît très difficile de les approuver et de les maintenir.
Elles ne me paraissent pas justes, je le répète, et sur ce point j'ai à répondre à l'honorable organe de la section centrale. Il nous dit qu’il y a une responsabilité pour la commune ; que c'est la commune qui a élevé le mendiant ou le vagabond ; et qu'à ce titre, par cela même qu'elle ne lui a pas donné une éducation convenable, qu'elle ne lui a pas appris le travail, elle est en quelque sorte responsable des délits qu'entraîne cette fainéantise, cette oisiveté ; mais cet argument ne me paraît pas avoir une grande portée. Dans une foule de cas, ce n'est pas la commune où est né, où a été élevé le coupable, qui paye les frais d'entretien, c'est celle du domicile de secours qui s'établit par une résidence plus ou moins prolongée ; et il faut bien reconnaître que, dans la plupart des cas, la commune a fait tout ce qu'elle pouvait faire.
De quel droit la rendrait-on responsable de ce défaut d'éducation ? Concevriez-vrais, par exemple, qu'on fît peser cette responsabilité sur l'instituteur ? Et comment la commune a-t-elle à intervenir dans l'éducation de chaque enfant ? Elle fera ce qu'elle pourra pour exhorter, pour conseiller. Mais, ce devoir rempli, sa responsabilité ne peut pas aller plus loin.
Remarquez d'ailleurs, messieurs, combien la situation des choses mérite votre attention.
Comme le disait l'honorable M. Moncheur dans les quelques lignes que j'ai eu l'honneur de rappeler, il y a une foule de cas où la commune ferme les yeux. Et dans quelles circonstances ? Presque toujours lorsqu'il s'agit d'enfants et de jeunes gens. C'est donc à l'âge où il s'agit de réformer de mauvais penchants, que la commune ferme les yeux ; c'est alors que l'enfant se voit abandonné aux plus mauvais exemples et que l'oisiveté, la fainéantise deviennent pour lui l'école de tous les crimes de tous les vices.
Eh bien, c'est là une situation déplorable, et si l'on n'opposait des arguments tirés des intérêts financiers de l'Etat, si l'on venait me dire qu'il en résulterait des charges considérables pour le trésor, dans le cas où il y aurait à faire face aux frais de séjour dans les dépôts de mendicité ou dans les écoles de réforme, des vagabonds et mendiants valides, il me paraîtrait que, même à ce point de vue, il y aurait là une amélioration et qu'on ne se trouverait pas en présence d'une charge aussi pesante que l'on voudrait bien le dire. Ne perdons pas de vue qu'en empêchant les vagabonds et les mendiants de persévérer dans la voie du crime, on préparera une réduction considérable de crimes dans l'avenir ; et en peuplant un peu plus les écoles de réforme de jeunes gens, vous créeriez, dans un temps peu éloigné, des vides considérables dans les prisons où, aujourd’hui, s'entassent les criminels. Si vos écoles de réforme coûtaient quelque chose en plus, vos prisons coûteraient d'autant moins.
D'autre part, messieurs, j'ai cru comme corollaire de ce premier principe, que toutes les fois qu'il s'agissait de mendiants non valides, la responsabilité de la commune devait être étendue ; qu'il y avait là une obligation sérieuse, complète ; et c'est dans ce but que j'ai introduit dans le projet que j'ai eu l'honneur de présenter à la section centrale une disposition qui mettait à la charge de la commune tous les frais d'entretien des mendiants et des vagabonds non valides, même les frais de la détention, si la peine d'emprisonnement était prononcée.
Messieurs, je désire ne pas prolonger ces observations ; car j'aurai probablement à revenir sur quelques-unes dans la discussion des articles du projet de loi.
Je renoncerai à développer aujourd'hui d'autres observations que j'avais présentées sur le caractère de la répression de certains délits commis avec circonstances aggravantes.
Dans ma pensée, il était utile d'introduire certaines modifications dans cette partie de la législation ; il me semblait que le Code pénal avait conservé une empreinte trop profonde des circonstances au milieu desquelles il a été rédigé. Vous savez, messieurs, qu'en 1810, dans toutes les parties du territoire français, la conscription et la guerre avaient multiplié les bandes de vagabonds et de malfaiteurs, et le législateur de cette époque crut par ce motif devoir recourir à des pénalités plus sévères et souvent même à des pénalités préventives.
Il me semble, messieurs, qu'il y a quelque chose à faire pour porter remède à cet état de choses ; je crois avec Rossi qu'il y a un danger de transformer en délits spéciaux des faits qui ne sont que des moyens occasionnels de délits.
Je crois avec Ancillon que toute loi sur des délits et des peines est une sentence générale où l'on ne considère que la nature de l'offense sans faire attention aux personnes.
Mais je consens volontiers, selon le désir exprimé par la section centrale, à ajourner ces observations. Je reconnais qu'elles rentrent dans la discussion du Code pénal, et c'est au moment où le Code pénal reviendra à la Chambre que je me réserve la faculté de les reproduire. Je n'insisterai donc pas sur cette partie de mes observations, mais je maintiens toutes celles qui ont pour but d'arriver par les moyens les plus efficaces à la suppression d'un état de choses qui, jusqu'ici, n'a produit que des résultats insuffisants ou déplorables.
M. Lelièvre. - Je dois applaudir à la pensée qui a dicté le projet de loi et j'espère qu'il produira d'heureux résultats au point de vue de la moralité publique.
Je dois toutefois proposer quelques observations de détail qu'exigent les dispositions soumises à vos délibérations.
Le projet autorise l'arrestation des mendiants ou vagabonds, mais il ne détermine pas les formes protectrices qui doivent être observées en cette occurrence. De qui émanera le mandat de dépôt en vertu duquel l'inculpé sera détenu jusqu'au jugement ? C'est ce que n'indique pas la projet, présentant sous ce rapport la même lacune que la loi du 1er mai 1849 (article premier, paragraphe 3).
Il me paraît donc essentiel de désigner le magistrat sur l'ordre duquel le prévenu sera détenu provisoirement dans la maison de sûreté.
Cette disposition est indispensable, puisque l'article 609 du Code d'instruction criminelle défend à tout gardien de maison d'arrêt de recevoir qui que ce soit si ce n'est en vertu d'un mandat légal délivré par le magistrat compétent.
Le projet de la section centrale me paraît aussi devoir être complété.
C'est ainsi que l'article 5 ne détermine pas dans quelles circonstances il y aura récidive. Le fait constituant le récidive devra être commis dans l'année de la première condamnation ; enfin il importe, comme cela a été fait dans d'autres lois, de préciser clairement les conditions légales qui constituent l’état de récidive et sont essentielles pour donner lieu à l'aggravation de la peine. Cette observation s'applique également à l’article premier du projet du gouvernement.
Je crois aussi devoir faire remarquer que le projet de la section centrale ne désigne pas la juridiction appelée à appliquer les peines comminées contre les nouveaux délits qu'on propose de réprimer, notamment dans les cas prévus par les articles 4 et 5.
Si, comme je le pense, on entend déférer aux tribunaux de simple police les faits énoncés au projet de loi, il est essentiel qu'une disposition spéciale statue en ce sens, d'une manière formelle, d'autant plus qu'il s'agit d'appliquer des peines qui dépassent le taux de celles de simple police.
Du reste, je préfère l'article premier du gouvernement à la disposition proposée par la section centrale.
Je ne pense pas qu'on doive rendre simplement facultatif l'arrestation des mendiants ou des vagabonds âgés de plus de quatorze ans.
On ne peut sans inconvénient laisser une mesure aussi grave à l'appréciation d'un agent de police ou de tout autre dépositaire de la force publique.
D'un autre côté, la poursuite d'un fait constituant une contravention du ressort de la justice répressive ne peut être considérée comme facultative sans déranger complètement l'économie de la législation.
Il est important qu'il y ait dans la loi des règles précises dont on ne puisse s'écarter, surtout en ce qui concerne un fait que la loi considère comme devant être frappé de peines publiques.
Il est une disposition proposée par la section centrale qui me paraît devoir réunir l'assentiment général, c'est l'article 12 qui permet aux communes, après avoir acquitté les frais d'entretien d'un reclus, de recourir contre les personnes qui devaient des aliments à ce dernier en vertu des articles 205 à 208 du Code civil.
En effet, la commune a en ce cas payé une dette qui incombait à ces personnes. C'était à celles-ci à entretenir les reclus. La commune a donc exécuté leur obligation, elle a géré leur affaire, lorsqu'elle a payé des frais qui en justice devaient être acquittés par elles, et dès lors le recours est justifié en droit comme en équité. La disposition proposée est réclamée depuis longtemps par tous les hommes d'expérience, et je n'hésite pas à la considérer comme une amélioration. En résumé, je considère le projet comme un progrès, tout en estimant qu'il doit subir certaines modifications.
(page 855) M. Julliot. - Messieurs, le projet en discussion apportera une amélioration notable a la loi de 1845, et réprimera bien mieux la mauvaise mendicité et le vagabondage que ne le fait la loi précitée, surtout si l'emprisonnement des valides est exécuté avec sévérité.
Mais je regrette que le gouvernement n'ait pas retouché les dispositions de cette loi relatives au terme de résidence nécessaire pour fixer le lieu du domicile de secours.
La loi de vendémiaire an XI se contentait d'un an de séjour.
Evidemment c'est trop restreint.
Celle de 1818 exigeait quatre années, et c'est rationnel.
Mais la loi de 1845 en demande huit, et c'est trop. Car ce long terme, avec les causes d'interruption qui peuvent naître, permet aux centres industriels qui prennent leurs ouvriers dans les communes agricoles de faire peser toute la charge des malades et des invalides sur ces dernières, lieux de naissance de ces ouvriers.
Voici, messieurs, ce qui se passe.
Les bassins houillers de la province de Liège prennent nos Flamands de 17 à 20 ans, ils les conservent 6 à 7 ans, puis quand arrive une époque où le travail ne presse pas, ils les congédient pour deux à trois mois. Pendant ce temps les ouvriers cherchent du travail ailleurs, où ils se font inscrire au rôle de la population, puis quand le travail reprend, l'industriel rappelle ses ouvriers et le terme de huit années est interrompu au préjudice du lieu de naissance, à la charge duquel ils restent.
C'est ainsi que la commune qui, pendant trente ans, a profité de leur travail, est dispensée de les soigner quand ils sont usés.
Ces jeunes gens partent ingénus et bien portants de nos campagnes, et le travail en commun de l'industrie se charge de les moraliser à sa façon et de les user.
L'actif pour l'industriel et le passif pour compte du paysan. Messieurs, je ne dis pas que les industriels du bassin liégeois fraudent et y mettent de l'intention, mais je dis que, par la fluctuation du plus ou moins d'activité dans le travail, les choses se passent ainsi.
Je sais qu'on peut objecter qu'une absence temporaire n'interrompt pas toujours le domicile, mais la loi est obscure à cet égard et donne lieu à des conflits interminables.
il est un autre point dont je demande une explication.
La loi de 1845 autorise les communes à secourir les ouvriers ou autres qui résident dans ces communes, qu'ils soient malades ou non, indigents ou non, et la commune du domicile de ces secourus doit restituer ce qui a été déboursé ; cette mesure aussi est trop large ; on est généreux quand cela ne coûte rien, et pour être assuré qu'on ne donne qu'à bon escient, les deux communes respectives devraient entrer dans ces largesses pour une moitié.
Puis encore, est-il bien certain qu'une commune, lieu du domicile de secours d'un individu, n'interrompt pas le terme de huit ans de résidence en donnant du secours dans cette période ?
Un homme de ma commune, sera interné dans l'hospice d'une ville où il aura travaillé sept ans, il reste un mois à cet hospice, dont ma commune doit payer la pension, ne dira-t-on pas que la période est interrompue ?
Je pense que la jurisprudence de diverses députations permanentes n'est pas la même. Je désire avoir quelque assurance à cet égard. Car je répète que la loi actuelle de domicile de secours est ruineuse pour les parties purement agricoles du pays.
C'est une taxe spéciale des pauvres pour nous.
C'est le droit à l'assistance ; en un mot, ce sont des principes de mauvaise école qu'il faut réformer.
Le rapport de l'honorable M. Dewandre est un travail remarquable, mais il se tait aussi sur le point important.
J'espère donc que les dépôts de mendicité seront supprimés, que chacun pourra mendier dans sa commune, où on se connaît, et que ceux qui en sortent iront en cellule ; tel est, selon moi, le meilleur moyen d'atteindre le but qu'on se propose.
Ajoutons à cela une réforme intelligente du domicile de secours et nous aurons bien mérité du pays.
Je dis que les dépôts seront supprimés, car le rapport condamne les établissements sous toutes les formes et de toutes les époques.
J'ai donc confiance dans le gouvernement qui saura nous délivrer de cette plaie.
Ce nouveau système se résout comme suit :
Suppression des dépôts de mendicité ; tolérance pour les mendiants dans leur commune, sauf règlement au gré de l'administration communale et assimilation du mendiant au vagabond quand il sort de sa commune et condamnation à la prison cellulaire.
En attendant mieux, je voterai donc le projet.
M. Dewandre, rapporteurµ. - Messieurs, les bases principales du projet qui vous est soumis, bases qui sont les mêmes dans le projet de la section centrale et dans le projet du gouvernement, n'ont pas été l’objet des observations que vous venez d'entendre et qui s'appliquent bien plutôt aux détails du projet : je vais donc examiner successivement ces objections de détail.
L’honorable M. Kervyn, revenant sur les observations qu’il a présentées à la section centrale, a exprimé le désir de voir introduire dans la loi les définitions du vagabondage et de la mendicité. La section centrale n'a pas cru devoir satisfaire à ce désir, parce que déjà le Code pénal renferme la définition du vagabondage et que, dès lors, il est inutile de la reproduire dans la loi actuelle.
Quant à la mendicité, l'honorable membre voudrait la voir définir dans le projet de là, non pas seulement afin de rendre clair pour tout le monde ce que c’est que la mendicité, mais aussi afin de modifier le système adapté par le gouvernement et par la section centrale, en ce qui concerne la répression.
En effet, l’honorable M. Kervyn voudrait qu'on réprimât seulement la mendicité habituelle, celle qui constituerait pour ainsi dire un état, une profession, et il croit avoir prouvé que la législation actuelle, la jurisprudence, les auteurs consacrent le principe qu’il veut faire introduire dans le projet de loi.
Je crois que l'honorable M. Kervyn n'a vu qu'un côté de la question, qu'une partie de la jurisprudence et des auteurs et qu'il ne s'est pas aperçu qu'il y a deux dispositions différentes qui punissent actuellement les faits de mendicité. Il y a d'abord l'article 274 du Code pénal : « Toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour lequel il existera un établissement public organisé afin d'obvier à la mendicité, sera punie de trois à six mois d'emprisonnement et sera, après l'expiration de sa peine, conduite au dépôt de mendicité. »
« Toute personne trouvée mendiant, » dit cet article. Il est évident, et les auteurs sont d'accord avec la jurisprudence sur ce point, que cette disposition punit le fait de mendier, abstraction faite de l'habitude.
Mais l'article 275 s'exprime d'une manière différente : « Dans les lieux où il n'existe point encore de tels établissements, les mendiants d'habitude valides seront punis d'un mois à trois mois d'emprisonnement. »
Si la loi exige l'habitude, il faut que la mendicité soit un état et non pas un fait accidentel. C'est ainsi que les auteurs distinguent la portée de ces deux articles du Code pénal.
Eh bien, messieurs, le projet qui vous est soumis ne fait que reproduire le principe et les termes de l'article 274 :
« Tout individu valide, âgé de quatorze ans accomplis, trouvé mendiant » dit l'article premier du projet.
« Trouvé mendiant » c'est-à-dire ayant posé un fait de mendicité. Nous ne faisons donc que maintenir ce qui existe dans les localités où, comme en Belgique, il existe des établissements publics organisés afin d'obvier à la mendicité.
Je sais qu'un auteur cité par M. Kervyn dans la note qu'il a remise à la section centrale, émet une autre opinion. Cet auteur ou plutôt ces auteurs sont Chauveau et Hélie Faustin et voici le passage dont l'honorable M. Kervyn a sans doute voulu parler :
« L'acte de mendicité a d'ailleurs un caractère propre qu'on ne doit pas perdre de vue. La loi suppose de la part du mendiant un état d'indigence qu'elle veut atteindre ; mais le fait unique qu'elle parvient à saisir c'est l'habitude, c'est la métier de mendier. »
Eh bien, je demanderai à l'honorable M. Kervyn si c'est là le principe qu'il veut faire prévaloir, si ce qu’il veut atteindre c'est l'état d'indigence, manifesté par le fait de mendier ? Evidemment non ; l'indigence n'est pas punissable, elle est au moins aussi respectable que la richesse. Ce que vous voulez punir, c'est donc le fait même d'avoir mendié et celui qui aurait des rentes serait tout aussi punissable et même plus punissable s'il mendiait, que celui qui serait dans la misère. .
Ce n'est donc pas cette doctrine de Chauveau et Hélie Faustin que vous voulez appliquer et vous l'invoquez à tort.
Sans aucun doute vous avez l'intention de punir le mendiant qui a des ressources comme celui qui est dans l'indigence. Mais vous voudriez que la loi n'atteignît que celui qui se livre habituellement à la mendicité.
Eh bien, messieurs, ce serait rendre à peu près impossible la répression de la mendicité, ce serait laisser mendier jusqu'au moment où la mendicité serait devenue une habitude sans remède. En effet, dans le système de l'honorable M. Kervyn, quand pourra t-on prouver que la mendicité est habituelle ? Quand pourra-t-on condamner, réprimer la (page 856) mendicité ? Quand elle aura été exercée pendant longtemps, quand le mendiant ne pourra plus être corrigé.
En effet, qu'arrivera t-il ? Un individu mendiera pendant un certain temps dans une commune, pendant des semaines, pendant des mois, avant d'être surpris une première fois par la police ; et comme pour cette première fois il ne sera pas puni, s'il craint d'être surpris encore par le même agent, il quittera la commune, il quittera le canton ou la province pour aller recommencer ailleurs ; il lui faudra des années avant d'avoir fait ainsi le tour de la Belgique et quand il reviendra dans sa commune on aura oublié qu'il a déjà été surpris mendiant, et il aura eu tout le temps et toute l'impunité nécessaires pour s'habituer à cet état de mendiant, qu'il ne pourra plus abandonner.
La répression deviendrait donc impossible et ce système serait un véritable encouragement à la mendicité naissante.
Je crois donc, messieurs, qu'il faut maintenir les principes de l'article 274 du Code pénal et punir l'individu qui a été trouvé mendiant.
Le vagabondage est un état, une situation ; la mendicité est un acte ; nous punissons l'acte de mendier et non pas l'état de mendicité.
Une autre objection faite par l'honorable M. Kervyn au projet de la section centrale, c'est que le projet de loi ne punirait pas d'une manière spéciale les parents qui font mendier leurs enfants.
Le projet, dit M. Kervyn, punit les parents qui tolèrent la mendicité de leurs enfants, mais il ne les punit pas d'une peine plus forte lorsqu'il les font mendier. C'est ainsi au moins que j'ai compris l'objection.
M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai demandé s'il ne convenait pas de distinguer entre les parents qui toléraient la mendicité de leurs enfants et ceux qui excitaient leurs enfants à la mendicité.
M. Dewandreµ. - Cette distinction est faite par les articles 4 et 5.
L'article 4 porte :
« Art. 4. Le père ou, en cas de décès ou d'absence du père, la mère, qui tolérera habituellement la mendicité ou le vagabondage de son enfant âgé de moins de quatorze ans accomplis, sera puni d'un emprisonnement de un à sept jours. »
L'article 5 dit :
« Art. 5. Quiconque fera mendier un enfant n'ayant pas quatorze ans accomplis sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois.
« En cas de récidive, la peine pourra être portée au double. »
Si l'individu poursuivi est indigent et n'est pas valide, il ne pourra être condamné que si le procès-verbal est visé par le bourgmestre du lieu où le fait aura été constaté.
« Il est évident que cette expression : « quiconque » comprend le père et la mère comme toutes les autres personnes.
Donc la distinction est faite.
M. Kervyn fait encore au projet une critique qu'il ne mérite pas, je crois. C'est par suite d'une erreur, si je ne me trompe, que l'honorable M. Kervyn pense que le projet de loi permet ou oblige même de ne renvoyer dans certains cas les enfants ou les jeunes gens âgés de moins de 14 ans dans les écoles de réforme que pour un terme qui n'excédera pas six mois.
L'article 5 du projet de loi dit :
« Par dérogation aux articles 1 et 4 ci-dessus, les mendiants et vagabonds, placés dans les écoles de réforme, pourront y être retenus jusqu'à l'époque où ils auront accompli leur vingtième année. »
Donc le jeune homme pourra être envoyé par le juge de paix à la disposition du gouvernement, qui aura le droit de le retenir dans une école de réforme jusqu'à sa vingtième année.
Le projet de loi fait donc droit à cette observation de l’honorable M. Kervyn. L'honorable orateur voudrait aussi voir introduire dans la loi la faculté pour le condamné de s'affranchir de la pénalité en offrant de s'expatrier.
La section centrale, messieurs, n'a pas cru devoir adopter cette disposition parce qu'elle ne paraît pas pouvoir être sérieusement appliquée.
En effet, il s'agit de l'expatrier soit dans un pays limitrophe, soit dans un pays lointain.
S'il s'agit simplement de s'expatrier dans un pays limitrophe, il n'est pas un mendiant sur les 2,000 environ qui sont condamnés chaque année qui ne demande à s'expatrier. Aussitôt condamné, il se fera conduire à la frontière qu'il indiquera et, ou bien il rentrera immédiatement dans le pays, mais dans un autre localité que celle où il a été condamné, ou bien il sera expulse et nous sera ramené par le voisin auquel nous l’aurons envoyé.
S'il s'agit de s’expatrier dans un pays lointain, les vagabonds et les mendiants n'ont pas les moyens de s’en aller loin dans le concours d’une autorité quelconque. Les frais sont considérables. Il faudrait donc qu'une autorité, que la commune, la province ou l'Etat intervint pour faciliter l'émigration de l'individu.
Dans ces conditions, la faculté de s'expatrier existe déjà de plein droit dans la loi.
Si la commune offre de prendre à sa charge le détenu ou bien, ce qui revient au même, si elle offre de lui procurer les moyens de s'expatrier, le gouvernement a la faculté de le laisser sortir de prison ou du dépôt de mendicité.
Ce n'est que dans ces conditions que l'expatriation peut se faire d'une manière efficace, avantageuse pour la société et pour le détenu lui-même et c'est ainsi que cela s'est déjà pratiqué par certaines communes.
La ville d'Anvers l'a essayé et s'en est bien trouvée.
Mais la ville d'Anvers ne prenait pas au hasard tous les détenus qui demandaient à s'expatrier, elle faisait choix des détenus ayant certaines aptitudes et capables de travailler, et à ceux-là seuls elle offrait de leur donner les moyens de s'embarquer et d'aller au-delà des mers. Le gouvernement s'est prêté à cet arrangement, mais à la condition que la commune fournit le trousseau, les frais de passage à bord d'un navire et une certaine somme pour l'établissement de l'individu à l'étranger.
Cela pourra se faire sous le régime de la loi qui est proposée comme cela s'est fait sous la loi actuelle.
Enfin, messieurs, l’honorable M. Kervyn a reproduit une objection qui s'est faite chaque fois que l'on a discuté les lois relatives à la mendicité ou au vagabondage, c'est l'objection relative aux frais d'entretien qui tombent à la charge des communes.
L'honorable M. Kervyn a dit que ces frais ont été exorbitants, qu'il résultait des documents qu'il avait sous les yeux qu'en 1861 ces frais avaient été pour les communes de 800,000 fr., et si j'ai bien compris pour les communes et les villes réunies cette dépense aurait été d'après lui de 2,500,000 à 2,600,000 fr.
Je crois que cela est exagéré. Car il résulte des documents que M. le ministre de la justice a mis sous les yeux de la section centrale que ces frais d'entretien se sont élevés pour les villes les communes, les provinces et l'Etat, en 1858, à 660,902 fr. ; en 1859, à 686.182 fr. ; en 1860, à 705,718 fr. ; en 1861, à 858,196 fr. ; eu 1862, à 858,196 fr. ; en 1863, à 735,330 fr.
Le chiffre total de la dépense serait donc de 600,000 à 800,000 fr. par an.
Il y a une énorme différence avec les chiffres indiqués par l'honorable M. Kervyn.
M. Mullerµ. - M. Kervyn y aura compris les aveugles, les sourds-muets et les aliénés.
M. Dewandreµ. - M. Kervyn y aura compris, dit-on, les aveugles, les sourds-muets et les aliénés. Pour le moment nous n'avons pas à nous occuper des dépenses résultant de l'entretien de cette catégorie de malheureux.
La disposition que nous pourrions introduire dans la loi aurait donc pour but de décharger les communes d'une dépense annuelle de 800,000 francs au maximum et encore la disposition que l’honorable M. Kervyn propose n'aurait pas une portée aussi grande, car dans ces 800,000 francs sont compris les frais d'entretien des individus valides et invalides et l'honorable membre n'entend mettre à la charge de l'Etat que les frais d'entretien des individus valides.
Or si l'on consulte les statistiques, on voit que la proportion des invalides qui se trouvent dans les dépôts de mendicité est du 1/4 environ de leur population, en comprenant dans les non-valides les enfants de moins de 16 ans.
Donc la proposition de l'honorable M. Kervyn n'aurait pour but que de décharger les communes des trois quarts à peuples des frais actuels, soit de 600,000 fr.
D'un autre côté, il faut remarquer encore que sous le régime de la législation actuelle, le séjour dans les dépôts de mendicité est en moyenne d'une année environ. Cela résulte des documents statistiques qui ont été mis sous nos yeux.
Or le projet qui nous est soumis a pour but de rendre cette détention plus sévère, mais en même temps de la rendre plus courte ; ainsi pour la première contravention la détention serait de trois mois au plus, en cas de récidive elle serait de 6 mois au maximum. La moyenne d'une année descendra donc à trois mois au plus ; et encore je prends comme moyenne le maximum de la peine pour la première contravention, ce qui est beaucoup. En supposant donc que le nombre des condamnations reste le même, il y aura, par suite de la diminution de la peine, une réduction des trois quarts dans la dépense, c'est à-dire que la dépense descendrait de 600,000 à 150,000 fr.
(page 857) Il faut aussi tenir compte de ce que les pénalités plus sévères auront probablement pour effet de réduire le nombre de condamnations et que de ce chef il y aura encore pour les communes une réduction de dépenses ; en sorte qu'en définitive la dépense ne sera plus assez élevée pour justifier les plaintes qui se manifestent avec raison contre les charges qui résultent aujourd'hui pour les communes de l'entretien des reclus dans les dépôts de mendicité.
Mais, abstraction faite de la dépense, y a t-il lieu de sublever les communes de ces frais d'entretien ? La section centrale ne l'a pas cru et elle est d'accord sur ce point avec toutes les autorités qui, depuis trente-deux ans, ont examiné de près cette question.
La répression de la mendicité touche intimement à la charité. Pour prévenir la mendicité, comme l'a dit M. Kervyn lui-même, le moyen le plus efficace, c'est l'instruction, l'éducation des enfants, c’est l'apprentissage, le patronage, c\st de procurer aux indigents des secours à domicile en temps utile. Mais ces différentes charges à qui incombent-elles ? A la commune. Ce n'est pas l'Etat qui peut se charger de surveiller l'instruction, l'éducation, le patronage des enfants ; ce n'est pas l'Etat non plus qui peut en temps utile donner des secours à domicile dans les moments de crise industrielle, en cas d'accidents ; ce n'est pas l'Etat non plus qui peut provoquer la charité privée à venir au secours de ces misères. C'est la commune qui doit le faire.
C'est encore la commune qui doit avoir intérêt à faire sortir le plus tôt possible les indigents des dépôts de mendicité en leur procurant des moyens d'existence.
Si vous mettez à charge de l'Etat les frais d'entretien des détenus dans les dépôts d : mendicité, la commune, au lieu d'avoir intérêt à dépenser de l'argent pour l'éducation, l'apprentissage, le patronage, l'assistance de ses habitants, aura intérêt au contraire à les faire mendier, à les faire condamner, pour que les frais dont elle est chargée retombent sur l'Etat et qu'elle en soit sublevée elle-même.
Il en résulterait une aggravation considérable des frais d'enteetien des mendiants et des vagabonds. La commune n'ayant plus intérêt à prévenir la mendicité et le vagabondage, à faire cesser la détention, à la rendre la plus courte possible, les détentions deviendront plus longues et en définitive ce sera le contribuable qui payera cette aggravation de charges.
Aussi, je le répète, toutes les autorités qui ont examiné sérieusement cette question ont été d'avis de maintenir ce qui existe et de laisser les frais d'entretien à la charge des communes.
J'aborde maintenant l'examen des observations présentées par l'honorable M. Lelièvre. Cet honorable membre demande dans quels cas, dans quelles conditions il y aura récidive. Le projet ne disant rien à cet égard, a voulu maintenir le droit commun, c'est-à-dire qu'il y a récidive lorsque le fait nouveau se reproduira dans les 12 mois qui suivront la mise en liberté du délinquant. Ce sont là les principes généraux et nous n'avons rien voulu y modifier.
Qui sera juge, dit encore l’honorable M. Lelièvre, dans les cas de l'article 5 du projet de la section centrale qui punit les personnes qui font mendier les enfants ? Dans l'opinion de la section centrale, ce sera le juge de paix, qui est juge dans tous les cas en cette matière.
Je reconnais qu'jl peut être utile de l'indiquer dans un amendement à l'article 5, parce que la peine, édictée par cet article étant supérieure à celles que le juge de paix a pour attributions d'appliquer, il pourrait exister certains doutes à cet égard.
L'honorable M. Lelièvre critique le projet de la section centrale en ce que, au lieu de rendre l'arrestation obligatoire, il la rend facultative pour la police. Je ne conçois pas que l'on puisse craindre que la police abuse de la faculté de ne pas arrêter. Je comprendrais les craintes contraires, je comprendrais qu'on pût hésiter à mettre entre les mains d'agents subalternes cette faculté d'arrêter le premier veau, Qu'a fait la section centrale ? Elle a donné à la police elle-même la faculté de ne pas arrêter ; cette faculté ne peut donner lieu à aucun inconvénient ; la police n'en usera que très rarement et dans des circonstances exceptionnelles. Ces circonstances doivent exister ; le projet de gouvernement lui-même reconnaît que dans certains cas le fait de mendicité est si peu coupable que le juge de paix est autorisé à n'appliquer qu'une peine de simple police, un ou deux francs d'amende, et dans cette circonstance vous obligeriez la police à arrêter ! Elle ne pourrait dresser procès-verbal, d'après le projet de loi du gouvernement, qu'à la condition d'arrêter le contrevenant.
Eh bien, qu'arriverait-il si cette disposition est admise ? C'est que l'agent de police, lorsqu’il existera des circonstances atténuantes, fera subir une détention préventive imméritée, ou bien fermera les yeux sur la contravention et ne dressera pas procès-verbal pour ne pas devoir arrêter.
Le projet de la section centrale rend donc la répression à la fois plus juste et plus certaine, dans les cas que je viens de citer, en n'obligeant pas l'agent de police à arrêter dans ces circonstances.
D'un autre côté, il peut arriver qu'un agent de police constate un fait de mendicité au moment où il est occupé d'une mission plus importante que celle de conduire un mendiant dans la prison la plus voisine. S'il se trouve dans cette circonstance et qu'il faille absolument arrêter pour verbaliser, il ne verbalisera pas. Le projet de la section centrale en permettant à l'agent de verbaliser, sauf à n'arrêter qu'après la condamnation prononcée par le juge de paix, rend donc encore dans ce cas la répression plus certaine.
Quant à moi, je le répète, je ne crois pas qu'il puisse y avoir le moindre inconvénient à laisser à la police la faculté de ne pas arrêter. On peut être certain qu'elle n'en abusera pas.
Enfin, l'honorable M. Lelièvre a critiqué la disposition de l'article 12 du projet de la section centrale, disposition qui permet à la commune qui a payé les frais d'entretien de se les faire rembourser par le reclus et qui la subroge dans les droits qu'aurait eus le reclus à l'époque de sa détention, en vertu des articles 203 à 208 du Code civil
Je ferai remarquer d'abord qu'une disposition analogue se trouve déjà dans l'article 13 de la loi de 1845.
M. Lelièvre. - Je l'ai approuvée.
M. Dewandre, rapporteurµ. - J'avais compris que vous aviez critiqué cette disposition.
M. Lelièvre. - Pardon ; je l'ai approuvée au contraire, et sans aucune réserve.
M. Dewandre, rapporteurµ. - Nous sommes donc d'accord, et je n'ai pas à insister sur ce point.
L'honorable M. Julliot a plutôt discuté les principes de la loi sur le domicile de secours que le principe de la loi qui nous occupe. Je n'ai oanc pas à rencontrer cette partie de son discours.
Il demande la suppression immédiate des dépôts de mendicité, si je l'ai bien compris. Mais il existe une impossibilité de fait : s'il y avait partout des prisons cellulaires, si le gouvernement avait déjà pu constater les résultats qu'il espère obtenir par l'emploi de la détention cellulaire contre la mendicité et le vagabondage, peut-être viendrait-il nous proposer la suppression des dépôts de mendicité. Mais aussi longtemps que cette expérience n'aura pas été faite d'une manière complète et aussi longtemps qu'il n'y aura pas partout des prisons cellulaires, il faudra bien que les dépôts de mendicité soient conservés, sauf, comme le dit le gouvernement dans son exposé des motifs, à les supprimer successivement, à en diminuer le nombre pour finir par les supprimer complètement quand on aura pu les remplacer par d'autres établissements où pourraient être détenus des reclus invalides, et ainsi que le prévoit l'une des dispositions du projet de loi qui vous est soumis.
M. Kervyn de Lettenhove. - L'honorable rapporteur de la section centrale a bien voulu me reprocher d'avoir confondu les articles 274 et 275 du code pénal. D'après lui, l'article 275 s'occupe des mendiants d'habitude et rien de semblable n'existe dans l'article 274.
Je dois faire remarquer que tous les criminalistes, car il y a à peine deux ou trois exceptions, déclarent d'une manière générale qu'il n'y a délit de mendicité que lorsqu'il y a habitude.
Ainsi, MM. Chauveau et Hélie s'occupant de ce même article 274 du Code pénal, article qui, d'après l’honorable rapporteur, serait reproduit dans le travail du gouvernement et de la section centrale, déclarent qu'il n'y a de délit de mendicité qu'autant que l’habitude est constatée.
Sur ce point, MM. Chauveau et Helie sont formels et du même avis que tous les criminalistes qui jouissent de la plus grande autorité.
Sur un autre point, l'honorable rapporteur de la section centrale ajoute que lorsque je demandais pour le condamné récidiviste la faculté de s'expatrier afin de chercher du travail en pays étranger, je réclamais une chose qui existe déjà en vertu de l'article 2 de la loi du 3 avril 1848.
J'ai à faire remarquer à l'honorable M. Dewandre que l'article 2 de cette loi donne seulement à l'administration communale le droit d'obtenir la mise en libertés des indigents qui se trouvent dans les dépôts de mendicité, tandis que ma proposition avait une portée toute différente : il s'agissait de permettre au contraire dans mon système de s'affranchir de la détention cellulaire en prenant l’engagement de passer un temps plus considérable en pays étranger.
(page 858) Il n’y a donc pas d'assimilation possible entre l'article 2 de la loi de 1848 et ce que j'ai eu l'honneur de proposer.
Lorsque j'insistais sur la nécessité de retenir pendant un temps plus ou moins prolongé les jeunes gens qui sont envoyés dans les maisons pénitentiaires agricoles, l'honorable rapporteur a fait également observer que cela était déjà prévu par le projet de loi, puisque d'après l'article 5 « par dérogation aux articles 1 et 4, les mendiants et les vagabonds placés dans les écoles de réforme pourront y être retenus jusqu'à l'époque où ils auront accompli leur vingtième année. »
Une objection bien sérieuse peut être faite à cet article : il en résulterait, en effet, que celui qui n'aurait été condamné qu'à un emprisonnement d'un à 7 jours et qui aurait été mis à la disposition du gouvernement pour un terme qui au minimum ne serait que de 15 jours pourrait être retenu pendant plusieurs années dans une école de réforme.
Il en serait ainsi, par exemple, d'un individu de 15 à 16 ans et que après une condamnation à un emprisonnement d'un à 7 jours aurait été mis à la disposition du gouvernement pendant 15 jours seulement. Cela me paraît exorbitant.
L'honorable rapporteur a insisté aussi sur l'inexactitude des chiffres que j'ai cités.
J'ai fait connaître, dans une note annexée au rapport de la section centrale, que je comprenais dans ces chiffres les frais d'entretien des aliénés, ainsi que des sourds-muets et aveugles.
En effet, dans la statistique officielle décennale du royaume, les dépôts de mendicité sont réunis aux établissements d'aliénés, de sourds-muets et aveugles, et le chiffre total de 1861 est de 2,486,000 fr.
J'ai peine à comprendre que la part des aliénés, des sourds-muets et des aveugles soit aussi considérable que cela résulterait de l'observation de l'honorable M. Dewandre.
En effet, dans le rapport de la commission instituée en 1847, on insistait longuement sur les frais énormes que l'entretien des indigents dans les dépôts de mendicité occasionnait aux communes, et je remarque qu'en 1853, la somme que les communes étaient en retard de payer de ce chef s'élevait à 600,000 francs, ce qui me porterait à croire que la somme annuelle payée par les communes doit être plus considérable que ne le pense l’honorable M. Dewandre,
L'honorable rapporteur a fait une autre observation que je dois rencontrer. Il s'est efforcé de réfuter ce que j'ai dit à la Chambre relativement à la répression des délits en ce qui touche les mendiant et les vagabonds valides, par cette considération que le grand remède à cet état de choses, c'est la charité. Or, la charité, d'après l'honorable M. Dewandre, est essentiellement communale, et c'est par la charité communale qu'il faut combattre la mendicité.
Cette observation me paraît excessivement juste, si elle se rapporte à la mendicité des indigents non valides ; mais s'il s'agit de cet état de fainéatiise et de vagabondage que j'ai défini tout à l'heure, comme aussi menaçant qu'incorrigible, la charité communale est complètement impuissante ; et c'est dans ce cas-là que je désire l'intervention de l'Etat, parce que c'est l’intervention de l’Etat qui sera seule assez efficace, assez énergique, assez continue.
L'honorable rapporteur ajoute :
« Mais, qu'en résultera-t-il ? C'est qu'il y aura des détentions nombreuses et, partant, des frais plus considérables. »
Si ces détentions sont nombreuses, il faudra, messieurs, s'en applaudir ; elles fourniront la preuve que cette pépinière de vices et de désordre sera plus sévèrement réprimée.
L'honorable rapporteur ajoute encore :
« Qu'arrivera-t-il ? C'est que l'Etat payera tous les frais, et l'Etat c'est l'agrégation de toutes les communes. »
L'honorable rapporteur ne remarque pas que lorsqu'il s'agit d'une question d'intérêt général, il est de toute justice que toutes les communes assument leur part des charges. Mais ce qui constitua aujourd'hui l'injustice, c'est qu'il y a des communes qui payent énormément, tandis que d'autres ne payent presque rien, c'est que les communes qui payent énormément, acquittent cette charge pour les individus sur lesquels elles n'ont aucune action.
Eh bien, messieurs, c'est une injustice que je voudrais voir cesser ; il me semble que la répression sévère, énergique, puissante de la mendicité exercée par des individus valides rentre dans l'ordre des devoirs et des obligations de l'Etat.
Je le répète, la mendicité et le vagabondage auxquels se livrent des individus valides, constituent un péril pour la société. Il y a là un délit, source prochaine d'autres délits, qui menace la société tout entière par ses conséquences et ses faits aggravants, c'est par ce motif que je persiste à penser qu'il appartient à l’Etat de veiller sévèrement à ce qu'il soit réprimé et en même temps d'accepter la charge de tous les frais qu'entraînera cette répression.
MjTµ. - Messieurs, l'honorable M. Rodenbach a manifesté le désir de voir supprimer complètement les dépôts de mendicité ; il nous a affirmé que ces établissements n'avaient produit que du mal et que, bien loin de réprimer la mendicité et le vagabondage, ils les avaient développés dans de très grandes proportions.
Je ne défendrai pas les dépôts de mendicité, dont je suis très peu partisan. Je dois dire cependant que toutes les affirmations de l'honorable M. Rodenbach ne sont pas entièrement exactes, et qu'elles ne sont pas confirmées par les chiffres.
Au 1er janvier 1865, le nombre des reclus dans les dépôts de mendicité était moins grand qu'il ne l'était au 1er janvier 1840, et cependant l'augmentation de la population a été, comme chacun le sait, assez considérable depuis 1840.
Ainsi, au 1er janvier dernier, les dépôts de mendicité réunis ne renfermaient qu'une population de 2,434 reclus, tandis qu'au 1er janvier 1840, le nombre des reclus était de 3,117.
Depuis 1840, il a été à certaines époques beaucoup plus élevé ; ainsi, en 1846, il était de 4,997 ; en 1855, il était de 4,167 ; bref, au 1" janvier 1865, il était descendu à 2,434, malgré l'augmentation de la population.
J'ai la conviction que lorsque la nouvelle loi sera en vigueur, ce chiffre diminuera encore d'une manière notable.
L'honorable M. Rodenbach nous a parlé des établissements communaux dans lesquels les mendiants et les vagabonds sout entretenus à des prix extrêmement modiques.
Je ne veux pas entrer dans le détail de ces chiffres. Il est très facile d’établir que les mendiants et les vagabonds sont entretenus, dans certains établissements, à des prix peu élevés ; mais cela dépend de la manière dont le compte est fait. Si, par exemple, on ne fait pas état des frais d'établissement, du prix des propriétés qui y sont affectées ; si l'on n'a pas égard aux dons volontaires, évidemment ou peut fixer des prix très modérés ; mais, si l'on tient compte de tout, il est impossible de prétendre qu'on entretiendra un individu pour 15 à 18 centimes par jour.
Du reste, rien n'empêche les communes et les hospices de créer de semblables établissements.
- Un membre. - Il y a beaucoup de bureaux de bienfaisance qui ont créé des institutions de ce genre.
MjT. - Je les en félicite, le gouvernement secondera leurs efforts autant que possible. Nous n'avons pas de parti pris ; et si les communes parviennent à entretenir chez elles leurs mendiants, elles auront rendu un grand service à la société.
L'honorable M. Julliot s'est occupé de la loi sur le domicile de secours. Les dispositions relatives au domicile de secours fout l'objet d'une loi spéciale de 1845. Le projet de loi que nous discutons ne s'occupe que des dépôts de mendicité et des moyens propres à faire disparaître les abus contre lesquels on a tant de fois réclamé dans les deux Chambres. Je n'ai pas compris dans le projet ce qui est relatif au domicile de secours pour ne pas en retarder la présentation, car une loi sur cette matière est plus difficile à faire que celle qui est en ce moment soumise à vos délibérations.
M. de Theuxµ. - Avez-vous l'intention d'en présenter une ?
MjTµ. - On n'a pas cessé de travailler à ce projet ; les nombreux travaux législatifs auxquels mon département a dû se livrer, ont seuls empêché qu'il ne fût terminé. Il est impossible de tout faire à la fois.
Nous mettrons la dernière main au projet de loi sur le domicile de secours, lorsque nous aurons présenté le projet de loi sur les sociétés à responsabilité limitée .
Messieurs, après les observations qui ont été présentées par l'honorable rapporteur de la section centrale, il me reste très peu de chose à répondre à l'honorable M. Kervyn. Dans le second discours qu'il vient de prononcer, l'honorable membre s'occupe d'abord des articles 274 et 275 du Code pénal, et il regrette que le projet, s'écartant en cela de la jurisprudence, punisse le fait de la mendicité, sans exiger l'habitude de la mendicité.
Je ne discuterai ni la doctrine, ni la jurisprudence ; mais en admettant que la jurisprudence et la doctrine soient conformes à l'opinion que vient de soutenir l'honorable M. Kervyn, je pense que la loi ne doit pas consacrer ce principe.
(page 859) Et en effet vouloir, pour réprimer la mendicité, qu'il y ait habitude de mendier, n'est-ce pas permettre au vice de se développer avant de le réprimer ?
Il y a là quelque chose qui me frappe. En exigeant qu'il y ait habitude de mendier pour qu'une peine soit encourue, vous favoriseriez le développement de la mendicité.
Il faudrait donc que celui qui mendie en fût déjà au point où l'amendement est bien difficile, sinon impossible, pour que l'action de la loi pût se faire sentir.
Cela ne me paraît pas admissible. Je crois qu'il faut au contraire, par une première répression, empêcher que le vice n'aille en se développant.
La seconde observation qu'a faite l'honorable M. Kervyn est relative à la proposition qu'il a soumise à la section centrale de laisser à l'individu condamné à la détention la faculté de se soustraire par l'expatriation à l'emprisonnement prononcé contre lui.
Ce système, je ne puis pas l'admettre et, cela paraîtra peut-être singulier, s'il était bon, s'il devait produire des effets, j'en voudrais moins encore que s'il était mauvais.
En effet, si le système est bon, tout le monde l'emploiera, et nos voisins les premiers. Je laisse de côté la question de savoir s'il est bien conforme au droit des gens d'envoyer chez nos voisins les individus qui nous gênent chez nous. Je ne sais pas si cela est bien conforme aux principes, mais laissant cette question de côté, si ce système réussit pour nous, il réussira aussi pour les autres pays. Or, la Belgique, qui est située au centre de l'Europe, et qui est le pays le plus riche du monde entier, si vous tenez compte de son étendue, serait envahi par les mendiants étrangers si les autres pays adoptent la même législation. Si vous envoyez vos mendiants chez nos voisins et si de cette manière vous parvenez à faire disparaître cette plaie chez vous, les autres pays en useront de la même manière ; et par conséquent, bien loin d'avoir produit un bien, d'avoir trouvé quelque chose qui soit de nature à remédier à la situation que nous déplorons, vous aurez produit un mal véritable.
Quant à la question de savoir par qui doivent être supportés les frais de répression, je n'hésite pas à dire que c'est par les communes.
L'honorable, M. Dewandre vous en a dit les raisons et ces raisons sont péremptoires. Il est bien certain que le délit de mendicité et de vagabondage est un délit en quelque sorte sui generis qui se distingue des autres délits, notamment par sa cause, l'indigence. Eh bien, n'est-ce pas à la commune plutôt qu'à l'Etat qu'il appartient de faire disparaître cette cause ? N'est-ce pas à la commune par les secours donnés à temps, par la charité, comme on l'a dit, par l'éducation, par l'instruction surtout, par la surveillance qu'elle doit exercer, n'est-ce pas à la commune à prévenir la mendicité et le vagabondage des individus valides ?
L'honorable M. Kervyn dit : Mais la commune n'a pas d'action sur les individus valides. J'admets la responsabilité de la commune pour les enfants et pour les hommes non valides.
La commune a cependant une action sur la plupart des individus avant qu'ils soient devenus valides, lorsqu'ils sont enfants, et si, à cette époque, la commune prend toutes les mesures que ses attributions lui permettront de prendre, elle diminuera certainement le nombre des individus valides qui se livrent à la mendicité et au vagabondage. Si la commune était sûre que l'individu qui a atteint quatorze ans ne peut plus lui occasionner aucune espèce de dépenses, que les charges retombent sur l'Etat, elle pourrait négliger ses devoirs ; elle les remplira avec soin lorsqu'elle saura que si elle ne prend pas l'enfant en bas âge, si elle ne lui inculque pas de bons sentiments, si elle ne l'habitue pas au travail, elle devra l'entretenir plus tard soit au dépôt de mendicité, soit à l'établissement de réforme, soit à la prison pénitentiaire.
L'honorable M. Kervyn nous a dit : Il n'y a que l'intervention de l'Etat qui puisse être efficace. Mais l'intervention de l'Etat existe dans les deux systèmes. L'intervention de l'Etat est aussi puissante lorsque la commune paye, qu'elle le serait si l'Etat payait lui-même. Ainsi l'intervention de l'Etat est certaine, est efficace. L'Etat fera saisir l'individu, il le fera condamner, il le fera mettre en prison. Il n'y a de différence que quant au payement. L'Etat jugera, réprimera ; mais les frais de répression seront à la charge des communes, et cela doit être pour les raisons qui ont été indiquées.
L'honorable M. Kervyn a encore fait une observation relativement à l'article 5 qu'il a trouvé dangereux, injuste jusqu'à un certain point. Cet article dit que les mendiants et vagabonds, placés dans les écoles de réforme, pourront y être retenus jusqu'à l'époque où ils auront accompli leur vingtième année.
L'honorable M. Kervyn croit que c'est laisser à l'Etat une latitude trop grande. Il craint qu'un individu qui n'aura encouru que quelques jours d'emprisonnement ne puisse être séquestré pendant des années entières.
Je ferai remarquer à l'honorable M. Kervyn que cette disposition ne fait que reproduire une règle qui est inscrite dans la législation actuelle. Ainsi, dans la loi sur les dépôts de mendicité du 3 avril 1848, voici ce que je lis :
« Par exception à l'article 4, les enfants et les jeunes gens entrés volontairement ou transférés dans ces établissements à la suite d'une condamnation du chef de mendicité ou de vagabondage, y seront retenus pendant six mois au moins, s'ils y sont pour la première fois, et au moins pendant un an, s'ils y sont entrés plus d'une fois.
« A l'âge de 18 ans accomplis, ils seront transférés dans les dépôts destinés aux adultes, si le ministre de la justice n'a pas autorisé la continuation de leur séjour dans les établissements spéciaux. »
Vous voyez que déjà, aujourd'hui, le gouvernement a la même latitude, et jusqu'à présent aucun abus n'a été signalé.
Du reste, je puis affirmer à la Chambre que toutes les fois que cela peut se faire sans inconvénient, le gouvernement relâche les individus qui se trouvent, soit dans les dépôts de mendicité, soit dans les écoles de réforme.
Bien loin de chercher à les retenir trop longtemps, on est tout disposé à les laisser sortir pour que les charges qui incombent aux communes soient diminuées d'autant.
Messieurs, il existe un dissentiment entre le gouvernement et la section centrale relativement à l'article premier. Il s'agit de savoir si l'arrestation doit toujours avoir lieu ou si elle doit être facultative. Ji m'en expliquerai demain lorsque nous examinerons l'article premier.
- La séance est levée à quatre heures et demie.